Qu’on nous pardonne ces graves rêveries qu’ont amenées insensiblement et que justifient peut-être ces idées si contrastantes de Rome et de journaux, ce bruyant passé d’hier et cet antique et auguste passé tous les deux à leur manière presque sans histoire ; la Ville éternelle en partie douteuse et ses cinq201 siècles de grandes ombres, la société moderne avec sa marche accélérée, conquérante ; ses mille cris assourdissants de triomphe, et son bruit perpétuel de naufrage !
XIV Ce fut dans les studieux loisirs de cette éducation royale qui portait forcément son esprit sur la philosophie des sociétés, que Fénelon composa secrètement en poëme le code moral et politique des gouvernements.
Mais emporté par son admiration pour les modèles anciens, obéissant à un goût tout intellectuel que lui inspirait la société où il vivait, il entreprit d’écrire des discours moraux.
De plus, écrivant pour un public d’élite, asservissant son inspiration au goût de ses lecteurs, il ouvre l’ère de la littérature mondaine, il fait prédominer les qualités sociables sur la puissance intime de la personnalité ; avec lui commence le règne — salutaire ou désastreux comme on voudra, ou mêlé de bien et de mal — d’une société polie.
Puis il eut, comme Jean Servien, comme beaucoup d’écrivains et d’artistes dans notre société démocratique où si souvent le talent monte d’en bas, une jeunesse pauvre, dure, avec des amours absurdes, des désirs démesurés, des aspirations furieuses vers une vie brillante et noble, des déceptions, des amertumes.
C’est par-là que les jeux de hasard nous piquent ; ils nous font voir une suite continuelle d’événemens non attendus ; c’est par-là que les jeux de société nous plaisent ; ils sont encore une suite d’évenemens imprévûs, qui ont pour cause l’adresse jointe au hasard.
Facilité, pétulance, esprit jaillissant et intarissable, art de plaire, flatteries qui ont l’air d’amitiés caressantes, louanges qui demandent du retour, art d’occuper les autres de soi sans les en fatiguer, et d’intéresser leur vanité à sa gloire ; toutes les grâces du langage poli dans la patrie de la société, comme Voltaire appelle Paris : c’est la France elle-même en coquetterie avec toutes les nations civilisées.
Et ne serait-ce qu’en artiste épris d’harmonie, il voudrait que l’humanité marchât vers la paix, et son sens de la chose distinguée ne peut renoncer à l’espoir de voir la société s’éprendre d’une moyenne normale de faits moraux.
Selon votre vieille et bonne manière d’entendre les choses, la littérature n’est pas seulement ce qui s’écrit ; le grand politique qui résout avec éclat les problèmes de son temps, l’homme du monde qui représente bien l’idéal d’une société brillante et polie, n’eussent-ils pas écrit une ligne, sont de votre ordre.
Il se résume en un petit jeu de société et de théâtre dont l’ingénieuse simplicité n’échappera à personne : La scène se passe en 1885-86.
Il croit avoir des principes, il n’a que des indications fugitives, des complaisances ou des répugnances de société, et il s’y abandonne tout entier.
Il s’adonne aux petits théâtres, aux théâtres forains, et fait seul ou en société une centaine au moins de petites pièces qui représentent assez bien en germe, ou déjà même au complet, ce que sont aujourd’hui les vaudevilles, les opéras-comiques, nos pièces des Variétés et des Boulevards.
C’est l’honneur, disons-le hautement, c’est le rachat moral de Mirabeau d’avoir ainsi souffert, d’avoir été homme en tout, non seulement par ses fautes, par ses entraînements, et, nommons les choses à regret, par ses vices, mais aussi par le cœur et par les entrailles ; d’avoir été pauvre et d’avoir su l’être ; d’avoir été père et d’avoir pleuré ; d’avoir été laborieux comme le dernier des hommes nouveaux ; d’avoir été captif et persécuté, et de n’avoir point engendré le désespoir, de ne s’être point aigri ; d’avoir prouvé sa nature ample et généreuse en sortant de dessous ces captivités écrasantes, à la fois dans toute sa force et dans toute sa bonté et même sa gaieté, ni énervé, ni ulcéré, sans ombre de haine, mais résolu à conquérir pour tous, à la clarté des cieux, les droits légitimes et les garanties inviolables de la société libre et moderne.
Voici encore « le progrès des lumières — les progrès de notre décomposition sociale — le progrès incessant vers l’avenir » ; dans ce monde-là il n’est question que de « mettre le fer rouge sur nos plaies — sur le chancre qui nous dévore — sur la gangrène du parlementarisme » ; en 1840, on conseillait « d’extirper la gangrène jésuitique qui ronge la société ».
