Les êtres réels qui nous environnent sont mûs & gouvernés d’une maniere qui n’est connue que de Dieu seul, & selon les Lois qu’il lui a plû d’établir lorsqu’il a créé l’Univers. […] Seulement les objets sont tels qu’ils excitent en nous telle sensation, ou tel sentiment, selon la disposition de nos organes, & selon les lois du méchanisme universel. […] Toutes ces idées abstraites supposent un grand nombre d’idées particulieres que ces mêmes Philosophes comptent parmi les idées acquises : par exemple, comment peut-on savoir qu’il faut rendre à chacun ce qui lui est dû, si l’on ne sait pas encore ce que c’est que rendre, ce que c’est que chacun, & qu’il y a des biens & des choses particulieres, qui, en vertu des lois de la société, appartiennent aux uns plûtôt qu’aux autres ? […] Il suffit que nous sachions que tout est gouverné par des lois générales & constantes, pour être fondés à croire que les corps qui nous paroissent semblables, ont les mêmes propriétés, que les fruits d’un même arbre ont le même goût, &c.
Il retourne à Lyon ; va ensuite à Pézenas pour les états, et n’y reçoit qu’une partie de la somme que le prince loi avait allouée. […] Quant à Scaramouche, que Voltaire cite également comme ayant changé le sien par égard pour celui de ses pères, nous sommes plutôt porté à croire qu’il ne le fit que par un amour-propre assez bien entendu, et qui lui était tout à fait personnel ; car il ne s’était réfugié en France que pour échapper au juste châtiment des lois dont ses escroqueries avaient provoqué la sévérité, et le nom de Tiberio Fiurelli, flétri par une condamnation aux galères, ne demandait plus de ménagements de cette nature. […] On pense d’eux comme les Romains, on vit avec eux comme les Grecs. » Cependant, comme les lois tendaient à faire fleurir un art qui tient de si près à la civilisation des États, ce parti n’occasionna à Molière aucune inquiétude pour la charge qu’il occupait chez le Roi. […] Notre auteur essaya de proscrire par le ridicule ce préjugé qui avait résisté aux lois, en faisant, dans ses Fâcheux, refuser un duel par un homme d’une valeur reconnue. […] Celui qui sut vaincre Numance, Qui mit Carthage sous sa loi, Jadis, sous le nom de Térence, Sut-il mieux badiner que toi ?
Les uns, alarmés par la fougue d’un tempérament trop nourri et par l’énergie des passions insociables, ont regardé la nature comme une bête dangereuse, et posé la conscience avec tous ses auxiliaires, la religion, la loi, l’éducation, les convenances, comme autant de sentinelles armées pour réprimer ses moindres saillies. […] Sa critique fait loi ; on se presse pour entendre sa conversation ; il est l’arbitre du style.
— Le mariage civil est une cérémonie où la Loi ne met juste que le cœur du Code. […] Ce sont tous des serviteurs de l’opinion courante, du préjugé qui a force de loi, enfin des domestiques d’Homère ou des principes de 1789.
Je ne veux ni donner ni recevoir des lois, Et mes mains ourdiraient les entrailles du prêtre A défaut de cordon pour étrangler les rois ! […] En France, pendant la Révolution, Diderot fut oublié, en conséquence de cette loi : l’action fait oublier la pensée.
Diane n’aime que la chasse, et fait le désespoir de deux princes épris de ses charmes ; un troisième, nommé Carlos, entreprend de venger l’amour, en feignant de ne pas remarquer la beauté de la princesse, qui, de son côté, piquée de l’indifférence de Carlos, veut le soumettre à ses lois. L’usage, dans la plupart des fêtes qu’on donne à Barcelone, est de tirer au sort des rubans ; le cavalier qui a la couleur d’une dame, est obligé de lui dire des douceurs, et la dame ne peut se dispenser d’y répondre ; l’on se doute que, grâce aux soins de la princesse, Carlos a un ruban semblable au sien ; il en profite avec tant de vivacité que Diane, satisfaite, croit pouvoir reprendre toute sa fierté, lorsqu’il déclare froidement ne s’être efforcé de paraître tendre que pour céder aux lois de la fête. […] L’ouvrage ne réussit pas : la cabale la plus formidable s’éleva contre lui, et les faux dévots, qu’alarmaient déjà les trois premiers actes du Tartuffe, empruntèrent le nom d’un sieur de Rochemont, pour faire circuler un libelle abominable, dans lequel, après avoir généreusement avoué que Molière annonçait quelques talents pour la farce, quoiqu’il n’eût ni les rencontres de Gauthier Garguille, ni les impromptus de Turlupin, ni, etc., ils finissaient par le dénoncer comme un scélérat digne du supplice, et par invoquer les lois contre lui. […] Acte II, scène v, Éliante dit : L’amour, pour l’ordinaire, est peu fait à ces lois.
