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316. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Poésies d’André Chénier »

B. de Fouquières, qui a étudié de près le vocabulaire de Chénier et dressé un Lexique de sa langue, fait cette remarque que « son vocabulaire est riche, non pas à la façon des poëtes modernes, mais riche en mots justes et précis. […] B. de Fouquières aura l’honneur d’avoir désormais attaché son nom d’une façon inséparable à la destinée d’un jeune dieu.

317. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Grosclaude. »

Il suppose qu’un arrêté préfectoral vient de fermer les bains Deligny, « attendu que ledit établissement de bains est entièrement construit en bois, ce qui l’expose d’une façon particulièrement grave aux dangers du feu… ». […] A force de secouer les mots comme des noix dans un sac, on amène entre eux d’étranges rencontres, des façons nouvelles et baroques de s’accrocher.

318. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre V. Swift. » pp. 2-82

C’est qu’il n’y a que deux façons de s’accommoder au monde : la médiocrité d’esprit et la supériorité d’intelligence ; l’une à l’usage du public et des sots, l’autre à l’usage des artistes et des philosophes ; l’une qui consiste à ne rien voir, l’autre qui consiste à voir tout. […] Même lorsqu’il arrive à la charmante Vanessa, sa veine coule semblable : pour la louer enfant, il la pose en petite fille modèle au tableau d’honneur, à la façon d’un maître d’école990 […] » Singulière façon d’admirer Vanessa et de lui prouver qu’on l’admire ! […] Et Swift ajoute entre autres louanges : « Lorsqu’il a envie de mettre à mort quelqu’un de ses nobles d’une façon douce et indulgente, il fait répandre sur le parquet une certaine poudre brune empoisonnée, qui, étant léchée, tue l’homme infailliblement en vingt-quatre heures. […] De cette façon, le pays et eux-mêmes se trouvent heureusement délivrés de tous les maux à venir1020.

319. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — chapitre VI. Les romanciers. » pp. 83-171

. —  Ses façons. —  Sa vie. —  Ses doctrines. —  Son jugement sur Voltaire et Rousseau. —  Son style. —  Ses œuvres. —  Hogarth. —  Sa peinture morale et réaliste. —  Contraste du tempérament anglais et de la morale anglaise. —  Comment la morale a discipliné le tempérament. […] Puis, relisant ces paroles : « jamais, jamais je ne t’abandonnerai, —  à l’instant l’idée me vint que ces paroles étaient pour moi ; car pourquoi m’auraient-elles été adressées de cette façon, juste au moment où je m’affligeais de ma condition, me croyant abandonné de Dieu et des hommes1033 ?  […] Ils avancent pourtant d’une façon gaillarde, comme leurs confrères des autres romans, le capitaine Booth et Tom Jones. […] Ce n’est pas qu’il l’aime à la façon des grands artistes indifférents, Shakspeare et Goethe ; au contraire, il est moraliste par excellence, et c’est un des grands signes du siècle que les intentions réformatrices se rencontrent aussi décidées chez lui qu’ailleurs. […] Il aime les nudités, non par sentiment du beau à la façon des peintres, non par sensualité et franchise à l’exemple de Fielding, non par recherche du plaisir, ainsi que les Dorat, les Boufflers et tous les fins voluptueux qui riment et s’égayent en ce moment de l’autre côté de la Manche.

320. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1863 » pp. 77-169

Il n’a pas un jugement dégagé de l’agenouillement devant la politique à la façon du nôtre et qui lui permette de juger un Pasquier dans son inanité, un Thiers dans son insuffisance, un Guizot dans sa profondeur vide. […] certes, c’est la santé d’une génie bien portant, mais toutefois pour le rendu des délicatesses, des mélancolies exquises, des fantaisies rares et délicieuses sur la corde vibrante de l’âme et du cœur, ne faut-il pas, je me le demande, un coin maladif dans l’homme, et n’est-il pas nécessaire d’être un peu, à la façon de Henri Heine, un crucifié physique ? […] À ce mélancolique dîner, Sainte-Beuve parle du suicide, comme d’une fin légitime, presque naturelle de la vie, comme d’une sortie soudaine et volontaire de l’existence à la façon des anciens, au lieu d’assister à la mort de chacun de ses sens, de chacun de ses organes, — et il regrette qu’il lui manque le courage de se tuer. […] Et il vous peint la façon dont il enguirlande une Chambre, dont il séduit un député. […] Une perse gaie, de façon ancienne et un peu orientale, à grandes fleurs rouges, garnit les portes et les fenêtres.

