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232. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Additions et appendice. — Treize lettres inédites de Bernardin de Saint-Pierre. (Article Bernardin de Saint-Pierre, p. 420.) » pp. 515-539

Ils oublient pour un temps les peines qu’ils ont souffertes ; ils se livrent à la joie de voir de belles prairies, de vertes forêts, et de goûter à l’ombre des rochers un sommeil qui n’est point agité par le mouvement des flots. […] Je ne sais ce que le ciel me destine ; mais jamais il n’a versé tant de joie dans mon âme. […] Je n’aurai à l’avenir ni peine ni joie que vous ne les partagiez. […] Adieu, mon cher ami, je pars avec joie. […] Ce me serait une joie infinie de voir votre grande Impératrice accompagnée de toute sa cour, traversant cette grande place du Palais, suivie d’une multitude de peuples.

233. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. DE BALZAC (La Recherche de l’Absolu.) » pp. 327-357

Comme les alchimistes, il a passé des années entières en tâtonnements, à travers la fumée et la cendre, les sédiments et les scories, avant d’arriver à la transmutation tant désirée : aussi, quelle joie bien légitime et quelle ivresse étourdissante le jour où il vit dans le creuset son mercure se fixer en or ! […] Mais, à partir de 1809, les manières de Balthazar s’altèrent graduellement ; une passion secrète le saisit et l’arrache bientôt à tout, à la société, aux tulipes, même aux joies domestiques dont il se repaissait avec candeur. […] Mais le plus touchant et le plus inimitable endroit est celui où il raconte sa découverte, et les sensations inouïes qui l’agitèrent sitôt que le mercure brilla fixé en or sous ses yeux : « Que ma joie fut vive et grande ! […] Enfin je commençai à craindre que ma joie ne me fît perdre la raison.

234. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre II. Les romans bretons »

Puis apparut ce qu’on a appelé le cycle de l’antiquité 51 : des poètes savants, qui lisaient les livres latins, y remarquèrent mille choses merveilleuses qui pouvaient se mettre en clair français à la grande joie du public illettré. […] Ils blessent des biches à voix humaine, suivent des sangliers magiques, se couchent dans des barques qui les portent au pays fatal où s’accomplira leur destinée de joie ou de misère. […] Délicieuses sont leurs joies, délicieuses leurs tristesses ; leurs inquiétudes cruelles, leurs amers remords, leur sont des voluptés, quand ils luttent de ruse contre les soupçons du roi ou l’espionnage des curieux, et quand, chassés ensemble, ils vivent dans la forêt, où le roi March les trouve dormant côte à côte, l’épée entre eux. […] Par là, la vie n’était qu’éclat et joie, fêtes pompeuses et doux commerces : quel contraste c’était, et quel charme, pour des hommes qui sortaient à peine du morne isolement de leurs donjons, où ils vivaient dans de mortelles inquiétudes, ou dans un ennui plus mortel encore !

235. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre III. Littérature didactique et morale »

Et tout le monde extérieur, ennemi naturel de la joie des amants, se ramasse en deux groupes symboliques, la curiosité maligne et bavarde des indifférents, Malebouche, et l’hostilité soupçonneuse de ceux qui ont puissance sur la femme, Jalousie. […] Il y a, dans ses descriptions du jardin d’Amour, dans ce mélange d’abstractions morales, de mythologie païenne, et de mièvres paysages, il y a je ne sais quelle sincérité de joie physique, une allègre et fine volupté. […] Et c’est pareillement un coin d’idylle qui fleurit en pleine aridité de la métaphysique amoureuse, quand le poète fait dire à son amant : Je ressemble le paysan Qui jette en terre sa semence, Et il a joie à regarder Comme elle est belle et drue en herbe : Mais avant qu’il en cueille gerbe, Par malheur l’empire et la grève Une male nue, qui crève Quand les épis doivent fleurir : Et fait le grain dedans mourir, Et ravit l’espoir du vilain. […] Il ressemble surtout à Rabelais : c’est la même érudition encyclopédique, la même prédominance de la faculté de connaître sur le sens artistique, la même joie des sens largement ouverts à la vie, le même cynisme de propos, le même fatras, la même indifférence aux qualités d’ordre, d’harmonie, de mesure.

236. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre I. Les mondains : La Rochefoucauld, Retz, Madame de Sévigné »

Elle en fait de la joie, comme de tout, et une joie physique, sensuelle, une joie des yeux et des oreilles. […] Elle s’est dévouée à ses filles, mais elle leur a dû toute la joie de sa vieillesse.

237. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Francisque Sarcey »

Cela lui est donc agréable ou indifférent de songer qu’il fait la joie du pharmacien Homais et qu’il lui fournit des armes   Oh ! […] Non, vous n’imaginez pas la joie intime et profonde que sent la fille d’un concierge le jour où elle a prononcé pour la première fois désir. […] Il ne se tient pas de joie quand un dramaturge le « met dedans », ne s’apercevant pas que l’expression même qu’il emploie rend l’éloge douteux. « Sophocle nous trompe, il nous met dedans. […] Et quand même cette joie ne lui serait jamais donnée, il pourrait toujours leur dire : Que le théâtre soit un art inférieur, ce n’est pas la question.

238. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Victor Hugo, Toute la Lyre. »

Pendant dix ans je l’ai lu tous les jours et je lui garde une reconnaissance infinie des joies qu’il m’a données. […] Emile Faguet, aient décrit et loué les procédés du style et de la versification de Victor Hugo : ne pouvant faire aussi bien qu’eux, je vous renvoie avec joie à leurs études7. […] Ce qui plaît à la bouche De la blonde aux doux yeux, c’est le baiser farouche ; La femme se fait faire avec joie un enfant Par l’homme qui tua, sinistre et triomphant, Et c’est la volupté de toutes ces colombes D’ouvrir leurs lits à ceux qui font ouvrir les tombes. […] C’est une joie absolument pure que de lire de tels vers.

239. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre Premier »

» C’est sur le fumier de Job, plutôt que dans le jardin de l’Anthologie, que semble avoir germé cette strophe désolée : — « Et si quelqu’un vient à goûter un peu de joie, il voit accourir la déesse des vicissitudes, Némésis. » Ménandre surtout, venu au crépuscule de la Grèce, reflète, dans ses vers, les ombres qui commençaient à s’allonger sur le monde. […] Annibal en fait la joie et l’entrain. […] Elle baisait la main qui l’avait frappée, et elle sortait de la maison de Mucarade, avec la joie poignante d’obéir à celui qui l’en expulsait. […] Elle a fait épier sa rivale et elle arrive sur ses traces pour l’arracher à son amant. « Vous êtes sa maîtresse », crie-t-elle à Diane. — C’est vrai, répond la jeune fille, tressaillante de honte et de joie ; car ce mensonge sauve son frère, il explique sa présence chez M. de Pienne ; il déconcerte Laffemas, qui regagne déjà la porte, l’oreille basse et la moue aux lèvres.

240. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre VI. Le Bovarysme essentiel de l’humanité »

Le Bovarysme scientifique ou le Génie de la connaissance : L’homme, croyant augmenter, par la recherche intellectuelle, la somme de ses joies, n’augmente que la somme de ses connaissances — Double mobile de la recherche intellectuelle : Mobile métaphysique : l’homme mortel se veut immortel. — Mobile d’intérêt immédiat : par la connaissance des lois de la nature, l’homme prétend accroître son bien-être. […] Mais cela ne fera pas qu’ils soient libres de rien changer à leur disposition intérieure ; ce vain désir n’empêchera pas les uns d’être condamnés à se satisfaire, quelque conséquence sociale qui puisse d’ailleurs en résulter pour eux ; il n’empêchera non plus les autres d’être condamnés à se contraindre, à s’interdire toute joie, en raison de la suprématie dans leur organisme du sentiment du devoir, qui ne cessera de les tenir en laisse à l’écart des plaisirs où ils aspirent. […] Que l’on transpose le spectacle humain en celui-ci : une troupe d’excellents automates, construits par quelque Edison pour le divertissement des spectateurs, descend des tréteaux sur la place publique et ces automates marchent comme des hommes, se mêlent aux assistants, tiennent aux femmes des propos lestes, exécutent mille facéties, enlevant à l’un son chapeau, à l’autre son mouchoir, à la grande joie de la foule indulgente. […] L’homme se conçoit doué du pouvoir d’augmenter ses joies, il ne réussit qu’à augmenter son savoir.

241. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre premier. »

Est-ce le pontife, dans l’éloge de la princesse Palatine et dans le récit des guerres sauvages de Pologne, ou le poëte, dans sa joie triomphante de Marathon et de la fuite des Perses aux arcs recourbés ? […] Elle sommeille, durant l’activité du corps ; mais souvent, aux hommes endormis, elle révèle en songe le partage de joies ou de peines qui les attend14. » Et ailleurs il avait chanté, avec plus de ferveur encore, sans doute dans le sanctuaire d’un temple : « Au-dessous de la voûte céleste, à l’entour de la terre, volent les âmes des impies dans de cruelles douleurs, sous l’étreinte de maux qu’on ne peut fuir. […] C’est la perfection de la béatitude spirituelle, dans la souveraine intelligence ; ce sont ces incomparables joies, dont le philosophe voyait, ose-t-il dire, comme une image ici-bas dans les ravissants plaisirs de la pensée savante16. […] Sous des joies salutaires meurt vaincu le ressentiment de la souffrance passée, alors que la faveur de Dieu envoie d’en haut une prospérité supérieure.

242. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite.) »

Il courait de là tout autour, par les sites montueux, avec une joie sauvage, pleine de vertige et d’ivresse, et comme un Oberman, mais un Oberman qui veut être consolé : « Mon premier sentiment, dans ma retraite ignorée, fut une espèce de joie de me trouver enfin délivré des agitations de la vie sociale. […] À ces doux noms mon âme en sursaut se réveille ; Je sens frémir mon sang et se mouiller mes yeux ; Ainsi qu’Abbadona, l’ange exilé des cieux, Le jour où je quittai les monts de la Savoie, De nos cœurs à la fois s’exila toute joie ; Au fond de nos vallons, pèlerin de malheur, Je laissai mon repos et j’emportai le leur !

243. (1899) Le préjugé de la vie de bohème (article de la Revue des Revues) pp. 459-469

Voilà sa joie profonde, voilà le secret de son sourire, voilà le secret du succès de la Vie de Bohème, parmi les bourgeois épanouis. […] Et ils s’en parent naïvement comme d’un uniforme antibourgeois, alors que leurs détracteurs les en affublent avec joie, comme les juifs, jadis, signalés d’un bonnet jaune. […] Un divorce, un adultère d’artistes inspirent à cette caste une joie haineuse que les intellectuels ne soupçonnent pas : c’est l’objet des commentaires méprisants ou fielleux de mainte bourgeoise et de maint rentier enrageant de leur obscurité, conscients de leur nullité morale, et ravis de se retrancher derrière les principes honnêtes et la légalité pour se venger de la beauté, de la gloire et de l’indépendance représentées par les artistes.

244. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Ducis. » pp. 456-473

Thomas accourut, le soigna, le fit transporter à sa maison de campagne, à Oullins près de Lyon, et bientôt après les deux amis célébrèrent leur joie d’être ensemble, leur tendresse et leur admiration mutuelle, au sein de l’Académie de Lyon, par des épîtres et par des embrassements publics qui excitèrent beaucoup d’applaudissements et quelques sourires. […] Un sentiment de famille se mêlait sans cesse à cette joie chrétienne du solitaire, et venait la tempérer par quelques regrets : il se reportait à son enfance, aux années meilleures, à ses jouissances de fils, de père et d’époux : Les mœurs ne s’apprennent pas, c’est la famille qui les inspire. […] Il put même, sur le passage du roi, se parer, avec une joie un peu enfantine, de cette croix de la Légion d’honneur qu’il avait refusée dix ans plus tôt.

245. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Paragraphe sur la composition ou j’espère que j’en parlerai » pp. 54-69

Cependant, comme sur un visage où régnait la douleur et où l’on a fait poindre la joie, je retrouverai la passion présente confondue parmi les vestiges de la passion qui passe, il peut aussi rester au moment que le peintre a choisi, soit dans les attitudes, soit dans les caractères, soit dans les actions, des traces subsistantes du moment qui a précédé. […] Fais-moi entendre les cris mêlés de la fureur et de la joie autour de son cadavre. […] Et pourquoi ne verrais-je pas autour de ce vase une danse d’enfants, les joies du temps de la vendange, une bacchanale ?

