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580. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Un petit corollaire de ce qui précède [Mon mot sur l’architecture] » pp. 77-79

Ajoutez à l’une des deux premières qualités quelque circonstance rare, éclatante ; et le vrai sera beau, et le bon sera beau.

581. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Carle Vanloo  » pp. 117-119

Au reste malgré les petits défauts que je reprends dans le tableau de la Magdelaine et dans celui-ci, ce sont deux morceaux rares.

582. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre troisième. Découverte du véritable Homère — Chapitre VII » pp. 278-283

On a rapporté ces lois au législateur d’Athènes, d’où elles seraient passées à Rome, et l’on n’y a point vu l’histoire du droit naturel des peuples héroïques du Latium ; on a cru que les poèmes d’Homère étaient la création du rare génie d’un individu, et l’on n’y a pu découvrir l’histoire du droit naturel des peuples héroïques de la Grèce.

583. (1895) Nouveaux essais sur la littérature contemporaine

Ces premiers romans témoignaient encore d’un art de traiter, ou, comme on disait jadis, de manier les passions, presque plus rare que celui de les faire parler. […] Ils les auraient plutôt atténuées dans un Mariage dans le monde et dans les Amours de Philippe, deux de ses rares romans qui « finissent bien », comme le Roman d’un jeune homme pauvre. […] Mais elle est seulement moins vulgaire et plus rare. […] Si vous versez dans une eau pure quelques gouttes seulement d’une essence rare, subtile et concentrée, toute la masse du liquide en est aussitôt comme changée de nature. […] Il naît des hommes rares comme il en naît de parfaitement beaux, parce que la nature est fertile ou infinie même en combinaisons.

584. (1909) Nos femmes de lettres pp. -238

Montreur d’objet rare, sorte de prince-époux qui accompagne un phénomène, on est toujours tenté de placer dans sa bouche le drôlatique et peu respectueux jeu de mots dont notre moquerie française — « tendait à ridiculiser l’attitude du prince Albert, au temps du Second Empire : — “Je suis les talons de la Reine !”  […] Condensation des effets, sobriété de l’accent : vertus rares que nous admirons d’autant plus qu’elles portent ici la signature d’un sexe ayant tendance à se distinguer par les défauts contraires. […] Ses poèmes sont asiatiques par la violence de la passion, et grecs par la ciselure rare et le charme sobre de la strophe. » — Mélange subtil que nous goûtons aux vers de Mme Renée Vivien. […] » Songez que le maître de Franckfort notait ses aphorismes au temps où la femme-auteur se manifestait comme le phénomène le plus rare et le plus isolé, vingt années avant que son disciple Nietzsche, qui partageait ses sentiments, flétrît en George Sand « l’ambition populacière qui aspire aux sentiments généreux ». […] Il s’étonne qu’une même poussée de sève ait produit ces fleurs rares à la lumière du jour.

585. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre deuxième. Les images — Chapitre II. Lois de la renaissance et de l’effacement des images » pp. 129-161

. — Toutes nos images subissent un émoussement semblable ; que le lecteur essaye d’imaginer un lapin, une carpe, un brochet, un bœuf, une rose, une tulipe, un bouleau, ou tout autre objet d’espèce très répandue dont il a vu beaucoup d’individus, et d’autre part un éléphant, un hippopotame, un magnolia, un grand aloès, ou tout autre objet d’espèce rare dont il a rencontré seulement un ou deux échantillons ; dans le premier cas, l’image est vague, et tous ses alentours ont disparu ; dans le second, elle est précisé, et on peut indiquer l’endroit du jardin des plantes, la serre parisienne, la villa italienne où l’objet a été vu. — La multiplication de l’expérience est donc une cause d’effacement, et les images, s’annulant l’une l’autre, retombent l’une par l’autre à l’état de tendances sourdes que leur contrariété et leur égalité empêchent de prendre l’ascendant. […] Tous les mots et toutes les phrases allemandes avaient déserté ma mémoire ; c’est seulement après que j’eus pris de la nourriture et du vin et que je me fus reposé quelque temps que je les retrouvai. » — Des accidents semblables ne sont point rares après les fièvres cérébrales ou les grandes pertes de sang. […] Nous rappelons nos pensées de la veille, mais non celles de la nuit pendant laquelle nous avons dormi ; si vives qu’elles aient été, quand même elles auraient provoqué des actions ou des commencements d’action, des cris, des gestes et tout ce qu’un homme agité fait en dormant, il est bien rare qu’au réveil nous puissions en ressaisir quelques parcelles.