Habituée qu’elle était à donner à ses sentiments une forme unique, elle s’est senti plus d’une fois le cœur aveuvé ; elle s’est demandé, elle a demandé aux objets muets si c’était bien la loi fatale et dernière ; ainsi, hier encore, en regardant une horloge arrêtée : Horloge, d’où s’élançait l’heure, Vibrante en passant dans l’or pur, Comme un oiseau qui chante ou pleure Dans un arbre où son nid est sûr, Ton haleine égale et sonore Sous le froid cadran ne bat plus : Tout s’éteint-il comme l’aurore Des beaux jours qu’à ton front j’ai lus ?
Mais non : ces phases analogues et ces récidives du goût tiennent à des lois générales de l’esprit humain ; on réinvente, à de certains âges et en de certains lieux éloignés, les mêmes défauts, comme quelquefois aussi on rencontre, sans s’être connus et à l’aide de la seule nature, les mêmes beautés.
« Car toutes ses inspirations sont ma loi !
Une réticence suprême était sa loi.
Ce grand docteur, la plus grande gloire de Navarre avant Bossuet, théologien et lettré, en qui s’unissait la rude subtilité du scolastique aux tendresses ardentes du mystique, âme pure et loyale parmi les corruptions et les intrigues du siècle, passa sa vie à se dévouer pour l’Université, pour l’Église, pour la France, pour le peuple, sans une pensée pour lui-même, sans autre souci que de la loi, de la justice et de la charité.
Il comprit que ni l’indépendance et l’infinie curiosité de son esprit toujours en quête, ni ses habitudes irrégulières de célibataire sans-gêne et assez peu dégoûté, n’auraient pu se plier à la loi du mariage.
La méthode des sciences physiques et naturelles, qui, à Issy, m’était apparue comme la loi du vrai, faisait que je me défiais de tout système.
Sans doute dans l’ancienne Grèce la gloire avait plus d’appareil, et les talens plus d’éclat ; le citoyen qui ne voyait au dessus de lui que les lois, et qui pouvait porter son suffrage à la place publique, était libre de n’accorder d’hommages qu’au mérite qui les arrache, et alors l’admiration était toujours près de l’enthousiasme.
Oui, de la vérité rallumant le flambeau, J’enflammerai les cœurs de mon noble délire ; On verra l’imposteur trembler devant ma lyre ; L’opprimé, qu’oubliait la justice des lois, Viendra me réclamer pour défendre ses droits ; Le héros, me cherchant au jour de sa victoire, Si je ne l’ai chanté doutera de sa gloire ; Les autels retiendront mes cantiques sacrés, Et fiers, après ma mort, de mes chants inspirés, Les Français, me pleurant comme une sœur chérie, M’appelleront un jour Muse de la patrie !
Il en est de cela comme des lois.
Mais peut-être faut-il accepter cette vieille loi du genre qui nous vient de l’antiquité, car La Fontaine n’inventait pas ces sociétés bizarres et ces invraisemblances au point de vue de l’histoire naturelle.
C’est un poète et un peintre de terroir comme tous les peintres et les poètes pénétrants, la loi étant de ne bien peindre que les choses qu’on a vues, qui se sont enfoncées en nous dès l’enfance, et dans lesquelles nous avons fait boire nos premiers regards.
