Hrolf ou Rollo, duc de Normandie, a une part à cette heure-ci dans le gouvernement de l’Angleterre1459. » — « S’il n’y avait pas eu de sauvages saints Dominiques ni d’ermites de la Thébaïde, il n’y aurait point eu un harmonieux Dante. […] Ces hommes sont les véritables héros de l’Angleterre ; ils manifestent en haut relief les caractères originels et les plus nobles traits de l’Angleterre, la piété pratique, le gouvernement de la conscience, la volonté virile, l’énergie indomptable. […] L’idée du devoir, l’esprit religieux, le gouvernement de soi-même, l’autorité de la conscience austère, peuvent seuls, à son gré, réformer une société gâtée, et rien de tout cela ne se rencontrait dans la société française1464. […] Notre gouvernement n’a d’autre ambition que de maintenir la paix publique et de faire rentrer l’impôt. […] La formidable masse, livrée aux chances de l’industrie, poussée par les convoitises, précipitée par la faim, oscille entre les frêles barrières qui craquent ; nous approchons de la débâcle finale, qui sera l’anarchie ouverte, et la démocratie s’y agitera parmi les ruines, jusqu’à ce que le sentiment du divin et du devoir l’ait ralliée autour du culte de l’héroïsme, jusqu’à ce qu’elle ait fondé son gouvernement et son Église, jusqu’à ce qu’elle ait découvert le moyen d’appeler au pouvoir les plus vertueux et les plus capables1470, jusqu’à ce qu’elle leur ait remis sa conduite au lieu de leur imposer ses caprices, jusqu’à ce qu’elle ait reconnu et vénéré son Luther et son Cromwell, son prêtre et son roi1471.
La matière dont je vais parler intéresse le gouvernement et la religion, et mérite bien qu’on en parle avec liberté sans que cela puisse offenser personne : après cette précaution j’entre en matière. […] Je n’ai donc garde, dans ces réflexions sur l’éducation publique, de faire la satire de ceux qui enseignent ; ces sentiments seraient bien éloignés de la reconnaissance dont je fais profession pour mes maîtres : je conviens avec eux que l’autorité supérieure du gouvernement est seule capable d’arrêter les progrès d’un si grand mal ; je dois même avouer que plusieurs professeurs de l’Université de Paris s’y opposent autant qu’il leur est possible, et qu’ils osent s’écarter en quelque chose de la routine ordinaire, au risque d’être blâmés par le plus grand nombre. […] Au reste, c’est au gouvernement, comme je l’ai dit, à faire changer la routine et l’usage ; qu’il parle, et il se trouvera assez de bons citoyens pour proposer un excellent plan d’études. […] Les Grecs et les Romains, qui vivaient sous un gouvernement républicain, étaient continuellement occupés de grands intérêts publics : les orateurs appliquaient principalement à ces objets importants le talent de la parole ; et comme il s’agissait toujours, en ces occasions, de remuer le peuple en le convainquant, ils appelèrent éloquence le talent de persuader, en prenant pour le tout la partie la plus importante et la plus étendue. […] Dans cet art comme dans tous les autres, dit très bien Fréret (Histoire de l’Académie des Belles-Lettres, tome XVIII, page 461), il faut distinguer les beautés réelles, de celles qui étant abstraites, dépendent des mœurs, des coutumes et du gouvernement d’une nation, quelquefois même du caprice de la mode, dont l’empire s’étend à tout, et a toujours été respecté jusqu’à un certain point.
Ce second groupe d’inclinations a bien varié avec le temps, en effet, d’abord communauté de famille, puis communauté de religion, enfin communauté de gouvernement, l’idée de la patrie a bien changé.
