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302. (1875) Premiers lundis. Tome III « De la liberté de l’enseignement »

Je n’ai garde d’ailleurs, moi-même, de venir faire acte de philosophie devant le Sénat. La philosophie est une chose, et la politique en est une autre. […] Mais encore un coup je ne discute pas et ne viens point faire ici de philosophie. […] Or, c’est sous l’empire de cette philosophie de montre, trop docilement acceptée de l’Université, que semble avoir été conçu et motivé l’arrêté ministériel. […] Cette philosophie, très-sincère chez les uns, est purement officielle et politique chez les autres.

303. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre III. Le Petit Séminaire Saint-Nicolas du Chardonnet (1880) »

De critique, de sciences naturelles, de philosophie, il ne pouvait naturellement être question encore. […] Ce fut la philosophie même de la connaissance qui, dans ma révolte contre la scolastique, fut profondément modifiée en moi. […] Leur affectation d’immoralité m’empêcha de voir le décousu de leur philosophie. […] Homais arrivant d’emblée et avec si peu de peine au dernier mot de la philosophie, c’est bien dur à penser. […] Ma force de raisonnement ne se révéla que plus tard, en philosophie, à Issy.

304. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Lettres de m. l’Abbé Sabatier de Castres ; relatives aux trois siecles de la littérature françoise.ABCD » pp. -641

de Voltaire *, où la Philosophie n'est pas plus ménagée que dans les Trois Siecles. […] Le Continuateur du Dictionnaire Historique de l'Abbé Ladvocat, se montre beaucoup plus sévere que moi à l'égard de M. de Voltaire, dans l'Article qu'il a consacré* à la mémoire de ce Patriarche de la moderne Philosophie. […] La portion du beau Sexe qui se pique de Philosophie, c’est-à-dire, une douzaine de femmes passablement folles, précisément depuis qu’elles se mêlent de philosopher, ont crié & crient encore tous les jours à l'injustice, au blasphême. […] Telle est la politique de la Philosophie ; elle croit se sauver, par des récriminations, de l’opprobre répandu sur ses erreurs & ses délires. […] On a peut-être voulu faire entendre que, pour fronder la Philosophie, il falloit, avant toutes choses, produire des titres de noblesse, comme lorsqu’il s’agissoit de combattre en champs clos.

305. (1874) Premiers lundis. Tome II « Jouffroy. Cours de philosophie moderne — II »

Jouffroy et Damiron, elle est merveilleuse à décrire jusque dans leurs moindres nuances les idées, les sentiments, les habitudes logiques de l’individu de nos jours, tel que le christianisme moins la foi, tel que le christianisme devenu philosophie l’a élaboré ; elle analyse avec beaucoup de sagacité le dernier produit intellectuel de la civilisation chrétienne, mais sans portée pour nous expliquer la formation antérieure de ce produit, sans puissance pour le féconder et le transformer. […] Dire qu’une nouvelle religion est impossible parce qu’elle ne saurait plus offrir ces phénomènes singuliers qui ont entouré le berceau des religions anciennes, c’est se prendre aux apparences et ne pas tenir compte des circonstances différentes ; c’est comme si l’on objectait aux philosophes eux-mêmes que toute philosophie est désormais impossible, parce que Socrate, leur père, croyait à un démon familier, et que pareille chose probablement n’arrivera plus. […] Vous supposez dès le début que l’homme est condamné à chercher ici-bas la vérité, seul, par lui-même, à la sueur de son front ; et tout cet effort infatigable de l’humanité pendant des siècles, ce sang, ces larmes répandues à travers ses diverses servitudes, ces joies quand elle se repose et se développe harmonieusement, ces religions qui fondent, ces philosophies qui préparent ou détruisent, cette loi de perfectibilité infinie et d’association croissante, tout cela n’aura abouti pour vous qu’à la conception mélancolique et glacée d’un ensemble d’êtres rationnels avant tout, destinés à s’observer, à se connaître, s’ils en ont la capacité et le loisir, à chercher concurremment ce qu’aucun ne sait, ce qu’aucun ne saura ; honnêtes gens tristes et solitaires, sortis d’un christianisme philosophique d’où la foi et la vie ont disparu, ayant besoin d’espérer, s’essayant à croire, oubliant et rapprenant la psychologie tous les ans, pour s’assurer qu’ils ne se sont pas trompés, et pour vérifier sans cesse les résultats probables de leur observation personnelle. […] Il a professé d’abord que, sur la foi de l’observation du passé, il croyait fermement au progrès, et au progrès en tout, en politique, en art, en philosophie, etc., etc. ; puis il a vivement, et par d’énergiques exemples, étalé l’anarchie présente qui se manifeste sur tous les points. […] Quant à une religion nouvelle, il ne la croit impossible toutefois que par deux motifs : 1° parce que, selon lui, les diverses religions du passé se sont produites à l’origine sous une forme populaire, naïve et accessible à tous, ce qui lui paraît antipathique à notre époque raisonneuse ; 2° parce que les révélations directes de Dieu à l’homme, trait essentiel qui distingue, selon lui, les religions d’avec les philosophies, lui semblent perdues sans retour, en supposant qu’elles aient jamais eu lieu.

306. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VIII. De l’éloquence » pp. 563-585

La première des vérités, la morale, est aussi la source la plus féconde de l’éloquence ; mais lorsqu’une philosophie licencieuse se plaît à tout rabaisser pour tout confondre, quelle vertu votre voix peut-elle encore honorer ? […] L’éloquence appartenant plus aux sentiments qu’aux idées, paraît moins susceptible que la philosophie de progrès indéfinis. Cependant, comme les pensées nouvelles développent de nouveaux sentiments, les progrès de la philosophie doivent fournir à l’éloquence de nouveaux moyens. […] Un très petit nombre d’hommes se vouait, chez les anciens, à cette morale stoïcienne qui réprimait tous les mouvements du cœur : la philosophie des modernes, quoiqu’elle agisse plus sur l’esprit que sur le caractère, n’est qu’une manière de considérer tous les objets de la vie. Cette manière de voir étant adoptée par les hommes éclairés, influe sur la teinte générale des idées, mais ne triomphe pas des affections ; elle ne parvient à détruire ni l’amour, ni l’ambition, ni aucun de ces intérêts instantanés dont l’imagination des hommes ne cesse point de s’occuper, alors même que leur raison en est détrompée : mais cette philosophie purement méditative jette dans la peinture des passions un caractère de mélancolie qui donne à leur langage un nouveau degré de profondeur et d’éloquence.

307. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série «  Les femmes de France : poètes et prosateurs  »

Il est vrai que le souvenir de leur sexe peut également se retourner contre elles… En somme, soit que l’idée d’un autre charme que celui de leur style agisse sur nous, soit qu’au contraire l’effort de leur art et de leur pensée nous semble attenter aux privilèges virils, il est à craindre que nous ne les jugions avec un peu de faveur ou de prévention, qu’elles ne nous plaisent à trop peu de frais dans les genres pour lesquels elles nous semblent nées (lettres, mémoires, ouvrages d’éducation), et qu’elles n’aient, en revanche, trop de peine à nous agréer dans les genres que nous considérons comme notre domaine propre (poésie, histoire, critique, philosophie). […] Voici Mme du Châtelet, l’amie de Voltaire, l’illustre Émilie, avec ses globes, ses compas, sa physique et sa métaphysique, esprit viril, n’ayant que des vertus d’homme, dépourvue de pudeur à un degré singulier si l’on en croit son valet de chambre Beauchamp  Puis, c’est Mme d’Épinay, l’amie de Jean-Jacques et de Grimm, bien femme celle-là, et bien de son temps ; très encline aux tendres faiblesses et parlant toujours de morale ; une brunette maigre et ardente gardant, avec sa philosophie et son esprit émancipé, on ne sait quelle candeur étonnée de petite fille ; bref, une de celles qui ont le plus drôlement et le plus gentiment confondu les « délicieux épanchements » de l’amour avec « l’exercice de la philosophie et de la vertu ». […] Les rêves les plus généreux de ce siècle, les chimères sociales des bons utopistes et leurs philosophies mystiques se réfléchissent toutes dans vos livres, un peu pêle-mêle quelquefois, car vous aviez souci de les refléter plus que de les éclaircir, chère âme grande ouverte ! […] Quelques-unes ont été supérieures dans le roman ; aucune ne l’a été dans la poésie, ni au théâtre, ni dans l’histoire, la critique ou la philosophie.

308. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » p. 285

Une sage Philosophie, une Jurisprudence profonde, l'énergie du style, & la vivacité de l'expression, distinguent principalement la plume de ce Magistrat, capable de traiter avec dignité, intérêt, & nouveauté, les plus importantes matieres. […] La raison & la vérité dédaignent toute parure recherchée, & le ton de la vraie Philosophie est ennemi de tout ce qui peut sentir l'emphase & la prétention.

309. (1940) Quatre études pp. -154

« Tous les charmes ne sont-ils pas rompus au contact de la froide philosophie ? […] « Qu’est-ce que la philosophie ?  […] Un acheminement à la psychologie du sentiment par la philosophie des lumières. […] Il n’est pas oublié en Angleterre, au moins dans la partie de sa philosophie qui concerne l’optimisme. […] « Quant à la philosophie, elle suppose les passions dans la constitution de l’homme.

310. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre III »

Pendant longtemps, la philosophie nouvelle, enfermée dans un cercle choisi, n’avait été qu’un luxe de bonne compagnie. […] Les successeurs de Samuel Bernard ne sont plus des Turcaret, mais des Pâris-Duverney, des Saint-James, des Laborde, affinés, cultivés de cœur et d’esprit, ayant du tact, de la littérature, de la philosophie, de la bienfaisance571, donnant des fêtes, sachant recevoir. […] Entrée de la philosophie dans les esprits ainsi préparés. — À ce moment celle de Rousseau est en vogue. — Concordance de cette philosophie et des besoins nouveaux […] Défiance et colère à l’endroit du gouvernement qui compromet toutes les fortunes, rancune et hostilité contre la noblesse qui barre tous les chemins, voilà donc les sentiments qui grandissent dans la classe moyenne par le seul progrès de sa richesse et de sa culture  Sur cette matière ainsi disposée, on devine quel sera l’effet de la philosophie nouvelle. […] Ainsi descend et se propage la philosophie du dix-huitième siècle. — Au premier étage de la maison, dans les beaux appartements dorés, les idées n’ont été que des illuminations de soirée, des pétards de salon, des feux de Bengale amusants ; on a joué avec elles, on les a lancées en riant par les fenêtres  Recueillies à l’entresol et au rez-de-chaussée, portées dans les boutiques, dans les magasins et dans les cabinets d’affaires, elles y ont trouvé des matériaux combustibles, des tas de bois accumulés depuis longtemps, et voici que de grands feux s’allument.

311. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXVIIe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (3e partie) » pp. 5-56

Rousseau ; les théories matérialistes de la philosophie de l’intérêt ne peuvent aboutir qu’à la proclamation de droits aussi antisociaux, le droit de tuer ou le droit de mourir. […] Quant à sa philosophie religieuse, dont la profession de foi du Vicaire savoyard est le sublime portique, c’est une des plus éloquentes protestations contre l’athéisme ou l’irréligion qui ait jamais été écrite par une main d’homme. Quand nous traiterons de la philosophie (ce que nous ferons l’année prochaine), nous reviendrons sur ce bel exorde de religion dite naturelle. […] La littérature légère, la philosophie éclectique, les sciences naturelles, les arts, la société intime avec Voltaire, Rousseau, plus tard avec les de Maistre de Savoie, avec madame de Staël, avaient encore illustré les Huber. […] Rousseau, dans ce livre, fut un Girondin de la philosophie.

312. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 457-512

S’il attaque certains préjugés, assez indifférens aux yeux de la saine Philosophie, c’est pour y substituer tout le travers des opinions arbitraires. […] Rousseau, il a insulté plus encore à ses disgraces qu'à ses erreurs, à cause de la supériorité de son éloquence, & du peu de cas qu'il a paru faire de la Philosophie & de ses Disciples. […] Dans les Lettres, dans la Philosophie, dans l'Histoire, lorsqu'il est désintéressé, le vrai échappe rarement à sa vue ; mais le plus petit intérêt l'obscurcit, l'altere, le dénature, dans son esprit. […]   Qu'on accorde, s'il se peut, tant de disparates avec l'idée de la Philosophie. […] Ce que la saine Philosophie ne sauroit avouer pour son ouvrage, l'indépendance, le désordre, la corruption, le bouleversement de toutes les idées.

313. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Vauvenargues » pp. 185-198

Il y a dans Vauvenargues, dans son jeune sage, dans son ami, dans son modèle, des choses qui affligent la philosophie de Voltaire. […] C’est la moralité du gentilhomme, de l’homme de qualité, élevé probablement par une mère chrétienne, qui a gardé en lui la première impression des leçons de sa mère, ce qui l’a empêché, dans un siècle de philosophie et malgré les entortillantes flatteries de Voltaire, d’être nettement un philosophe. […] Comme lord Byron, il a jusqu’à ses heures de prière… Encore une fois, un pareil homme devait, un jour ou l’autre, être à couteaux tirés avec Voltaire, qui n’aimait pas les capucins de Saint-François, mais qui n’en était pas moins le capucin de la philosophie, quêtant perpétuellement pour son Ordre, et qui croyait avoir recruté Vauvenargues parmi les Frères de son couvent. […] La philosophie n’en avait pas fait le beau buste de marbre blanc que disait Voltaire, mais il croyait aux hommes et il était ambitieux ; tandis que Chateaubriand, au milieu de tous ses bonheurs, n’avait jamais cru qu’au profond néant de la vie !

314. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XV. Vauvenargues »

Il, y a dans Vauvenargues, dans son jeune sage, dans son ami, dans son modèle, des choses qui affligent la philosophie de Voltaire. […] C’est la moralité du gentilhomme, de l’homme de qualité, élevé probablement par une mère chrétienne, qui a gardé en lui la première impression des leçons de sa mère, ce qui l’a empêché, dans un siècle de philosophie et malgré les entortillantes flatteries de Voltaire, d’être nettement un philosophe. […] Comme lord Byron, il a jusqu’à ses heures de prière… Encore une fois, un pareil homme devait, un jour ou l’autre, être à couteaux tirés avec Voltaire, qui n’aimait pas les capucins de Saint-François, mais qui n’en était pas moins le capucin de la philosophie, quêtant perpétuellement pour son Ordre, et qui croyait avoir recruté Vauvenargues parmi les Frères de son couvent. […] La philosophie n’en avait pas fait le beau buste de marbre blanc que disait Voltaire, mais il croyait aux hommes et il était ambitieux, tandis que Chateaubriand, au milieu de tous ses bonheurs, n’avait jamais cru qu’au profond néant de la vie !

315. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article » pp. 142-143

Dans le chapitre qui concerne le Beau dans les Mœurs, la raison, le sentiment, la vérité, ne se sont jamais mieux exprimés que par sa plume ; on y voit briller une philosophie supérieure qui connoît aussi bien les passions du cœur, que les ressorts de la politique humaine. Si la Philosophie substituoit des maximes aussi utiles à ses folles déclamations, elle auroit véritablement droit à la reconnoissance & au respect.

316. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLIIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre (2e partie) » pp. 5-80

Vous devriez bien me dire ce que vous en pensez, vous, messieurs, qui êtes si forts dans ce genre de philosophie. […] Il cite un merveilleux passage de la législation indienne de Brahma, qui prouve que la philosophie de la société est aussi vieille que la société elle-même. […] Cette idée est si révoltante que la philosophie seule, j’entends la philosophie païenne, a deviné le péché originel. […] Si c’est là de la philosophie, c’est la philosophie de la hache, qui tranche les têtes pour trancher les difficultés. […] Aujourd’hui que nous venons de le relire refroidi par trente ans, nous y trouvons plus de talent que de philosophie réelle ; la pensée y est plus hardie que forte, plus subtile que profonde, plus brillante que solide.

317. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 299-300

Il ne faut pas oublier que sa Philosophie est toujours d'accord avec la politique & la Religion ; & c'est en cela qu'elle mérite mieux le nom de Philosophie.

318. (1929) Amiel ou la part du rêve

Le philosophe et le professeur de philosophie, chez lui, ne concordent pas. […] Il n’y aurait pas eu de philosophie socratique, dit Nietzsche, sans les beaux jeunes gens d’Athènes. […] Amiel se distrait en jouant aux dames avec lui, et même en causant philosophie. La philosophie d’un Parisien ? […] Nous avons fait allusion plus haut à un dialogue lémanien des philosophes et des philosophies.

319. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le marquis de la Fare, ou un paresseux. » pp. 389-408

La Fare ne se gouverne pas comme Chaulieu, il s’abandonne, et le fond de la philosophie qui leur est commune se trahit ici à nu. […] Il établit bien d’abord qu’il n’aspire point à améliorer la condition de l’homme ou la morale de la vie ; il estime que chacun a en soi, c’est-à-dire dans son tempérament, les principes du bien et du mal qu’il fait, et que les conseils de la philosophie servent de peu : « Celui-là seul est capable d’en profiter, dit-il, dont les dispositions se trouvent heureusement conformes à ces préceptes ; et l’homme qui a des dispositions contraires agit contre la raison avec plus de plaisir que l’autre n’en a de lui obéir. » Ce qu’il veut faire, c’est donc de présenter un tableau de la vie telle qu’elle est, telle qu’il l’a vue et observée : « Tous les livres ne sont que trop pleins d’idées ; il est question de présenter des objets réels, où chacun puisse se reconnaître et reconnaître les autres. » Les premiers chapitres des Mémoires de La Fare, et qui semblent ne s’y rattacher qu’à peine, tant il prend les choses de loin et dans leurs principes, sont toute sa philosophie et sa théorie physique et morale. Il est évident qu’il ne croit pas à la liberté dans le sens philosophique du mot ; il explique toute la diversité qu’on voit dans les pensées et par conséquent dans la vie des hommes, indépendamment des divers âges du monde et des états ou degrés de civilisation où ils naissent, par le tempérament, la fortune et l’habitude ; et il en vient ainsi, d’une manière un peu couverte, à exposer ce que nous appellerions sa philosophie de l’histoire. […] et n’est-ce pas le cas d’appliquer ici le mot de Vauvenargues : « La plus fausse de toutes les philosophies est celle qui, sous prétexte d’affranchir les hommes des embarras des passions, leur conseille l’oisiveté, l’abandon et l’oubli d’eux-mêmes. » La Fare nous explique d’ailleurs qu’il ne s’agit point d’une paix sobre et recueillie comme l’entendraient certains philosophes ; la sienne était remplie de gaieté, de gros jeu, de festins, de beautés d’opéra, et ne ressemblait pas mal à une ode bachique continuelle. […] Et c’est ici qu’on a droit de s’élever contre cette philosophie et cette théorie que La Fare avait voulu ériger d’après lui-même, et qu’on peut lui dire : Divin ou humain, il me faut un ressort dans la vie, sans quoi tout se relâche !

320. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Frédéric le Grand littérateur. » pp. 185-205

De ce qu’il appelle dans ses lettres d’Alembert mon cher Anaxagoras, on est allé jusqu’à supposer, par exemple, qu’il avait une certaine prédilection pour la philosophie d’Anaxagoras. […] Il commence par causer quatre heures de suite avec d’Alembert ; il lui parle avec simplicité, avec modestie, de la philosophie, des lettres, de la paix, de la guerre, de toute chose. […] Sur Jean-Jacques, par exemple : « Le roi parle, ce me semble, très bien sur les ouvrages de Rousseau ; il y trouve de la chaleur et de la force, mais peu de logique et de vérité ; il prétend qu’il ne lit que pour s’instruire, et que les ouvrages de Rousseau ne lui apprennent rien ou peu de chose. » Avec d’Alembert, dont il apprécia tout d’abord le caractère estimable, Frédéric se montre purement en philosophe ; on le voit tel qu’il aurait aimé à être dans la seconde moitié de sa vie, quand la goutte et l’humeur ne l’aigrissaient pas trop, et s’il avait eu autour de lui quelqu’un de digne avec qui s’entendre : « Sa conversation roule tantôt sur la littérature, tantôt sur la philosophie, assez souvent même sur la guerre et sur la politique, et quelquefois sur le mépris de la vie, de la gloire et des honneurs. » Voilà le cercle des sujets humains qu’il aimait à traiter habituellement, sincèrement, et en moralisant toujours ; mais la littérature et la philosophie étaient encore ce dont il aimait à causer par-dessus tout pour se détendre, quand il avait fait son métier de roi. […] Revenu en France, d’Alembert continua de correspondre avec Frédéric ; et (si l’on oublie l’épigramme qui ne fut jamais connue) cette correspondance atteste des deux parts bien de la raison, de la philosophie véritable, et même de l’amitié, autant qu’il en pouvait exister alors entre un particulier et un monarque. […] Et il l’engage à venir passer quelques mois avec lui dès qu’il le pourra : « Nous philosopherons ensemble sur le néant de la vie, sur la philosophie des hommes, sur la vanité du stoïcisme et de tout notre être. » Et il ajoute avec ce mélange de roi-guerrier et de philosophe, qui semblerait contradictoire s’il n’était ici touchant, « qu’il ressentira autant de joie de le tranquilliser que s’il avait gagné une bataille ».

321. (1866) Nouveaux essais de critique et d’histoire (2e éd.)

Il les fait plier toutes ; il élargit sa religion et rétrécit sa philosophie, en sorte que sa philosophie puisse tenir dans l’enceinte de sa religion. […] Il veut rendre la philosophie religieuse, et la religion philosophique. […] C’est ainsi que la philosophie de Balzac a dirigé l’art de Balzac. […] La philosophie de Balzac. […] Une seule chose, la philosophie ».

322. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 339-340

Un Ouvrage qui fait encore plus d’honneur aux lumieres de M. de Villement, c’est celui qui a pour titre : l’Irréligion dévoilée, ou la Philosophie de l’honnête homme. […] Il suffit de le lire avec un peu de réflexion, pour sentir combien sont dangereux & absurdes les systêmes de la moderne Philosophie, & combien sont consolantes les vérités fondamentales de la Religion.

323. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 83-84

Il seroit difficile de présenter sous un jour plus frappant le Charlatanisme, les intrigues, les manéges & tous les travers de la Philosophie moderne, qu’ils ne le sont dans ces Mémoires ; Production vraiment originale, où la critique est mise en action de la maniere la plus piquante & la plus capable de faire impression sur les esprits mêmes prévenus. […] Encore une attaque de cette force, & la Philosophie pourra dire : Quis numen Junonis adoret ?

324. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 517-518

PIN, [Louis Ellies du] Docteur de Sorbonne, & Professeur de Philosophie au Collége Royal, né à Paris en 1657, mort dans la même ville en 1719, a été un des Auteurs les plus féconds du Siecle dernier. […] Ils ont pour objet l’Histoire sacrée & profane, politique & littéraire ; la Philosophie scolastique, la Morale, la Critique, la Religion, le Droit Canon, la Controverse ; enfin M.

325. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XIX. De la littérature pendant le siècle de Louis XIV » pp. 379-388

Le siècle de Louis XIV, le plus remarquable de tous en littérature, est très inférieur, sous le rapport de la philosophie, au siècle suivant. […] Il manquait quelque chose, même à Racine, dans la connaissance du cœur humain, sous les rapports que la philosophie seule peut faire découvrir. Mais s’il faut une réflexion approfondie pour démêler ce qu’on pourrait ajouter encore à de tels chefs-d’œuvre, les bornes de la philosophie, dans le siècle de Louis XIV, se font sentir d’une manière bien plus remarquable dans les ouvrages littéraires qui n’appartiennent pas à l’art dramatique.

326. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Préface » pp. -

La Poésie, l’Histoire et la Philosophie n’ont point, certes, perdu le rang qu’elles ont toujours tenu dans l’imagination ou la raison des hommes, et il est évident qu’elles le garderont. […] Ce n’est pas la Philosophie, qui est d’hier, comme le disait, avec cette large ouverture de bec qu’on lui connaît, M. Cousin, cette pie voleuse philosophique ; — il parlait apparemment de la sienne prise à Descartes, à Reid, à Hegel, et il oubliait ces grands théologiens qui ne désossaient pas la leur de l’idée de Dieu, — non, ce n’est pas la philosophie, mais c’est le Roman qui est d’hier dans l’histoire littéraire.

327. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — J. — article » pp. 527-528

Cette remarque ne nous empêchera pas de dire à sa louange, que, malgré son zele pour l’Encyclopédie, l’esprit philosophique ne l’a jamais entraîné dans aucun de ces démêlés, où la Philosophie de notre siecle a si fort prouvé combien elle étoit éloignée de la véritable Philosophie.

328. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 417-418

Son Introduction à la connoissance de l'Esprit humain est bien éloignée d'annoncer, comme l'a dit M. de Voltaire, dans l'Eloge funebre des Officiers morts dans la guerre de 1741, un prodige de vraie philosophie & de vraie éloquence, la profondeur & la force du génie, &c. […] Sicuti est, facie ad faciem. » Si elles eussent été toutes de cette espece, on se fût bien gardé de dire que cet Auteur étoit un prodige de vraie philosophie & de vraie éloquence.

329. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXVIII. M. Flourens »

Flourens et Fontenelle, un rapport qui saute aux yeux, malgré et à travers toutes les différences de philosophie, de sentiment et de destinée, qui existent entre le Secrétaire perpétuel de l’Académie des Sciences du dix-huitième siècle et le Secrétaire perpétuel de l’Académie des Sciences d’aujourd’hui, et ce rapport, c’est l’incomparable diaphanéité de leur Exposition à tous deux. […] Flourens a dernièrement publiée, nous avons dit que nous reviendrions sur les services, rendus, par l’éminent commentateur du grand naturaliste, à la philosophie générale. […] c’est le dernier fait sous lequel s’enterrera le Matérialisme et cette philosophie de la Sensation, qui a longtemps régné et qui se raccroche en ce moment au Panthéisme, pour ne pas tout à fait périr et pour retrouver plus tard le moyen de vivre. Par le Panthéisme, en effet, le Matérialisme a toujours un pied et une main dans la philosophie contemporaine, et ce n’est pas le Spiritualisme, réduit à ses seules forces, qui coupera jamais ce pied et cette main-là.

330. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Gustave Rousselot  »

Il admet, comme une loi du monde, cette démence de l’orgueil qu’on ne trouvait autrefois que dans les maisons de fous, et qui trône maintenant dans les Philosophies et dans les Poèmes. […] Ovide n’avait qu’à orner de son génie les traditions fabuleuses et les légendes du monde païen, qui, après le plus éblouissant épanouissement, allait s’évanouir, tandis que l’auteur du Poème humain — qui ne relève que d’une philosophie abstraite — n’a que le rêve de cette irréalisable philosophie ! […] Religieuse envers et contre toutes les philosophies qui l’ont dépravée, la sienne est tellement altérée de la soif du dieu personnel, appelé par lui le dieu inconnu, qu’il en fait incessamment bomber l’idée concrétisée sur le fond voyant de son panthéisme oublié.

331. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Introduction »

. : cette conspiration, c’est la future philosophie de l’histoire, qui ne doit plus être, comme celle de l’âge héroïque, antérieure, mais postérieure à la connaissance scientifique des faits sociaux. […] Si la sociologie lato sensu , rejoignant la philosophie de l’histoire, ne peut être qu’une synthèse des sciences sociales particulières, il est permis de concevoir, en attendant l’heure de sa construction, une sociologie, stricto sensu qui serait elle-même une science sociale particulière — la science des formes des sociétés, de leurs causes et de leurs conséquences1. […] Il nous semble inutile de marquer encore une fois, en revenant sur les principes et les méthodes, la place de cette conception de la sociologie parmi celles qui ont jusqu’ici prévalu, Les classifications des différents efforts par lesquels on a tenté de constituer la sociologie abondent aujourd’hui : v. par exemple, Barth, Philosophie der Geschichte als Sociologie, I, Leipzig, 1897, et Stein, Die Sociale Frage im Lichte der Philosophie, Stuttgart, 1897.

332. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XIX. Panégyriques ou éloges composés par l’empereur Julien. »

Ce poète, que quelques hommes ont trouvé ridicule, et que des milliers d’hommes ont trouvé sublime ; qu’on a déchiré avec excès, parce qu’on l’admirait avec fanatisme ; et qui a fait des partis et des sectes, comme tout ce qui ébranle fortement les hommes, régnait alors sur la poésie et l’éloquence, comme Platon sur la philosophie. […] C’est une chose remarquable en philosophie, en éloquence, et dans tous les arts, qu’il ait toujours fallu aux hommes un objet de culte. […] Ce morceau, où la philosophie se joint à l’éloquence, est le tableau des qualités que doit avoir un prince, pour être digne de commander aux hommes. […] Il paraît qu’à la philosophie de l’esprit, elle joignait celle de l’âme, et qu’elle fut à la fois sensible et grande.

333. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (5e partie) » pp. 145-224

XIV « L’indifférence de ces penseurs, c’est là, selon quelques-uns, une philosophie supérieure. […] L’hydre au commencement, l’ange à la fin. » XXX Ces pages sont très belles, mais, de quelque mot qu’on se serve, de quelques phrases qu’on les pare, il n’y a, il n’y a jamais eu et il n’y aura jamais que deux philosophies sociales ici-bas : La philosophie sociale des jouissances matérielles à multiplier et à faire convoiter de bonne foi à tous les hommes ; La philosophie sociale du spiritualisme et de la résignation pieuse à l’ordre douloureux de la nature, ce décret absolu du Créateur, ce fait accompli, et tristement accompli, du destin ; l’imperfection, la douleur, le travail et la mort, pour mériter un autre sort dans le monde ascendant et invisible dont la terre est la ténébreuse avenue. […] Jouissance purement matérielle, et par conséquent bientôt savourée, fond de cette philosophie à la Condorcet, qui m’ennuie seulement d’y penser, et qui ennuierait de sa fastidieuse monotonie ses propres inventeurs. […] XXXII Entre ces deux philosophies, qui peut hésiter ? […] Entre ces deux philosophies qui jurent et se font antithèse comme l’onde opaque et l’aube éternelle, il y a un conciliateur cependant : c’est le bon sens !

334. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Troisième partie. — L’école historique » pp. 253-354

Ses professeurs ne sont pas émerveillés de lui, et se plaignent surtout de ce qu’il néglige totalement la philosophie. […] Voilà pourquoi il néglige la philosophie, et a de mauvaises noies. […] Herder, Philosophie de l’histoire de l’Humanité, livre XIII, chap.  […] Herder, Philosophie de l’histoire de l’Humanité, livre XIII, chap.  […] Herder, Philosophie de l’histoire de l’Humanité, livre VIII, chap. 

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