Rien ne plaît parce qu’on ne saurait plus soi-même se plaire : on se venge sur tout ce qui nous environne des chagrins secrets qui nous déchirent ; il semble qu’on fait un crime au reste des hommes de l’impuissance où l’on est d’être encore aussi criminels qu’eux : on leur reproche en secret tout ce qu’on ne peut plus se permettre à soi-même, et l’on met l’humeur à la place des plaisirs. […] Il semblait que, Louis XIV ayant abusé de sa méthode de régner, une nouvelle et plus douce manière devait être plus efficace et d’une application désormais certaine : Les rois ne peuvent être grands qu’en se rendant utiles aux peuples… Ce n’est pas le souverain, c’est la loi, Sire, qui doit régner sur les peuples… Les hommes croient être libres quand ils ne sont gouvernés que par les lois… Oui, Sire, il faut être utile aux hommes pour être grand dans l’opinion des hommes… Il faut mettre les hommes dans les intérêts de notre gloire si nous voulons qu’elle soit immortelle ; et nous ne pouvons les y mettre que par nos bienfaits. […] Massillon établit sa paraphrase morale sur un texte qu’il déroule verset par verset et qu’il gradue ; il met sa gerbe avec ordre et l’assoit en quelque sorte sur les roues du char sacré : la marche en est égale, cadencée, nombreuse ; au lieu que la parole de Bossuet se confond le plus souvent avec le char lui-même, avec la roue enflammée qui emporte le Prophète.
tu n’aurais plus raison à mes yeux. » Les jésuites voulaient quelque chose de plus positif, de moins conditionnel, et qu’il mît sapias au lieu de saperes, c’est-à-dire : « Tu n’as plus raison à mes yeux. » Le pauvre Santeul fit deux copies, l’une où était saperes pour les amis de M. […] Santolius Burgundus est même le titre qu’il mit expressément à cette pièce finale de glorification en l’honneur de sa cité adoptive. […] Peu de temps après, se trouvant mal, il se mit au lit sur les onze heures, avec des cris et des agitations étranges. […] On lui fit des obsèques solennelles ; toute la Bourgogne se mit en frais pour l’ensevelir avec honneur et lui payer les tributs funèbres en vers et en prose comme à l’un de ses enfants ; mais Saint-Victor revendiqua ses dépouilles.
Lui et ses amis ils avaient conjuré ensemble pour que la langue française eût enfin une haute poésie, et ils se mirent incontinent à l’œuvre pour la lui donner (1550). […] Ce sentier, non frayé jusque-là, consiste à se jeter tout à fait du côté des anciens, à suivre de près Pindare, Horace ; il met son orgueil à les reproduire, à se modeler sur eux. […] Et cependant il s’exerce en bien des genres qu’on pourrait dire noblement tempérés, dans l’épître, le poème moral, et il y a fait preuve de sens et de talent : ainsi dans une des pièces qui lui attirèrent le plus d’inimitiés, dans son Discours des misères de ce temps, adressé à la reine Catherine de Médicis à l’occasion des troubles et des premiers massacres de religion dont le signal fut donné en 1560, il disait, après avoir dépeint l’espèce de fureur soudaine qui s’était emparée des esprits : Mais vous, reine très sage, en voyant ce discord Pouvez, en commandant, les mettre tous d’accord Imitant le pasteur qui voyant les armées De ses mouches à miel, fièrement animées Pour soutenir leurs rois, au combat se ruer. […] Tu t’es mis dès lors au plain-chant de la messe ; mais depuis ce temps-là ce n’est plus ta muse, c’est ta messe qui chante.
