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383. (1890) Derniers essais de littérature et d’esthétique

Sur la valeur artistique de chaque matière, sur la correspondance entre la matière ou le procédé, et la faculté imaginative s’efforçant de trouver une expression, sur l’aptitude au réalisme et à l’idéalisme qui réside dans chaque matière, sur le côté historique et humain de l’art, il n’a rien dit. […] La matière la meilleure est le cuir orné d’or. […] Il dédaigna le drap comme une pauvre matière, sur laquelle la dorure ne tarde pas à s’effacer. […] En dernier lieu, c’est la matière, que ce soit le cuir ou l’argile, l’ivoire ou le bois, matière qui souvent donne des suggestions, et toujours commande le dessin. […] En effet, au moins en matière d’art, la pensée est inévitablement colorée par l’émotion.

384. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — Revue littéraire. Victor Hugo. — M. Molé. — Les Guêpes »

Les divers on dit littéraires et politiques, les propos courants sur les personnes et les choses sont devenus depuis quelque temps matière à des publications légères, périodiques, qui, sous cette forme nouvelle, ont assez réussi pour qu’on s’en occupe en passant et qu’on en relève l’espèce d’influence commençante.

385. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Amédée Van Loo  » pp. 139-140

Il y a des auteurs qui savent distribuer leur matière ; il y a des peintres qui savent ordonner un sujet.

386. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Charles Labitte »

Cette idée seule d’une tendresse enfantine (dont tu ris maintenant avec raison, et qui cependant pourrait servir de matière à de jolis vers) est gracieuse et vraie. […] Il y aurait profit à se le rappeler toutefois ; penser beaucoup et sérieusement au passé en telle matière et le bien comprendre, c’est véritablement penser à l’avenir : ces deux termes se lient étroitement et correspondent entre eux comme deux phares. […] Son fonds acquis sur les sermonnaires du Moyen Âge lui fournit matière à de piquantes appréciations de Michel Menot et des autres prédicateurs dits macaroniques . […] Les ligueurs modérés, comme Villeroy et Jeannin, se rangeront même un jour sous ce drapeau qui deviendra celui de Henri IV et de Sully. » Voilà le vrai, le sens commun en pareille matière, et Charles Labitte l’a su rafraîchir de toutes sortes de raisons neuves et revêtir de textes peu connus.

387. (1890) L’avenir de la science « XXIII »

Il entendit aussi la voix de ceux qui, par des preuves indubitables, avaient acquis la connaissance de l’être suprême, de ceux qui possédaient la grammaire, la poésie et la logique, et étaient versés dans la chronologie ; qui avaient pénétré l’essence de la matière, du mouvement et de la qualité ; qui connaissaient les causes et les effets ; qui avaient étudié le langage des oiseaux et celui des abeilles (les bons et les mauvais présages) ; qui faisaient reposer leur croyance sur les ouvrages de Vyasa, qui offraient des modèles de l’étude des livres d’origine sacrée et des principaux personnages qui recherchent les peines et les troubles du monde 204 ». » L’Inde me représente, du reste, la forme la plus vraie et la plus objective de la vie humaine, celle ou l’homme, épris de la beauté des choses, les poursuit sans retour personnel, et par la seule fascination qu’elles exercent sur sa nature. […] Quoi, vous admettriez que la matière est, parce que vos yeux et vos mains vous le disent, et vous douteriez de l’être divin, que toute votre nature proclame dès son premier fait ? […] que signifie cette phrase : La matière est ? […] L’homme est ; il est matière, c’est-à-dire étendu, tangible, doué de propriétés physiques ; il est esprit, c’est-à-dire pensant, sentant, adorant.

388. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre V : Règles relatives à l’explication des faits sociaux »

Par conséquent, pour donner de celle-ci une intelligence satisfaisante, il est nécessaire de montrer comment les phénomènes qui en sont la matière concourent entre eux de manière à mettre la société en harmonie avec elle-même et avec le dehors. […] En effet, il est bien certain qu’il n’y a dans la cellule vivante que des molécules de matière brute. […] Sans doute, elles ne peuvent se réaliser que si les natures individuelles n’y sont pas réfractaires ; mais celles-ci ne sont que la matière indéterminée que le facteur social détermine et transforme. […] Ils sont la matière à laquelle s’appliquent les forces vives de la société, mais ils ne dégagent par eux-mêmes aucune force vive.

389. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Balzac » pp. 17-61

Il a — et c’est ici le point important à noter — opposé, en matière d’élégance et de high life, dans le sens que l’Angleterre donne à ce mot, le génie français au génie anglais, une littérature à une autre, et par la précision, la netteté, la vérité inattendue de sa théorie, il a, d’un seul effort et d’un seul coup, dépassé tout ce qu’avec sa littérature fashionable, classée et presque organisée, l’île aux dandys avait produit. […] Le seul ouvrage dogmatique en matière d’élégance qu’ait l’Angleterre, le seul qui prescrive directement et enseigne, c’est le recueil des lettres de lord Chesterfield à son fils. […] Il a toutes les confiances… et cette fougue qui est une espérance et qui, le jour qu’elle se contiendra, sera une force… Mais, comme beaucoup d’artistes plastiques, il se fie un peu trop à la matière, à la matière qui trahit souvent ceux qui l’aiment le plus !

390. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre VI. L’effort intellectuel »

La vérité est que c’est le souvenir qui nous fait voir et entendre, et que la perception serait incapable, par elle-même, d’évoquer le souvenir qui lui ressemble, puisqu’il faudrait, pour cela, qu’elle eût déjà pris forme et fût suffisamment complète ; or elle ne devient perception complète et n’acquiert une forme distincte que par le souvenir lui-même, lequel s’insinue en elle et lui fournit la plus grande partie de sa matière. […] Ici nous avons le sentiment net d’une forme d’organisation, variable sans doute, mais antérieure aux éléments qui doivent s’organiser, puis d’une concurrence entre les éléments eux-mêmes, enfin, si l’invention aboutit, d’un équilibre qui est une adaptation réciproque de la forme et de la matière. […] Matière et Mémoire, Paris, 1896, chap.  […] Matière et Méritoire, pp. 89-141.

391. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) «  Œuvres et correspondance inédites de M. de Tocqueville — I » pp. 93-106

On a reproché quelquefois à Montesquieu les historiettes dont il égaye encore plus qu’il ne les appuie ses graves sujets ; mais il savait, l’habile homme et le grand artiste, que même en telle matière il est souvent vrai de dire que le conte fait passer la morale avec lui. […] J’admire les esprits dits philosophiques d’avoir, en telle matière, de ces certitudes.

392. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre I. L’esprit gaulois »

Ces vérités sont littéraires, c’est-à-dire vagues ; mais nous n’en avons pas d’autres à présent en cette matière, et il faut se contenter de celles-ci, telles quelles, en attendant les chiffres de la statistique et la précision des expériences. […] Ils n’appellent pas les choses par leur nom, surtout en matière d’amour, ils vous les laissent deviner ; ils vous jugent aussi éveillés et avisés qu’eux-mêmes.

393. (1861) Cours familier de littérature. XI « Atlas Dufour, publié par Armand Le Chevalier. » pp. 489-512

. — Premièrement, pour répandre par notre publicité de famille l’ouvrage géographique le plus nécessaire à toutes les études élémentaires ou transcendantes des savants ou des ignorants en cette matière […] Mais si l’on considère de l’humanité son âme, son intelligence, sa moralité, sa destinée évidemment supérieure à cette vie et à cette mort entre lesquelles elle s’agite, sa connaissance de Dieu, l’hommage qu’elle rend à ce maître suprême de ses destinées individuelles ou collectives, la transition entre le fini et l’infini dont elle paraît être le nœud par sa double nature de corps et de pensée, sa conscience, faculté involontaire, révélation, non de la vérité, mais de la justice, son instinct évidemment religieux, son inquiétude sacrée qui lui fait chercher son Dieu, avant tout créature sacerdotale, chargée spécialement par l’Auteur des êtres de lui rapporter en holocauste les prémices de ce globe, la dîme de l’intelligence, la gerbe de l’autel, l’encens des choses créées, la foi, l’amour, l’hymne des créations muettes, la parole qui révèle, le cri qui implore, l’obéissance qui anéantit le néant devant l’Être unique, le chant intérieur qui célèbre l’enthousiasme, qui soulève comme une aile divine l’humanité alourdie par le poids de la matière, et qui la précipite dans le foyer de sa spiritualité pour y déposer son principe de mort et pour y revêtir d’échelons en échelons sa vraie vie, son immortalité dans son union à son principe immortel !