Léon Bérard eut la possibilité d’appliquer son esprit à des sujets approfondis dans les conseils du gouvernement. […] Bérard que son gouvernement est « ouvrage de raison et d’intelligence ». […] En Angleterre, une liaison s’est toujours établie entre les hommes de gouvernement et les écrivains, dont les conseils sont parfois sollicités. […] Toujours est-il que Jean Giraudoux communique à la presse et, au même instant, à la France, au monde, ce que l’on doit savoir des décisions du gouvernement et des multiples objets qui, chaque jour, l’accaparent. […] Bérard occupa deux fois ce poste, de novembre 1919 à janvier 1920 dans le gouvernement Clemenceau, puis à partir de 1921 dans ceux de Briand et, à nouveau, Poincaré.
Certes, c’est en conscience qu’ils maudissent les profanateurs qui viennent troubler ce culte heureux qui, en échange de petites pensées arrangées en jolies phrases ; leur vaut tous les avantages que le gouvernement d’un grand peuple peut conférer, les cordons, les pensions, les honneurs, les places de censeurs, etc., etc. […] Mais si vos comédies sont bonnes, plaisantes, réjouissantes, comme la Lettre sur le gouvernement récréatif et la Marmite représentative, M. […] Peu à peu mes idées se calment, et j’arrive aux considérations suivantes : Le gouvernement de la Charte, prenez-le à toutes ses phases d’énergie en 1819 comme en 1825, a trois grands défauts littéraires : 1º Il ôte le loisir sans lequel il n’y a point de beaux-arts. […] Les Classiques sont en possession des théâtres et de toutes les places littéraires salariées par le Gouvernement.
Samedi 3 janvier Ah, si un parti politique quelconque avait mis à l’exécution l’idée, que je lui donnais dans ce Journal, l’idée de créer dans le gouvernement : un Ministère de la Souffrance publique, que de choses menaçantes qui sont, ne seraient pas ! […] Vendredi 14 août En enlevant à l’humanité toute religion d’un idéal quelconque, je crains bien, que ce prétendu gouvernement de la fraternité prépare aux malheureux des temps futurs, des concitoyens à l’égoïsme impitoyable, aux entrailles de fer. […] Et c’est le peuple et la jeunesse qui, à l’encontre des gens éclairés, intelligents, devinent les gouvernements et les grands hommes de l’avenir. […] Mercredi 9 décembre Desprez, cet enfant, cet écrivain de vingt-trois ans, vient de mourir de son enfermement avec des voleurs, des escarpes, de par le bon plaisir de ce gouvernement républicain, — lui, un condamné littéraire !
Il me dit cela, à propos de la commande que vient de lui faire le gouvernement du « Baiser », et qui doit être exécuté en marbre, dans une figure plus grande que nature, et qu’il n’aura pas le temps de préparer à sa manière. […] Après quoi, il a la foi d’obtenir du gouvernement une salle et une subvention, et cela au moment où il espère avoir 600 abonnés, soit 60 000, et avec ce roulement d’une centaine de mille francs, cette salle à la location gratis, le concours d’acteurs découverts par lui, et payés raisonnablement, il se voit directeur d’un théâtre, où l’on jouera cent vingt actes par an, — un théâtre où l’on débondera sur les planches, tout ce qu’il peut y avoir d’un peu dramatique dans les cartons des jeunes. […] Il y a vraiment là, une idée neuve, originale, très favorable à la production dramatique, une idée digne d’être encouragée par un gouvernement. […] la bonne blague que les gouvernements libéraux !
J’étais sorti dimanche 16 avril (1848) à deux heures, au moment où l’on battait le rappel et où le gouvernement semblait gravement menacé.
Bientôt elles prirent un ton philosophique, elles dissertèrent, elles parlèrent des ministres, du gouvernement, des changements désirés, et n’en furent que plus répandues ».