Mais dans cette lettre, sous prétexte que Lulli descendu aux Enfers est renvoyé par Proserpine pour être définitivement jugé par-devant le Bon Goût, on se met en marche du côté où l’on suppose qu’habite ce dieu ou demi-dieu : et ici Sénecé nous trace tout un itinéraire où il expose sa théorie littéraire et critique sous forme d’emblème. […] Il est extrêmement rapide… Et voilà les ingéniosités quintessenciées et glaciales que Sénecé met dans la bouche de Virgile, en prétendant que rien ne ressemble plus au siècle d’Auguste que celui de Louis XIV ; c’est du Scudéry tout pur, c’est la carte du royaume de Tendre transportée dans la description du goût. — Et puis, quand on est embarqué sur le fleuve d’Imagination, l’arrivée à l’endroit nommé le Péage des critiques, la garde qu’y font les capitaines Scaliger, Vossius et autres, les « petits bateaux couverts qu’on appelle métaphores », et dont quelques-uns échappent à grand-peine à ces terribles douaniers ; et plus loin, quand on a pénétré dans le cabinet du Bon Goût, l’attitude et l’accoutrement baroque de ce bon seigneur qui m’a tout l’air d’être fort goutteux, appuyé d’un côté sur la Vérité et de l’autre sur la Raison, qui, tenant chacune un éventail, lui chassent de grosses mouches de devant les yeux (ces mouches sont les Préjugés) : les deux jeunes enfants qui sont à ses pieds, aux pieds du seigneur Bon Goût, et qui le tirent chacun tant qu’ils peuvent par un pan de son habit, l’un, un petit garçon toujours inquiet et remuant, nommé l’Usage : l’autre, une petite fille toujours fixe et assise, une vraie poupée nommée l’Habitude, que vous dirai-je de plus ? […] Martial y a mis beaucoup d’esprit ; il a, si j’ose dire, tout à fait émoustillé l’épigramme : il a été l’Ovide du genre. […] Dans une lettre à Mme de Bellocq, veuve de son ami, il a tracé un tableau assez riant de la vie tranquille, à la fois philosophique et chrétienne, qu’il menait durant les dernières années (1726-1737) : Ayant fait réflexion, disait-il, que j’étais dans un âge trop avancé pour me donner le soin d’économer (de régir) des biens de campagne, j’ai pris le parti de mettre ma terre en ferme et de me retirer entièrement à la ville.
Jean-Jacques, notre grand aïeul, a dit : « Quand le cœur s’ouvre aux passions, il s’ouvre à l’ennui de la vie. » Ç’a été notre histoire à tous, c’est l’épigraphe à mettre à tous les Werther, à tous les René et à ceux qui en descendent. […] Un hasard heureux me met à même de faire ici un rapprochement assez inattendu. […] André Lefèvre, avec cette pensée philosophique qu’il met en avant, est un artiste, un savant artiste de forme. […] J’ai parcouru jusqu’ici bien des tons, j’ai fait résonner bien des notes sur le vaste clavier de la poésie, et pourtant je n’ai pas encore abordé mon vrai sujet, celui qui m’a réellement mis cette fois en goût d’écrire, le Poème des Champs de M.
À toutes ces invraisemblances de détail qu’on fait valoir, j’opposerai un petit signe qui fait plus, à mon sens, que les compenser, et qui est bien propre à Mme de Staël ; je crois qu’aucun de ceux qui ont vu beaucoup de ses lettres ne me démentira ; ce sont ces quelques mots anglais, my dear sir, jetés dans une lettre écrite en français : Mme de Staël, avec les gens avec qui elle n’était pas entièrement familière, aimait à faire cela, et à mettre sur le compte d’une autre langue cette sorte d’anticipation de tendresse. […] Elle n’est pas responsable de ce puritanisme posthume qui ne veut qu’à aucun prix elle ait pu se mettre en avant et intervenir alors dans une intention généreuse. […] Dieu et la liberté, c’est grand, c’est le plus noble vœu, et qui rappelle le mot de Voltaire au petit-fils de Franklin ; mais mon père, mis là entre Dieu et la liberté, fait une sorte d’énigme ou du moins une singularité, et demande explication. Au moment où elle fut dite par elle, déjà mortellement atteinte et défaillante, une telle parole dut paraître admirable, et elle l’était ; mais c’est à la condition d’y mettre aussi l’éclair du regard, la physionomie, l’accent ; il faut tout cela à sa parole pour se compléter ; sa plume n’avait pas ce qui termine : il manque presque toujours à sa phrase écrite je ne sais que] accompagnement.