Une sorte de parti pris gigantesque, la mesure habituelle dépassée, le grand partout, ce qui est l’effarement des intelligences médiocres, le vrai démontré au besoin par l’invraisemblable, le procès fait à la destinée, à la société, à la loi, à la religion, au nom de l’Inconnu, abîme du mystérieux équilibre ; l’événement traité comme un rôle joué et, dans l’occasion, reproché à la Fatalité ou à la Providence ; la passion, personnage terrible, allant et venant chez l’homme ; l’audace et quelquefois l’insolence de la raison, les formes fières d’un style à l’aise dans tous les extrêmes, et en même temps une sagesse profonde, une douceur de géant, une bonté de monstre attendri, une aube ineffable dont on ne peut se rendre compte et qui éclaire tout ; tels sont les signes de ces œuvres suprêmes.
— Tout indigène convaincu de puberté est incorporé — de gré ou de force — dans une société savante ou académie.
Probablement et d’après ce qui se pratiquait par une sorte d’échange entre la Barbarie et la Civilisation, tandis que Aétius faisait ses premières armes chez les Huns, Attila faisait les siennes chez les Romains, étudiant les vices de cette société comme le chasseur étudie les allures d’une proie : faiblesse de l’élément romain et force de l’élément barbare dans les armées, incapacité des empereurs, corruption des hommes d’État, absence de ressort moral sur les sujets, en un mot, tout ce qu’il sut si bien exploiter plus tard et qui servit de levier à son audace et à son génie. » La phraséologie moderne à part, il y a l’éclair du vrai dans ces paroles.
Produit d’une société qui a ses misères à côté de ses grandeurs et ses vices intellectuels à côté de ses vertus sensibles.
Quand donc on se place en dehors des Mystiques et de la Légende, Dante est le seul poète littéraire de l’enfer, et nous sommes si loin, pour notre compte aussi, de la notion du Moyen Age, que nous admettons son poème comme chrétien, à ce franc-maçon des sociétés secrètes de son temps, à ce carbonaro anticipé, qui avait lu saint Thomas et qui ne pouvait s’en défendre, — et que nous lui faisons l’honneur de trembler deux fois devant lui, — devant ses inventions et devant son génie !
Ce séjour sous un ciel plus tempéré, dans une société moins violente, devait lui inspirer d’autres chants.
Sa popularité actuelle est donc un heureux symptôme de révolte contre la menace d’une évolution purement ploutocratique de la société contemporaine. […] Le salut de la société veut que ses sentences ne soient pas souvent réformées. » Faut-il que M. […] Le « Khalife » est nommé maire de cette commune et fonde une société financière, afin d’exécuter des travaux qui accroîtront la prospérité de Ben-Nezouh, en respectant son caractère et sa beauté. […] Sur de nouvelles lois, la société va revivre. […] Pour lui, une société est belle en raison de la quantité de vie qu’elle manifeste (comme s’il n’y avait pas plus de vie vraie dans l’harmonie consciente des Panathénées que dans le grouillement des bals de carrefour).
Nous sommes dans une petite société très intelligente, mais très brutale encore, où sévit la vendetta. […] Ce sera la mode, un peu après lui, de célébrer l’homme des bois, le sauvage candide, dont on opposera la simplicité et le droit sens aux hypocrisies et aux corruptions des sociétés policées : caprice d’un monde blasé qui éprouve le besoin de boire du lait. […] Enfin, dans la pensée des sociétés primitives, la femme est serve et sujette ; elle appartient à l’homme, elle est sa chose. […] Notez qu’en l’épousant il n’accomplira pas seulement un acte profitable, mais un acte moral, du moins selon les idées de la société où il vit. […] Louis Depret, que j’emprunte à son petit livre : De part et d’autre, et qui me paraît d’une nouveauté profonde : « Il y a bien plus de personnages de convention dans la nature et dans la société que dans l’art.
