Le murmure de tes ruisseaux, ô Lora, rappelle la mémoire du passé. […] Mais rien n’a justifié, depuis même, ces suppositions, et Ossian subsiste autant que jamais, entier, et mémorable comme la mémoire même des temps passés. […] Quelques pierres grisâtres et un léger monceau de terre conserveront ma mémoire ; arrête sur ma tombe tes yeux baignés de larmes ; frappe dans ta douleur ton sein palpitant. […] Adieu pour jamais, le plus brave des hommes ; conquérant intrépide, le champ de bataille ne te verra plus ; l’ombre des forêts ne sera plus éclairée de la splendeur de ton armure : tu n’as point laissé de fils qui rappelle ta mémoire. […] Mais ma mémoire m’abandonne ; j’entends la voix des années qui me crie en passant : « Pourquoi Ossian chante-t-il encore ?
Et c’est une causerie tête à tête, simple, tranquille, bonhomme, allant sans se presser, mais tout droit, et sans surcharge de métaphores, et avec une grande suite dans l’enchaînement des idées et des mots, et, par-ci, par-là, laissant percer une mémoire étonnante, où le souvenir a la netteté d’un cliché photographique. […] Un homme admirable, après tout, ce Paul de Kock, pour avoir appris au public la révolution des légendes Pitt et Cobourg, pour avoir immortalisé poncivement tous ces types consacrés qui traînent dans les mémoires idiotes, toutes ces vieilles connaissances du préjugé populaire, tous ces personnages du drame salé de gros rires et de larmes bêtes : l’émigré hautain, le jeune républicain sentimental, platonique et honnête, la femme, adultère déesse de la liberté, le portier dénonciateur dont le caractère moral est une queue de renard à son bonnet… Oh ! […] Le soir, dans l’impossibilité du travail, nous remontons tous deux, en fumant des pipes, à nos souvenirs de collège, alternant de la voix et de la mémoire : Jules contant le collège Bourbon, et ce terrible professeur de sixième, cet Herbette qui fit toute son enfance heureuse, malheureuse, le poussant sans miséricorde aux prix de grands concours, puis, plus tard, ce professeur de seconde, auquel il déplut pour faire autant de calembours que lui, et aussi mauvais, enfin cette bienheureuse classe de rhétorique, où il fila presque toute l’année, fabriquant en vers un incroyable drame d’Étienne-Marcel, sur la terrasse des Feuillants, averti de l’heure de la rentrée à la maison par la musique de la garde montante se rendant au Palais-Bourbon, et les rares fois où il se montrait au collège, passant la classe à illustrer Notre-Dame-de-Paris de dessins à la plume dans les marges : Edmond contant ce Caboche, cet excentrique professeur de troisième du collège Henri IV, qui donnait aux échappés de Villemeureux, à faire en thème latin le portrait de la duchesse de Bourgogne de Saint-Simon, cet intelligent, ce délicat, ce bénédictin un peu amer et sourieusement ironique, ce profil original d’universitaire, resté dans le fond de ses sympathies, comme un des premiers éveilleurs chez lui de la compréhension du beau style, de la belle langue française mouvementée et colorée, ce Caboche qui, un jour, à propos de je ne sais quel devoir, lui jeta cette curieuse prédiction : « Vous, monsieur de Goncourt, vous ferez du scandale ! […] Il me semblait que vous étiez de ceux à qui la mémoire de mon ami ne pouvait inspirer que des sentiments de respect et d’émotion. […] Mercredi, 22 septembre 86. » À la réception de cette lettre, mon premier mouvement a été d’enlever la note sur ces lignes amies qui me semblaient dictées par un sentiment pareil que j’éprouverais à sentir la mémoire de mon frère égratignée ; mais, en réfléchissant, j’ai trouvé la prétention énorme, et j’ai pensé qu’il n’y aurait plus de mémoires possibles, s’il n’était pas permis au faiseur de mémoires de faire les portraits physiques des gens qu’il dépeint, d’après son optique personnelle — qu’elle soit juste ou injuste.