Du moment qu’on quitte le port et qu’on se met en route, il faut bien naviguer avec les vents et sur les mers de son temps. […] On voyait en première ligne, en tête de ces partisans des rigueurs salutaires, un Bonald, à l’air respectable et doux, métaphysicien inflexible et qui prenait volontiers son point d’appui, non pas dans l’ancienne monarchie trop voisine encore à son gré, mais par-delà jusque dans la politique sacrée et dans la législation de Moïse : oracle du parti, tout ce qu’il proférait était chose sacro-sainte, et quiconque l’avait une fois contredit était rejeté à l’instant, répudié à jamais par les purs ; — un La Bourdonnaie, l’homme d’action et d’exécution, caractère absolu, dominateur, un peu le rival de Bonald en influence, mais non moins dur, et qui avec du talent, un tour d’indépendance, avec le goût et jusqu’à un certain point la pratique des principes parlementaires, a eu le malheur d’attacher à son nom l’inséparable souvenir de mesures acerbes et de classifications cruelles ; — un Salaberry, non moins ardent, et plus encore, s’il se pouvait ; pamphlétaire de plume comme de parole, d’un blanc écarlate ; — un Duplessis-Grenedan, celui même qui se faisait le champion de la potence et de la pendaison, atroce de langage dans ses motions de député, équitable ailleurs, par une de ces contradictions qui ne sont pas rares, et même assez éclairé, dit-on, comme magistrat sur son siège de justice ; — M. de Bouville, qui eut cela de particulier, entre tous, de se montrer le plus inconsolable de l’évasion de M. de Lavalette ; qui alla de sa personne en vérifier toutes les circonstances sur les lieux mêmes, et qui, au retour, dans sa fièvre de soupçon, cherchait de l’œil des complices en face de lui jusque sur le banc des ministres ; — et pour changer de gamme, tout à côté des précédents, cet onctueux et larmoyant Marcellus, toujours en deuil du trône et de l’autel, d’un ridicule ineffable, dont quelque chose a rejailli jusqu’à la fin sur son estimable fils ; — et un Piet, avocat pitoyable, qui, proposant anodinement la peine de mort pour remplacer celle de la déportation, disait, dans sa naïveté, qu’entre les deux la différence, après tout, se réduisait à bien peu de chose ; ce qui mettait l’Assemblée en belle humeur et n’empêchait pas le triste sire de devenir bientôt, par son salon commode, le centre et l’hôte avoué de tous les bien pensants ; — et un Laborie que j’ai bien connu, toujours en quête, en chuchotage, en petits billets illisibles, courtier de tout le monde, trottant de Talleyrand ou de Beugnot à Daunou, mêlé et tripotant dans les journaux, pas méchant, serviable même, mais trop l’agent d’un parti pour ne pas être inquiétant et parfois nuisible. Il y avait des niais et quelques sots panachés dont je ne parle pas, ils vivent peut-être encore ; puis, à côté, les malins : — et ce Vitrolles, hardi, osé, peu scrupuleux, qui avait un pied dans les camps les plus opposés, qui visait à un premier rôle, qui jouait son va-tout sur une seule carte, la confiance intime de Monsieur ; qui perdit et qui se fera beaucoup pardonner un jour en jugeant dans ses Mémoires avec esprit les gens qui l’ont mal payé de son zèle ; — et Michaud ; engagé parmi les violents du parti, on ne sait trop pourquoi, si ce n’est parce qu’il s’en était mis de bonne heure et de tout temps ; raisonnable et même assez philosophe dans ses écrits historiques et dans ses livres, incorrigible dans ses feuilles ; de qui Napoléon avait dit que c’était « un mauvais sujet » ; avec cela homme d’esprit et les aimant, indulgent même pour la jeunesse ; journaliste avant tout et connaissant son arme, muet dans les assemblées et pour cause, avec un filet de voix très-mince, un rire voltairien, et qui passa sa vie à se rendre compte des sottises qu’il favorisait, qu’il provoquait même, et qu’il voyait faire41. […] Cet honnête homme à imagination ardente, et qui n’admettait guère qu’on pût sentir et penser autrement que lui-même, lui arracha une phrase par laquelle on supplia formellement le roi de s’en tenir à la clémence pour le passé et d’y mettre un terme, eu laissant cours à la justice et à la sévérité des lois pour l’avenir.
Il a beau se contenter des dons du sort et de la médiocrité du sage, il y a des moments où il sent le besoin pourtant d’un peu plus de fortune pour la variété et pour le renouvellement de la vie ; il a conscience de ce qui lui manque, tant pour l’entière satisfaction du cœur et de l’esprit que pour les excitations légitimes du talent : « Il nous faudrait à tous deux (à Thomas et à lui), mais surtout à moi, dit-il, un peu plus de fortune : cela me mettrait à même de couper, par quelques parties agréables, la monotonie d’une existence qui n’a point assez de mouvement pour un homme né penseur, que la vue des mêmes visages et du même horizon ramène trop facilement sur son état et sur la misère des choses humaines. » Puis il se repent presque aussitôt d’avoir trop demandé, et faisant allusion à quelque image mélancolique que lui suggérait une lettre de Deleyre (malheureusement nous ne possédons aucune de celles qui sont adressées à Ducis) : « Hélas ! mon cher ami, s’écriait-il, vous avez bien raison : sur ce grand fleuve de la vie, parmi tant de barques qui le descendent rapidement pour ne le remonter jamais, c’est encore un bonheur que d’avoir trouvé dans son batelet quelques bonnes âmes qui mêlent leurs provisions avec les vôtres et mettent leur cœur en commun avec vous. […] Il a mis l’ordre partout ; pourquoi laissons-nous le désordre pénétrer dans notre âme ? […] L’absence des objets qu’il voit avec trop d’inquiétude, la nouveauté des lieux, l’air, les promenades champêtres, les conversations douces, tout cela contribue à éclaircir son front, à mettre dans son esprit une certaine modération, qui est peut-être toute notre sagesse humaine… C’est une chose étrange que nous nous forgions à grands frais une sagesse laborieuse qui nous accable, tandis que la véritable est à nos côtés et se rit de nous.
