/ 1941
566. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Les legs de l’exposition philosophie de la danse »

Un corps de femme qui semble ainsi presque affranchi des lois ordinaires de la pesanteur n’apparaît plus comme un instrument de volupté.

567. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXIV » pp. 394-401

Une lettre de madame de Sévigné, du 6 novembre, raconte avec sa grâce ordinaire comment le roi, sous le nom d’un certain Langlée, espèce d’aventurier qui tenait un jeu à la cour, lui donna la plus belle robe dont on eut jamais eu l’idée : « M. de Langlée a donné à madame de Montespan une robe d’or sur or, rebrodé d’or, rebordé d’or, et par-dessus un or frisé, rebroché d’un or mêlé avec un certain or qui fait la plus divine étoffe qui ait jamais été imaginée : ce sont les fées qui ont fait cet ouvrage en secret.

568. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Examen du clair-obscur » pp. 34-38

Celui d’un voyageur ordinaire l’est aussi, mais d’un possible si commun que l’emploi n’en a rien que de naturel.

569. (1767) Salon de 1767 « Peintures — [autres peintres] » pp. 317-320

Son talent n’est pas ordinaire pour une femme et pour une femme qui s’est faite toute seule.

570. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Contes — I. Takisé, Le taureau de la vieille »

Celle-ci, déchue de son rang, n’eut plus que la situation des femmes ordinaires, de celles qui ne doivent jamais se tenir, sans ordre exprès, au côté de leur mari.

571. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Renan — II »

A ces hautes préparations il avait donné toute l’énergie de sa jeunesse, sans rien en dissiper aux frivolités ordinaires.‌

572. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre V. La philosophie. Stuart Mill. »

. —  Théorie ordinaire. […] Théorie des axiomes. —  Théorie ordinaire. […] Nous quittons le phénomène, nous nous reportons à côté de lui, nous en étudions d’autres plus simples, nous établissons leurs lois, et nous lions chacun d’eux à sa cause par les procédés de l’induction ordinaire ; puis, supposant le concours de deux ou plusieurs de ces causes, nous concluons d’après leurs lois connues quel devra être leur effet total. […] Ce n’est point là l’affirmation d’une qualité ordinaire, car elle vous révèle la qualité qui est la source du reste. […] Le syllogisme ne va pas du particulier au particulier, comme dit Mill, ni du général au particulier, comme disent les logiciens ordinaires, mais de l’abstrait au concret, c’est-à-dire de la cause à l’effet.

573. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — P.-S. » pp. 38-40

Voici leur commune division : La crainte de la méprise dans la vocation et la nécessité d’y consulter Dieu et ses ministres pour l’éviter, premier point : et le second fut le danger de la méprise, laquelle est si ordinaire.

574. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXIV » pp. 247-253

Les vrais talents s’y risquent peu d’ordinaire ; ils y préludaient volontiers autrefois.

575. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre VII. De la propriété des termes. — Répétition des mots. — Synonymes. — Du langage noble »

Il y a encore des mots nobles et grands ; il y en a de familiers, de bas, de dégradés : leur sens, leurs affinités, leur usage ordinaire mettent des différences entre eux, et il y en a toujours devant lesquels hésiteront les gens et les écrivains de bonne compagnie.

576. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre IX. Précision, brièveté, netteté »

Mais ce n’est pas l’excès où les écoliers versent d’ordinaire, et il faut les garder plutôt de la diffusion et des longueurs.

577. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les Zutistes » pp. 19-27

Le programme ordinaire se corsait parfois d’intermèdes imprévus.

578. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXVI. Jésus au tombeau. »

Les soldats exécutèrent cette consigne en appliquant aux deux voleurs un second supplice, bien plus prompt que celui de la croix, le crurifragium, brisement des jambes 1196, supplice ordinaire des esclaves et des prisonniers de guerre.

579. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre VIII » pp. 70-76

La pureté du goût est une qualité de l’esprit ; c’est un tact qui peut, bien que difficilement, s’acquérir par l’affinage de l’intelligence : au lieu que la pureté des mœurs est le résultat d’habitudes sages, dans lesquelles tous les intérêts de l’âme sont entrés et se sont mis d’accord avec les progrès de l’intelligence, C’est pourquoi l’accord du bon goût et des bonnes mœurs est plus ordinaire que l’existence du goût sans mœurs, ou des mœurs sans goût.

580. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préfaces des « Odes et Ballades » (1822-1853) — Préface de 1826 »

Un homme ordinaire pourra toujours faire un ouvrage régulier ; il n’y a que les grands esprits qui sachent ordonner une composition.

581. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 17, quand ont fini les représentations somptueuses des anciens. De l’excellence de leurs chants » pp. 296-308

Par une révolution ordinaire dans le monde, la scéne si somptueuse dans le douziéme siecle de la fondation de Rome, sera redevenuë dans le treiziéme siecle de cette ère, aussi simple qu’elle l’étoit au commencement de son cinquiéme siecle.

582. (1900) Quarante ans de théâtre. [II]. Molière et la comédie classique pp. 3-392

Il a accrédité les unes, qui ont dû précisément à la moquerie qu’il en faisait de s’insinuer dans la conversation ordinaire ; les autres ont passé à l’état d’antiquailles. […] Ce sont les maîtres de la scène ; il ne s’agit pas de leur donner le ton simple et bon enfant de coquins ordinaires. […] Ce n’est pas du ton simple de la narration ordinaire qu’il faut débiter une période que Molière a faite et a voulu si retentissante. […] Et au dernier acte, quand la passion l’emporte, et qu’il s’humilie, croyez-vous qu’il le fasse comme un amoureux ordinaire ? […] les comédiens ordinaires de la République exécutent la scène comme s’ils officiaient à la messe.

583. (1890) Le réalisme et le naturalisme dans la littérature et dans l’art pp. -399

Les ravages ordinaires de l’âge ne sont pas plus dissimulés. […] Elle passe d’ordinaire par les mêmes vicissitudes que le costume et la décoration. […] un cas assez ordinaire, surtout dans leurs romans et dans leurs drames. […] Les fièvres avec leurs périodes ajoutent à l’intérêt ordinaire de toute maladie, l’intérêt dramatique de leurs soubresauts. […] Il se calma. » L’impressionnabilité nerveuse est plus grande encore chez les hommes ordinaires.

584. (1922) Gustave Flaubert

Il y éprouve l’aventure ordinaire aux enfants de son espèce, la brimade spontanée du groupe contre l’individu. […] La Muse eût préféré qu’on lui écrivit les choses qu’on écrit d’ordinaire aux femmes, et elle se refusait à exclure son sexe de sa littérature. […] Tostes, c’est la petite ville, Yonville c’est aussi la petite ville, mais c’est également Yonville, Tostes se fondait dans la petite ville, mais maintenant la petite ville s’absorbe dans la réalité d’Yonville et devient cette réalité : transsubstantiation ordinaire de l’art. […] Ce n’est pas comme dans la vie ordinaire où ils finissent par vous rendre féroces. » Évidemment, Flaubert n’a pas peint Homais avec férocité. Son imbécile de la vie ordinaire est vu à travers le voile de l’art, comme les premiers étaient vus à travers le mouvement du voyage.

585. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre I. La Renaissance païenne. » pp. 239-403

Qu’est-ce qu’un lever de soleil pour un homme ordinaire ? […] Involontairement il ôte aux objets leur figure ordinaire. […] Il retire l’épopée du terrain ordinaire, celui où, sous la main d’Homère et de Dante, elle exprime des croyances effectives et peint des héros nationaux. […] Car, si les esprits ordinaires reçoivent de l’allégorie un poids qui les opprime, les grandes imaginations reçoivent de l’allégorie des ailes qui les emportent. Dégagées par elle des conditions ordinaires de la vie, elles peuvent tout oser, en dehors de l’imitation, par-delà la vraisemblance, sans autre guide que leur force native et leurs instincts obscurs.

