Alexandre fut déshonoré par le meurtre de Clitus, et le supplice bien plus barbare de Callisthène ; Auguste, par les proscriptions ; Vespasien, par ses rapines et le meurtre d’Helvidius Priscus ; Trajan, par ses excès dans le vin ; Adrien, par ses mœurs ; Constantin, par le meurtre de presque toute sa famille ; Julien, par ses superstitions ; Théodose, par le massacre de Thessalonique ; et Théodoric, dont nous parlons, par le meurtre de Symmaque : tant, parmi les hommes, et surtout ceux qui ont le malheur d’être puissants, on trouve peu de vertus qui soient pures, et de grands caractères sans faiblesses ! […] Ainsi, dans l’espace de près de cinq cents ans, les lois, les mœurs, les arts, le gouvernement, la religion, le langage même, tout avait changé ; et dans le pays où César et Caton, Cicéron et Auguste avaient parlé aux maîtres du monde, en attestant souvent les dieux de l’empire et près de l’autel de la victoire, un Gaulois, chrétien et évêque, haranguait en langage barbare, un roi goth venu avec sa nation des bords du Pont-Euxin pour régner au Capitole.
parle, et dis ce que tu peux. […] Ceux-ci savaient très bien que les hommes à qui Ion va parler, ignorant encore le sujet qui les doit occuper, apportent un esprit calme et froid au commencement, et ne peuvent dès l’abord entrer en intérêt et en admiration. […] Ce mouvement trop superbe n’est pas celui de Virgile, qui ne parle ni de saisir la trompette épique, ni de l’éclat de ses sons. […] Il ne s’élève pourtant pas jusqu’au ton lyrique, et n’y atteint que par intervalle et par imitation, lorsqu’il fait parler un être prophétique, un inspiré, un poète, introduit dans la fable ; ce n’est donc pas celui de l’ode. […] « Chaque passion parle un différent langage.
Et ils se regardaient, sans beaucoup parler. […] Ils parlent volontiers. […] Tels de ces gens, qui n’ont pas raison, parlent plus fort que personne et ont le dernier mot ; on bien, ils parlent sur un ton qui séduit les multitudes, les charme, les entraîne. […] … Si l’on peut ainsi parler, c’est un coup de la grâce. […] … La poésie française avait, pour ainsi parler, du chagrin.
Qu’entendait-on par cette liberté dont on parlait sans cesse ? […] Si la cité ne parle pas ainsi, c’est apparemment qu’elle ne le peut pas. […] Nous voulons parler de ce que les Latins appelaient gens et les Grecs γένος. […] Nous aurons à expliquer ces faits quand nous parlerons des révolutions. […] Elle est en nous ; elle ne nous quitte pas ; elle nous parle à tout moment.
Dans la malheureuse époque de révolution dont je parlais tout à l’heure, et dont j’ai enregistré les nombreuses méprises, on a souvent comparé Eugène Delacroix à Victor Hugo. […] Tassaert, dont j’ai eu le tort grave de ne pas assez parler l’an passé, est un peintre du plus grand mérite, et dont le talent s’appliquerait le plus heureusement aux sujets amoureux. […] A proprement parler, la place de M. […] Rousseau, — on a déjà deviné que c’était de lui que je voulais parler, — se présentât de nouveau devant le public, que d’autres paysagistes ont habitué peu à peu à des aspects nouveaux. […] Excepté à ses générateurs, le jaune et le bleu ; cependant je ne parle ici que des tons purs.
Et ceci n’est pas un obstacle : il est plus aisé avec cette langue de parler philosophie que préséances et chiffons. […] Et je ne parle pas seulement de la littérature secrète, des livres extraordinaires que lit Mme d’Andlau, gouvernante des enfants de France et qui s’égarent aux mains des filles de Louis XV460, ni d’autres livres plus singuliers encore461 où le raisonnement philosophique apparaît comme un intermède entre des ordures et des gravelures, et que des dames de la cour ont sur leur toilette avec ce titre : Heures de Paris. […] Il semble qu’il parle toujours devant un petit cercle choisi de gens très fins et de façon à leur donner à chaque instant l’occasion de sentir leur finesse. […] Un pareil cercle est étroit et ne comprend qu’une élite ; pour être entendu de la foule, il faut parler d’un autre ton. […] Avec des réussites moindres, et par des combinaisons de toute sorte, les éléments qui ont formé les talents principaux forment aussi les talents secondaires : au-dessous de Rousseau, les écrivains éloquents et sensibles, Bernardin de Saint-Pierre, Raynal, Thomas, Marmontel, Mably, Florian, Dupaty, Mercier, Mme de Staël ; au-dessous de Voltaire, les gens d’esprit vif et piquant, Duclos, Piron, Galiani, le président de Brosses, Rivarol, Chamfort, et, à parler exactement, tout le monde.