On le vit bien, lorsqu’à la nouvelle de la mort inopinée de l’Électeur de Bavière, décédé sans héritier direct en décembre 1777, l’Autriche, sous prétexte de droits particuliers qu’elle revendiquait et qui n’étaient connus que d’elle, se mit en possession militairement des deux tiers du pays. […] « … Il serait bien malheureux que le repos de l’Europe dépendît de deux puissances si connues dans leurs maximes et principes, même en gouvernant leurs propres sujets ; et notre sainte religion recevrait le dernier coup, et les mœurs et la bonne foi devraient alors se chercher chez les barbares. » Elle fait un léger mea culpa sur l’affaire de la Pologne, sur ce partage où l’Autriche s’est laissé induire (le mot est d’elle), en se liant avec ces deux mêmes puissances qu’elle qualifie si durement ; elle a l’air d’en avoir du regret ; et l’on entrevoit pourtant, par quelques-unes de ses paroles, que si pareille chose était à recommencer, et si l’Autriche, abandonnée d’ailleurs, n’avait point d’autre ressource qu’une telle alliance, elle pourrait encore la renouer sans trop d’effort et jouer le même jeu, en se remettant à hurler avec les loups : « Car je dois avouer qu’à la longue nous devrions, pour notre propre sûreté ou pour avoir aussi une part au gâteau, nous mettre de la partie. » La femme ambitieuse laisse ici passer le bout de l’oreille. […] Cette femme superbe, dévorée d’ambition, voulait aller à la gloire par tous les chemins ; elle mit dans ses finances un ordre inconnu à ses ancêtres, et non seulement répara par de bons arrangements ce qu’elle avait perdu par les provinces cédées au roi de Prusse et au roi de Sardaigne, mais elle augmenta encore considérablement ses revenus. […] Elle se sentait mère de huit enfants, et le dernier, Maximilien, faible et débile, devait être aussitôt mis hors de combat par les fatigues de cette campagne de 1778.
On a mis le feu à cet édifice. […] Frayssinous, l’archevêque de Paris lui-même à qui il cite De Maistre ; il met en groupe tous ceux qu’il appelle les hommes d’entre-deux et qu’il a depuis enjambés. […] J’ouvre les Mélanges de 1825 : « On ne lit plus,… on n’en a plus le temps… Cette accélération de mouvement qui ne permet de rien enchaîner, de rien méditer, suffirait seule pour affaiblir et, à la longue, pour détruire entièrement la raison humaine. » Et en tête du livre de la Religion considérée dans ses rapports, etc. (1826) : « On ne lit plus aujourd’hui les longs ouvrages ; ils fatiguent, ils ennuient ; l’esprit humain est las de lui-même, et le loisir manque aussi… Dans le mouvement rapide qui emporte le monde, on n’écoute qu’en marchant… » On peut observer en règle générale que, de même que les livres de M. de La Mennais commencent tous par une parole empressée sur la vitesse des choses et la hâte qu’il faut y mettre, ils finissent tous également par une espèce de prophétie absolue. […] Si je voulais donner à un jeune homme de vingt ans, enthousiaste, enorgueilli de doctrines absolues, la plus haute leçon de philosophie pratique (soit philosophie chrétienne, soit philosophie humaine), je le lui ferais lire, et aussitôt le volume achevé, je lui mettrais entre les mains le livre de la Religion considérée dans ses Rapports, etc., par le même auteur.
