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243. (1856) Cours familier de littérature. I « IVe entretien. [Philosophie et littérature de l’Inde primitive (suite)]. I » pp. 241-320

Nous ne finirions pas, si nous les énumérions en parcourant les scènes diurnes ou nocturnes de notre séjour terrestre. […] La scène des lamentations des femmes et des vieillards sur les cadavres de leurs époux et de leurs fils, semble être écrite par un ancêtre gigantesque d’Eschyle. […] La poésie moderne la plus éthérée et la plus mystique, celle de Dante lui-même, n’a pas une scène aussi émouvante, aussi dramatique et aussi sainte à la fois dans sa simplicité. […] Le concours des prétendants nous rappelle les plus majestueuses scènes de la Bible ou d’Homère. […] Dante, le poète épique et mystique de nos temps modernes, a-t-il aucune scène ou aucune conception, dans ses trois poèmes, supérieure à cette scène, et à cette conception de la littérature indienne ?

244. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, le 8 décembre 1885. »

On le voit dans la fine scène où Eva veut tout savoir de Sachs sans rien dire elle-même. […] Il apparaît avec le sourire bienheureux et timide d’Eva dans la scène de l’église ; il est l’expression hardie du désir de Walther ; c’est de lui qu’est formée la phrase « Eines zu fragen !  […] Sur aucun théâtre la mise en scène n’est conforme à l’esprit de ces œuvres et aux indications du Maître, qui exigeait « comme premier principe, une majestueuse simplicité ». […] I s’agit ici de prendre une scène, un tableau, et d’écrire un texte s’inspirant de la scène originale en la décrivant, la commandant, la discutant… Jules Laforgue, dans ses Morales légendaires, présente ainsi en particulier un Lohengrin réécrit de façon parodique. Pour toutes ces écritures et réécritures des scènes et textes wagnériens, voir la thèse de Timothée Picard : Wagner, une question européenne, contribution à une étude du wagnérisme, 1860-2004, Presses universitaires de Rennes, 2006.

245. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XI. »

Une autre scène de ce tableau cependant, une autre épreuve de cette vie symbolique portée sur le théâtre d’Athènes, avait besoin d’un enthousiasme plus audacieux encore : c’était le Prométhée délivré. […] Et, pour que rien ne manque il la terreur de cette scène, c’est Clytemnestre elle-même qui introduit Cassandre à la fête lustrale préparée dans le palais d’Agamemnon, et bientôt ensanglantée par sa mort. […] Sous un tel maître, la scène tragique devait rester majestueuse et sainte. […] Rien ne saurait mieux unir le charme lyrique à l’action de la scène. […] Aristophane continuait Archiloque sur la scène ; et, bien que la satire animât partout le dialogue, elle jaillissait plus vive dans les Chœurs.

246. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

La pièce commence : il écoute d’abord avec la physionomie la plus épanouie comme pour narguer ses voisins : l’intérêt peu à peu s’engage ; l’émotion gagne ; mais, quand vient la scène où Eulalie épanche son âme brisée dans le sein de la comtesse, on ose à peine respirer ; on n’y tient plus, on entend dans la salle quelques soupirs oppressés, puis des sanglots : la figure du mauvais plaisant s’altère elle-même ; il retire ses mouchoirs, et finit par s’en servir discrètement pour essuyer de vraies larmes. […] Mme Gontier vieille et devenue dévote, bien que restée comédienne, n’entrait jamais en scène sans faire deux ou trois fois dans la coulisse le signe de la croix. […] Il fallait entendre le récit de cette petite scène par Mme Valmore : on en riait en pleurant. — Une vraie petite scène d’opéra-comique ou de demi-vaudeville en action. […] Le parterre en tumulte s’est porté sur le théâtre pour les forcer à quitter la scène. […] Ne recommencent-ils pas quelquefois, sans s’en apercevoir, la même scène sous d’autres noms ?

247. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME ROLAND — II. » pp. 195-213

Quand le drame public se déclara pour elle, par combien de scènes dut-elle l’acheter ! […] Mais nous n’avons affaire ici qu’aux scènes d’humble début, à une exposition simple, émue, irréprochable. […] » On voit le ton où elle se montait ; c’est comme dans la scène sublime : Adieu, trop malheureux et trop parfait amant ! […] La dernière scène surtout, où La Blancherie lui parut si différent de ce qu’elle l’avait fait, mais au sortir de laquelle pourtant elle le jugeait encore avec une véritable estime cette scène d’entrevue un peu mystérieuse, qui dura quatre heures, est racontée par elle dans ses Mémoires avec une infidélité de souvenir bien légère et bien cruelle. […] Je crains pourtant que ce ne soient les Mémoires qui, en ramassant dans une seule scène le résultat de jugements un peu postérieurs, aient altéré sans façon un souvenir dès longtemps méprisé.

248. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre V. Des ouvrages d’imagination » pp. 480-512

Plus de simplicité dans les manières et dans les situations fournirait aux écrivains, sous la république, beaucoup moins de scènes de comédies. […] Plusieurs tentatives ont été faites pour adapter à la scène française des beautés du génie anglais, des effets du théâtre allemand ; et si l’on en excepte un très petit nombre64, ces essais ont obtenu des succès momentanés, et nulle réputation durable. […] Les personnages obscurs de Shakespeare parlent en prose, ses scènes de transition sont en prose ; et lors même qu’il se sert de la langue des vers, ces vers n’étant point rimés, n’exigent point, comme en français, une splendeur poétique presque continue. […] Ducis, dans quelques scènes de presque toutes ses pièces ; Chénier, dans le quatrième acte de Charles IX ; Arnault, dans le cinquième acte des Vénitiens, ont introduit sur la scène française un nouveau genre d’effet très remarquable, et qui appartient plus au génie des poètes du Nord qu’à celui des poètes français. […] Je ne crois pas impossible cependant de réussir dans une route nouvelle, en sachant ménager avec talent quelques effets non encore risqués sur la scène ; mais pour que cette entreprise ait du succès, il faut qu’elle soit dirigée par le goût le plus sévère.

249. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — II. (Suite.) » pp. 149-166

Ici la scène s’agrandit, et la question prend une portée plus haute. […] En ce qui le concerne particulièrement, trois faits principaux se détachent et le montrent publiquement en scène avec son caractère de force, de prudence et de haute fermeté. […] La seconde circonstance célèbre où il fut en scène eut un caractère tout différent. […] Cette scène devant le Conseil privé laissa une impression profonde dans l’âme de Franklin. […] II, p. 488 de sa publication de Franklin), ne s’est pas souvenu du témoignage de Priestley, et s’est borné à réfuter une assertion de lord Brougham, qui, par une méprise mêlée d’embellissement, avait reporté la petite scène, devenue par là plus dramatique, au moment même de la signature du traité de paix entre l’Angleterre et l’Amérique, novembre 1782.

250. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre IV. Littérature dramatique » pp. 202-220

Nous avons eu les pièces à terreur, les pièces à surprises macabres, de la parade italienne de Ruzzante nous descendons au drame chirurgical, l’ancienne scène à effet du mélodrame servie, seule, avec beaucoup d’épices et sans sauce. […] Nous ne partageons pas pourtant l’opinion des gens de théâtre qui condamnent à l’avance la réalisation sur la scène de ces œuvres. […] Entrée de la Dame dans le palais de Magnus, la Mort de Magnus ; Beautés poignantes, Scènes d’angoisse et d’amour, qui vous ravissent et vous bouleversent, hurlantes d’humanités ! […] Ce qui manqua surtout à l’épanouissement du drame social, ce fut une scène et un public. […] Il n’y a place sur la scène que pour le poète et l’observateur.

251. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Introduction » pp. 3-17

La Comtesse d’Escarbagnas, scène xv. […] Or, 1º la personne d’Alfred de Musset remplit son théâtre : il est l’amant de Camille, le neveu de Van Buch ; il montre trop d’esprit et trop de son esprit, quand il dispute contre son oncle ; 2º il rêve, il fait de la fantaisie sur la scène, de même que dans ses Nuits ou dans Rolla ; qu’est-ce qu’une comédie qui s’ouvre par le chant d’un chœur : « Doucement bercé sur sa mule fringante, Messer Blazius s’avance dans les bluets fleuris1 ?  […] Gai pamphlétaire, couvrant de grelots le fouet de la satire, il remplirait sur la scène le rôle grave et délicat du bouffon de cour. […] On ne badine pas avec l’amour, acte I, scène i.

252. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Corneille, et le cardinal de Richelieu. » pp. 237-252

Quelque succès qu’eussent eu Mélite, Clitandre, la Veuve, la Galerie du palais, la Suivante, la Place royale, Médée, s’il en fût resté là, jamais la scène Françoise n’eût égalé la scène Grecque. […] On en sçavoit par cœur des scènes entières. […] Ce fut alors qu’un tas d’écrivains obscurs, enhardis par l’impunité de la satyre, ou par l’idée d’avoir part aux bonnes graces du cardinal, s’acharna, comme à l’envi, contre le plus bel ornement de son siècle, contre le créateur de la scène Françoise.

253. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 40-47

La Sophonisbe de ce dernier fut supérieure, il est vrai, aux Pieces qui l’avoient précédée ; mais les foibles lueurs qu’on y appercevoit n’étoient que les premiers rayons du grand jour que Corneille devoit répandre sur la Scène Tragique. […] Nous ne craignons même pas de dire que dans Othon, Sertorius, Sophonïsbe, Œdipe, Surena, on trouve des Scènes qui supposent plus d’élévation & de vigueur dans l’ame, qu’Alzire, ou Mérope, ou Mahomet. […] En parcourant l’Histoire du Théatre, on voit le Cid, les Horaces, Cinna, la Mort de Pompée, occuper la Scène avant Venceslas, la seule des Pieces de Rotrou qui ne se ressente pas de l’ignorance & du mauvais goût de son temps.

254. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre sixième. Le roman psychologique et sociologique. »

Un roman est plus ou moins un drame, aboutissant à un certain nombre de scènes, qui sont comme les points culminants de l’œuvre. […] On peut trouver un exemple de catastrophe purement morale dans la scène culminante de la Curée, — un roman prolixe d’ailleurs et souvent déclamatoire. Tout vient aboutir à cette scène ; on s’attend donc à une action, à un événement, à un heurt de forces et d’hommes : il n’y a rien qu’une crise psychologique. […] Cette scène de violence se fond aussitôt dans une scène de coquetterie, de séduction par le regard, par l’attitude, par la caresse de la voix, enfin par la caresse même du langage (elle lui parle basque) ; « notre langue, monsieur, est si belle que, lorsque nous l’entendons en pays étranger, cela nous fait tressaillir. » — « Elle mentait, monsieur, elle a toujours menti. […] toute la poésie de la vieillesse, du passé se souvenant, est là : la fleur et la solitude, mais c’est presque de la mise en scène pour cette figure de vieille femme.

255. (1895) Impressions de théâtre. Huitième série

La scène est un vieux jardin planté de saules. […] D’abord, le metteur en scène, c’est M.  […] » La scène est jolie et cordiale, et a beaucoup plu. […] Et la scène suivante est supérieure encore. […] Cela, c’est la scène connue.

256. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XLV » pp. 176-182

Dans la dernière et violente scène de vendredi, il a montré tout ce que peut la ténacité d’un homme insulté, traqué, et un invincible courage. […] Il est bon de savoir que la scène violente de la Chambre, la scène de Grand avait été concertée d’avance par l’opposition : ce qui a paru une explosion instantanée n’était qu’un petit complot préparé derrière les coulisses depuis plusieurs jours.