Ainsi Voltaire, dans son Siècle de Louis XIV, raconte d’abord toutes les guerres du règne, puis, arrivé à la paix d’Utrecht, revient à l’avènement du roi, pour raconter les anecdotes de la cour et des mœurs du temps, après quoi il reprend encore les choses au début pour développer le gouvernement intérieur, les lois, les réformes, les principes d’administration, les mesures heureuses ou funestes dans chaque département, enfin il finit par exposer chacune des principales disputes religieuses : faisant ainsi non pas une histoire générale du siècle de Louis XIV, mais une dizaine d’histoires spéciales, qui sont simplement mises bout à bout et n’ont d’unité que par le titre unique.
Le sujet de Télémaque est d’un ressort universel ; il prend sa source dans la nature de l’homme : rien de plus touchant que la tendresse filiale ; rien de plus digne des vœux de tous les hommes, qu’un sage & heureux Gouvernement.
Irons-nous, comme Robespierre, faire proclamer l’existence de l’Être suprême par le gouvernement ?
On peut admirer Grégoire sans accepter sa doctrine ; ses idées convenaient à son temps, car, en fait de gouvernement et de société, elles valaient mieux que les pratiques grossières d’un monde barbare.
Pour n’en donner qu’un seul exemple, entre bien d’autres que nous pourrions citer, il reproche à Louis XIV la reconnaissance du droit des Stuarts au moment où l’acceptation du testament de Charles II étendait sur la France une résille de complications, et, la vue bouchée par la préoccupation politique, par cet intérêt du moment, il ne voit pas que Louis XIV donné, Guillaume III donné et l’Europe donnée, cette Europe fendue en deux jusqu’à son axe depuis Luther, il était impossible — et même inconcevable — que le gouvernement de Louis XIV ne reconnût pas, quoi qu’il pût arriver, du reste, de cette reconnaissance, l’hérédité monarchique des Stuarts, et ne soutînt pas le catholicisme, directement, et peut-être, quoi qu’en dise Macaulay, uniquement attaqué par l’Angleterre dans leur personne.
L’Église n’a nul besoin qu’on exagère son action à aucune période de l’histoire pour que cette action soit ce qu’elle a toujours été quand des passions ou des gouvernements hérétiques ne l’ont pas entravée, c’est-à-dire légitime, nécessaire, pacificatrice et grandiose.
Ni Danton, ni Robespierre, ni Marat, ni celui qui devait se mettre en travers du boulet qui l’eût coupé en deux si la mort — venue à temps — ne lui eût épargné cette leçon cruelle, ni Mirabeau, ce Pitt manqué de la Monarchie française qui a ressuscité sans lui, ni aucun de ceux qui se sont taillé un bout de renommée dans la colossale famosité de la Révolution, ne furent des personnalités libres, puissantes par elles-mêmes, possédant ce qui investit les vrais chefs, les vraies têtes de gouvernement, c’est-à-dire : l’autorité incontestée d’un commandement, plus forte que les passions, qui frémissent de subir le commandement mais qui le subissent !
Le monde romain stupéfié se tut devant Sylla, et il s’en alla mourir tranquille à sa maison de campagne, cet homme qui, malgré ses batailles et son génie de gouvernement, n’avait jamais été fier que d’une chose, qui ne lui appartenait pas, c’est d’avoir été toujours heureux… Robespierre, lui, l’autre proscripteur, ne s’arrêta pas.
Il en a fait un homme politique, un de ces cuisiniers de révolutions et de gouvernements impossibles, qui empoisonnent la France depuis près d’un siècle… Le journalisme, qui, si l’on n’y prend garde, donne de si mauvaises habitudes à la pensée, a donné à Pelletan tous les défauts qui sautent aux yeux dans son nouveau livre : l’inconsistance, la frivolité, les passions de parti et leurs faux jugements et leurs injustices, et surtout cette terrible et misérable faculté de se monter la tête, de suer à froid, comme disait Beaumarchais, en parlant des avocats, ces journalistes du bec comme les journalistes sont les avocats de la plume, et de se faire illusion à soi-même pour mieux faire illusion aux autres.
Taine distingue profondément la science, cet objet d’éternelle recherche, de la morale, de la religion, du gouvernement.