Rien n’est plus triste, sans doute, que cette nécessité où l’on croit être de venir mettre successivement une barre rigoureuse à chacune de ses admirations les plus profondes, et de prononcer ce fatal : Tu n’iras pas plus loin, dans une louange chère au cœur et qu’on ne croyait pas pouvoir épuiser. […] Ces belles paroles que Dante, au chant xiii de son Paradis, met dans la bouche de saint Thomas, ne sortiront pas de notre mémoire et nous feront assez rentrer en nous-même : «… Que ceci te serve d’avertissement et te soit comme une semelle de plomb aux pieds, pour que tu n’ailles que bien lentement, et comme un homme déjà lassé, vers le oui ou vers le non des choses que tu n’as pas entendues du premier coup ! […] Croyez-vous qu’à une pareille époque, et en présence de tels problèmes, il y ait honneur et vertu à se mettre à part dans le petit troupeau des sceptiques, et à dire comme Montaigne : Que sais-je ? […] et quelle est, je vous le demande, la vraie charité, ou celle qui jetterait du haut de son char une poignée de louis au nez du pauvre, ou celle qui s’approche de lui, passe et repasse deux fois, le considère et lui met dans le fond de la main un louis, un seul louis d’or, qu’elle y renferme avec étreinte, le laissant immobile et pénétré ?
Les autres poètes antérieurs à Cicéron, ou méritent à peine d’être nommés, ou, comme Lucrèce, ont mis en vers des idées philosophiques22. […] La littérature a commencé lorsque l’esprit des Romains était déjà formé par plusieurs siècles, dans lesquels les principes philosophiques avaient été mis en pratique. […] Cher les Lacédémoniens, c’était le mépris de la douleur physique ; chez les Athéniens, la distinction des talents ; chez les Romains, la puissance de l’âme sur elle-même ; chez les Français, l’éclat de la valeur ; et telle était l’importance qu’un Romain mettait à l’exercice d’un empire absolu sur tout son être, que, seul avec lui-même, le stoïcien s’avouait à peine les affections qu’il lui était ordonné de surmonter. […] Il ne nous est resté ni un titre ni un éloge de semblables tragédies dans Horace ni dans Cicéron, qui mettaient l’un et l’autre cependant beaucoup de prix à faire valoir la littérature latine.
De l’Allemagne, nous avons connu surtout, de première ou de seconde main, le matérialisme scientifique de Büchner923, l’évolutionnisme systématique de Hæckel ; le pessimisme de Schopenhauer nous a conquis ; et M. de Hartmann a mis pour un temps l’inconscient à la mode. […] Les écrivains qui se sont senti le don de l’observation morale ont émigré en masse vers le roman et le théâtre, pour mettre en action et en drame leur expérience. […] Gréard : il a mis sa clairvoyance de moraliste dans la rédaction des rapports et documents administratifs ; et c’est la première fois, je crois, que des « écritures » de cet ordre sont devenues œuvres littéraires932. […] Je mets à part Renan, dont toute l’œuvre est sortie en somme de la philologie sémitique : j’y reviendrai tout à l’heure.
Les vieux, les jeunes, jusqu’aux infirmes et aux bancroches, tout le monde s’y met et personne n’est de trop. […] Richepin a beau être un insurgé, avoir la passion des gros mots et des plus abominables crudités de pensée et de style, la perfection de sa rhétorique nous met en défiance. […] Richepin n’en met d’ordinaire dans ses rimes. […] (Notez que cela est quelque chose et qu’en tout ceci, tandis que je parais condamner et juger, je ne fais que constater et définir. ) Les Litanies de la mer, où le poète parvient à appliquer à la mer toutes les invocations des litanies de la sainte Vierge, n’est qu’un jeu byzantin, une surprenante « réussite » lyrique, une « patience » qui finit par mettre la nôtre à une rude épreuve.
Certes, nous sommes bien ambitieux pour elle, puisque la gloire de ces commencements ne nous suffit pas, et que nous appelons quelque époque féconde qui mette en possession de sa vraie destinée cette langue à laquelle, du nord au midi, l’Europe rendait hommage. […] Toutefois, cette connaissance même imparfaite du passé leur donnait un avantage immense sur les écrivains en langue vulgaire, et les mettait en quelque sorte sur la voie des vérités générales. […] La foi du théologien transporte saint Bernard si loin et si au-dessus de la vie, qu’il néglige ces indications si lumineuses ; et quand il se rencontre dans les livres saints quelques fortes peintures ou des récits attachants de la vie, il les tourne à la figure, comme pour mettre une ombre mystique entre la réalité et lui. […] Le jour où l’esprit ancien et l’esprit français, mis en contact par les livres, se seront reconnus, ce jour-là commencera l’histoire de la littérature française ; et, malgré la lenteur des progrès, il sera glorieux pour l’esprit français de s’être trouvé prêt pour cette reconnaissance, et d’avoir eu le regard assez ferme pour n’être pas ébloui de tant de lumières.