Il supprime ainsi le contrepoids que la nature et la société ont mis aux injustices et aux mauvais instincts ; et la vie dont il nous présente le tableau en devrait être déséquilibrée. […] C’était le moment où Byron, indignement traité par la société dont il avait été l’idole, se préparait à secouer magnifiquement la poussière de ses pieds sur l’Angleterre. […] Plus on étudie la société française du xixe siècle, plus on est étonné du rétrécissement d’horizon dans la bourgeoisie arrivée au pouvoir, de la défiance que lui inspire toute initiative et de l’égoïsme sentimental dont elle opprime ses enfants. […] Alors, pour peu qu’on ait le goût des rêves et des conjectures, il est possible de recomposer toute une société morte et permis de supposer beaucoup de choses qui n’existent plus, en fait d’art comme en fait de galanterie. […] Introduiront-ils un peu plus de désordre dans la société, ou, au prix d’un dur sacrifice, rentreront-ils chacun dans la voie normale par la porte étroite ?
Pour peu que le génie de l’enfant s’y prête, il sort de là dans un parfait désaccord avec la société où il doit vivre, et tout disposé à mettre son Hoc erat in votis dans quelque belle élégie, quelque composition touchante, quelque comédie applaudie. […] « Je me rappelle, disait Fréron, l’avoir entendu dans une société déclamer ainsi toute sa tragédie de Fernand Coriez, qu’il avait entièrement composée de mémoire, et dont il n’avait pas encore écrit un seul vers. » Il se montait à lui-même la tête en récitant d’un air de rhapsode, et il se refusait ensuite aux corrections et observations des comédiens. — Mais Voltaire, lui disait-on, s’y prête bien et corrige. — « Il travaille en marqueterie, répondait Piron ; moi, je jette en bronze !
Ceci revient, encore une fois, à dire que l’Ode n’a plus de destination directe, d’occasion présente, de point d’appui dans la société. […] C’est que je voudrais qu’à tous ses mérites intrinsèques reposés et refroidis, elle joignît celui de s’appliquer à une nation, à une société, de la saisir à l’instant, à l’endroit qui l’intéresse, de prendre et de mordre sur elle, d’avoir le tact délicat, le génie de l’occasion, et de s’en servir ; en un mot, je voudrais qu’elle se sentît vivre, ne fût-ce qu’en naissant.
Il ne faut pas que j’aie compassion des victimes de la fourberie ; il ne faut pas que je m’indigne contre les fourbes ; si le poète laisse la moindre place à l’indignation ou à la pitié, c’en est fait de toute franche gaieté comique ; il ne me fait rire qu’à contrecœur ; je suis mécontent de moi-même, parce que je ris malgré moi, mécontent de sa société de coquins, parce qu’ils sont moins plaisants qu’odieux, mécontent de lui tout le premier, parce qu’il blesse ma conscience en m’amusant. […] Au genre prosaïque appartient la comédie vulgaire, celle qui est fondée sur la connaissance particulière des mœurs d’une société et sur la science générale de l’homme.
« L’amitié, ô mon ami, quand elle est ce qu’elle doit être, l’union des âmes, a cela de salutaire, qu’au milieu de nos plus grandes et de nos plus désespérées douleurs, elle nous rattache insensiblement et par un lien invisible à la vie humaine, à la société, et nous empêche, en notre misérable frénésie, de nier, les yeux fermés, tout ce qui nous entoure. […] « En ce temps-ci, où par bonheur on est las de l’impiété systématique, et où le génie d’un maître célèbre22 a réconcilié la philosophie avec les plus nobles facultés de la nature humaine, il se rencontre dans les rangs distingués de la société une certaine classe d’esprits sérieux, moraux, rationnels ; vaquant aux études, aux idées, aux discussions ; dignes de tout comprendre, peu passionnés, et capables seulement d’un enthousiasme d’intelligence qui témoigne de leur amour ardent pour la vérité.
Mais comment faire comprendre à des magistrats, hommes de la société polie, hommes mesurés, distingués, qu’il y a en France deux langages, celui qu’emploient les gens qui fréquentent les salons et celui qu’emploient les gens qui ne fréquentent que le trottoir et le zinc. […] Quand je pense à cela, je me sens plein d’estime pour Boileau Despréaux, mais il faut bien que je me dise que si un Boileau surgissait aujourd’hui, il serait mis au ban de la société littéraire.
c’est la jeune fille primitive, cueillie aisément à la surface et au courant de la nature humaine, l’être élémentaire sur lequel les femmes de toutes les sociétés et de toutes les civilisations sont bâties et travaillées. […] Tel qu’il est, pourtant, ce petit roman, qui, quand on le lit maintenant après des romans comme ceux de Balzac qui sont des mondes et des sociétés tout entières, paraît aussi fané, aussi pâli, aussi démodé que les rubans roses du corsage de Charlotte et que les culottes jaune serin de Werther, tel qu’il est, pourtant, c’est encore le meilleur des trois romans de Gœthe.