Sur mes regrets, Porel nous offrait galamment son théâtre, et instantanément nous improvisions à nous trois la représentation annoncée dans les journaux, et que je trouve pour ma part joliment imaginée comme représentation d’amitié et de cœur, et dont l’argent n’avait rien à mes yeux de plus blessant pour la mémoire de Flaubert, que l’argent d’une souscription du public. […] Ces articles se perdent, s’oublient, et lorsque quelqu’un les cite de mémoire, on ne veut pas y croire. […] Je me demande, si la persistance de ce rêve, n’est pas un symptôme, une indication dissimulée d’une mémoire qui se perd. […] Et la montre qu’elle fait de ces choses, est semée d’anecdotes du dix-huitième siècle, d’anecdotes de Louis-Philippe, d’anecdotes du second Empire, donnant à penser aux curieux mémoires, qu’on ferait sous la dictée de cette spirituelle vieille femme, à la parole intarissable. […] J’ai cherché à vous peindre, avec le mélange de grandeur et de féminilité qui est en vous, et même avec un peu de votre langue à la Napoléon ; enfin j’ai cherché à vous peindre en historien, qui aime votre personne et votre mémoire, dans les siècles à venir.
Deux diètes se peuvent : l’embryon non gravé irradie en toutes directions, et au bout du temps, biotermon de l’œuvre année scolaire, sera génie, ayant tout en lui réel ; — et ceci n’est qu’illusion, car il est mémoire. Plutôt ayant tout vu, senti, appris, il s’en déleste par l’oubli, qui est pareillement mémoire, et de la synthèse du complexe se refait la simplicité première (Filiger, Bernard…), uniprimauté qui contient tout, comme l’un insexué engendre tous les nombres, portraiturant de chaque objet au lieu de la vie l’être, ou synonymes : le principe de synthèse (incarné particulier), l’idée ou Dieu. […] Il est vrai (très) que l’éternel est recelé en chaque particulier, que chaque particulier est l’éternel avec quelque épiderme de masque, et que j’aime mieux l’artiste qui, au lieu d’éternel abstrait offert, se contente d’accentuer — si peu — l’éternel âme versé : du ciel et de la mémoire ; dans ces transparents, corps de contingence. […] NOTICES BIBLIOGRAPHIQUES Augustin Léger, J ournal d’un Anarchiste, gr. in-18, Savine, 3,50. — Mémoires de Bourrienne, tomes II et III, gr. in-18, Savine, 2 vol., 47 fr., H. […] ALFRED JARRY Les tomes II et III des Mémoires de Bourrienne sont d’un intérêt véritable.
Le Henri IV personnel et anecdotique qu’on s’est attaché à dessiner dans ces derniers temps, le Henri IV tel qu’on s’est plu à le déduire des récits de d’Aubigné, non pas de d’Aubigné dans sa grande Histoire, mais dans ses Mémoires particuliers, tel aussi que Tallemant le faisait entrevoir dans ses commérages irrévérents ; ce Henri IV que M. […] C’est une jolie estampe à sujet bucolique à mettre entre deux pages de Sully : L’idée qui me reste encore de ces choses-là, nous dit le naïf abbé au commencement de ses Mémoires, me donne de la joie : je revois en esprit, avec un plaisir non pareil, la beauté des campagnes d’alors ; il me semble qu’elles étaient plus fertiles qu’elles n’ont été depuis ; que les prairies étaient plus verdoyantes qu’elles ne sont à présent, et que nos arbres avaient plus de fruits. […] On ne se plaignait point des impositions excessives ; chacun payait sa taxe avec gaieté, et je n’ai point de mémoire d’avoir ouï dire qu’alors un passage de gens de guerre eût pillé une paroisse, bien loin d’avoir désolé des provinces entières, comme il ne s’est vu que trop souvent depuis, par la violence des ennemis. […] Louis XIV, après la Fronde, revint de même à corriger les excès ; il semble avoir voulu en abolir jusqu’à la pensée et en couvrir la mémoire en poussant plus qu’on ne l’avait jamais fait le ressort monarchique à l’extrême.
