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1022. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre V. Swift. » pp. 2-82

Ceci pourra peut-être sembler un paradoxe trop fort, même à notre âge savant et paradoxal ; c’est pourquoi je l’exposerai avec toute la réserve possible et avec une extrême déférence pour cette grande et docte majorité qui est d’un autre sentiment. —  Du reste, j’espère qu’aucun lecteur ne me suppose assez faible pour vouloir défendre le christianisme réel, qui, dans les temps primitifs, avait, dit-on, quelque influence sur la croyance et les actions des hommes ; ce serait-là en effet un projet insensé ; on détruirait ainsi d’un seul coup la moitié de la science et tout l’esprit du royaume. […] Cependant le frère aux distinctions, maintenant qu’il avait mis la main à l’ouvrage, prouva par un très-bon argument que K était une lettre moderne, illégitime, inconnue aux âges savants, et qu’on ne rencontrait dans aucun ancien manuscrit. […] La religion noyée, il se tourne contre la science : car les digressions dont il coupe son conte pour contrefaire et railler les savants modernes sont attachées à son conte par le lien le plus étroit. […] Ce profond traité contient tout le secret de la métempsychose, et développe l’histoire de l’âme à travers tous ses états. —  Whittington et son chat est une œuvre de ce mystérieux Rabbi Jehuda Hannasi, contenant une défense de la Gémara de la Misna Hiérosolymitaine, et les raisons qui doivent la faire préférer à celle de Babylone, contrairement à l’opinion reçue. » Lui-même avertit qu’il va publier « une histoire générale des oreilles, un panégyrique du nombre trois, une humble défense des procédés de la canaille dans tous les siècles, un essai critique sur l’art de brailler cagotement, considéré aux points de vue philosophique, physique et musical », et il engage les lecteurs à lui arracher par les sollicitations ces inestimables traités qui vont changer la face du monde ; puis, se tournant contre les savants et les critiques éplucheurs de textes, il leur prouve à leur façon que les anciens ont parlé d’eux. […] Ainsi Pausanias dit qu’il y eut une race d’hommes qui se plaisait à grignoter les superfluités et les excroissances des livres ; ce que les savants ayant enfin observé, ils prirent d’eux-mêmes le soin de retrancher de leurs œuvres les branches mortes et superflues.

1023. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1863 » pp. 77-169

On est un savant avec cela. […] Il y a Nieuwerkerke, un savant du nom de Pasteur, Sainte-Beuve, Chesneau, le critique d’art de L’Opinion nationale. […] C’est Taine, l’incarnation en chair et en os de la critique moderne, critique à la fois très savante, très ingénieuse, et très souvent fausse au-delà de ce qu’on peut imaginer. […] … Son histoire : c’est le mensonge et la convention pompeuse et bête de la plus vieille et solennelle histoire… Sa science, ses hypothèses, un objet de risée pour les savants contemporains ! […] « D’éminents écrivains, savants, ingénieux (je pense à MM. de Goncourt). »

1024. (1905) Propos littéraires. Troisième série

Sans être précisément savant, il fut instruit ; il avait des lettres autant qu’il avait du monde ; il était fort bon humaniste. […] Une littérature savante, supposant une éducation littéraire très forte chez le poète, assez forte chez le lecteur. […] Il est savant lui-même, ou du moins bien muni. […] Taine fut un savant. On naît savant.

1025. (1905) Propos de théâtre. Deuxième série

Les Femmes savantes, de 1730 à 1800, sont jouées 203 fois. […] Seules, les deux pièces, Les Femmes savantes et Tartuffe, ont des destinées différentes de celles des précédentes, Les Femmes savantes un peu différentes, le Tartuffe tout à fait. […] Il était savant, il était intelligent. […] Je crois bien que Molière y a un peu songé dans Les Femmes savantes. […] il faut être savant pour être critique dramatique !)

1026. (1905) Études et portraits. Sociologie et littérature. Tome 3.