586. (1863) Le réalisme épique dans le roman pp. 840-860

La littérature française sous Louis XIV avait été une admirable expression de la société contemporaine ; elle était donc nationale, indigène, et en même temps elle traduisait avec une si rare perfection quelques-uns des sentiments éternels de l’humanité, qu’on voulut en faire le modèle de toutes les littératures à venir. […] Cette conception logique, cette vigueur de trait, qualités si rares parmi les coryphées de la littérature courante, ne pouvaient manquer de produire quelque impression ; des juges assez peu sensibles d’ordinaire à certaines qualités de la forme ont été éblouis de cette rencontre en plein roman réaliste, et un hégélien fort sceptique sur les vérités les plus claires a déclaré sans hésiter que Madame Bovary était une œuvre classique. […] N’importe ; ces exemples de galimatias sont rares, et c’est le style encore, malgré ses défauts, qui forme le meilleur titre peut-être de ce roman.

587. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Sieyès. Étude sur Sieyès, par M. Edmond de Beauverger. 1851. » pp. 189-216

Non seulement on n’a jamais recueilli en corps ses œuvres politiques, ses rares discours ; mais ses lettres, ses papiers, ses études particulières et silencieuses qu’il accumulait depuis tant d’années, et qu’il continua plus longtemps qu’on ne le suppose, rien de tout cela n’est sorti, et pourtant tout cela existe : nous le savions ; mais quand on nous a dit que ce précieux dépôt de famille était confié à M.  […] Après quoi, en 1772, il entra dans le monde à vingt-quatre ans ; mais le monde paraît s’être borné longtemps pour lui à quelques relations particulières assez rares. […] Au contraire un esprit à parole difficile comme Hegel (ou à parole rare comme Sieyès) s’ingénie, cherche midi à quatorze heures et creuse.

588. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre III : Règles relatives à la distinction du normal et du pathologique »

Au contraire, si les autres sont plus rares, c’est évidemment que, dans la moyenne des cas, les sujets qui les présentent ont plus de difficulté à survivre. […] Il est, en effet, bien rare que les espèces animales soient nécessitées à prendre des formes imprévues. […] Comme il s’est accru, ces crimes sont devenus plus rares ; mais aussi, bien des actes qui lésaient ce sentiment sont entrés dans le droit pénal dont ils ne relevaient primitivement pas43.

589. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Sainte-Beuve » pp. 43-79

Quelques rares esprits dans lesquels le génie exaspéré du Romantisme vit encore, appelleront peut-être le nouveau livre de Sainte-Beuve une capucinade littéraire, et ce mot, tout choquant qu’il veuille être, ne nous choque point, nous qui aimons les capucinades en toutes choses, parce qu’elles impliquent à nos yeux la reconnaissance de la vérité et le repentir de l’erreur ; Seulement, si ce mot veut dire conversion, appliqué à Sainte-Beuve c’est un mot faux et nous le repoussons. […] Encore une fois, voilà ce qu’à propos de Virgile Sainte-Beuve nous a montré avec une rare faculté d’observation et des accents qui montent jusqu’à l’éloquence. […] Il est bien moins dans l’opinion générale un poète, un romancier, un historien qu’un critique, et c’est sur le pied du plus grand critique du dix-neuvième siècle que la Postérité l’acceptera, si les rares esprits qui la devancent et quelquefois la font, ne prennent pas la peine de l’avertir.

590. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « II. M. Capefigue » pp. 9-45

Il y a en effet à deux ou trois places de ce livre frivole, — dans tout ce fusain historique que le premier souffle doit emporter, — des miettes d’un bon sens rare et d’un mépris bien employé1 qui attestent encore ce qu’étaient, avant d’être altérées et faussées, les aptitudes de M.  […] Capefigue, qui a montré, dans quelques-uns de ses ouvrages, le don précieux et rare de l’initiative ; qui a souvent touché le premier, quand personne n’y pensait ou n’osait, à des réhabilitations d’hommes ou de choses qui se sont achevées depuis, sous des plumes plus creusantes que la sienne, n’a même pas songé à justifier, par une discussion préalable, tout ce qu’il nous dit de Louis XV et de la société du xviiie  siècle. […] En la peignant comme Boucher l’aurait peinte, il a cessé d’être grave ; il a été passionné, tendre, approbateur, courtisan, justaucorps bleu ; il a trouvé tout exquis ou à peu près… Et quand (ce qui est rare) le vieux instinct de l’écrivain politique ou du moraliste chrétien s’est réveillé, et qu’il a fallu, sous peine de se renier soi-même, blâmer quelque chose dans cette société qui, après tout, a quelquefois de de grisantes odeurs de cloaque et d’effroyables réalités, il n’a pas appuyé, il a glissé, un mot a suffi, et il est retourné vite au bonheur de ses admirations.

591. (1898) Les personnages de roman pp. 39-76

Quelles nuances rares de charme, d’attitudes, de politesse, d’émotion, un écrivain ne pourra-t-il pas donner à des personnages auxquels rien n’aura manqué de ce qui peut constituer l’exception humaine ! […] Je ne l’ai jamais si bien compris qu’un jour, où il me fut donné d’assister à un spectacle très rare. […] Il lui fallait ce qu’il y a d’imprévu, de rare, de capiteux, dans la mode de luxe.

592. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXI. »

Un compatriote d’Herréra, du même temps, et d’un plus rare génie, c’est un religieux de Grenade, Luis de Léon, qui mourut à Madrid, en août 1591, avec la renommée de grand prédicateur et de grand poëte. […] Un magistrat de cette cour suprême, le Sueur, traduisait en strophes latines d’une rare élégance tous les chants conservés du grand lyrique grec ; et, dédiant les diverses parties de ce travail au roi Henri III, au président de Thou, au conseiller Hurault de Cheverny, il opposait, non sans éloquence, à la cruauté stérile et raffinée des duels du temps la vertu patriotique des anciens jeux de la Grèce. […] quelques strophes semblent surchargées ou faibles, malgré de grandes beautés ; la rouille du siècle se mêle encore au rayon naissant de la poésie ; et comme si, par une rencontre bien rare, le mouvement commun de la langue et des esprits, l’élan donné, à partir de Henri IV, au génie français, apportait plus à l’âme du poëte que le froid des années ne pouvait lui ôter, c’est vingt ans plus tard, et déjà tout vieux et tout chenu, que Malherbe enfantera, pour l’honneur de Louis XIII et de Richelieu, la belle ode.

593. (1889) La bataille littéraire. Première série (1875-1878) pp. -312

C’est une étude d’une rare crudité, et tout d’abord je prie les gens aux nerfs un peu délicats, les amis du beau, du gracieux et du joli, de bien se garder d’y jeter les yeux. […] C’est qu’il s’est identifié dans chacun de ses personnages et qu’il se les assimile avec une rare perfection. […] Ce roman est donc une œuvre faite de sentiment et de cœur dont la lecture peut être conseillée à tout le monde, qualité rare aujourd’hui pour les livres nouveaux. […] Ne cédez-vous pas à l’envie de tenter une opération rare et de me prendre pour sujet d’une expérience ? […] Il y a dans l’Insecte tout un peuple de scarabées, de mouches, de fourmis, d’abeilles, de rares coléoptères, de papillons et de fleurs.

594. (1782) Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur la vie et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe (1778-1782) « Essai, sur les règnes, de Claude et de Néron. Livre second » pp. 200-409

De pareilles idées ne viennent qu’à des hommes d’une trempe rare. […] Ne se félicite-t-on pas d’avoir pris naissance dans une contrée célèbre par les hommes rares qu’elle a produits ? […] Il est rare qu’on ne fasse du mal qu’à soi. […] — Le génie est plus rare que la bienfaisance. […] ces études auxquelles j’assistais avec un plaisir si rare dans une femme ?