321. (1866) Nouveaux essais de critique et d’histoire (2e éd.)

. — Son livre essaye de compter « en combien de façons l’homme peut être insupportable ». […] Si vous écriviez aujourd’hui à la façon d’Hérodote et d’Homère, on vous traiterait d’enfant ; si vous parliez aujourd’hui à la façon d’Isaïe ou de Job, on vous fuirait comme un fou. […] La vérité est que Balzac y entre trop ; sans doute il est utile de mettre le pied dans le cabinet de toilette, à la façon d’une femme de chambre, ou l’œil au trou de la serrure à la façon d’un commissaire de police ; mais si cela désenchante, cela empêche d’enchanter. […] Je ne sais s’il priait beaucoup, mais il parlait de la prière à la façon des illuminés. […] On voit que s’il avait les façons d’un courtisan, il n’en avait point l’âme.

322. (1912) Chateaubriand pp. 1-344

Et il est l’inventeur d’une nouvelle façon d’être triste. […] Il nous a légué des façons de sentir où nous trouvons encore des délices. […] Mais aussi la façon dont il voit l’enfant qu’il a été nous fait mieux connaître l’homme. […] — écrire à sa façon. […] De cette façon il est applaudi et par les royalistes et par les libéraux.

323. (1914) L’évolution des genres dans l’histoire de la littérature. Leçons professées à l’École normale supérieure

Quant à la façon dont, lui-même il les traite, quelques citations vous en donneront une idée. […] Elle n’était pas seulement nouvelle pour le cardinal, elle l’était pour tous les poètes qu’il avait à ses gages — l’aimable façon de parler, pour un homme de lettres ! […] Je sens d’une manière, et vous sentez d’une autre ; nos façons de sentir sont également légitimes, puisqu’elles sont naturelles. […] Il ne paraît pas démontré que les deux mots importés par Mme de Staël soient aujourd’hui compris de cette façon. […] Et la façon dont ils ont vécu, n’y regarderons-nous pas aussi ?

324. (1901) L’imagination de l’artiste pp. 1-286

Mais je dis que même dans cette façon de voir, si positive en apparence, l’imagination intervient encore. […] Enfin et surtout cette façon d’exprimer les idées est d’un emploi constant dans le langage. […] Il ne s’agit évidemment pas là d’une façon de voir la nature, mais d’une façon de la rendre. […] Donc ces diverses façons de représenter un visage sont fausses, et de telles conventions sont défectueuses. […] La convention est dans la façon de représenter les choses, la fantaisie est dans la chose que je représente.

325. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre V. Comment finissent les comédiennes » pp. 216-393

ne laisser après soi que son nom mais c’est la façon la plus certaine d’être immortel ! […] Et comme Monrose lésa dits ; à chaque fois, sa voix s’élevait d’une façon lamentable. […] Saura-t-elle écouter, d’une façon assez railleuse, le poésies de M.  […] Vous savez d’ailleurs que Regnard est mort d’une façon convenable à sa vie. […] Louis XIV l’aimait pour ses façons de grand seigneur.

326. (1938) Réflexions sur le roman pp. 9-257

Et comment se fait-il qu’il ait été traité de façon en somme si scolastique et si sèche par Balzac et par Taine ? […] Estaunié rejoint ainsi de façon frappante la poésie de Sully Prudhomme. […] Le ton ironique et agréable du récit contraste de façon curieuse avec l’âcre philosophie de M.  […] N’ayant à la bouche que les intérêts de l’art, ils extorquèrent ce succès de la façon la plus grossière. […] Il n’est pas composé, il est déposé, déposé à la façon d’une durée vécue qui se gonfle et d’une mémoire qui se forme.

327. (1905) Études et portraits. Portraits d’écrivains‌ et notes d’esthétique‌. Tome I.