“Pardonnez-moi”, dit-elle au bourreau du son de voix dont elle eût parlé à un de ses courtisans. […] Quand la Providence veut parler aux hommes avec la rude éloquence des vicissitudes royales, elle dit en un signe plus que Sénèque ou Bossuet dans d’éloquents discours, et elle écrit un vil chiffre sur le registre d’un fossoyeur. » Que peut-on accuser dans ce jugement ? […] Le curé de Bessancourt n’en parlait qu’avec dédain. […] L’abbé Lambert, dont j’ai parlé en répondant à M. de Cassagnac, homme délicat et sensible, souffrait intérieurement de la maladresse de son confrère, de la grossièreté des soldats, de l’humiliation du condamné. […] Il parlait tout haut et frappait du pied les dalles, des mains les murs de son cachot. » Lamartine.
Je l’emmenais toujours avec moi dans la forêt, mais pour rien au monde il n’y serait allé seul, et toutes les fois qu’il entendait un de ces bruits étranges dont j’ai parlé, il tremblait de peur. […] La cloche sonne, le prêtre s’agenouille, le matelot se découvre, toutes les figures se rassérènent, toutes les conversations se taisent : c’est à l’invisible Infini qu’on va parler. […] Sa première église a parlé, prié, chanté dans ces plaines et sur ces sommets consacrés. […] Leur murmure fait faire silence et parle d’éternité. […] Ce principe, ce demi-dieu créateur de nos pensées et de nos actes, dont mon corps est le temple, dont ma conscience est le sanctuaire, je ne l’aperçois pas seulement en conclusion logique, je le sens en moi de si près et dans une intimité si absolue avec moi-même, que je le reconnais pour être ce moi lui-même qui sent, qui comprend, qui veut et qui parle en ce moment.
LXXIII Les étrangers se parlèrent longtemps à voix basse entre eux, et me demandèrent ceci et cela sur notre famille. […] LXXIV Je n’y pensais plus deux jours après, et je n’en parlais déjà plus à la maison, quand le jeune capitaine des sbires redescendit avec ses amis de l’Ermitage. […] Nous nous couchâmes sans nous parler, de peur que le son de la voix de l’un ne fît pleurer l’autre, mais nous ne dormîmes pas, bien que nous en fissions le semblant. […] Le papier est le papier ; il ne parle pas pour s’expliquer ; d’ailleurs, il aurait beau s’expliquer, le mal est fait ; il ne ferait pas reverdir en une parole des pampres de trois cents ans. […] Voilà ce que l’on disait dans les montagnes du père Hilario ; mais lui, il n’en disait jamais un mot dans ses entretiens avec nous ; on eût dit que san Francisco lui avait ôté la mémoire de ses amours ou qu’il lui avait mis le doigt du silence sur les lèvres ; il ne parlait jamais que de nous, des anciens de la cabane qu’il avait connus, des mariages, des naissances, des morts de la famille, de l’abondance ou de la rareté des châtaignes, du prix de l’huile pour les lampes du sanctuaire, et quelquefois des révolutions qui se passaient là-bas dans les plaines, à Florence, à Sienne, à Rome ou à Lucques.
Depuis la chasse du castor, où le Sachem aveugle raconta ses aventures à René, celui-ci n’avait jamais voulu parler des siennes. […] « Le jeune homme et le missionnaire admirèrent quelque temps cette belle scène, en plaignant le Sachem qui ne pouvait plus en jouir ; ensuite le père Souël et Chactas s’assirent sur le gazon, au pied de l’arbre ; René prit sa place au milieu d’eux, et, après un moment de silence, il parla de la sorte à ses vieux amis. […] « En arrivant à B..., je me fis conduire au couvent, je demandai à parler à ma sœur. […] une sœur craindre de parler à un frère, et un frère craindre de faire entendre sa voix à une sœur ! […] Le Sachem aveugle se prit à sourire ; et ce sourire de la bouche, qui ne se mariait plus à celui des yeux, avait quelque chose de mystérieux et de céleste. « Mon fils, dit le vieil amant d’Atala, il nous parle sévèrement ; il corrige et le vieillard et le jeune homme, et il a raison.
