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638. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Divers écrits de M. H. Taine — I » pp. 249-267

Les devanciers déjà vieux doivent ce premier témoignage d’estime aux hommes nouveaux qui comptent, de les regarder et de les bien connaître. […] Ce qu’on ne saurait oublier en le lisant, c’est qu’il a été élève de l’École normale, qu’il s’y est formé dans le recueillement et la méditation, que sa première jeunesse, dont il est à peine sorti, a été forte, laborieuse, austère. […] Cet essai est, à première vue, la chose la plus étrange et la plus inattendue, eu égard au sujet. […] Cette supposition, au premier abord, pourrait intimider ; mais un peu de timidité ne messied pas en abordant les maîtres qu’on admire. […] Un degré de chaleur dans l’air et d’inclinaison dans le sol est la cause première de nos facultés et de nos passions.

639. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset, professeur d’histoire au lycée Bonaparte. »

Pourquoi personne jusqu’à présent ne s’était-il avisé de puiser là et de s’emparer de ces sources capitales et premières ? […] De même que M. d’Estrades, à l’époque de la conquête de Louis XIV, savait cette particularité si essentielle, ce secret des écluses dont la clef était à Muyden (mais il ne fut pas interrogé à temps), de même un homme dont on ne doit parler qu’avec bien de l’estime, le Père Griffet, continuateur du Père Daniel pour l’Histoire de France, l’excellent historien de Louis XIII, celui qui, sans l’exil qui le frappa avec tous les jésuites, allait nous donner un règne de Louis XIV de première main, le Père Griffet avait connu ces sources, y avait puisé et en avait tiré huit volumes de lettres qui sont imprimés (1760-1764) ; mais ces huit volumes, trop peu consultés eux-mêmes, sont peu de chose eu égard à l’immensité du dépôt. […] Mais aujourd’hui, je le dis sincèrement, ma joie est mêlée d’une grande inquiétude ; cette vérité historique dont j’ai eu la révélation première, ai-je bien la force et le talent qu’il faut pour la communiquer ? […] De plus il a sous lui toute une élite d’hommes secondaires que cette histoire nous découvre et qui prennent figure et vie à nos yeux : — en première ligne, Martinet, lieutenant-colonel du régiment du Roi, mort maréchal de camp, officier modèle, dont le nom devient proverbial dans l’armée, et qui est l’instrument de la réforme, le parfait instructeur, le praticien de la discipline nouvelle dans l’infanterie ; — après lui, le chevalier de Fourilles, qui rend des services pareils, et qui est un autre Martinet pour la cavalerie ; — des intendants comme Chaniel, agent zélé, ferme, intelligent, dont les plus grands généraux redoutent les écritures, qui ne paraît pas en avoir abusé toutefois, et que Louvois, fidèle au principe de la séparation des pouvoirs, soutient sans broncher dans ses contestations avec les maréchaux victorieux, après la conquête. […] Les deux premiers volumes qui vont jusqu’à la paix de Nimègue, avaient seuls paru.

640. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Le maréchal de Villars. »