394. (1892) Boileau « Chapitre III. La critique de Boileau. La polémique des « Satires » » pp. 73-88

N’avait-il pas « l’âme bien enfoncée dans la matière », et n’était-il pas enfin « du dernier bourgeois » ? […] Sans trop en vouloir au bonhomme, puisqu’enfin les meilleurs en ce temps-là ne sentaient point ce qu’il y a de misérable à provoquer une intervention de l’autorité en pareille matière, remarquons seulement qu’il n’était point si « bonhomme ».

395. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre V. Indices et germes d’un art nouveau — Chapitre II. Signes de la prochaine transformation »

Diderot abat la barrière qui séparait la peinture, l’architecture de la littérature ; il fait des œuvres des artistes une matière d’activité et de plaisir littéraires. […] Elles imposent des formes fixes, rigides, immuables, à la matière dramatique ou poétique, et nul n’a droit de s’affranchir des procédés connus, de renoncer aux moules usés, aux répliques sans fin des mêmes modèles : le monde a adopté les règles et en fait une partie intégrante de ses convenances.

396. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre V. Indices et germes d’un art nouveau — Chapitre III. Retour à l’art antique »

Ce courant avait sa source dans l’érudition bénédictine, qui nous a donné l’Antiquité figurée du Père Montfaucon : là comme dans les autres matières d’érudition, l’Académie des Inscriptions et Belles-lettres recueillit l’héritage des Bénédictins et se substitua à eux pendant le xviiie  siècle ; en elle fut le centre, d’elle partit la direction de recherches d’érudition critique, philologique, historique, archéologique, auxquelles notre siècle doit tant. […] Les voyages615 se multipliaient en Italie, en Grèce, dans le Levant ; et les relations des voyageurs rendaient un intérêt aux œuvres de la poésie antique, en faisant connaître tous ces pays où étaient nés les chefs-d’œuvre qui en étaient le cadre ou la matière, en décrivant les ruines de ces monuments dont l’antiquité avait parlé, ou dans lesquels elle s’était survécu.

397. (1890) L’avenir de la science « Préface »

Je vis les fatales nécessités de la société humaine ; je me résignai à un état de la création où beaucoup de mal sert de condition à un peu de bien, où une imperceptible quantité d’arôme s’extrait d’une énorme caput mortuum de matière gâchée. […] C’est un dîner où les matières premières sont bonnes, mais qui n’est nullement paré, et où l’on n’a pas eu soin d’éliminer les épluchures.

398. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre IV. Cause immédiate d’une œuvre littéraire. L’auteur. Moyens de le connaître » pp. 57-67

Elle est matière à recherches scientifiques : car il s’agit, non pas d’apprécier d’après notre goût personnel la valeur des qualités dont nous avons pu reconnaître l’existence, mais d’en découvrir l’origine. […] Pourquoi, à force de peser, d’analyser, de disséquer la matière cérébrale ou bien (que sais-je ?)

399. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « Conclusion »

« Toute transformation ascendante de la matière et de la force en est pour ainsi dire la concentration sur un plus petit espace. » Enfin Darwin, indépendamment de ses travaux comme naturaliste et de sa grande théorie de l’évolution, a contribué pour sa part à la constitution de la psychologie comme science expérimentale282. […] Matière et Esprit, Externe et Interne en sont les synonymes populaires, mais prêtent plus à l’équivoque.

400. (1899) L’esthétique considérée comme science sacrée (La Revue naturiste) pp. 1-15

L’esprit, pas plus que la matière, ne peut résister aux lois. […] Ne jamais cesser de s’instruire dans toutes les matières possibles, étudier la dialectique, s’embellir perpétuellement, assouplir ses membres par la gymnastique, vivre au grand air tout le jour, prendre part aux travaux civiques et privés, intervenir en plein public dans les circonstances les plus différentes, faire des voyages, voir des contrées, accomplir le périple du monde, aller sans cesse d’un pôle à l’autre, observer les mœurs des contrées les plus lointaines, comparer les flores, les parfums, les lumières et les aromates du sud au nord, voilà quelques-uns des devoirs qui nous incombent.

401. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Police générale d’une Université et police, particulière d’un collège. » pp. 521-532

Rien d’arbitraire ni pour la matière des leçons ni pour leur durée. […] la science approfondie de la matière qu’il doit enseigner, une âme honnête et sensible.

402. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre I : Qu’est-ce qu’un fait social ? »

Or, ce que nous disons de ces explosions passagères s’applique identiquement à ces mouvements d’opinion, plus durables, qui se produisent sans cesse autour de nous, soit dans toute l’étendue de la société, soit dans des cercles plus restreints, sur les matières religieuses, politiques, littéraires, artistiques, etc. […] Elles intéressent le sociologue sans constituer la matière immédiate de la sociologie.

403. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre II. De la métaphysique poétique » pp. 108-124

Comment pourrions-nous nous replacer dans la vaste imagination de ces premiers hommes dont l’esprit étranger à toute abstraction, à toute subtilité, était tout émoussé par les passions, plongé dans les sens, et comme enseveli dans la matière. […] Il est impossible que la matière soit esprit, et pourtant l’on a cru que le ciel, d’où semblait partir la foudre, était Jupiter.

404. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre cinquième. Genèse et action des principes d’identité et de raison suffisante. — Origines de notre structure intellectuelle »

Sommes-nous tout au moins un composé de quelque chose de réel, quoi que ce soit d’ailleurs, matière ou esprit, hydrogène, oxygène, azote, carbone, — ou sensation, émotion, volonté ? […] Si, par exemple, on admet que tout se réduit à de la matière (pure hypothèse) et que la matière elle-même se réduit finalement à l’hydrogène, alors c’est l’hydrogène qui aura l’honneur d’être le radical. […] Les religions naturalistes et les philosophies naturalistes se sont figuré la matière première comme un abîme à la fois obscur et fécond, laboratoire caché de la vie, où la pensée ne jaillit qu’après des siècles, étincelle brillante et fugitive. […] « Il est des gens, dit-il, qui ont affirmé que nous sentons une énergie ou un pouvoir dans notre esprit, et que, ayant ainsi acquis l’idée du pouvoir, nous transférons cette qualité à la matière, où nous ne sommes pas capables de la découvrir immédiatement.

405. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — III. Le Poëme épique, ou l’Épopée. » pp. 275-353

La Barre, voulant qu’un poëte épique donne tout à l’agréable, qu’il ne présente à ses lecteurs que des tableaux gracieux, des situations neuves & intéressantes, sans qu’il ait le moindre projet de moraliser, désapprouvoit beaucoup l’auteur des Voyages de Cyrus qui, traitant la même matière, avoit dit, dans une dissertation qui se trouve à la tête d’une édition de Télémaque, que ce n’étoit pas tout de sçavoir plaire dans un poëme, qu’il falloit encore s’attacher à instruire. […] Le même écrivain, juge en matière d’épopée, se recrie sur ce qu’on trouve stérile le rival d’Homère. […] L’anachronisme du quatrième livre de l’Énéide a été encore une matière à dispute. […] Il découvre une plus belle matière à traiter ; de plus grands événemens à développer ; un palais plus vaste & plus digne d’admiration ; intérêt de nation, intérêt de famille, intérêt de politique, intérêt de religion, de curiosité. […] On voit qu’il étoit si pénétré de cette matière, que de toutes celles qu’il a traitées aucune n’a fait plus sortir ses talens & son esprit.

406. (1856) Cours familier de littérature. II « XIIe entretien » pp. 429-507

Le docteur Lowth, professeur de poésie sacrée à l’université d’Oxford, à qui nous devons deux volumes qui font autorité sur ces matières, réfute parfaitement bien l’opinion qui attribue le poème de Job à Moïse lui-même. […] Elle conclut, parce qu’elle le sent, que l’homme est à la fois, pendant la durée de sa forme humaine, pensée et corps, esprit et matière, composé momentané, mystérieux et douloureux de deux natures ; que ces deux natures se répugnent, se tiraillent et s’efforcent sans cesse de rompre violemment le lien forcé qui les unit, parce que l’une, la matière, tend sans cesse à la dissolution et à la mort, l’autre, la pensée, tend sans cesse à l’affranchissement et à la vie. […] C’est par là que l’âme devient humaine, et, si j’ose le dire, sans qu’on se méprenne à mon expression matérielle, c’est-à-dire en contact par ses sensations avec la matière, si inférieure cependant à l’intelligence. […] C’est la matière.

407. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Montesquieu. — [Note.] » pp. 83-84

Nous avons traité quelques matières qui m’ont bien fait penser à vous.