En philosophie, il nous faut prendre Cousin, et laisser Maine de Biran ; surtout il nous faut écarter la plus puissante et, en tout cas, la plus féconde pensée philosophique de ce demi-siècle : je parle d’Auguste Comte ; et quelque fâcheux sort a voulu que l’école positiviste ne fournît aucun écrivain. […] Il parle et il écrit une langue lâchée, négligée, toute pleine d’à-peu-près, molle et prolixe surtout, qui délaye la pensée et ne la serre jamais. […] Il aborda toutes les questions politiques, sociales, philosophiques qui passionnaient les esprits, il parla de la démocratie, des nationalités, de la Pologne, de tous les sujets brûlants. […] Lacordaire ressuscita aussi l’oraison funèbre, si avilie au xviiie siècle : il sut encore la réchauffer par l’actualité, unir, pour parler d’O’Connell ou du général Drouot, le sentiment national ou patriotique à la ferveur catholique. […] Je parle ici de cette œuvre, pour n’en point parler ailleurs.
Oui, on le dirait, ces âmes polaires parlent vraiment à nos âmes ; elles y entrent très avant, elles les remuent, par moments, jusqu’au tréfonds. […] I Il est de mon devoir de vous prévenir que, si je vous parle de Georges Eliot et de George Sand (comme je vous parlerai tout à l’heure de quelques autres), c’est sur des lectures forcément un peu lointaines et sur les images simplifiées qui, d’elles-mêmes, à la suite de ces lectures, se sont déposées en moi. […] Or, tout ce que je viens de dire (je ne parle que des idées, puisque c’est de ses idées plus encore que de sa forme que l’on fait honneur à Ibsen), n’est-ce pas précisément la substance des premiers romans de George Sand ? […] Déjà on nous a parlé des conflits de la morale religieuse ou civile avec l’autre, la grande, celle qui n’est pas inscrite sur des Tables ; et déjà, chez nous, on a opposé les droits de l’individu à ceux de la société ; et l’on a cherché le néo-christianisme, le vrai, le seul, la religion en esprit. […] Je laisse les maladifs Goncourt, chez qui la sensation littéraire semble déjà, elle-même, une souffrance, et qui, ne fussent-ils pas torturés comme hommes, le seraient déjà comme artistes ; je n’alléguerai pas le calvaire de leur Germinie, à la fois héroïque et infâme, qui, parmi les hontes et la folie de son corps, garde un si grand coeur et, dans ses « ténèbres », pour parler comme Tolstoï, la pure flamme d’un absolu dévouement.
Nous parlons à quelques égards la même langue, je peux au besoin causer avec eux ; cela m’est radicalement impossible avec un bourgeois vulgaire : nous ne sommes pas de la même espèce. […] C’est se suicider que d’écrire des phrases comme celle-ci : « L’homme est destiné à vivre sans religion : une foule de symptômes démontrent que la société, par un travail intérieur, tend incessamment à se dépouiller de cette enveloppe désormais inutile. » Que si vous pratiquez le culte du beau et du vrai, si la sainteté de la morale parle à votre cœur, si toute beauté, toute vérité, toute bonté vous reporte au foyer de la vie sainte, à l’esprit, que si, arrivé là, vous renoncez à la parole, vous enveloppez votre tête, vous confondez à dessein votre pensée et votre langage pour ne rien dire de limité en face de l’infini, comment osez-vous parler d’athéisme ? […] Nous avons donc droit de parler de religion, puisque nous avons l’analogue, sinon la chose même, puisque le besoin qui autrefois était satisfait par les religions positives l’est chez nous par quelque chose d’équivalent, qui peut à bon droit s’appeler du même nom. […] On a beaucoup parlé depuis quelques années de retour religieux, et je reconnais volontiers que ce retour s’est généralement traduit sous forme de retour au catholicisme. […] Depuis qu’il a vu Dieu, sa langue est embarrassée ; il ne sait plus parler des choses terrestres.