Il ne faut point passer sur cette terre sans y laisser des traces qui recommandent notre mémoire à la postérité… » La seconde lettre se rapporte à un court intervalle entre des événements déjà bien sombres ; elle est écrite pendant l’armistice qui interrompit la campagne de 1813. […] S’il avait vécu quelques années encore, il eût été très probablement amené, par les attaques et les dénonciations dont il se serait vu l’objet, à écrire son apologie, sa défense, et, comme la plupart des hommes de la Révolution qui étaient dans le même cas, à rédiger ses Mémoires. […] J’ai été heureux, en lisant les intéressants Mémoires du comte Beugnot, de trouver mon jugement confirmé, et d’une manière aussi pratique qu’éclatante, sous la plume d’un homme qu’on peut dire adversaire. […] (Mémoires du comte Beugnot, tome II, pages 8-21, 32.)
Et puisque j’ai nommé Auguste Colbert, j’indiquerai, au tome III des Mémoires publiés par son fils, la belle Instruction envoyée par lui au ministre de la guerre, ce compte rendu de la situation morale de son régiment au moment de la paix d’Amiens et de la rentrée en France. […] Le général de Saint-Joseph, avant de mourir, eut à cœur de consacrer la mémoire de son ancien chef, et cette pieuse pensée lui a porté bonheur : l’humble Notice honore aujourd’hui, à son tour, et protège la mémoire de M. de Saint-Joseph ; elle donne de lui et de sa manière de sentir la plus respectable idée. […] Traditions et Souvenirs, ou Mémoires touchant le temps et la vie du général Auguste Colbert (1703-1809) ; Paris, Didot, rue Jacob, 56. — Trois volumes sont publiés.
C’est ainsi qu’il eut à répondre, dès 1815, au général Sarrazin, « de triste mémoire », lequel, jugeant des autres d’après lui-même, avait supposé que Jomini avait fourni au maréchal Blucher des plans faits pour compromettre l’armée qu’il venait de quitter. […] Le fait est que la mémoire ou (pour entrer dans la donnée mythologique) que l’Ombre de Napoléon n’a eu à se plaindre d’aucun des écrits de Jomini. […] Son rôle durant cette grande crise fut, comme toujours, celui de conseiller pas toujours écouté. — Les divers mémoires secrets qu’il soumit à l’empereur Nicolas sont ensevelis dans les archives du ministère de la guerre russe. […] J’ai voulu tout cela sans doute, et aussi payer un tribut personnel à la mémoire d’un homme bienveillant, dont les entretiens m’avaient beaucoup appris.
De nos jours, les grands hommes dans les lettres, quand bien même, par leurs mémoires ou leurs confessions poétiques, ils seraient moins empressés d’aller au-devant des révélations personnelles, pourraient encore mourir, fort certains de ne point manquer après eux de démonstrateurs, d’analystes et de biographes. […] Si vous comprenez le poëte à ce moment critique, si vous dénouez ce nœud auquel tout en lui se liera désormais, si vous trouvez, pour ainsi dire, la clef de cet anneau mystérieux, moitié de fer, moitié de diamant, qui rattache sa seconde existence, radieuse, éblouissante et solennelle, à son existence première, obscure, refoulée, solitaire, et dont plus d’une fois il voudrait dévorer la mémoire, alors on peut dire de vous que vous possédez à fond et que vous savez votre poëte ; vous avez franchi avec lui les régions ténébreuses, comme Dante avec Virgile ; vous êtes dignes de l’accompagner sans fatigue et comme de plain-pied à travers ses autres merveilles. […] Il se mit en relation avec les beaux esprits et les poëtes du temps, surtout avec ceux de son âge, Mairet, Scudery, Rotrou : il apprit ce qu’il avait ignoré jusque-là, que Ronsard était un peu passé de mode, et que Malherbe, mort depuis un an, l’avait détrôné dans l’opinion ; que Théophile, mort aussi, ne laissait qu’une mémoire équivoque et avait déçu les espérances, que le théâtre s’ennoblissait et s’épurait par les soins du cardinal-duc ; que Hardy n’en était plus à beaucoup près l’unique soutien, et qu’à son grand déplaisir une troupe de jeunes rivaux le jugeaient assez lestement et se disputaient son héritage. […] Vers la même époque, en Angleterre, les auteurs n’étaient pas en condition meilleure et on trouve là-dessus de curieux détails dans les Vies des poëtes par Johnson et les Mémoires de Samuel Pepys.
