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255. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre deuxième. La connaissance des corps — Chapitre premier. La perception extérieure et les idées dont se compose l’idée de corps » pp. 69-122

Celles de la vue sont innombrables ; nous en commettons tous les jours dans la vie courante, et on en fabrique à volonté dans les spectacles optiques ; au moyen du stéréoscope, nous donnons à deux surfaces planes l’apparence d’un seul corps doué de profondeur ; et cent autres illusions analogues. […] Le fait intérieur qui correspond à la distance extérieure de six pouces est une impression engendrée par le raccourcissement progressif du muscle, c’est-à-dire une vraie sensation musculaire ; c’est l’impression produite par un effort musculaire d’une certaine durée ; une plus grande distance appellerait un effort d’une durée plus longue… » — « Or, quand on a le moyen de distinguer la longueur ou distance en une direction, on a le moyen de distinguer l’étendue en une direction quelconque, qu’il s’agisse de longueur, de largeur ou de hauteur, la perception ayant exactement le même caractère. […] Par là, nous apprenons promptement à nous représenter la Nature comme composée seulement de ces groupes de possibilités, et nous concevons la force active dans la Nature comme manifestée par la modification de quelqu’une d’elles au moyen d’une autre. […] — Oui, certes, du moins à mon avis, et au moyen d’éliminations préalables. […] Rien de plus en lui ; il n’a pas le langage, il lui manque le moyen de discerner et d’isoler les caractères de son image. — Nous avons ce moyen, et nous nous en servons.

256. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre » pp. 393-472

Sa personne répondait à son caractère : il était d’un âge déjà mûr, de taille moyenne, d’épaisse corpulence, à figure fine d’expression, quoique un peu lourde de joues. […] « Dans les ouvrages de l’homme, tout est pauvre comme l’ouvrier ; les vues sont bornées, les moyens roides, les ressorts inflexibles, les résultats monotones. […] Je me demande s’il n’y aurait pas moyen de tirer parti des circonstances en faveur du roi. […] Je commence par les moyens de l’exécuter, et à cet égard il n’y a ni doute ni difficulté. […] Vous avez un bon moyen de me faire taire, puisque vous me tenez.

257. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1864 » pp. 173-235

Il veut que l’on combatte le spleen avec tous les moyens hygiéniques, de la morale, et une bonne méthode. […] Des citrons, des tomates, de l’absinthe, du laudanum, c’était l’alimentation de la princesse Narichine, et la duchesse de M… ne se nourrit que de salade et de bonbons, éprouve des maux de cœur devant le bouillon et la viande, et à ses dernières couches, on n’a pu la faire revenir d’une syncope qu’au moyen d’une bouteille de rhum. […] * * * — En ce siècle, on a fait de tout, un moyen d’arriver, un moyen d’arriver de la philanthropie, un moyen d’arriver de l’horticulture, un moyen d’arriver du canotage, etc., etc. […] » Il y a encore d’autres moyens d’avoir des soldats au Mexique : celui qui réussit le mieux, c’est de faire de la musique sur une place, puis fermer toutes les issues, et organiser une presse au lasso. Ces moyens ne font pas des soldats bien attachés au drapeau ; loin de là, ils sont toujours prêts à passer pour le plus petit avantage de l’autre côté, si bien que là-bas l’expression déserter n’existe pas ou ne s’emploie jamais… et la peur du passage à l’ennemi est telle, qu’un moment Juarez était forcé de faire surveiller son infanterie par sa cavalerie.

258. (1914) L’évolution des genres dans l’histoire de la littérature. Leçons professées à l’École normale supérieure

Comment et par quels moyens pouvons-nous les déterminer ? […] Taine enfin, si la critique ne devient pas une science, elle aspire à le devenir ; et qu’en tout cas, elle cherche un supplément à ses moyens d’information dans les moyens, si je puis ainsi dire, dans les méthodes, et dans les procédés de l’histoire naturelle. […] Voulant produire les mêmes effets, nous aurons recours aux mêmes moyens. […] Comment et par quels moyens, c’est ce que nous verrons en parlant de Boileau. […] Grâce à l’anecdote et au renseignement biographique, c’est ce moyen que Villemain a trouvé.

259. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — III. (Fin.) » pp. 246-261

Diderot, j’ose croire que personne ne sera assez hardi pour s’y opposer. » L’idée du Dictionnaire de l’Académie auquel Diderot, auteur de toute la partie des arts et métiers dans le Dictionnaire encyclopédique, pourrait coopérer très utilement, s’offre à l’esprit de Voltaire comme prétexte et moyen efficace : Ne pourriez-vous représenter ou faire représenter combien un tel homme vous devient nécessaire pour la perfection d’un ouvrage nécessaire ? […] Sachons-le : Duclos a été maire de Dinan pendant plusieurs années ; il a trouvé moyen de concilier cette vie bretonne avec son existence parisienne ; il a été membre des états de sa province ; c’est un homme de lettres qui a de la pratique administrative, et qui a connu un coin de vie parlementaire et politique. […] Il n’est pas favorable aux religieux des ordres mendiants, mais il n’est pas contre toute espèce de communautés religieuses, et il les croit compatibles avec l’ordre politique moyen qu’il conçoit : Les religieux rentés, en France, sortent communément d’une honnête bourgeoisie, dit-il, paraissent peu dans le monde et sont, malgré beaucoup de plates déclamations, plus utiles à l’État qu’on ne le pense. […] Il eût pu être, à côté de plus d’un qui lui ressemble et dont je suis tenté (oubliant l’anachronisme) de mettre le nom tout près du sien64, un des champions écoutés de la classe moyenne.

260. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « La civilisation et la démocratie française. Deux conférences par M. Ch. Duveyrier »

Un certain goût modéré de bien-être matériel ne les révolte nullement ni ne les scandalise ; ils ne trouvent pas que le moral en souffre nécessairement, et ils se montrent disposés à prendre leur part des bienfaits acquis à tous ; ils admettent volontiers que la santé vaut mieux que la maladie ; et en se résignant aux maux inévitables, en s’y soumettant même avec constance ou douceur, il ne leur arrive plus guère, comme aux dures époques et aux âgés de fer, d’appeler à haute voix les calamités, de les demander au Ciel comme un moyen d’expiation, et de les saluer presque comme une bénédiction et comme une grâce. […] » C’est donc sur une plus grande échelle et avec des moyens d’action plus puissants que ceux dont disposaient les anciens, c’est avec des instruments et un outillage (le mot est lâché) bien autrement formidable, c’est aussi avec une conscience plus claire et plus réfléchie de leur tâche, que les modernes se remettent en marche et entreprennent désormais l’œuvre progressive de la civilisation proprement dite ; la différence des proportions et des mesures méritait en effet un mot tout nouveau. […] Dans ce laps de temps, les fortifications d’Alexandrie seraient achevées ; cette ville serait une des plus fortes places de l’Europe ; … l’arsenal de construction maritime serait terminé ; par le moyen du canal de Rahmaniéh, le Nil arriverait toute l’année dans le port vieux, et permettrait la navigation aux plus grandes djermes ; tout le commerce de Rosette et presque tout celui de Damiette y seraient concentrés, ainsi que tous les établissements civils et militaires ; Alexandrie serait déjà une ville riche ; l’eau du Nil, répandue autour d’elle, fertiliserait un grand nombre de campagnes, ce serait à la fois un séjour agréable, sain et sûr ; la communication entre les deux mers serait ouverte ; les chantiers de Suez seraient établis ; les fortifications protégeraient la ville et le port ; des irrigations du canal et de vastes citernes fourniraient des eaux pour cultiver les environs de la ville… Les denrées coloniales, le sucre, le coton, le riz, l’indigo, couvriraient toute la Haute-Égypte et remplaceraient les produits de Saint-Domingue. » Puis, de dix années de domination il passe à cinquante ; l’horizon s’est étendu ; l’imagination du guerrier civilisateur a pris son essor, et les réalités grandioses achèvent de se dessiner, de se lever à ses yeux de toutes parts : « Mais que serait ce beau pays, après cinquante ans de prospérité et de bon gouvernement ? […] Dans une seconde Conférence, il a cherché toutefois à formuler une proposition et à aborder hardiment, comme il dit, la question des voies et moyens.

261. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Préface » pp. 1-22

Les mots faculté, capacité, pouvoir, qui ont joué un si grand rôle en psychologie, ne sont, comme on le verra, que des noms commodes au moyen desquels nous mettons ensemble, dans un compartiment distinct, tous les faits d’une espèce distincte ; ces noms désignent un caractère commun aux faits qu’on a logés sous la même étiquette ; ils ne désignent pas une essence mystérieuse et profonde, qui dure et se cache sous le flux des faits passagers. […] La psychologie aussi a le sien, d’autant plus élevé qu’elle remonte à l’origine de nos connaissances et dépasse tout de suite le point de vue ordinaire, qui est bon seulement pour l’usage et la pratique. — Au sortir de ce point de vue, on s’aperçoit qu’il n’y a rien de réel dans le moi, sauf la file de ses événements ; que ces événements, divers d’aspect, sont les mêmes en nature et se ramènent tous à la sensation ; que la sensation elle-même, considérée du dehors et par ce moyen indirect qu’on appelle la perception extérieure, se réduit à un groupe de mouvements moléculaires. […] Un écoulement universel, une succession intarissable de météores qui ne flamboient que pour s’éteindre et se rallumer et s’éteindre encore sans trêve ni fin, tels sont les caractères du monde ; du moins, tels sont les caractères du monde au premier moment de la contemplation, lorsqu’il se réfléchit dans le petit météore vivant qui est nous-mêmes, et que, pour concevoir les choses, nous n’avons que nos perceptions multiples indéfiniment ajoutées bout à bout. — Mais il nous reste un autre moyen de comprendre les choses, et, à ce second point de vue qui complète le premier, le monde prend un aspect différent. […] Or, à ce titre, on peut considérer les deux conditions comme des moyens, et leur commun résultat comme un but, comme le but de la nature exprimé par une loi suprême.

