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786. (1898) Impressions de théâtre. Dixième série

Seul l’amour des sens est égoïste jusqu’à la folie et jusqu’au crime ; seul il fait qu’on tue ou qu’on se tue. […] Seul dans la tourmente !  […] Seul, Jacques Dangy a quelque relief. […] Toi seul peux la rendre heureuse. […] Cela seul me rendrait la pièce vénérable.

787. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « M. DE LA ROCHEFOUCAULD » pp. 288-321

demain, ce soir, la seule vue d’une famille excellente et unie les dissipera. […] C’est tout ce qui n’est pas purement et simplement notre pensée propre et elle seule, tout ce qui n’est pas moi : fou, c’est le synonyme intime de toi. […] Mais prenez garde : l’irritation qui en résulte, si elle se prolonge, vaut à elle seule ce mal qui révolte, et l’opère en vous. […] Des lieux cités, la moitié est à rabattre, une moitié seule reste divine. […] Il n’y a pas un seul nom propre dans les Maximes de La Rochefoucauld ; pour un penseur de cette condition, c’eût été déroger.

788. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIIIe entretien. Poésie lyrique. David (2e partie) » pp. 157-220

… « Par le seul souffle de ses narines. […] » Théocrite est égalé par ces images ; mais dans Théocrite l’imagination seule est satisfaite. […] Dieu seul est roi ! […] » Et comme la figure de l’enthousiasme, la répétition, mise par lui en refrain dans la bouche du chœur ou du peuple, ajoute le retentissement d’une foule à l’accent jailli d’une seule âme ! […] Le seul bruit sensible, hors des murailles de Jérusalem, était la complainte monotone des femmes turques qui pleuraient leurs morts.

789. (1772) Éloge de Racine pp. -

Combien un seul principe lumineux embrassé par le génie avance en peu de temps sa marche vers la perfection ! […] le cid, la seule de ses pièces où l’amour produise quelque effet, bien plus par la situation que par les détails, le cid, qui fut le premier fondement de sa réputation, il l’avait pris aux espagnols. […] Quel homme que Burrhus qui ne prononce pas une seule sentence sur la vertu, mais qui lui prête un langage assez touchant, pour en faire sentir tous les charmes même à Néron ! […] Indépendamment des inimitiés personnelles qui avaient pu nuire à l’auteur, ne pourrait-on pas trouver dans la nature même de l’ouvrage les raisons de ce succès tardif que le temps seul a pu établir ? […] Joignez-vous aux disciples du bon siècle pour arrêter le torrent : encouragez l’étude des anciens, qui seule peut conserver parmi vous le feu sacré prêt à s’éteindre.

790. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Balzac » pp. 17-61

Le seul ouvrage dogmatique en matière d’élégance qu’ait l’Angleterre, le seul qui prescrive directement et enseigne, c’est le recueil des lettres de lord Chesterfield à son fils. […] Voilà la seule critique que nous adresserons à sa publication. […] La Fontaine, Molière, Voltaire, Beaumarchais, ne sont pas, comme on a l’air de le croire, les seuls descendants de cette espèce de Magna parens de l’esprit français et de sa littérature. […] Quel talent relève de soi seul ? […] Quand il s’agit d’un homme célèbre qui a marqué dans les œuvres de son temps, — et Balzac a fait plus que de marquer dans les œuvres du sien, — les ouvrages de cet homme n’importent pas seuls aux lecteurs.

791. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre VI. L’effort intellectuel »

Elles se ramènent toutes à une seule : Quelle est la caractéristique intellectuelle de l’effort intellectuel ? […] Le progrès n’est évidemment ici qu’une aptitude croissante à faire converger toutes les idées, toutes les images, tous les mots sur un seul point. […] L’esprit reste, comme nous Le disions, sur un seul et même « plan de conscience ». […] Comment procédons-nous pour apprendre tout seuls un exercice complexe, tel que la danse ? […] Mais il y a des cas où le développement du schéma en image est immédiat, parce qu’une seule image se présente pour remplir cet office.

792. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Histoire du roman dans l’Antiquité »

Qu’on me laisse un moment parler de ce roman ancien, le seul ou presque le seul que nous ait légué la littérature latine (car le livre de Pétrone n’est pas un roman proprement dit), qu’on m’en laisse parler comme je le ferais de tel ou tel de nos romans modernes. : il les vaut bien. […] Aristote tout seul n’y pouvait suffire. […] Il ne cessera de l’être, cet âne d’épaisse et malencontreuse encolure, et ne reprendra sa première forme que lorsqu’il aura mangé des roses ; c’est le seul remède. […] Tel est, avec Pétrone, le seul romancier latin que nous possédions. — Le genre du roman a donc son passé, et un assez beau passé sans doute, si surtout on le fait remonter jusqu’à l’Odyssée ; il a encore plus d’avenir. […] L’étude des sciences naturelles et physiques est la seule garantie efficace contre la crédulité.

793. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « M. Émile de Girardin. »

Son nom, connu de tous, éveille, dès qu’on le prononce, des passions en bien des sens et mille questions à la fois, des discussions de toutes sortes, politiques, sociales ; la seule question littéraire est absente et fait défaut, à ce qu’il semble. […] Il suffit, pour se sentir à l’aise en parlant de lui, de l’avoir rencontré souvent, de l’avoir trouvé si impartial envers les personnes, si oublieux de toute injure, si étranger à toute rancune, si oublieux des choses seules et des questions importantes, de celles du jour, de celles de demain, un esprit sincèrement, obstinément voué à la prédication des idées qu’il croit justes et utiles. […] Né clandestinement, nourri avec mystère dans un quartier désert de Paris, puis emmené et comme perdu dans une campagne de Normandie, ayant reçu les premiers, les seuls éléments indispensables du curé du lieu, il grandit librement, sans assujettissement aucun ni discipline, et arrivé à l’âge de sentir, il trouva à sa disposition, dans un château voisin, une bibliothèque de dix ou vingt mille volumes, composée en grande partie d’histoires, de romans. […] La morale a changé de nom ; elle s’appelle maintenant statistique : c’est de la comparaison seule des faits que la vérité doit désormais jaillir… » Tel est ce petit livre où l’on ne saurait méconnaître le talent et dans lequel, à défaut d’éclat et d’originalité de forme ou de style, il y a exaltation, chaleur, et même de l’éloquence. […] L’un, fier et chevaleresque, jetait le gant aux Gouvernements existants et se tenait debout, presque seul à la fin, dans une position étroite, difficile, contentieuse, se couvrant des habiletés et de la vigueur de sa plume, disputant le terrain pied à pied, sans rompre d’une semelle, comme on dit.

794. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire de la Grèce, par M. Grote »

Son procédé, dans ces premiers volumes de son histoire, est absolument neuf, et, selon moi, le seul satisfaisant. […] Questions obscures, sans doute insolubles, où l’érudition et l’ingéniosité peuvent se jouer à l’infini et conjecturer même avec toute sorte d’industrie et d’adresse, mais où les esprits nets et clairs, ceux « qui prennent pour règle l’évidence », les esprits de la lignée de Locke, de la famille des Gibbon, des Hallam, ne sauraient s’assurer d’un seul endroit guéable ni trouver où poser le pied. […] Il y eut donc un temps, on peut le concevoir, où la récitation, se trouvant être le seul mode de publication, était merveilleuse de durée, d’étendue et de fidélité, et il n’est pas invraisemblable d’admettre qu’il a pu exister, dès ce temps-là, de longs poëmes qui se sont transmis et conservés. […] Les cinq livres qui suivent le Catalogue des vaisseaux appartiennent à la guerre d’Ilion proprement dite ; on dirait qu’il y a eu d’abord une Iliade distincte et une Achilléide, qui se sont plus tard réunies et fondues en un seul poëme plus compréhensif. […] Et de loin, à la distance où nous sommes, et où était déjà un Solon ou un Pisistrate, ces deux grands Homères ne faisaient qu’un seul et même astre, qu’une étoile : il a fallu l’instrument des modernes pour les décomposer, pour découvrir que ce qui de loin paraissait simple, et qui le paraît encore à l’œil nu, n’est qu’une réunion, un rapprochent de deux astres, une étoile double.

795. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre X. Les sociales »

Mais, dans le bataillon même des sauveteurs, un seul homme s’est révélé : Picquart. […] Pour la vie matérielle, il suffirait de se rappeler « la loi de fraternité que, seule, pourra réaliser la mise en commun » des indifférentes richesses d’en bas. […] Il est très exigeant pour l’extérieur, qui seul lui importe et, si l’agitation romantique et le tremblement énorme du panache le font sourire, la raison classique lui semble manquer un peu de relief. […] Il songe à Tailhade et, par une illusion facilement explicable, donne comme une seule et même chose ce qu’il voudrait avoir et ce qu’il a réellement. […] Seules, les nobles constructions équilibrées donnent la joie qui dure.

796. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Lettres de la marquise Du Deffand. » pp. 412-431

Née d’une famille noble de Bourgogne, Mlle de Chamrond avait reçu une éducation très irrégulière, très incomplète, et ce fut son esprit seul qui en fit tous les frais. […] Elle cherchait donc autour d’elle cette ressource qu’une femme trouve bien rarement en elle-même et en elle seule. […] Il n’y a qu’un seul ouvrage qu’elle voudrait avoir fait, un seul, parce qu’il lui paraît, à tous égards, avoir atteint la perfection, et cet ouvrage est Athalie. […] Allez, allez, mon tuteur, c’est le seul bon philosophe et le seul bon métaphysicien qu’il y ait jamais eu. […] Je fais tous les jours la résolution d’être bonne, je ne sais si j’y fais des progrès… » Rapprochez de cela, en contraste, un de ces mots terribles comme elle en dit, à la manière de La Rochefoucauld : « Il n’y a pas une seule personne à qui on puisse confier ses peines sans lui donner une maligne joie, et sans s’avilir à ses yeux. » Eh bien !

797. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Mme du Châtelet. Suite de Voltaire à Cirey. » pp. 266-285

Un des défauts des générations nouvelles (lesquelles ont leurs qualités d’ailleurs, que je ne conteste pas), c’est de vouloir dater de soi seul, c’est d’être en général dédaigneux du passé, systématique, et, par suite, roide et rude, ou même un peu farouche. J’aimerais à voir la jeunesse s’apprivoiser et s’adoucir petit à petit à ce style plus simple, à ces manières de dire vives et faciles, qui étaient réputées autrefois les seules françaises. […] Elle fait actuellement la revue de ses Principes : c’est un exercice qu’elle réitère chaque année, sans quoi ils pourraient s’échapper, et peut-être s’en aller si loin, qu’elle n’en retrouverait pas un seul. […] Elle y parle très bien aussi, nudité à part, et d’une manière vive et sentie, de l’amour ; elle le proclame le premier des biens s’il est donné de l’atteindre, le seul qui mérite qu’on lui sacrifie l’étude elle-même. […] Et, se rabattant alors à une liaison moins égale et moins haute, elle estime que l’amour peut encore nous rendre heureux à moins de frais ; « qu’une âme sensible et tendre est heureuse par le seul plaisir qu’elle trouve à aimer ».

798. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Vauvenargues. (Collection Lefèvre.) » pp. 123-143

Pourtant, quand il vit sa santé détruite, ses espérances ruinées par là non moins que par les froideurs d’une Cour insensible au vrai mérite, il sentit que la seule ressource pour un esprit noblement ambitieux, c’était encore de se tourner du côté de « la gloire la moins empruntée et la plus à nous qu’on connaisse ». […] Dès qu’il le connaîtra mieux, le mot de génie va se mêler à tout moment et revenir sous sa plume à côté du nom de Vauvenargues, et c’est le seul terme en effet qui rende avec vérité l’idée qu’imprime ce talent simple, élevé, original, né de lui-même, et si peu atteint des influences d’alentour. […] Cette édition est la seule que Vauvenargues ait donnée lui-même ; il mourut l’année suivante, pendant qu’on imprimait la seconde. […] Il y rend au mot vertu son sens magnifique et social : Le mot de vertu emporte l’idée de quelque chose d’estimable à l’égard de toute la terre… La préférence de l’intérêt général au personnel est la seule définition qui soit digne de la vertu, et qui doive en fixer l’idée. […] Si les vices vont quelquefois au bien, c’est qu’ils sont mêlés de vertus, de patience, de tempérance, de courage ; c’est qu’ils ne procèdent pas en certains cas autrement que la vertu même ; mais, réduits à eux seuls, et s’ils se donnent carrière, ils ne sauraient tendre qu’à la destruction du monde.

799. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La Harpe. » pp. 103-122

Il est le seul des enfants de J. […] Pourtant les esprits éclairés d’alors, Grimm, Diderot, les autres esprits aiguisés par la rivalité et par la pratique de l’art, tels que Le Brun, distinguent très bien ses côtés faibles, communs dans leur fade élégance, et nous dénoncent en détail ses défauts que le temps en marchant a confondus aujourd’hui dans un seul, l’insipidité mortelle et l’ennui. Je dis cela de tous les ouvrages de La Harpe en vers, soit qu’ils s’intitulent Warwick ou Mélanie, soit même qu’ils aient, comme dans Philoctète, une intention de goût plus sévère, mais à laquelle la vraie simplicité savante a manqué ; soit que l’auteur se joue d’un air plus léger, et qui vise au gracieux, dans des poèmes tels que Tangu et Félime, genre de poésie dans lequel Voltaire est à la fois, chez nous, le seul maître et le seul supportable ; car on ne peut lire que lui. […] C’est une sottise inexcusable, mais il ne veut consulter personne, et, s’il écrit une seule ligne contre ses ennemis, il est perdu sans ressource. […] Je ne lui connais plus, à présent, qu’un seul ennemi, c’est le public en corps qui se réunit en ce seul point, et qui ne veut ni écouter ses apologies ni lire ses ouvrages.

800. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1873 » pp. 74-101

Mon notaire m’a trouvé un débiteur, qu’il faut assigner tous les six mois, et tous les six mois, je suis à me demander si je ne serais pas forcé de quitter cette maison qui, seule, m’aide un peu à vivre. […] Oui, il a eu le toupet de nous offrir, dans sa pitié profonde, Victor-Amédée, le seul et vrai roi des races latines. […] Aux sollicitations du Vaudeville, implorant près de Thiers la représentation de la pièce de Sardou, Thiers a fait répondre que la chose était impossible : le peuple américain étant, dans le moment, le seul peuple faisant gagner de l’argent à Paris : on ne devait pas le blesser. […] Puis, je ne sais, à propos de quel crochet dans la conversation et les idées, Tourguéneff nous raconte qu’étant un jour en visite chez une dame, au moment où il se levait pour sortir, cette dame lui cria presque : « Restez, je vous en prie, mon mari sera ici dans un quart d’heure, ne me laissez pas seule ! » Comme le ton était singulier, il la pressa tant, qu’elle lui dit : « Je ne puis pas rester seule… Aussitôt qu’il n’y a plus personne auprès de moi, je me sens enlevée et transportée au milieu de l’immense… et je suis là, comme une petite poupée, devant un juge dont je ne vois pas la figure ! 

801. (1899) Esthétique de la langue française « Le vers libre  »

En fait, il n’y a plus guère en français qu’une seule catégorie de rimes, les féminines, replet, plaie ; régale, régal ; seuil, feuille, etc. ; les seules rimes masculines sont désormais celles que donnent les mots terminés par une voyelle nasalisée : ent, in, on, ant, oin, etc. […] Ainsi Douze, le vieux nombre traditionnel et donc sacré s’impose à ceux même qui le nient et il s’assied à leur foyer, invisible pour eux seuls. […] En somme ce vers n’est qu’un seul mot, —  Oui — je — viens — dans — son — temple — adorer — l’Éternel car il est un vers, et s’il n’était pas un seul mot, il ne serait pas un vers. […] Kahn, et seuls, car il serait malhonnête de juger une œuvre d’après les règles qui n’ont pas guidé son élaboration. […] Dix-sept syllabes bien unies peuvent faire un vers qui réponde encore à la définition : n’être qu’un seul mot : Dans les brassées d’épis joyeux et les tapis de fleurs lu[mineuses.]