Garnier racontait ses souvenirs, parlait de M. […] Dans cette voie pleine d’imprévu et, si l’on veut, de périls, Saint-Sulpice n’a été représenté que par un seul homme, mais cet homme fut certainement le sujet le plus remarquable que le clergé français ait produit de nos jours : je veux parler de M. […] Je parlais extrêmement peu. […] Ils parlent deux langues inintelligibles, si la grâce de Dieu n’intervient entre eux comme interprète. […] Le côté scientifique lui échappa tout à fait ; quand je lui parlai de critique allemande, il fut surpris.
et l’impérieuse et mélancolique parole qui commande l’action, parle. […] paroles, parlez, toutes, en la précursion du Seigneur qui vient ! […] Dans les seuls Maîtres Chanteurs, en éliminant les passages où la situation même exige le chant proprement dit, sur 4162 mesures pendant lesquelles on doit parler, la proportion des mesures où le langage est simplement noté selon la musique propre à la langue allemande n’est pas moindre de 96 %. […] On trouve ici un des rares articles de la Revue qui parle du fonctionnement musical de l’œuvre. […] Le terme ne vient pas de Wagner lui-même qui parlait de motif fondamental ou de thème fondamental, de motif principal ou de motif thématique, de moment mélodique ou de motif de pressentiment.
Les légendes indiennes parlent d’un hymne incendiaire, composé par la déesse Parbutea, une Érynnie brahmanique, qui réduisait en cendres ceux qui osaient le chanter, fussent-ils plongés jusqu’aux épaules dans les eaux d’un fleuve. […] Moins irritable que le dieu passionné de Delphes, la sage Déesse s’informe avant de sévir. — « C’est à tous que je parle, à cet étranger assis au pied de ma statue, et à vous qui ne ressemblez a personne, que les dieux n’ont jamais vues parmi les déesses, et qui n’avez point de figure humaine. […] Que Pallas décide et prononce, elles s’en remettent à son jugement. — Oreste parle à son tour, il a expié, il s’est purifié, l’eau lustrale a lavé son crime. […] » — Oreste se trouble, il appelle le dieu à son aide, qu’Apollon parle pour lui. […] La souillure mortelle aura tout détruit. » Pallas entreprend de les apaiser, et la « Persuasion aux douces lèvres » parle par sa voix.
Il n’aimait pas à parler en public. […] Parler d’harmonie d’efforts où il n’y a point d’effort fait, c’est un peu inutile. […] Ne parlez pas de morale à Fourier. […] Lorsque Dieu a parlé dans le temps, il a parlé la langue de l’homme et du temps. […] Car tout à l’heure il côtoyait l’hérésie ; voici qu’il va parler, discrètement et obscurément, comme toujours, mais voici qu’il va parler, en fondateur de religion.
Quinze ans plus tard (1576), exposant encore les demandes diverses des huguenots et de plusieurs catholiques confédérés, il se complaira à développer celles du vicomte de Ventadour, « tout à fait généreuses, dit-il, et qui n’avaient pour but que le bien public dont tous les autres ne parlaient point. […] Ainsi, dans l’un des premiers pamphlets attribués à Mézeray29, je vois l’auteur parler de la France et des Français, et « de la longue durée de plus de treize siècles, et de l’expérience qui devrait être acquise par tant de guerres civiles et étrangères, et des périls de totale ruine si souvent encourus par le changement des races royales », tout comme nous ferions aujourd’hui. […] On raconte que l’aimable fils de Colbert, M. de Seignelay, pour lors âgé de seize ans, et qui étudiait en philosophie au collège de Clermont, ayant lu le livre, en parla à son père, et lui parut singulièrement instruit, d’après cette lecture, de l’origine des impôts et revenus du roi, de la taille, gabelle, paulette, etc., et même de leurs abus et inconvénients, que Mézeray était plus porté à exagérer qu’à diminuer. […] L’Histoire de France de Mézeray (je parle toujours de la grande Histoire et non de l’Abrégé), depuis le règne de François II notamment jusqu’à la paix de Vervins (1559-1598), est une lecture des plus fertiles et des plus nourrissantes pour l’esprit ; on y apprend chemin faisant mille choses de l’ancienne France, de l’ancien monde, que les meilleures histoires modernes ne sauraient suppléer.
