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764. (1782) Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur la vie et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe (1778-1782) « A Monsieur Naigeon » pp. 9-14

Une expérience que je proposerais volontiers à l’homme de soixante-cinq ou six ans, qui jugerait les miennes ou trop longues, ou trop fréquentes, ou trop étrangères au sujet10, ce serait d’emporter avec lui, dans la retraite, Tacite, Suétone et Sénèque ; de jeter négligemment sur le papier les choses qui l’intéresseraient, les idées qu’elles réveilleraient dans son esprit, les pensées de ces auteurs qu’il voudrait retenir, les sentiments qu’il éprouverait, n’ayant d’autre dessein que celui de s’instruire sans se fatiguer : et je suis presque sûr que, s’arrêtant aux endroits où je me suis arrêté, comparant son siècle aux siècles passés, et tirant des circonstances et des caractères les mêmes conjectures sur ce que le présent nous annonce, sur ce qu’on peut espérer ou craindre de l’avenir, il referait cet ouvrage à peu près tel qu’il est. […] Si les hommes avaient sous la tombe quelque notion de ce qui se passe sur la terre, de quels sentiments de reconnaissance pour vous, pour M. le baron d’Holbach, pour vos dignes collègues MM.  […] Toutes les opinions sur les âmes des morts, qui me touchent ou qui me flattent, je les embrasse ; et il me semble, dans ce moment, que je vois l’ombre de notre cher La Grange errer autour de votre lampe, tandis que vos nuits se passent soit à compléter ou éclaircir son ouvrage, soit à rapprocher en cent endroits sa traduction du vrai sens de l’original. […] l’on se tait ; la justification passe sans bruit, tombe dans l’oubli, et l’innocent n’en est guère moins suspecté.

765. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « XV »

Ceux qui en sont incapables s’en passeront. […] Rousseau, Buffon et Chateaubriand ont-ils cru devoir se passer d’harmonie sous prétexte que de Retz ou Montaigne en manquent ? […] Lorsqu’il s’éveilla, un sentiment de bien-être inonda son âme ; il songea que la crise principale de cette aventure était enfin passée. […] Il n’aurait plus besoin d’y revenir, car les choses s’étaient passées pour le mieux.

766. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXIXe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Le drame de Faust par Goethe (2e partie) » pp. 161-232

Passons sur ces sorcelleries déplacées dans le sérieux d’un tel drame. […] Si nous avions seulement passé la montagne ! […] J’avais passé la nuit d’angoisse hors de la ville, gardant les lits et les caisses ; enfin je m’endormis. […] Je m’en retournerai par le sentier qui passe auprès du poirier, en bas de la colline. […] Ce sont ces années d’attente que Goethe était allé passer en Italie.

767. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIIe entretien. Vie du Tasse (2e partie) » pp. 65-128

L’indulgente Léonora, pardonnant à la fois à l’amant et au poète, supplia le Tasse de venir passer une partie de l’été, seul avec elle, dans une délicieuse villa au bord du Pô, nommée Casandoli. […] » Pendant l’hiver suivant, 1578, qu’il passa à Ferrare, toujours absorbé dans la correction de son poème, on voit se développer son humeur ombrageuse dans ses lettres à ses amis. […] Il passa quelques jours dans le couvent avec cette paix qui semble, au premier moment, tomber sur l’âme, des cloîtres. […] Cela se pourrait peut-être, reprit-il, mais la rivière qui coule devant la ville et qui sépare les frontières du Piémont de celles de Milan, a tellement grossi qu’il serait dangereux de la passer. […] Là, j’appris de quelques paysans que le batelier ne voulait pas quitter la rive opposée et qu’il avait refusé de passer des cavaliers français, bien qu’ils lui eussent offert une belle récompense.

768. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre III. Le Petit Séminaire Saint-Nicolas du Chardonnet (1880) »

J’ai passé treize ans de ma vie entre les mains des prêtres, je n’ai pas vu l’ombre d’un scandale ; je n’ai connu que de bons prêtres. […] Ma fille, Henriette, Ernest, qui a passé une bien meilleure nuit, se rappellent à votre souvenir, ainsi que Clara. […] Lorsque vous aurez lu l’Âme sur le Calvaire, vous me le renverrez, et je vous ferai passer l’Esprit consolateur. […] Cette vieille dame demeurait à côté de lui ; nous ne la voyions jamais ; nous savions cependant que, tous les jours, il passait quelque temps avec elle. […] On m’a dit que, plus tard, dans son diocèse, les choses se passèrent de la même manière, qu’il fut toujours plus aimé de ses laïques que de ses prêtres.

