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646. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. PROSPER MÉRIMÉE (Essai sur la Guerre sociale. — Colomba.) » pp. 470-492

Mérimée s’y est attaché et nous semble l’avoir résolu autant qu’il pouvait l’être. […] En terminant cette esquisse de la période qui précède la prise d’armes, et durant laquelle l’explosion put sembler à chaque instant imminente, M. […] Un jugement même semblera bien superflu après le succès universel. […] Au moment où cette belle jeune femme au regard sombre emmène avec elle son frère à cheval, fusil sur l’épaule, et sourit d’une joie maligne, on est comme miss Nevil, et un frisson vous prend : il semble qu’Orso soit ressaisi par la voix fanatique du sang, et qu’il entré sous l’influence barbare. […] En attendant, il me semble à la réflexion que, dans ce fond de l’antiquité immortelle, rien ne représente mieux Colomba qu’Électre ; oui, l’Électre de Sophocle pleurant tout le jour son père et attendant Oreste.

647. (1892) Boileau « Chapitre VII. L’influence de Boileau » pp. 182-206

À l’Académie, comme dans la distribution des grâces royales, il semble que deux influences se balancent, et que deux courants se font sentir : ou plutôt le même courant porte l’argent du roi vers Despréaux et vers Perrault, jette à l’Académie tantôt Racine et tantôt Quinault, La Bruyère à la suite de Fontenelle. […] Bussy semble juger l’Épître sur le Passage du Rhin avec les idées de Desmarets : il y condamne l’emploi de la Fable. […] On ne pensait point aller contre les préceptes de l’Art poétique : l’entêtement de Boileau pour les Grecs et les Latins, sa colère contre Perrault, ne semblaient être que des boutades, des saillies de son humeur originale, dont on souriait, et qu’on n’estimait pas tirer à conséquence. […] Cependant, en dépit de ces apparences qui semblent inviter à y insister, il n’y a pas à considérer davantage ici l’influence de Boileau sur les littératures étrangères. […] Il semble qu’en notre siècle, il n’y ait pas lieu de parler de l’influence de Boileau.

648. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Jean Richepin »

Jean Richepin donne les Morts bizarres — bizarres, en effet, et dont plusieurs semblent les inventions d’un Edgard Poë fumiste. […] Mais ces mots, il semble qu’il les cherche et les accumule avec trop de peine à la fois et de satisfaction ; et l’impression directe des choses s’évanouit dans ce labeur de grammairien. […] Là, il me semble bien qu’on ne retrouve même pas l’ombre d’un sentiment sincère, si ce n’est le besoin même d’étonner et de scandaliser, et un puéril instinct de révolte — pour rien, pour le plaisir. […] Il me semble que c’est, avec la Chanson des Gueux, le meilleur livre de M.  […] Qui donc a dit de Panurge qu’il semblait né de l’hymen d´une bouteille et d’un jambon ?

649. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — III. (Suite et fin.) » pp. 128-145

Au commencement de 1831, dans les mois qui précédèrent le ministère de Casimir Périer, la monarchie de Louis-Philippe, à peine naissante, semblait déjà sur le point de mourir, et elle s’en allait véritablement toute seule d’inertie et de langueur. […] Comme la plus belle des facultés humaines est la volonté, il a pu montrer dans le gouvernement, et à un assez haut degré, une espèce de volonté qui, dans l’opposition, ne semblait que de l’esprit de harcèlement. […] Mais je m’aperçois que j’ai laissé le journaliste dans sa guerre ouverte contre le ministère Périer, et nous ne sommes, ce me semble, avec lui qu’à mi-chemin. […] Ce dernier, en lui envoyant une marque de souvenir, avait touché quelques mots de cette modération que Carrel avait montrée devant le jury, et avait semblé par là désirer qu’il l’observât encore ailleurs : Ai-je tort, ai-je raison ? […] Témoin de cette affluence publique qui dura plusieurs jours et qui ne se ralentit que lorsqu’on sut le blessé hors de danger, il m’a toujours semblé que Carrel, au lendemain de sa guérison, avait un autre rôle à prendre que celui de la veille, un rôle dans lequel il aurait tenu compte de l’importance même que les honnêtes gens de tout bord attachaient à sa conservation.

650. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « De la retraite de MM. Villemain et Cousin. » pp. 146-164

Mais, si disposés que nous soyons à saluer et à honorer ce qui cesse, n’oublions jamais cette loi supérieure des choses : pas un individu n’est essentiel ici-bas, pas une génération n’est indispensable ; la nature est féconde, et après les pertes les plus senties, et les plus irréparables ce semble, tout reprend bientôt et tout recommence. […] Cousin, et le maître lui-même semble l’avoir compris en se réfugiant dans la littérature proprement dite, qui le distrait et le possède de plus en plus. Des trois professeurs, c’est, ce me semble, M.  […] Il est si soumis de ton et si révérencieux, que parlant de l’archevêque de Sens, il lui échappe de dire en un endroit de son texte, Monseigneur de Gondrin, ce qui, ce me semble, est un terme de surérogation au xviie  siècle. […] En général, dans tout ce discours, il me semble que Napoléon et M. de Narbonne savent trop bien leurs livres et leurs auteurs ; que M. de Narbonne est bien foncé sur son siècle des Antonins et sur son histoire de l’Empire ; que le Dialogue de Sylla et d’Eucrate est resté bien longtemps ouvert sur la table de l’Empereur, et que Bossuet vient là vers la fin avec un peu trop de détail aussi.

651. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « L’abbé Gerbet. » pp. 378-396

Il semblait que l’esprit français, pareil à une terre fertile, après s’être reposé forcément durant quelques années, redemandait avec avidité toutes les cultures. […] Il lui semblait qu’on pouvait démontrer que, chez tous, il y avait eu plus ou moins des idées de la création de l’homme, de la chute, de la réparation promise, de l’expiation ou de la rédemption attendue, enfin de ce qui devait un jour constituer le fonds de la croyance chrétienne, et qui n’était que le vestige épars et persistant de la Révélation primitive. […] Il suffit d’une parole, d’un souffle émané du Vatican, pour dissiper ce qui pouvait sembler nuageux et obscur dans les doctrines de l’abbé Gerbet. […] C’est là, ce me semble, une assez belle vue funèbre, et le chrétien s’en autorise aussitôt pour remonter vers ce qui est au-dessus de la destruction et qui échappe à toutes les Catacombes, vers le principe immortel de vie, d’amour, de sainteté et de sacrifice. […] Trois fois dans ma vie j’ai eu le bonheur de le voir en des lieux qui lui convenaient à souhait et qui semblaient son cadre naturel : en 1831, à Juilly, sous les beaux ombrages que Malebranche avait hantés ; en 1839, à Rome, sous les arceaux des cloîtres solitaires ; et hier encore, dans les jardins de l’évêché d’Amiens où il vit près de son ami M. de Salinis.

652. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Les Faux Démétrius. Épisode de l’histoire de Russie, par M. Mérimée » pp. 371-388

Du moment qu’il a passé la frontière en armes, il semble que l’imagination nationale salue en lui le fantôme qu’elle s’est créé, et qu’elle a baptisé du nom de son vengeur. […] Trop doux, généreux et clément, il était, à ce qu’il paraît, préoccupé d’imiter notre Henri IV, le glorieux roi du moment ; ce qui devra sembler assez hors de propos en un tel pays et quatre-vingts ans avant Pierre le Grand. […] Mérimée, qui n’aime que ce qui est sûr, s’en abstient strictement ; il aborde l’histoire par ses monuments les plus authentiques et ses témoignages les plus précis, s’en écarte peu, ne les combine qu’autant qu’il lui semble que les faits s’y prêtent, et s’arrête dès que la donnée positive fait défaut. […] Mérimée, qui a beaucoup étudié et médité les anciens, et qui met dans ses récits historiques plus d’art qu’il n’en montre, semble s’être particulièrement préoccupé de la manière de Xénophon et de César, et, bien qu’il varie sa narration, il la tient toujours la plus voisine qu’il peut de la sobriété et de la simplicité. […] Arrivé aujourd’hui à la pleine maturité de la vie, maître en bien des points, sachant à fond et de près les langues, les monuments, l’esprit des races, la société à tous ses degrés et l’homme, il n’a plus, ce me semble, qu’un progrès à faire pour être tout entier lui-même et pour faire jouir le public des derniers fruits consommés de son talent.

653. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre I : La politique — Chapitre II : Philosophie politique de Tocqueville »

Nulle part il n’en gage de polémique contre aucune d’entre elles, et il semble presque les ignorer toutes. […] Quelle défense peuvent-elles avoir contre un pouvoir social qui a hérité de tous les pouvoirs divisés d’autrefois, et qui semble le mandataire de la société même ? […] L’extrême petitesse de chacun comparé au tout décourage et désarme la force morale : il semble même que la disproportion d’une âme forte et d’une situation faible a quelque chose d’inconvenant ; on craint de jouer au héros, et, chacun se diminuant ainsi par faiblesse et par scrupule, il en résulte une diminution générale, qui, en se perpétuant et en s’aggravant de génération en génération, pourrait avoir de tristes effets. […] Il m’a semblé que les démocrates (et je prends ce motdans son bon sens) ne voyaient clairement ni les avantages, ni les périls de l’état vers lequel ils cherchaient à diriger la société, et qu’ils étaient ainsi exposés à se méprendre sur les moyens à employer pour rendre les premiers les plus grands possible et les seconds les plus petits qu’on puisse les faire. […] Quand le livre de la Démocratie a paru, il y a près de trente ans, il semblait être l’œuvre isolée d’un penseur.

654. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre premier. Le problème des genres littéraires et la loi de leur évolution » pp. 1-33

Croce me semble faire à plus d’une reprise ; il étend aux genres littéraires et à leurs conditions psychologiques (lois) la critique méritée par les formes et par les règles. […] Notre goût nous paraît être le goût ; notre « impression » nous semble la vérité ; notre relatif nous apparaît comme absolu. […] La question semble paradoxale et ne l’est pas. […] Même après cette élimination, il restera assez d’œuvres littéraires qui semblent difficiles à classer ; qu’on en considère l’esprit, le tempérament, l’intention, sans se laisser dérouter par leur forme ; et l’on verra quelles se rattachent, ne fût-ce que de loin, au genre lyrique, ou épique, ou dramatique. […] Ce genre est le plus continu des trois, pour des raisons techniques, psychologiques et sociales que je n’ai pas à développer ici ; pourtant il est moins continu qu’il ne semble au premier abord.

655. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XII : Pourquoi l’éclectisme a-t-il réussi ? »

Déjà quelques grandes pensées de Condillac ne semblaient plus comprises ; on ne parlait plus de ses découvertes sur la nature de l’âme, ou sur la perception extérieure, et l’ingénieux professeur, qui essayait de le corriger et de le ranimer, réduisait toute la philosophie à la distinction puérile de l’idée claire et de l’idée vague, de la connaissance attentive et de la connaissance involontaire, de la formule et de l’impression. […] Composé d’expressions philosophiques, il semble introduire partout la philosophie. […] Les horribles substantifs allemands, les mots longs d’une toise, noyèrent la prose nette de d’Alembert et de Voltaire, et il sembla que Berlin émigré fût tombé de tout son poids sur Paris. […] Laromiguière ; bientôt ils parurent secs et bornés, et l’on s’engagea avec une curiosité inquiète dans la mine ténébreuse d’où Kant ébranlait toute la terre habitable. — Kant sembla profond, mais rebutant et scolastique. […] Toutes ces raisons semblent annoncer qu’on énumérera longtemps encore les trois facultés, la première, la seconde et la troisième, et que, jusqu’à la fin du siècle, pour expliquer l’idée de l’infini, on dira qu’elle vient de la raison, faculté de l’infini.

656. (1778) De la littérature et des littérateurs suivi d’un Nouvel examen sur la tragédie françoise pp. -158

Tout est du ressort de l’imagination & du sentiment ; même les choses qui en semblent le plus éloignées. […] Le tems semble avoir pour lui seul des ressources extraordinaires. […] Ils semblent former enfin l’esprit national(19). […] Que la carriere des Lettres semble auguste & belle, quand on forme le dessein de la parcourir sans blesser ses compagnons de voyage ! […] Tout état où les fortunes sont à-peu-près au même niveau est tranquile, fortuné & semble faire un tout.

