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785. (1856) Les lettres et l’homme de lettres au XIXe siècle pp. -30

Le roi veut bien prendre sa part ; mais il ne veut pas qu’on la lui fasse. […] Denis de Syracuse se prit un jour à aimer la géométrie : toute la Sicile fut géomètre. […] Le peuple prend ses ouvriers littéraires à la tâche : il paye chacun selon ses œuvres. […] Les écrivains pressés de réussir prendront pour ligne chacune de ces bordées. […] On ne prend pas d’un métier à son aise ; on n’est pas ouvrier dilettante.

786. (1913) La Fontaine « III. Éducation de son esprit. Sa philosophie  Sa morale. »

L’auteur [l’auteur qu’il avait pris pour son maître] L’auteur avait du bon, du meilleur, et la France Estimait dans ses vers le tour et la cadence. […] Alors il est pris entre son idée, qui est aussi celle d’autres personnes (celle de Mme de Sévigné, par exemple, protestant avec énergie contre le machinisme des bêtes), il est pris entre cette idée que les animaux ont un esprit, que les animaux ont une âme, et cette autre idée qu’il est très dangereux que l’on croie à l’âme des bêtes. […] Lorsqu’un poète, et n’importe qui, du reste, prend le ton lyrique, soyez sûrs qu’il y a des chances pour qu’il soit un peu plus convaincu qu’à l’ordinaire. Il y a, à la vérité, des gens qui savent prendre tous les tons, même le lyrique, sans conviction intime, mais enfin mon observation subsiste, ou à peu près. […] L’enfant aura-t-il la force de comprendre qu’il faut prendre ces choses à rebours et qu’il y a de l’ironie dans cette singulière moralité ? 

787. (1767) Sur l’harmonie des langues, et en particulier sur celle qu’on croit sentir dans les langues mortes

On s’est donné bien de la peine pour étudier une langue difficile, on ne veut pas avoir perdu son temps, on veut même paraître aux yeux des autres récompensé avec usure des peines qu’on a prises, et on leur dit avec un froid transport, ah ! […] Cicéron, dans un endroit des Tusculanes2, a pris la peine de marquer les différentes significations des mots destinés à exprimer la tristesse. […] Y en a-t-il par conséquent un seul qui puisse s’assurer qu’une phrase qu’il prendra de Tite-Live, n’est pas une phrase patavinienne ? […] Cependant on entend les gens sans se fâcher, et j’oserai prendre, avec votre permission, la liberté de vous dire mon petit avis. […] Voilà pourtant du Térence français tout pur ; et ce qu’il faut bien remarquer, la plupart de ces phrases sont prises du Misanthrope, c’est-à-dire de celle de ses pièces qui est dans le style le plus noble.

788. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre III. De la nature du temps »

Mais point n’est besoin, pour se représenter une chose qui dure, de prendre sa mémoire à soi et de la transporter, même atténuée, à l’intérieur de la chose. […] Ceci posé, il est aisé de voir que nous avons tout intérêt à prendre pour « déroulement du temps » un mouvement indépendant de celui de notre propre corps. À vrai dire, nous le trouvons déjà pris. […] Mais nous formons naturellement l’idée d’instant, et aussi celle d’instants simultanés, dès que nous avons pris l’habitude de convertir le temps en espace. […] Dans le présent travail, nous prenons la conscience telle que l’expérience nous la donne, sans faire d’hypothèse sur sa nature et ses origines.

789. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre I. La conscience et la vie »

Elle prendrait son temps. […] Ne sont-ce pas les moments de crise intérieure, où nous hésitons entre deux ou plusieurs partis à prendre, où nous sentons que notre avenir sera ce que nous l’aurons fait ? […] Elle s’y prendrait précisément de cette manière. […] La liberté, se ressaisissant tandis que la nécessité est aux prises avec elle-même, ramène alors la matière à l’état d’instrument. […] Prenez des joies exceptionnelles, celle de l’artiste qui a réalisé sa pensée, celle du savant qui a découvert ou inventé.

790. (1902) Le problème du style. Questions d’art, de littérature et de grammaire

S’il était permis de prendre des modèles, hors de la vie elle-même, on pourrait les prendre là. […] Prenez Montesquieu. […] Prenez Buffon. […] Le malheureux prend cela pour un nom composé. […] Dans « j’ai pris la peine » et dans « la peine que j’ai pris — prise » j’ai pris est une forme verbale composée mais qui peut être traitée comme une forme simple.