262. (1890) L’avenir de la science « XII »

XII À mes yeux, le seul moyen de faire l’apologie des sciences philologiques et, en général, de l’érudition est donc de les grouper en un ensemble, auquel on donnerait le nom de sciences de l’humanité, par opposition aux sciences de la nature. […] L’humilité des moyens qu’elle emploie pour atteindre son but ne saurait être un reproche. […] Exploration universelle, battue générale, telle est donc la seule méthode possible. « On doit considérer l’édifice des sciences, disait Cuvier, comme celui de la nature… Chaque fait a une place déterminée et qui ne peut être remplie que par lui seul. » Ce qui n’a pas de valeur en soi-même peut en avoir comme moyen nécessaire. […] Mais en prenant l’hypothèse la plus défavorable, en supposant qu’elles restent à jamais une énigme, ceux qui y auront consacré leurs labeurs n’auront pas moins mérité de la science que si, comme Champollion, ils eussent restauré tout un monde ; car, même dans le cas où cet heureux résultat ne se serait pas réalisé ; le succès n’était pas à la rigueur impossible, et il n’y a pas moyen de le savoir, si on ne l’eût essayé.

263. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le cardinal de Retz. (Mémoires, édition Champollion.) » pp. 238-254

Il était trop aisé d’en tirer parti contre lui à la Cour et de le présenter comme traître et relaps, au moment même où il ne faisait qu’employer les moyens à son usage pour un but caché qui valait mieux. […] La faiblesse de Monsieur avait bien des degrés et des étages, nous dit-il, et il nous les fait mesurer et compter un à un : Il y avait très loin chez lui de la velléité à la volonté, de la volonté à la résolution, de la résolution au choix des moyens, du choix des moyens à l’application. […] La politique de Rome et celle de France s’unirent pour s’opposer à un genre de renonciation qui aurait pu devenir un précédent et, dans l’avenir, un moyen de politique aux mains des puissances.

264. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre troisième. L’idée-force du moi et son influence »

La pensée sociale ou logique sociale a son expression dans le langage, et l’intime union des deux vient de ce que la pensée, comme le langage, est au fond un moyen de communication et de communion entre l’individu et le groupe. […] Réelle ou illusoire, l’idée du moi est pour nous nécessaire : elle est le moyen de ne pas être submergés par les vagues désordonnées des impressions qui, du dehors, comme un océan tumultueux, nous enveloppent et nous envahissent. […] De plus, l’image de la jouissance passée continuant d’accompagner la sensation présente, l’être tendra à maintenir cette image, à faire ainsi du passé le perpétuel accompagnement du présent, à multiplier le présent par le passé : il deviendra avide du souvenir, ce moyen de prolonger en arrière son existence, comme il est avide de tout ce qui peut amplifier et étendre sa vie. […] Une telle représentation de l’existence est d’autant plus inévitable qu’elle est utile, nécessaire même à l’être vivant pour l’adapter à l’avenir par le moyen du passé.

265. (1759) Observations sur l’art de traduire en général, et sur cet essai de traduction en particulier

Des traductions bien faites seraient donc le moyen le plus sûr et le plus prompt d’enrichir les langues. […] Par ce moyen ils se rendraient propre, non tout ce que les anciens ont pensé, mais ce qu’ils ont pensé de mieux ; ils connaîtraient le génie et le style d’un plus grand nombre d’écrivains ; ils auraient enfin l’avantage d’orner leur esprit en formant leur goût. […] Dans les endroits où il ne m’a pas été possible d’être aussi serré que l’auteur, j’ai coupé le style pour le rendre plus vif, et pour suppléer par ce moyen, quoique imparfaitement, à la concision ou je ne pouvais atteindre. […] La seule grâce que je désire d’obtenir de ceux que je reconnais pour mes vrais juges, c’est de ne point se borner à relever mes fautes, mais de m’offrir en même temps le moyen de les corriger quand ils les auront aperçues.

266. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre premier. Considérations préliminaires » pp. 17-40

Ce n’est pas tout : la presse, qui multiplie les récits contemporains, et qui est tour à tour esclave ou complice des partis ou des opinions, est un grand obstacle à la connaissance de la vérité, par la raison même qu’elle est un grand moyen pour y parvenir. […] Il n’y a pas, en apparence, moyen de réconcilier les opinions diverses qui se partagent le monde, parce que la différence essentielle et fondamentale commence, ainsi que nous essaierons de l’établir, à la source même de la pensée, Tâchons donc de remonter jusque-là, et peut-être serons-nous plus disposés à nous entendre. […] Chaque peuple, comme nous le dirons bientôt, a une mission à remplir dans les vues de la Providence, et toujours elle lui est révélée, d’une manière intime, par des moyens inconnus. […] Maintenant, éclairés par des expériences de plus d’un genre, et rendus à notre véritable existence sociale, convenons qu’il n’y a qu’un moyen de réunir tous les partis ; c’est de sentir les raisons de tous, de condescendre à toutes les opinions, de ne point s’attaquer mutuellement avec les armes toujours inconvenantes de l’ironie ou du sarcasme, de se mettre à la place de tous les intérêts.

267. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXI » pp. 281-285

En effet, comme les capitalistes qui ont acheté et payé des prix fous les œuvres de Chateaubriand et de Lamartine ne savent de quelle manière y trouver leur compte par les voies d’écoulement ordinaires, ils sont obligés de recourir à des moyens insolites, et le plus insolite de ces moyens est assurément de revendre en sous-main, de sous-louer, en quelque sorte, ces œuvres pour qu’elles paraissent d’abord en feuilletons.

268. (1875) Premiers lundis. Tome III « Lafon-Labatut : Poésies »

Celui-ci avait eu, il paraît, une vie fort errante et orageuse : après avoir un instant brillé à Paris dans la jeunesse dorée du temps, il s’était engagé, avait fait la guerre et couru le monde, puis s’était marié à Messine ; là, un jour, regrettant la patrie et songeant aux moyens d’y revenir, il lui tomba entre les mains un des volumes des Troubadours, dans la préface duquel M.  […] « Si, jusqu’à présent, je m’étais toujours refusé à me faire imprimer, c’est que je trouvais un autre moyen de vivre ; il me manque aujourd’hui, et il faut bien, malgré toutes mes répugnances et mes craintes, que je me décide à prendre ce dangereux parti.

269. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre IV. De l’analogie. — Comparaisons et contrastes. — Allégories »

Quand on a l’esprit plein d’une idée ou d’une passion, on y rapporte tout : il n’est rien qu’on ne trouve moyen d’y rattacher ; tout y ramène. […] L’emploi en peut être utile comme moyen d’investigation et de recherche.

270. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre II. Amour passionné. — Didon. »

Voilà donc un nouveau moyen de situations poétiques, que cette religion si dénigrée a fourni aux auteurs mêmes qui l’insultent : on peut voir, dans une foule de romans, les beautés qu’on a tirées de cette passion demi-chrétienne. […] Elle s’imagine que tant de larmes, tant d’imprécations, tant de prières, sont des raisons auxquelles Énée ne pourra résister : dans ces moments de folie, les passions, incapables de plaider leur cause avec succès, croient faire usage de tous leurs moyens, lorsqu’elles ne font entendre que tous leurs accents.

271. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre XVI. Le Paradis. »

Par ces divers moyens, on ferait naître des harmonies entre notre nature bornée et une constitution plus sublime, entre nos fins rapides et les choses éternelles : nous serions moins portés à regarder comme une fiction un bonheur qui, semblable au nôtre, serait mêlé de changements et de larmes. […] Nous ne sommes entré dans cette étude que par surabondance de moyens, et pour montrer les ressources de notre cause.

272. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre IX. Première partie. De la parole et de la société » pp. 194-242

L’homme est un être libre ; et il lui fallait un sens qui lui permît l’exercice de sa liberté, un sens au moyen duquel il pût dominer ses organes par la pensée. […] Toutefois Smith n’a pas vu la difficulté où elle est réellement : ce n’est point avec l’analyse philosophique que l’on peut y parvenir, car Smith a fait, à mon avis, par le moyen de cette analyse, tout ce qu’il était possible de faire. […] On me dira ce qui a été déjà dit plusieurs fois, que c’est un moyen très commode de se tirer d’embarras. Mais qu’importe que ce moyen soit commode ? […] Ce professeur s’exprimait ainsi, à l’occasion des paroles de Rousseau que nous venons de rapporter : « Il voulait découvrir les sources d’un grand fleuve, et il les a cherchées dans son embouchure : ce n’était pas le moyen de les trouver ; mais c’était le moyen de croire, comme on l’a cru des sources du Nil, qu’elles n’étaient pas sur la terre, mais dans le ciel. » J’accepte ces mots comme renfermant le sentiment de la vérité.

273. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Chapitre II. Axiomes » pp. 24-74

Lorsque les peuples sont effarouchés par la violence et par les armes, au point que les lois humaines n’auraient plus d’action, il n’existe qu’un moyen puissant pour les dompter, c’est la religion. […] La physique des ignorants est une métaphysique vulgaire, dans laquelle ils rapportent les causes des phénomènes qu’ils ignorent à la volonté de Dieu, sans considérer les moyens qu’emploie cette volonté. […] Les querelles dans lesquelles les différents ordres cherchent l’égalité des droits, sont pour les républiques le plus puissant moyen d’agrandissement. […] C’est le principe de la Transmigration des peuples, dont les moyens furent, ou les colonies maritimes des temps héroïques, ou les invasions des barbares, ou les colonies les plus lointaines des Romains, ou celles des Européens dans les deux Indes. […] Sans ce principe, nul moyen de connaître l’histoire des nations transplantées par des colonies aux lieux où s’étaient établies déjà d’autres nations.

274. (1809) Tableau de la littérature française au dix-huitième siècle

Chez Bayle, le doute est un but, et non pas un moyen. […] Le meilleur moyen d’aller en avant, c’est de regarder la route qu’on vient de faire. […] La démonstration est sans doute un grand moyen de contentement pour l’esprit humain. Elle n’est pourtant, si l’on peut ainsi parler, qu’un moyen artificiel de créer la vérité. […] Des moyens violents et arbitraires furent demandés et obtenus.

275. (1911) Enquête sur la question du latin (Les Marges)

Crouzet ne parle pas d’enfants de dix ans, mais de garçons de quinze ou seize ans, non point de cancres, mais d’élèves moyens. […] Or, qui veut la fin veut les moyens. Pour la littérature nationale, qui est une fin magnifique, usez crânement et bravement de la politique, laquelle est un moyen, mon Dieu, pas si mesquin — et pas déjà si facile ! […] Oserais-je espérer que l’on trouvera le moyen de se passer de l’apprentissage des langues étrangères ? […] Mais laissez-moi apprendre à vos lecteurs qu’une très grande maison d’édition (Larousse) travaille à la recherche d’une sorte de moyen mécanique de faire interpréter instantanément, en toutes langues, certains signes équivalents, les mêmes pour tous les pays.

276. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre IV. Des femmes qui cultivent les lettres » pp. 463-479

En bornant l’étendue des idées, on n’a pu ramener la simplicité des premiers âges ; il en est seulement résulté que moins d’esprit a conduit à moins de délicatesse, à moins de respect pour l’estime publique, à moins de moyens de supporter la solitude. […] Elles auraient beaucoup moins de moyens pour adoucir les passions furieuses des hommes ; elles n’auraient plus, comme autrefois, un utile ascendant sur l’opinion : ce sont elles qui l’animaient dans tout ce qui tient à l’humanité, à la générosité, à la délicatesse. […] Quels moyens authentiques pourrait avoir une femme de démontrer la fausseté d’imputations mensongères ?

277. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre premier. L’idée force du monde extérieur »

Enfin, ce qui achève de faire la part non seulement du moi, mais même de notre propre corps par opposition aux autres corps, ce sont les expériences où nous touchons et explorons un membre au moyen d’un autre. […] Pour combiner la négation non avec l’idée moi (non-moi), ou pour combiner l’adjectif autre avec le substantif moi (autre que moi, différent de moi), il n’est nullement nécessaire de « dépasser son moi », de monter pour ainsi dire au-dessus de soi-même par le moyen d’une « conscience intellectuelle112 », impersonnelle, éternelle, ou d’un « acte de raison pure ». […] Le métaphysicien alors se demandera comment il a pu passer du moi au non-moi : c’est-à-dire qu’après avoir artificiellement sépare deux termes inséparables, il cherchera vainement un moyen naturel de les ramener à cette continuité qui est la vraie loi de la vie et de la conscience.

278. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — La synthèse »

L’œuvre d’art résolue dans ses effets et ses moyens cesse d’être une œuvre d’art. […] Chaque détail sera réfléchi sous l’angle de son incidence, chaque moyen rendu par son action, et les effets même de l’œuvre considérés et goûtés à nouveau par un esprit qui saura non plus seulement les discerner mais les ressentir, seront figurés du même coup et mesurés dans la description de leur nature et de leur charme. […] Tout l’arsenal des moyens exacts et artistiques dont M. 