Cette idée d’une reine française, simple fille de qualité, cette brusque fortune avait mis les imaginations en éveil. […] On peut dire, par exemple, de ces orgies d’Anet ou du Temple chez les Vendôme, et de l’esprit qui s’y dépensait, ce que La Bruyère a dit de Rabelais : C’est un monstrueux assemblage d’une morale fine et ingénieuse et d’une sale corruption : ou il est mauvais, il passe bien loin au-delà du pire, c’est le charme de la canaille ; où il est bon, il va jusqu’à l’exquis et à l’excellent, il peut être le mets des plus délicats. […] Comme poète, il compte peu ; il se mit tard à la poésie. […] Une lettre du chevalier de Bouillon à Chaulieu (1711), dans laquelle le chevalier raconte en quel déplorable état bachique il a trouvé La Fare qu’il allait visiter, compléterait le tableau : « Si vous l’aimez, écrit le chevalier à Chaulieu, vous reviendrez incessamment voir s’il n’y a pas moyen d’y mettre quelque ordre.
Il ne faut point imiter, disait-il, ces peuples anciens qui, dans l’effroi causé par l’incendie de Phaéton, se mirent à demander aux dieux des ténèbres éternelles. […] La direction de ses études et de ses écrits l’avait mis en relation assez étroite avec les membres de la société d’Auteuil, avec Tracy, avec Cabanis. […] Droz a été surtout séduit par le côté riant, familier, humain et affectueux de l’auteur des Essais ; il a reconnu en lui sinon un excellent instituteur, du moins un bon ami ; il a fait avec Montaigne comme tout à l’heure avec Cabanis ; il s’est mis en communication avec lui par la qualité sympathique qui unissait leurs deux natures. […] Elle le mit aux prises avec la réalité tout entière ; il y garda ses qualités pures, claires, limpides ; il y développa l’expression d’une probité plus mâle, et, dans cet ouvrage final et si longtemps médité, il put donner enfin toute sa mesure.
Aussi, voyez ce qu’il a fait : il en a dissimulé l’horreur, il y a mis le prestige. […] Tout en regard, pour montrer à nu le procédé, je mettrai le portrait de Louis XVIII, que M. de Lamartine nous donne au second volume. […] Lubis, sans y mettre un mot de plus ni de moins et sans les contrôler. […] II, p. 359-370), M. de Lamartine a purement mis à contribution M.
Brantôme qui faisait une galerie des Dames illustres françaises et étrangères, après y avoir fait entrer Marie Stuart, avait pensé à y mettre Marguerite comme un autre exemple des injustices et des inclémences de la fortune. […] Et il lui expose les belles et grandes charges où Dieu l’a appelé, où la reine leur mère l’a élevé, et où le tient le roi Charles IX leur frère ; il craint que ce roi, courageux comme il l’est, ne s’amuse point toujours à la chasse, et ne devienne ambitieux de se mettre à la tête des armées dont il lui a laissé le commandement jusqu’ici. […] N’oubliez pas l’art de s’accommoder et de se mettre, les inventions nouvelles en ce genre qui ne venaient que d’elle ; elle était reine de la mode et de la façon (fashion). […] » s’écriait à toute heure son frère d’Alençon, tout ravi des mille imaginations gracieuses par lesquelles elle se mettait en frais pour lui varier et lui embellir ces jours en sa maison de La Fère.
Je n’aurais pu mettre sur une affiche comme tel grand quotidien : La Vogue, un million de lecteurs ! […] L’importance de cette technique nouvelle, en dehors de la mise en valeur d’harmonies forcément négligées, sera de permettre à tout poète de concevoir en lui son vers ou plutôt sa strophe originale, et d’écrire son rythme propre et individuel au lieu d’endosser un uniforme taillé d’avance et qui le réduit à n’être que l’élève de tel glorieux prédécesseur. […] Il nous paraît donc plausible de le scander, en le considérant entre les syllabes environnantes comme un simple intervalle, et en cela nous sommes d’accord avec la déclamation instinctive du langage qui est la vraie base de la rythmique, et même la constitue dès qu’elle se met d’accord avec l’accent d’impulsion qui est son élément de variation, et l’intonation poétique, subordonnée à l’accent d’impulsion, accent et intonation qui comptent, puisque le vers et la strophe sont tout ou partie de phrase chantée et sont de la parole avant d’être une ligne écrite. […] Nous avons souvent rimé par des mots consonants semblablement mais à voyelles finales différentes : « Jules Romains tendrait à codifier qu’il faut mettre à la place de la rime un rapport de sonorité plus inédit, plus frais, plus approprié aux circonstances métriques. » C’est dire, en somme, qu’il suffit de suggérer la rime pour qu’elle existe, et cela est vrai ; les poèmes libres en offrent de nombreux exemples.