802. (1767) Salon de 1767 « Adressé à mon ami Mr Grimm » pp. 52-65

Ce seul inconvénient suffirait pour hâter la décadence de l’art, surtout lorsque l’on considère que l’acharnement de ces amateurs va quelquefois jusqu’à procurer aux artistes médiocres le profit et l’honneur des ouvrages publics. […] Convenez du moins que sur cette multitude de têtes dont les allées de nos jardins fourmillent un beau jour, vous n’en trouverez pas une dont un des profils ressemble à l’autre profil, pas une dont un des côtés de la bouche ne diffère sensiblement de l’autre côté, pas une qui vue dans un miroir concave ait un seul point pareil à un autre point. […] Mais comme la nature ne nous montre nulle part ce modèle ni total ni partiel, comme elle produit tous ces ouvrages viciés ; comme les plus parfaits qui sortent de son attelier ont été assujettis à des conditions, des fonctions, des besoins qui les ont encore déformés, comme par la seule nécessité sauvage de se conserver et de se reproduire, ils se sont éloignés de plus en plus de la vérité, du modèle premier, de l’image intellectuelle, en sorte qu’il n’y a point, qu’il n’y eut jamais, et qu’il ne peut jamais y avoir ni un tout, ni par conséquent une seule partie d’un tout qui n’ait souffert ; scais-tu, mon ami, ce que tes plus anciens prédécesseurs ont fait. […] Avancer un pareil paradoxe, n’est-ce pas prétendre que ces artistes avoient la connaissance la plus profonde de la beauté, étoient remontés à son vrai modèle idéal, à la ligne de foi avant que d’avoir fait une seule belle chose. […] Mais je prétens que ce génie s’est fait attendre et qu’il n’a pu faire lui seul ce qui est l’ouvrage du tems et d’une nation entière.

803. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Édelestand du Méril »

Seul, peut-être, l’auteur de l’Histoire de la Comédie pourrait nous dire à quel degré ont fléchi ses facultés premières, dont je retrouve avec tant de joie la trace étincelante dans son livre, et quel parti il pourrait en tirer encore si jamais il était las de son métier de casseur de mots, plus dur, selon moi, que celui de casseur de pierres. […] le linguiste renseigné, subtil, tout-puissant dans l’interprétation des textes qu’il apporte à l’appui de ses opinions ; mais il n’y est plus seul. […] Je parais le flatter et je ne suis que juste ; mais pourquoi ne le flatterais-je pas, moi qui voudrais lui jouer, à moi seul, la tentation de saint Antoine, au nom de la littérature ? […] Quoique l’auteur de l’Histoire de la Comédie soit de la plus étonnante impersonnalité, quoique dans ces deux volumes il n’ait pas (si je ne me trompe) écrit le mot moi, même par distraction, une seule fois, il n’en est pas moins un peintre spirituel, ingénieux, cherché, efforcé, très intense. […] Ce n’est pas, il est vrai, tout à fait « le bleu du ciel » que les idées, qui doivent être toujours des notions précises et des réalités ; mais ces seules réalités ne constituent pas, dans notre pays, de critique efficace.

804. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « IX. Mémoires de Saint-Simon » pp. 213-237

Les connaisseurs seuls en parleront de cette voix qui ne fait pas tapage, comme on parle des chefs-d’œuvre de Mozart, de Raphaël et de Goethe, mais la fanfare de la gloire, par toutes les trompettes, n’existera plus ! […] À toutes les pages de ses Mémoires, il se montre l’ennemi de ce gouvernement qu’il appelle le règne par soi-même et qui est la seule ressource que les fautes et les malheurs de plusieurs générations laissent à un peuple. […] Nous en étions venus à ce point qu’un tel gouvernement était seul nécessaire et possible, et nous sommes à ce point-là toujours. […] » et il n’y a pas un seul fait, dans tous les Mémoires, qui donne à Saint-Simon, l’Alceste, moins l’honnêteté, cette fois, le droit de poser de telles conclusions ! […] Elle implora les bontés de la reine seule.

805. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre III : M. Maine de Biran »

Cet être est une force qui agit sur les idées et sur les mouvements, les continue, les suspend, les répète et les reprend par elle-même et par elle seule. […] Seul le bâton subsiste avec sa force attractive, et il est la seule chose solide dans tout le bouquet. […] Nous entrevoyons cet univers secret, le seul stable, au-dessus duquel l’autre luit et s’agite. […] Mais elle repose sur un seul pilier. […] Cette analyse que vous avez abandonnée et maudite est le seul salut en métaphysique.

806. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XV. »

Cette condition seule peut-être a manqué pour donner dès-lors au Latium, dans un autre ordre de génie, une gloire égale à celle d’Homère. […] dit-on : tous ces biens de la vie, un seul jour ennemi te les enlève. » Jusqu’ici, je sens l’âme du poëte ; je jouis de sa compassion ; je bénirais en mourant son espérance, s’il en avait une à me donner. […] Ici donc l’imitation lyrique de la Grèce commençait par le plus entier oubli de cette foi candide qui seule aurait pu l’inspirer. […] La même vigne est-elle unie à l’orme qui la protège bien des laboureurs, bien des troupeaux s’en approchent ; telle la vierge, tant qu’elle reste seule, vieillit sans culture. […] Lucrèce, presque seul, fut inspiré et égaré par ces temps affreux, alors qu’il passait du juste mépris d’un culte aussi corrompu que ses adorateurs à la négation d’une Providence qui permettait tant de crimes, et à l’apothéose du plaisir comme seul dédommagement des misères de l’homme.

807. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Étude sur la vie et les écrits de l’abbé de Saint-Pierre, par M. Édouard Goumy. L’abbé de Saint-Pierre, sa vie et ses œuvres, par M. de Molinari. — II » pp. 261-274

On ne cesse d’opposer à toute réforme de l’orthographe le vers d’Horace sur l’usage, maître absolu et seul régulateur légitime du langage : « Quem penes arbitrium est… » Cela est vrai des mots mêmes qui sont mis en circulation plus que de la manière de les écrire. […] Le premier acte d’opposition à Louis XIV, et le seul possible, lui vivant, c’était de parler paix, paix européenne perpétuelle, et d’aller renouer la tradition monarchique au nom populaire de Henri IV. Le second acte, possible seulement au lendemain de sa mort, était d’écrire contre le despotisme et le gouvernement personnel d’un seul. […] Le bon abbé, dans cette condamnation où l’on ne voulut pas l’entendre, n’eut pour lui, au scrutin secret, qu’une seule voix, celle de Fontenelle. […] Dans ces mêmes pages (il faut être juste), Voltaire lui attribue pourtant l’honneur d’avoir fait substituer, à force d’avertissements, la taille tarifée à la taille arbitraire ; il revient encore ailleurs sur ce bienfait public dû aux travaux de l’abbé et sur le résultat qu’il obtint en cette seule matière.

808. (1925) Méthodes de l’histoire littéraire « II  L’esprit scientifique et la méthode de l’histoire littéraire »

Notre manière de participer à la vie scientifique, la seule qui ne trompe pas, c’est de développer en nous l’esprit scientifique. […] Les sciences du monde extérieur sont ainsi devenues le seul type de la science… Mais l’unité des sciences physiques et des sciences morales n’est qu’un postulat. […] Mais, ce passé, nous le ressaisissons dans des réalités encore présentes, qui sont les œuvres littéraires : semblables en cela aux seuls historiens de l’art. […] L’impressionnisme est la seule méthode qui nous donne le contact de la beauté. […] Là est le seul danger sérieux que court la liberté scientifique dans le domaine de nos études.

809. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. John Stuart Mill — Chapitre I : De la méthode en psychologie »

Comte revendique pour les physiologistes seuls la connaissance scientifique des phénomènes intellectuels et moraux. […] Nous ne saurons probablement jamais si l’organisation seule peut produire la pensée et la vie ; mais nous savons, à n’en pas douter, que l’esprit emploie un organe matériel. […] Stuart Mill montre fort clairement que la méthode déductive avec vérification est la seule applicable à l’éthologie. […] Or, cela n’est pas possible, et cependant une seule circonstance, en apparence insignifiante, qu’on aurait négligée, suffirait à vicier l’expérience. […] L’accord de ces deux genres de preuves est la seule base, suffisante pour les principes d’une science aussi enfoncée dans les faits, et relative à des phénomènes aussi complexes et aussi concrets que ceux de l’éthologie.

810. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre IV : Règles relatives à la constitution des types sociaux »

À l’appui de cette méthode, on fait remarquer qu’elle seule est recevable dans une science d’observation. […] Nous venons de voir, en effet, que les sociétés n’étaient que des combinaisons différentes d’une seule et même société originelle. […] Il reste, d’ailleurs, possible que certaines de ces combinaisons ne se produisent qu’une seule fois. […] Celles-ci, en effet, sont dues à ce fait que les organismes ne sont que des combinaisons variées d’une seule et même unité anatomique. […] Seule, la colonisation pourrait être comparée à une génération par germination ; encore, pour que l’assimilation soit exacte, faut-il que le groupe des colons n’aille pas se mêler à quelque société d’une autre espèce ou d’une autre variété.

811. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre VII. Les hommes partagés en deux classes, d’après la manière dont ils conçoivent que s’opère en eux le phénomène de la pensée » pp. 160-178

La classe des hommes qui ne pensent qu’avec la parole a longtemps été la plus nombreuse ; elle existait seule dans les premiers âges du monde. […] Il est permis de croire que cette classe, devenue ainsi la plus nombreuse, finira par être seule. […] Rendons sensible, par un seul fait, le point que nous discutons en cet instant. […] Le roi n’avait de compte à rendre à personne ; c’est devant Dieu seul qu’il péchait, selon le langage de l’Écriture. […] Ainsi la société, à présent qu’elle est établie, peut se soutenir d’elle-même, et par la seule force du principe primitif en vertu duquel elle existe.

812. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « L’empire russe depuis le congrès de vienne »

ce n’est pas nous qui jetterons la pierre au seul gouvernement qui convienne à la Russie actuelle, nous savons trop ce qu’il doit entrer nécessairement de despotisme dans l’éducation des peuples enfants ; nous voulons seulement constater, dans notre limite de critique littéraire, pourquoi il n’y a pas d’histoire en Russie. […] Les historiens de la Russie, les vrais, les seuls, ne sont point ceux qui ont la prétention ou la volonté d’écrire, en quatre points, une histoire de l’empire russe, mais ce sont les observateurs sans missions officielles, les artistes intuitifs, les voyageurs surtout, qui, un beau matin, s’en vont regarder l’énorme sphinx au visage et reviennent nous dire ce qu’ils en ont vu. […] il n’en restait pas moins le seul ouvrage où l’histoire de la Russie, de ce pays ouvert aux voyageurs, mais fermé à la pensée, cette histoire qui ne s’écrit pas, avait été devinée, saisie au vol, et rapportée parmi nous sous la forme la plus individuellement éloquente. […] L’auteur y refait, sous le nom de Petchorin, ce beau roman de René, la seule chose vraie qu’ait écrite Chateaubriand, et par un procédé assez grossier d’imitation (toujours l’imitation !) […] Le seul livre vrai qu’elle possède, en savez-vous le nom ?

813. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Léon Gozlan » pp. 213-230

C’est celui qui retentit le mieux, et le seul qu’on ne puisse pas crever… Eh bien, nous aussi, nous nous permettrons d’y donner notre petit coup de baguette tout comme les autres ! […] Ce n’est pas une seule émeraude qu’ils jettent à la mer, comme le tyran de Samos ! […] Enfin, pour résumer le tout, il est évident que si un seul homme pouvait réunir en lui ces trois sortes d’esprits différents qui, isolés, sont de si grandes forces, mais qui, réunis, seraient la plus grande force possible, cet homme aurait une supériorité aussi absolue qu’une supériorité peut l’être dans ce monde relatif. […] Les hommes d’imagination (pour lesquels seuls j’écris) ne me comprendront-ils pas ? […] Dans son œuvre, il y a des livres faits par l’esprit seul.

814. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Gustave Flaubert » pp. 61-75

Si l’on forgeait à Birmingham ou à Manchester des machines à raconter ou à analyser en bon acier anglais, qui fonctionneraient toutes seules par des procédés inconnus de dynamique, elles fonctionneraient absolument comme M.  […] Il prouve qu’on peut étreindre un type dans sa pensée, le porter des années peut-être dans cette cohabitation intellectuelle qui embrase la plupart des esprits, puis le laisser choir de son cerveau, organisé, vivant, sans avoir été ému une seule fois de la nature qu’on lui a donnée ou de la destinée qu’on lui a faite. […] Madame Bovary, étudiée, scrutée, détaillée comme elle l’est, est une création supérieure, qui seule vaut à son auteur le titre conquis de romancier. Nous disons elle seule ; pour le reste du livre nous faisons nos réserves. […] Elle a été coulée d’un seul jet comme une glace de Venise.

815. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre IV. De la philosophie et de l’éloquence des Grecs » pp. 120-134

Je dois cependant considérer d’abord la philosophie des Grecs séparément de leur éloquence : mon but est d’observer les progrès de l’esprit humain, et la philosophie peut seule les indiquer avec certitude. […] Un génie supérieur, quel qu’il soit, ne peut s’affranchir à lui seul de ce besoin du surnaturel, inhérent à l’homme ; il faut que la nation fasse corps avec le philosophe contre de certaines terreurs, pour qu’il soit possible à ce philosophe de les attaquer toutes. […] Cette résignation peut seule faire servir la douleur même aux plus sublimes effets du talent. […] On ne trouve pas un seul portrait de femme dans les caractères de Théophraste ; leur nom n’y est jamais prononcé comme celui d’un être faisant partie des intérêts de la société. […] Coriolan en est le seul exemple, et il ne put se résoudre à l’achever.

816. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XVI. De l’éloquence et de la philosophie des Anglais » pp. 324-337

Avant la révolution, on ne remarque en philosophie qu’un seul homme, le chancelier Bacon. […] La poésie a presque seule occupé les esprits sous le règne voluptueux et despotique de Charles II ; et ce n’est que depuis 1688, depuis qu’une constitution stable a donné à l’Angleterre du repos et de la liberté, qu’on peut observer avec exactitude les effets constants d’un ordre de choses durable. […] Il s’élança seul dans toutes les sciences : quelquefois obscur, souvent scolastique, il eut cependant des idées nouvelles sur tous les sujets, mais il ne put rien compléter. […] Les vers blancs n’offrant que très peu de difficultés, les Anglais ont réservé pour la poésie tout ce qui tient à l’imagination ; ils considèrent la prose comme la langue de la logique, et le seul objet de leur style est de faire comprendre les raisonnements, et non d’intéresser par des expressions. […] Les intérêts de finances et de commerce ont été les premiers objets de tous les parlements d’Angleterre, et toutes les fois qu’on est appelé à discuter avec les hommes leurs intérêts de calcul, le raisonnement seul obtient leur confiance.

817. (1890) L’avenir de la science « IX »

La culture délicate et l’exercice multiple de l’esprit sont à ce point de vue la seule logique légitime. […] De quel droit donc formerait-on un ensemble ayant droit de s’appeler philosophie, puisque cet ensemble, dans les seules limites qu’on puisse lui assigner, a déjà un nom particulier, qui est la psychologie 86. […] La loi régulière du progrès, prenant son point de départ dans le syncrétisme pour arriver, à travers l’analyse, qui seule est la méthode légitime, à la synthèse, qui seule a une valeur philosophique, pourrait le faire espérer. L’apparition d’un ouvrage comme le Cosmos de M. de Humboldt, où un seul savant, renouvelant au XIXe siècle la tentative de Timée ou de Lucrèce, tient sous son regard le Cosmos dans sa totalité, prouve qu’il est encore possible de ressaisir l’unité cosmique perdue sous la multitude infinie des détails.

818. (1682) Préface à l’édition des œuvres de Molière de 1682

Elle eut un succès qui passa ses espérances : Comme ce n’était qu’une pièce d’un seul Acte qu’on représentait après une autre de cinq, il la fit jouer le premier jour au prix ordinaire, mais le peuple y vint en telle affluence, et les applaudissements qu’on lui donna furent si extraordinaires, qu’on redoubla le prix dans la suite ; ce qui réussit parfaitement à la gloire de l’Auteur, et au profit de la Troupe. […] On l’a nommé le Térence de son siècle : ce seul mot renferme toutes les louanges qu’on lui peut donner. […] Les commencements de cet établissement ont été heureux, et les suites très avantageuses ; les Comédiens compagnons de Monsieur de Molière ayant suivi les maximes de leur fameux Fondateur, et soutenu sa réputation d’une manière si satisfaisante pour le Public, qu’enfin il a plu au Roi d’y joindre tous les Acteurs et Actrices des autres Troupes de Comédiens qui étaient dans Paris, pour n’en faire qu’une seule Compagnie. […] Les Comédiens de l’Hôtel de Bourgogne, qui depuis un si grand nombre d’années portaient le titre de la seule Troupe Royale ont été réunis avec la troupe du Roi le 25 Août 1680 cela s’est fait suivant l’Ordre de sa Majesté donné à Charleville le 18 du même mois, par Monsieur le Duc de Créquy Gouverneur de Paris, premier Gentilhomme de la Chambre en année, et confirmé par une Lettre de Cachet, en date du 21 Octobre. […] Il n’y a plus présentement dans Paris que cette seule Compagnie de Comédiens du Roi entretenu par sa Majesté : Elle est établie en son Hôtel rue Mazarini, et représente tous les jours sans interruption, ce qui a été une nouveauté utile aux plaisirs de cette superbe Ville, dans laquelle avant la jonction il n’y avait comédie que trois fois chaque semaine, savoir le Mardi, le Vendredi et le Dimanche, ainsi qu’il s’était toujours pratiqué.

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