En cela il est un savant. […] En cela encore il est un savant. […] Ils ne sont plus des illettrés et ils ne sont pas encore des savants. […] Ses vers sont ingénieux, habiles, savants, chargés d’idées, chargés même d’émotion. […] D’une expérience unique, un savant ne saurait induire aucun principe général.

1027. (1876) Romanciers contemporains

. — Aussi en géométrie, répondit l’illustre savant. » Cette charmante anecdote nous revient naturellement à l’esprit. […] On ne vit pas que la Guzla était l’anagramme de Gazul ; le Journal des savants s’y laissa prendre ; l’érudition allemande surtout se jeta avec ardeur sur cette pâture qui était offerte à son ignorante naïveté, et deux ou trois savants d’outre-Rhin se disputèrent l’honneur de découvrir le texte réel des chants d’Hyacinthe Maglanowich. […] Plus tard il éprouva un plaisir de même nature quand, après la publication de la Vénus d’Ille, un savant eut la pensée de lui demander où il avait vu une aussi merveilleuse statue. […] Reybaud laisse dire les savants secs et pointus. […] L’Académie lit tout ce qui lui est présenté, et ses décisions, répandues dans le monde savant, y assurent la notoriété à ceux qu’elle distingue.

1028. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Joseph de Maistre »

Chaque jour M. de Maistre avait à peine achevé son repas que le Père Hintz (c’était le nom du savant) arrivait chargé de vieux livres, et des dissertations s’établissaient à fond entre eux sur le grec, l’hébreu, le copte. […] Il était parti seul et demeura ainsi plusieurs années sans avoir près de lui sa famille, de sorte que sa vie d’homme d’étude et de savant n’était guère interrompue. […] Il n’écrit que tard, on le sait, par occasion, pour rédiger ses idées ; savant jurisconsulte, tenant par ce côté encore à Rome, la ville du droit, il ne se considère que comme un amateur plume en main, et n’en va que plus ferme, comme ces novices qui, dans le duel, vous enferrent d’emblée avec l’épée. […] D’autres sont venus qui ont défait tout cela, qui vous ont rejeté de leur philosophie, laquelle (je leur en demande bien pardon), pour être plus savante et moins maigre que la précédente, me semble bien artificielle aussi. […] Il faut regretter que l’utile et savant travail de M. 

1029. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre I. De l’évolution de la vie. Mécanisme et finalité »

C’est pourquoi l’on pourrait supposer que le flux du temps prît une rapidité infinie, que tout le passé, le présent et l’avenir des objets matériels ou des systèmes isolés fût étalé d’un seul coup dans l’espace : il n’y aurait rien à changer ni aux formules du savant ni même au langage du sens commun. […] Ne vaut-il pas mieux, dès lors, s’en tenir à la lettre du transformisme, tel que le professe la presque unanimité des savants ? […] Toutefois, il s’en faut que les savants soient d’accord entre eux sur la valeur des explications et des schémas de ce genre. […] Aussi les savants qui ont cru à l’universalité et à la parfaite objectivité des explications mécaniques ont-ils fait, consciemment ou inconsciemment, une hypothèse de ce genre. […] Nulle part ne se fait mieux sentir l’impossibilité pour les philosophes de s’en tenir aujourd’hui à de vagues généralités, l’obligation pour eux de suivre les savants dans le détail des expériences et d’en discuter avec eux les résultats.

1030. (1889) Les artistes littéraires : études sur le XIXe siècle

Elles suffisent à établir pour combien de ses contemporains, et des plus savants, des plus délicats, l’auteur des Émaux et Camées est resté lettre close. […] Il subit la peine d’une trop savante expérience sur ce qui l’entoure ; dès son enfance, il a trop bien acquis, par une sorte de divination, la connaissance exacte de la vie et de l’humanité pour goûter sans arrière-pensée aucun plaisir. […] Quant à sa psychologie morbide et savante, quant à sa philosophie subtile, voluptueuse et esthétique, elles resteront probablement fermées pour jamais au plus grand nombre des lecteurs ; et, en définitive, est-ce un mal ? […] Mais pour se servir de ce vers compliqué et savant, il fallait du génie et une oreille musicale, tandis qu’avec les règles fixes les écrivains les plus médiocres peuvent, en leur obéissant fidèlement, faire, hélas ! […] On en fera des imitations plus ou moins savantes et réussies ; on ne ressuscitera pas ce qui a cessé de vivre.

