J’ai nommé cet abbé, parce qu’indépendamment de l’esprit hardi, rabelaisien, philosophique, qui a sa ressemblance chez tous deux, le président de Brosses était à peu près de la même taille que lui, c’est-à-dire remarquablement petit. […] De Brosses le sentait bien, et, dans son voyage d’Italie, voyant à quels détails sa recherche le conduisait, il se disait qu’il tournait le dos au goût du siècle, et peut-être à celui de l’avenir : Tout ce qui est du ressort de la littérature, disait-il (prenant ici la littérature comme on l’entendait du temps de Casaubon), n’est plus guère du goût de notre siècle, où l’on semble vouloir mettre à la mode les seules sciences philosophiques, de sorte que l’on a quasi besoin d’excuses quand on s’avise de faire quelque chose dans un genre qui était si fort en vogue il y a deux cents ans. […] De Brosses qui, à plus d’un égard, était bien du xviiie siècle, dut à ce retour vers une époque antérieure et vers des sources plus hautes, de n’être point engagé dans les partis et dans les ligues philosophiques de son temps ; il en eut plus de largeur de vues et d’indépendance. […] Son mémoire sur le Culte des dieux fétiches (1760), sur cette idolâtrie brute qu’il considère comme un des âges naturels de l’humanité ignorante et grossière en tout pays (en la considérant depuis le Déluge, dit-il, et depuis la dispersion), atteste un esprit philosophique qui, sur ce point, n’est pas allé à toutes ses conséquences.
Cousin de hasarder bien des vues historiques contestables qu’il avait l’art de coordonner avec son système philosophique. […] Le parfait normalien de ce temps-là fut formé à son image et selon cette doctrine philosophique, rationnelle, noble, élevée, modérée, admettant sa part de croyance. […] De tout temps il avait eu une bibliothèque philosophique des plus complètes, — la plus complète, je crois bien, qui existe.
Nous nous attendions à des critiques au moins spécieuses ou piquantes : il n’est sorti des Journaux hétérodoxes & philosophiques, que des injures ou des puérilités. […] Les honnêtes gens applaudissoient à notre travail, & nous commencions à nous appercevoir que la contagion philosophique n’étoit ni aussi étendue, ni aussi incurable. […] On peut répondre à peu près de la même maniere à ceux qui se sont récriés sur nos fréquentes sorties contre la Philosophie & les attentats Philosophiques.
Il peut donc arriver que les neveux rejettent enfin comme une erreur des dogmes philosophiques, que leurs ancêtres auront regardez long-temps comme la verité, et qu’eux-mêmes ils avoient cru tels sur la parole de leurs maîtres. […] Les curieux reçoivent comme une verité ce que les personnes en faveur desquelles ils sont prévenus par des motifs differens leur enseignent comme la verité, sans connoître et même sans examiner le mérite et la solidité des preuves dont elles appuïent leurs dogmes philosophiques. […] L’esprit philosophique qui n’est autre chose que la raison fortifiée par la refléxion et par l’expérience, et dont le nom seul auroit été nouveau pour les anciens, est excellent pour composer des livres qui enseignent à ne point faire de fautes en écrivant, il est excellent pour mettre en évidence celles qu’aura faites un auteur, mais il apprend mal à juger d’un poëme en general.
Tout ce qui fit la Chine un jour, tout ce qui éleva et maintint ce peuple bizarre en équilibre sur ses bizarres institutions, est aujourd’hui tombé, pièce à pièce, dans le rationalisme, cette doctrine philosophique, tout unie, qui cache un gouffre comme les lacs, tout unis aussi, dans lesquels les Villes Maudites ont disparu. […] C’est un cercueil philosophique et social. […] Or, cette palpitation fébrile de l’esprit philosophique des Chinois prouve, du moins, qu’il vivait encore, tandis qu’à présent le Rationalisme et l’indifférence ont mieux narcotisé la Chine que l’opium anglais.