Le caractère prêtre est fait pour la solitude ; les ménagements, les abandons et les grâces, l’agrément et la douceur nécessaires à toute société lui font défaut ; on l’admire, mais on le plante là, surtout quand on est comme la femme de Milton un peu bornée et vulgaire442, et que la médiocrité de l’intelligence vient s’ajouter aux répugnances du cœur. « Il avait, disent les biographes, une certaine gravité de nature…, une sévérité d’esprit qui ne condescendait point aux petites choses », et le maintenait dans les hauteurs, dans une région qui n’est pas celle du ménage. […] C’est la vie des salons qui a dégrossi les hommes : il a fallu la société des dames, le manque d’intérêts sérieux, l’oisiveté, la vanité, la sécurité, pour mettre en honneur l’élégance, l’urbanité, la plaisanterie fine et légère, pour enseigner le désir de plaire, la crainte d’ennuyer, la parfaite clarté, la correction achevée, l’art des transitions insensibles et des ménagements délicats, le goût des images convenables, de l’aisance continue et de la diversité choisie. […] On commence par poser sa thèse, et Milton écrit en grosses lettres, en tête de son Traité du Divorce, la proposition qu’il va démontrer : « Qu’une mauvaise disposition, incapacité ou contrariété d’esprit, provenant d’une cause non variable en nature, empêchant et devant probablement empêcher toujours les bienfaits principaux de la société conjugale, lesquels sont la consolation et la paix, est une plus grande raison de divorce que la frigidité naturelle, spécialement s’il n’y a point d’enfants et s’il y a consentement mutuel. » Là-dessus arrive, légion par légion, l’armée disciplinée des arguments.
Quand vous avez donné à la société votre science, votre industrie, votre travail, votre argent, vous réclamez votre payement en jouissances du corps, de la raison et de l’imagination. Si vous récupérez la quantité de jouissances nécessaire pour rétablir l’équilibre de toutes les parties de votre être, vous êtes heureux, repus et bienveillants, comme la société sera repue, heureuse et bienveillante quand elle aura trouvé son équilibre général et absolu. […] Quelques-uns ne se sont appliqués qu’au choix des sujets ; ils n’avaient pas le tempérament de leurs sujets. — D’autres, croyant encore à une société catholique , ont cherché à refléter le catholicisme dans leurs œuvres. — S’appeler romantique et regarder systématiquement le passé, c’est se contredire. — Ceux-ci, au nom du romantisme, ont blasphémé les Grecs et les Romains : or on peut faire des Romains et des Grecs romantiques, quand on l’est soi-même. — La vérité dans l’art et la couleur locale en ont égaré beaucoup d’autres.
Il semble alors que la société, qui se sent atteinte dans ses petits mystères et ses coutumes clandestines par ces sortes de livres, ait l’instinct assez naturel de s’en défendre en en faisant ce qu’on appelle des livres à clé. […] La mort, la maladie, le couvent, l’exil, telle est la fin de cet étrange livre de cynisme, de fourberie, de libertinage, de ce livre plein de « sentiments feints et déguisés », d’actions scélérates, de gaietés terribles, de maximes impitoyables, de ce livre qui est un des tableaux les plus noirs”, qui aient été peints d’une société, car si l’Innocence y est représentée, n’est-ce point par cette Cécile de Volanges naïve, sensuelle, pervertie et niaise ; si l’Honneur s’y montre, n’est-ce pas en la personne de ce petit sot de Chevalier Danceny ? […] D’ailleurs, la société qu’il avait si brillamment dépeinte n’existait déjà plus dix ans après l’apparition de son livre. […] Balzac est d’ailleurs un des premiers à utiliser ce verbe, dans la préface qu’il écrit pour la première édition de Splendeurs et misères des courtisanes, où il prête à son œuvre l’objectif de « daguerréotyper » la société (voir Balzac, La Comédie humaine, VI, éd.
Une fois admis, on pouvait bâtir sur eux une société admirable. […] Aujourd’hui, maître de moi, je contribue à préparer le renversement de la société actuelle. […] Lorsque l’édifice vermoulu où grouille la société actuelle s’écroulera, ceux qui élaborent, en beauté, l’homme futur, sauront ainsi comment arracher leurs armes aux puissances avachies sous lesquelles notre race agonise. […] C’est au moment où les choses paraissent désespérées qu’ont lieu, souvent, des réveils imprévus. — Notre société est tellement vermoulue qu’elle peut s’écrouler au moindre choc.