1031. (1895) Impressions de théâtre. Huitième série

Ce qu’on est parvenu à faire de l’Armande des Femmes savantes est étonnant ! […] Il n’offre même que trop de nuances et de savantes oppositions. […] Pourquoi Solness n’est-il pas ce qu’il représente : un écrivain, un savant, un peintre, un sculpteur, un artiste de génie ? […] D’ailleurs ne fût-il pas tiré au clair par ces savants hommes, ce miracle deux fois meurtrier resterait douteux ; et le pauvre pasteur Bratt n’a pas fini de promener par les fiords son âme désolée. […] Le vieux savant lui offre une hospitalité de quelques heures, l’endort avec un certain élixir qui le fait passer pour mort, et le dessèche avec soin sous sa cloche pneumatique.

1032. (1892) Portraits d’écrivains. Première série pp. -328

Il sait que les conducteurs de l’esprit humain, quand ils n’ont pas été les grands savants, ont été les grands prêtres. […] L’homme qui pense, le travailleur, le savant, s’entoure d’indifférence et ne permet pas à la femme de venir le troubler dans son œuvre. […] Il déclarait que le romancier doit être un médecin et un savant. […] Zola s’honore d’être un disciple, ce n’est pas un écrivain, mais c’est un savant : Claude Bernard. […] Le savant peut expérimenter, parce que, après qu’il est intervenu pour instituer l’expérience, il s’efface, disparaît ; et, laissant alors agir les seules forces naturelles, il constate ensuite le résultat qui s’est produit en dehors de son action : il y a d’un côté le savant qui regarde et de l’autre la nature qui agit.

1033. (1912) Pages de critique et de doctrine. Vol I, « I. Notes de rhétorique contemporaine », « II. Notes de critique psychologique »

Enfin la connaissance trop savante et le maniement trop adroit des mots confinent à la virtuosité. […] L’artiste tel que le concevait Gautier, le savant tel que le concevait Taine, devaient être également impersonnels. […] Si oui, l’artiste et le savant dont se compose le romancier ont fini leur besogne. […] Il polit des verres de lunettes pour les savants, métier humble qui lui gagne son humble vie. […] Ses rimes sont choisies et savantes.

1034. (1882) Essais de critique et d’histoire (4e éd.)

Le lecteur prendra par exemple quelque artiste, savant ou écrivain notable, tel poète, tel romancier, et lira ses œuvres, la plume à la main. […] On voit qu’il s’agit ici d’une expérience pareille à celles que les savants font en physiologie ou en chimie. […] Que l’auteur soit de bonne foi et très savant, tout le monde l’accorde. […] Si elle ne fait pas des savants, elle fait des artistes. […] Nulle ombre de vie publique : la violente conquête et la savante administration romaine avaient changé les cités libres et les peuples indépendants en autant de fermes régulières où l’unique souci était d’obtenir une exemption d’impôt.

1035. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Ma biographie »

Alphonse Le Roy avait été chargé par le Conseil académique de l’université de Liège, qui venait de célébrer son cinquantième anniversaire (le 3 novembre 1867), de composer une histoire même de cette université, un Liber memorialis, destiné à toutes les grandes bibliothèques publiques du monde savant en Europe et en Amérique ; une Notice sur tous les professeurs qui y avaient enseigné depuis l’année de sa fondation (1817) devait y trouver place, et non seulement une Notice biographique, mais bibliographique. […] L’oncle leur parla alors d’un savant qu’il connaissait dans le quartier Saint-Jacques, un ancien prêtre qui s’était marié à la Révolution, et qui avait siégé à la Convention II donnait aujourd’hui des leçons de latin et de grec (on était en 1818), et il élevait lui-même son fils, qui avait reçu de lui une très bonne éducation. […] Le 31 janvier 1867, le Bureau du Journal des Savants élut M. 