Les premières parties de son livre sont entièrement philosophiques et métaphysiques : l’auteur s’occupe de Dieu, de la Création, de l’immortalité de l’âme, etc. […] Notre siècle, après les excès philosophiques qui ont signalé la fin du précédent, est devenu prudent à bon droit dans ces considérations générales ; les cœurs honnêtes ont peur de toute témérité, et il semble même qu’on aime à s’en tenir, dans cette sphère élevée, aux apparences lumineuses, aux traditions générales et aux impressions premières du sentiment, plutôt que de les décomposer et de creuser trop avant, comme si l’on n’était pas sûr de pouvoir recomposer ensuite ce qu’on aurait trop indiscrètement analysé.
Mais quand même, chez lui, les idées d’ordre eussent pris davantage le dessus, ses opinions philosophiques, et un peu païennes en religion, se fussent mal prêtées, j’imagine, au Concordat, au rétablissement du culte. […] La poésie, en se faisant simple auxiliaire à la suite des idées philosophiques, avait perdu ses qualités éminentes les plus énergiques et les plus châtiées ; Voltaire, son dernier représentant illustre, avait été son plus grand corrupteur L’entreprise de Chénier fut une œuvre d’étude et de long silence, pleine de secrets labeurs au sein d’une vie de plaisirs, et animée d’un profond amour de cette France, qu’il voulait doter de palmes plus rares.
Ainsi, la réaction catholique, sous Bonaparte et M. de Chateaubriand, par le Concordat et le Génie du christianisme, a puissamment servi à mitiger et à éteindre dans les jeunes générations d’alors cette haine farouche que portaient au catholicisme la plupart des premiers révolutionnaires et qui était une manière de fanatisme philosophique. […] Les préjugés religieux et sociaux, les privilèges, les inégalités de tous genres consacrées, l’oubli complet de cette classe du peuple qui ne possède rien, nulle portée rationnelle, rien de philosophique : ce sont les caractères restrictifs de cette Révolution utile et relativement glorieuse.
Pithagore, Séneque, Mallebranche, aussi heureusement pourvus des dons de l’imagination, que de la pénétration philosophique, n’ont fait goûter leurs systêmes, leurs maximes, leurs raisonnemens, qu’en les assaisonnant des graces que la Poésie pouvoit leur prêter. […] Il semble que la Philosophie devoit être plus franche, sur-tout quand elle a sa source dans une ame aussi philosophique que celle de M.
Il est certain qu’on ne peut trop louer son courage à fronder le ridicule philosophique, & à s’opposer à l’empire du mauvais goût. […] Le moyen d’estimer en effet un Auteur qui s’estime assez peu lui-même pour écrire indifféremment le pour & le contre ; qui n’est ni pour Baal, ni pour le Dieu d’Israël ; qui combat les Philosophes, & qui se déchaîne avec fureur contre leurs adversaires ; qui proscrit les Drames, & fait le panégyrique des Dramaturges ; qui s’érige en vengeur de la Religion & des mœurs, & qui loue la Pucelle & fait l’apologie des Romans de Crébillon ; un Auteur qui s’éleve contre le charlatanisme philosophique, & qui ne cesse de parler de lui-même, & qui se loue tantôt sous le masque d’Editeur, tantôt à visage découvert, & qui recueille & qui fait religieusement imprimer tous les Vers, tous les petits Billets où l’on dit quelque bien de lui ; un Auteur enfin qui mendie bassement des éloges, & qui se déchaîne ensuite contre ceux qui l’ont le plus loué, croyant, par cette odieuse manœuvre, donner du poids à la louange, & persuader qu’il ne l’a point sollicitée !
Une autre observation a fortifié chez les esprits timides le dégoût des études philosophiques. […] L’Église n’a jamais parlé aussi sévèrement contre les études philosophiques, que les divers philosophes que nous avons cités dans ces chapitres.
Ce que nous venons de dire relativement aux systèmes médicaux, nous pouvons l’appliquer aux systèmes philosophiques. La physiologie expérimentale ne sent le besoin de se rattacher à aucun système philosophique. […] C’est ce qui fait que, tout en fuyant les systèmes philosophiques, j’aime beaucoup les philosophes, et je me plais infiniment dans leur commerce. […] En effet, il faut chercher à briser les entraves des systèmes philosophiques et scientifiques, comme on briserait les chaînes d’un esclavage intellectuel. […] Ce serait donc une illusion que de prétendre absorber les découvertes particulières d’une science au profit d’une méthode ou d’un système philosophique quelconque.