246. (1887) La banqueroute du naturalisme

Épiques ou apocalyptiques, puisque c’étaient les qualités nouvelles qu’il fallait louer dans Germinal, par exemple, ou dans L’Œuvre, nous ne l’eussions pu faire d’ailleurs qu’aux dépens des anciennes, de celles que nous goûtions peu, mais que nous reconnaissions enfin dans L’Assommoir ou dans Le Ventre de Paris ; et, pour La Joie de vivre, en dépit des clameurs, nous n’y pouvions vraiment rien voir de plus obscène ou de plus incongru que dans Pot-Bouille ou dans Nana. […] Dans L’Œuvre, dans Germinal, dans La Joie de vivre, on pouvait encore, en y regardant bien, discerner quelque trace et reconnaître au moins quelque effort d’observation, mais ici, c’est vainement qu’on en chercherait l’ombre ; et les jésuites d’Eugène Sue, les mousquetaires d’Alexandre Dumas, les Burgraves eux-mêmes de Victor Hugo sont plus vrais, moins fantastiques, plus vivans peut-être que les paysans de M.  […] On ne se serait pas indigné de la sorte, si l’on ne s’était flatté, avec les affaires de son indignation, de faire aussi celles de son esprit, et par surcroît la joie de ses lecteurs.

247. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « M. de Sénancour — Oberman, édition nouvelle, 1833 »

Tout récemment, dans les feuilles d’un roman non encore publié, qu’une bienveillance précieuse m’autorisait à parcourir, dans les feuilles de Lélia, nom idéal qui sera bientôt un type célèbre, il m’est arrivé de lire cette phrase qui m’a fait tressaillir de joie : « Sténio, Sténio, prends ta harpe et chante-moi les vers de Faust, ou bien ouvre tes livres et redis-moi les  souffrances d’Oberman, les transports de Saint-Preux. […] Je ne devrais pourtant pas me plaindre : j’ai eu quelques instants de calme, quelques moments bien courts d’une joie pure.

248. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « PENSÉES » pp. 456-468

Au moment où vous commencez à l’être, voilà le style qui vous démange ; plus de laisser-aller, plus de joie. […] Les âmes délicates, et qui n’ont pas mésusé, ont de ces joies.

249. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Verhaeren, Émile (1855-1916) »

Heures lointaines, à présent comme un mirage quand s’élucide une accalmie, heures défuntes de l’unanime vœu de joie, du fervent vœu de foi ! […] Le beau jardin, l’éternel Éden les entoure, son amante et lui, et il dit doucement la beauté, la bonté de l’aimée ; il la remercie d’être venue à lui ; il énumère les joies de cœur et de chair qu’elle lui donne ; il célèbre le bonheur qu’ils goûtent tous deux à « être fous de confiance ».

250. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre VI. Le charmeur Anatole France » pp. 60-71

La joie des sens n’est pas à dédaigner, puisque des vins, des femmes, des paysages et des musiques nous offrent des bonheurs fragiles mais renouvelables. […] Il est jaloux, on nous prévient dès l’abord, et j’escomptais, avec joie, lire un roman de jalousie.

251. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XI. Trois bons médanistes : Henry Céard, Joris-Karl Huysmans, Lucien Descaves » pp. 145-156

Il savoure, avant tout, la joie de surprendre l’inutilité cocasse des choses. […] Dans la joie de leur honorable travail, les premiers réalistes l’appliquèrent à toute matière.

252. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre III. Soubrettes et bonnes à tout faire »

Mais sous les noblesses théâtrales on sent toujours la joie espiègle de celui qui se travestit. […] [René Maizeroy] Tomber des habiletés énervantes de Mendès aux maladresses de René Maizeroy : lourde chute, Des mains expertes et amusées d’une parfumée aimable on passe à la hâte grossière d’une fille qui, après trente ans d’exercice, ne sait même pas encore grimacer le sourire et feindre la joie.