657. (1900) La culture des idées

Cependant il y a des clichés où tous les mots semblent vivants : une rougeur colora ses joues ; d’autres où ils semblent tous morts : il était au comble de ses vœux. […] Mais cet aphorisme ne semble pas le résumé de son expérience personnelle. […] Ils sont le nombre et comme nous sommes régis par la loi du nombre, leur triomphe semble assuré. […] Cela semble inadmissible. […] Ce qui, par exemple, semble à M. 

658. (1893) Impressions de théâtre. Septième série

Le pauvre Parny semble bien pâle. […] Il semble que M.  […] Albert Guinon semble conçue selon la poétique du lieu. […] Il me semble pourtant que ce n’est pas là un crime. […] Rien de très profond, pourtant, à ce qu’il semble.

659. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome I

Nous avons, semble-t-il, dès aujourd’hui, en M.  […] Il semble que, du coup, on se soit trouvé des ailes. […] De deux façons, très distinctes, semble-t-il. […] Il me semble que la morale politique de M.  […] Il semble avoir tracé d’avance son portrait lorsqu’il a peint le M. 

660. (1923) Les dates et les œuvres. Symbolisme et poésie scientifique

Renouveau surgi de tant de luxuances de la sensitivité (pour ne parler que d’elle alors que nous parlons généralement), que ses détracteurs semblent ne pouvoir même prendre contact avec lui, et que leur incompréhension semble aussi les taxer, sans plus, de précarité. […] Et là, prêt à sonner, quelle était mon angoisse soudaine où ne semblaient plus vivre que les heurts de mon cœur ! […] René Ghil et à ses camarades du Décadentisme, de la Quintescence et du Symbolisme, semble les avoir grisés. […] Ce qu’il ne comprend qu’avec peine lui semble une sorte de poisson d’avril perpétuel, une farce à froid. […] Non sans doute : car ce Prélude, peut-être non achevé, n’a pas paru, nul ne semble l’avoir connu après moi.

661. (1885) Le romantisme des classiques (4e éd.)

On peut être sérieux sans être ennuyeux ; l’érudition, ce me semble, ne doit exclure ni l’art ni l’esprit. […] Il y a là, ce me semble, une invraisemblance morale qui va jusqu’à l’impossibilité. […] J’ajoute que son vers alexandrin héroïque y convient mieux, ce semble, que le vers plus court et moins ample du poète espagnol. […] Mais mettre sur la scène un roi comme Prusias en plein dix-septième siècle, cela pouvait sembler un peu irrévérent envers la monarchie. […] Corneille, sur ce saignement de nez, qui ne semble pas un thème bien tragique, s’en donne à cœur-joie.

662. (1913) Les livres du Temps. Première série pp. -406

Tandis que tout réussit à son ami, il semble un déshérité. […] Il semble bien du moins que ce soit le cas de M.  […] Jules Lemaître semble donner satisfaction au vulgaire. […] Léon Bloy semble un peu variable. […] La scatologie ne lui semble pas non plus à dédaigner.

663. (1836) Portraits littéraires. Tome II pp. 1-523

C’est pourquoi le monde impérial n’est pas le nôtre et semble déjà bien loin de nous. […] Que vous en semble ? […] Une fille qu’un roi essaie de violer ne me semble pas prêter à la comédie. […] Je vais plus loin : la grossesse et l’accouchement d’Angèle me semblent des hors-d’œuvre. […] Il me semble que l’intérêt s’éparpille et s’égare dans les ambages et les puérilités de l’exécution.

664. (1874) Premiers lundis. Tome I « Dumouriez et la Révolution française, par M. Ledieu. »

Il semblait, à mesure qu’il vieillissait dans l’exil, espérer de plus en plus fermement en l’avenir des peuples ; son âme, détrompée enfin des calculs d’autrefois et comme purifiée par les épreuves, s’attachait à la liberté avec la foi croissante de la jeunesse. […] Lors de la première Restauration, il crut avoir quelque droit à une récompense nationale pour les anciens services de son généralat en chef : d’ailleurs, ses efforts pour relever le trône constitutionnel contre la Convention devaient, ce semble, lui mériter la bienveillance des Bourbons : il aspirait au bâton de maréchal de France. […] Louis XVIII semblait entrer dans ces vues ; il fit venir Dumouriez à Mittau, le traita avec distinction, et le chargea d’une mission auprès de l’empereur de Russie, Paul.

665. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Introduction »

Ces faits, ainsi qu’on le verra dans les derniers chapitres de cet ouvrage, semblent jeter quelque lumière sur l’origine des espèces, « ce mystère des mystères », ainsi que l’a appelé l’un de nos plus grands philosophes. […] Ce ne fut qu’en 1844 que j’esquissai les conclusions qui me semblèrent les plus probables. […] Quand on réfléchit à ce problème de l’origine des espèces, en tenant compte des rapports mutuels des êtres organisés, de leurs relations embryologiques, de leur distribution géographique et d’autres faits analogues, il semble naturel tout d’abord qu’un naturaliste arrive à conclure que chaque espèce ne peut avoir été créée indépendamment, mais doit descendre, comme les variétés, d’autres espèces.

666. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 31, que le jugement du public ne se retracte point, et qu’il se perfectionne toujours » pp. 422-431

Mais comme il met en oeuvre hardiment, c’est là toute sa verve, comme il emploïe sans se laisser géner aux regles de notre sintaxe, les beautez ramassées dans ses lectures, elles semblent nées de son invention. […] Mais il semble qu’ils aïent voulu s’arroger un droit qu’ils n’avoient pas. Il semble qu’ils aïent voulu usurper les droits de la posterité en le proclamant le premier des poetes françois pour leur temps et pour les temps à venir.

667. (1834) Des destinées de la poésie pp. 4-75

Il semble que le retour des Bourbons et de la liberté en France donnât une inspiration nouvelle, une autre âme à la littérature opprimée ou endormie de ce temps ; et nous vîmes surgir alors une foule de ces noms célèbres dans la poésie ou dans la philosophie qui peuplent encore nos académies, et qui forment le chaînon brillant de la transition des deux époques. […] Mais borner n’est pas le mot, car ces montagnes semblaient transparentes comme le cristal et l’on voyait ou l’on croyait voir au-delà un horizon vague et indéfini s’étendre encore et nager dans les vapeurs ambiantes d’un air teint de pourpre et de céruse. […] Nous avancions lentement au pas de nos chevaux fatigués, les yeux attachés sur les murs gigantesques, sur les colonnes éblouissantes et colossales qui semblaient s’étendre, grandir, s’allonger, à mesure que nous en approchions ; un profond silence régnait dans toute notre caravane ; chacun aurait craint de perdre une impression de cette scène en communiquant celle qu’il venait d’avoir ; les Arabes même se taisaient et semblaient recevoir aussi une forte et grave pensée de ce spectacle qui nivelle toutes les pensées. […] Chaque pierre semblait avoir enfanté sa cellule, chaque grotte son ermite ; chaque source avait son mouvement et sa vie, chaque arbre son solitaire sous son ombre. […] Je l’ai traduit autrefois en vers, et ces vers me semblent s’appliquer si bien au sujet que je traite, que je ne puis me refuser à les insérer ici.

668. (1908) Dix années de roman français. Revue des deux mondes pp. 159-190

Elle ne fit que précéder le déclin où semble tombé à son tour le roman de psychologie pure, né lui-même d’une réaction contre l’école antérieure. […] Elles semblent indépendantes de tout épuisement dans les facultés des romanciers ou dans la sève du genre lui-même. […] Margueritte de peindre sous des couleurs aussi vives ; et qui semblent palpiter, un tel passé de tristesse. […] Barrès, de Vogüé, Édouard Rod, aient attaqué avec ensemble les politiciens, à une heure où tout en France semble organisé pour les politiciens et par eux ? […] Combien nous semblons revenus de cette époque où Stendhal regrettait que les femmes auteurs ne fussent pas plus franches !

669. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — II. (Suite.) » pp. 147-161

Bien que le détail de cette action, qui de sa nature est secrète, échappe nécessairement, il est possible encore aujourd’hui de suivre dans la conduite du président une certaine ligne générale, et d’expliquer les circonstances même où il sembla s’en écarter. […] Le président Jeannin, repoussé sur le point essentiel de la négociation, qui était d’assurer la couronne à un prince français, ne se refusa point à entrer dans ce qui lui fut proposé au nom du roi d’Espagne ; il y opposa seulement les difficultés puisées dans la loi salique, les peines qu’on aurait à en triompher, sembla promettre qu’on s’y emploierait, et, sans trop presser l’avenir en cet endroit, il s’attacha en attendant à obtenir les secours d’argent et de troupes, indispensables à l’entretien de la Ligue et de son chef. […] Dans les négociations qu’il entreprenait, et qui souvent eussent semblé inutiles à d’autres et désespérées dès le début, il ne craignait pas de se mettre en campagne et d’essayer d’attacher sa trame, malgré la distance et les inégalités des prétentions, « considérant qu’un bon marché ne se conclut du premier coup ; que les hommes ne demeurent ordinairement à un mot ; que, pour en achever un, il le faut commencer… ». […] Il faut faire cette double part dans ce qu’on sait et ce qu’on devine de la conduite du président Jeannin durant la Ligue, et par exemple quand on lit ses lettres à Villeroi du 14 et du 22 avril 1592, et celle du 8 mai suivant, où il semble faire la paix plus difficile et la mettre à de plus chères conditions qu’on ne voudrait. […] [1re éd.] ce semble

670. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre III. De la vanité. »

il a vieilli dans les affaires sans y prendre une idée, sans atteindre à un résultat, cependant il se croit l’esprit des places qu’il a occupées ; il vous confie ce qu’ont imprimé les gazettes ; il parle avec circonspection même des ministres du siècle dernier ; il achève ses phrases par une mine concentrée, qui ne signifie pas plus que les paroles ; il a des lettres de ministres, d’hommes puissants, dans sa poche, qui lui parlent du temps qu’il fait, et lui semblent une preuve de confiance ; il frémit à l’aspect de ce qu’il appelle une mauvaise tête, et donne assez volontiers ce nom à tout homme supérieur ; il a une diatribe contre l’esprit à laquelle la majorité d’un salon applaudit presque toujours, c’est, vous dit-il, un obstacle à bien voir que l’esprit, les gens d’esprit n’entendent point les affaires. […] Les femmes ne sont presque jamais honorées par aucun genre de prétentions ; les distinctions de l’esprit même, qui sembleraient offrir une carrière plus étendue, ne leur valent souvent qu’une existence à la hauteur de la vanité. […] Il semble que des succès éclatants offrent des jouissances d’amour propre, à l’ami de la femme célèbre, qui les obtient ; mais l’enthousiasme que ces succès font naître a peut-être moins de durée, que l’attrait fondé sur les avantages les plus frivoles. […] Les premiers qui s’éloigneraient, pourraient détacher ceux qui restent, et celle qui semble l’objet de toutes leurs pensées, s’aperçoit bientôt qu’elle retient chacun d’eux par l’exemple de tous. […] La peine se multiplie par la peine, et le but s’éloigne par l’action même du désir ; et dans ce tableau qui semblerait ne devoir rappeler que l’histoire d’un enfant, se trouvent les douleurs d’un homme, les mouvements qui conduisent au désespoir et font haïr la vie ; tant les intérêts s’accroissent par l’intensité de l’attention qu’on y attache ; tant la sensation qu’on éprouve, naît du caractère qui la reçoit bien plus que de l’objet qui la donne.

671. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Joséphin Soulary »

Soulary est un poète de Lyon ; mais Lyon, à ce qu’il me semble, n’a pas autrement marqué sur lui : il est provincial beaucoup plus que Lyonnais. […] Outre qu’on a le plaisir, çà et là, de faire d’agréables découvertes et qui reposent, on voit se dégager peu à peu la physionomie d’un poète intéressant qui n’est pas du tout de Paris et qui n’est presque pas d’aujourd’hui, mais qui semble être venu d’Italie et dater de la Renaissance ; qui n’a subi que très peu l’influence des poètes contemporains et qui, par bien des points et par ses qualités aussi bien que par ses défauts, est comme en dehors et à part du mouvement poétique de notre temps. […] L’essentiel est que ces mots cherchés, et qui ne s’imposaient pas plutôt que d’autres, paraissent venus spontanément, ou que, s’ils semblent tirés d’un peu loin, ce défaut de naturel soit compensé par le plaisir que donne le sentiment de la difficulté vaincue, ou par quelque effet de rythme, d’harmonie, de sonorité. […] Ce sont donc, si l’on veut, des chevilles ; mais elles peuvent être agréables et sembler naturelles ; car, étant donnée la rime du vers qui exprime l’idée nécessaire, le vocabulaire est assez riche et les désinences des mots sont assez variées pour qu’il soit toujours possible de rendre, dans un vers de rime pareille, quelque idée dépendante et voisine. […] Je suis peut-être de méchante humeur ; mais il me semble qu’il y a dans les Deux Cortèges quelque chose de cet art un peu banal, quelque chose qui sent le goût de la province et les Jeux floraux.

672. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Deux tragédies chrétiennes : Blandine, drame en cinq actes, en vers, de M. Jules Barbier ; l’Incendie de Rome, drame en cinq actes et huit tableaux, de M. Armand Éphraïm et Jean La Rode. » pp. 317-337

Mais souvent, dans les tragédies chrétiennes qu’on nous fait encore, les martyrs semblent verser leur sang pour un « idéal » aussi peu formulé que celui des poètes romantiques, ou, tout au plus, pour la religion de Pierre Leroux et de George Sand, et quelquefois pour celle du prince Kropotkine. […] Et nous nous disons que le jeune Ponticus se fera sans doute prier avant de céder Blandine à Jésus ; qu’Attale et Æmilia, passionnément amoureux l’un de l’autre, ne semblent pas dans les meilleures conditions pour embrasser la religion du crucifié, et qu’ils y feront quelque résistance ; ou bien qu’Æmilia se convertira seule, et que sa lutte contre Attale sera, du moins, l’un des principaux épisodes de cette tragédie… Mais rien de tout cela. […] Mais, ailleurs, il semble que l’auteur eût pu nous montrer une Blandine plus originale et plus saisissante. […] Elle serait petite, faible de corps, plutôt laide, comme il semble qu’elle ait été dans la réalité. […] … Mais à la lecture, et jusqu’à l’endroit où j’en ai arrêté le compte rendu, cette œuvre intelligente ne semble point particulièrement neuve, et je dirais qu’elle rentre dans l’ordinaire « formule » des tragédies romano-chrétiennes, si, dans sa dernière partie, ne se marquait fort heureusement le dessein par lequel surtout elle vaut.

673. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXI. Dernier voyage de Jésus à Jérusalem. »

L’évangéliste Jean semble insinuer qu’il y avait dans cette invitation quelque projet caché pour le perdre. « Révèle-toi au monde, lui disaient-ils ; on ne fait pas ces choses-là dans le secret. […] Enfin, un certain Simon le Lépreux, qui était le propriétaire de la maison, faisait, ce semble, partie de la famille 962. […] Car vous ressemblez à des sépulcres blanchis 986, qui du dehors semblent beaux, mais qui au dedans sont pleins d’os de morts et de toute sorte de pourriture. […] Le mot Gethsémani semble signifier « pressoir à huile. » 952. […] Cette histoire se trouvait, à ce qu’il semble, dans l’évangile selon les Hébreux (Papias, cité par Eusèbe, Hist. eccl.

674. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Journal de la campagne de Russie en 1812, par M. de Fezensac, lieutenant général. (1849.) » pp. 260-274

Aux objections que lui faisaient quelquefois les généraux de brigade, un peu mous et un peu indécis, ce semble, il répondait vivement « qu’il ne s’agissait que de se faire tuer, après tout, et que l’occasion était trop belle pour la manquer ». […] On y suit à chaque pas la désorganisation, la destruction de cette force immense, destruction qui semble toujours être arrivée à son extrême limite, et qui a toujours un degré de plus à franchir. […] Tous ces sentiments élevés et délicats, ces belles qualités, ces vertus sociales inculquées dès l’enfance, transmises par les générations, et qui semblent le noble apanage de l’homme civilisé, l’amour de la patrie, de la gloire, l’honneur, le dévouement aux siens, l’amitié, tout cela peu à peu s’obscurcit et s’affaiblit jusqu’à s’abolir. […] On voit bien des braves et de ceux qui semblaient des héros devant les balles, aux prises désormais avec la faim et le froid, s’écrier comme le pauvre homme de la fable : « Pourvu qu’en somme je vive, je suis content !  […] Quand la santé résiste aux souffrances physiques, le courage apprend bientôt à les mépriser, surtout quand il est soutenu par l’idée de Dieu, par l’espérance d’une autre vie ; mais j’avoue que le courage m’abandonnait en voyant succomber sous mes yeux des amis, des compagnons d’armes, qu’on appelle, à si juste titre, la famille du colonel, et qu’il semblait ici n’avoir été appelé à commander que pour présider à leur destruction.

675. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre IV. Critique »

Critique I Toutes les pièces de Shakespeare, deux exceptées, Macbeth et Roméo et Juliette, trente-quatre pièces sur trente-six, offrent à l’observation une particularité qui semble avoir échappé jusqu’à ce jour aux commentateurs et aux critiques les plus considérables, que les Schlegel, et M.  […] Une influence quelconque, fût-ce celle de Shakespeare, ne pouvait qu’altérer l’originalité du mouvement littéraire de notre époque. — « Le système de Shakespeare », dit, à propos de ce mouvement, l’honorable et grave écrivain, « peut fournir, ce me semble, « les plans d’après lesquels le génie doit désormais travailler. » Nous n’avons jamais été de cet avis, et nous avons pris les devants pour le dire il y a quarante ans12. […] Eschyle et Shakespeare semblent faits pour prouver que les contraires peuvent être admirables. […] Double page extraordinaire, recto et verso de la même idée, et qui semble écrite exprès pour prouver à quel point deux génies différents faisant la même chose font deux choses différentes. […] Ferdinand seul en parle, et personne que lui ne semble l’avoir vu.

676. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVII. Des éloges en Italie, en Espagne, en Angleterre, en Allemagne, en Russie. »

Il semble que cette nation spirituelle et vive, dans un climat doux et voluptueux, livrée à tout ce qui peut amuser l’imagination et enchanter les sens, s’occupe plutôt à jouir des impressions qu’elle reçoit qu’à les transmettre, et dans l’expression des arts même, cherche encore plus à intéresser les sens que l’âme et l’esprit. […] Enfin, dans leur conversation même, si souvent ingénieuse et piquante, par la vivacité des images et la force de la pantomime qui anime tous leurs discours, ils semblent surtout parler à l’imagination et aux sens. […] Cependant, une Renommée planait sur le cercueil, et semblait emporter la réputation et la gloire de Michel-Ange vers les siècles à venir. […] Sa tache généreuse commence ou l’intérêt finit, etc. » Dans un endroit où il parle de la protection que Talbot donnait aux arts : « Bien différent, dit-il, de ces hommes vains qui, usurpant le nom de protecteur qu’ils avilissent, osent sacrifier un homme de mérite à leur orgueil, et répandre la rougeur de la honte sur un front honnête, quand il accordait une grâce, c’était une dette qu’il semblait payer au mérite, à la nation et à l’être qui est la source éternelle de tout bien. […] Ce n’est plus le Scythe Anacharsis qui voyage dans Athènes : ce sont les arts même de la Grèce qui semblent voyager chez les Scythes.

677. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 7172-17709

J’en dis autant des racines, soit génératrices soit élémentaires, que l’on retrouve les mêmes dans quantité de langues, qui semblent d’ailleurs avoir entre elles peu d’analogie. […] Ne semble-t-il pas que M. du Marsais veuille dire que le tour anglois n’est anglicisme que quand il est transporté dans une autre langue ? […] Il nous semble que cette décision peut recevoir à certains égards quelques modifications. […] Il faut avouer que cette définition n’est rien moins que lumineuse ; & d’ailleurs elle semble insinuer qu’il n’est pas possible de ramener l’anacoluthe à la construction analytique. […] Il me semble que la définition que j’ai donnée de ce mode, donne une réponse plus satisfaisante à cette question.

678. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Troisième partie. — L’école historique » pp. 253-354

Il semble que La Fontaine ait trop vécu dans la société des animaux qu’il a peints. […] Boileau me semble donc avoir poussé trop loin la défense de l’antiquité dans ses Réflexions critiques. […] Il me semble que l’intelligence suffit. […] Cette raison semble bonne. […] Ils ne vivent pas ; mais il semble qu’ils rêvent.

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