Par exemple à côté de morceaux exquis comme les Petits Princes : Le front courbé, rêveur, suivant les lois du sort, Je lisais un journal qui racontait la mort Du petit Bonaparte ; et perdu dans la foule, Sourde aux vaines clameurs d’un empire qui croule, J’allais, plaignant la mère et songeant à l’enfant. […] La nature éteignait sa flamme ; elle reniait sa loi de reproduction ; elle démentait ses décrets de l’attraction des sexes ; elle apostasiait devant un viol. […] L’idée de cette nouvelle est des plus simples ; il s’agit d’un médecin qui reçoit une sorte de confession d’un pauvre diable, d’un galérien qui va mourir ; il veut laisser à sa fille un peu d’argent et l’un de ces objets que les forçats vendent aux visiteurs de leurs tristes demeures : Le docteur, silencieux, regardait Nicolas Blitz : — Vous n’ignorez pas, dit-il enfin, qu’il m’est défendu de prendre votre argent ; la loi veut que l’État hérite de vous. […] S’il y a des prières vraiment folles, parce qu’elles ne pourraient être exaucées sans troubler l’ordre divin de l’univers, Dieu ne peut-il réserver, entre ses lois immuables, un champ libre à la prière ? Sans contrevenir à ses propres lois et sans faire de miracles, ne peut-il agir sur la pensée et sur la volonté de celui qui l’implore ?
Que l’on m’entende : je constate, je ne reproche point ni surtout ne prétends à ériger en loi des prédilections personnelles. […] Le talent, le génie même chez les femmes sont unis d’un lien si indissoluble à leur personnalité de femmes — à la fois dans ce que celle-ci a de plus individuel et dans ce qu’elle a de plus atavique — que leurs héroïnes l’emportent toujours sur leurs héros en beauté, en profondeur et en signification : seule, jusqu’ici George Eliot échappe à cette loi. […] Or jusqu’à présent ceux qui suivaient avec le plus d’intérêt le développement d’Edmond Jaloux pouvaient craindre qu’entre ses qualités mêmes et les lois non écrites du roman l’équilibre fût malaisé à établir. […] On voit assez l’importance incalculable de ce stade nouveau : ce n’est plus seulement l’événement, c’est la passion cette fois et sous toutes ses formes qui cesse d’être un ultime ; elle perd sa finalité, et elle la perd non plus du tout comme naguère au bénéfice de quelque chose soit de plus haut, soit de plus désintéressé, soit de plus consistant qu’elle, mais au bénéfice de cette région que Jaloux nous décrit « étale et sereine », qui l’est en effet, qui est aussi dans un certain sens la région des lois et des idées-mères, mais de laquelle la valeur tragique à proprement parler — qu’elle soit celle d’un Polyeucte, d’une Phèdre, ou d’un Zarathoustra — se trouve exclue, parce que qui dit valeur tragique, dit valeur de résistance, et qui dit valeur de résistance postule que subsistent des valeurs morales, — ou, au besoin, immorales. […] Si en effet, appliquées aux phénomènes naturels, les lois de la nature gardent encore quelque dignité, vis-à-vis des phénomènes humains ces mêmes lois perdent toute retenue, à cause des efforts dérisoires que l’homme tente pour s’en évader, et plus encore à cause du succès dont à chaque fois il croit ses efforts couronnés.
Electre dans les fers aux cœurs donne la loi. […] De cris les voûtes retentissent, Les proscrits éperdus maudissent L’irrévocable Loi qui les a condamnés.
Les portes du couvent qui renfermait sa fille allaient s’ouvrir au nom de la loi. […] Il y fait voter une loi d’hygiène qui porte son nom. […] M. de Hohen-lohe voit dans la condescendance du gouvernement de Venise pour le « masque national » des motifs politiques surtout à l’époque qui précéda la Révolution française, où le port de la « baüta » fut imposé par une loi à la noblesse vénitienne.
