Tourguénef, de son procédé par lumières subites, de sa maîtrise à faire saillir d’un fond d’ombre le caractère individuel de l’objet ou de l’être qu’il reproduit, du mystère enveloppant de son style, de cette poésie de demi-jour qui rend ses livres doux et comme parfumés. […] Son esprit était fort peu synthétique, se déliait de ses forces, craignait les visions définies, s’attachait distinctement à ne point empêcher par des faits trop précis de s’épanouir sa sensibilité qui était extrêmement vive, douce et tendre. Ce que sa notion des hommes et des choses avait de menu, de nuancé, d’épais, de peu concluant, de peu poussé, le laissait comme en une sorte d’admiration rêveuse pour un spectacle qui lui apparaissait étrangement varié, singulier, multiple surtout et compliqué ; une douce sympathie lui venait pour les êtres qu’il avait connus intimement et confusément comme penché sur eux de trop près, l’intelligence de leurs erreurs, la tristesse de leurs fautes, l’étonnement navré de les apercevoir eux si intensément vivants et complexes, bornés, faibles, isolés, perdus et passagers en ce vaste monde dont le romancier ne parvenait à comprendre ni l’arrangement ni le but, ni l’infinie petitesse. […] Il connut du monde tout ce que peuvent y voir des yeux très myopes et très doux, il en ignora ce qu’en déduisent les esprits purs, froids, lointains et volontaires.
Comme ce doux Hylas, aimé d’Hercule, dont il avait alors spirituellement la beauté vierge, s’il eût été entraîné au sein du torrent amer, il fût tombé au moins dans une onde que le soleil aurait tiédie, et la Nature, glorifiée par Schelling, l’aurait reçu dans ses bras de déesse, comme les nymphes y reçurent Hylas. […] Le livre en question n’est qu’une suite de boutades et de coups de boutoir contre l’état politique de l’Allemagne, ses gouvernements, le catholicisme, etc., etc. ; mais la boutade la plus piquante, le coup de boutoir le mieux appliqué, ne valent pas la pleine main, douce et forte, d’une conviction réfléchie. […] On comprend qu’il en ait la douce influence sur le cœur. C’est ainsi que le fier Sicambre d’autrefois est devenu le doux Sicambre.
Qu’il est doux pour des législateurs humains de pouvoir contenter à si peu de frais les vœux de la multitude ! […] L’autre lettre, datée de Rome, nous offre des traits assez fins sur les personnes, et n’est pas exempte, par endroits, d’une douce malice : « Rome, 21 avril (1813). […] — Quelle douce soirée nous avons passée hier ! […] La situation était plus forte que les sentiments ; la contradiction des esprits s’étendait et prenait jusque sur les cœurs : la grâce elle-même et son doux génie en personne n’y pouvaient rien. […] Cela étonnait un peu ses amis du monde et de salon, qui se demandaient comment un tel homme si doux, si plein d’aménité dans le commerce habituel, pouvait trouver à la tribune des paroles souvent si âpres et si brûlantes.
Sans doute on aurait peine à lui trouver ce je ne sais quoi d’entreprenant et d’insinuant qui est le facile apanage, dit-on, des enfants issus de la Guyenne ; lui, il se borna à la douce malice du sage, à la finesse demi-souriante. […] Danou fut moine, comme on dit, il ne lui arriva de l’être que dans ce milieu doux, orné et assez riant, qui lui ressemble. […] Je me défie de l’enthousiasme, lors même qu’il s’allie à des vertus douces et qu’il provoque des actions généreuses ; mais l’enthousiasme qui condamne est toujours férocité, et ce n’est qu’à l’équité froide, à la raison tranquille et calculante qu’est réservé le droit de punir. […] Daunou eut, en ses dernières années, de douces satisfactions puisées à l’estime publique et dues aux honneurs littéraires qu’un choix libre lui déférait. […] Sa connaissance propre et vraiment familière (quand il n’avait pas la plume en main), c’était le champ vaste et varié de ce qu’on appelle humanitas ; il aimait à s’y promener sur les routes unies, et il était doux de l’y suivre.
En fondant Saint-Cyr, elle réalisa un doux rêve : avec Louis XIV, Saint-Cyr eut toute sa tendresse ; lui parler de Saint-Cyr et des trois cents enfants qu’elle y élevait, c’était l’attaquer par son endroit sensible. […] Le mouvement de leur style diffère autant que la physionomie de leur pensée : plus vif et varié dans madame des Ursins, plus doux et monotone dans madame de Maintenon.