La mémoire de Mme de Krüdner est désormais assurée contre l’oubli, et, ce qui vaut mieux, contre le dénigrement facile qui naissait d’une demi-connaissance. […] Eynard traite bien durement le spirituel comte Alexandre de Tilly, « un homme que ses ridicules Mémoires, dit-il, ont livré au mépris des uns et à la pitié des autres. » On a assez le droit d’être sévère pour le comte de Tilly, sans qu’il soit besoin d’en venir à ces extrémités de dédain qui passent la justice ; d’autres diraient, qui blessent la charité. […] Les jolis Mémoires qu’a laissés Tilly peuvent bien ne pas être très-édifiants, ils ne sont certainement pas ridicules. […] « Les âmes froides n’ont que de la mémoire ; les âmes tendres ont des souvenirs, et le passé pour elles n’est point mort, il n’est qu’absent.
Les Mémoires de Mme de Staal (de Launay) nous font voir M. de Malezieu sous un jour moins favorable : cérémonieux, démonstratif et plat, sans beaucoup de discernement au fond, quand ce discernement lui était inutile, et que l’esprit avait besoin de s’y aider d’un peu de cœur. […] Mlle de Launay, durant plus de quarante ans, demeura auprès de sa maîtresse, et elle a laissé des Mémoires piquants, qui sont depuis longtemps admirés pour la qualité du langage et l’agrément du récit. […] Elle nous la montre et se montre à côté d’elle conspirant toute la nuit avec la plume, et essayant, à force de mémoires et d’écritures, de susciter contre le Régent une fronde qui portait encore le cachet du bel esprit. […] Voilà ce qu’observait Mlle de Launay, notre La Bruyère de céans ; et elle couronne ses Mémoires par un portrait de la duchesse du Maine, qu’il faudrait transcrire tout au long, tant il est complet et achevé, et tant elle y résume l’espèce entière dans la personne du plus curieux individu.
Ce qui était plus dangereux pour La Harpe que les grossièretés de Blin de Sainmore, c’étaient les bons vers et les bonnes épigrammes dont il se vit plus d’une fois l’objet et dont sa mémoire, jusqu’à un certain point, demeure victime. […] Pourtant plusieurs des qualités essentielles à former un caractère d’homme, la modération, l’équilibre, un juste temps d’arrêt, un retour sage, la mémoire du passé, lui firent faute, et ses onze ou douze dernières années accusèrent cette impossibilité de mûrir qui est l’infirmité de quelques organisations vives. […] À la veille du 13 Vendémiaire, il a mérité d’être cité dans les Mémoires de Napoléon en tête des orateurs les plus virulents qui occupaient les tribunes des quarante-huit sections de Paris et qui chauffaient l’insurrection royaliste. […] Garat (Mémoires historiques sur la vie de M.
Rollin « pour l’intérêt personnel, y est-il dit, qu’il a pris à nos mémoires, sur lesquels il a eu la bonté de nous aider plus d’une fois de ses conseils ». […] Mais on s’informe des livres où elles se trouvent… Il y a beaucoup de remarques curieuses dans les mémoires de l’Académie des sciences. […] Parmi le concert d’éloges dont a été l’objet cette douce mémoire que chacun a célébrée à l’envi et qui ne portait ombrage à personne, j’ai distingué un admirable morceau écrit en 1805 par un homme également modeste et qui était bien de la même race, M. […] Les ruines les environnent, et ils passent devant elles sans éprouver seulement la curiosité ordinaire à un voyageur : ils ont déjà oublié ces temps d’une éternelle mémoire.