Jules Simon : « La loi que je sollicite aurait donc ce double objet : « 1° D’approuver la proposition faite par l’archevêque de Paris d’ériger sur la colline de Montmartre en un point déterminé après une enquête, un temple destiné à appeler sur la France la protection et la bonté divines ; « 2° D’autoriser l’archevêque à acquérir, tant en son nom qu’au nom de ses successeurs, les « terrains nécessaires, à l’amiable et, s’il y a lieu, par voie d’expropriation, après déclaration d’utilité publique, à la charge par lui de payer le prix d’acquisition des terrains et les frais de construction de l’édifice, avec les ressources mises ou à mettre à sa disposition par la piété des fidèles. » Il est inutile, je pense, de faire remarquer la profonde habileté et la prudence d’expression de cette requête, qui cache, sous son apparente modestie, le piège où allait se prendre l’Assemblée nationale. […] Je viens examiner l’utilité morale, l’utilité religieuse qu’il peut y avoir à établir une église à Montmartre… Lorsqu’il s’agit d’établir à Paris, dans ce grand foyer de la Révolution et de la libre pensée, sur le point culminant de la capitale, sur ce point qui se voit de tous côtés et de si loin, un monument qui le couronne et dans le quartier qui est, à vos yeux, l’un des centres les plus ardents de l’insurrection, l’effet que vous attendez est celui-ci : Mettre là un symbole du triomphe de l’Église sur la Révolution. […] » II Après avoir rapidement parcouru les diverses étapes de l’œuvre du « Vœu National », je reprends les trois textes mis successivement sous les yeux du lecteur, persuadé que leur examen comparé nous fournira de précieuses conclusions.
Cousin avait examiné devant lui l’origine des idées et quelques points de psychologie : c’en fut assez ; sorti de l’école, il se mit au travail, « dévoré de l’ardeur de la science, de la foi en lui-même », jetant les livres, trouvant la psychologie à mesure qu’il l’enseignait. […] Il ne quittait leur main qu’après les avoir orientés dans ce labyrinthe, munis de classifications, de définitions, d’explications, éclairés sur la route à suivre, mis en état de guider leur guide, remplis de défiance pour eux-mêmes, d’espoir en la vérité et de confiance en la méthode. Alors seulement il se mettait en marche, aussi attentif dans le voyage que pendant les préparatifs. […] Les réfutations, principalement, sont admirables ; il est impossible de mieux posséder son sujet, de pénétrer plus complètement le fort et le faible des systèmes, de mettre plus exactement et plus visiblement le doigt sur l’origine des sophismes, de démêler et de corriger plus sûrement les déviations par lesquelles une doctrine vraie fléchit et va se perdre dans l’erreur.
Rentré chez lui, il détache la page, y met la date, la range à sa place dans un carton de faits semblables. […] Ma traduction met sous la phrase un fait douteux et vague. […] Avec des couteaux et des scalpels, on met à nu l’estomac, et on remarque que, lorsqu’il reçoit les aliments, il change de forme et de direction. […] Pour cela on met le mot dans les cas particuliers, singuliers et déterminés où il peut naître ; on le fait ainsi renaître ; et en répétant l’opération plusieurs fois, sur des exemples distincts et semblables, on finit par démêler la circonstance à laquelle il correspond.
C’est de soi-même que l’auteur met le plus dans son œuvre. […] Ils mettent à jour nos tares, nos vices, nos monstruosités. […] Avant que l’homme n’adopte les notions nouvelles de la vie, on doit le mettre à même de les comprendre et de croire en leur valeur. […] Il faut qu’il se mette à la portée des médiocres, descende de son piédestal de purisme et de beauté. […] Et d’eux-mêmes, une fois mis au métier, ils n’étudient pas davantage.
Dans les premières pages de son étude, le comte Tolstoï se délecte à mettre en pleine lumière l’incohérence des théories en présence. […] Mais Siegfried joue mal de la flûte, et se met alors à souffler dans sa corne. […] Pour parler plus clairement : Wagner ne nous donne pas assez à mettre sous la dent. […] Une chose le distingue de tous les contemporains avec lesquels Nietzsche le met en parallèle : c’est sa virginité d’âme. […] Mathis-Lussy, qui, le premier en France, a tenté, quoique incomplètement, de mettre quelque clarté dans cette matière.