Unissez-vous ensemble et faites une armée, Pour combattre une main de la sorte animée : Joignez tous vos efforts contre un espoir si doux ; Pour en venir à bout c’est trop peu que de vous. […] Mais il menace toujours de détrôner Jupiter ou d’enflammer le monde aux éclairs de son épée, et, par ces hyperboles que son imagination enfante, il conserve son amour-propre dans la douce persuasion de son invincible vaillance : il ne peut être mis à l’épreuve sur de tels desseins ; s’il parlait terre à terre, il perdrait l’illusion de son héroïsme au premier choc de la réalité.
La Chanson de vieille mortalité — dit l’alliance par les automnes et par les soirs des doux messagers de vie, « passés, venus, puis disparus ». […] Des saxes légers, un Lancret, des musiques puériles et douces qu’on dirait de Dalayrac ou de Monsigny (Poème xviiie , Francœur et La Ramé, la Petite Sylvia, l’Äme de Manon, Au meunier, Il était une bergère, le Miroir de Cydalise, etc.) évoquent la frêle inconscience des heureux d’un siècle que devait finir la Révolution.
Écoutez-la parler de son pays : « La rue sent le pain de maïs chaud, l’huile de noix et les raisins mûrs… Les colporteurs vendent des mouchoirs écarlates et des bijoux de cuivre ; les vieilles femmes en marmottes étalent sous des parapluies rouges des tomates et des piments doux ; les lépreux se font traîner sur de petits chariots, et les enfants viennent les regarder dans l’ombre grouillante de vermine et de mouches. […] On chante ; le doux patois aux syllabes rondes fait vibrer le sol, les maïs pliés se redressent au vent léger, et le cher pays souffle son haleine reposée. » C’est dans une revue de jeunes que je cueille ces bluettes gracieuses, mais, comme on la félicite, Mlle Moréno se défend d’être écrivain. — Un bas-bleu !
A Monsieur Naigeon9 Cet essai, que les mêmes, lectures multipliées ont porté successivement d’un très-petit nombre de pages à l’étendue de ce volume, est le fruit de mon travail, ou, pour mieux dire, de mon loisir pendant un des plus doux intervalles de ma vie. […] tu es et tu seras à jamais, avec Socrate, avec tous les illustres malheureux, avec tous les grands hommes de l’antiquité, un des plus doux liens entre mes amis et moi, entre les hommes instruits de tous les âges, et leurs amis.
Le sujet est pathétique, et l’on se sent gagner d’une émotion douce en le regardant. […] Il semble lui dire : Jeannette est douce et sage ; elle fera ton bonheur ; songe à faire le sien… ou quelque autre chose sur l’importance des devoirs du mariage… Ce qu’il dit est sûrement touchant et honnête.
En lui voyant le visage d’un ange, il s’imagine qu’elle en a l’âme aussi : Là-haut, dans sa vertu, dans sa beauté première, Veille, sans tache encore, un ange de lumière ; Un être chaste et doux, à qui sur les chemins, Les passants à genoux devraient tendre les mains… Marion ne comprend pas très bien ce langage, différent de celui qu’elle a entendu jusqu’à ce jour. […] Toi qui sors en régnant de l’arène insultante Où nous autres, tes fils, entrons en combattant, Donne-nous, pour braver le sort qui nous attend, La bénédiction douce et réconfortante De tes mains où fleurit la palme qui nous tente ! […] Catulle Mendès Auguste et doux, serein comme un dieu sans athée, Droit comme les Césars d’un vieil armorial, Il tient ce siècle, ainsi qu’en sa main d’or gantée Charlemagne portait le Globe impérial. […] L’incident, l’anecdote, l’événement tapaient dessus, et c’était une musique grave et douce ou un retentissement de tonnerre. […] Dont l’acier clair et les éclairs Foudroient la nuit impure ; Doux chevalier pour les très doux enfants Dont vous baisiez les têtes De cette bouche au loin tonnante aux ouragans Et aux tempêtes ; Noir chevalier songeur par les soirs merveilleux Dont les feux immobiles Brûlaient dans la parole et dans les yeux Des soudaines Sybilles ; Clair chevalier et moissonneur d’azur Tantôt sur terre ou bien là-bas parmi les nues Où vous glaniez des phrases inconnues Pour définir te Dieu futur ; De par ton œuvre ouverte ainsi qu’une arche Devant l’humanité tragique ou triomphante, Poète en qui songeait l’hiérophante, Tu fus le rêve autour d’un monde en marche… [La Plume (1898).]