Presque tout le mérite de Pigal se résume donc dans une habitude d’observation sûre, une bonne mémoire et une certitude suffisante d’exécution ; peu ou pas d’imagination, mais du bon sens. […] Cette fantastique épopée est dominée, couronnée par la pyramidale et olympienne Poire de processive mémoire. […] Il a une mémoire merveilleuse et quasi divine qui lui tient lieu de modèle. […] Traviès le vit ; on était encore en plein dans la grande ardeur patriotique de Juillet ; une idée lumineuse s’abattit dans son cerveau ; Mayeux fut créé, et pendant longtemps le turbulent Mayeux parla, cria, pérora, gesticula dans la mémoire du peuple parisien.
Consolez-vous, personne n’a vécu dans la familiarité de M. de Vigny, pas même lui. » Mais M. de Vigny manquait de mémoire le jour où il écrivait cette note, et je puis dire que je le connaissais alors et l’avais étudié assez à fond, comme poète du moins et comme artiste. […] Cette légère réserve faite, je ne sais rien de mieux raconté. » M. le comte de Circourt enfin, cet homme de haute conscience et de forte littérature, dans une lettre qu’il m’écrivait le 24 avril 1864, reconnaissait la vérité du Portrait et s’exprimait en ces termes par lesquels je terminerai et qui me couvrent suffisamment : « Les grands côtés du talent de M. de Vigny sont mis par vous en relief d’une manière tout à la fois large et fine ; et malgré la sévérité de quelques-unes de vos appréciations, je n’ai rien à souhaiter de mieux pour la mémoire de M. de Vigny, si ce n’est que la postérité s’en tienne sur lui à votre jugement, ce que j’espère ; j’apprends que ses vrais (et par conséquent rares) amis sont tout à fait de ce sentiment. » 79.
Cousin par son célèbre Mémoire qui mettait l’ancien texte en question, M. […] Vinet a dit : « Quels Mémoires seraient plus intéressants que ceux de ce religieux, s’il eût pu songer à les écrire ?
On confond sa mémoire avec soi-même. […] Aujourd’hui, l’on a tant de choses à apprendre qu’on ne remplit que la mémoire.
Si l’on a bien dans la mémoire l’ensemble des œuvres du comique français, on discerne sans peine l’élément important que lui a transmis la double veine, littéraire et populaire, de l’art italien ; élément important, non par le fonds des idées satiriques et morales, mais par l’abondance des moyens d’expression ; élément en quelque sorte matériel, artificiel, mis à la disposition du grand ouvrier. […] L’homme de génie, représentant d’une époque privilégiée, est le seul, d’un groupe nombreux, qui atteigne au sommet de la montagne ; mais ceux qui le précèdent, qui le soulèvent et le portent dans cette laborieuse ascension, et qui demeurent en route, concourent à son succès et associent leur mémoire à la sienne.
Certaines opérations purement intellectuelles, telles que la mémoire, dépendent des actions matérielles ; fait qui a été admis, quoique à regret, par les partisans d’un principe immatériel. » On en est donc venu à considérer l’union de l’esprit et du corps comme de plus en plus intime et à dire « que l’esprit et le corps agissent l’un sur l’autre ». […] La mémoire, dit-il, dépend du cerveau ; le cerveau n’a qu’un nombre déterminé d’éléments nerveux — cellules et fibres — ; ce nombre limite nécessairement celui de nos acquisitions.