769. (1856) Mémoires du duc de Saint-Simon pp. 5-63

Dans les galeries de Versailles, près des ifs taillés, sous des charmilles géométriques, nous regardions passer le roi, serein et régulier comme le soleil son emblème. […] Dans ce voisinage de la régence, sous l’hypocrisie régnante et le libertinage naissant, il fut pieux, même dévot, et passa pour tel : c’était encore un legs de famille. […] Le jeune homme pousse en avant avec la verve d’un poète qui conçoit un roman et sur-le-champ passe la nuit à l’écrire. […] Il passait sa vie dans les sapes. » Ne voyez-vous pas la bête souterraine, furet furieux, échauffé par le sang qu’il suce, sifflant et jurant au fond des terriers qu’il sonde ? […] Âme et esprit et caractère, intérieur et dehors, gestes et vêtements, passé et présent, Saint-Simon voit tout et fait tout voir.

770. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — III » pp. 455-479

Pendant que Bonstetten était syndic dans le Tessin, ils s’étaient retrouvés tous trois et avaient passé ensemble une journée délicieuse à la campagne de Pline près du lac de Côme. […] Je voudrais y passer ma vie avec vous. » Le présent existait pour lui à Rome plus qu’il ne le croyait de loin et sur la foi des souvenirs ; mais il savait y mêler ce qui console. […] Il a dit encore : La vieillesse est le résultat, je dirais presque le bilan de la vie passée. […] il le craignait d’abord : « Vous êtes, lui écrivait-il, le cygne qui me passe sur la tête en me disant : Je vous chéris, addio ! […] Cependant un nouvel orage avait passé sur la France, et la Suisse en attendait les conséquences avec anxiété.

771. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « De la tradition en littérature et dans quel sens il la faut entendre. Leçon d’ouverture à l’École normale » pp. 356-382

Lorsque après Trajan sonna décidément l’heure de la décadence romaine, la littérature sacrée, en train de naître, n’hérita pas aussi vite ni aussi directement de la beauté littéraire que Rome l’avait fait dans son premier contact avec la Grèce : on ne se passa pas de la main à la main le flambeau. […] On ne naît pas quand on veut, on ne choisit pas son moment pour éclore ; on n’évite pas, surtout dans l’enfance, les courants généraux qui passent dans l’air, et qui soufflent le sec ou l’humide, la fièvre ou la santé ; et il est de tels courants pour les âmes. […] Il n’y a plus eu dans le passé de mystères d’État. […] Il ne se passe pas de jour sans qu’on annonce une découverte : chacun veut faire la sienne, chacun s’en vante et fait valoir sa marchandise sans contrôle. […] Croyez bien que si j’ai fait passer, pour cette première fois, devant vous tant de recommandations, tant de remarques critiques, et que si j’ai paru donner beaucoup de conseils que d’autres vous ont déjà donnés et bien mieux, ce n’a pas été sans m’en adresser une partie à moi-même tout le premier.

772. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Nouvelle correspondance inédite de M. de Tocqueville (suite et fin.) »

John Stuart Mill (28 mars 1841) : « Tout ce qui s’est passé dans notre politique extérieure depuis six mois m’a donné, je vous le confesse, mon cher Mill, beaucoup de trouble d’esprit et d’embarras. […] Il en est passé quelque chose dans un discours qu’il prononça à la Chambre te 27 janvier 1848. […] Cependant, voilà la jeunesse passée, et le temps qui marche ou, pour mieux dire, qui court sur la pente de l’âge mûr : les bornes de la vie se découvrent plus clairement et de plus près, et le champ de l’action se resserre. […] … » Et il va énumérer les sujets qui ont successivement passé devant ses yeux. — Un sujet contemporain direct ? […] Montaigne qui a passé sa vie à faire son portrait ne s’est pas montré à nous plus à nu, et ne s’est pas livré surtout avec une plus entière bonne foi : il n’y a pas ici ombre de coquetterie comme chez Montaigne.

773. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Elle passa plusieurs années comme sous-maîtresse et plutôt encore comme amie dans le pensionnat de Mme Bascans, à Chaillot. […] Et tout cela me rend l’étude de l’espagnol plus intéressante qu’une autre, parce que je pense que tu as parlé cette langue dans ta jeunesse guerrière. » Elle ennoblit tant qu’elle peut le passé de ce cher frère pour le relever lui-même à ses propres yeux ; elle y verse de la poésie comme sur toute chose, en croyant n’y mettre que du souvenir. […] … Aussi je vous bénis tous de l’amitié que vous me portez, et qui m’aide à subir ces blessures de l’âme… « Je comble de vœux et de bénédictions tous ceux qui dans le passé et dans le présent ont mis au moins tes chers jours et nuits à l’abri des mauvais hasards du sort. […] C’était un mouvement passager de haine83, et j’ai passé à travers avec un grand serrement de cœur. […] Pour moi, je t’avoue que j’en passe la moitié à genoux.

774. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres mêlées de Saint-Évremond »

La scène se passe en 1654, mais il est probable que Saint-Évremond ne s’en ressouvint et n’eut l’idée de l’écrire qu’après les Provinciales. […] Il a su se passer, en tout genre, de l’orage et du tourment. […] A partir de là, le niveau passa et s’étendit sur tout, sur les caractères comme sur les choses. […] Sa bibliothèque française, qu’il passe en revue, est des plus bornées. […] Il n’avait pas moins de quatre-vingt-six ans quand il la perdit : il avait dès longtemps passé l’âge où l’on recommence.

775. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. DE BALZAC (La Recherche de l’Absolu.) » pp. 327-357

Bien des femmes aussi ont été plus difficiles de goût qu’en province, et ne lui ont point passé ses familiarités d’intérieur ou ses invraisemblances, par intérêt pour les principales situations. […] Comme les alchimistes, il a passé des années entières en tâtonnements, à travers la fumée et la cendre, les sédiments et les scories, avant d’arriver à la transmutation tant désirée : aussi, quelle joie bien légitime et quelle ivresse étourdissante le jour où il vit dans le creuset son mercure se fixer en or ! […] Il redevient chimiste : ses premiers travaux chez Lavoisier renouvellent tout leur attrait et le sollicitent à poursuivre : un officier polonais, qui passe à cette époque par Douai et qui cause avec Balthazar, provoque en lui cette subite révolution. […] Il ne se passait pas quelques heures sans que j’ôtasse mon chapeau, et, levant les yeux au Ciel, je le remerciais de m’avoir accordé un pareil bienfait, et je versais d’abondantes pleurs 110. […] Mais bientôt son visage se rembrunit : il jeta la Revue et s’écria dans sa colère : « Il me le payera ; je lui passerai ma plume au travers du corps. » Et il ajouta pour complément de vengeance : « Je referai Volupté.

776. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « PENSÉES FRAGMENTS ET LETTRES DE BLAISE PASCAL, Publiés pour la première fois conformément aux manuscrits, par M. Prosper Faugère. (1844). » pp. 193-224

Il était décidément à l’ordre du jour, et ceux qui avaient le malheur de passer pour être un peu mieux au fait de la question ne savaient plus à qui répondre dans le monde, ni même le plus souvent qu’en penser. […] Ayant appris un peu vaguement que ce vieillard passait pour posséder des papiers curieux sur l’illustre ancêtre, M. […] Je ne sais si le nom de Gerson ou celui de Pascal opérèrent magiquement et furent le mot de passe, mais M. […] Tout le reste est relativement timoré ; le goût des meilleurs voulait la régularité et ne concevait point qu’on s’en passât. […] Il m’est arrivé, dans un chapitre de Port-Royal, d’avancer que chacun, plus ou moins, porte en soi son Montaigne, c’est-à-dire sa nature un peu païenne, son moi naturel où le christianisme n’a point passé.

777. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « UNE RUELLE POÉTIQUE SOUS LOUIS XIV » pp. 358-381

Cassat, me disait : « Quand j’ai lu Théocrite, je lis encore Fontenelle ; je préfère l’un, mais je sais passer à l’autre. […] Des Houlières, brave et habile officier, qui suivit le prince de Condé dans la Fronde et chez les Espagnols, elle passa ses premières années de mariage, solitaire, retirée chez ses parents. […] c’est un peu trop, quoique sa saison passe. […] Il ne s’agit ni de réhabiliter ni de proposer pour modèle, mais simplement de reconnaître ce qui fut, de retrouver, s’il se peut, la poésie aux moindres traces où elle a passé. […] Nous passons si vite nous-mêmes, nous paraîtrons si peu !

778. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Du génie critique et de Bayle »

Étant passé à vingt-deux ans à l’académie de Toulouse, il se laissa gagner à quelques livres de controverse et à des raisonnements qui lui parurent convaincants, et, ayant abjuré sa religion, il écrivit à son frère aîné une lettre très-ardente de prosélytisme pour l’engager à venir à Toulouse se faire instruire de la vérité. […] Il se met à la fenêtre et regarde passer chaque chose ; les nouvelles mêmes l’amusent. […] Il y passa quelques mois comme précepteur, en 1675 ; il y vint quelquefois pendant ses vacances de Sedan ; il y resta dans l’intervalle de son retour de Sedan à son départ pour Rotterdam : mais on peut dire qu’il ne connut pas le monde de Paris, la belle société de ces années brillantes ; son langage et ses habitudes s’en ressentent d’abord. […] Il est touchant de voir quelles précautions et quelles ruses il fallut à milord Shaftsbury pour lui faire accepter une montre : « Un tel meuble, dit Bayle, me paroissoit alors très-inutile ; mais présentement il m’est devenu si nécessaire, que je ne saurois plus m’en passer… » Reconnaissant d’un tel cadeau, il resta sourd à toute autre insinuation du grand seigneur son ami. […] Simon de Troyes, dans laquelle il décrit à cet ami un dîner et la conversation qu’on y tint (février 1686) : Aux journaux de Hollande il nous fallut passer ; Je ne sais plus sur quoi ; mais on fit leur critique.

779. (1894) Propos de littérature « Chapitre V » pp. 111-140

Au contraire, d’après M. de Régnier, l’allégorie objective l’idée qui le traverse : elle n’offre donc ainsi qu’une forme du passé. […] Griffin infusa l’esprit même du peuple, et il en passa quelque chose dans la forme désormais plus aisée qui trouva des grâces nouvelles, comme « à la bonne franquette » parmi les vergers fleuris. […]   M. de Régnier vient aussi de Bretagne, me dit-on, — au moins cela est-il vrai pour un lointain passé ; mais voici longtemps que la Champagne du Nord et l’Ardenne française l’ont vu vivre et il a mêlé heureusement les souvenirs anciens aux plus récentes visions. […] « Ces visions enchantées, (ainsi écrivais-je dans la Wallonie), elles sont de l’ordre le plus noble ; elles passent dans le soleil parmi des cristaux, des lacs aux forêts captives, des femmes qui sont reines ou fées bien loin dans nulle histoire. […] L’armure du guerrier n’est pas faite à sa taille, pourtant il la meut sans fléchir, même avec grâce ; mais comme sa juvénile chanson ne passe qu’avec peine à travers le resplendissant grillage, voilà qu’il arrache son cimier, délace le gorgerin et respire !

780. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XIV, l’Orestie. — Agamemnon. »

la peine est passée. Elle est passée surtout pour ceux qui sont morts, si bien passée qu’ils ne consentiraient plus à revivre. » III. — Entrée d’Agamemnon. — Accueil de Clytemnestre. — Le tapis de pourpre. — Figure d’Agamemnon. […] Il descend donc de son char ; il passe sur ce tapis dont la couleur crie le meurtre. […] La maison d’Atrée lui apparaît toute sanglante des meurtres passés, des meurtres prochains. — « Demeure détestée des dieux ! […] Une ombre passe et le bonheur s’évanouit ; l’adversité arrive, une éponge humide efface son empreinte.

781. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Études sur Saint-Just, par M. Édouard Fleury. (2 vol. — Didier, 1851.) » pp. 334-358

Fleury mérite de ne pas être passé sous silence, et que des biographies de ce genre, une fois faites, coupent court à bien des impostures historiques et à de fausses peintures. […] Tout fanatisme, en secret, a dû passer par là. […] Ils en auraient fait ensuite un usage dont leur passé nous répond. […] À chaque relais venaient des gendarmes pour demander des papiers ; un simple mot du jeune homme les satisfaisait, et l’on passait. […] Mon appréciation du caractère de Saint-Just ne dépend point, d’ailleurs, de ces premiers actes de jeunesse, même quand ils se seraient passés comme M. 

782. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1859 » pp. 265-300

Il passe quatre ou cinq mois à Paris, n’allant nulle part, voyant seulement quelques amis, menant la vie d’ours que nous menons tous, Saint-Victor comme lui, et nous comme Saint-Victor. […] la comète de l’an passé ! […] En revenant, je rencontre, à la gare, Flaubert faisant la conduite à sa mère et à sa nièce qui vont passer l’hiver à Paris. […] Doche montre ses doux yeux d’enfant et sa mine chiffonnée, un peu écrasée par la grande passe bleue de son chapeau. Théophile Gautier, torpide à la façon d’un sphinx et d’un poussah, semble résigné à tout ce qui va se passer.

783. (1890) Nouvelles questions de critique

Le Petit passe à Marguerite de Navarre et à Bonaventure des Périers. […] Ce serait, avant de mourir, de voir le Dictionnaire de la langue française passer la lettre B. […] Ou encore, ce sont des actes autant que des paroles ; et s’ils sont éloquents, c’est bien ; mais ils peuvent se passer de l’être, et communément ils s’en passent. […] Passons rapidement sur Chénier. […] Depuis que le romantisme expirant a subi les premiers assauts du réalisme, que s’est-il donc passé ?

784. (1895) La vie et les livres. Deuxième série pp. -364

Tous ceux qui étudient avec quelque sérieux le passé de l’humanité sont nécessairement ses disciples. […] Les choses se passent dans le monde comme dans cette forêt si magnifique et si parfumée. […] La représentation écrite des événements passés. […] Le temps que nous passons avec elles est bien employé. […] Durtal a passé la quarantaine.

785. (1901) Des réputations littéraires. Essais de morale et d’histoire. Deuxième série

Apprenez comment la chose s’est passée. […] Et ce qui est faux, c’est qu’un bon livre puisse se passer des trompettes de la réclame. […] je ne peux pas passer mon temps à répéter toujours la même chose. […] On en compte un assez grand nombre dans le passé. […] Sarcey passe pour un écrivain plutôt débraillé.

786. (1900) La vie et les livres. Cinquième série pp. 1-352

Voyez ce qui se passe !  […] Un petit frisson m’a passé et j’ai regardé M.  […] Conti sur ce qui s’était passé. […] Les heures passent et la gourde s’emplit. […] Il a passé sa vie à faire œuvre d’amoureux.

787. (1903) Hommes et idées du XIXe siècle

Que le « jeune homme d’un très beau passé ». […] Enfin le beylisme avait passé religion ! […] Mieux vaut passer pour odieux que pour ridicule. […] Supposez qu’une lubie d’amour lui passe par la tête. […] Il allait passer grand homme et chef d’école.

788. (1911) Visages d’hier et d’aujourd’hui

Il en connaissait le passé. […] Et, dans le vase, il y a la cendre du passé, tiède encore. […] Que se passe-t-il, quand M.  […] Ainsi, tout le passé ressuscite, le passé un peu lointain, le passé de la France. Or, il est doux et apaisant de rêver dans le passé, de « réveiller tous les hommes que nous portons en nous »… Et non que le passé soit purement exquis ; mais il a, sur le présent, cet avantage : les abominations du passé sont abolies.

789. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Parny poète élégiaque. » pp. 285-300

Est-il donc bien nécessaire d’en passer par la méthode de Gervinus pour sentir et admirer La Fontaine ? […] je ne vous la donne pas pour une création profonde et neuve : c’est un lieu commun qui recommence sans cesse aux approches de quinze ans pour toutes les générations de Chloé et de Daphnis ; mais ici le lieu commun a passé par le cœur et par les sens, il est redevenu une émotion, il est modulé d’une voix pure ; il continue de chanter en nous bien après que le livre est fermé, et le lendemain au réveil on s’étonne d’entendre d’abord ce doux chant d’oiseau, frais comme l’aurore. […] Je ne sais si leur règne est aussi fini que le prédisait ce prophète du passé. […] S’il satisfait et contente, ce n’est pas qu’il ne rappelle dans le passé, comme cela a lieu pour les classiques du second ou du troisième âge, de beaux talents antérieurs et souvent supérieurs au sien. […] Ce n’est pas qu’il n’ait gardé jusqu’à la fin de ces tons purs, de ces touches gracieuses, et il serait aisé d’en relever des exemples heureux, des applications variées dans ses divers poèmes : mais il ne se renouvela pas, et il est resté pour la postérité le poète des élégies. — « Voyez-vous, ma petite, passé vingt-cinq ans, cela ne vaut plus la peine d’en parler » ; ce mot d’Horace Walpole à Mme du Deffand est la devise des élégiaques sincères et de celui-ci en particulier.

790. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MADAME TASTU (Poésies nouvelles.) » pp. 158-176

Cet instant passé, si elle est pure, si elle est sévère, si son cœur, même dans les ennuis et les traverses, s’interdit toutes insinuations décevantes, elle n’a plus qu’à regarder parfois en arrière, à regretter, à se soumettre, à ne vivre que dans le bonheur des siens, à espérer au delà de cette vie dans les malheurs. […] Il faut la ranger parmi ces derniers ; c’est vers le passé volontiers, vers le moment évanoui, qu’elle se retourne, dès que sa tâche lui en laisse le loisir. […] L’éclat du jour s’éteint aux pleurs où je me noie, Les charmes de la nuit passent inaperçus ; Nuit, jour, printemps, hiver, est-il rien que je voie ? […] Et maintenant, un soir, si le hasard rassemble Quelques amis encor du groupe dispersé, Qui donc reconnaîtrait ce que de loin il semble, Sur la foi du passé ? […] Bien qu’il nous reporte vers un passé plus brillant, bien qu’il s’élève moins haut que la poétique apparition de la jeunesse, il vient dignement après, et honore le talent en même temps que la vie de celle qui peut si fermement se résigner et si délicatement se plaindre.

791. (1875) Premiers lundis. Tome III « Sur le sénatus-consulte »

Un des plus grands politiques, et qu’il est bon quelquefois de relire, le cardinal de Retz faisant le récit de la Fronde, ne peut s’empêcher de se demander, lui aussi, comment de l’état de somnolence et de léthargie où l’on était tombé, où l’on était encore « trois mois avant la petite pointe des troubles » qui faillirent bouleverser tout l’État et l’ordre même de la monarchie en France, on passa presque subitement à une commotion violente et universelle. […] Le temps des présomptions et des imprévoyances est passé. […] vous n’avez rien gagné auprès des hommes considérables du passé : et ces hommes, tout évincés et déchus qu’ils sont, ont encore leur clientèle ; ils recrutent de jeunes partisans : vous avez contre vous et d’une façon si déclarée qu’on n’y peut fermer les yeux, vous avez contre vous l’Académie française : « Ah ! […] Il ne faut pas tout lui demander, si l’on ne veut pas tout lui passer. […] Et à chaque observation de ce genre qu’il m’arrivait de faire, à chaque précaution que je croyais devoir indiquer, on me répondait d’un ton léger et avantageux : « On s’en passera. »— C’est une variante du Qu’est-ce que cela nous fait ?

792. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre II. L’homme »

Ils aimaient les gaudrioles, faisaient des mascarades, vidaient des quartauts, mangeaient des grillades, et n’avaient pas des moeurs exemplaires. « Les communautés d’arts et métiers, dit l’honnête Baugier quelque vingt ans après La Fontaine, « faisaient des emprunts dont la meilleure partie passait en buvettes,7 » et les particuliers allaient du même train. […] » Et il envoie à la divine Amaranthe des vers un peu risqués, pleins d’insinuations vives et d’adorations mythologiques, Ces sourires et ces rires, cette galanterie caressante, ces douceurs, ce mélange d’esprit gracieux et de tendresses fugitives composent l’amour en France ; La Fontaine n’en a guère connu d’autre, et il y a passé le meilleur de son temps. […] Il passait par Amboise où Fouquet avait été enfermé d’abord : « Je demandai à voir cette chambre, triste plaisir, je vous le confesse, mais enfin je le demandai. […] Il est resté primitif ; pendant que les autres se polissaient et se querellaient, il a rêvé ; il n’a vu tant d’intrigues et de splendeurs passer devant lui que comme un spectacle. […] Deux ans après, la lecture d’une ode de Malherbe le ravit ; il ne lit plus autre chose, il passe les nuits à l’apprendre par coeur, il va déclamer son poëte à l’écart.

793. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre V. Subordination et proportion des parties. — Choix et succession des idées »

Mais il faudra se garder aussi du défaut opposé, qui consiste à passer à la ligne chaque fois qu’on commence une phrase. […] Une fois qu’on aura arrêté les proportions de l’ouvrage qu’on se propose de faire, on passera à considérer les idées dont on a fait provision, pour mettre à part et retenir définitivement celles qui conviennent le mieux. […] Là est le vrai critérium : il faut recevoir ce dont on ne peut pas se passer. […] Théophile a peut-être écrit plus de beaux vers que Malherbe ; mais Malherbe, par un contrôle inexorable, ne laisse guère passer sous sa plume que l’excellent, Théophile ne l’isole pas du médiocre et du pire. […] On a cédé à une liaison naturelle des choses, et de fil en aiguille on est arrivé à dire ce qu’on n’avait pas besoin de dire encore : plus tard, quand le moment est venu de placer l’idée, quand on ne peut plus s’en passer, pour ne pas avoir à défaire l’ouvrage fait et à tout recommencer, par paresse, on aime mieux la répéter que de la retirer de l’endroit où elle s’était glissée à tort.

794. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Joséphin Soulary »

j’oubliais   Là-bas, six grosses tours en, pierre de liais, la cheville est patente, insolente, énorme ; mais on la lui passe parce qu’elle est amusante et donne une rime rare. Voici une cheville d’une autre espèce : C’est là que nous vivions  Pénètre, Mon cœur, dans ce passé charmant   Je l’entendais sous ma fenêtre Jouer le matin doucement. […] Il est tellement à sa besogne qu’il ne voit point passer le conquérant. […] Soulary n’est ni un romantique, ni un parnassien, ni un névropathe, mais un « précieux » des temps passés. […] La Mort, qui passe, fait de l’esprit et les met d’accord  Mais voici le « comble ».

795. (1766) Le bonheur des gens de lettres : discours [graphies originales] « Le Bonheur des gens de lettres. — Premiere partie. » pp. 12-34

Je vous vois parcourir le vaste miroir des siécles écoulés, examiner les ressorts qui changent la face des Empires, pénétrer le jeu rapide des révolutions de la Fortune, percer les intrigues de l’Ambition, par les événemens passés prédire les événemens futurs, alors tout sert à vous affermir dans vos heureux principes ; vous les jugez, ces foibles humains, vous les jugez sans passion, vous les voyez tels qu’ils sont, composés de grandeur & de foiblesse, de vertus et de vices, mais qui doivent peut-être leurs crimes non à la Nature, qui a caché dans leurs cœurs le doux sentiment de la pitié, principe des vertus, mais à la Tyrannie, à l’affreuse Tyrannie, qui aggravant sur leur tête un joug humiliant les a fait gémir, haïr, détester leur existence & les a forcés d’être méchans en les rendant malheureux. […] On ne le verra passe livrer à une mer orageuse & incertaine. […] Les différentes générations d’hommes, & leurs opinions diverses passent sous ses yeux avec leurs Villes, leurs mœurs, leur culte & leurs loix. […] Ces grands sentoient bien que leurs noms devant passer ensemble à la postérité, elle auroit lieu de s’étonner si elle ne les trouvoit pas unis. […] celles qui doivent adoucir les amertumes de notre vie, peuvent-elles se passer d’être instruites ?

796. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — I. La Poësie en elle-même. » pp. 234-256

Il en fit passer les principes & les preuves dans un ouvrage intitulé, Nouvelles réflexions sur l’art poëtique. […] A l’égard de l’impression que peuvent faire les maximes hasardées par les poëtes, il est aisé, disoit-on, de la prévenir, en ne laissant rien passer au théâtre & à l’impression qui soit contre les bonnes mœurs, contre les loix & le gouvernement. […] Un poëte chrétien doit se passer, disent-ils, de cette multitude de dieux, de déesses & de cérémonies. […] Convenons pourtant d’une chose, que le goût des fables est passé : notre siècle leur préfère l’esprit de philosophie, d’exactitude & de raison : elles étoient d’une grande ressource aux anciens poëtes. […] Wachter se retira promptement dans le pays d’Hanovre, d’où il passa à Leipsic.

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