Dans un petit récit, dont l’intention philosophique importe peu ici, Stendhal a assez bien représenté l’imprévu du dictamen moral. […] Lemoine, article Hallucination du Dictionnaire des sciences philosophiques, à la fin ; et De la physionomie et de la parole, p. 169. […] Voir Chainet, Vie de Socrate, p. 113 à 157 ; Fouillée, p. 314 à 316. — Tout récemment encore (Revue philosophique, mars 1880), M. […] Darmesteter, dans la Revue philosophique, nov. 1876 [cf. notre chap. […] Revue philosophique, oct. 1879, article sur le sommeil, p. 343.
Quand l’idée philosophique vint à naître chez M. […] Il se passa entre l’affermissement de la santé du véritable Hébal et son éclosion philosophique quinze années d’études, de rêveries, d’affections, une longue phase individuelle, depuis le livre du Sentiment jusqu’au poëme d’Antigone qui est à la limite et qui confine aux secondes perspectives. […] Il ne lui a pas été loisible d’éviter ces figures sacrées qui, même avant que l’idée philosophique s’en mêlât, le poursuivaient dès l’enfance : Orphée et Eurydice furent la fable de toute sa vie. […] gagne-t-il évidemment en rigueur philosophique ? […] Ballanche publia, en 1819, le Vieillard et le Jeune Homme, enseignement philosophique plein d’autorité et de grâce.
car il ne faut à la philosophie qu’un petit nombre de juges, et c’est à dessein qu’elle fuit la multitude. » Son argumentation sur les moyens de vaincre la douleur et de la mépriser, si on la compare au devoir, est un modèle accompli de raisonnements philosophiques ; le style semble s’éclaircir dans Cicéron à mesure que la pensée devient plus profonde et plus métaphysique. […] « On peut s’en convaincre par cette quantité de maximes philosophiques dont mes harangues sont remplies ; par mes intimes liaisons avec les plus savants hommes, qui m’ont toujours fait l’honneur de se rassembler chez moi ; par les grands maîtres qui m’ont formé, les illustres Diodotus, Philon, Antiochus, Posidonius. […] Les opinions absurdes des écoles païennes sur la multiplicité des dieux y sont dissipées par les éclats de rire philosophique. […] « Il en est de même des lettres et des sciences. » Nous n’analyserons pas pour vous ce grand ouvrage d’incrédulité philosophique ; les superstitions tombées, qu’importent les réfutations ? […] XIV Autant qu’on en peut juger par les lambeaux de cet ouvrage sur la République, il était à la fois historique, didactique, philosophique, c’est-à-dire que Cicéron appuyait ses théories sur la nature, sur l’expérience, sur l’histoire de Rome.
La vérité scientifique ou philosophique n’est pas forcément un moyen en vue de la sociabilité (unité sociale, bonheur collectif, rationalisation collective de l’humanité ou d’une fraction importante de l’humanité). […] La spéculation peut être une sorte de sport de la pensée, une sorte de jeu supérieur ; elle peut revêtir des formes sociales ou antisociales : dilettantisme philosophique et scientifique ; attitude spectaculaire du contemplateur insoucieux et dédaigneux des intérêts sociaux. […] L’idée de vérité a été de tout temps la citadelle des dogmatismes sociaux, la pierre angulaire des orthodoxies religieuses, philosophiques, scientifiques et morales. […] C’est une altitude de l’intelligence individuelle en tant qu’elle se différencie de la pensée générale, en tant qu’elle s’oppose au besoin à elle ; en tant qu’elle dissocie les idées sociales ; en tant qu’elle innove dans la recherche philosophique, scientifique ou sociale. […] C’est là un rêve de philosophes et ce rêve n’est pas toujours bien attrayant si nous nous reportons à celui que Renan a exposé dans ses Dialogues philosophiques.
Mais c’est avec des visées moins philosophiques. […] Charles Morice aussi, surtout peut-être pour des raisons philosophiques. […] Fauriel se rattachait par ses opinions philosophiques aux encyclopédistes. […] C’est un rapprochement bien philosophique. […] Mais, si génial qu’il fût dans la science, c’était un spécialiste, sans esprit philosophique.