» Tel est l’effet curieux à étudier et désormais manifeste du génie lyrique dont on a abusé, de cette inspiration de pure fantaisie et de jeunesse où l’on avait tout mis, de cette lacune morale sous des airs de sentiment, de cette vie épicurienne et de plaisir sous un vernis de mysticisme et de religiosité. […] — Le succès de la quinzaine à Paris a été véritablement l’Antigone de Sophocle, mise en vers par MM.
Cooper est allé se perfectionnant de jour en jour ; il a mieux connu son talent, à force de le mettre à l’œuvre ; sa manière, d‘abord timide et douteuse, est devenue plus ferme, plus large, plus originale ; il a osé avoir ses qualités et ses défauts propres ; en un mot, sans jamais cesser d’appartenir à la famille du romancier écossais, il a suivi sa route à part, et le colon s’est émancipé. […] Cooper manque du tout de cette faculté créatrice qui enfante et met au monde des caractères nouveaux, et en vertu de laquelle Rabelais a produit Panurge ; Le Sage, Gil Blas ; et Richardson, Clarisse.
Habile autant que personne à nouer et à dénouer une intrigue, spirituel et délié dans le dialogue, vrai le plus souvent, sinon profond, dans la peinture des mœurs, il sait toujours se mettre au niveau de son auditoire, et calcule avec une rare précision tous ses effets. […] Un industriel, un de ces spéculateurs de notre temps qui mettraient le soleil en actions s’ils croyaient trouver des actionnaires, est descendu dans cet hôtel avec sa jeune fille, qui a nom Florette.
La vérité, c’est que, sans doute, le gouvernement n’a mis aucun empressement à nous renseigner ; mais c’est aussi que, rendus timides par une humiliation d’un quart de siècle, conscients de notre impuissance à défendre désormais, à travers le monde, les causes « humaines », nous ne tenions pas beaucoup à savoir, parce que nous étions incapables d’agir. […] Le « concert européen » — formé seulement des grosses puissances intéressées, et qui ne comprend ni la Suisse, ni la Belgique, ni la Hollande, ni le Danemark, ni la Suède et la Norvège — s’est mis à poursuivre un accord presque impossible et toujours fuyant : faux tribunal d’Amphictyons, où manquent à la fois les petits peuples libres — et le Pape.
Si l’on se met à subtiliser, à distinguer, pour les absoudre, des meurtres atténués, des dixièmes ou des centièmes de meurtre, on ne sait plus jusqu’où l’on sera conduit. […] Bref, il faudrait tâcher de mettre la maternité à la mode, comme Rousseau, jadis, l’allaitement maternel.
Il est bon de montrer au public le néant de ses théories dramatiques et de mettre sa conscience en repos. […] Cette nouvelle mettait aussi en jeu les opérations de la volonté, mais elle ne traitait plus de ses affaiblissements et de ses défaites sous l’aspect de la peur ; elle étudiait, au contraire, ses exaltations sous l’impulsion d’une conviction tournée à l’idée fixe ; elle démontrait sa puissance qui parvenait même à saturer l’atmosphère, à imposer sa foi aux choses ambiantes… Mais, dans le tempérament de Villiers, un autre coin, bien autrement perçant, bien autrement net, existait, un coin de plaisanterie noire et de raillerie féroce ; ce n’étaient plus alors les paradoxales mystifications d’Edgard Poe, c’était un bafouage d’un comique lugubre, tel qu’en ragea Swift.
Il ne faut pas croire au reste, que cette obscurité vienne du fond des matieres ; un esprit sage ne doit pas les traiter, quand il n’est pas capable de les éclaircir, & l’esprit net & méthodique sait rendre tout sensible : c’est ainsi que Bacon, Mallebranche, l’Auteur des Mondes, M. l’Abbé Condillac, ont trouvé moyen de mettre leurs idées à la portée de tout lecteur. […] Nous ajouterons ensuite, que l’excellent Prospectus qui l’annonçoit avec tant de pompe, n’a produit comme la caverne d’Eole, que du vent, du bruit, & du désordre ; & que la plupart des articles de ce Dictionnaire informe, auxquels on a mis le nom de M.
Elle poussa si loin le scandale, qu’elle fut mise en prison, & qu’elle ne put échapper que par la fuite à la sévérité des loix. […] Il met Scioppius au nombre des méchans qui ont prospéré.