Le début, à parler vrai, ne nous agrée plus guère ; ce mélange de vers et de prose, ces enfilades de rimes redoublées pouvaient sembler neuves alors ; aujourd’hui, c’est usé, et quand on lit au xviiie siècle les lettres de Voltaire, par exemple, on est souvent étonné que cette même plume qui vient de dire très gentiment les choses en prose se mette tout d’un coup à les redire moins bien en assez mauvaises rimes. […] À leurs petites mignardises, leur parler gras et leurs discours extraordinaires, nous crûmes (vîmes ?) […] Ce sont toujours les précieuses de Montpellier qui sont censées parler au rebours du bon sens et du goût : « Dans l’Alaric et dans le Moïse, on ne loua que le jugement et la conduite ; et dans la Pucelle rien du tout. » Ici il y a une politesse et une faiblesse pour Chapelain, ami des auteurs, ancien ami surtout de M. […] Tel je me représente Chapelle, qu’on ne mettrait pas à son rang si l’on voulait le classer d’après ses vers. » — Le spirituel critique parle là de Chapelle comme il ferait d’un M. de Tréville, d’un M.
De même que M. d’Estrades, à l’époque de la conquête de Louis XIV, savait cette particularité si essentielle, ce secret des écluses dont la clef était à Muyden (mais il ne fut pas interrogé à temps), de même un homme dont on ne doit parler qu’avec bien de l’estime, le Père Griffet, continuateur du Père Daniel pour l’Histoire de France, l’excellent historien de Louis XIII, celui qui, sans l’exil qui le frappa avec tous les jésuites, allait nous donner un règne de Louis XIV de première main, le Père Griffet avait connu ces sources, y avait puisé et en avait tiré huit volumes de lettres qui sont imprimés (1760-1764) ; mais ces huit volumes, trop peu consultés eux-mêmes, sont peu de chose eu égard à l’immensité du dépôt. […] Les historiens s’étaient donc contentés jusqu’à présent de parler de Louvois d’une manière assez générale, rendant plus ou moins de justice à son administration, mais insistant avant tout sur les vices et les défauts de son caractère. […] Il faut prendre parti, Monsieur, ou se déclarer courtisan, ou s’acquitter de son devoir quand on est officier. » Ainsi parlait Louvois à Messieurs les gens de qualité qui étaient en faute pour le service. — Louvois, mort, n’eut point les honneurs de l’oraison funèbre, comme tant d’autres (à commencer par son père, Michel Le Tellier), qui ne valaient certes pas mieux que lui par le caractère, et qui ne l’égalaient pas en génie. […] On sent à quel point Vauban, comme tous les vrais artistes, a en lui la fibre de l’honneur ; je parle présentement de l’honneur du métier.
nous venons d’entendre le secrétaire de Montaigne ; que dit de son maître, au contraire, le Joseph de Chateaubriand, celui même dont il est parlé dans l’Itinéraire : « Dès qu’il est arrivé dans un lieu, il n’a rien de plus pressé que d’en repartir ? […] Et ceux qui parlaient ainsi, Montaigne nous le fait remarquer, étaient « personnes de grande autorité et cardinalables » c’est-à-dire du bois dont on fait les cardinaux. […] Vous me parlez de Montaigne ; eh bien ! j’en prends occasion pour revenir parler de lui à mon tour, pour l’écouter et le suivre là où il est le plus à l’abandon et où il va le plus à l’aventure.
laissons Saint Simon parler et peindre : « De l’esprit, dit-il, dans son admirable et brûlant croquis de La Feuillade, une grande valeur, une plus grande audace, une pointe de folie gouvernée toutefois par l’ambition, et la probité et son contraire fort à la main, avec une flatterie et une bassesse insignes pour le roi, firent sa fortune et le rendirent un personnage à la Cour, craint des ministres et surtout aux couteaux continuels avec M. de Louvois. ». […] C’est au sein du respect même, pour ainsi parler, que plus tard notre critique, si elle a lieu, s’exercera. […] Cela joint à la porte par où il a plu à Sa Majesté de me faire voir que j’en sortirai, me fait souffrir ma détention avec une bien facile patience. » La porte dont il parle était son brevet de maréchal de camp, déjà signé depuis quelques jours, et ce gouvernement d’importance. […] Les provisions ou états de service de Catinat, dressés lorsqu’il fut nommé maréchal de France, ne parlent pas de Senef.