595. (1874) Premiers lundis. Tome II « La Comtesse Merlin. Souvenirs d’un créole. »

Est-ce donc une chose si peu rare que le bonheur bienveillant, pour ne pas le saluer ?

596. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre VI. Exordes. — Péroraisons. — Transitions. »

De cette persuasion encore, où l’on est que l’exorde doit être rare et surprenant, viennent ces exordes à ricochets, comme on pourrait les appeler, qui visent une idée très étrangère au sujet, pour rebondir brusquement vers lui par un retour inattendu : ces exordes en cascade, où d’une idée très générale on descend à une autre, et de celle-ci à une autre encore, jusqu’à ce qu’au dernier degré on rencontre celle qui ouvre le sujet, comme dans les jardins français une eau, tombant de vasque en vasque et de marche en marche, s’arrête enfin et se repose dans le bassin inférieur.

597. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Laprade, Victor de (1812-1883) »

Quelques-unes des scènes évangéliques sont reproduites avec un rare bonheur, dans un ton de forte simplicité et de grandeur calme… Psyché, qui est le Désir de l’infini, les Poèmes évangéliques, qui sont la Charité, le Sacrifice, la Douleur, expriment presque au même titre l’idéalisme religieux chez M. de Laprade.

598. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rodenbach, Georges (1855-1898) »

Invinciblement, son œuvre fait songer à quelque patient Hollandais, grand créateur de tulipes, colleur de timbres-poste, et qui, dans ses vitrines jalonnées d’insectes rares, en serait venu, maniaque mégalomane, à piquer d’abondance, sur le liège des coléoptères de hasard, de vagues cloportes, de banales araignées, des feuilles mortes, que sais-je ?

599. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Saint-Georges de Bouhélier (1876-1947) »

Il n’y faut point, je crois, attribuer de malignité ; mais cette critique de matamore sur un ton oublié depuis M. de Scudéry et Cyrano de Bergerac se fait pardonner son impertinence, parfois absurde, par une fougue juvénile et tumultueuse, trop rare pour ne point se conquérir les plus bienveillantes sympathies.

600. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre VI » pp. 50-55

En 1620 on y voit la marquise de Sablé, dame d’un grand esprit et d’un rare mérite , dit Vigneul de Marville ; Voiture était particulièrement lié avec elle et elle lui disait avec une certaine supériorité de raison qu’il avait un amour-propre de femme .

601. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Carle Vanloo » pp. 183-186

Ce rare morceau est pour M. de Marigny.

602. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Louis-Michel Vanloo » pp. 191-195

Ce qu’il y a de certain, c’est que rien n’est plus rare qu’un beau pinceau, plus commun qu’un barbouilleur qui fait ressembler, et que quand l’homme n’est plus, nous supposons la ressemblance.

603. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Vernet » pp. 227-230

Les deux artistes comparés sont également vrais ; mais Le Lorrain a choisi des moments plus rares et des phénomènes plus extraordinaires.

604. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre VI. La parole intérieure et la pensée. — Second problème leurs différences aux points de vue de l’essence et de l’intensité »

Ainsi, dans certains cas, rares il est vrai, le langage peut être analogique et remplir son rôle à la satisfaction de la pensée ; quand il cesse d’être directement imitatif et que, par l’extension des significations primitives, il tourne à la métaphore, son analogie, trop partielle, devient trompeuse, et plus il glisse sur cette pente, plus son usage est dangereux pour la pensée, qu’il expose à des inexactitudes, à des équivoques toujours plus nombreuses et plus graves272. […] Actuellement, le mot intérieur ou extérieur est, sauf de rares exceptions, un signe parfait ; car, comparé aux pensées qu’il exprime, il n’est pas seulement un état, plus vif que ses concomitants, mais un état doué d’une certaine indépendance, et dont l’impartialité confirme et garantit l’indépendance. […] Dans ce dernier cas, qui est rare, et surtout difficile à bien constater, nous retrouvons les rapports ordinaires de la parole et de la pensée durant l’état de veille ; et, dans les cas de moindre distraction, il ne serait pas exact d’affirmer que les mots n’éveillent à aucun degré les pensées correspondantes : sans doute, alors, l’intensité des idées relatives aux mots prononcés tend vers zéro, et elle se rapproche de cette limite à mesure qu’une autre série d’idées s’empare peu à peu de la conscience ; mais elle ne devient absolument nulle que lorsque cette nouvelle série a pris la parole à son tour et rétabli ainsi, dans la succession des faits psychiques, ce dualisme du mot et de l’idée qui est la loi de notre existence. […] Pour séparer dans l’apport du sens commun l’or et le sable, confirmer le bon sens par une adhésion motivée, ébranler et déraciner les préjugés, il faut posséder une grande force de réflexion, une rare puissance d’analyse et de comparaison, une personnalité intellectuelle énergique et infatigable. […] Les sages, les penseurs, sont rares, et le meilleur d’entre eux pèche sept fois le jour ; qui peut se vanter de n’avoir jamais incliné sa raison devant un préjugé ?