Ce nombre les adapte à notre poitrine de façon que nous pourrions les réciter tout haut presque sans fatigue. […] Elle ne pouvait pas aimer ses amis de la façon superficielle et détachée qui avait été celle de ses devancières dans l’art de diriger un tournoi de causerie. […] Si Chevet connaissait cette façon de le faire, il gagnerait des millions. […] Jamais les Alexandrins n’auraient pratiqué l’extase, s’ils avaient su d’une façon indiscutable qu’ils n’arriveraient par elle à aucune vision de vérité. […] Puis, dans le monde très mêlé de petits ateliers, il a rencontré une façon de philosophe qui lui prête Proudhon.

328. (1898) Ceux qu’on lit : 1896 pp. 3-361

Chacun d’eux porte en soi son intérêt, et par le personnage qu’il représente, et par la façon dont il est représenté. […] Je n’ai plus à faire l’éloge de la façon dont M.  […] Ainsi, de cette façon, je ne manquerai pas d’être prévenue. […] » Rien ne fut plus curieux que la façon évasive avec laquelle il répondit à toutes les questions à ce sujet. […] Hypothèse incertaine, car les plaisirs du Nord se manifestent d’une façon plus calme, plus froide.

329. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre deuxième. La connaissance des corps — Chapitre II. La perception extérieure et l’éducation des sens » pp. 123-196

Nous avons interrompu toutes nos sensations visuelles par le même geste, en fermant nos paupières ; nous interrompons de différentes façons nos différentes sensations visuelles, en étendant plus ou moins le bras, en prolongeant plus ou moins notre marche, pour aller couvrir de notre main la surface éclairée de l’objet qui nous envoie ces rayons. […] De cette façon, les sensations musculaires de l’œil deviennent pour nous des signes évocateurs dont chacun, en se produisant, peut faire surgir avec lui l’image de tel mouvement musculaire des membres, en d’autres termes l’idée précise de telle distance mesurée dans telle direction. […] C’est pourquoi, d’un coup d’œil, nous évaluons des centaines de mètres et même des lieues ; il nous semble alors que toutes les sensations que nous avons eues pendant ce coup d’œil sont simultanées, et, de cette façon, tous les objets extérieurs qu’elles nous révèlent sont perçus, pour ainsi dire, ensemble ; ce qui nous rend bien plus facile la tâche de les rappeler, de les comparer, bref de pratiquer sur eux toutes les opérations ultérieures dont nous avons besoin. […] Il s’oppose ainsi non seulement à moi, mais encore à l’enclos où je situe ma personne, et de cette façon, pour la première fois, il est véritablement extérieur. […] Mais l’analyse, après avoir détruit, peut reconstruire, et, en remarquant la façon dont se forment nos illusions, nous avons déjà démêlé comment elles nous mènent à des vérités.

330. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Gabriel Naudé »

« Sénèque m’a plus servi qu’Aristote ; Plutarque que Platon ; Juvénal et Horace qu’Homère et Virgile ; Montaigne et Charron que tous les précédents… Le pédantisme a bien pu gagner quelque chose, pendant sept ou huit ans que j’ai demeuré dans les colléges, sur mon corps et façons de faire extérieures, mais je me puis vanter assurément qu’il n’a rien empiété sur mon esprit. […] On mêlait les sorciers à tout, même aux élégies d’amour, et non pas, croyez-le bien, à la façon de l’antiquité. […] Scaliger et Cardan, les deux plus grands personnages modernes selon Naudé, les deux seuls qu’on pût opposer aux plus signalés des anciens, avaient poussé le plagiat de l’antiquité jusqu’à parler d’une façon presque sérieuse de leurs démons familiers, et jusqu’à se donner l’air d’y croire. […] Lui, le moins promoteur en apparence et le moins en avant, pour les façons, des écrivains de sa date, il eut sa fonction sociale aussi. […] Si, dans la façon dont il la présente, il se trouve historiquement quelques points de vérité incontestables, ils ne rachètent en rien l’horreur de l’action ni l’odieux du récit.

331. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Charles Nodier »

Le pur littérateur aime les livres, il aime la poésie, il s’essaye aux romans, il s’égaye au pastiche, il effleure parfois l’histoire, il grapille sans cesse à l’érudition ; il abonde surtout aux particularités, aux circonstances des auteurs et de leurs ouvrages ; une note à la façon de Bayle est son triomphe. […] Ce ne sont que personnages qui croient, se détrompent, s’exaltent encore, ne vérifient rien, et se jettent par une fenêtre ou se cassent d’autre façon la tête, un peu comme dans les romans de l’abbé Prévost, mais d’un abbé Prévost piqué de Werther. […] Un an avant la publication de ses propres Poésies, Nodier donnait, de concert avec son ami M. de Roujoux, un second volume de Clotilde de Surville186, qui est en grande partie de sa façon. […] Je ne sais quel penseur misanthropique a dit, en façon de recette et de conseil : « Un peu d’amertume dans les talents sur l’âge est comme quelque chose d’astringent qui donne du ton. » Assez d’écrivains éminents en ont eu de reste : ils n’ont pas ménagé cette dose d’astringent ; Nodier, lui, en manque tout à fait, et pourtant sa veine de talent a plutôt gagné, elle s’est comme échauffée d’une douce chaleur, en déployant au couchant la diversité de ses teintes. […] elles ne sont, dans la bouche du Lucien au fin sourire, qu’une façon détournée et bienveillante d’ironie universelle.

332. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre troisième. La connaissance de l’esprit — Chapitre premier. La connaissance de l’esprit » pp. 199-245

Rien d’étonnant si ce long trouble, qui part d’une idée et dure à travers une série d’idées, nous semble interne comme les idées, si les désirs et les volitions qui en dérivent sont rapportés de la même façon au-dedans, si les suites et les caractères des idées s’opposent, comme les idées, au-dehors et ne peuvent être logés en aucun lieu. […] Par conséquent, l’idée du moi peut dévier et se trouver monstrueuse ; et, si voisins que nous soyons de nous-mêmes, nous pouvons nous tromper en plusieurs façons à propos de notre moi. […] La femme d’un major anglais à Charenton parlait d’un sixième sens par lequel elle entendait les voix ; c’était « le sens de la pensée ». — Quand on interroge les malades, ils répondent que le mot de voix dont ils se servent est très impropre, et qu’ils l’emploient par métaphore, faute d’un meilleur ; la voix n’a pas de timbre, elle ne semble point partir du dehors comme à l’ordinaire ; les mystiques ont déjà fait cette distinction, et opposé les « locutions et voix intellectuelles » que leur âme saisit sans l’intermédiaire des organes, aux voix corporelles qu’ils perçoivent de la même façon que dans la vie courante. […] Règle générale, non seulement toute image précise et détaillée suppose une sensation antécédente, mais toute image précise et détaillée, qui, en apparence, en soude une autre derrière elle, suppose que la sensation d’où elle dérive était soudée de la même façon, mais cette fois réellement, à la sensation que l’autre répète. […] De cette façon, notre prévision est la fille de notre mémoire.

333. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 mai 1885. »

ces quelques menus liards qui, une fois reçus, confèrent, — de l’assentiment de tous, — au bon prêteur, le droit d’en user sans façons avec celui qu’il ne rêvait d’obliger qu’à cette fin. […] Durant que la nation allemande célébrait le centième anniversaire de Beethoven, il a voulu, de sa façon, glorifier le Maître ; et il a dit, seulement, la signification que les œuvres de Beethoven avaient, pour lui. […] Et, contre elles, il réagit, mais de sa façon, en développant, sous ces formes, son génie, fièrement, librement, comme si cette enclave subie n’existait pas à l’empêcher. […] Assurément, les intimes affections volontaires de cet homme n’appelaient jamais, ou seulement d’insignifiante façon, sa compréhension du monde extérieur. […] Sans doute, ce grand bienfait ne devait point avoir, pour Beethoven, une durée constante et inaltérée ; il fonda pour lui, cependant, cette harmonie spéciale de la vie qui se révèle dans l’existence du Maître, lorsque cette existence lui a été assurée de si rare façon.

334. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 juillet 1885. »

Être plus pessimiste que les romantiques et les naturalistes, la nouvelle littérature ne pourrait : elle l’est, seulement, d’autre façon. […] Reyer, « admirateur de Wagner », n’a pas craint de se mesurer avec un sujet que l’Auteur de la Tétralogie avait traité longtemps avant lui, ce que Victor Wilder a établi, une fois pour toutes et d’une façon irréfutable. […] Il se décida à modifier son poëme, de telle façon que Lohengrin, au lieu d’abandonner Elsa, renonçât pour l’amour d’elle à sa divinité. […] Le Drame dépasse les limites de la Poésie, de la même façon dont la Musique dépasse celles de tous les autres arts, notamment des arts plastiques : tous deux ont leur action, seulement, dans les régions très élevées de l’âme. […] De même encore, cette représentation consciente de l’Idée du Monde dans le Drame semble être faite au moyen de cette loi intérieure de Musique, qui agit, mais inconsciente, chez le Dramaturge, à la façon de cette loi, d’ailleurs inconsciente, de la Causalité, qui nous sert à l’Aperception du Monde de l’Apparence.

335. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre neuvième. Les idées philosophiques et sociales dans la poésie (suite). Les successeurs d’Hugo »

Comme tout ce qui vient de l’âme, la poésie des Stances et des Vaines tendresses est un peu triste, très douce, toute de nuances, et pour ainsi dire voilée à la façon d’un paysage les jours de brume : — brume légère, il est vrai, où l’on voit filtrer partout la lumière des grands cieux clairs. […] Sully-Prudhomme est incomparable dans les pièces courtes, exquises par contre, et, si l’expression d’une pensée fait leur mesure, la pensée n’y est pas d’une délicatesse moins rare que la forme qui l’enchâsse ; parfois même sa subtilité devient telle qu’elle en arrive à n’être sensible qu’à la façon d’un souffle, et visible seulement comme le « fard léger » de l’« aile fraîche des papillons blancs » auquel le poète se plaît à comparer ses vers. […] » Les apologistes de la foi sous toutes ses formes, — foi morale à la façon de Kant ou foi proprement religieuse, — les criticistes comme les adeptes des religions protestante ou catholique, ont été heureux du renfort que semblait leur apporter cette « bible », si propre à produire le dégoût pour le nouveau Credo de la science. […] Il nous décrit, à sa façon, la méditation du génie de l’espèce dont sa propre vie est sortie. […] On devine maintenant de quelle façon le « Père » céleste sera traité par le « fils du Hasard. » Quoique M. 

336. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Nouvelle correspondance inédite de M. de Tocqueville (suite et fin.) »

Mon doute porte bien moins sur le choix du sujet que sur la façon de le traiter. […] Mais en y réfléchissant, il me vient de grandes hésitations à traiter le sujet de cette manière : ainsi envisagé, l’ouvrage serait une entreprise de très-longue haleine ; de plus, le mérite principal de l’historien est de savoir bien faire le tissu des faits, et j’ignore si cet art est à ma portée : ce à quoi j’ai le mieux réussi jusqu’à présent, c’est à juger les faits plutôt qu’à les raconter ; et, dans une histoire proprement dite, cette faculté que je me connais n’aurait à s’exercer que de loin en loin et d’une façon secondaire, à moins de sortir du genre et d’alourdir le récit. […] Il s’y définit et s’y peint lui-même admirablement dans une lettre à M. de Kergorlay : le portrait de son esprit y est fait par lui-même. — Je suis un curieux ; pourriez-vous me dire (s’il n’y a pas d’indiscrétion trop grande) quel est ce monsieur sans façon, un impérialiste évidemment, qui débarqué un matin au château de Tocqueville comme si de rien n’était, avec qui l’on se garde si fort de parler politique, et qui, huit heures durant, se jette à corps perdu dans la littérature, au point de citer quasi des vers de la Pucelle, devant Mme de Tocqueville ? […] Ailleurs, ayant à parler de Fontanes, il dira : « M. de Fontanes, qui restait fort amoureux du passé et était ce qu’on eût appelé dans le jargon moderne un grand réactionnaire… » J’avoue que ce dédain de la langue courante m’impatiente un peu riiez Tocqueville : car enfin le mot de réaction ne pouvait exister sous Louis XIV, puisqu’il n’y avait pas lieu au mouvement des partis, qui a motivé l’introduction du mot ; il fallait la Terreur et Thermidor, le Directoire et Fructidor, 1815 et les Cent-Jours, pour qu’il naquît et s’autorisât : à choses nouvelles il faut des mots nouveaux ; et quand l’emploi en est modéré, comme dans les exemples que je cite, quand l’usage les accepte et les consacre, c’est le fait d’un dégoût ou d’une timidité extrêmes de s’en priver ou de ne s’en servir qu’en s’en excusant de cette façon… Tangens maie singula dente superbo.

337. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres mêlées de Saint-Évremond »

Ils ont des façons de s’exprimer à la fois plus délicates et plus gaillardes (lætiores) pour parler avec Montaigne. […] Les exilés, gens d’esprit, écrivains, qui sortent de leur pays pour n’y plus rentrer et qui vivent encore longtemps, représentent parfaitement l’état du goût et la façon, le ton de société ou de littérature qui régnaient au moment de leur sortie. […] Il avait communiqué à Mme de Sablé sa maxime sur l’amitié : « L’amitié157 la plus désintéressée n’est qu’un trafic où notre amour-propre se propose toujours quelque chose à gagner. » Loin d’effacer cette triste maxime, deux ans avant sa mort, il l’étendit de la façon suivante : « Ce que les hommes ont nommé amitié158 n’est qu’une société, qu’un ménagement réciproque d’intérêts, et qu’un échange de bons offices ; ce n’est enfin qu’un commerce où l’amour-propre se propose toujours quelque chose à gagner. » Le cœur de Mme de Sablé lui fournit des pensées d’un ordre bien différent. […] Il a je ne sais quelle façon rare et fine de dire les choses.

338. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre IV. Guerres civiles conflits d’idées et de passions (1562-1594) — Chapitre III. Montaigne »

Partout s’échappe sa franche et personnelle sensibilité, atténuant les saillies de haut style par le laisser-aller du langage domestique et quotidien, relevant la négligence du parler populaire par la chaude sincérité de l’accent, d’une façon tout originale et inimitable. […] Il a trouvé dans les institutions, les opinions, les mœurs, depuis la façon de s’habiller jusqu’à la morale et la religion, le plus universel, épouvantable et grotesque conflit qui se puisse imaginer. […] Il a borné sa vue à la vie présente, dont il a dressé la forme pour satisfaire à toutes les aspirations de sa nature physique, intellectuelle et morale, et de façon que la volupté, la justice, la bonté y fussent commodément logées. […] Il trouve en notre français « assez d’étoffe, et un peu faute de façon » : il se plaint qu’il écoule tous les jours de nos mains, et y voudrait plus de fixité.

339. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIII. La littérature et la morale » pp. 314-335

La moralité d’un peuple comporte non seulement les relations d’un sexe avec l’autre, mais aussi les façons d’agir des hommes qui le composent soit avec leurs concitoyens, soit avec les étrangers, soit avec eux-mêmes. […] L’historien doit suivre avec soin ces changements d’opinion sur telle ou telle façon d’agir ; il doit aussi distinguer les particularités morales propres à chaque classe sociale. […] Assez souvent la liaison entre certains livres et certaines façons de penser, de sentir et d’agir s’impose d’elle-même à l’attention. […] Tant il est vrai que deux groupes de lecteurs, suivant la prédisposition de chacun d’eux, peuvent être affectés par la même œuvre de façon diverse et même contraire !

340. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. John Stuart Mill — Chapitre II : La Psychologie. »

La psychologie est concrète, tandis que la logique même entendue à la façon moderne, c’est-à-dire dépouillée du formalisme scolastique, reste abstraite ; le mécanisme du raisonnement lui important beaucoup plus que la matière à laquelle il s’applique. […] Elle consiste, me dit-on, en ce que, quoi que je décide, je sens que j’aurais pu me décider d’une autre façon. […] Mill répond : que la bataille entre les motifs contraires n’est point décidée en un instant ; que leur conflit peut durer quelquefois très longtemps, et que quand il a lieu entre des sentiments violents, il épuise d’une façon extraordinaire la force nerveuse. […] Supposez, dit-il, deux races particulières d’êtres humains, — l’une ainsi constituée dès l’origine, que de quelque façon qu’on l’élève et la traite, elle ne pourra s’empêcher de penser et d’agir de manière à être une bénédiction pour tous ceux qui en approchent ; — l’autre d’une nature originelle si perverse, que ni éducation, ni châtiment n’ont pu lui inspirer quelque sentiment de devoir ni l’empêcher de mal faire.

341. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mirabeau et Sophie. — I. (Dialogues inédits.) » pp. 1-28

Je l’assurai de plus qu’il était indigne d’un honnête homme de regarder la confiance de son ami comme une facilité pour le tromper, et que cette façon de penser suffirait pour m’éloigner de celui qui était capable de l’avouer, fût-il à mes yeux le plus beau et le plus aimable des mortels. […] Je lui disais sèchement ma façon de penser, qui rarement se rencontrait avec la sienne. […] Mirabeau réfute la marquise, il la rassure, lui montre qu’il n’y a aucun éclat à craindre, que le Montperreux rendra tout sans tant de façons. […] Il le fait de cette façon directe, didactique, indélicate, qui est proprement le caractère et l’affiche de la passion au xviiie  siècle.

342. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préface des « Derniers Jours d’un condamné » (1832) »

Oui, il y a eu un sursis de six mois accordé à de malheureux captifs, dont on a gratuitement aggravé la peine de cette façon en les faisant reprendre à la vie ; puis, sans raison, sans nécessité, sans trop savoir pourquoi, pour le plaisir, on a un beau matin révoqué le sursis, et l’on a remis froidement toutes ces créatures humaines en coupe réglée. […] C’est donc une chose bien redoutable qu’un condamné à mort, pour que la société le prenne en traître de cette façon ! […] Transformez de cette façon la formule des criminalistes, nous la comprenons et nous y adhérons. […] C’est la façon la plus humaine de comprendre la théorie de l’exemple.

343. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Entretiens sur l’architecture par M. Viollet-Le-Duc »

Dans les villes mêmes, à peine entrés et sans se donner un instant de repos, on s’égarait çà et là ; évitant de parti pris les élégances modernes, fuyant les larges quais, les grandes rues, on cherchait tout exprès les plus vieux quartiers, les plus étroites ruelles ; on s’arrêtait à chaque vieille pierre ornée et ciselée, à chaque petit hôtel ayant sa marque de fin de xve  siècle ou de Renaissance ; on entrait sans façon dans les cours. […] De quelle façon les premiers hommes qui, après le besoin de se loger et de s’abriter, eurent l’idée de se faire un tombeau ou d’élever un monument, un temple en l’honneur de l’Être qu’ils adoraient, de quelle façon instinctive et inexpérimentée s’y prirent-ils dans les différents groupes de la famille humaine ?

344. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite et fin.) »

Sur la branche un petit oiseau dit alors, par son chant : « Ne troublez pas l’eau, ô jeune fille, de cette façon, avec vos deux petits pieds ; Car je ne pourrai plus y voir mon image, ni davantage les étoiles du ciel : écoutez la prière d’un petit oiseau, ne troublez pas l’eau, la belle enfant !  […] Il s’en plaint avec bien du sentiment dans un sonnet, l’un des meilleurs de sa façon : UNE GLACE DU VIEUX TEMPS. […] Je note à la page 279 une anecdote de l’amant de Laure, un fait d’amour que le poëte a repris à sa façon et dont il s’est amusé à faire un assez joli sonnet.

345. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre quatrième. Les conditions physiques des événements moraux — Chapitre III. La personne humaine et l’individu physiologique » pp. 337-356