Personne, dans les officiers généraux de l’armée, ne paraît avoir cru cette attaque praticable à ce premier moment antérieur à l’investissement de Landrecies. […] Nos fascines seront les corps des premiers de nos gens qui tomberont dans le fossé. » Ces rivalités jalouses sur un si beau fait d’armes accompli de concert sont misérables. […] A y regarder de plus près, l’honneur de Montesquiou est, certes, d’avoir eu la visée sur Denain (qu’elle soit venue primitivement de Louis XIV ou de lui), de l’avoir proposée à Villars avec insistance sous la forme d’un plan militaire aussi hardi que praticable, et d’avoir été en première ligne dans l’exécution. […] Je n’ai point donné de ces batailles générales qui mettent le royaume en peine ; mais j’espère, avec l’aide de Dieu, que le roi retirera de grands avantages de celle-ci. » Et, en effet, si l’idée originale de Denain n’est pas de Villars, il se l’appropria tout à fait par la manière brillante et rapide dont il sut profiter de ce premier succès ; à la façon soudaine dont il en tira les conséquences, on aurait pu l’en croire le seul auteur et le père, et l’on peut dire que, par l’usage qu’il en fit, il éleva ce coup de main heureux à la hauteur d’une grande victoire. […] Mais il est beau que sa fortune fasse la fortune publique. » Et songeant moi-même à Villars, à Masséna, à ces grands hommes de guerre qui ont eu des vices, mais qui peuvent aussi montrer dans leur vie ces nobles pages, Rivoli, Essling et Zurich, ou bien Friedlingen, Hochstett et Denain, je dirai qu’il convient de leur appliquer les paroles de Périclès dans l’Éloge funèbre des guerriers morts pour Athènes : « A ceux qui ont de moins bonnes parties il est juste que la valeur déployée contre les ennemis de la patrie soit comptée en première ligne ; car le mal disparaît dans le bien, et ils ont été plus utiles en un seul jour par ce service public, qu’ils n’ont pu nuire dans toute leur vie parleurs inconvénients particuliers. » C’est la conclusion qui me paraît la plus digne pour ce chapitre d’histoire.

641. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Mémoires de madame Roland »

Barrière (1820), — on avait retrouvé et donné des séries de sa Correspondance privée, ses Lettres à Bancal des Issarts (1835), — d’autres Lettres de sa première jeunesse, adressées aux demoiselles Cannet (1841). […] C’était Bosc, le fidèle ami de Mme Roland, qui se hâtait de donner cette première édition, accueillie avidement par le sentiment public. […] Encore une fois, mettons-nous à la place de ces premiers éditeurs : il n’est pas un seul d’entre nous qui, chargé au lendemain de la mort d’un ami célèbre de mettre en ordre ses papiers et d’en tirer la matière d’une publication réclamée et opportune, ne prenne garde, n’hésite plus d’une fois en vue même d’une mémoire respectée, ne conçoive des scrupules et n’estime quelques retranchements nécessaires, provisoirement du moins. […] Nous avons vu de quelle nature étaient les reproches adressés par la Décade et par les contemporains amis au premier éditeur : écoutons le dernier éditeur maintenant, et admirons la contrariété des points de vue : « Nous avons poussé le scrupule, dit M.  […] Il était évident, toutefois, pour quiconque étudiait de près Mme Roland avec l’intérêt et l’attention qu’elle mérite, que pendant des années, — durant les dix premières années de son mariage, — elle avait été tout entière occupée et absorbée par les soins maternels, les devoirs domestiques, le désir de cultiver son esprit et d’accroître ses connaissances ; l’amour près d’elle avait eu tort ; elle n’avait ni cherché ni rencontré.

642. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette (suite.) »

Quelque chose me serrait à la gorge comme un étau. » Leur premier mouvement est de se jeter à genoux et d’invoquer les lumières du Ciel. […] Durant les douze ou treize premières années de règne (1774-1787) les lettres qu’on a de Marie-Antoinette, même après cette dernière collecte et cette double publication rivale, sont très clair-semées. […] Tandis que nous en sommes encore avec Marie-Antoinette à la période de première jeunesse, je dirai pourtant un mot en passant d’une question incidente qui s’y rattache. […] Ses premiers goûts étaient ailleurs. […] Le personnage au-dessus de moi n’en est pas en état, et moi, quelque chose qu’on dise et qui arrive, je ne suis jamais qu’en second ; et malgré la confiance du premier, il me le fait sentir souvent. » Nous dirons les belles qualités de Marie-Antoinette, son courage surtout, sa fermeté, sa générosité d’âme quand le moment sera venu ; mais ici on la surprend dans toute la misère et l’inexpérience de son apprentissage politique.

643. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « HISTOIRE de SAINTE ÉLISABETH DE HONGRIE par m. de montalembert  » pp. 423-443

Ce tableau a de la grandeur et de la solennité en ce qui regarde les figures d’Innocent III, de Grégoire IX et de l’empereur Frédéric II ; il a de la beauté et de la grâce en ce qui touche saint Louis, saint François d’Assise, le culte de la Vierge alors dans toute sa fleur, les épopées chevaleresques et religieuses dans leur premier et chaste épanouissement. […] A mon retour en France, et lorsque j’entamai ma série des Lundis, l’un des premiers articles (5 novembre 1849) fut consacré à M. de Montalembert, orateur. […] Si je pouvais espérer vous rencontrer à l’un de mes premiers voyages en Belgique (Mme de Montalembert me croyait encore en Belgique, ou je n’étais plus de puis quelques mois), j’aimerais à vous réitérer moi-même cette expression de la grande jouissance que vous m’avez fait éprouver. […] les années, les souffrances, les échecs et les humiliations de l’amour-propre, tout ce qui aurait dû rabattre de son habitude agressive n’a fait au contraire qu’irriter en lui ces besoin, cette rage d’insulte et d’invective qu’il semble avoir retenus de son premier maître La Mennais et qui fait tache dans son noble talent. […] Mais le grand déserteur, dans son absence même, les domine et demeure présent à leur pensée, à la pensée de tous : ils ne sont que de premiers lieutenants.

644. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE SOUZA » pp. 42-61

Elle perdit de bonne heure ses parents ; les souvenirs du couvent furent ses souvenirs de famille ; cette éducation première influa, nous le verrons, sur toute sa pensée, et chacun de ses écrits en retrace les vives images. […] Rôdant toujours autour de cette France interdite, elle séjourna encore à Hambourg, et c’est dans cette ville que la renommée, désormais attachée à son nom par Adèle de Sénange, noua sa première connaissance avec M. de Souza, qu’elle épousa plus tard vers 1802. […] Le difficile est de récidiver lorsqu’on a dit ce premier mot si cher, lorsqu’on a exhalé sous une enveloppe plus ou moins trahissante ce secret qui parfume en se dérobant. […] Cette première année, vous le savez, mais il l’ignore, son bonheur et sa vie peuvent dépendre de chaque minute, de chaque pas. […] … Cependant si, après sa première campagne, il revient du tumulte des camps, avide de gloire, et pourtant satisfait, dans votre paisible demeure ; s’il est encore doux et facile pour vos anciens domestiques, soigneux et gai avec vos vieux amis ; si son regard serein, son rire encore enfant, sa tendresse attentive et soumise vous font sentir qu’il se plaît près de vous… oh !

645. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE DURAS » pp. 62-80

Elle était plus forte, plus grande, plus passionnément douée que ce premier aspect ne la montre ; il y avait de puissants ressorts, de nobles tumultes dans cette nature, que toutes les affections vraies et toutes les questions sérieuses saisissaient vivement ; comme l’époque qu’elle représente pour sa part et qu’elle décore, elle cachait sous le brillant de la surface, sous l’adoucissement des nuances, plus d’une lutte et d’un orage. […] L’une perdit son premier mari, l’autre son père sur l’échafaud ; toutes deux subirent l’émigration ; mais les idées de l’une de ces personnes distinguées étaient déjà faites, pour ainsi dire ; ses impressions, la plupart, étaient prises. […] Une de ses pensées habituelles était que, pour ceux qui ont subi jeunes la Terreur, le bel âge a été flétri, qu’il n’y a pas eu de jeunesse, et qu’ils porteront jusqu’au tombeau cette mélancolie première. […] Comme, à propos d’une de ces saillies de premier mouvement, un ami lui faisait remarquer qu’elle avait bien droit d’être ainsi libérale, fille qu’elle était de M. de Kersaint : « Oh ! […] En réalité, Mme de Duras avait pris l’idée première d’Édouard et de cette situation inégale dans l’inclination marquée que témoignait pour sa fille Clara (depuis duchesse de Rauzan) M.

646. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre II. Les privilèges. »

Tel évêque ou abbé, tel comte ou duc dont les successeurs font la révérence à Versailles, fut jadis l’égal des Carlovingiens et des premiers Capétiens. […] Les chanoines de Saint-Claude, dans le Jura, sont propriétaires de 12 000 serfs ou mainmortables27. — Par cette fortune du premier ordre, nous pouvons nous figurer celle du second. […] À Remiremont, le chapitre noble des chanoinesses a « la basse, haute et moyenne justice dans cinquante-deux bans de seigneuries », présente à soixante-quinze cures, confère dix canonicats mâles, nomme dans la ville les officiers municipaux, outre cela trois tribunaux de première instance et d’appel et partout les officiers de gruerie. […] En ce cas, il nomme le bailli, le greffier et autres gens de loi et de justice, procureurs, notaires, sergents seigneuriaux, huissiers à verge ou à cheval, qui instrumentent ou jugent en son nom, au civil et au criminel, par première instance. […] Sur les 123 millions, 23 passent en frais de perception ; mais, quand on compte le revenu d’un particulier, on n’en défalque pas ce qu’il paye à ses intendants, régisseurs et caissiers. — Talleyrand (10 octobre 1789) estime le revenu des biens-fonds à 70 millions et leur valeur à 2 100 millions ; mais, à l’examen, le capital et le revenu se sont trouvés notablement plus grands qu’au premier aperçu.

647. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre II. Littérature dramatique — Chapitre I. Le théâtre avant le quinzième siècle »

Aussi avons-nous dû renvoyer jusqu’à ce moment l’étude des origines et des premières œuvres, débris de la production des xiie et XIIIc siècles. […] Le latin s’y maintient, extérieur au dialogue dramatique, l’encadrant, le sanctifiant pour ainsi dire : des leçons, des versets, où le texte de l’Écriture est exactement donné, rendent en quelque sorte au poème sa destination première. […] Les deux premières parties surtout font honneur au clerc inconnu qui a rimé les récits de la Genèse en son langage normand. […] Au moins le poète du xiie siècle sait-il choisir, et retrancher, et abréger : au moins voit-il quelque chose par-delà les faits, il a aperçu la grandeur pathétique du premier péché et du premier crime, et il a tâché de rendre quelque chose des sentiments intimes des acteurs. […] Il paraît utile d’indiquer la provenance des manuscrits qui contiennent les pièces principales dont le rapprochement fait apparaître nettement l’évolution de la poésie dramatique depuis ses premières origiues.

648. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre I. La tragédie de Jodelle à Corneille »

La troupe qui s’installa en 1599, et qui, avec quelques interruptions pendant les trente premières années, se fixa à l’Hôtel de Bourgogne, celle de Valleran Lecomte, avait à ses gages un poète parisien, Alexandre Hardy308. […] Chapelain a été des premiers converti aux règles : en 1635, il y convertit le cardinal. […] Grâce à Hardy et à Mairet, le public était en train de se passionner pour le théâtre, et le poème dramatique passait insensiblement au premier rang des genres littéraires. […] L’Académie eut du mal à contenter le cardinal, qui rejeta les deux premières rédactions qu’on lui proposa. […] Ainsi ils font eux-mêmes leur fortune : le principe de l’action tragique est dans la définition première de leurs caractères.

649. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le père Lacordaire orateur. » pp. 221-240

L’aîné, dont on a lu des écrits dans la Revue des deux mondes, est, depuis plusieurs années, professeur d’histoire naturelle à l’université de Liège ; il a voyagé quatre fois en Amérique du Sud, et compte en première ligne parmi les entomologistes les plus distingués de notre temps, esprit net, investigateur patient, observateur précis et sévère. […] Je n’ai pas voulu omettre ces premières circonstances ; car il n’est pas indifférent, selon moi, même pour les futures convictions et croyances, d’être sorti d’une race solide et saine, d’une race intègre et pure. […] Mais pour cela il faut un corps, un ordre ; or, cet ordre est tout trouvé, il existe ; il ne s’agit que de le ressusciter en France. » Toutefois, l’entreprise au premier abord était étrange. […] Il fit un Mémoire pour le rétablissement en France de l’ordre des Frères prêcheurs, qu’il dédia pour premier mot « À mon pays » ; il écrivit une Vie de saint Dominique, qui serait à discuter historiquement, mais où respire et reluit l’intelligence vive du Moyen Âge. […] Jamais le souvenir de ces premiers temps de son âge ne s’effaça de la pensée du général Drouot ; dans la glorieuse fumée des batailles, aux côtés mêmes de l’homme qui tenait toute l’Europe attentive, il revenait par une vue du cœur et un sentiment d’actions de grâce à l’humble maison qui avait abrité, avec les vertus de son père et de sa mère, la félicité de sa propre enfance.

650. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Discours sur l’histoire de la révolution d’Angleterre, par M. Guizot (1850) » pp. 311-331

Son premier dessein, à travers ce vaste océan des choses passées, fut de saisir et de tracer une direction déterminée sans être pour cela étroit, et sans rien retrancher à la diversité de l’ensemble. […] Les habitudes de race et d’éducation première se marquent encore dans le talent et se retrouvent dans la parole, même lorsqu’elles ont disparu des habitudes de notre vie : on en garde la fibre et le ton. […] Guizot, à ses premiers débuts, n’a pas toujours bien écrit, il écrivait du moins très inégalement. […] Voilà l’écueil, et un talent, même du premier ordre, n’en garantit pas. […] Les hommes supérieurs qui ont passé par les affaires, et qui en sont sortis, ont un grand rôle encore à remplir, mais à condition que ce rôle soit tout différent du premier et que même ce ne soit plus un rôle.

651. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le duc d’Antin ou le parfait courtisan. » pp. 479-498

La Cour était son élément, le seul théâtre où il pût exercer et développer ses facultés souples, liantes, patientes, assidues : ce fut son idéal dès ses premières années. […] Une gravure du temps nous représente dans cet âge de première jeunesse « M. le marquis d’Antin, fils unique de M. le marquis de Montespan, et l’un des seigneurs nommés pour être assidus auprès de Monseigneur ». […] Il n’en souffrit pas moins cruellement de l’affront qui lui était fait ; et alors, non pas, comme on l’a cru, par hypocrisie et pour complaire au roi, mais par un réveil naturel des sentiments religieux de sa première éducation, il songea à Dieu dans sa disgrâce, et il essaya s’il ne pourrait pas guérir son cœur en le tournant vers ce qui ne change point. […] Retiré à la campagne, à Bellegarde, au mois d’avril 1707, il épanche, dans ce premier moment de douleur, ses réflexions sur l’homme, sur la destinée, sur ce que sont pour nous fatalement la naissance, l’éducation première, sur le peu qu’est la raison dans notre conduite et sur l’inefficacité de ses conseils quand nos goûts et nos passions la contrarient ; et il se prend lui-même à partie pour sujet de démonstration et pour exemple. […]  » s’écria d’Antin en essuyant ce premier rayon de grâce.

652. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre deuxième. La force d’association des idées »

À ce point de vue encore tout mécanique, on peut admettre, avec William James, les lois suivantes : Première loi. […] Toute impression ébranle donc, par une contagion inévitable, les parties contiguës et similaires du cerveau, puis celles mêmes qui, plus éloignées, conséquemment différentes, sont cependant encore unies aux premières par des fibres conductrices. […] La classification, qui, au premier abord, paraît une fonction tout intellectuelle et rationnelle, renferme ainsi un côté sensitif et mécanique, et fonctionne d’abord comme une merveilleuse machine à calculer. […] Nous trouvons donc, en définitive, dans l’identité de l’action et dans le contraste primitif de l’action avec la résistance extérieure la source première des similarités ou des contrastes qui associent les sentiments, qui les font onduler en sens divers. […] « D’abord, dit-il, j’étais couché sur mon lit au moment même de ce souvenir ; première concordance ; puis j’avais vu le visage de l’enfant piqué par les mouches ; mais que de fois j’ai éprouvé le même inconvénient sans avoir le même souvenir !

653. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Xavier Aubryet » pp. 117-145

Premier point, voyez-vous ! […] Cela seul donne au livre de Xavier Aubryet une splendeur qui n’est pas la splendeur première venue des pinceaux littéraires actuels. […] Ainsi, en restant sur le fond des choses et dans les généralités d’opinion, la critique de Xavier Aubryet a, dès son premier pas, pris une forte avance sur les autres critiques contemporaines, mais en continuant dans le sens de son premier mouvement, elle les distancerait tout à fait. […] Selon moi, il faut être un romancier de premier ordre pour se permettre la nouvelle. […] Xavier Aubryet, je l’ai dit souvent déjà, a pour qualités premières l’aperçu et l’expression, — ces deux gonds d’or sur lesquels tournent les plus belles pages de ceux qui savent écrire.

654. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre III : M. Maine de Biran »

on découvre du premier coup de quel phénomène il a parlé ? […] Cousin l’a promu au grade de « premier métaphysicien du temps. » Autour du berceau du spiritualisme, il fallait des nuages. […] Son premier livre est beau et restera. […] Il est aperçu en lui-même, et il est aperçu du premier coup. […] En observant notre force, nous savons ce que sont les siennes, et notre première découverte est qu’elles sont spirituelles.

655. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XV. »

Comment ce qui semblait manquer aux beaux jours de la république, à l’époque où elle avait produit de si grands hommes, lui fut-il donné sous le joug d’un maître habile mais sans grandeur, indigne par ses premiers crimes des éloges qu’à mérités la modération prudente de ses dernières années ? […] Évidemment, son premier progrès de politesse avait anticipé, de longue date, sur l’époque nommée le siècle d’Auguste. […] Car nous, durant les maux de la patrie, nous ne pouvons achever notre œuvre avec un esprit assez libre ; et l’illustre descendant de Memmius ne pourrait non plus, pour être attentif à pareille chose, manquer au salut public. » Mais ce magnifique essor du poëte, à l’ouverture de ses chants, est à la fois son premier salut et son adieu à l’enthousiasme lyrique. […] Ce qui manquait si fort, nous le voyons, au premier grand poëte de Rome, ce qui glaçait pour lui l’enthousiasme lyrique, pouvons-nous le trouver dans d’autres génies du même temps, nourris au milieu des mêmes corruptions, et n’ayant pas peut-être cette mélancolie mêlée de pitié qui rend si éloquent même le scepticisme de Lucrèce ? […] Courez, fuseaux, courez en tissant vos trames181. » Avec la majesté de l’hexamètre latin, on sent ici le souffle de la muse grecque, et aussi comme un reste de la barbarie première dans l’image de Polyxène immolée sur le tombeau d’Achille.

656. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXIII. »

Trop raffinée, trop amollie dans ses premiers rangs, trop inégale, trop disparate dans son assemblage, aussi forte par les lumières que faible par les mœurs, la société française était énervée pour l’invention, et avait besoin d’être rajeunie par des événements nouveaux. […] André Chénier, ce martyr de l’humanité et de la poésie, n’avait pas été le seul qui, dans ces premiers jours, en eût éprouvé la puissance. […] Ses premiers élans de poésie avaient célébré la prise de la Bastille. […] Comme Alfieri, comme Monti, comme d’autres étrangers enivrés du premier vin de la Révolution française, il est plus déclamateur qu’éloquent, il a plus d’emphase que de poésie. […] Peut-être cette première inspiration lui convenait mieux, était plus vraie pour lui que celle qui suivit ; mais l’une et l’autre en ont fait un poëte qu’on ne peut oublier.

657. (1904) Propos littéraires. Deuxième série

Et cet état d’âme n’est pas celui des Encyclopédistes ; car ils ne sont rien moins que libéraux ou « libertaires » et l’anarchie n’a aucune première source ou première racine dans l’Encyclopédie. […] C’est d’un psychologue de premier ordre. […] Voyez Clémence, l’ancienne première, à qui succède Henriette. […] Pourrait occuper un des premiers rangs s’il avait plus de respect pour la grammaire. […] Lamartine est du premier avis, et je crois qu’il avait raison.