791. (1940) Quatre études pp. -154

Dès que le romantisme eut réveillé dans les âmes le sens de la poésie, le lyrisme prit comme thème la nature retrouvée. […] Rien n’est plus curieux, dans ce sens, que de voir Lamartine aux prises avec Byron. […] Je prends comme témoin le sachem du romantisme : Chateaubriand, qui a rempli son œuvre, en même temps que d’harmonies parfaites, d’images sublimes. […] Travaille sous mes seuls auspices ; prends un essor hardi ; te voilà libre. […] Et si, pourtant, cette dernière prenait sa revanche ?

792. (1891) Lettres de Marie Bashkirtseff

Elle était morte, à vingt-trois ans, d’un refroidissement pris en faisant une étude de plein air. […] Je prends à peine le temps de faire un croquis au crayon et me jette sur la terre glaise. […] je vais prendre une semaine entière à mon tableau et nous ferons des Cazin ensemble. […] Donc lundi prochain à la petite gare de Jouy pour sûr, je prendrai le train de 10 h. 25. […] Vous me prenez pour une bourgeoise qui vous prend pour un poète et vous cherchez à m’éclairer.

793. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Note »

Voici la première, qui exprimait mes plaintes pour certains propos qui me revenaient de Passy : « Mon cher Béranger, « Bien que j’eusse bien pris la résolution de me taire vis-à-vis de vous jusqu’à ce que le hasard me fit vous rencontrer, je crois pourtant sentir qu’il est mieux de vous demander franchement en quoi et comment j’ai pu avoir tort envers une personne que j’ai toujours fait profession d’honorer autant que vous. Il me revient encore récemment que vous avez fait dire à un tiers que vous n’avez pas pris parti contre lui dans l’affaire de M. […] Si dans cette dernière année je vous ai vu moins souvent que je ne le désirais, c’est que mes occupations étaient grandes, mes matinées prises ; ce n’est pas que je changeasse si volontiers d’amis, d’opinions, de principes, que sais-je ? […] Poésie de vin du Rhin, mais neuve, abondante et souvent incontestable de beauté. — M. de Chateaubriand est en plein dans son Milton. — Mais je vous ennuie de mes nouvelles : pour moi, puisque je sais que vous êtes assez bon pour y prendre intérêt, je travaille ; mais le labeur s’allonge, et j’en sortirai lentement. […] Il y a eu les grossiers parmi les zélés, il y a eu les pédants ; on m’a pris à partie, cela va sans dire ; on m’a fort découpé, sinon mis en pièces.

794. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Note sur les éléments et la formation de l’idée du moi » pp. 465-474

Je me souviens parfaitement d’avoir dit à un ami que les objets me paraissaient changés d’aspect ; il y avait aussi de l’hyperesthésie de la vue, et je portais depuis quelque temps des lunettes légèrement colorées… Le 25 novembre, aussitôt après avoir eu la sensation de cette bouffée chaude, je fus pris de bourdonnements d’oreille, et j’eus de l’obnubilation intellectuelle. […] J’étais seul, lorsque, atteint déjà de troubles visuels permanents, je fus pris subitement d’un trouble de la vue infiniment plus accusé. […] Je sortis et pris une voiture. […] Il y avait en moi un être nouveau et une autre partie de moi-même, l’être ancien, qui ne prenait aucun intérêt à celui-ci. […] C’est ce désir qui m’a empêché de me tuer… J’étais un autre, et je haïssais, je méprisais cet autre ; il m’était absolument odieux ; il est certain que c’était un autre qui avait revêtu ma forme et pris mes fonctions. » Ici, il faut distinguer.

795. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre II. Utilité de l’ordre. — Rapport de l’ordre et de l’originalité »

Les grands esprits, qui prennent les choses de haut, n’ont qu’à se lancer, portés au but par le droit jet de l’inspiration. […] Qu’on prenne le genre qu’on voudra, discours, histoires, romans, comédies, on verra qu’il y a peu d’œuvres qui réussissent, encore moins qui durent à travers les siècles, sans une bonne économie : et pour peu qu’on ait de curiosité, on découvrira dans la multitude innombrable des écrits oubliés, pour peu qu’on ait d’attention, on notera dans le passage incessant des écrits qui ne naissent que pour mourir, plus d’une œuvre que les plus hautes qualités, que des morceaux admirables, des beautés singulières, semblaient adresser à l’immortalité. […] La Fontaine refait les fables d’Ésope et de Pilpay, Corneille met en français le Cid de Guilhem de Castro, et Racine prend à Euripide sa Phèdre et son Iphigénie. Molière prend dans Plaute, dans Térence, dans les Italiens, aux vivants comme aux morts : tout ce qui a été dit de comique est son bien. […] Shakespeare prend ses sujets dans des chroniques anglaises ou danoises, dans les auteurs italiens ou dans Plutarque.

796. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre I. Influence de la Révolution sur la littérature »

Alors que, depuis le xviie  siècle, le monde était comme le milieu naturel de l’espèce des écrivains, alors que les ouvrages devaient, pour réussir et vivre, lui être et destinés et adaptés, il arrivera rarement désormais que les écrivains les plus illustres, les plus à la mode même, soient des hommes du monde, et y prennent l’esprit, la couleur de leur œuvre. […] De plus, cette exhibition de la réalité brute, non déformée ni préparée par l’art, telle que l’offrent les reporters, a été pour quelque chose dans le souci de moins en moins grand que le public pendant longtemps a semblé prendre des formes d’art. […] La pire erreur, en un sens, que puisse commettre un homme de lettres, c’est de prendre un métier qui le condamne à l’« écriture ». […] Le Journal des Débats, créé en 1789, prit un grand développement à partir de 1799, où il passa aux mains des Bertin ; il fit une large place à la littérature, et là, comme en politique, il représenta surtout les opinions, le goût, les aspirations de la classe bourgeoise. […] Desmoulins (1760-1794). né à Guise, fit son droit, prit une part active aux mouvements populaires de la Révolution, se fit journaliste, fut élu député de Paris à la Convention, et devint secrétaire général de Danton, ministre de la justice.

797. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre V. La philosophie. Stuart Mill. »

On prend l’instrument tel que la nature nous le fournit, et l’on se fie à son exactitude. […] Ils ont pris l’explication des noms pour la nature des choses, et la transformation des idées pour le progrès de l’esprit. […] Le corps de nos vérités n’a point une âme différente de lui-même qui lui communique la vie ; il subsiste par l’harmonie de toutes ses parties prises ensemble et par la vitalité de chacune de ses parties prises à part. […] Prenons un oiseau qui est dans l’air et respire ; plongeons-le dans l’acide carbonique, il cesse de respirer. […] Prenons deux groupes, l’un d’antécédents, l’autre de conséquents.

798. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1865 » pp. 239-332

Les avoués souriants prennent un air de corybantes, et il y a du faune dans les avocats macabres. […] La plus grande demoiselle ayant pris un chapeau et un châle à sa tante, et jouant une mariée de province. […] Thierry nous a dit que c’était une affaire faite, et nous allons, par politesse, le remercier d’avoir pris le rôle. […] Et sa voix, si onctueuse, prend un petit tremblement rageur : « Comment ! […] Nous voici tous les deux pris de crises d’estomac et de foie, qui se succèdent et renaissent de nos mutuelles anxiétés.

799. (1864) Le positivisme anglais. Étude sur Stuart Mill

On prend l’instrument tel que la nature nous le fournit, et l’on se fie à son exactitude. […] Ils ont pris l’explication des noms pour la nature des choses, et la transformation des idées pour le progrès de l’esprit. […] Le corps de nos vérités n’a point une âme différente de lui-même, qui lui communique la vie ; il subsiste par l’harmonie de toutes ses parties prises ensemble et par la vitalité de chacune de ses parties prises à part. […] Prenons un oiseau qui est dans l’air et respire ; plongeons-le dans l’acide carbonique, il cesse de respirer. […] Prenons deux groupes, l’un d’antécédents, l’autre de conséquents.

800. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mademoiselle Aïssé »

L’érudition ou ce qui pourrait en avoir l’air, en s’appliquant à ces sujets qui en sont si éloignés par nature, change véritablement de nom et prend quelque chose de la piété qui se met en quête vers les moindres reliques d’un mort chéri. […] Cette somme à débourser tenait surtout à cœur à Mme de Ferriol, et elle le fit sentir à Mlle Aïssé, qui se leva, alla prendre le billet et le jeta au feu en sa présence. […] Dans son anxiété croissante, et les moments du péril approchant, la jeune femme recourut à Mme de Villette, qui, depuis un an ou deux ans, avait pris nom lady Bolingbroke. […] Lundi, la fièvre lui prit, avec trois frissons en vingt-quatre heures et tous les accidents. […] Il en garda une pour lui ; le comte de Nogent, qui peut-être était son ami, prit l’autre.

801. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « M. de Rémusat (passé et présent, mélanges) »

Nous prendrons sur nous de le lui restituer ici. […] Il y a en un seul plusieurs hommes qui pensent, qui jouent, qui s’animent, qui se prennent à partie, qui se répondent, (chose plus rare !) […] Un mot pourtant encore, avant de prendre congé avec lui de cette première époque. […] Ils en trouvent d’étranges parfois, car ils en prennent partout, et chez le voisin et jusque chez l’ancien adversaire. […] Cependant, ayant pris goût au jeu, il se passa encore la fantaisie de faire une Saint-Barthélemy (1826), dans le genre des scènes publiées cette même année par M. 

802. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre I. Le Roman. Dickens. »

Les objets, chez Dickens, prennent la couleur des pensées de ses personnages. […] Prenez une boutique, n’importe laquelle, la plus rébarbative ; celle d’un marchand d’instruments de marine. […] L’enthousiasme le prend à propos de tout, particulièrement à propos des objets vulgaires, d’une boutique de bric-à-brac, d’une enseigne, d’un crieur public. […] L’ardente et tenace imagination de Dickens se prend trop fortement aux choses pour glisser légèrement et gaiement sur leur surface. […] Prenez un petit accident comique, comme on en rencontre dans la rue, un coup de vent qui retrousse les habits d’un commissionnaire.

803. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre III. De l’organisation des états de conscience. La liberté »

On la mettra au point O ; on dira que le moi, arrivé en O, et devant deux partis à prendre, hésite, délibère, et opte enfin pour l’un d’eux. […] Mais si le moi, arrivé au point O, est déjà déterminé dans un sens, l’autre voie a beau demeurer ouverte, il ne saurait la prendre. […] Pour fixer les idées, imaginons un personnage appelé à prendre une décision apparemment libre dans des circonstances graves ; nous l’appellerons Pierre. […] Il ne restera plus guère au déterministe qu’un seul parti à prendre. […] A vrai dire, quand les empiristes font valoir le principe de causalité contre la liberté humaine, ils prennent le mot cause dans une acception nouvelle, qui est d’ailleurs celle du sens commun.

804. (1858) Du roman et du théâtre contemporains et de leur influence sur les mœurs (2e éd.)

Déjà, depuis quelques années, il avait pris possession de l’histoire, qu’il traitait en pays conquis. […] Prendre pour guide l’instinct, l’instinct seul, c’est là toute la loi. […] On ne prend pas plus soin du superflu de l’un, que du besoin de l’autre ! […] Mais en passant au théâtre et dans les livres, quel accent de fureur n’a-t-il pas pris ? […] Si un autre que ton ami le juge t’eût pris ici sur le vol de la montre, tu étais un homme arrêté.

805. (1910) Propos littéraires. Cinquième série

Un empereur doit mourir debout ou être pris l’épée cassée. […] Il faut en prendre son parti. […] Sans les prendre, il les garde toutes. […] Il n’en a été intenté que sur initiative de particuliers dont on prenait le nom et qui ne tenaient pas à ce qu’on le leur prît. […] Prenez la méthode scientifique de gagner de l’argent ! 

806. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 5482-9849

Le bonheur pris indéfinitivement, signifie une suite de ces évenemens. […] nous apprenons que les François ont pris Minorque, & non pas auroient pris Minorque. […] Les commis lui prirent tous ses effets, & lui firent grace de son argent. […] Il paroît que jamais il n’y a eu aucun peuple sur la terre qui ait pris le nom d’idolâtre. […] Pluton fut alors oublié ; Vesta prit sa place.

807. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Conclusion. Le passé et le présent. » pp. 424-475

Au bout d’un instant, la mer est salie et cadavéreuse ; ses flots sursautent avec des tournoiements étranges, et leurs flancs prennent des teintes huileuses et livides. […] La mélancolie vient, on prend en dégoût les autres et soi-même. […] À présent, prenez un chemin de fer et allez à Glasgow, à Birmingham, à Liverpool, à Manchester, voir l’industrie. […] Prenons le jour où le silence des affaires laisse aux aspirations désintéressées un libre champ. […] Jusque dans ses dehors, sauf un rabat passager, et la perpétuelle cravate blanche, il vous ressemble ; au premier aspect vous le prendriez pour un professeur, un magistrat ou un notaire, et les discours qu’il prononce sont d’accord avec sa personne.

808. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (3e partie) » pp. 5-79

L’enfant le prit au collet de sa blouse et le secoua. […] Ses mains se crispent et se ferment et prennent du néant. […] Vous pouvez me prendre, puisque me voilà. […] Prenez-moi. […] Le propre des spectacles sublimes, c’est de prendre toutes les âmes et de faire de tous les témoins des spectateurs.

809. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre V. Le souvenir du présent et la fausse reconnaissance »

Bernard-Leroy a d’ailleurs pris soin, lui-même, de les distinguer l’un de l’autre 47. […] Le point délicat est de déterminer la forme toute spéciale que revêt ici l’inattention à la vie, et aussi d’expliquer pourquoi elle aboutit à nous faire prendre le présent pour une répétition du passé. […] Prenez une sensation intense et faites-la décroître progressivement jusqu’à zéro. […] Chacun de nous a pu remarquer le caractère étrange que prend parfois un mot familier quand on arrête sur lui son attention. […] Si l’inattention à la vie peut prendre deux formes inégalement graves, n’est-on pas en droit de supposer que la seconde, plus bénigne, est un moyen de se préserver de l’autre ?

810. (1891) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Première série

Elles prennent des droits en raison de leurs fonctions et les exercent. […] On a pu le prendre quelquefois pour un sceptique, au moins par provision. […] On se redresse ; on lui demande de quel droit il le prend sur un pareil ton. […] Nous ne lui refusons pas notre admiration, et même il faudrait peu de chose pour que nous prissions au jeu, en ne le tenant que pour un jeu, autant de plaisir qu’il en prend lui-même. […] Elle aurait pu la prendre pour elle.

811. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Mémoires et journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guettée. — II » pp. 263-279

L’âme, l’esprit de l’abbé Fleury semblent avoir été pris de tout point sur la mesure de Bossuet et tempérés selon des degrés pareils, avec la différence du sage au grand. […] En un mot, jeunes et en entrant dans la vie, on prend surtout les grands écrivains, orateurs ou poètes régnants, avec enthousiasme, par leurs qualités : vieux, on prend surtout les survenants et successeurs par leurs défauts. […] Nous savons par lui quel jour Bossuet s’est décidé à prendre des lunettes enferme à mettre sur le nez. […] Ce qui est tout sérieux, ce qui est bien conforme à l’esprit intérieur, c’est sa méditation perpétuelle de l’Écriture dès qu’il sentit que le terme de sa vie était proche. « Il avait pris une grande dévotion à réciter souvent le psaume XXI : Mon Dieu, mon Dieu, jetez sur moi votre regard ; pourquoi m’avez-vous abandonné ?  […] Toute sa fin est du plus humble et du plus fervent chrétien, et s’il y mêle jusqu’au bout des retours et des prises d’armes du docteur et du gardien viligant des dogmes, il a aussi, quand il est réduit à lui seul et en présence de son mal, la foi simple et comme naïve du centenier de l’Évangile, et on peut le dire à l’honneur du grand évêque, il a la foi du charbonnier.

812. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Fanny. Étude, par M. Ernest Feydeau » pp. 163-178

À la suite de la gageure et pour la tenir, Benjamin Constant est passé du salon dans son cabinet et a pris la plume, qui a couru sur le papier en nuances fines et subtiles. […] On dirait d’un instrument plus perfectionné ; le rayon avec ses jeux et ses reflets y est saisi et fixé tout vif ; à chaque instant le soleil est pris sur le fait. […] Le comte me découvrit dans l’espèce de retraite où je m’étais réfugié ; il vint à moi, me prit par la main, et me conduisit vers Ellénore. […] Les uns disent que de telles histoires se prennent sur le vif et ne s’inventent pas. […] Mais ce qui est bien certain, c’est que ce livre ne fait pas d’indifférents, qu’il prend son monde et le remue.

813. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Souvenirs et correspondance tirés des papiers de Mme Récamier » pp. 303-319

Au fond, malgré l’admiration extérieure et une familiarité de chaque jour, il goûtait assez peu M. de Chateaubriand, lequel, de son côté, ne le prenait pas très au sérieux et l’appelait l’hiérophante […] Dans ses idées littéraires un peu naïves et qui se sentaient encore un peu de la province, il aurait désiré que Mme Récamier écrivît, qu’elle prît rang à son tour parmi les femmes qui aspirent à la double couronne ; il essaya, à un moment, de l’enhardir à faire preuve de talent, à devenir poète, c’est-à-dire à traduire et à interpréter un poète, comme si ce n’est pas la même chose que de devenir auteur. […] Créature privilégiée, prenez un peu de confiance, soulevez votre tête charmante, et ne craignez pas d’essayer votre main sur la lyre d’or des poètes. […] Ainsi elle racontait gaiement ce voyage de Rome à Naples, dans lequel, sur toute la route, elle prit, sans s’en douter, les relais préparés pour le duc d’Otrante. […] Mon grand défaut, c’est de n’être enivré de rien ; je serais meilleur, si je pouvais prendre à quelque chose.

814. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français (suite et fin.) »

Être pris de la sorte et tomber dans les filets du divin chasseur, c’est la meilleure chasse qu’il puisse faire. […] Elle ignore encore le changement de vie de Lazare et se pique de le prendre pour modèle en toute mondanité. […] Il se chante en rimes alambiquées une sorte d’exhortation amoureuse ; il fait vœu et serment de prendre Madeleine pour sa dame : de toutes les belles de Judée, passées et présentes, Rachel, Judith, Vasthi, Esther, etc., elle est la nonpareille et l’unique ; : il se propose donc d’aller deviser avec elle et servir sous sa bannière. […] Après avoir ainsi roucoulé quelque temps leur duo, Rodigon se lève et prend congé de Madeleine : « Point ne faut faire l’ennuyeux », dit-il. […] Jésus En la force de ma Jeunesse… Ici le fond l’emporte sur la forme ; mais la forme même semble expressément sortir de la vivacité poignante des sentiments qui sont aux prises.

815. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « La civilisation et la démocratie française. Deux conférences par M. Ch. Duveyrier »

» L’attention ainsi piquée et déridée au début prend confiance et se laisse mener sans ennui vers les considérations générales. […] Il paraît que le mot de civilisation ne se rencontre guère pour la première fois, au sens où on le prend aujourd’hui, que dans les œuvres de Turgot, un digne parrain. Il est bientôt entré dans la circulation ; on l’emploie sans cesse, et l’on peut dire même qu’on en ferait un usage voisin de l’abus, si l’on s’en payait trop aisément et si l’on ne prenait le soin d’y regarder de temps en temps pour sortir du vague et se bien définir le sens et le but. […] Volney, dans le programme de ses leçons d’histoire aux Écoles normales (an iii, 1795), se propose d’examiner quel caractère présente l’histoire chez les différents peuples, quel caractère surtout elle a pris en Europe depuis environ un siècle : « L’on fera sentir, disait-il, la différence notable qui se trouve dans le génie historique d’une même nation selon les progrès de sa civilisation, selon la gradation de ses connaissances exactes. » Notez bien cette sorte de traduction qui définit le sens. […] Cela l’eût conduit, en effet, à des discussions épineuses et peut-être brûlantes, à des évaluations de salaires, à la recherche d’une répartition plus égale dans les bénéfices sociaux ; il n’a pas serré la question de ce côté-là, du côté arithmétique et toujours redoutable, par où un Proudhon n’aurait certes pas manqué de la prendre et, en propres termes, de l’empoigner.

816. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXII » pp. 355-377

Le voyage de madame de Maintenon se faisait à petites journées, et se prolongeait encore par des séjours dans tous les lieux où le jeune prince se plaisait ; et aussi dans le Poitou, pays natal des d’Aubigné, ou elle prenait plaisir à visiter sa famille. […] L’histoire nous apprend que le roi, qui était parti dans les premiers jours du mois de mai pour l’armée des Pays-Bas, prit Dinan le 29 et ne revint à Versailles que le 18 ou le 20 juillet. Pendant ce temps-là, madame de Montespan partageait son temps entre l’embellissement de Clagny et des empressements pleins de respect pour la reine, qui prenait plaisir favoriser son beau repentir, et sa résignation à une vie plus régulière. […] Elle descendit à l’église, puis à Clagny, où elle prit madame de Montespan dans son carrosse et la mena à Trianon avec elle. » Le 14 juin. « La reine, en allant prendre madame de Montespan à Clagny, monta dans sa chambre, où elle fut une demi-heure.

817. (1891) Enquête sur l’évolution littéraire

Elle les aura pris pour des marchands d’olives. […] L’oubli, maintenant, va les prendre irrémédiablement comme jadis. […] Qui, selon vous, la prendra ? […] Qu’ils prennent donc du fer, sacrebleu ! […] En sortant, je lui pris le bras et je lui dis : « Oh !

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