408. (1925) Promenades philosophiques. Troisième série

La matière dont ils sont composés est use matière sensibilisée à l’extrême et qui a déjà la propriété de garder les empreintes des excitations qu’elle reçoit. […] Le plus rudimentaire des animaux, l’amibe, a derrière lui un passé d’une étendue formidable, immensurable, et, chose des plus curieuses, cette humble amibe, cette gelée informe, est faite d’une matière qui, par sa composition, se rapproche de la matière cérébrale ! […] Courtier est très sceptique, ou, du moins, ce qui vaut mieux, très prudent, très circonspect : je ne le suis pas moins, j’espère, surtout en ces matières. […] Il semble plutôt que le jeu n’y joue qu’un rôle de hasard et qu’elles auraient fort bien pu s’exercer sur n’importe quelle autre matière. […] Il y aurait là matière à une branche nouvelle de l’éducation, mais pour avoir un sentiment agréable de la vie, un bon équilibre corporel est nécessaire.

409. (1894) Écrivains d’aujourd’hui

C’est aussi la Normandie qui a fourni le plus de matière à son observation. […] Le « journal », destiné d’abord à n’être connu que de lui seul a fourni bientôt la matière de récits destinés au public. […] Ceux-ci n’accordent pas qu’en matière d’art les jugements aient une valeur absolue. […] Par bonheur, l’opinion des politiciens, en pareilles matières, est chose négligeable. […] En matière d’éducation, on s’est rendu compte des inconvénients du système des jésuites.

410. (1893) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Cinquième série

Car la philosophie consisterait-elle donc à discuter seulement si les qualités de la matière sont en elle ou en nous ? […] Étant capable de démontrer, en toute matière, le pour et le contre, la raison métaphysique est impropre à résoudre les problèmes de la conduite, qui ne comportent point tant de distinctions. […] Il s’ensuit également des principes de Bayle que ni la religion, ni la philosophie ne sont matière à démonstration, mais à conjecture seulement, ou à hypothèse, et ceci, c’est comme s’il disait que la liberté de penser est de droit naturel. […] C’est ce qu’il appelle égayer sa matière. […] Toute la physique, par exemple, ou toute la chimie ne tomberaient-elles pas, si nous pouvions craindre un instant que les propriétés de la matière ne fussent pas constamment les mêmes, — au moins pour nous ?

411. (1890) Nouvelles questions de critique

Par exemple, il n’est pas prouvé que la matière épique de nos Chanson de geste se soit formée sur notre sol gaulois, et M.  […] Il en est autrement de ceux qui font la matière de l’éloquence politique ou de l’éloquence de la chaire. […] De telle sorte que, quand un prédicateur manque parfois d’éloquence, — et j’en connais plus de ceux-là que des autres, — c’est lui qui manque à sa matière, mais non pas la matière qui lui fait défaut. […] Car, la matière est un peu abstraite, et je crains que l’intérêt même n’en soit pas immédiatement senti. […] Telles sont en effet les inévitables conséquences d’une doctrine qui faisait du poète l’unique matière de ses chants.

412. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. FAURIEL. — POST-SCRIPTUM. » pp. 269-272

Tout ceci est uniquement pour dire qu’en nous appliquant de plus en plus aux matières dites sérieuses, il nous est pourtant difficile de ne pas regretter et saluer, au moment de les voir disparaître, les premiers rivages et les statues que nous avions une fois couronnées.

413. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre second. Philosophie. — Chapitre III. Des Philosophes chrétiens. — Métaphysiciens. »

Nous avons isolé les facultés de notre entendement, réservant la pensée pour telle matière, le raisonnement pour telle autre, etc.

414. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Épilogue »

Après celui-là, la matière que l’on croyait divisible à l’infini ne se divisera plus… À moins pourtant que dans ce monde du devenir d’Hegel et du Ça ira des Sans-Culottes, il n’entre dans la caboche humaine l’idée — très digne d’elle — qu’à l’aide de l’éducation et de la science, on peut tirer de la fange de leur animalité les chiens et les singes et les faire entrer avec nous — et au même titre que nous, — dans l’immense et imbécile farandole du Suffrage universel !

415. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Victor Hugo. Les Contemplations. — La Légende des siècles. »

Le mal, c’est la matière, Arbre noir, fatal fruit !!! […] ………………………………………………… Donc la matière pend à l’idéal et tire L’esprit vers l’animal, l’ange vers le satyre ; Le sommet vers le bas, l’amour vers l’appétit. […] …………………………………………… Pleurez sur ce qui hurle………………… …………………………………………… La matière, bloc affreux, n’est que le lourd monceau Des effets monstrueux sortis des sombres causes ! […] Hugo est positif comme la matière ; il a la précision d’un instrument.

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