257. (1875) Premiers lundis. Tome III « Émile Augier : Un Homme de bien »

Son Homme de bien, en trois actes, dont bien des scènes sont agréablement versifiées, n’a rempli qu’imparfaitement l’attente du public et, nous le croyons aussi, l’espoir de l’auteur lui-même. […] — N’oublions pourtant pas d’ajouter que l’oncle Bridaine, si bien joué par Provost, et qui rentre dans les anciennes données comiques, est excellent : il prête aux meilleures scènes de l’ouvrage, et le second acte lui a dû son espèce de succès. […] Le jeune et spirituel auteur a (c’est tout simple) beaucoup à apprendre de la pratique du métier et du jeu de la scène ; MM. 

258. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre V. Suite des précédents. — Héloïse et Abeilard. »

Donnez Racine pour interprète à Héloïse, et le tableau de ses souffrances va mille fois effacer celui des malheurs de Didon par l’effet tragique, le lieu de la scène et je ne sais quoi de formidable que le christianisme imprime aux objets où il mêle sa grandeur. […] Il était impossible que l’antiquité fournît une pareille scène, parce qu’elle n’avait pas une pareille religion. […] Au reste, il y aurait d’autres observations intéressantes à faire sur Héloïse, par rapport à la maison solitaire où la scène se trouve placée.

259. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 juillet 1886. »

—  sur la scène : 2, 4, 5 juillet. […] —  chant, au piano, sur la scène : 8, 9, 10 juillet. […] La fable mise en scène n’est que l’expression d’un état intérieur traduit en faits visibles. […] A cet endroit commence une des scènes les plus extraordinaires, les plus inoubliables qui soient au théâtre, une scène assurément unique en sa beauté et telle qu’il n’appartient qu’au génie d’en trouver de semblables. […] Cette scène est l’une des plus admirables, l’une des plus complètes de la Tétralogie.

260. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Saint-Paul, Albert (1864-19..) »

[Bibliographie] Scènes de bal (1889). — Pétales de nacre (1891). […] Scènes de bal, en des décors de Boucher et de Watteau, évoquaient les chères ombres du siècle passé.

261. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre premier. Ce que devient l’esprit mal dépensé » pp. 1-92

À l’heure qu’il est, cette scène du docteur Pancrace n’est qu’une charmante scène de comédie. […] C’est là une scène d’un puissant effet. — Va me chercher un avocat ! […] C’est une scène magnifique. […] On eût offert cette scène à Molière, que Molière eût répondu : J’accepte ! […] C’est la scène d’une comédie de Térence : le Phormion.

262. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — George Sand, Lélia (1833) »

Deux ou trois passages de Lélia pouvaient mériter, à coup sûr, des reproches et soulever des scrupules par une grande nudité d’aveu ; mais le sérieux continu et l’élévation du sentiment rendaient ces passages mêmes beaucoup plus chastes que les trois quarts des scènes triviales qu’admirent et célèbrent nos critiques dans les romans de chaque jour. […] Les plaintes sur la société, les conversations métaphysiques elles-mêmes y auraient trouvé place, mais avec plus de précision souvent, dans des scènes plus particularisées ; et ainsi eût été évité le voisinage de Byron, dont l’ombre doit se rencontrer trop aisément sur ces cimes imaginaires de Monte-Verdor ou de Monte-Rosa. En passant d’ailleurs à l’état de représentation idéale et de symbole, les personnages ou les scènes, dont la première donnée était, pour ainsi dire, à terre, n’ont pu éviter, au moment indécis de leur métamorphose, de revêtir un caractère mixte et fantastique qui ne satisfait pas. […] Dans la scène du choléra, Lélia atteinte et déjà bleue discute avec le docteur et s’exhale vers son amant, comme les demi-dieux blessés n’auraient pas assez d’haleine pour le faire.

263. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « L’Âge héroïque du Symbolisme » pp. 5-17

Dans cette même année, Antoine, qui n’a pas encore trouvé de scène fixe pour son Théâtre libre, fait applaudir à la Porte Saint-Martin La mort du Duc d’Enghien de Hennique et, çà et là, l’École des Veufs de Georges Ancey, La Meule de Lecomte, Le Canard Sauvage d’Ibsen et le Père Goriot, tandis que Paul Fort crée le Théâtre d’Art et annonce qu’à partir du mois de mars « les soirées seront terminées par la mise en scène d’un tableau des peintres de la jeune école. […] Une musique de scène et des parfums combinés s’adaptant au sujet du tableau, viendront parfaire l’impression »… Je copie le programme du spectacle du 27 janvier : I. […] Prostituée, scène populaire de M. de Chirac.

264. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Pierre Corneille »

Sa dictature allait cesser, il est vrai ; Théophile, par sa tragédie de Pyrame et Thisbé, y avait déjà porté coup ; Mairet, Rotrou, Scudery, étaient près d’arriver à la scène. […] Outre les galanteries amoureuses et les beaux sentiments de rigueur qu’on prêtait à ces vieux républicains, on avait une occasion, en les produisant sur la scène, d’appliquer les maximes d’état et tout ce jargon politique et diplomatique qu’on retrouve dans Balzac ; Gabriel Naudé, et auquel Richelieu avait donné cours. […] Corneille s’était imaginé, en 1653, qu’il renonçait à la scène. […] Il suffit donc d’un encouragement et d’une libéralité de Fouquet, pour le rentraîner sur la scène où il demeura vingt années encore, jusqu’en 1674, déclinant de jour en jour au milieu de mécomptes sans nombre et de cruelles amertumes. […] Au milieu de cette confusion se seraient détachées çà et là de belles scènes, d’admirables groupes ; car Corneille entend fort bien le groupe, et, aux moments essentiels, pose fort dramatiquement ses personnages.

265. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XI. La littérature et la vie mondaine » pp. 273-292

Puis le ton général : aucune familiarité ; point de scènes comiques où la dignité des grands de la terre pourrait se trouver compromise ; l’étiquette règne sur la scène comme à la cour. […] Il n’est pas jusqu’aux paysans qui sont bien difficiles à amener dans ce salon qu’est alors la scène tragique. […] Les serments indiscrets, acte I, scène vi. […] La mère confidente, scène vii. […] L’heureux stratagème, acte 1, scène v.

266. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La Harpe. Anecdotes. » pp. 123-144

La scène alors eût été complète. […] C’est toute une petite scène de comédie très bien exécutée. […] De curieux et mystérieux auditeurs étaient déjà à l’affût derrière les paravents pour jouir de la scène. […] La scène est admirablement conduite de tout point ; il n’y a pas un mot inutile et qui ne tende à l’effet. […] Je n’examine pas le raisonnement, qui est hardi et qui tend à introduire le surnaturel parce qu’il y a eu de l’extraordinaire : la seule remarque que je veuille faire en ce moment, c’est que, le jour où La Harpe a écrit d’inspiration cette scène de verve et de vigueur, son talent pour la première fois s’est trouvé monté au ton de sa sensibilité émue et de son imagination frappée.

267. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Le Prince » pp. 206-220

On ne sait ce que deviennent ces eaux qui auraient dû inonder tout le devant de la scène, et vous arrêter dès le premier pas, mais n’importe. […] La scène est au fond d’une forêt. […] La scène se termine à gauche, par des arbres, un lointain, de la forêt, du paysage. […] Ces enfans sont beaucoup trop grands pour une scène aussi puérile, si elle est réelle ; si c’est une allégorie, elle est plate. […] Scène froide et mauvaise, où la misère de l’idéal n’est point rachetée par le faire.

268. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Madame Bovary par M. Gustave Flaubert. » pp. 346-363

Le lecteur, s’arrêtant court sur des scènes déjà hardies, se demandait : Qu’y aura-t-il au-delà ? […] Une lecture continue remet chaque scène à son vrai point. […] Cette noce, la visite et le bal au château de la Vaubyessard, qui en sera comme le pendant, toute la scène des comices agricoles qui viendra plus tard, font des tableaux qui, s’ils étaient peints au pinceau comme ils sont écrits, seraient à mettre dans une galerie à côté des meilleures toiles du genre. […] Parmi ceux qui vont désormais paraître et ne plus quitter la scène à titre d’officieux et d’empressés, au premier plan se dessine le pharmacien M.  […] Il y a une scène touchante et poignante : c’est celle où Bovary, rentré de ses visites, la nuit, devant le berceau de sa fille, se met à rêver (le pauvre homme qui ne soupçonne rien !)

269. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. Suite et fin. » pp. 73-95

Mais l’auteur, en poussant si fort ce siège, avait encore un autre dessein que celui de montrer l’attaque dans toute sa science ; comme il avait en perspective pour son avant-dernier chapitre la scène de famine indiquée par l’histoire, quand l’armée des Mercenaires enfermée entre deux défilés se verra réduite à se dévorer elle-même, il voulait, pour pendant, montrer d’avance les Carthaginois réduits, eux aussi, aux dernières extrémités, mais subissant par contraste le supplice de la soif : soif contre faim, description contre description. […] Cette scène d’ailleurs, prise en elle-même, cette adoration du monstrueux et sanguinaire Moloch, peut avoir sa vérité, et a certainement son horreur. […] Après la scène du sacrifice, où l’on jette entre les bras de la statue d’airain jusqu’à quatorze enfants, on a aussitôt la pluie ; le ciel se détend, et bientôt la chance tourne aussi, la face des affaires change, et l’on arrive un peu vite à la scène du défilé de la Hache, où la plus grande partie de l’année barbare est cernée. […] Une grande scène de lions dévorants et de chacals rapaces achève le spectacle effroyable de ce charnier grandiose comme un Colysée. […] La Bible dont je sais que vous vous autorisez, vous et d’illustres Sémitiques avec vous, pour conclure de là à la Phénicie et ensuite à Carthage (ce qui ne laisse pas d’être un peu loin), la Bible est remplie de scènes et de figures qui, au milieu des duretés et des épouvantements, reposent et consolent.

270. (1778) De la littérature et des littérateurs suivi d’un Nouvel examen sur la tragédie françoise pp. -158

Imaginez la prose de Rousseau sur la scène françoise, & voyez comme tous les vers pâlissent. […] nous sommes au milieu de l’Europe, scène vaste & imposante des évènemens les plus variés & les plus étonnans, & nous n’aurions pas un Art Dramatique à nous ! […] Quel avantage pour la scène Angloise d’avoir eu cet homme extraordinaire pour Fondateur ! […] Il est défendu en France, par exemple, d’ouvrir la scène autrement que par une plate & languissante narration. […] Je crois que l’on a volontairement fermé les yeux sur la Nature, & que l’on s’est privé des scènes les plus neuves & les plus intéressantes.

271. (1874) Premiers lundis. Tome I « Fenimore Cooper : Le Corsaire Rouge »

On a cité dans le Globe une admirable scène du Corsaire rouge, au moment de sa publication. […] Cooper a voulu, comme l’auteur de Roderic Random, décrire des mœurs et des scènes de mer ; mais c’est avec plus de poésie, et, pour ainsi dire, avec plus d’amour, qu’il l’a fait. […] Sa conduite, dans la tempête, au milieu des murmures de l’équipage, sa résolution de monter au mât sur le refus du lieutenant, sa volonté ferme de demeurer à bord du vaisseau abandonné tant qu’il en restera une planche à flot, tous ces sentiments énergiques et vrais répandent au milieu de tant de scènes déchirantes une forte teinte de sublimité morale qui rehausse et achève leur effet ; et lorsque, après la tempête, la nuit, sous les rayons de la lune, on voit Wilder, au gouvernail de la chaloupe, se pencher en avant, comme pour entendre la douce respiration de Gertrude endormie, l’âme du lecteur, qui a passé par tous les degrés de l’angoisse, jouit délicieusement de cet instant de pure ivresse, et succombant aux sensations qui l’inondent, elle dirait volontiers avec le poète : C’est assez pour qui doit mourir.

272. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXIXe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Le drame de Faust par Goethe (2e partie) » pp. 161-232

La scène représente la cathédrale de la petite ville, pendant une solennité à l’église. […] C’est une de ces scènes où l’imagination et le cœur de l’homme ont recréé la nature dans tout son honneur et dans toute sa pitié. — Lisez ! […] Lisons ensemble quelques scènes de ce tableau aussi homérique par la forme qu’il est flamand ou allemand par le fond. […] » Y a-t-il dans Homère ou dans Virgile une scène plus antique et plus naïvement racontée ? Et cependant la scène est d’hier, les mœurs sont du jour et du pays, et le sentiment en est de tous les temps.

273. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre I. Du comique en général »

Que trouverait-on de commun entre une grimace de pitre, un jeu de mots, un quiproquo de vaudeville, une scène de fine comédie ? […] Nous voulons dire que le dessinateur peut se doubler d’un auteur satirique, voire d’un vaudevilliste, et qu’on rit bien moins alors des dessins eux-mêmes que de la satire ou de la scène de comédie qu’on y trouve représentée. […] Rien ne coupe mieux une scène tragique ; car, quand on est assis, cela devient comédie. » Élargissons maintenant cette image : le corps prenant le pas sur l’âme. […] Quand le juge Brid’oison arrive sur la scène en bégayant, n’est-il pas vrai qu’il nous prépare, par son bégaiement même, à comprendre le phénomène de cristallisation intellectuelle dont il va nous donner le spectacle ? […] Enfin apparaissait l’image vers laquelle toute cette scène évoluait sans doute inconsciemment : des ballons de caoutchouc, lancés en tous sens les uns contre les autres. — La seconde scène, plus grossière encore, ne fut pas moins instructive.

274. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Deux tragédies chrétiennes : Blandine, drame en cinq actes, en vers, de M. Jules Barbier ; l’Incendie de Rome, drame en cinq actes et huit tableaux, de M. Armand Éphraïm et Jean La Rode. » pp. 317-337

Voici quelques-unes des indications de la mise en scène : « Au lever du rideau, Sextius est occupé avec les soldats à rassembler et à préparer des instruments de torture épars sur le sol, tenailles, lames, carcans, ceps, fouets, etc. » Plus loin : « Blandine, vivement éclairée, est attachée à une croix. […] Jules Barbier, dans son avant-dernière scène, met bravement cette note de couleur scientifique, un peu inattendue dans une tragédie chrétienne : « Ponticus complètement anesthésié ». […] Il n’a pas d’ailleurs été partout inégal à sa tâche ; et voici une scène, — la dernière, — où la maternité chaste et sanglante de Blandine, aidant le pauvre petit Ponticus à souffrir et à mourir, est peinte de traits assez forts et assez doux : PONTICUS Pardonne-moi, j’ai peur ! […] Il y a du mouvement, de la variété, des coups de théâtre qui, pour être facilement prévus, n’en font pas moins de plaisir, des fins d’actes qui sont toutes « à effet », des scènes tumultueuses à personnages nombreux et qui sont très bien réglées. […] Éphraïm et La Rode nous montrent dans une scène qui est, à coup sûr, la plus précieuse de leur drame.

275. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » p. 60

Plus d’étude & plus d’attention à former son goût, auroient perfectionné ses heureuses dispositions pour la Scène lyrique. On remarque dans sa Zaïde, Reine de Grenade, de l’ordre dans le plan, de l’intelligence dans la distribution des Scènes, du naturel & de la vivacité dans les idées & les expressions, du sentiment & du pathétique dans les situations.

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