Les uns, les plus ardents, les plus avancés, à ce qu’ils affirment, la systématisent de plus en plus dans leurs appréciations ; ils vont à tout coordonner, hommes et choses, en d’orgueilleuses formules prétendues philosophiques et sociales, qui torturent, selon nous, la diversité des faits et qui leur imposent à toute force un sens sophistique, indépendant des misérables passions le plus souvent dominantes. […] Elle se porte du premier pas à l’avant-garde, elle le sait et le dit : « En nous faisant naître à l’époque de la liberté naissante, le sort nous a placés comme les enfants perdus de l’armée qui doit combattre pour elle et triompher ; c’est à nous de bien faire notre tâche et de préparer ainsi le bonheur des générations suivantes. » Tant qu’elle demeure dans cette vue philosophique générale de la situation, son attitude magnanime répond au vrai ; le temps n’a fait que consacrer ses paroles. […] La teinte philosophique et raisonnable qu’elle revêt, qu’elle affecte un peu, la rend même plutôt antipathique et injuste pour les beaux esprits et les littérateurs en vogue, si chers à Mlle Necker : c’est le contraire de l’engouement ; elle ne perd aucun de leurs ridicules, elle trouve la mine de d’Alembert chétive, le débit de l’abbé Delille maussade ; Ducis et Thomas lui paraissent se prôner l’un l’autre, comme les deux ânes de la fable, et elle verrait volontiers un homme de lettres médiocre en celui dont Mme de Staël a dit si parfaitement : « Garat, alors ministre de la justice, et, dans des temps plus heureux pour lui, l’un des meilleurs écrivains de la France. » Qu’on n’aille pas faire de Mme Roland toutefois un pur philosophe stoïque, un citoyen rigide comme son mari, en un mot autre chose qu’une femme. […] Pour couronner le tableau des qualités domestiques chez Mme Roland, il ne faut plus que rappeler le début de cette autre lettre écrite à Bosc, de Villefranche : « Assise au coin du feu, mais à onze heures du matin, après une nuit paisible et les soins divers de la matinée, mon ami à son bureau, ma petite à tricoter, et moi causant avec l’un, veillant l’ouvrage de l’autre, savourant le bonheur d’être bien chaudement au sein de ma petite et chère famille, écrivant à un ami tandis que la neige tombe, etc. » A côté de ces façons d’antique aloi, de ces qualités saines et bonnement bourgeoises, osons noter l’inconvénient ; à défaut du chatouillement aristocratique, la jactance plébéienne et philosophique ne perce-t-elle pas quelquefois ? […] Ces petits travers philosophiques n’allaient pas à gâter un ton accompli de femme et une grâce perfectionnée que le frottement révolutionnaire ne put jamais flétrir, bien qu’en ait dit l’équivoque Mme de Créqui85, qui d’ailleurs a tracé d’elle un jeune portrait charmant.
Il l’a fait avec une entière générosité, et j’ai pu passer plusieurs matinées, seul et entouré de notes manuscrites, d’essais philosophiques, de projets de constitutions, et surtout de lettres intimes, de confidences familières, de celles que le plus confiant ne fait qu’à soi-même et que le plus méfiant n’épanche sur le papier qu’en ses heures de grande amertume. […] Il y étudia beaucoup et sur d’autres matières encore que celles qu’on y enseignait, ou du moins il les prit dans un tout autre sens, et s’annonça dès cet âge comme un esprit philosophique et indépendant. […] » tout à côté, dans ses réflexions sur la musique, le Sieyès philosophe reparaît : il est « à la recherche d’une langue philosophique universelle, mélodieuse, harmonique et instrumentale ». […] Sieyès voudrait tout d’abord une langue simple, philosophique, sans prestige : La langue la plus raisonnable, dit-il, devrait être celle qui se montre le moins, qui laisse passer, pour ainsi dire, le coup d’œil de l’entendement et lui permet de ne s’occuper que des choses ; et point du tout cette langue coquette qui cherche à s’attirer les regards ; ou, si vous aimez mieux, la langue, ne devant être que le serviteur des idées, ne peut point vouloir représenter à la place de son maître. […] Il entra dans ce qu’il appelait le « silence philosophique ».