605. (1898) Introduction aux études historiques pp. 17-281

C’était difficile, alors que les bibliothèques étaient rares, les archives secrètes et les documents dispersés. […] Il n’est pas rare que les typographes vous fassent dire autre chose que ce que l’on a voulu dire et que l’on s’en aperçoive trop tard. […] Les copistes qui ne se trompent jamais et qui n’ont jamais de distractions sont rares, même parmi les érudits. b. […] Mais de telles combinaisons sont fort rares, pour plusieurs raisons. […] C’est dire que les cas de concordance pleinement concluante sont rares, sauf dans les périodes modernes.

606. (1905) Propos littéraires. Troisième série

Les facéties de ce goût douteux sont rares dans Lenau. […] Un raisonnement juste est la chose la plus rare, la plus surprenante qui soit au monde. […] Comme lui ils aimaient le précieux, le délicat, le rare et l’inattendu. […] Le cas est tellement rare qu’il est peut-être unique et qu’il est merveilleux. […] Il y a des exceptions ; mais elles sont rares.

607. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre troisième. La connaissance de l’esprit — Chapitre premier. La connaissance de l’esprit » pp. 199-245

Si je recule plus loin, je n’aperçois, dans le naufrage et l’engloutissement irrémédiable de mes innombrables sensations antérieures, que de rares images surnageantes, mon arrivée dans la maison de campagne où j’habite, les premières pousses vertes du printemps, une soirée d’hiver chez telle personne, tel aspect d’une ville étrangère où j’étais il y a un an. […] Il y a des circonstances où une série d’événements imaginaires s’insère dans la série des événements réels ; nous nous attribuons alors ce que nous n’avons pas éprouvé et ce que nous n’avons pas fait. — À l’état de veille, la chose est rare ; elle n’arrive guère qu’aux hommes dont l’imagination est surexcitée. […] Il faut donc une grande accumulation de forces pour lui arracher à tort quelque fragment qui lui appartient ou pour insérer en lui quelque pièce qui lui est étrangère. — En effet, ces transpositions sont rares ; on les rencontre surtout lorsqu’un changement organique, comme le sommeil ou l’hypnotisme, relâche les mailles du réseau ; lorsqu’une passion invétérée, dominatrice, fortifiée par des hallucinations psychiques ou sensorielles, finit par user un fil du tissu, lui substituer un autre fil, et, gagnant de proche en proche, mettre une toile factice à la place de la toile naturelle. […] Mais, pour les objets usuels, le désaccord est rare, et, si l’expérience préalable a été suffisante, il disparaît entièrement. — Il y a donc une quantité prodigieuse de cas où l’événement justifie la prévision, et, dans tous ces cas, le couple que forment nos pensées est la contre-épreuve exacte du couple que forment les faits.

608. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLIIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre (2e partie) » pp. 5-80

« Rien n’est plus rare, mais rien n’est plus enchanteur qu’une belle nuit d’été à Saint-Pétersbourg, soit que la longueur de l’hiver et la rareté de ces nuits leur donnent, en les rendant plus désirables, un charme particulier, soit que réellement, comme je le crois, elles soient plus douces et plus calmes que dans les plus beaux climats. […] « Si le Ciel, dans sa bonté, me réservait un de ces moments si rares dans la vie où le cœur est inondé de joie par quelque bonheur extraordinaire et inattendu ; si une femme, des enfants, des frères séparés de moi depuis longtemps, et sans espoir de réunion, devaient tout à coup tomber dans mes bras, je voudrais, oui, je voudrais que ce fût dans une de ces belles nuits, sur les rives de la Néva, en présence de ces Russes hospitaliers. […] La race entière des hommes est retenue dans l’ordre par la peine, car l’innocence est rare. […] Tant qu’il leur restera du sang, elles viendront l’offrir, et bientôt une rare jeunesse se fera raconter ces guerres désolatrices produites par les crimes de ses pères. » Et il conclut ce magnifique dithyrambe philosophique par ces mots les plus fatalistes qu’aucune plume ait osé écrire : La guerre est donc divine, puisque c’est une loi du monde.

609. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre II. L’antinomie psychologique l’antinomie dans la vie intellectuelle » pp. 5-69

Sans doute l’originalité véritable est difficile, faible et rare. […] Si faible, si rare que soit l’originalité véritable, si difficile qu’elle devienne par suite de la complexité croissante des tâches et des œuvres, de la division croissante du travail et du développement illimité des spécialismes et des compétences, cette originalité reste malgré tout possible : elle reste le facteur du progrès, la fleur de la culture, la raison d’être de l’effort intelligent. […] Avec le développement même de la connaissance, l’invention, l’originalité intellectuelle se font de plus en plus rares : elles partent de plus en plus sur des découvertes de détail, non sur des idées d’ensemble et des conceptions générales. […] Aujourd’hui que les races sont mélangées, les individualités fortes sont rares.

610. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Edgar Poe »

Chamfort, ce rare esprit et cet esprit rare, qui n’a dit que des mots, semblables à des dentelures de glace, à des cristallisations qui brillent et qui blessent, Chamfort écrit dans ses Pensées que « les femmes ont dans la tête un tiroir de moins que les hommes, mais dans le cœur une fibre de plus ». […] La première, la plus saillante, la plus intéressante des deux, le Scarabée d’or, a ces touches extraordinaires qui annoncent et, promettent ce phénomène intellectuel qu’on appelle le génie fantastique, plus rare que tout autre genre de génie. […] Dieu lui avait donné des facultés singulièrement belles, puissantes et rares ; il n’en tira point le parti qu’il en eût pu tirer.

611. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Marivaux. — II. (Fin.) » pp. 364-380

Mais sauf quelques rares exceptions qu’offrirait ce talent fertile, l’amour, qui est le caractère dominant dans le théâtre de Marivaux, est bien tel chez lui qu’il s’est plu à le représenter dans une de ses plus agréables feuilles ; il ne le veut point constant, même lorsqu’il finira par être fidèle et par revenir là d’où il est parti : En fait d’amour, dit-il, ce sont des âmes d’enfants que les aima inconstantes. […] Il est si rare d’inventer, de découvrir quelque chose dans ce monde moral si exploré !

612. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « La Divine Comédie de Dante. traduite par M. Mesnard, premier vice-président du Sénat et président à la Cour de cassation. » pp. 198-214

Cependant je sens que je commence à te goûter, et je l’admire comme un rare génie, surtout pour le temps où il a vécu… Mais cette lecture ne profite pas à de Brosses, qui continue de trouver Dante un poète tout à fait sec et sans aménité : Je ne puis m’empêcher d’ajouter encore ici que plus je lis le Dante, plus je reste surpris de cette préférence que je lui ai vu donner sur l’Arioste par de bons connaisseurs : il me semble que c’est comme si on mettait le Roman de la rose au-dessus de La Fontaine. […] Cet amour, dont les principaux accidents et les aventures se bornèrent à quelques saluts, à quelques regards échangés et à quelques sourires, tout au plus à de rares paroles, et qui ne devait empêcher aucune des deux personnes qui s’en entretenaient ainsi, de s’engager un peu plus tôt ou un peu plus tard dans les liens positifs du mariage ; cet amour qui semblait d’ailleurs à jamais rompu par la mort prématurée de Béatrix vers l’âge de vingt-six ans, devint et continua d’être la pensée profonde, supérieure, le ressort le plus élevé de la conduite et des entreprises de Dante.

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