586. (1842) Discours sur l’esprit positif

Toutefois, c’est surtout par les doctrines que l’incompatibilité des deux philosophies doit éclater chez la plupart des intelligences, trop peu touchées d’ordinaire des simples dissidences de méthode, quoique celles-ci soient au fond les plus graves, comme étant la source nécessaire de toutes les autres. […] En accomplissant ainsi le grand office social que le catholicisme n’exerce plus, ce nouveau pouvoir moral utilisera soigneusement l’heureuse aptitude de la philosophie correspondante à s’incorporer spontanément la sagesse de tous les divers régimes antérieurs, suivant la tendance ordinaire de l’esprit positif envers un sujet quelconque. […] Ses formules ordinaires ne font que traduire naïvement son esprit fondamental ; pour chacun de ses adeptes, la pensée dominante est constamment celle du moi : toutes les autres existences quelconques, même humaines, sont confusément enveloppées dans une seule conception négative, et leur vague ensemble constitue le non moi ; la notion du nous n’y saurait trouver aucune place directe et distincte. […] Sans revenir ici sur une critique malheureusement trop facile, assez accomplie depuis longtemps, et que l’expérience journalière confirme de plus en plus aux yeux de la plupart des hommes sensés, il serait difficile de concevoir maintenant une préparation plus irrationnelle, et au fond, plus dangereuse, à la conduite ordinaire de la vie réelle, soit active, soit même spéculative, que celle qui résulte de cette vaine instruction, d’abord de mots, puis d’entités, où se perdent encore tant de précieuses années de jeunesse. […] Quoique cette audacieuse mesure, si mal jugée d’ordinaire, fût alors prématurée, parce que ces graves inconvénients ne pouvaient encore être assez reconnus, il reste néanmoins certain que ces corporations scientifiques, avaient déjà accompli le principal office que comportait leur nature : depuis leur restauration, leur influence réelle a été, au fond, beaucoup plus nuisible qu’utile à la marche actuelle de la grande évolution mentale.

587. (1903) Articles de la Revue bleue (1903) pp. 175-627

Cette loi est précisément la loi du Rythme, non pas en prenant ce mot dans son sens étroit comme on le fait d’ordinaire, mais dans le sens le plus large et le plus précis. […] Cette loi dépasse de beaucoup les lois ordinaires du milieu humain, systèmes de rapports le plus souvent maladroits, tissés comme des toiles d’araignées, entre des préjugés sans vie. […] Ces états peuvent être purement subjectifs ; ils peuvent aussi être la représentation des concordances mystérieuses qui s’établissent entre un rythme individuel et celui des autres âmes ou entre l’âme du poète et le rythme universel, et j’ai cherché surtout à faire ressortir que le poème de génie est en définitive une loi, une loi vivante et vraie qui correspond aux rapports réels des êtres, et qui domine par sa puissance les ordinaires existences individuelles, les ordinaires lois du milieu humain. […] J’admets donc que l’on respecte les règles traditionnelles du vers ordinaire, et je trouve que les arguments des partisans de son intégrité, en particulier ceux de M. 

588. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre I. Succès de cette philosophie en France. — Insuccès de la même philosophie en Angleterre. »

Point de termes scientifiques ou trop abstraits ; ils ne tolèrent que les mots de leur conversation ordinaire. […] Car, dans toute question générale, il y a quelque notion capitale et simple de laquelle le reste dépend, celles d’unité, de mesure, de masse, de mouvement en mathématiques, celles d’organe, de fonction, de vie en physiologie, celles de sensation, de peine, de plaisir, de désir en psychologie, celles d’utilité, de contrat, de loi en politique et en morale, celles d’avances, de produit, de valeur, d’échange en économie politique, et de même dans les autres sciences, toutes notions tirées de l’expérience courante, d’où il suit qu’en faisant appel à l’expérience ordinaire, au moyen de quelques exemples familiers, avec des historiettes, des anecdotes, de petits récits qui peuvent être agréables, on peut reformer ces notions et les préciser. […] Sans sortir du ton de la conversation ordinaire et comme en se jouant, il met en petites phrases portatives les plus grandes découvertes et les plus grandes hypothèses de l’esprit humain, les théories de Descartes, Malebranche, Leibnitz, Locke et Newton, les diverses religions de l’antiquité et des temps modernes, tous les systèmes connus de physique, de physiologie, de géologie, de morale, de droit naturel, d’économie politique468, bref, en tout ordre de connaissances, toutes les conceptions d’ensemble que l’espèce humaine au dix-huitième siècle avait atteintes. — Sa pente est si forte de ce côté, qu’elle l’entraîne trop loin ; il rapetisse les grandes choses à force de les rendre accessibles.

589. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIe entretien. Vie du Tasse (1re partie) » pp. 5-63

Nous ne les rapporterons pas ; c’est l’atmosphère fabuleuse des grands hommes, l’imagination frappée voit plus beau que nature ce que la nature ordinaire ne peut expliquer. […] Son vêtement ordinaire, dès sa jeunesse, était toujours noir, sans aucun des ornements et des broderies en usage de son temps ; il n’était, en général, suivi que d’un seul page ; mais, quoique sobre, son costume était éloigné de la négligence. […] « À propos, Monsieur », dit Voltaire, « vous me reprochez, mais avec votre politesse et vos grâces ordinaires, d’avoir dit que la Fontaine n’était pas assez peintre.

590. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « M. Paul Verlaine et les poètes « symbolistes » & « décadents ». »

« Aux ordinaires et mille visions (pour elles-mêmes à négliger) où l’Immortelle se dissémine, le logique et méditant poète les lignes saintes ravisse, desquelles il composera la vision seule digne : le réel et suggestif symbole d’où, palpitants pour le rêve, en son intégrité nue se lèvera l’Idée première et dernière ou vérité. […] Mais supposez en même temps que ces impressions soient très fines, très délicates et très poignantes, qu’elles soient celles d’un poète un peu malade, qui a beaucoup exercé ses sens et qui vit à l’ordinaire dans un état d’excitation nerveuse. […] Nous souffrons de sentir que ce qui se passe en nous à cette heure ne dépend pas de nous, et que nous ne pouvons point, comme à l’ordinaire, nous faire illusion là-dessus… Il y a quelque chose de profondément involontaire et déraisonnable dans la poésie de M. 

591. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre cinquième »

Crébillon, d’ordinaire si incorrect, et qui semble recevoir ses mots de la rime, les a tirés cette fois de son cœur et de sa raison. […] On ne s’avise pas de remarquer la simplicité dans un discours ordinaire ; on n’en est averti que là où la grandeur des pensées fait contraste avec la simplicité des mots. […] Et puisque je me règle d’ordinaire, dans mes jugements, sur l’impression dernière, celle qui me reste, au moment où j’écris ces lignes, est une impression de fécondité, de variété et de vie.

592. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre V. Le Séminaire Saint-Sulpice (1882) »

Carbon qui, avec sa bienveillance ordinaire, m’annonça en souriant cette bonne nouvelle, et m’apprit que la compagnie me donnait pour honoraires une somme de trois cents francs. […] Nous voilà plus qu’à moitié de notre vie, selon l’ordre ordinaire, et l’autre moitié ne sera probablement pas la plus agréable. […] Je passe bien des moments cruels ; cette semaine sainte, surtout, a été pour moi douloureuse ; car toute circonstance qui m’arrache à ma vie ordinaire me replonge dans mes anxiétés.

593. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Edgar Allan Poe  »

Analysée en ses éléments, l’idée d’originalité se résout en l’accolement de deux ou plusieurs images qui ne se présentent pas d’ordinaire consécutivement, qui ne s’associent pas dans l’expérience ou la mémoire. […] Cette aptitude à connaître clairement et à observer habituellement certains rapports que les artistes ordinaires, se bornent à sentir d’instinct, se résume en une particularité de constitution cérébrale que l’on peut exprimer comme suit : chez Poe les émotions se transforment constamment en pensées. […] Ayant choisi un effet premièrement nouveau, secondement vif, je considère si on peut le produire le mieux par des incidents ordinaires et un ton particulier, ou par des incidents et un ton particuliers, regardant ensuite autour de moi ou plutôt en moi pour trouver cette combinaison de ton et d’événements qui m’aideront le mieux à produire l’effet.

594. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre VI. L’effort intellectuel »

Mais cela revient à dire, comme nous l’indiquions au début de cette étude, qu’un acte de mémoire renferme d’ordinaire une part d’effort et une part d’automatisme. […] De fait, il est aisé de voir que les mouvements auxquels nous procédons d’ordinaire pour marcher, pour nous soulever sur la pointe des pieds, pour pivoter sur nous-mêmes, sont ceux que nous utilisons pour apprendre à valser. […] De là l’émotion, qui a d’ordinaire pour centre une représentation, mais où sont surtout visibles les sensations en lesquelles cette représentation se prolonge.

595. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. de Stendhal. Ses Œuvres complètes. — II. (Fin.) » pp. 322-341

Une fois sur le chapitre du pittoresque, songeant surtout aux jardins anglais, Beyle le fait venir d’Angleterre comme les bonnes diligences et les bateaux à vapeur : le pittoresque littéraire, il l’oublie, nous est surtout venu de Suisse et de Rousseau ; mais ce qui est joli et fin littérairement, c’est la remarque qui suit : « La première trace d’attention aux choses de la nature que j’aie trouvée dans les livres qu’on lit, c’est cette rangée de saules sous laquelle se réfugie le duc de Nemours, réduit au désespoir par la belle défense de la princesse de Clèves. » Même en rectifiant et en contredisant ces manières de dire trop exclusives, on arrive à des idées qu’on n’aurait pas eues autrement et en suivant le grand chemin battu des écrivains ordinaires. […] Au sortir de cette lecture, j’ai besoin de relire quelque roman tout simple et tout uni, d’une bonne et large nature humaine, où les tantes ne soient pas éprises de leurs neveux, où les coadjuteurs ne soient pas aussi libertins et aussi hypocrites que Retz pouvait l’être dans sa jeunesse, et beaucoup moins spirituels ; où l’empoisonnement, la tromperie, les lettres anonymes, toutes les noirceurs, ne soient pas les moyens ordinaires et acceptés comme indifférents ; où, sous prétexte d’être simple et de fuir l’effet, on ne me jette pas dans des complications incroyables et dans mille dédales plus effrayants et plus tortueux que ceux de l’antique Crète.

596. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — II » pp. 159-177

C’étaient des pièces courtes, d’ordinaire des fables, où ses rouges-gorges, ses chardonnerets avaient leur rôle et amenaient leur morale toujours humaine et sensible, bien que puritaine. […] Une après-midi que lady Austen le voyait plus triste qu’à l’ordinaire et prêt à retomber dans ses humeurs sombres, elle imagina, pour le stimuler, de lui raconter une histoire de nourrice qu’elle savait d’enfance, très drôle et très gaie, L’Histoire divertissante de John Gilpin, où l’on voit comme quoi il alla plus loin qu’il n’eût voulu et s’en revint sain et sauf.

597. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Instruction générale sur l’exécution du plan d’études des lycées, adressée à MM. les recteurs, par M. Fortoul, ministre de l’Instruction publique » pp. 271-288

. — Quoique, pour le dire en passant, ce ne soit pas le plus ancien usage ; car parmi les restes sans nombre de l’Antiquité, bustes, statues, bas-reliefs, médailles, on ne voit jamais que la figure humaine soit représentée avec un chapeau ni rien qui y ressemble, à moins que ce ne soit une tête de soldat, laquelle alors a un casque ; et ce n’est point, évidemment, comme faisant partie du costume ordinaire, mais comme protection contre les chocs du combat. […] Des juges, d’ailleurs équitables, ont cru trouver trop de régularité et de mécanisme dans l’indication stricte des heures, des minutes consacrées à chaque portion des devoirs dans les classes ; mais il semble qu’en se représentant avec une précision si parfaite les exercices de chaque groupe successivement, le ministre ait voulu ne pas s’en tenir à une idée prise de loin et de haut, comme cela est trop ordinaire ; qu’il ait voulu communiquer aux maîtres le sentiment de l’importance qu’il met à un parfait accord entre les facultés diverses.

598. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — III — Toujours Vauvenargues et Mirabeau — De l’ambition. — De la rigidité » pp. 38-55

En faisant cette retraite en bon ordre, il redevient tout à fait pareil au Vauvenargues ordinaire, qu’on se figure plus voisin du stoïcien que d’un coureur de fortune et d’un hasardeur d’entreprises. […] Certes je ne méprise point Saint-Just, ni son talent remarquable, ni cette puissance de fanatisme qui suppose un caractère énergiquement trempé; mais on s’est trop accoutumé de nos jours, sur la foi d’historiens qui énervent et romantisent l’histoire, à traiter ces hommes de terreur et de haine, comme des semblables, comme des humains, à les faire rentrer dans le cercle des comparaisons ordinaires, presque familières, et je repousse pour Vauvenargues tout rapprochement avec le jeune et beau monstre.

/ 1941