1036. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE LA FAYETTE » pp. 249-287

On peut voir dans Valincour une théorie complète du roman historique très-bien exposée par un savant qu’il introduit, et cette théorie n’est autre que celle que Walter Scott a en partie réalisée. […] Rœderer a mille fois raison au sujet des relations de Molière avec le monde de Mmes de Sévigné, de La Fayette, et en montrant que la pièce des Femmes savantes ne les regardait en rien. […] On n’avait pas besoin de ce témoignage pour conclure que Mme de La Fayette ne se faisait aucune illusion sur les défauts du pauvre Ménage, et je crains même qu’elle n’ait songé à lui, entre autres, et à toutes ses platitudes, le jour où elle dit « qu’il étoit rare de trouver de la probité parmi les savants. » 104.

1037. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers (2e partie) » pp. 177-248

Thiers (2e partie) I À l’exception du pouvoir civil emporté à la pointe de l’épée au 18 brumaire par un général qui mettait la victoire au-dessus de la loi et qui réduisait tous les droits au droit de la force, nous avons admiré jusqu’ici la savante exposition et la profonde sagacité d’esprit de M.  […] Le général Bonaparte controversait volontiers sur les questions philosophiques et religieuses avec Monge, Lagrange, Laplace, savants qu’il honorait et qu’il aimait, et les embarrassait souvent, dans leur incrédulité, par la netteté, la vigueur originale de ses arguments. […] Les diplomates y trouveront des monuments de diplomatie savante, admirablement scrutés et éclairés d’un jour qui ne laisse rien dans l’ombre ; mais la masse des lecteurs superficiels, qui s’attache exclusivement aux événements et aux hommes, laisseront ces riches études aux érudits.

1038. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIVe entretien. Cicéron (3e partie) » pp. 257-336

Cicéron (3e partie) I Les savants disent que l’atmosphère dont la terre est entourée a deux régions distinctes selon la distance à laquelle cette atmosphère se déroule autour de notre globe, et qu’ainsi, pendant que la partie de cet air ambiant qui touche à la terre est agitée, troublée, souvent bouleversée par les vents, les nuées, les orages, l’autre partie, la partie la plus haute de l’éther, ne sent pas ces convulsions aériennes, mais demeure calme et impassible dans une éternelle sérénité. […] « On peut s’en convaincre par cette quantité de maximes philosophiques dont mes harangues sont remplies ; par mes intimes liaisons avec les plus savants hommes, qui m’ont toujours fait l’honneur de se rassembler chez moi ; par les grands maîtres qui m’ont formé, les illustres Diodotus, Philon, Antiochus, Posidonius. […] L’empereur Yventi, premier du nom, régnait alors ; les annales de Chine nous le représentent comme un prince très sage et très savant.

1039. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre VIII. La littérature et la vie politique » pp. 191-229

Augustin Thierry, dont on ne récusera pas le témoignage, écrit à ce propos67 : « Ce sont les événements, jusque-là inouïs, des cinquante dernières années, qui nous ont appris à comprendre les révolutions du moyen âge, à voir le fond des choses sous la lettre des chroniques, à tirer des écrits des bénédictins ce que ces savants hommes n’avaient point vu, ce qu’ils avaient vu d’une façon partielle et incomplète, sans en rien conclure, sans en mesurer la portée. […] Le peuple en tout temps, je parle du peuple mal dégrossi, tel qu’il l’est encore par la faute d’une élite trop longtemps insouciante ou malveillante à son égard, aime ce qui émeut fortement  ; il a le goût du grandiose, du passionné et en même temps du simple ; il comprend peu ce qui est savant et raffiné. […] On discute les complications introduites par les savants.