279. (1925) Dissociations

S’il devenait évident qu’il ne leur manque que le moyen de s’exprimer, et ce moyen leur étant fourni par l’ingéniosité humaine elle-même, s’ils prouvaient que leurs idées ne sot pas beaucoup plus courtes que celles de certains hommes ? […] L’obligation du voile la prive évidemment dans certaines scènes de ses meilleurs moyens d’expression. […] Et puis, cela deviendrait vite un moyen de chantage contre l’État. Payez, où j’y mets la cognée sinon des moyens de ratissage un peu plus perfectionnés ! […] Est-il vrai qu’on l’a enrayé en Angleterre et par quels moyens ?

280. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gui Patin. — I. » pp. 88-109

Les ennemis de Gui Patin l’appelaient le médecin des trois S, parce qu’indépendamment de la Saignée, son grand et principal moyen, il avait coutume d’ordonner le Son et le Séné ; ajoutez-y le Sirop de roses pâles : ce qui fait quatre S. […] Et semble que ce moyen de nous entravertir apporterait non légère commodité au commerce public ; car à tout coup il y a des conditions qui s’entrecherchent, et, pour ne s’entr’entendre, laissent les hommes en extrême nécessité. » Renaudot, qui savait sort Montaigne et qui s’en autorise, résolut d’établir ce centre commun d’annonces, d’adresses et de renseignements ; il eut l’idée de plus, soit par un sentiment d’humanité, soit pour mieux achalander son entreprise, de donner des consultations gratuites, et de se faire le commissaire officieux, mais qualifié et breveté, des pauvres et des malades, de ceux qui ne voulaient pas entrer dans les hôpitaux, et qui désiraient être traités à domicile : il se chargeait de leur procurer gratis médecins et médicaments. […] On devait cette fois non seulement donner des avis, mais fournir des médicaments et remèdes gratis, selon les petits moyens de la Faculté. […] En combinant cette idée avec tous les autres moyens d’information centrale et de publicité dont a hérité toute la presse, il demeure pour tous un ancêtre commun. […] Mais, tout en paraissant un grand original, il n’est pas seul de son espèce ; il n’est qu’un exemple plus saillant et plus en relief d’une inconséquence bourgeoise et de classe moyenne, qui est curieuse à étudier en lui.

281. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — II. (Fin.) » pp. 109-130

Quoique l’auteur ait dit dans une note que ce portrait est le seul qui s’applique réellement à une personne déterminée, je ne saurais croire que le portrait d’Ismène ou de la beauté sans prétention, à qui il n’a manqué pour être célèbre que de mettre enseigne de beauté ; que celui de Glycère, la femme à la mode, et qui « s’est fait jolie femme il y a vingt ans sans beauté, comme on se constitue homme d’esprit sans esprit, avec un peu d’art et beaucoup de hardiesse » ; — je ne puis croire que le portrait d’Herminie si entourée, si pressée d’adorateurs, si habile à les tenir l’un par l’autre en échec, et qui n’aime mystérieusement qu’un seul homme sans esprit, sans figure, qui n’est plus jeune, qui se porte très bien toutefois, et qui est… son mari ; — que le portrait d’Elvire, la femme de cinquante ans, qui s’avise soudainement d’un moyen de se rajeunir en s’attachant à un homme de soixante-quinze ; — que tous ces portraits si nets et si distincts n’aient pas eu leur application dans le monde d’alors. […] La bonne fée arrivée trop tard à la naissance d’Aladin, pour amortir du moins le fâcheux effet qu’elle prévoit de si grandes qualités, ne trouve d’autre moyen que d’y joindre comme antidote un peu de paresse. […] L’objet de M. de Meilhan est de présenter un tableau général exact du gouvernement de la France et de la société avant la Révolution, et de montrer qu’il n’y avait pas lieu ni motif à la révolte, qu’il y aurait eu moyen de la conjurer si on l’avait su craindre, et que lorsque la crainte est venue après l’extrême confiance, elle a, par son excès même, paralysé les moyens : « La légèreté d’esprit dans les classes supérieures a commencé la Révolution, la faiblesse du gouvernement l’a laissée faire des progrès, et la terreur a consommé l’ouvrage. » La description que donne l’auteur de l’ancien gouvernement de la France, de cette Constitution non écrite, éparse et flottante, mais réelle toutefois, est des plus fidèles ; il fait parfaitement sentir en quoi la France d’avant 89 ne pouvait nullement être considérée comme, un État despotique proprement dit ; il parle du roi et de la reine, du clergé, de la noblesse, du tiers état et du rapprochement des diverses conditions, des parlements, du mécanisme de l’administration, des lettres de cachet, de la dette, de l’influence des gens de lettres sous Louis XVI, avec une justesse et une précision qui me font considérer cet ouvrage comme la meilleure production de M. de Meilhan, après ses Considérations sur l’esprit et les mœurs, et comme pouvant se joindre à titre de supplément utile à l’Abrégé chronologique du président Hénault. […] M. de Meilhan montre très bien ce duel engagé entre un monarque armé, qui se tient sur la défensive, et des agresseurs à outrance, pour qui tous les moyens sont bons : « Dans cette lutte sanglante de la royauté et de la démocratie, on croit voir, dit-il ingénieusement, deux combattants, dont l’un, bien supérieur en force, se contente de parer, et ménageant sans cesse la vie de son adversaire, finit par tomber sous les coups qu’il aurait pu prévenir. » Revenant sur sa distinction entre ce qui a été véritablement principe, cause, ou occasion, M. de Meilhan (et ceci est chez lui une vue originale) insiste sur cette idée favorite, qu’on a exagéré l’influence directe des écrivains sur la Révolution française.

282. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [II] »

La haute source de l’admiration était là, perpétuelle et vive, et nulle part ailleurs ; et cependant l’inspiration moderne, quand elle naissait, trouvait moyen de se créer une forme à elle, une variété d’imitation qui avait son caractère et son originalité, mais qui, malgré tout, par quelque côté, devait aller se rejoindre à la grande tradition et offrir en soi des traits de ressemblance avec l’antique famille. […] Mais les traductions, si utiles et louables qu’elles soient, n’offrent qu’un moyen incomplet de dresser une langue : il faut en venir aux imitations, à ces imitations détournées et savantes qui sont proprement l’invention des classiques, comme le sentait si bien M.  […] Tant qu’on a été classique en France, que le goût du public a été tel, et d’un classique moyen, on a aimé la traduction en vers des poètes. […] Nisard, ne veut même pas qu’on imite d’une langue moderne à une autre langue moderne : c’est le moyen de prendre avant tout les défauts les uns des autres. […] À défaut du Roland devenu impossible, il y aurait eu moyen, j’imagine, d’aller choisir quelque grand fait, quelque épisode de nos chroniques nationales, de nos dernières guerres séculaires, comme les récits chevaleresques de Froissart en sont pleins ; quelque combat des Trente ; et, sans tant chercher, que n’est-on allé donner la main à la dernière chanson de geste de la seconde moitié du xive  siècle, à la chronique de Du Guesclin !

283. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre II. Boileau Despréaux »

Il y avait moyen de les sauver, en vertu même du naturalisme : mais ni Boileau ni le xviie  siècle n’y ont songé. Dans son naturalisme, Boileau trouve le moyen de fonder en raison l’admiration, l’imitation des anciens. […] Donc, l’antiquité, c’est la nature ; et imiter l’antiquité, c’est user des meilleurs moyens que l’esprit humain ait jamais trouvés pour exprimer la nature en perfection. […] L’imitation des anciens fournit à Boileau le moyen de transformer en forme d’art l’observation de la nature. […] Il pose les lois de la versification, qui sera correcte d’abord, mais aussi harmonieuse, expressive ; il pose les lois du style, qui sera correct et clair, mais efficace et expressif, les lois de la composition qui sera juste et proportionnée : vers, langage, plan, ce sont trois moyens, qui doivent concourir à approcher l’objet naturel, sans le déformer, de l’esprit du lecteur.

284. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « La jeunesse du grand Condé d’après M. le duc d’Aumale »

Il n’a ni la liberté ni les moyens d’écrire des romans naturalistes, impressionnistes, pessimistes, analytiques ou autres. […] Car d’abord c’est le seul moyen de voir de près les mœurs, les sentiments, les âmes des humbles et la lutte pour l’existence sous ses formes les plus simples et les plus tragiques. […] Il n’y a pas à dire, le grand Condé était laid, si la laideur consiste dans un éloignement par trop audacieux des proportions moyennes du visage humain. […] Je n’ai ni la prétention ni les moyens de trancher la question. […] « Gassion aussi, dit M. le duc d’Aumale, avait écrit à Mazarin ; dans sa lettre, courte d’ailleurs, il avait trouvé moyen de ne parler que de lui-même. » Voyez-vous percer la malveillance ?

285. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre III : La science — Chapitre II : De la méthode expérimentale en physiologie »

Or, comme nous ne pouvons atteindre les phénomènes que par l’intermédiaire du milieu, si ces phénomènes vitaux sont en dehors de tout milieu et indépendants de lui, nous ne pouvons agir sur eux par aucun moyen : nous ne pouvons que les regarder, sans y toucher, sans les modifier. […] C’est le sang qui permet à l’être vivant de supporter les plus grands changements dans le milieu externe, parce qu’il se maintient lui-même dans une sorte d’équilibre moyen, dont les perturbations accidentelles sont les principales causes des maladies. […] Lorsque le philosophe prend d’un côté un morceau de marbre, et de l’autre une grande pensée, un grand sentiment, un acte de vertu, il n’a pas de peine à démontrer que ces phénomènes répugnent à la nature du marbre ; mais, lorsque d’intermédiaire en intermédiaire il s’est élevé du minéral au végétal, du végétal à l’animal, de l’animal à l’homme, lorsqu’il passe du travail chimique au travail vital, de là au travail psychologique, — lorsque enfin il vient à remarquer que de la vie consciente à la vie inconsciente, et réciproquement, il y a un va-et-vient perpétuel et un passage insensible et continu, il ne peut s’empêcher de demander en quoi consiste ce moyen terme entre l’âme pensante et la matière brute, qui lie l’une à l’autre, et qui, sans pouvoir se séparer de la seconde, est ici-bas la condition indispensable de la première. […] J’avoue que se servir de la force vitale comme d’un moyen pour expliquer tel ou tel phénomène en particulier, c’est faire appel aux qualités occultes, à un deus ex machina. […] Tout dérive de l’idée qui seule dirige et crée ; ces moyens de manifestation physico-chimiques sont communs à tous les phénomènes de la nature, et restent confondus pêle-mêle comme les lettres de l’alphabet dans une boîte où cette force va les chercher pour exprimer les pensées ou les mécanismes les plus divers. » Cette remarquable page, où l’auteur développe à sa façon le principe que les philosophes appellent principe des causes finales, prouve qu’il y a dans les êtres vivants au moins une force initiale qui ne se réduit pas aux forces physiques et chimiques, et rien jusqu’ici ne porte à croire qu’elle s’y réduira jamais.

286. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Plan, d’une université, pour, le gouvernement de Russie » pp. 433-452

Tous ont assez bien connu les vices de notre éducation publique, aucun d’eux qui nous ait indiqué les vrais moyens de la rectifier ; nulle distinction entre ce qu’il importe à tous de savoir et ce qu’il n’importe d’enseigner qu’à quelques-uns ; nul égard ni à l’utilité plus ou moins générale des connaissances, ni à l’ordre des études qui devrait en être le corollaire. […] Qu’ils voient donc tout l’espace qu’ils ont à parcourir, mais qu’en même temps ils soient bien persuadés et du désir et des moyens qu’on a de les secourir. […] Procéder de la chose facile à la chose difficile ; aller depuis le premier pas jusqu’au dernier, de ce qui est le plus utile à ce qui l’est moins, de ce qui est nécessaire à tous à ce qui ne l’est qu’à quelques-uns ; épargner le temps et la fatigue, ou proportionner l’enseignement à l’âge et les leçons à la capacité moyenne des esprits. […] Si le plan général est au-dessus des ressources du moment, attendre d’un avenir plus favorable son entière et parfaite exécution, mais ne rien abandonner au caprice de l’avenir ; en user avec une maison d’éducation publique comme en use un architecte intelligent avec un propriétaire borné dans ses moyens ; si celui-ci n’a point de quoi fournir subitement aux frais de tout l’édifice, l’autre creuse des fondements, pose les premières pierres, élève une aile, et cette aile est celle qu’il fallait d’abord élever ; et lorsqu’il est forcé de suspendre son travail, il laissé à la partie construite des pierres d’attente qui se remarquent, et entre les mains du propriétaire un plan général auquel, à la reprise du bâtiment, on se conformera sous peine de ne retirer de la dépense qu’on a faite et de celle qu’on fera qu’un amas confus de pièces belles ou laides, mais contradictoires entre elles et ne formant qu’un mauvais ensemble. […] — Mais c’est le moyen de peupler une société d’hommes superficiels !

287. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre X. Première partie. Théorie de la parole » pp. 268-299

Au commencement, Dieu voulut enseigner la parole à l’homme pour lui parler au moyen même de cette parole. […] Le poète transmet l’impression sans peindre l’objet par des effets puisés dans les moyens techniques de l’art. […] Inhabile à s’élever comme à s’abaisser, elle reste dans une région moyenne. […] Il y a, n’en doutons point, dans la langue libre, c’est-à-dire dans la prose française, une langue moyenne qui n’est pas dépourvue de nombre, et qui embrasse une plus grande partie de la langue poétique française ; mais ni la prose ni la versification ne peuvent pleinement satisfaire, dans notre langue, le génie de la poésie. […] Elle a dit formellement qu’il était utile de remédier aux dangers de la parole écrite par les moyens mêmes de la parole écrite.

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