Chose singulière, Balzac qui sait « se couper » dans ses œuvres d’imagination, ne paraît pas avoir usé de cette faculté dans ses préfaces, ses mémoires justificatifs, ses polémiques. […] Balzac plaidant pour son propre compte dans le mémoire ayant trait au Lys dans la vallée, Balzac prétendant soustraire la tête de Peytel au bourreau, est un avocat de talent sans doute ; mais il fatigue et n’atteint pas le but qu’il se propose.
De leur côté, ils ont toujours empêché qu’on n’insérât aucun de mes rapports dans les Mémoires de l’Institut. […] Bernardin de Saint-Pierre avait été chargé, par la classe de morale, de faire un rapport sur les mémoires qui avaient concouru pour le prix. […] Cette espèce de mémoire fut fait d’inspiration ; il n’y a que peu de mots d’effacés dans le brouillon, qui est sous nos yeux, et que l’auteur ne recopia jamais. […] Voilà le monument immortel qui lui est réservé sur une terre où tout passe, et où la mémoire même de la plupart des rois est bientôt ensevelie dans un éternel oubli. […] On n’a point élevé de marbres sur leurs humbles tertres ni gravé d’inscriptions à leurs vertus ; mais leur mémoire est restée ineffaçable dans le cœur de ceux qu’ils ont obligés.
L’auteur des Mémoires d’un Centaure se trouve entre ces deux remarquables écrivains à sa vraie place, mais ce n’est point pour reprendre l’analyse de M. […] Les Mémoires d’un Centaure me paraissent être le chef-d’œuvre de M. […] Les dernières pages des Mémoires d’un Centaure sont émouvantes et belles. […] On ressent une joie accrue en retrouvant dans sa mémoire de vieux airs qui nous ont charmé autrefois. […] Où rangera-t-on des œuvres comme les Mémoires d’un Centaure, de M.
Lope de Vega avait une mémoire exceptionnelle. […] Le mémoire à consulter nous déborde. […] Mais tout le monde n’a pas le bonheur d’avoir une excellente mémoire. […] Mémoires, t. […] Mémoires, t.
On se dit que le chant tout seul n’est peut-être pas un monument suffisant dans la mémoire des hommes, de ceux qui n’auront pas, jeunes eux-mêmes, entendu la jeune voix du poète ; on se dit qu’une harpe éolienne n’éternise pas d’assez loin un tombeau. […] Quant au vicaire (curate), il est admirable et touchant de vérité naïve : sa science dans les classiques grecs ; sa pauvreté, la maladie de sa femme ; ses quatre filles si belles et si pieuses, ses cinq fils qui s’affligent avec lui ; ce mémoire de marchand, entre deux feuillets, qui le vient troubler au milieu du livre grec qu’il commentait dans l’oubli de ses maux ; sa joie simple, triomphante, un matin qu’il a lu au réveil et qu’il annonce à sa famille qu’une société littéraire (il le tient de bonne source) se fonde enfin, pour publier les livres des auteurs pauvres ; toutes ces petites scènes successives composent un ensemble fini qui ne peut être que de Wilkie ou de Crabbe. M. de Chateaubriand, dans ses Mémoires, a raconté, de son ancienne et pauvre vie en Angleterre, une attendrissante aventure, qui a pour objet une divine Charlotte, fille d’un ministre de campagne, d’un Révérend très-fort aussi en grec, comme ils le sont tous : le presbytère anglais encadré de ses fleurs, et avec toute sa précieuse netteté, y reluit dans une belle page. […] Wordsworth analyse son regret ; il est près de s’affliger d’abord, puis il se dit, comme Coleridge retenu dans son bosquet de tilleuls, qu’il y a moyen d’éluder le regret, de le racheter par la mémoire, par la pensée. […] Le Sommeil t’a donné son pouvoir sur les songes, Mémoire ; tu les fais vivants et les prolonges : Ce que tu sais aimer est-il donc loin de nous ?