253. (1898) Essai sur Goethe

On dit qu’il y a ainsi des joies du ciel. Que de fois je suis revenu goûter cette joie céleste et terrestre d’embrasser dans leurs œuvres l’esprit gigantesque de nos vieux frères ! […] Jamais snob initié soudain aux mystères de la vie élégante et sportive ne s’y adonna plus complètement, avec une joie plus entière. « C’est là, note avec empressement M.  […] Pourquoi restes-tu éloigné de ces joies ? […] Cette faveur remplit Tasse de la joie la plus pure.

254. (1895) La vie et les livres. Deuxième série pp. -364

Ne privons pas l’humanité de ses joies : jouissons de la voir jouir. […] Pouvons-nous, tous sans exception, supporter ce « vin des forts » et préférer à la joie de croire l’ivresse de savoir ? […] Par là, il goûta des joies brèves et connut d’infinies amertumes, sur les hauteurs où il s’était volontairement isolé. […] On n’est pas obligé non plus de se figurer le bonheur des autres, afin de se réjouir de leur joie. […] J’ai perdu toute ma joie, et je ne puis mourir.

255. (1897) La vie et les livres. Quatrième série pp. 3-401

Les Anglo-Saxons, experts à parer et à fleurir les choses sérieuses, savent associer la science avec la joie. […] La joie y manque un peu, et la grâce. […] De quelles joies pouvais-je manquer ? […] Si j’avais passé, moi l’insatiable, à côté d’une telle joie, sans l’épuiser ? […] Ce sont des joies brèves, vite changées en larmes.

256. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXIIe entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff (suite) » pp. 317-378

Beaucoup d’insectes périssent au moment même où ils ressentent les joies de l’amour, ces joies qui rompent l’équilibre ; et quant à l’homme qui, par sa faute ou par celle d’autrui, est jeté hors des voies communes, il doit au moins savoir ne pas se plaindre et se résigner. […] Les exclamations de joie des petites filles retentissaient sans cesse ; Maria Dmitriévna poussa une ou deux fois un petit cri de satisfaction préméditée. […] Il n’en ressentit guère de joie. « Est-il possible, pensa-t-il, qu’à trente-cinq ans je n’aie pas autre chose à faire que de confier mon âme à une femme ? […] Un sentiment de joie indicible et immense remplissait son âme ; tous ses doutes étaient morts désormais. […] Ce n’est pas que toute cette jeunesse se réjouît beaucoup de l’arrivée d’un parent éloigné et presque oublié, mais elle saisissait avec empressement la moindre occasion de s’agiter et de manifester sa joie.

257. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Court, Jean (1867-1933) »

Charles Morice Le très jeune homme qui a fait ces vers (Les Trêves) est un poète, et je saine avec joie cette allégorie ancienne de l’art comparé à un temple, qui resterait une « allégorie ancienne » si elle n’avait été inspirée au poète par le pressentiment de la grande réalité religieuse et moderne de la beauté en soi.

258. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Massoni, S. Pierre »

Pierre [Bibliographie] Les Joies prochaines (1896). — Lætitia (1899).

259. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre I. Les Saxons. » pp. 3-71