L’ennui des loisirs que lui a faits le gouvernement de l’Action, substitué aux vaines parades de la parole, lui a-t-il fait comprendre qu’il faut revenir au livre, si l’on veut vivre plus de deux jours dans la mémoire des hommes, puisqu’enfin l’y voilà revenu ?
C’étaient les missions établies par toute la terre, les missions d’Europe, de France, d’Italie, des Îles Hébrides, d’Écosse, d’Irlande, de Pologne, d’Autriche, de Prusse, d’Espagne, de Portugal, de Madagascar, de Bourbon, de l’Île-de-France, d’Amérique, des Échelles du Levant, de l’Empire Turc, de la Perse, de Babylone, de la Chine ; et ce n’était pas tout encore : c’étaient les royaumes de toutes les misères, de tous les crimes, de toutes les hontes, c’était le grand Hôtel-Dieu de Paris, c’étaient les hôpitaux des provinces, l’œuvre des forçats, des mendiants, des fous, enfin les Filles de Charité et les Enfants trouvés, qui sont restés aux yeux des hommes les deux plus belles institutions de cet incroyable gouvernement de l’amour !
Effrayante alternative pour Guizot, qui n’a même guères abordé que par la main des autres la vie publique de Calvin et son gouvernement spirituel, mais qui, pour le reste, pour cet abîme de la moralité d’un homme, qu’il faut pénétrer et sonder dans tout homme, quand on se charge de son histoire, a fait ce qu’on fit à la mort de Calvin, dont on s’empressa de clouer vite dans le cercueil le cadavre, qui aurait parlé, et de le jeter dans la tombe… Prudence terrible, qui dit même plus qu’on n’ose penser.
Traquée par le gouvernement russe, elle a confié à la loyauté de son amant tout le plan d’une conspiration qu’elle dirige et la liste des conspirateurs, et le misérable les a vendus à la Russie.
Ou bien, je pose en principe que tous les citoyens ont droit aux mêmes libertés civiles, et, d’un autre côté, je crois que lorsqu’une classe seulement des citoyens prend part au gouvernement, les libertés civiles ne sont pas également sauvegardées pour toutes les classes : je réclame en conséquence le suffrage universel.
Le peuple des lecteurs, par curiosité ou par faiblesse, veut tout connaître de ceux qu’un rang élevé expose à ses regards, Le philosophe observe comment on voit les objets sur le trône ; l’historien cherche dans les écrits d’un roi l’histoire de ses pensées ; le critique qui analyse, étudie le rapport secret qui est, d’un côté, entre le caractère, les principes, le gouvernement d’un prince, et de l’autre, son imagination, son style et la manière de peindre ses idées.
Puisque la guerre durera autant que les intérêts et les passions humaines ; puisque les peuples seront toujours entre eux dans cet état sauvage de nature, où la force ne reconnaît d’autre justice que le meurtre, il importe à tous les gouvernements d’honorer la valeur.