Quand, du haut de sa studieuse pauvreté, il parle si fièrement des gens qui n’ont pas le moyen d’être nobles ; quand, drapé dans son indépendance roturière, il s’amuse avec une si fière ironie des Geoffroy de La Bruyère que tout autre que lui tâcherait de se donner pour ancêtres, ne trouve-t-on pas sous ce qu’il dit quelque chose de cette démocratie ligueuse, qui éclatait si effrontément bruyante dans les sermons des curés Lincestre et Boucher ? […] Fournier en ceci a remarqué avec plus de justesse que La Bruyère attendit, pour mal parler des gens de finance et d’argent, jusqu’au moment où, ayant vendu sa charge, il était redevenu libre. […] Fournier part de là pour faire le procès à Valincour et pour dire : « Il faut se souvenir que l’académicien qui va parler était d’un genre d’esprit assez semblable à celui de Boileau, son ami, et, par conséquent, très-différent de celui de La Bruyère ; haut guindé sur le savoir-vivre, volontiers pédant, grand liseur des auteurs anciens, se plaisant à le faire voir… ; grand citateur, ainsi que sa lettre va du reste nous le prouver… » Raisonner ainsi, c’est tordre beaucoup trop un témoignage curieux et qu’il suffit de prendre pour ce qu’il est. […] Et il a ce singulier bonheur encore que, quand le xviiie siècle est passé et qu’on en parle comme d’une ancienne mode, quand le xviie siècle lui-même est exposé de toutes parts aux attaques, aux irrévérences et aux incrédulités des écoles nouvelles, lui, La Bruyère, comme par miracle, y est seul respecté ; seul, tout entier debout, on l’épargne, que dis-je ?
Le comte de Clermont était le frère cadet de M. le Duc, qui fut quelque temps premier ministre ; du comte de Charolais, si connu par ses férocités et ses frénésies ; il était le frère aîné de ces trois sœurs mondaines, à l’allure libre et au parler franc, Mademoiselle de Charolais, Mademoiselle de Clermont, Mademoiselle de Sens, desquelles il aurait fallu ne rien savoir pour en faire des héroïnes de roman sentimental, comme l’essaya un jour Mme de Genlis pour Mademoiselle de Clermont30. […] La Cour, la ville, tout Paris en parla, et Louis XV en fit un couplet satirique contre son cousin. […] Son récit est naturel, sans forfanterie : il réserve son admiration pour ces ouvriers du corps d’artillerie dont aucun rapport officiel ne parle et que les brillants aides de camp rougiraient de nommer. […] J’entendis toute cette dispute, et le pauvre prince fut comme un écolier qui laisse toujours parler son gouverneur. » Le grief contre Lœwendal, on le sent, était qu’il n’était pas Français, et on le lui faisait à tout moment sentir.
Ce salon n’a guère eu d’influence, sans doute, qu’une influence passagère, immédiate, et celle-là, il l’a eue incontestable par M. de Chateaubriand, qui en était comme le représentant politique ; mais il a peu agi et laissé peu de traces pour ce qui a suivi, bien moins, par exemple, que les salons doctrinaires dont nous parlions, et qui étaient un centre de prédication et une école. […] C’étaient, sans parler de tous les personnages purement aristocratiques et diplomatiques, sans parler de M. de Chateaubriand qui s’y montrait peu les soirs, c’étaient MM. de Humboldt, Cuvier, Abel Rémusat, Molé, de Montmorency, de Villèle, de Barante ; c’était M. […] De la lecture rapide qu’il m’a été donné de faire de l’un de ces ouvrages (Olivier), j’avais pris en note quelques pensées, notamment celles-ci : « Il y a des êtres dont on se sent séparé comme par ces murs de cristal dépeints dans les contes de fées : on se voit, on se parle, on s’approche, mais on ne peut se toucher. » « Il en est des maladies de l’âme comme de celles du corps : celles qui tuent le plus sûrement sont celles qu’on porte avec soi dans le monde ; il y a des désespoirs chroniques (si on osait le dire) qui ressemblent aux maux qu’on appelle ainsi : ils rongent, ils dévorent, ils détruisent, mais ils n’alitent pas. » « Le désaccord dans les mouvements du cœur irrite comme le désaccord en musique, mais fait bien plus de mal.