Nous voyons le volume de la réalité se dérouler continûment, nous constatons « une relation constante entre certains motifs, comme d’une fleur à sa tige, du bras avec la main60 Cela nous fait croire que tout s’enchaîne nécessairement, qu’« il n’y pas d’effet sans cause », qu’à chaque effet est assignée une cause véritablement productrice et créatrice, que le monde est soumis à des lois qui en déterminent ? […] La cause, les lois sont des moyens de simplification, des procédés utiles pour « se retrouver dans le dictionnaire de la nature61 ». […] Il s’est mis hors la loi ; il faut qu’il disparaisse ; la vie va reprendre son impassible régularité ; sans violence, sans saccade, avec la sûreté lente des besognes inévitables, elle va disperser la folle tentative humaine : Tout est vain contre la vie, humble, ignorante, obstinée95. […] La composition Une phrase contient, enveloppé, replié sur lui-même, l’arrangement de tout le livre ; elle se dispose selon les mêmes lois que l’œuvre entière ; elle prémédite dans sa structure minutieuse le dessin de l’ensemble.
La Rochefoucauld, qui eut plus que personne qualité pour la juger, nous a dit déjà, et je répète ici ce passage trop essentiel au portrait de Mme de Longueville pour ne pas être rappelé : « Cette princesse avoit tous les avantages de l’esprit et de la beauté en si haut point et avec tant d’agrément, qu’il sembloit que la nature avoit pris plaisir de former en sa personne un ouvrage parfait et achevé ; mais ces belles qualités étoient moins brillantes, à cause d’une tache qui ne s’est jamais vue en une personne de ce mérite, qui est que, bien loin de donner la loi à ceux qui avoient une particulière adoration pour elle, elle se transformoit si fort dans leurs sentiments, qu’elle ne reconnoissoit plus les siens propres. » La Rochefoucauld ne put d’abord se plaindre de ce défaut, puisqu’il lui dut de la conduire.
Telle est la loi des êtres qui sont jetés dans le monde avec une prodigalité de nature trop disproportionnée au moule humain ; ils sont malheureux, mais sont-ils malheureux parce qu’ils sont trop complets ?
Je connaissais l’inflexibilité de la loi et je me préparais à m’exécuter coûte que coûte.
Ton coucher de soleil semble une aube nouvelle ; On dirait que la loi du monde te révèle Toujours plus de douceur, toujours plus de bonté !
On ne la reprendra point pour assurer l’ordre de la pensée, (après deux siècles et bientôt deux siècles et demi on a fini par s’apercevoir que les lois de l’attraction et de la gravitation universelle étaient généralement applicables et parfaitement calculables mais que l’hypothèse même de l’attraction à distance et de la gravitation à distance était parfaitement impensable, c’est-à-dire enfin que Newton est métaphysiquement impensable).
Le petit séminaire de Paris n’avait été jusque-là, aux termes du Concordat, que la pépinière des prêtres de Paris, pépinière bien insuffisante, strictement limitée à l’objet que la loi lui prescrivait.
Wagner a écrit quelque part qu’on pouvait juger Tristan d’après les lois les plus rigoureuses qui découlent de ses affirmations théoriques, — tant il est sûr de les avoir suivies d’instinct, — mais il avoue qu’il s’était, en composant, affranchi de toute idée spéculative et qu’il sentait même, à mesure qu’il avançait dans son œuvre, combien son essor faisait éclater les formules de son système écrit. « Il n’y a pas, ajoute-t-il avec quelque nuance de regret, de félicité supérieure à cette parfaite spontanéité de l’artiste dans la création, et je l’ai connue en composant mon Tristan. » Il en fut de même, à ce qu’on peut croire, quand il termina l’Anneau du Nibelung, interrompu pour Tristan, et quand il écrivit les Maîtres Chanteurs et Parsifal.
Wagner en fait la loi inéluctable du théâtre (Theatergeset) : « L’autorité de l’auteur sur l’acteur, dit-il, doit être sans limite. » Dans son article sur les représentations de 187624 : « A cette représentation, tout était une seule volonté, et les acteurs ont montré une obéissance artistique à nulle autre seconde. » M.
Je sais bien qu’elle touche à des choses brûlantes : mais le bourgeois qu’elle met en scène représente bien moins une classe sociale qu’un vice caractéristique : celui de la sottise ambitieuse, mesquine, égoïste, pétrie de vulgarités et de prosaïsmes, aussi étrangères aux idées de générosité et de grandeur d’âme qu’un peintre chinois peut l’être aux lois de la perspective.
Or, j’ai chanté vos lois, ô laboureurs profonds !