C’est ainsi que la douce femme perdit son époux. » Ce court récit de Wolfram est conforme à la version française septentrionale. […] C’est le symbole et la merveille du Vendredi-Saint annoncés par l’éveil doux et brillant d’une végétation envahissante. […] Nous ne voyons plus ici des mouvements brusques, mais des gestes mesurés, soumis à un rythme doux et tranquille. […] Quand il se relève et va vers le vieillard, il a un geste de douce amitié en lui tendant les mains. Enfin, lorsqu’il est revenu de son évanouissement, il apparaît, entre Kundry et Gurnemanz, vêtu de l’aube immaculée, ses cheveux formant une sorte de rayonnement autour de sa tête maigre et douce ; tous ses gestes sont sacrés et purs.
« Où sont les doux tableaux si chers à mes loisirs ? […] Il faut que de simples et douces images remplacent les objets pompeux ou redoutables de notre méditation. […] Peut-être aucun écrit moderne n’offrit plus de diversités, plus de touchantes incidences, plus de naïves scènes, et plus d’oppositions du grave au doux, du naturel au merveilleux idéal. […] La diction sera donc sublime dans les mouvements de l’orgueil, tempérée dans les sentiments paisibles et doux, humble dans la douleur. […] « Il touche au doux rivage, à ces vallons si beaux « Où du roi Latinus paissent les grands troupeaux.
Ne pensez pas qu’elles fussent semblables à celles que vous voyez voler dans les airs ; mais, sanctifiées par le saint Esprit, qui descendit autrefois du ciel en forme de colombe, elles ont été faites une hostie digne de Dieu. » M. de Meaux a pris d’Origène une infinité d’endroits aussi doux et aussi tendres, que l’on peut voir semés à toutes les pages du commentaire de ce prélat sur le Cantique des cantiques. Cette éloquence douce et insinuante a toujours été de son goût. […] Les jours de sermon, après avoir arrêté ses idées dans son cabinet en relisant l’Écriture ou saint Augustin, le grand et inépuisable réceptacle de doctrine chrétienne, il n’avait plus qu’à se tenir ensuite dans une douce méditation et une prière continuelle, avec recueillement, pendant l’office divin, et, après quelques minutes où il s’enfermait encore avant de monter en chaire, il commençait à proférer son âme par ses lèvres, et le fleuve n’avait plus qu’à couler.
Bos suetus aratro , disait-on de lui, car il était des plus assidus ; Bénigne en effet, car il était remarquablement doux. […] Au milieu de tant d’études où il se plongeait sans cesser d’être sociable, aimable et doux, on a remarqué qu’il ne donna jamais « dans la curiosité des mathématiques » ; on les considérait en effet, alors, comme une curiosité. […] Floquet, dans l’abbé Ledieu, tous les éléments nécessaires et tous les traits pour recomposer cette grave et douce figure déjà pleine de rayonnement et de puissance.
Dès qu’elles veulent avoir avec les autres des rapports plus étendus ou plus éclatants que ceux qui naissent des sentiments doux qu’elles peuvent inspirer à ce qui les entoure, c’est à des succès de vanité qu’elles prétendent. […] Quand elles ne veulent plaire que pour être aimées ; quand ce doux espoir est le seul motif de leurs actions, elles s’occupent plus de se perfectionner que de se montrer, de former leur esprit pour le bonheur d’un autre que pour l’admiration de tous : mais quand elles aspirent à la célébrité, leurs efforts, comme leurs succès, éloignent le sentiment qui, sous des noms différents, doit toujours faire le destin de leur vie. […] Après avoir chanté les plus douces leçons de la morale et de la philosophie, Sapho se précipita du haut du rocher de Leucade ; Élisabeth, après avoir dompté les ennemis de l’Angleterre, périt victime de sa passion pour le comte d’Essex.