Cousin, qui a de l’imagination et de la fantaisie dans l’esprit, à sa manière, s’est épris d’un amour intellectuel pour la figure historique de Mme de Longueville ; et si nous mettons de côté, par hypothèse, l’homme philosophique, ses préoccupations et presque ses devoirs, cet amour se conçoit fort bien au point de vue poétique et peut avoir son intérêt aux yeux de ceux qui aiment dans l’histoire moins ce qui s’y trouve que ce qui n’y est plus. […] Aussi, partout ailleurs que dans l’exposition et la discussion philosophique, où il a ce que Mirabeau disait l’éloquence de la chose, le célèbre professeur n’est-il qu’un écrivain d’imitation, de pastiche réussi, qui se donne de grands airs, mais qui n’ose prendre la langue de son siècle, parce qu’elle est trouble encore, malgré tout ce que son siècle y a déversé de puissant ! […] Quand il ressentit pour Mme de Longueville cette célèbre passion qui a timbré d’un sourire ineffaçable son nom, à lui, jusque-là sérieux, il avertit le monde philosophique que le livre qu’il publiait alors n’était qu’une glissade, — l’infidélité d’un moment à la Muse sévère de toute sa vie, et que bientôt il reviendrait aux études qui ont fait sa renommée. […] Il est évident que, s’il jouissait de toute la plénitude de sa raison philosophique, M. […] Qu’il fasse de cette même Mme de Hautefort, cette rosière de l’adultère ébauché, une vertu sublime, parce qu’elle ne le consomma pas ; mais, simple distraction conjugale, l’agaça seulement en le caressant, c’est ignorance philosophique de la vertu et fraîcheur d’âme qui se prend à la première simagrée qu’on en voit !
Or, la réflexion philosophique nous impose cette certitude, que les rapports de la vie et de la littérature sont constants, de tous les instants et de tous les individus. […] Le problème de la liberté est à la base de toute réflexion philosophique ; il n’y a qu’à feuilleter les ouvrages les plus récents pour s’en convaincre. […] À concevoir les choses sous leur aspect philosophique, on s’aperçoit que le groupe total (humanité) présuppose la liberté totale ; et inversement ; le facteur de l’espace et le facteur du temps coïncident en cette harmonie. […] Dans une pareille étude, malheur à celui qui, dénué d’esprit philosophique et de goût esthétique, se laissera tromper par la ressemblance extérieure des formes, qui confondra la valeur relative avec la valeur absolue, la tradition avec la création, ou qui, dédaigneux des faits de la réalité, voudra mettre l’histoire au service de ses sympathies personnelles ! […] Je n’ai pas à développer ici une conception philosophique qui m’est personnelle ; je dirai simplement qu’à mon avis nous serrerons le problème de près en nous attachant surtout à la vie intellectuelle de l’homme ; à l’esprit de l’homme, non point dans son « essence » qui nous échappe, mais dans ses manifestations, dans son évolution séculaire, dans son progrès, dont le rythme nous apparaît.
On sait le motif de presque toutes les hostilités et les antipathies d’alors : c’est que Boileau n’était pas sensible ; on invoquait là-dessus certaine anecdote, plus que suspecte, insérée à l’Année littéraire, et reproduite par Helvétius ; et comme au dix-huitième siècle le sentiment se mêlait à tout, à une description de Saint-Lambert, à un conte de Crébillon fils, ou à l’histoire philosophique des Deux-Indes, les belles dames, les philosophes et les géomètres avaient pris Boileau en grande aversion2. […] Daunou en particulier, ce vénérable représentant de la littérature et de la philosophie du xviiie siècle, rangea autour de Boileau, avec une sorte de piété, tous les faits, tous les jugements, toutes les apologies qui se rattachent à cette grande cause littéraire et philosophique. […] De nos jours, une haute et philosophique méthode s’est introduite dans toutes les branches de l’histoire. […] Il me semble donc que lorsqu’on parle d’un artiste et d’un poëte, surtout d’un poëte qui ne représente pas toute une époque, il est mieux de ne pas compliquer dès l’abord son histoire d’un trop vaste appareil philosophique, de s’en tenir, en commençant, au caractère privé, aux liaisons domestiques, et de suivre l’individu de près dans sa destinée intérieure, sauf ensuite, quand on le connaîtra bien, à le traduire au grand jour, et à le confronter avec son siècle.