La mère ne parla point en particulier à sa fille. […] Un soir qu’on avait plus longuement causé de guérison et d’espérance, qu’on avait projeté pour Christel des promenades à cheval au printemps, qu’on s’était promis de se diriger sur les domaines d’Hervé, vers un bois surtout de hêtres séculaires qu’avaient habité les fées de son enfance, et dont il aimait à vanter la royale beauté, il crut le moment propice, et, après quelques mots sur sa mère, à laquelle il avait parlé, disait-il, de cette visite désirée : « Il est temps, ajouta-t-il d’un ton marqué, qu’elle connaisse celle qui lui vient. » Christel tressaillit et l’arrêta ; ce fut un simple geste, un signe de tête accompagné d’un coup d’œil au ciel, le tout si résigné, si reconnaissant, si négatif à la fois, avec un sourire si pâli, et dans un sentiment si profond et si manifeste du néant de pareils projets à l’égard d’une malade comme elle, que la mère navrée ne put qu’échanger avec Hervé un lent regard noyé de larmes. […] Hervé se disait qu’il fallait croire, ses discours aussi le disaient, et depuis deux heures, aux rayons du soleil baissant, on parlait de l’avenir. […] Vous prendrez garde à toutes ces haines de là-bas, et vous tâcherez surtout de concilier ici. » Et la famille, et les enfants, elle venait aussi en parler, et embellissait par eux les devoirs : « Ils auront es mêmes fées que vous sous vos mêmes ombrages. » Hervé n’essayait plus de comprendre, il nageait dans une sainte joie ; le jour tombant et de si franches paroles l’enhardissaient ; il exprima nettement ce désir prochain d’union, et cette fois, soit qu’elle fût trop faible, après tant d’efforts, ou trop attendrie, elle le laissa s’expliquer jusqu’au bout sans l’interrompre.
Il émane de leurs écrits comme un parfum qui prévient et s’insinue ; la physionomie de l’homme parle d’abord pour l’auteur ; il semble que le regard et le sourire s’en mêlent, et, en les approchant, le cœur se met de la partie sans demander un compte bien exact à la raison. […] Mais je parle des Lettres spirituelles proprement dites, et je ne crains pas que ceux qui en auront lu un bon nombre me démentent. […] Horace, en effet, revient à chaque ligne dans ces lettres, et c’est lui qui parle aussi souvent que Fénelon. […] Et c’est Fénelon, le traducteur, le continuateur de l’Odyssée, le père du Télémaque, qui parle ainsi !
Nous ne craindrons pas de venir parler, après tant d’autres, d’un écrivain aimable, populaire, cher à l’adolescence et à l’enfance, et dont le nom ne s’offre plus guère ensuite à nous que pour faire sourire d’un sourire de demi-dédain notre maturité. […] Une autre année, à un autre anniversaire, si nous y sommes encore, nous parlerons de cet autre ami de la famille, de l’auteur des Contes de fées, je veux dire de Perrault. […] Quelques biographes ont fait, des promenades du jeune Florian avec son grand-père, un tableau sentimental, une idylle ; Florian, dans ses Mémoires, en parle beaucoup plus légèrement. […] Je ne veux pas vous mentir ; il est vrai, je viens de parler à M.
Elle y consentit et en donnait assez naïvement la raison : « J’ai mieux aimé l’épouser qu’un couvent. » Elle n’a jamais parlé de ce « pauvre estropié » qu’avec convenance, estime, comme d’un homme qui avait de la probité et une bonté d’esprit peu connue de ceux qui ne le prenaient que par son enjouement. […] Nous n’avons qu’une partie de son esprit dans ses lettres, le goût, le bon ton, la raison parfaite et le tour parfois piquant ; mais ce qui animait la société, cet enjouement qu’elle mêlait discrètement à ses récits, à ses histoires, ce qui pétillait de brillant et de fin sur son visage quand elle parlait d’action, comme dit Choisy, tout cela a disparu et ne s’est point noté. […] Vieille et au comble des honneurs, elle parlait de ces années de jeunesse et de pauvreté comme des plus heureuses de sa vie : Tout le temps de ma jeunesse a été fort agréable, disait-elle à ses filles de Saint-Cyr : je n’avais nulle ambition, ni aucune de ces passions qui auraient pu troubler le penchant que j’avais à ce fantôme de bonheur (le bonheur mondain). […] Quand les dames de Saint-Cyr la pressaient dans sa retraite dernière d’écrire sa vie, elle s’en défendait, en disant que ce serait une histoire uniquement remplie de traits merveilleux tout intérieurs : « Il n’y a que les saints qui pourraient y prendre plaisir. » Et elle croyait parler humblement en s’exprimant ainsi.