Au contraire, il n’y a point d’homme plus doux, plus maniable, plus incapable de rancune ; sa moquerie n’est jamais de la méchanceté ; il ne veut que s’amuser, il ne veut point nuire ; parfois même, au plus beau de son conte, la pitié le prend pour les pauvres dupes. […] 13 Nulle part elle n’a un élan si prompt et des ménagements si doux. […] Il s’est promené à travers tous les sentiments humains, quelquefois parmi les plus nobles, d’ordinaire parmi les plus doux.
Théodore de Banville Dans cette tête brune, chevelue, aux joues larges et d’un pur contour, à la barbe légère, calme comme celle d’un lion, fière comme celle d’un dieu, aux yeux doux, profonds, infinis, où le front olympien abrite la connaissance et les images de toutes les choses, où le nez droit, large à sa naissance, est d’une noblesse sans égale, où sous la légère moustache, écartée avec grâce, les lèvres rouges, épaisses, d’une ligne merveilleusement jeune, disent la joie tranquille des héros, dans cette noble tête aux. sourcils paisibles, qui si magnifiquement repose sur ce col énergique de combattant victorieux, superbe dans ce blanc vêtement flottant et entr’ouvert sur lequel est négligemment noué un mouchoir aux raies de couleurs vives, — […] Anatole France Gautier, doux enchanteur à la parole fière, Habile à susciter les contours précieux Des apparitions qui flottaient dans tes yeux, Tu fis avec bonté ton œuvre de lumière. […] Cygnes, pour ce chanteur chantez, doux virtuoses !
Verlaine ; mais d’assez grandes parties restent compréhensibles ; et puisque les ahuris du symbolisme le considèrent comme un maître et un initiateur, peut-être qu’en écoutant celles de ses chansons qui offrent encore un sens à l’esprit, nous aurons quelque soupçon de ce que prétendent faire ces adolescents ténébreux et doux… M. […] Quant à son rôle dans « l’évolution littéraire », il me semble qu’il est peut-être le génie le plus purement français, le plus primesautier et le plus doux depuis l’auteur de la fable des Deux Pigeons. […] De l’âme humaine, Paul Verlaine explora les profondeurs, soit douces, soit ardentes.
. — « Ô douce lumière de mes yeux, toi qui as quatre parts dans mon cœur ! […] C’est la source d’eau douce filtrant d’un rocher brûlé, sous un soleil fauve, dans un désert plein de rugissements. […] Elle passe sur la scène, pleurant son nourrisson avec de doux radotages.
Montrez-moi des visages doux, soumis, timides, circonspects, suppliants et modestes. […] Sentir ce qu’il en faut prendre, ce qu’il en faut laisser ; connaître les passions douces et fortes, et les rendre sans grimace. […] Que serait-ce donc si ces figures ne se présentaient jamais à la vue sans réveiller un cortège d’idées douces, voluptueuses, agréables qui missent les sens et les passions en jeu ?
Les coloristes doux, les talents fins, les hommes de pastels et de nuances, trouvent leur compte à ces dégradations d’une splendeur qui vient de disparaître dans la magnificence de son centre, à ces demi-teintes qu’elle a laissées et qui ne manquent ni d’éclat, ni de profondeur, ni surtout de mélancolie. […] Le sens moral, on le retrouve jusque dans cette indulgence, ou cette pitié, qu’il sangle si bien au visage des gens, avec un mouvement très retenu et très doux. […] Tous ceux qui voudront ajouter à leurs notions sur le grand siècle devront consulter cet ouvrage, où l’érudition brille et fourmille sous les douces lueurs d’un esprit qui a les grâces que donne la vie, et qui est, comme toutes les supériorités expérimentées, tout à la fois désabusé et charmant.