1040. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VI »

Et bons wagnéristes qui n’êtes point compositeurs, jouissez simplement de ces musiques — savantes autant qu’inspirées ; même jouissez des beaux vers du poème : même, entêtés wagnéristes, des décorations qui vous sont exposées. […] vous-mêmes ne vous croyez pas… quand vous sortirez du théâtre de Bayreuth, n’occupez pas tous vos esprits, et ne faites plus retentir la belle route ombrée sous la lune, et les brasseries, et l’auguste toit de Wahnfried, et les wagons ; « la Malten fut-elle plus belle que la Sucher, le Vogl eut-il un plus beau moment à cet acte que le Gudehus… » puisque vous êtes en une œuvre d’art, ayez quelque respect ; rêvez d’être le Rhein-Thor, mais ne soyez pas seulement le Thor admirez ce que vous pourrez entendre ; vous, brave homme, la jolie anecdote ; vous, musicien, la savante musique ; vous, dilettante, l’harmonieuse féerie ; et laissez que les cœurs poignables d’émotions palpitent de l’immortelle symphonie ; fauteurs obstinés de l’art complexe, si votre chimère vous tient, soyez à vous réjouir de la salle obscure et du chef d’orchestre invisible ; et que ceux que possède le désir des suprêmes hautanités entrevues ferment les yeux, et songent en ces musiques ! […] Dans le vain monde où fourmillent les foules, l’esprit, né pour la vie savante, opprimé par le commerce des hommes, efforce son départ vers le but silencieux de son être ; et, en toutes ses formes (Amfortas, Kundry, Klingsor, les Graliens, Parsifal), il désire.

1041. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — II. (Suite.) » pp. 346-370

Napoléon, bon juge et peu prodigue d’éloges, l’a mieux défini quand il a dit dans le récit du 18 Brumaire et en parlant des jours qui avaient précédé : Il (le général Bonaparte) n’admettait dans sa maison que les savants, les généraux de sa suite, et quelques amis : Regnault de Saint-Jean-d’Angély, qu’il avait employé en Italie en 1797, et que depuis il avait placé à Malte ; Volney, auteur d’un très bon Voyage en Égypte ; Roederer, dont il estimait les nobles sentiments et la probité… C’est dans le mois de ventôse an VI (vers mars 1798), deux mois avant le départ pour l’Égypte, que Roederer vit pour la première fois le général Bonaparte, auquel il devra bientôt d’acquérir tout son relief et toute sa valeur : J’ai dîné avec lui, dit-il, chez Talleyrand-Périgord. […] C’est dans cette discussion que le Conseil d’État se sentit partagé entre le respect dû à ce savant octogénaire, à ce sage esprit en qui ne s’est affaiblie aucune faculté et d’où ne s’est échappée aucune portion de savoir, et l’admiration due à ce jeune législateur qui, malgré sa jeunesse, affronte les points les plus ardus de la législation.

1042. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — III » pp. 455-479

En ces années où Bonstetten prend décidément son parti et où, faisant une bonne fois son deuil de tous les regrets, le rajeunissement pour lui commence, Genève offrait la réunion la plus complète d’esprits éclairés et distingués : Mme de Staël encore, qui allait trop tôt disparaître ; Dumont, l’interprète de Bentham, l’ancien ami de Mirabeau ; le médecin Butini ; l’illustre naturaliste de Candolle, « l’homme parfait, qui avait un aussi bon esprit pour les affaires du monde que pour les végétaux, et le cœur comme s’il n’avait que cela » ; les savants Pictet ; l’érudit Favre ; bientôt Rossi, dont l’esprit fin et l’habile carrière devaient aboutir à la grandeur ; Sismondi, droit, loyal, instruit, mais qui se trompait à coup sûr quand il croyait voir en Bonstetten « un débris de la secte de Voltaire » ; bien d’autres que j’omets, et jusqu’à cet aimable Diodati, qui m’a entretenu d’eux autrefois, et qui, le dernier de tous, vient tout récemment de mourir. […] M. de Circourt, le plus savant et le plus obligeant des hommes, avait bien voulu autrefois et sur ma prière, dans un temps où je songeais déjà à Bonstetten (1844), écrire tout un mémoire où il avait rassemblé ses riches souvenirs.