Et il y a mieux : quand on lit les Mémoires de Richelieu, on s’aperçoit à tout moment qu’au milieu des choses les plus éloignées et les plus anciennes qu’il raconte, il parle tout à coup au temps présent ; il est à croire que, de très bonne heure, il avait pris des notes sur les choses et sur les événements, et ces notes, tantôt vives, tantôt un peu longues, passèrent ensuite à peu près intégralement dans le corps de son ouvrage. […] Richelieu serait fort d’avis que la reine, pour déjouer ces intrigues, allât droit à la Cour, qu’elle fît parler la nature dans le cœur du roi, et mît hardiment au néant la malveillance. […] Il s’amusait à sceller, à faire l’office de garde des Sceaux, pendant que les autres étaient aux mains ; bon garde des Sceaux en temps de guerre, disait-on, et bon connétable en temps de paix : « Au fort de ses lâchetés, s’écrie Richelieu, il ne laissait pas de parler comme s’il était percé de plaies, tout couvert du sang des ennemis… » Au fort de ses lâchetés est une de ces expressions involontaires qui qualifient un grand et généreux écrivain. […] — Richelieu aime et préfère les honnêtes gens : en quels termes mémorables n’a-t-il point parlé dans ses Mémoires de la gravité héroïque d’Achille de Harlay, de la prud’homie du président Jeannin !
Aussi, « à parler rigoureusement, la douleur ne se rattache à aucun lieu, et la localisation ne concerne que la perception. » Ajoutons qu’à la perception se mêlent des souvenirs, des idées, des images qui, pour leur part, contribuent à diversifier les émotions. […] Parler ainsi, c’est se réfuter soi-même, car c’est à peine si nous pouvons trouver entre les deux douleurs une commune mesure. […] Le mot de sensibilité est sans doute ici excessif, mais, comme dit Leibniz, il faut quelquefois parler abusivement pour parler fortement.
Je ne parle point des Misérables de Victor Hugo, qui sont des Pauvres à qui on a fait des têtes, — pour me servir d’une expression du métier dramatique, — des Pauvres arrangés dans l’intérêt d’un parti, des Communards d’avant l’heure. […] Moralement, puisqu’on est assez inconséquent pour nous parler de morale à propos d’un livre de poésies dans un temps d’immoralité littéraire comme il n’en a, certes ! […] Quant à moi, je me tiendrai à quatre pour être juste en parlant de ce livre, qui, par le bruit qu’il fait, force à parler ceux qui voudraient se taire. […] L’homme allait parler… La femme, qui se retrouve toujours quand elle veut le plus cesser d’être, se retrouvait dans les vers inouïs de madame Ackermann.
Ce Vénitien, issu de sang espagnol, qui compte dans sa généalogie force bâtards, religieuses enlevées, poètes latins satiriques, compagnons de Christophe Colomb, secrétaires de cardinaux, et une mère comédienne ; ce jeune abbé, qui débute fraîchement comme Faublas et Chérubin, mais qui bientôt sent l’humeur croisée de Lazarille et de Pantalon bouillonner dans sa veine, qui tente tous les métiers et parle toutes les langues comme Panurge ; dont la vie ressemble à une comédie mi-partie burlesque et mi-partie amoureuse, à un carnaval de son pays qu’interrompt une atroce captivité ; qui va un jour visiter M. de Bonneval à Constantinople, et vient à Paris connaître en passant Voisenon, Fontenelle, Carlin, et être l’écolier du vieux Crébillon ; ce coureur, échappé des Plombs, mort bibliothécaire en un vieux château de Bohême, y a écrit, vers 1797, à l’âge de soixante et douze ans, ses Mémoires en français, et dans le meilleur et le plus facile, dans un français qu’on dirait naturellement contemporain de celui de Bussy. […] à ceux qui entendent raillerie de la sorte, qui l’entendent comme Huet, comme Christine, comme Saumaise, Ménage et Lamonnoie, nous croyons pouvoir, sans rien compromettre, parler des Mémoires de Casanova ; nous ajouterons pourtant, de peur que l’anecdote citée tout à l’heure ne fasse équivoque, que mesdemoiselles de Sparre ne doivent en lire aucun passage ni haut ni bas. […] Je ne réponds pas ici de la rigoureuse exactitude philosophique de cette manière de voir et de dire ; je ne parlais là qu’en littérateur et d’après l’opinion spécieuse généralement reçue (Note des Portraits contemporains, tome II, page 509).