Or ces facultés résident en lui d’une façon stable ; par elles, il sent, il se souvient, il perçoit, il conçoit, il combine des images et des idées, il est donc une cause efficiente et productrice. » — On arrive ainsi à considérer le moi comme un sujet ou substance ayant pour qualités distinctives certaines facultés, et, au-dessous de nos événements, on pose deux sortes d’êtres explicatifs, d’abord les puissances ou facultés qui les éprouvent ou les produisent, en suite le sujet, substance ou âme qui possède les facultés162. […] De la même façon, le moi demeure un et continu ; on ne peut pas dire qu’il soit la série de ses événements ajoutés bout à bout, puisqu’il n’est divisé en événements que pour l’observation ; et cependant il équivaut à la série de ses événements ; eux ôtés, il ne serait plus rien ; ils le constituent. — Quand nous l’en séparons, nous faisons comme l’homme qui dirait, en parcourant tour à tour les divisions de la planche : « Cette planche est ici un carré, tout à l’heure elle était un losange, là-bas elle sera un triangle ; j’ai beau avancer, reculer, me rappeler le passé, prévoir l’avenir, je trouve toujours la planche invariable, identique, unique, pendant que ses divisions varient ; donc elle en diffère, elle est un être distinct et subsistant, c’est-à-dire une substance indépendante dont les losanges, le triangle, le carré, ne sont que les états successifs. » Par une illusion d’optique, cet homme crée une substance vide qui est la planche en soi. […] Le tronçon postérieur reste appuyé sur les quatre pattes, résiste aux impulsions par lesquelles on cherche à le renverser, se relève et reprend son équilibre si l’on force cette résistance, et, en même temps, témoigne, par la trépidation des élytres et des ailes, d’un vif sentiment de colère, comme il le faisait pendant l’intégrité de l’animal, quand on l’agaçait par des attouchements ou des menaces… On peut poursuivre l’expérience d’une façon plus parlante.

346. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre I. La lutte philosophique »

Souvent, d’autre part, les intentions oppressives du pouvoir civil étaient neutralisées par la politesse des agents, qui semblaient s’excuser de faire leur devoir par la façon dont ils le faisaient : des lieutenants de police, des commis de ministère, des censeurs royaux, des intendants, des avocats généraux, des conseillers de Parlement étaient gagnés aux idées des philosophes, se faisaient protecteurs de leurs personnes, atténuaient le danger de leurs publications. […] Il a compris les idées qui s’échangeaient à sa table ; la façon dont il les réduit en système le prouve. […] Il n’opère que sur les idées, quelles qu’elles soient, et de quelque façon qu’elles aient pénétré dans l’esprit de l’homme.

347. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « J.-J. Weiss  »

La façon dont M.  […] Il n’aime pas seulement l’esprit, qui est, de toutes les façons de voir et d’exprimer les choses, celle dont on jouit le plus sûrement : il aime le romanesque, l’héroïque, l’impossible. […] Il voit comment un homme qui a vu et rendu le réel d’une certaine façon est à son tour compris et traduit par un autre homme.

348. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Th. Dostoïewski »

Cet homme connaît le réel ; certaines de ses observations, celle par exemple sur la façon dont les femmes boivent le vin, sont aussi précises et oiseuses que certaines constatations détaillées des réalistes français. […] Elle aperçoit et rend la vie à la façon d’une vision lointaine, vaguement inexplicable et confuse sur l’horreur de laquelle elle se penche et s’apitoie ; elle médite en des hallucinations extériorisées l’infini labyrinthe du raisonnement humain, et perçoit en elle la sourde agitation des instincts, des douleurs, des passions et des rages, de tout ce qui est des nerfs et du sang ; elle est imbue de pitié, débordante d’amour pour tous ces êtres faits de péché et de souffrance, et prise alors entre son épouvante et son amour, il fallait que par un effort et une sorte de folie, pareil au coup de poing d’un exaspéré joueur d’échecs près de perdre, elle brouillât et tranchât tout dans une étrange aberration qui la fait s’incliner devant l’être même que cet acte de foi constitue l’auteur des maux dont il devient le recours. […] Et si l’on considère l’étendue et la pénétration de leur enquête, la façon neuve dont ils parlent de l’homme et à l’homme, leur art sincère et haut, la sérieuse ferveur de l’évangile de pitié qu’ils proposent, le plus déterminé partisan de l’art pour l’art peut se sentir hésiter et réfléchir, jusqu’à ce qu’il recomprenne que le problème de la société, de la vie de l’homme ne peut être résolu par le cri de passion des détracteurs d’intelligence, que l’évangile que prêchent les romanciers slaves a précédé de dix-huit cents ans les maux qu’ils dénomment, que l’enseignement fut la marque même de sa fausseté dans son emportement, que la vérité est paisible, persuade en paraissant et n’a nul besoin d’apôtres, que l’erreur seule parle violemment, que les œuvres d’art ne doivent pas tenter de tromper, qu’il leur suffit de contenir les préceptes latents et obéis, ceux-là du monde dont elles sont la lumineuse image.

/ 1977