Défauts du livre : sa portée philosophique. — 3. […] Hardiesse philosophique et politique du livre. […] L’idée première des recherches qui occupèrent une bonne partie de sa vie vint de là, et la forme définitive de son esprit en resta déterminée : Montesquieu sera toujours un juriste ; toutes ses idées historiques, ses vues politiques, ses conceptions philosophiques revêtiront des formes juridiques. […] Nous quittons ici tout à fait le point de vue politique et philosophique ; et nous n’avons plus devant nous qu’un professeur de droit.
La pensée philosophique doit être le naturel fondement mais non le but du poème dont la fonction est avant toute chose de créer de la beauté. […] Dans l’allégorie, le concept moral ou philosophique préexiste à sa forme plastique ; dans le symbole il est ordinairement le résultat de l’étude des formes. […] Mais si le Poète se préoccupe spécialement du concept philosophique, s’il l’envisage « à part » oubliant qu’il doit être inséparable du concept formel, la cohésion de ces deux éléments n’est plus intime. […] On l’entend bien, le concept philosophique n’est pas nécessairement antérieur au concept plastique ; l’un et l’autre restent indissolublement unis si, encore une fois, les formes secondaires ont leur raison d’être dans le conflit qu’elles achèvent d’exprimer.
Puisque le cercle des connaissances humaines est si borné, et qu’on ne peut guère se flatter de reculer les limites de l’esprit humain, qu’y a-t-il à faire pour un auteur philosophique qui veut encore intéresser ? […] Les services qu’il rendit par ses notices et ses livres agréables sur les sciences, par l’esprit philosophique qu’il y mit avec art et mesure, furent réels et se répandirent utilement dans la société de son temps : son style et son faux goût littéraire faillirent produire un mal durable. […] Alors il essaye de la poésie didactique et philosophique à la suite de Voltaire ; mais le vent tourne encore, et L’Esprit des lois de Montesquieu vient tenter Helvétius d’entreprendre ce malencontreux livre De l’esprit, qui arrivera lui-même quand le moment de faveur sera passé. […] Grimm et Diderot causaient un soir ensemble, le 5 janvier 1757 ; Diderot était dans un de ces moments d’exaltation et de prédiction philosophique qui lui étaient familiers : il voyait le monde en beau et l’avenir gouverné par la raison et par ce qu’il appelait les lumières ; il exaltait son siècle comme le plus grand que l’humanité eût vu jusque-là.
Nisard à concevoir l’histoire de la littérature française d’une manière originale et féconde, et lui a inspiré une idée qui est comme la trame de tout son livre et qui lui assure une valeur philosophique. […] Cette philosophie, nous l’avons vu, serait la nôtre, s’il ne s’y mêlait pas deux points de vue de nature opposée et presque contradictoire : l’un, vraiment philosophique, qui ramène le beau à la part de généralité et de raison que contiennent les ouvrages d’esprit : l’autre, que je me permets d’appeler peu philosophique, et qui mesure la beauté et la vérité des écrits au degré de leur conformité avec les opinions moyennes, qui composent ce qu’on appelle à tort ou à raison le sens commun. […] Donnons quelques exemples de cette double critique, d’un côté large, éclairée, vraiment philosophique, de l’autre trop restreinte et trop circonspecte, trop jalouse de maintenir au détriment du libre génie, la règle et l’autorité.
Arranger l’athéisme dans un plat convenable, avec tous les ingrédients de l’érudition et le faire trouver bon, même aux hommes religieux, imposer la négation de Dieu au nom de Dieu même, joli tour de duplicité philosophique ! […] À ne prendre la chose qu’à son point de vue exclusivement philosophique, une thèse pareille, dangereuse par cela seul qu’elle est compréhensible aux intelligences les plus basses, n’est, après tout, qu’une pauvreté. […] V En effet, Hegel aujourd’hui, Hegel lui-même est en question, compromis et à la veille du déshonneur philosophique le plus complet, malgré les transcendantes aptitudes de sa pensée. […] Rien de plus stérile que la Pensée philosophique au xixe siècle.