Non que les poëtes ne sentissent vaguement la vertu des idées générales, témoin la typographie d’alors qui les enfermait entre guillemets, comme sentences d’oracle ; mais, au lieu de les rencontrer par la méditation aux mêmes profondeurs d’où les a tirées pour la première fois le génie antique, ils y étaient involontairement conduits par la mémoire et l’imitation, et ils s’en paraient à l’extérieur, comme d’une enseigne de savoir, plutôt qu’ils ne s’en aidaient pour s’élever à des pensées supérieures ou égales. […] Au milieu de tant de Mémoires que produit le xvie siècle, les plus intéressants, peut-être les seuls durables, sont ces Mémoires de la vie intérieure, de la pensée d’un homme. […] La paresse même de sa mémoire, qu’il a peut-être exagérée par vanité, et cet usage de ne penser qu’à propos ou à la suite des pensées d’autrui, le portaient aux raisons extraordinaires et malaisées. Le propre d’une mémoire paresseuse, dans un esprit excellent, est de retenir plutôt les choses auxquelles l’esprit résiste que celles auxquelles il acquiesce tout d’abord, et celles qui promettent plus qu’elles ne tiennent, plutôt que celles qui tiennent tout ce qu’elles promettent.
Pic de la Mirandole, s’il avait vieilli, n’aurait peut-être été non plus que le secrétaire perpétuel de l’Académie de Florence ; mais il eut la bonne idée de mourir à vingt-quatre ans, et par là de donner à sa mémoire la beauté éternellement verte d’une espérance, tandis que M. […] Rhéteur et bel esprit à force de mémoire, mais au fond trop dépourvu de ressources et de vigueur pour avoir été un sophiste, ce Gorgias manqué de notre temps passera dans l’histoire comme cette foule de beaux esprits dont les noms fatiguent, le regard sans l’intéresser. […] Gens de forme littéraire tous les deux, l’un est une sensibilité, l’autre n’est qu’une mémoire. […] … Casanova — si j’ai bonne mémoire — dit quelque part, en parlant de son adresse au pistolet, « qu’il ne mettrait pas dans· une porte cochère ». […] Et ce n’est pas, dans son livre d’aujourd’hui, la seule chose qu’on puisse lui reprocher que ces distractions ou ces défauts de mémoire, impardonnables et déshonorants pour un historien ; il y a de plus ici le défaut d’appréciation, le manque de vue absolu, qui va jusqu’à la cécité.
Une image bien choisie frappe vivement son imagination et se grave sans peine dans sa mémoire. […] cette pièce héroïque n’est-elle pas gravée dans toutes les mémoires ? […] Le passé s’efface de sa mémoire, comme le sillage du navire sur les flots de la mer. […] Ils saisissent une vague ressemblance, et leur mémoire hésite devant les haillons du mendiant. […] Bien peu d’ouvrages m’ont ému aussi doucement, bien peu ont laissé dans ma mémoire une trace aussi lumineuse.
On le montrerait sans peine pour les opérations de la mémoire. […] La mémoire n’a donc pas besoin d’explication. […] Comment expliquera-t-on les maladies de la mémoire ? […] Certes, le mémoire de 1835 méritait l’éloge que M. […] Déjà le mémoire couronné témoignait d’une étude serrée et pénétrante des textes.
J’ai beaucoup connu et beaucoup aimé Mathieu de Montmorency, je garde pour sa mémoire un souvenir qui tient du culte ; mais ce souvenir ne m’empêche pas de juger l’homme avec la froide sagacité que le temps donne même à la tendresse des souvenirs. […] Il mourut en saint, laissant une mémoire sanctifiée comme sa physionomie. […] XXV L’intérêt des rapports entre madame Récamier et M. de Chateaubriand devient, à dater de 1820, le seul intérêt de ces Mémoires. […] Les Mémoires d’une femme ne sont-ils pas exclusivement l’histoire du cœur ? […] Nous l’y avons retrouvé alors, posant, comme dans ses Mémoires, en Marius sur ses débris, ennuyé, triste, solitaire, cherchant à grandir par l’éloignement, caressant M.