1043. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid, (suite.) »

Il y a quelques années, on eût été assez embarrassé de répondre ; et, à voir les contradictions à son sujet, les enchevêtrements inextricables de la légende et de l’histoire, il y avait tel savant espagnol qui en était venu à un scepticisme complet sur la vie et sur l’existence même du glorieux personnage. La question du Cid a pu paraître, à un moment, aussi embrouillée que l’était pour nous dans ces derniers temps la question du Schleswig-Holstein ; mais, grâce à Dieu et à de savants critiques et défricheurs, elle est maintenant éclairée et à jour.

1044. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Journal et Mémoires, de Mathieu Marais, publiés, par M. De Lescure »

Il ne faudrait pas le voir pourtant trop amoureux des âges gaulois, ni trop épris des doctes personnages de la Renaissance ; il était de son siècle et n’enviait guère à ces savants hommes du passé que leur façon de s’exprimer, plus franche que la nôtre : « On avait », dit-il, « l’esprit étrangement fait du temps de Pasquier ; il admirait Ronsard, que nous ne voudrions pas lire à présent… Disons la vérité, tous ces messieurs-là étaient trop graves pour être plaisants ; il n’y a que leur langage ancien que je voudrais qui eût été conservé, et je sais bon gré à M. de Cambrai (Fénelon) d’avoir dit que ce langage se fait regretter, parce qu’il avait je ne sais quoi de court, de naïf, de hardi, de vif et de passionné. […] Nous citerons pourtant le passage, parce que l’on revient à s’occuper de Massillon aujourd’hui, qu’un savant abbé prépare une édition, la première exacte, de ses Sermons, et que la biographie de l’éloquent prélat sera nécessairement remise sur le tapis.

1045. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Appendice. Discours sur les prix de vertu »

Le jurisconsulte éminent qui préside le Sénat, dans ses commentaires judicieux et savants, au titre du Contrat de mariage, avait déjà indiqué les raisons de cette sorte de complaisance de la loi pour l’épouse et la veuve, en ce qui est de cette espèce d’héritage. […] Ces savants ont tort.

1046. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Nouvelle correspondance inédite de M. de Tocqueville »

Ce tableau aurait eu une moindre portée, sans doute, et eût donné une moindre idée de son auteur que le savant ouvrage composé que nous possédons ; mais il n’eût pas été, je le crois, moins instructif ; il l’eût peut-être été davantage. — La première partie de l’ouvrage, pleine de réflexions applicables à notre société, et de vues réversibles sur notre Europe et notre France, réussit complètement et mérita son succès : l’auteur, en le continuant, poussa trop loin sa méthode et l’épuisa, ainsi que son sujet, dans la seconde partie qui parut quelques années après et qui ne répondit pas en intérêt à la première87. […] Dans un article fort spirituel sur ces deux derniers volumes de la Démocratie en Amérique de Tocqueville, qui a paru dans le Journal des Savants (mai 1840), M. 

1047. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres mêlées de Saint-Évremond »

C’est un épicurien, non point par les livres seulement, comme le serait un savant de la Renaissance, comme l’a pu être Gassendi, le dernier et le plus distingué de ceux-là, mais un épicurien pratique, dans la morale et dans la vie. […] Cet article a paru d’abord dans le Journal des Savants.

1048. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. NISARD. » pp. 328-357

Daunou au Journal des Savants, et par M. […] Un académicien lui a trouvé du nerf ; les savants lui trouvent de la grâce.

1049. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « PENSÉES FRAGMENTS ET LETTRES DE BLAISE PASCAL, Publiés pour la première fois conformément aux manuscrits, par M. Prosper Faugère. (1844). » pp. 193-224

Et puis il faut voir que le mouvement se préparait depuis quelques années : le petit nombre de libraires qui appartiennent à ce qu’on a droit encore d’appeler la librairie savante ont remarqué à quel point les amateurs se sont mis à rechercher les éditions originales de nos auteurs, ces éditions premières incomplètes à quelques égards, mais qui livrent le texte à sa source et rendent l’écrivain dans sa juste physionomie. […] Et parmi ceux qui ne donnent pas le mouvement, mais qui se montrent attentifs à le suivre, ce genre d’influence est très-sensible : le Journal des Savants contient des articles de M.