Il semble que cette nation spirituelle et vive, dans un climat doux et voluptueux, livrée à tout ce qui peut amuser l’imagination et enchanter les sens, s’occupe plutôt à jouir des impressions qu’elle reçoit qu’à les transmettre, et dans l’expression des arts même, cherche encore plus à intéresser les sens que l’âme et l’esprit. […] Plusieurs figures animaient par leur mouvement cette décoration ; le Génie ardent et les ailes déployées ; une Minerve douce et austère, et qui mêlait le goût à ta fierté ; l’Étude méditant et dans un repos actif, la proportion légère marquée par une des Grâces ; l’âme de Michel-Ange sous l’emblème d’un génie céleste, s’élevant et semblant se perdre et se confondre dans des flots de lumière ; plus loin l’Envie ceinte de serpents, une vipère à la main, voulant vainement exhaler son poison sur la Gloire ; et la Haine enchaînée qui se débattait, qui cherchait, en frémissant, à se relever, et retombait sous ses fers. […] Les Russes ont un esprit facile et souple ; leur langue est, après l’italien, la langue la plus douce de l’Europe ; et si une législation nouvelle élevant les esprits, fait disparaître enfin les longues traces du despotisme et de la servitude ; si elle donne au corps même de la nation une sorte d’activité qui n’a été jusqu’à présent que dans les souverains et la noblesse ; si de grands succès continuent à frapper, à réveiller les imaginations, et que l’idée de la gloire nationale fasse naître pour les particuliers l’idée d’une gloire personnelle, alors le génie qu’on y a vu plus d’une fois sur le trône, descendra peu à peu sur l’empire ; et les arts même d’imagination, transplantés dans ces climats, pourront peut-être y prendre racine, et être un jour cultivés avec succès, 82.
« Non, s’écrie le poète dans son sonnet troisième ; non, jamais le soleil se levant du sein des plus sombres nuages qui obscurcissent le ciel ; jamais l’arc-en-ciel, après la pluie, n’éclatèrent de couleurs plus variées dans l’éther ébloui que ce doux visage, auquel aucune chose mortelle ne peut s’égaler : tout me parut sombre après cette apparition de lumière. […] De ces deux jardins l’un est ombragé, recueilli, propre à l’étude : c’est mon site d’inspiration ; il descend en pente douce vers la Sorgue qui vient de sortir des flancs du rocher, il est clos de l’autre côté par des murailles naturelles de rocs inaccessibles où les oiseaux seuls peuvent s’élever grâce à leurs ailes ; l’autre jardin est plus contigu encore à la demeure, moins sauvage, tapissé de pampres, et, ce qui est singulier, à côté d’une rivière très rapide, séparé par un petit pont d’une grotte voûtée où les rayons du soleil ne pénètrent pas. […] La voilà vérifiée la prédiction de ce poète qui disait : Rome a perdu la douce consolation, dans son malheur, de ne reconnaître point de rois, et de n’obéir qu’à ses enfants. […] « Les douces paroles, les tendres regards que tu as si souvent décrits, ô pauvre âme sans repos ! […] prie pour moi, afin que je dédaigne de ce monde toutes ses douces amorces et tout ce qui n’est pas toi !
Le jeune homme nous récita quelques vers, dans ce doux et nerveux idiome provençal qui rappelle tantôt l’accent latin, tantôt la grâce attique, tantôt l’âpreté toscane. […] ” Et, folle de plaisir, de mille doux baisers elle les dévore et les caresse. […] « Droit comme un roseau de la Durance, Vincent cheminait seul vers le mas des Micocoules ; son visage éblouissait de bonheur, de paix et d’amour, en rêvant aux douces paroles que Mireille lui avait dites un matin parmi les mûriers. […] Le récit de leurs douces entrevues et de leurs chastes entretiens à travers le buisson, au clair de la lune, dépasse en naïveté et en fraîcheur tout ce que vous avez lu de Daphnis et de Chloé auprès de la fontaine. […] Le manger de ma faim serait tes doux baisers !
Pour la trouver douce il faut la voir à distance, comme le feu. […] Les hommes jeunes, mûrs ou vieux, appartenant à toutes ces nuances, étaient donc accueillis avec le même sourire dans son intimité ; la seule condition était d’être ou de paraître enthousiaste de M. de Chateaubriand ; elle voulait qu’il eût chez elle la retraite douce ; elle ouatait son salon de visages agréables à son ami ; elle tapissait son escalier de roses, pour que ses pieds meurtris et chancelants ne sentissent le contact avec le temps que par le doux encens qu’on doit au génie, au malheur, à la vieillesse. […] Habituée à être négligée et même oubliée pendant vingt ans par lui dans leur jeunesse, elle trouvait très doux pour elle ce commerce de pure amitié qui la déchargeait du soin d’amuser l’inamusable auteur de René, cette personnification de l’ennui sublime de vivre. […] XXIX Madame Récamier et M. de Chateaubriand, après le retour de Londres et de Venise, reprirent à Paris les douces et monotones habitudes de leur salon à deux. […] Madame Lenormant décrit admirablement ces heures consacrées par M. de Chateaubriand à la douce monotonie de l’amitié assidue.