Il s’astreignit à composer tous les ouvrages dont le Dauphin pouvait avoir besoin ; et les rédactions de l’écolier, que l’on a conservées, attestent sur quelle étude solide des textes Bossuet établit son cours d’histoire ; pour le xvie siècle surtout, il a dépouillé soigneusement tous les principaux mémoires. […] Lorsqu’il eut à faire l’éloge de la reine d’Angleterre, il lit appel aux souvenirs de Mme de Motteville, et fonda sa peinture du courage de la princesse sur les faits contenus au Mémoire, qui lui fut remis. […] Le prédicateur a le geste rare, un mouvement de bras égal et monotone, la voix mélodieuse et uniforme, sans autre nuance qu’un peu plus de lenteur ou de rapidité dans le débit : les yeux sont clos ; la mémoire travaille pour représenter la suite du discours appris par cœur ; et parfois l’orateur reprend quelques mots pour ressaisir le fil qui lui échappe. […] Il divisait, subdivisait, multipliait les énumérations d’idées à développer, les récapitulations d’idées développées : mais tout cela n’avait rien de factice ni de pédant ; c’étaient des moyens de distribuer la matière, d’aider l’auditoire à suivre, à se rappeler ; c’était l’art d’un professeur qui sait qu’une exposition méthodique seule a chance de se graver dans la mémoire, et que l’on ne peut trop multiplier les points de repère. […] Éditions :Œuvres complètes de Fléchier, Nîmes. 1782, 10 vol. in-8 ; Mémoires sur les grands jours d’Auvergne, édit.
Comme Duclos, après avoir donné ses Considérations sur les mœurs où il avait oublié de parler des femmes et où il avait à peine prononcé leur nom62, voulut réparer cette omission singulière en publiant l’année suivante (1751), sous le titre de Mémoires pour servir à l’histoire des mœurs du xviiie siècle, une espèce de répétition de ses Confessions du comte de…, Voltaire qui trouvait ce genre de romans détestable, et qui voyait dans ceux de Duclos une preuve de plus de la décadence du goût, écrivait : « Ils sont d’un homme qui est en place (dans la place d’historiographe), et qui par là est supérieur à sa matière. […] Mme Du Hausset nous en a conservé une dans ses Mémoires ; et Mme d’Épinay, dans les siens, en a reproduit trois ou quatre. […] Ce serait la matière d’un bon mémoire économique : je suis étonné qu’aucun d’eux ne se soit avisé de le faire ; je m’en occuperai peut-être un jour.
« Heureusement, nous dit Fouché (dans les mémoires publiés sous son nom et qui, dans cette partie du moins, offrent un cachet frappant d’authencité), heureusement il fut remplacé par le brave, modeste et loyal Joubert, bien propre à tout calmer et à tout réparer. » J’ai toujours peur, je l’avoue, toutes les fois que je vois un homme si habile et si fin donner tant d’éloges à un si honnête homme, et je me demande involontairement : « Que lui veut-il ? […] Saint-Cyr, qui commandait la droite de l’armée, nous a laissé, dans ses intéressants mémoires où il fait preuve d’un sens critique si distingué mais si sévère, le tableau circonstancié et fidèle de tout ce qui se passa la veille de cette intempestive journée de Novi. […] Napoléon a toujours parlé très bien de Joubert, et comme d’un ami ; son jugement, conservé tant dans ses Mémoires que dans les conversations de Sainte-Hélène, résume toute la carrière du jeune guerrier, ses services, ses mérites et ses qualités, avec cette conclusion : « Il était jeune encore et n’avait pas acquis toute l’expérience nécessaire.
On sortait de là, la mémoire involontairement remplie de mille semences poétiques, de mille charmantes réminiscences qui avaient leur réveil à toute heure. […] Il me rappelle à quelques égards cet Hamiiton qui, sans être Français, a été un modèle de la grâce et de la raillerie française dans ses Mémoires de Grammont. […] C’est un de ces mots qui, une fois entendus, ne s’oublient pas et qui font tableau à jamais dans la mémoire.