1050. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Discours préliminaire » pp. 25-70

Les savants classent presque toujours parmi les illusions ce qui ne peut être soumis à la logique du calcul. […] La méditation profonde qu’exigent les combinaisons des sciences exactes, détourne les savants de s’intéresser aux événements de la vie ; et rien ne convient mieux aux monarques absolus, que des hommes si profondément occupés des lois physiques du monde, qu’ils en abandonnent l’ordre moral à qui voudra s’en saisir.

1051. (1892) Boileau « Chapitre IV. La critique de Boileau (Suite). Les théories de l’« Art poétique » » pp. 89-120

Racine, dans sa préface d’Iphigénie, remarquait avec plaisir que ses spectateurs avaient été émus des mêmes choses qui ont mis autrefois en larmes le plus savant peuple de la Grèce, et que le goût de Paris s’était trouvé conforme à celui d’Athènes : c’est que « le bon sens et la raison étaient les mêmes dans tous les siècles », et le même objet, en deux images également fidèles, ne pouvait que produire mêmes impressions. […] Tout fait contient sa loi : mais nul ne s’en doute jusqu’au jour où quelque savant s’avise le premier de la formuler ; quoi de plus neuf, et quoi de plus ancien, que cette loi, contemporaine de l’univers, et qui n’avait point trouvé encore d’intelligence pour la contempler ?

1052. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre II. Les romans bretons »

Puis apparut ce qu’on a appelé le cycle de l’antiquité 51 : des poètes savants, qui lisaient les livres latins, y remarquèrent mille choses merveilleuses qui pouvaient se mettre en clair français à la grande joie du public illettré. […] Dans les traditions religieuses, ethniques, historiques qui sont la matière de la poésie celtique, ce ne sont que voyages au pays des morts, étranges combats et plus étranges fraternités des hommes et des animaux, visions fantastiques de l’invisible ou de l’avenir, hommes doués d’une science ou d’une puissance surnaturelles, qui commandent aux éléments et savent tous les mystères, animaux plus savants et plus paissants que les hommes, chaudrons, lances, arbres, fontaines magiques, et longs écheveaux d’aventures et d’entreprises impossibles à quiconque n’est pas prédestiné pour les accomplir, servi par les êtres ou maître des objets prédestinés à en assurer l’accomplissement.

1053. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre neuvième »

L’idée de placer la France du dix-septième siècle à la tête de l’Europe intellectuelle, de faire accepter de tout le monde l’appellation du Siècle de Louis XIV, de présenter à l’esprit humain, comme sa plus parfaite image, l’esprit français personnifié dans nos écrivains, nos savants et nos artistes, cette idée-là ne vint à Voltaire ni d’un besoin public, ni d’une invitation de la mode. […] Tel historien qui nous traite en savants risque fort de nous fatiguer.

1054. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIII. La littérature et la morale » pp. 314-335

Il est le contemporain des précieuses, qui aiment sans doute la galanterie, mais qui tiennent pour l’amour platonique, qui poussent la pudeur jusqu’à la pruderie, qui proclament, comme Armande dans Les femmes savantes, la suprématie de l’esprit sur la matière, de la raison sur la partie animale. […] J’aurais bien à dire sur le fil un peu léger qu’il établit entre l’acte commis par un jeune détraqué et la doctrine du savant austère qui fut son inspirateur sans le savoir ; j’estime qu’il calomnie le déterminisme en lui reprochant de supprimer la distinction du bien et du mal ; je crains qu’il ne conseille une chose de valeur morale très douteuse, quand il invite l’homme qui croit avoir trouvé une vérité psychologique contraire aux opinions reçues à ne pas la divulguer, de peur des conséquences qu’elle pourrait entraîner.

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