Il n’avait aucune pruderie ; le fin rire et la douce piété s’accordaient parfaitement sur ses lèvres ; il n’entendait mal à rien ; son bréviaire sous le bras en sortant de la chapelle, rien ne lui paraissait plus naturel que de prendre un Arioste dans son autre main et de nous en lire quelques stances, qui finissaient souvent par un éclat de rire. […] Ce dernier bruit surtout me charmait ; j’avais soin de m’éveiller le premier, j’aimais à m’accouder sur ma fenêtre, qui était au-dessus de la fenêtre de la belle veuve, pour recueillir ce doux oïmè ! […] pourquoi badine-t-il trop souvent et ne s’est-il pas complu davantage à nous faire rêver et pleurer, lui qui a le don des douces larmes autant que celui du fou rire ? […] La lecture de Ginevra avait laissé une légère teinte de gravité douce sur le visage de la comtesse Léna, et quelques folles larmes sur le fond d’azur des yeux de Thérésina […] je n’aurais su que répondre, tant le poème et la terre se ressemblaient dans ces doux moments !
J’en vois d’autres encore, dans cette douce famille d’esprits conservateurs, qui seraient plus comptés si nos richesses littéraires, presque trop grandes pour le peu de temps que nous avons à donner aux lectures solides, ne nous forçaient de négliger le bon pour le meilleur et de faire des choix même dans l’excellent. […] Quand il lui faut arriver à l’article des châtiments, comme il sait être doux et ferme tout ensemble ! […] On sent partout la raison douce, la bonté, le père qui cache le maître, l’homme qui cache l’auteur. […] S’agit-il de mes devoirs de maître, quand je considère dans Rollin tout ce que la parole d’un maître doit avoir de gravité douce, son esprit de justesse, son savoir de solidité, sa conscience de scrupules, sa vie de bons exemples, je m’effraye de me trouver si au-dessous de la tâche ! […] On ne s’avise pas de se croire arrivé à cette perfection ; mais on sent qu’elle est humaine, qu’on y peut faire des progrès jusqu’à la fin, et qu’à la condition d’y marcher en tenant la main du guide vénéré, il est de douces satisfactions même dans le sentiment de ce qui nous manque pour y atteindre.
Il ne devait jamais égaler dans ce genre ni la grâce à peine maligne du doux, et voluptueux Horace, ni l’âpre énergie de Juvénal. […] À cela près, Juvénal, soit dans l’imprécation contre les vices, soit dans la peinture des vertus pures et douces qui font contraste aux horreurs de ces vices, était véritablement un écrivain de premier ordre dans la force comme dans la grâce. […] C’est un instrument poétique qui a toutes les notes graves ou douces du clavier. […] Le cours ne fut pas long d’un empire si doux ! […] Aujourd’hui, vieux lion, je suis doux et traitable ; Je n’arme plus contre eux mes ongles émoussés : Ainsi que mes beaux jours mes chagrins sont passés.
Ma physionomie en fut modifiée ; la légèreté un peu évaporée de l’enfance y fit place à une gravité tendre et douce, à cette concentration méditative du regard et des traits qui donne l’unité et le sens moral au visage. […] Et puis ce bruit s’apaise, et l’âme qui s’endort Nage dans l’infini, sans aile, sans effort, Sans soutenir son vol sur aucune pensée, Mais immobile et morte, et vaguement bercée, Avec ce sentiment qu’on éprouve en rêvant Qu’un tourbillon d’été vous porte, et que, le vent Vous prêtant un moment ses impalpables ailes, Vous planez dans l’éther tout semé d’étincelles, Et vous vous réchauffez, sous des rayons plus doux, Au foyer des soleils qui s’approchent de vous : Ainsi la nuit en vain sonne l’heure après l’heure, Et, quand on vient fermer la divine demeure, Quand sur les gonds sacrés les lourds battants d’airain Tournent en ébranlant le caveau souterrain, Je m’éloigne à pas lents, et ma main froide essuie La goutte tiède encor de la céleste pluie ! […] Son goût raffiné tenait un peu de la douce et exquise mollesse de son caractère. […] D’abord ils frappent l’écho des brillants éclats du plaisir : le désordre est dans ses chants ; il saute du grave à l’aigu, du doux au fort ; il fait des poses ; il est lent, il est vif : c’est un cœur que la joie enivre, un cœur qui palpite sous le poids de l’amour. […] X Sous la grotte où jaillit le seul ruisseau d’eau douce, Une figure en marbre est taillée au ciseau, Vierge ou nymphe, on ne sait ; de sa conque de mousse Un triton sur ses pieds verse une nappe d’eau ; Dans l’une de ses mains un petit poisson joue ; Dans l’autre un coquillage, enfant du bord amer, Tout près de son oreille est collé sur sa joue Comme pour lui chanter les chansons de la mer.