Notre jeune viveur est étonné de trouver dans son domaine une suite de piquets peints en blanc, son étonnement s’accroît quand il voit un ouvrier accompagné d’un gendarme lui dire qu’il vient pour les poteaux : l’ouvrier s’explique : Il y a huit ans, le gouvernement a voulu se concilier les sympathies des naturels d’Arnay-le-Comte. […] Notre pays, le plus « un » du monde entier, a besoin d’un gouvernement qui le soit. […] On m’a toujours vu soumis, au contraire, et je me soumettrai, jusqu’à la fin, à toutes les formes de gouvernement légitimées par le vote du pays. Mais, je le confesse, j’ai l’horreur du régime parlementaire, qui met le gouvernement dans une assemblée mobile, imposant au choix d’un chef d’État nominal des ministres sans cesse renouvelés ; agitée par la compétition de partis se disputant le pouvoir, afin d’en distribuer les faveurs, sinon l’exploitation, entre leurs affidés, au lieu de se montrer animée de la noble ambition de servir utilement la Patrie, sans autre intérêt que le développement de sa grandeur et de sa puissance. […] … — « En effet », observa mon compère ; « mais il a du bon. » — « Tenez », continuai-je, en affectant de restreindre la conversation entre nous deux, comme aussi d’être de moins en moins sérieux, « je rêvais dernièrement que j’assistais à la représentation d’un intéressant spectacle. — Premier acte : le gouvernement prescrivait à ses préfets de dresser une liste discrète, mais bien comprise, des hommes dangereux de leurs départements respectifs : fauteurs habituels de désordre ; correspondants et agents principaux des comités-directeurs de Paris, et de les expédier rapidement, le jour dit, vers des ports d’où quelques vaisseaux, mis sous vapeur d’avance, devait les transporter à Nouka-Hiva, pour y fonder une République modèle, démocratique, sociale, et le reste, selon leur cœur. — Deuxième acte : le gouvernement, après entier accomplissement du premier, annonçait à l’Assemblée législative la grande mesure de salut public dont il venait de prendre l’initiative courageuse.
Il est en relations d’amitié et d’intimité avec des gouvernements que le roi considère comme ses ennemis. […] Les pasteurs et les rabbins français reçoivent un salaire de l’État « persécuteur » ; le gouvernement anglais ne donne rien aux cultes dissidents. […] Le gouvernement français conserve des relations amicales avec le Saint-Siège ; celui-ci n’est pas représenté à la Cour de Saint-James. On accuse le gouvernement français de persécution et de tyrannie pour avoir exilé les prétendants, après les avoir tolérés pendant seize ans. Le gouvernement anglais a toujours laissé les prétendants en exil, et le dernier s’est éteint en terre étrangère.
Mais, de nos jours, l’on ne s’adresse plus aux philosophes pour régler le gouvernement des États : si l’on fait bien ou mal, c’est l’avenir qui le dira. […] Ce que maintint Paul Adam, c’est le désir de faire coïncider l’intelligence et le gouvernement, l’intelligence et l’efficacité politique. […] Je ne suis pas sûr que le gouvernement de Michelet fût désirable ; et je ne crois pas que Taine eût accepté le gouvernement. […] Notre société, soumise au gouvernement des idées, prend leurs maladies. […] Et telle n’était l’intention généreuse ni de l’artiste, ni du gouvernement de la métropole.
En conséquence, l’ambassadeur d’Autriche était invité par son gouvernement à présenter au roi ou à M. de Sartines un exposé de toute cette affaire. […] Cet homme se joue de tout ce qu’il faut respecter dans un gouvernement. — On ne la jouera donc point ? […] Quelle faiblesse dans le gouvernement de Louis XVI ! […] C’est l’éternel honneur du gouvernement de M. […] Le 27 juillet est un malheur, mais c’est aussi une faute, une rupture immense, du fait du gouvernement et de la dynastie, avec le temps et le pays.
Vous possédez le gouvernement de la cité, et cela est juste, car vous êtes la force. […] Car vous possédez le gouvernement d’une cité où est le public de l’univers, et il faut que vous soyez dignes de cette tâche. […] Delacroix, et lui dit, après maint compliment, qu’il était affligeant qu’un homme d’une si riche imagination et d’un si beau talent, auquel le gouvernement voulait du bien, ne voulût pas mettre un peu d’eau dans son vin ; il lui demanda définitivement s’il ne lui serait pas possible de modifier sa manière. […] Il serait temps, ce me semble, que le gouvernement s’en mêlât ; car si les hommes de lettres, qui ont chacun leur rêve et leur labeur, et pour qui le dimanche n’existe pas, échappent naturellement à la tragédie, il est un certain nombre de gens à qui l’on a persuadé que la Comédie-Française était le sanctuaire de l’art, et dont l’admirable bonne volonté est filoutée un jour sur sept. […] Encore les font-ils en rechignant, et parce qu’ils sont commandés par le gouvernement qui les paye.