658. (1876) Romanciers contemporains

La seconde restera par son premier majestueux volume et par plusieurs épisodes. […] Irrités de n’avoir pu mordre sur les cinq premiers livres de M.  […] Flaubert occuperait une des deux ou trois premières places de notre littérature. […] Le chapitre premier du livre IV est tout entier à biffer. […] L’abonné, attiré par ces premières scènes terribles, affluait.

659. (1855) Louis David, son école et son temps. Souvenirs pp. -447

La fenêtre était exactement ouverte et placée de même qu’au premier étage. […] La séance était de cinq heures et se renouvelait pendant les six premiers jours de la décade. […] On savait seulement qu’il avait servi aux armées, mais qu’un attrait invincible pour l’art de la peinture l’avait engagé à quitter sa première profession. […] C’est là que David tenta ses premiers essais en peinture. […] Les deux premiers jours de prairial an III (20 et 21 mai 1795) sont restés célèbres dans les fastes de la révolution française.

660. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « SUR ANDRÉ CHÉNIER. » pp. 497-504

Grâce à cet anachronisme qui eût glacé tant d’autres, les Poésies d’André Chénier, nées comme à part de leur siècle, ne pouvaient tomber plus à propos, et elles se firent bien vite des admirateurs d’élite qui les poussèrent au premier rang dans l’estime. […] Littérairement, et après le bouillonnement écumeux de sa première moitié, la Restauration peut être comparée à une espèce de lac artificiel, qui cessa du moment où les écluses s’ouvrirent, mais qui se prêta assez longtemps aux illusions et aux jeux de l’art, de la philosophie, de la poésie ; on y voguait à la rame, l’été ; on y patinait agréablement l’hiver. […] Lamartine aussi n’est guère revenu, à l’égard d’André, sur ses préventions premières.

661. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre XI. De l’ignorance de la langue. — Nécessité d’étendre le vocabulaire dont on dispose. — Constructions insolites et néologismes »

Enfermée dans un cercle étroit de mots, l’intelligence est à la gêne, ne peut pas développer ses pensées, et se trouve réduite à de vagues appréhensions, d’indécises tendances, qui ne se précisent pas faute de mots, et qui s’accrochent au hasard aux premières formules que la mémoire fournit. […] Elle demande beaucoup de délicatesse et d’attention ; car les mots qu’on entend du premier coup, qui sont familiers à première vue, ont eu souvent des sens et des emplois qui diffèrent de leurs sens et de leurs emplois actuels par des nuances fines et presque imperceptibles : rien ne fait mieux connaître la langue française que la comparaison scrupuleuse et le discernement exact de ces différences.

662. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Sully Prudhomme (1839-1907) »

Théophile Gautier Dans son premier volume, qui date de 1865 et qui porte le titre de : Stances et poèmes, les moindres pièces ont ce mérite d’être composées, d’avoir un commencement, un milieu et une fin, de tendre à un but, d’exprimer une idée précise… Dès les premières pages du livre, on rencontre une pièce charmante, d’une fraîcheur d’idée et d’une délicatesse d’exécution qu’on ne saurait trop louer et qui est comme la note caractéristique du poète : Le Vase brisé… C’est bien là, en effet, la poésie de M.  […] Sully Prudhomme est au premier rang. […] Quant au « poète » sentimental, qui est l’autre face de ce « poète » philosophe, je pense qu’il a déjà rejoint dans l’ingrate mémoire des hommes les faiseurs de romances du premier Empire, et Reboul et Dupaty ; ses tendresses sucrées, sirupeuses, sont vaines en effet, et cet amant eut sans doute toujours la tête chenue.

663. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre quatrième. »

La précision qui règne dans ces quatre premiers vers, exprime à merveille la facilité avec laquelle l’homme se familiarise avec les objets les plus nouveaux pour lui et les plus effrayans. […] Ces cinq premiers vers sont nobles et imposans, ils ont pourtant un défaut. […] Voilà le dénouement préparé dès les trois premiers vers.

664. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 7, que les genies sont limitez » pp. 67-77

Mais ne vaut-il pas mieux être un des premiers parmi les païsagistes que le dernier des peintres d’histoire ? Ne vaut-il pas mieux être cité pour un des premiers faiseurs de portraits de son temps, que pour un miserable arrangeur de figures ignobles et estropiées. […] Il court le risque d’être défini comme l’auteur des premiers.

665. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « XVI »

On n’a pas besoin de preuves et l’on brave la contradiction quand on affirme à priori : « On n’apprend pas à écrire ; le style est un don ; on a du talent ou on n’en a pas ; la vocation est tout, etc. » Au premier abord, rien n’est plus vrai. […] Comment nous reproche-t-on après cela de méconnaître l’originalité personnelle, la valeur du premier jet, le mérite de l’invention ?‌ […] Ces deux ou trois conseils ont peut-être un peu l’air empirique au premier abord.

666. (1818) Essai sur les institutions sociales « Préface » pp. 5-12

Nodier, auteur du premier, s’était placé, sans hésitation, dans le point de vue où je m’étais placé moi-même. […] Cette première idée sur l’abolition de la peine de mort a reçu, depuis, bien d’autres développements. […] Le troisième entretien me rappelle, sur le repos du peuple, repos qui tient à sa confiance dans l’ordre fondé par la Charte, me rappelle, dis-je, la fin du premier volume.

667. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Jean-Jacques Rousseau »

Mais ils n’en tinrent pas moins leur première assemblée… préparatoire. […] À cette première assemblée, fut-ce le doyen d’âge qui présida ? […] On recommence à croire au testament d’Adam, qui est le vrai Contrat social du pouvoir, à la famille qui est le vrai Contrat social du père, des enfants, de la mère, et à l’ordre, qui est le vrai Contrat social des anciens de la famille, appelés en premier par la vocation, les études, le diplôme, et en second par le pouvoir, qui les fait officiers, évêques, magistrats !

668. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « Introduction »

Introduction L’esprit nouveau Mon premier mot aura pour but de dissiper une équivoque.‌ […] Et même, — tellement sont vivaces les forces de réaction, — après cinq siècles de pensée libre, l’esprit nouveau n’en est encore qu’aux syllabes premières ! […] Bien que pour l’immense majorité, la vie individuelle n’existe pas ou à peine, que la vie religieuse n’ait pas changé, et que la vie sociale ne soit encore qu’un espoir, il n’en est pas moins vrai qu’un esprit nouveau a déterminé l’évolution des cinq derniers siècles, ayant pour caractéristique première la rentrée de l’homme dans l’ordre naturel.

669. (1895) Nos maîtres : études et portraits littéraires pp. -360

Elle y a exercé un caractère spécial, qui s’est imprimé aux premiers contes même qu’elle nous a laissés. […] Admirable soin des notions et des raisonnements : l’âme première des Grecs y paraît. […] Mais incontestablement ces premiers vers de M.  […] Telle est la règle ferme et première que M.  […] Brunetière au premier rang de nos écrivains.

670. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre deuxième. La connaissance des corps — Chapitre II. La perception extérieure et l’éducation des sens » pp. 123-196

C’est qu’il a deux stades, et que, selon l’espèce de nos sensations, il s’arrête au premier ou va jusqu’au second. — Deux sortes de sensations, les visuelles et les auditives, peuvent seules les parcourir tous les deux ; seules elles sont projetées nettement hors de leur premier emplacement, jusqu’à tel ou tel point du dehors. […] Aucun de ces aveugles opérés ne sut, du premier coup, interpréter ses nouvelles sensations, décider de la situation, de la forme, de la grandeur des objets, les reconnaître. […] Au bout des trois premiers mois, faibles signes de sensibilité quand on pince la queue. […] Voir première partie, livre I, ch.  […] Voir première partie, livre I, ch. 

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