., etc ; et dont voici le sens : Tandis que Duclos raconte les grandes actions de Louis XI, les femmes sont sous le charme, suspendues à son doux langage. (Ce mot doux est sans doute ici un peu ironique, car Desfontaines vient de reprocher à Duclos le style haché et les brèves sentences.) […] Petitot, la citation parallèle ; ce n’est, comme on le pense bien, qu’un très faible échantillon ; c’est aux curieux à pousser plus loin et dans le même sens une comparaison plus ample, qui ne fera que confirmer le premier aperçu : Charles, dit Duclos, était doux, facile, généreux, sincère, bon père, bon maître, digne d’être aimé et capable d’amitié. […] Charles, dit l’abbé Le Grand, était doux, facile, adonné à ses plaisirs et tellement livré à ses favoris et à ses maîtresses qu’il ne pouvait avoir d’autres passions ni d’autres sentiments que ceux qu’ils lui inspiraient.
Revenant habiter à Paris l’année suivante, vers octobre 1793 : J’ai la douce consolation, dit-il, d’y éprouver que l’on peut trouver Dieu partout, que partout où on trouve son Dieu on ne manque de rien, on ne craint rien, on est au-dessus de tout, enfin que l’on peut obtenir toutes les connaissances qui nous sont nécessaires sur notre propre conduite si on les demande avec confiance. […] Les grands objets s’annonçaient à lui d’une manière de plus en plus imposante et douce, et proportionnée à son état présent : « J’ai mille preuves réitérées que la Providence ne s’occupe, pour ainsi dire, qu’à me ménager. » Il était d’ailleurs tellement inapplicable et impropre aux choses positives, que dans le second trimestre de l’an IV, ayant été porté sur la liste du jury pour le tribunal criminel de son département, il crut devoir se récuser par toutes sortes de raisons qui, si elles étaient admises, paralyseraient la société : Je ne cachai point mon opinion ; je dis tout haut que, ne me croyant pas le droit de condamner un homme, je ne me croyais pas plus en droit de le trouver coupable, et que sûrement, tout en obéissant à la loi qui me convoquait, je me proposais de ne trouver jamais les informations et les preuves assez claires pour oser disposer ainsi des jours de mon semblable. […] Le doux vieillard avait la mélancolie riante. […] Lorsque je vis le fils jeter de l’eau bénite sur le cercueil, je fus frappé jusqu’au vif du tableau de cette chaîne de bénédictions tantôt douces, tantôt déchirantes, qui lie toute la famille humaine et qui la liera jusqu’à la fin des choses.
Saint-Lambert, dans des vers à elle adressés pour accompagner un Capucin en parfilage que Mme du Deffand envoyait pour étrennes à Mme de Boufflers, devenue la maréchale de Luxembourg, lui disait : Du Ciel vous eûtes en partage Un esprit doux, brillant et sage… Cet esprit doux, selon la remarque du prince de Ligne, est un trait faux ; elle l’avait, avant tout, piquant, des plus mordants ; on la redoutait. […] Toutes les femmes de la Cour savent vous persuader cela quand elles veulent, vrai ou non ; mais toutes ne savent pas, comme Mme de Luxembourg, vous rendre cette persuasion si douce, qu’on ne s’avise plus d’en vouloir douter… » C’est la seule page de cet admirable Xe livre que je veuille rappeler ici, et Rousseau lui-même, dans sa plus mauvaise humeur, ne pensa jamais à la rétracter. […] Je crois qu’en tout elle aura été assez contente de son voyage… » On distingue bien en tout ceci l’art, le jeu, l’amabilité naturelle, la considération, et aussi cette crainte qu’on avait de ne pas réussir auprès d’elle, même d’égale à égale. — D’autres visites et voyages à Chanteloup se passent encore mieux les années suivantes : « La chatte rose est tout aussi douce et aussi aimable cette année (mai 1772) que l’année passée. » Elle s’accorde avec tous.