Loin de là, il pose tout d’abord la différence qu’il y a entre les lettrés d’ordinaires mélancoliques et songearts, et les hommes d’action et de gouvernement auxquels sont dévolues des qualités toutes contraires : Paucis ad bonam mentem opus est litteris, répétait-il d’après Sénèque. […] Il s’agit de je ne sais quel conseil (page 229) dont Saint-Ange croit que les politiques d’alors pourraient tirer grand profit ; Mascurat répond : « Quand ils le feroient, Saint-Ange, ils ne réussiroient pas mieux au gouvernement des États et empires que les plus doctes médecins font à celui des malades ; car il faut nécessairement que les uns et les autres prennent fin, tantôt d’une façon et tantôt de l’autre : Quotidie aliquid in tam magno orbe mutatur, nova urbium fundamenta jaciuntur, nova gentium nomina, extinctis nominibus prioribus aut in accessionem validioris conversis, oriuntur (chaque jour quelque changement s’opère en ce vaste univers ; on jette les fondations de villes nouvelles ; de nouvelles nations s’élèvent sur la ruine des anciennes dont le nom s’éteint ou va se perdre dans la gloire d’un État plus puissant). […] Et encore (page 370) il enfile toutes sortes d’historiettes sur des réponses faites par bévue, et se moque en même temps de la rhétorique ; il y trouve son double compte d’enfileur de rogatons érudits et de moqueur des tours oratoires. — Il ne trouve pas moins son double compte de fureteur historique et de défenseur du Mazarin, lorsqu’il se donne (page 266) le malin plaisir d’énumérer tous les profits et pots-de-vin de l’intègre Sully, lequel « tira trois cens mille livres pour la démission, de sa charge des Finances et de la Bastille ; soixante mille pour celle de la Compagnie de la Reine-Mère ; cinquante mille pour celle de Surintendant des Bâtiments ; deux cens mille pour le Gouvernement de Poitou ; cent cinquante mille pour la charge de Grand-Voyer, et deux cens cinquante mille pour récompense ou plutôt courretage de beaucoup de bénéfices donnés à sa recommandation. » Et le fin Naudé part de là pour opposer le désintéressement du Mazarin ; mais il tenait encore plus, je le crains bien, à ce qu’il avait lâché en passant contre cette renommée populaire de Sully.
La controverse religieuse et les querelles de parti retentissent autour de lui ; il s’en écarte soigneusement ; au milieu de tous ces chocs, son principal souci est de préserver son écritoire ; c’est un catholique déteint, déiste à peu près, qui ne sait pas bien ce qu’est le déisme ; là-dessus il emprunte à lord Bolingbroke des idées dont il ne voit pas la portée, mais qui lui semblent bonnes à mettre en vers. « J’espère, écrit-il à Atterbury, que toutes les Églises sont de Dieu, en tant qu’elles sont bien comprises, et que tous les gouvernements sont de Dieu, en tant qu’ils sont bien conduits. […] Dans ma politique, ma grande préoccupation est de conserver la paix de ma vie sous quelque gouvernement que je vive ; dans ma religion, de conserver la paix de ma conscience, quelle que soit l’Église dont je fasse partie1104. » De pareilles convictions ne tourmentent pas un homme. […] L’artifice n’y est point aussi choquant qu’ailleurs ; un poëme, je me trompe, un traité comme le sien sur la critique, sur l’homme et le gouvernement de la Providence, sur le ressort premier du caractère des hommes, a le droit d’être écrit avec réflexion ; c’est une étude, et presque un morceau de science ; on peut, on doit même en peser tous les mots, en vérifier toutes les liaisons ; l’art et l’attention n’y sont pas superflus, mais nécessaires ; il s’agit de préceptes exacts et de raisonnements serrés.