L’ordre s’organisant avec l’Empire, la liberté revenant avec la Restauration, un jugement philosophique et moral sur la poésie d’Horace, un touchant et cordial éloge du feu duc Matthieu de Montmorency, ont tour à tour fourni aux développements de l’orateur et aux applaudissements de l’auditoire. […] Une poignée d’hommes médiocres ou usés, libéraux à ce qu’on dit, mais obéissant à un triste esprit de rancune littéraire ou philosophique, et s’accordant fort bien dans leurs petites haines avec leurs adversaires religieux et politiques, seraient à la veille de laisser encore une fois le génie sur le seuil, pour s’attacher à je ne sais quel candidat bénin et banal qui fait des visites depuis quinze ans18.
Lettres philosophiques adressées à un Berlinois 23 décembre 1832. […] Lerminier a gouverné jusqu’ici dans la seule direction et sur le seul océan où se puissent faire désormais les découvertes philosophiques et sociales.
Le classique prudent au contraire, ne s’avance jamais sans être soutenu, en cachette, par quelque vers d’Homère, ou par une remarque philosophique de Cicéron, dans son traité de Senectute. […] Que nos graves adversaires regardent autour d’eux : le sot de 1780 produisait des plaisanteries bêtes et sans sel ; il riait toujours ; le sot de 1823 produit des raisonnements philosophiques, vagues, rebattus, à dormir debout, il a toujours la figure allongée ; voilà une révolution notable.
Parmi les personnes qui ont embrassé les opinions philosophiques, les unes ne cessent de décrier le siècle de Louis XIV ; les autres, se piquant d’impartialité, accordent à ce siècle les dons de l’imagination, et lui refusent les facultés de la pensée. […] Quand leurs ouvrages ne prouveraient pas qu’ils ont eu des idées philosophiques, pourrait-on croire que ces grands hommes n’ont pas été frappés des abus qui se glissent partout, et qu’ils ne connaissaient pas le faible et le fort des affaires humaines ?
» Nous avons décrit la manœuvre de cette polémique contre un homme, et, quoique nous reconnaissions que Wallon ait eu raison de nier dans Cousin la bonne foi intégrale, l’impersonnalité, la solidité, la découverte, c’est-à-dire tout le génie philosophique d’un seul coup, nous n’aimons pas, nous l’avouerons, cette méthode, qui surfait un homme par tous les côtés pour l’affamer et le tuer par le côté qui est toute la prétention de sa vie. […] recatholicisé l’histoire de France, depuis si longtemps philosophique et impie.
Tout ce côté d’elle, ce côté de critique littéraire, de polémique philosophique, n’est pas connu autant qu’il le faudrait. […] A propos d’une phrase de l’auteur de Malvina, de Mme Cottin, qui semblait dénier à son sexe la faculté d’écrire aucun ouvrage philosophique, le critique rappelait l’ouvrage récent de Mme de Staël sur la Littérature, et en prenait occasion d’y louer plus d’un passage, de relever plus d’un censeur, et de toucher à son tour quelques points avec une réserve sentie. […] Ces nombreuses pensées, qui ne se contrariaient jamais parce qu’elles étaient justes, et qui même se rejoignaient à une certaine profondeur dans l’esprit de Mlle de Meulan, composaient pour elle une vue du monde et de la société plutôt qu’un ensemble philosophique sur l’âme et ses lois. Une femme qui a soutenu avec honneur un nom illustre, Mme de Condorcet, de quinze ans environ l’aînée de Mlle de Meulan, et qui se rattachait plus directement au monde de la Décade, tentait vers cette époque, dans ses Lettres à Cabanis sur la Sympathie, une analyse, à proprement parler philosophique, sur les divers sentiments humains. […] Guizot arrivait dans le monde avec des convictions philosophiques, religieuses, très-prononcées, et qui avaient quelque chose alors de la rigueur absolue de la jeunesse.