La joie des vagues elles-même a je ne sais quoi d’inquiétant et d’âpre. […] Ainsi, pour l’amour de toi, elle se consume et elle est bien près d’être morte de larmes et de chagrin. » Déjà, dans les légendes de l’Edda, on a vu Sigrun au tombeau d’Helgi, « avec autant de joie que les voraces éperviers d’Odin lorsqu’ils savent que les proies tièdes du carnage leur sont préparées », vouloir dormir encore dans les bras du mort et mourir à la fin sur son sépulcre. […] Les événements n’apparaissent pas nus dans ces cerveaux passionnés, sous la sèche étiquette d’un mot exact ; chacun d’eux y entre avec son cortége de sons, de formes et de couleurs ; c’est presque une vision qu’il y suscite, une vision complète, avec toutes les émotions qui l’accompagnent, avec la joie, la fureur, l’exaltation qui la soutiennent. […] Les monstres scandinaves, les Iotes ennemis des Ases ne se sont point évanouis ; seulement ils descendent de Caïn, et des géants noyés par le déluge64 ; l’enfer nouveau est presque le Nastrond antique, « mortellement glacé, plein d’aigles sanglants et de serpents pâles  » ; et le formidable jour du jugement dernier, où tout croulera en poussière pour faire place à un monde plus pur, ressemble à la destruction finale de l’Edda, à « ce crépuscule des dieux », qui s’achèvera par une renaissance victorieuse, et par une joie éternelle « sous un soleil plus beau. » Par cette conformité naturelle, ils se sont trouvés capables de faire des poëmes religieux qui sont de véritables poëmes ; on n’est puissant dans les œuvres de l’esprit que par la sincérité du sentiment personnel et original. […] — une seconde fois,  — le chien païen,  — jusqu’à ce que sa tête — eût roulé sur le sol. —  L’ignoble carcasse gisait sans vie ; — son âme alla tomber sous l’abîme,  — et là fut plongée au fond,  — attachée avec du soufre,  — blessée éternellement par les vers. —  Enchaîné dans les tourments,  — durement emprisonné, il brûle dans l’enfer. —  Après sa vie,  — englouti dans les ténèbres,  — il ne peut plus espérer — qu’il s’échappera de cette maison des vers. —  Mais il restera là,  — toujours et toujours,  — sans fin, dorénavant — dans cette caverne — vide des joies de l’espoir. » Quelqu’un a-t-il entendu un plus âpre accent de haine satisfaite ?

260. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1895 » pp. 297-383

Rigaud Kair, capitaine au long cours, me témoignant son regret de ne pouvoir assister à mon banquet, sous la menace de reprendre la mer, au premier jour, et m’offrant « en remerciement de sa respectueuse gratitude pour les joies intellectuelles, que mes œuvres, compagnes fidèles de tous ses voyages, lui ont procurées », m’offrant un dessin de Pouthier, l’Anatole de Manette Salomon. […] Quand ma pensée va à cette nomination, elle ne s’y arrête pas, comme elle s’arrête aux événements de votre vie qui, vous donnent de la sincère joie, et passe de suite à autre chose. […] S’associant aux hommages qui vont me fêter demain, elle me conte, qu’un certain jour, elle a fui une maison, dans laquelle avaient sombré toutes ses espérances de jeune fille, toutes ses confiances de femme, maison dont elle n’avait emporté que nos chers livres, qui lui avaient donné de grandes joies littéraires. […] Il montre une joie, une joie enfantine, de l’argent qui lui est tombé là-bas. […] Samedi 1er juillet Dans un dîner avec Geffroy et Descaves, on parle du talent, qu’a Rosny pour peindre le bonheur du manger, les joies d’un estomac satisfait, le gaudissement physique d’un repas plantureux chez un être.

261. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Briquel, Paul (1877-1922) »

. — Les Joies humaines (1899). — De Messidor à Prairial (1899).

262. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gaudin, Félix »

Félix Gaudin, auteur de Poésies chrétiennes (1864), âme honnête, éprouvée, reconnaissante, que l’injustice a atteinte, que la foi a relevée et consolée, humble acolyte en poésie, et qui, dans le pieux cortège, me fait l’effet de psalmodier ses rimes à mi-voix, en tenant à la main le livre de l’imitation, d’on la joie et la paix lui sont revenues.

263. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Régnier, Henri de (1864-1936) »

Il revoit le passé, et, dans cette vision rétrospective des joies d’alors, pendant que s’efface le présent, apparaît la Gardienne de son adolescence, la chimère qui jadis emplissait son âme tout entière, celle qui jamais ne se désouvint de lui-même quand il errait au plus fort de la mêlée humaine, oublieux d’espérances plus hautes : Je suis la même encor, si ton âme est la même Que celle que l’Espoir aventurait au pli De sa bannière haute, et je reste l’emblème Du passé qui résiste à travers ton oubli. […] On goûte plus de joie à le relire qu’à le lire pour la première fois.

264. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « F.-A. Cazals » pp. 150-164

La dernière fois que je l’avais vu, il exultait de joie et de santé. […] Et ma pensée évoque ce dernier banquet de la Plume en l’honneur de Paul Adam (7 décembre 1899) où, dans la joie et les lumières, Deschamps sentait monter vers lui la sympathie de trois cents convives, exaltés jusqu’à l’ivresse par l’éloquence de l’auteur du Mystère des foules et la vibrante et chaude parole de Moréas.

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