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579. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre deuxième. La connaissance des corps — Chapitre premier. La perception extérieure et les idées dont se compose l’idée de corps » pp. 69-122

Si enfin, des quatre sens spéciaux, nous passons au dernier et au plus général de tous, c’est-à-dire au toucher, nos conclusions sont pareilles. — Tout d’abord, il est clair que la chaleur et le froid ne sont que le pouvoir de provoquer les sensations de ce nom. — Il en est de même pour la solidité ou résistance ; elle n’est que le pouvoir de provoquer la sensation musculaire de résistance. […] Ici, nous n’avons guère qu’à reproduire l’admirable analyse des derniers philosophes anglais26. […] Elles deviennent nécessaires quand toutes les conditions, plus la condition manquante, sont données ; et ici la possibilité devient nécessité par l’addition de la condition dernière. […] VII Entre ces extraits de sensation par lesquels, en dernière analyse, nous concevons et définissons toujours les corps, y en a-t-il un que nous puissions à bon droit leur attribuer ? […] Aujourd’hui, nous l’avons ramené à un minimum ; nous avons supprimé jusqu’aux derniers vestiges de l’erreur primitive ; nous ne croyons plus qu’il y ait dans les corps bruts des attractions, des répulsions, des efforts taillés sur le patron des états moraux que chez nous nous désignons par ces mots quand nous parlons ainsi, nous savons que c’est par à peu près et par métaphore.

580. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Troisième partie de Goethe. — Schiller » pp. 313-392

« Dans la tour de l’église retentissent les sons de la cloche, les sons lugubres qui accompagnent le chant du tombeau, qui annoncent le passage du voyageur que l’on conduit à son dernier asile. […] Ce fut une de ses dernières œuvres ; il n’avait que quarante-sept ans, et il se laissait déjà atteindre par la mort. […] Les rapports épistolaires entre Bettina d’Arnim et Goethe se détendirent et s’interrompirent même complétement de 1814 à 1833 ; mais, peu de mois avant la mort de Goethe, Bettina vint se réconcilier avec son idole négligée et recevoir ses derniers regards et son dernier soupir. […] « J’ai dû partir après un dernier embrassement, moi qui croyais rester éternellement suspendue à ton cou. […] Impassible jusqu’au dernier moment comme un dieu de marbre, il expira en contemplant avec ravissement le soleil, et en demandant de la lumière, plus de lumière encore !

581. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre septième »

. — Impression dernière de la lecture de nos trois grands sermonnaires. — II. […] Plus tard il rétablit Bourdaloue, mais à la suite de Massillon, et Bossuet recule au dernier rang. […] Pour être juste envers Bossuet, il faut le faire passer du dernier rang au premier ; Bourdaloue restera au second, et cet ordre des grands noms de la prédication en France indiquera la marche et les changements de cet art, où, parmi les nations chrétiennes, la nôtre est sans rivale. […] Qui sait si les derniers quiétistes ne se recrutèrent pas parmi les auditeurs encore tremblants du sermon sur le Petit nombre des élus ? […] Il n’est plus temps ; on a ôté un dernier scrupule à la passion et fait tomber une dernière résistance.

582. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1864 » pp. 173-235

En dernier lieu, sur une grosseur développée à la base interne de l’index, il a perçu chez moi, et très développé, le désir de me faire connaître. […] Il y a vraiment, dans ce moment-ci, un engouement des célébrités défuntes, un amour des riens laissés par elles, qui ressemble à un culte des saintes reliques, — et je ne désespère pas de voir bientôt, vendre aux Commissaires-priseurs, l’empreinte des doigts de pied d’un peintre illustre sur ses dernières chaussettes. […] Des citrons, des tomates, de l’absinthe, du laudanum, c’était l’alimentation de la princesse Narichine, et la duchesse de M… ne se nourrit que de salade et de bonbons, éprouve des maux de cœur devant le bouillon et la viande, et à ses dernières couches, on n’a pu la faire revenir d’une syncope qu’au moyen d’une bouteille de rhum. […] Une dernière fois, les oiseaux se mettent à chanter : une traînée de piailleries qui s’allume, part, court tout le bord du bois, puis s’éteint. Un dernier petit cri encore, et tout se tait.

583. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le prince de Ligne. — II. (Fin.) » pp. 254-272

M. de Narbonne seul, comme pour en honorer le souvenir, en offrait un dernier échantillon dans l’état-major de l’empereur ; le reste était comme sorti de terre, gardant de son origine jusque sous l’or et la pourpre, ayant du lion dans le courage, génération toute faite pour la lutte des géants. […] Ceux qui le veulent connaître dans les dernières années, peuvent lire ce qu’en ont dit le comte Ouvaroff dans ses Esquisses (1848), et le comte de La Garde au tome premier de ses Souvenirs du congrès de Vienne (1843). […] vous êtes décidément les dernières que j’aie adorées au troisième. » Mais cette apparence légère ne faisait que renfermer plus tristement en soi les regrets et les souvenirs : Les souvenirs ! […] Le prince de Ligne, malgré sa douceur de mœurs habituelle, ne pouvait s’empêcher d’avoir quelque accès de misanthropie ; il en voulait aux engouements et à toutes ces contrefaçons de talent ou d’esprit qui usurpent la réputation des originaux et des véritables : « Il se fait, disait-il, dans la société un brigandage de succès, qui dégoûte d’en avoir. » Mais il était plus dans sa nuance de philosophie et dans les tons qui nous plaisent, lorsqu’il écrivait cette pensée qui résume sa dernière vue du bonheur : Le soir est la vieillesse du jour, l’hiver la vieillesse de l’année, l’insensibilité la vieillesse du cœur, la raison la vieillesse de l’esprit, la maladie celle du corps, et l’âge enfin la vieillesse de la vie.

584. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Nouvelles lettres de Madame, mère du Régent, traduites par M. G. Brunet. — II. (Fin.) » pp. 62-79

Cependant « Le Malade imaginaire n’est pas celle des comédies de Molière que j’aime le mieux, disait-elle ; Tartuffe me plaît davantage. » Et dans une autre lettre : « Je ne puis vous écrire plus long, car on m’appelle pour aller à la Comédie ; je vais voir Le Misanthrope, celle des pièces de Molière qui me fait le plus de plaisir. » Elle admirait Corneille, elle cite La Mort de Pompée ; je ne sais si elle goûta Esther : elle aurait aimé Shakespeare : « J’ai souvent entendu Son Altesse notre père, écrivait-elle à sa demi-sœur, dire qu’il n’y avait pas au monde de plus belles comédies que celles des Anglais. » Après la mort de Monsieur et durant les dernières années de Louis XIV, elle avait adopté un genre de vie tout à fait exact et retiré : « Je suis ici fort délaissée (5 mai 1709), car tous, jeunes et vieux, courent après la faveur ; la Maintenon ne peut me souffrir ; la duchesse de Bourgogne n’aime que ce que cette dame aime. » Elle s’était donc faite absolument ermite au milieu de la Cour : Je ne fraye avec personne si ce n’est avec mes gens ; je suis aussi polie que je peux avec tout le monde, mais je ne contracte avec personne des liaisons particulières, et je vis seule ; je me promène, je vais en voiture ; mais depuis deux heures jusqu’à neuf et demie, je ne vois plus figure humaine ; je lis, j’écris, ou je m’amuse à faire des paniers comme celui que j’ai envoyé à ma tante. […] L’un de ces voyageurs, et qui était plus homme d’esprit qu’autre chose, nous l’a très bien peinte dans ces dernières années de sa vie ; on a par lui cet intérieur au naturel : Cette princesse, dit le baron de Poellnitz, était très affable, accordant cependant assez difficilement sa protection. […] Elle fut, d’après sa volonté dernière, portée à Saint-Denis sans pompe. […] Arrivée à Versailles au moment où l’astre de La Vallière déclinait et s’éclipsait, ayant vu les dernières années brillantes, elle entre peu dans cet ordre délicat et qui était fait pour flatter l’imagination : mais sans y entendre finesse, et tout uniment par sa franchise, elle nous découvre à nu la seconde partie du règne sous son aspect humain et très humain, naturel, et, pour tout dire, matériel.

585. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Maucroix, l’ami de La Fontaine. Ses Œuvres diverses publiées par M. Louis Paris. » pp. 217-234

Il est possible à tout le monde aujourd’hui de se bien représenter le genre d’existence et le caractère du bon Maucroix, qui est un des derniers types, et les plus polis, de la grâce et de la naïveté du vieux temps. […] Cependant, disons à son honneur que lorsque la marquise, ayant épuisé ses coquetteries à la Cour et en tous lieux, délaissée de son mari, frappée dans sa beauté, se voyant malade et dépérissante, cherchait un lieu où s’abriter, ce fut à Reims, chez MM. de Maucroix, le nôtre et son frère, qu’elle fut recueillie, qu’elle reçut les derniers soins et qu’elle mourut, aussi bien que sa mère, qui y était morte également. […] Mais c’est à Reims, sa dernière et véritable patrie, c’est au benoît préau qu’il en revient toujours, à la jolie maison qu’il se fait arranger et qu’on lui prépare (« Car j’aime la jeunesse, dit-il, aussi bien en maison qu’en autre chose ») ; c’est à son jardin, à ces allées qu’il y veut « toujours propres, toujours nettes et sablées comme celles de Versailles pour le moins » ; c’est à tout cela que va de lui-même son désir et son vœu : « La contrainte n’est pas mon fait, je n’aime que la liberté ; je ne l’ai pas haïe jusques ici, je l’aimerai à l’avenir encore davantage. » Il le redit de mille agréables façons : Somme toute, notre cher, les honneurs sont beaux, mais la liberté est admirable. […] On l’y voit l’un des derniers Gaulois, mais un Gaulois poli, offrant en lui un composé naturel de Régnier, de Racan et d’Horace, tout cela à petites doses ; tenant trop sans doute de Tallemant et de La Monnoye pour certaines gaietés de propos ; s’arrêtant du moins pour le fond avant Chaulieu, avant l’intention d’être hardi ; rachetant le trop de nature et d’abandon par une bonhomie sincère ; en un mot, une figure à part qui n’a rien de trop disparate, mais qui n’est pas la moins souriante parmi les chanoines d’autrefois.

586. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Henri IV écrivain. par M. Eugène Jung, ancien élève de l’École normale, docteur es lettres. — II » pp. 369-387

Quand on a lu les derniers jugements de M. de Carné sur Henri IV, ou encore ceux que M.  […] Je m’assure que vous ne serez des derniers à vous mettre de la partie ; il n’y manquera pas d’honneur à acquérir, et je sais votre façon de besogner en telle affaire. […] On y fait même des dernières années de Henri IV un tableau presque sombre. […] [NdA] Voir aussi, et surtout, le commencement des Mémoires de l’abbé de Marolles, où il est parlé des dernières années du règne de Henri IV : c’est une idylle.

587. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Santeul ou de la poésie latine sous Louis XIV, par M. Montalant-Bougleux, 1 vol. in-12. Paris, 1855. — I » pp. 20-38

La littérature latine moderne pâlissait nécessairement en présence des chefs-d’œuvre de poésie française qui venaient d’éclore et qui illustraient le règne ; cette littérature et cette poésie latine, déjà de toutes parts en retraite, trouva néanmoins son dernier refuge et son emploi dans les livres d’Église. […] On a toutefois à remercier l’auteur de nous faire une dernière fois étudier Santeul, et de nous inviter par son exemple à lui rendre justice dans les limites de la vérité. […] Ces deux derniers furent tout entiers poètes et rien que poètes, parfaitement ignorants d’ailleurs et étrangers à toutes les branches des lettres humaines. […] Le portrait extérieur que l’on donne de l’homme, et qui va si aisément à faire grimacer ce gai visage, n’offre pourtant pas une juste idée de l’élégance et de l’esprit qu’il y avait souvent dans ces vers de Santeul, dignes d’une dernière anthologie latine.

588. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Madame Swetchine. Sa vie et ses œuvres publiées par M. de Falloux. »

« Ce sont les mœurs, a-t-elle dit, qui font les malheurs, et non pas la vieillesse… Préparez-vous, ma fille, une vieillesse heureuse par une jeunesse innocente. » Et avec le conseil moral, la consolation religieuse vient à la suite comme une dernière auxiliaire. […] La vieillesse est « le Samedi-Saint de la vie, veille de la Pâque ou de la résurrection glorieuse. » — La vieillesse n’est pas « une beauté de la Création » sans doute ; mais elle en est « une des harmonies ». — La vieillesse rappelle le panier de cerises de Mme de Sévigné ; on a mangé d’abord les plus belles, puis on est venu aux moins belles, puis on les mange toutes : ainsi l’on fait des années. — La vieillesse est comme ces trois derniers livres de la Sibylle ; les six autres livres n’étant plus là, ce qui reste en tient lieu et mérite d’être payé autant que tous les autres. — La vieillesse est « le dernier mot de la vérité sur cette terre. […] et par exemple, l’historiette que voici et que je répète comme on me la donne : « Le vieux mari de Mme Swetchine était, du moins dans ses dernières années, nul et comme stupide. […] Toute la différence des points de vue est là. » L’article sur Rancé, recueilli dans le volume intitulé Derniers Portraits, avait paru d’abord dans le Journal des Débats le 29 septembre 1846 : c’est là que Mme Swetchine l’aura lu, et elle en aura transcrit la pensée qui se rapportait à son dessein.

589. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Journal de la santé du roi Louis XIV »

En quoi l’on a sujet d’admirer la grandeur de son âme et la patience extraordinaire de ce prince, accompagnée d’une volonté admirable… » Tel il sera jusqu’au dernier jour. — (Ne jamais perdre de vue ce point-là, en lisant le Journal.) […] La description de Vallot est très bonne ; le traitement n’est bon qu’à demi (je ne parle que d’après de plus autorisés que moi) ; on saigne beaucoup trop le malade ; mais, somme toute, les purgations aidées des vésicatoires, un vomi-purgatif surtout donné à propos en dernier lieu, réussissent et suffisent pour le guérir, malgré les saignées et nonobstant l’omission des anti-périodiques. […] Mais il faut voir comme Vallot, qui a si bien et si vigoureusement traité cette maladie mortelle, s’applaudit, comme d’un coup de maître, de l’effet de son généreux remède (le vomi-purgatif dont il nous indique le composé), de cette « généreuse purgation » dernière qui sauve le roi, le laissant bien faible, il est vrai, ayant du coup été purgé vingt-deux fois et n’ayant vomi qu’à deux reprises. […] Le Journal de Fagon s’interrompt malheureusement à la fin de 1711, et l’on n’a pas l’histoire de la santé des quatre dernières années de Louis XIV.

590. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Lettres inédites de Jean Racine et de Louis Racine, (précédées de Notices) » pp. 56-75

Ce sont les derniers papiers de famille provenant des deux poètes du nom de Racine, que l’abbé de La Roque, homme instruit et capable de les bien encadrer, publie aujourd’hui. […] D’autres lettres de lui, publiées il y a quelques années17, et se rapportant la plupart au dernier temps de son séjour en province, à Soissons, l’avaient montré littérateur instruit, sachant même un peu d’hébreu, lisant les langues modernes, l’italien, l’anglais, citant à propos ses auteurs, et justifiant le mot de Voltaire qui le définit quelque part « un homme laborieux, exact et sans génie. » Ce n’est pas de celui-là qu’on dira que l’esprit lui sortait par tous les pores. […] Racine fils ayant quitté les emplois de finance revint habiter Paris pendant ses dernières années ; il allait pouvoir jouir enfin de ses droits de titulaire à l’Académie des Inscriptions dont il était un membre depuis si longtemps absent, lorsqu’une intrigue l’obligea à prendre la vétérance. […] Racine, dernier du nom, fils du grand Racine, de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, est mort hier d’une fièvre maligne.

591. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « La reine Marie Legkzinska »

Marie Leckzinska n’y venait qu’au n° 18 et dernier ; on y lisait : « 18. […] Il nous le montre, vers la fin, devenu si défiant qu’on pouvait fort douter s’il croyait encore à la probité : ce qu’il y a de sûr, c’est qu’il regardait les personnes vertueuses comme peu capables, et s’il fallait s’en remettre à quelqu’un, c’étaient les plus malhonnêtes sans hésitation, et les plus signalés au mépris, qu’il employait de préférence et sans réserve : l’excès de défiance l’avait mené ainsi, de degrés en degrés, à son contraire : « Cette défiance, ajoute Le Roy en terminant, justifiée malheureusement par un grand nombre de faits, avait donné dans les derniers temps de l’immoralité à son caractère et mis le comble à son apathie ; elle avait surtout fait des progrès rapides, depuis qu’on avait attenté à sa vie. […] Si, étant né prince, il eût reçu une bonne éducation, s’il se fût trouvé surtout dans des circonstances qui l’eussent obligé d’employer avec un peu d’énergie les facultés que la nature lui avait données, il est vraisemblable que peu de princes eussent mieux mérité du genre humain par la bonté qui aurait sûrement dirigé ses actions, si ses actions avaient été à lui. » C’est là qu’en était venu le Louis XV des derniers temps, celui qui disait : « Après moi le déluge !  […] L’ambition, si elle avait longtemps tardé, lui poussait avec les années comme une excroissance d’égoïsme, comme une avarice dernière.

592. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Méditations sur l’essence de la religion chrétienne, par M. Guizot. »

Cet esprit ferme, qui n’a jamais connu la défaillance et que l’âge a respecté dans l’intégrité de sa nature, ne peut supporter l’idée que sa ligne morale, politique, historique, religieuse, reste entamée et rompue sans qu’il y ait de sa part réponse et riposte, réparation à la brèche ou même une dernière sortie vigoureuse. […] Maret, évêque de Sura, dans le discours qu’il a prononcé à Notre-Dame en juin dernier sur L’Antichristianisme 19. […] trop bien que c’est là une dernière forme trompeuse, un dernier mirage que s’offre à elle-même et que projette devant elle l’imagination des hommes.

593. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « La Réforme sociale en France déduite de l’observation comparée des peuples européens. par M. Le Play, conseiller d’État. (Suite et fin.) »

Ceux qui ont lu les dernières Lettres de Lamennais publiées par M.  […] Lui aussi, il rend justice au passé, à l’ancien ordre social disparu : il croit que ce sont les derniers règnes seulement et les vices de Cour, avant tout, qui ont tué l’ancienne monarchie ; il regrette que les passions, excitées et portées au dernier paroxysme par les abus et les scandales dont la tête de l’ancien régime donnait l’exemple, aient amené l’explosion finale et rendu la rupture aussi complète avec l’ancienne tradition, avec l’ancienne nationalité française. […] faut-il que nous lui préparions encore tout ce que les testateurs futurs peuvent y ajouter de maux par leurs dernières volontés, trop souvent bizarres, dénaturées même ?

594. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre IV »

« Il m’avait beaucoup interrogé au moment où Brown-Séquard communiqua à l’institut le résultat de sa dernière découverte, vous savez, son fameux élixir de Jouvence. […] Jusque dans ces dernières années, le petit pays dont je vous parle était, en grande partie, peuplé par de pauvres hères au teint blafard, à l’aspect souffreteux, au corps émacié, au visage d’une pâleur caractéristique et dont les téguments étaient empâtés d’une bouffissure spéciale ; on les aurait reconnus entre mille ; il suffisait de les avoir vus une fois… »   « Pour les questions qui se rattachent à l’histoire pathologique de la lèpre, la contagion encore si controversée… l’impuissance presque absolue des moyens thérapeutiques contre cette bizarre maladie, etc., toutes ces notions ont été puisées, vous devez le penser, aux bonnes sources. […] Zola, dans un de ses derniers ouvrages, plaidoyer exclusivement littéraire, a pris soin, très amplement, de nous en fournir les matériaux. […] On le porte une dernière fois à Sainte-Anne.

595. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre II. L’éloquence politique »

Ces Riquetti, transplantés de Florence en France au xiiie  siècle, intelligents, énergiques, peu maniables, de bon service et d’indépendante humeur, ennemis-nés des commis, des courtisans et des ministres, nous expliquent la monstrueuse nature de leur dernier descendant. […] Isnard eut d’éclatants débuts ; Buzot, en ses derniers temps, trouva dans la violence parfois inintelligente de ses haines une éloquence singulièrement nerveuse et vibrante. […] Même dans les bulletins, malgré la tension plus solennelle du style, dans ceux surtout des dernières campagnes, je note quelques pensées d’une imagination pareille. […] En général, sans avoir changé sa forme ni renouvelé ses moules, il me semble que Napoléon est pourtant moins classique, moins asservi au goût révolutionnaire dans ses dernières années, et qu’il exprime son tempérament par des effets plus personnels.

596. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XIII »

Maintenant, son parti est pris, sa dernière larme est tombée. […] Irrésistible aux deux premiers actes, il chancelle et tombe au dernier. […] Ce voyage à Rouen n’était que le dénouement d’une ancienne liaison, la vieille histoire des lettres à rendre et du dernier rendez-vous. […] L’avis est bon, mais la bouche par laquelle il passe lui donne l’accent d’un dernier outrage.

597. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — III. (Suite et fin.) » pp. 128-145

Mais lui, tant qu’il le pouvait, il était pour la politique de discussion, pour la politique civilisée ; il tendait à y revenir dès qu’il y avait jour, et, dans une lettre écrite dans l’intimité à l’un de ses collaborateurs et correspondants qui était alors en Angleterre, il disait en 1835 : Je vous fais mon compliment bien sincère sur vos dernières lettres, elles sont beaucoup plus remarquables que celles que vous écriviez il y a bientôt deux ans. […] vous n’êtes pas engagé. » Il dut souffrir beaucoup dans les trois dernières années de sa vie. […] Il est amené, à son corps défendant, à discuter les derniers discours de celui qu’il appelait en d’autre temps le chef sinistre de la Montagne : il y met toutes ses précautions et ses ressources d’analyse ; il cherche pour un moment à ôter à Robespierre sa férocité, pour ne lui laisser que la philanthropie : opération d’alchimie qui, certes, peut aussi s’appeler le grand œuvre. En étudiant la vie de Carrel dans ses dernières années, une réflexion ressort à tout instant : pour un prétendu esclavage qu’on veut éviter, combien l’on s’impose d’autres esclavages !

598. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — I. » pp. 201-219

Le grand financier Pâris-Duverney, devenu, dans sa vieillesse, intendant de l’École militaire, dont il avait inspiré la première idée à Mme de Pompadour, et dont il avait dirigé la fondation, souhaitait ardemment que la famille royale honorât d’une visite cet établissement patriotique où il mettait sa dernière pensée. […] Il a des images peu agréables, et où le manque d’idéal, parlons plus nettement, où le trivial se trahit : « Finissons, la sueur me découle du front, et je suis essoufflé, etc., etc. » Et encore : « Je le répéterai jusqu’au tronçon de ma dernière plume, j’y mettrai l’encrier à sec, etc., etc. » Joignez-y bien des apostrophes qui sentent le voisinage de Diderot et de Jean-Jacques, et que le genre du plaidoyer excuse ; mais il en use trop largement. […] … Il ne s’arrête que devant le premier président Nicolaï, son dernier et imprévu adversaire, après l’avoir désigné et au moment où il va le nommer à la suite de ces tristes acolytes de Goëzman ; cette réticence envers un nom respecté, qui s’est mis si bas, devient un nouveau trait d’éloquence. […] Cela peut être mis en regard des plus mémorables endroits qu’on cite dans les dernières Provinciales de Pascal.

599. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « La Fontaine. » pp. 518-536

Les Fables de La Fontaine, dans leur ensemble, parurent successivement en trois recueils : le premier recueil contenant les six premiers livres fut publié en 1668 ; le second recueil contenant les cinq livres suivants jusqu’au onzième inclusivement fut publié en 1678 ; le douzième et dernier livre, qu’on a appelé le chant du cygne, et où tout n’est pas d’égale force, fut composé presque en entier à l’intention du jeune duc de Bourgogne et ne fut recueilli qu’en 1694. […] Ses Deux Amis sont le chef-d’œuvre en ce genre ; mais, toutes les autres fois qu’il a eu à parler de l’amitié, son cœur s’entrouvre, son observation railleuse expire ; il a des mots sentis, des accents ou tendres ou généreux, comme lorsqu’il célèbre dans une de ses dernières fables, en Mme Harvey, Une noblesse d’âme, un talent pour conduire         Et les affaires et les gens, Une humeur franche et libre, et le don d’être amie Malgré Jupiter même et les temps orageux. C’est quand on a lu ainsi dans une journée cette quantité choisie des meilleures fables de La Fontaine, qu’on sent son admiration pour lui renouvelée et afraîchie, et qu’on se prend à dire avec un critique éminent : « Il y a dans La Fontaine une plénitude de poésie qu’on ne trouve nulle part dans les autres auteurs français66. » De sa vie nonchalante et trop déréglée, de ses dernières années trop rabaissées par des habitudes vulgaires, de sa fin ennoblie du moins et relevée par une vive et sincère pénitence, qu’ai-je à dire que tout le monde ne sache ? […] Qu’on veuille bien se retracer avec netteté la différence des deux races : d’une part, nos vieux Gaulois, nos auteurs de contes et de fabliaux, Villon, Rabelais, Régnier, et tous ceux, plus ou moins connus, dont l’esprit vient se résumer et se personnifier en La Fontaine comme en un héritier qui les couronne et les rajeunit, si bien qu’on le peut définir le dernier et le plus grand des vieux poètes français, l’Homère en qui ils s’assemblent une dernière fois librement, et se confondent.

600. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Philarète Chasles » pp. 111-136

Si cette passion finit par s’exprimer comme la haine, en ses derniers jours, c’est que la haine n’était que la fureur de l’amour de toute sa vie méprisé. […] Elle lui avait donné, à lui plus brillant que solide, plus souple que fort, plus littéraire que spirituel, quoiqu’il fût spirituel et même spiritualiste, — un des derniers spiritualistes sur lesquels le vent de la mort qui maintenant s’élève souffla, comme il souffle, pour les éteindre, sur ces derniers flambeaux, — elle lui avait donné de son protestantisme irréligieux et de son utilitarisme humanitaire, et ces deux faussetés en nature humaine et ces deux disgrâces en littérature ! […] Dans ses derniers livres, il est évidemment plus protestant et plus anglais que dans ses autres ouvrages. […] C’est la politique aussi qui a, dans les dernières années de sa vie, abaissé le talent de Chasles et brouillé misérablement son sens critique.

601. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Fervaques et Bachaumont(1) » pp. 219-245

Fervaques et Bachaumont, les derniers venus et les plus jeunes de cette génération qui a descendu le Journalisme de ses grands chevaux et qui l’a déboulonné sans cérémonie, ce vieux boutonné jusqu’au menton, cette vieille valise politique ! […] Fervaques et Bachaumont ont voulu, pour plus d’intérêt aux yeux du public, donner à leur livre une forme romanesque ; mais, pour eux, au fond, la grande affaire était de peindre la société des dernières années de l’Empire. […] tout le temps du livre ; car son amour de la fin, sorti des boues remuées de sa nature, — il y a des boues dans cette femme de marbre blanc, — n’a été mis là par les auteurs que comme une ressource de dénouement pour qu’aux dernières pages le lecteur, écœuré de cette femme, ne jetât pas le livre de dégoût ! […] Lisez dans Bachaumont les chapitres intitulés : Les Dernières Grandes Dames, Les Femmes à l’Assemblée nationale, devant l’autel, en carême, en religion, et vous serez édifié suffisamment sur les chinoiseries, à la portée de tout le monde, qui ont remplacé la vie, la passion, la conviction, l’esprit, les fiertés de la race, dans ce monde qui n’est plus qu’un monde de fantômes, jouant à la vie !

602. (1908) Esquisses et souvenirs pp. 7-341

Pendant les dernières années de sa vie, Chateaubriand ne cessa de remanier. […] Salut, derniers beaux jours ! […] Alors il mit à les réédifier tout son amour, et ses dernières forces, encore très nerveuses. […] Toute cette foule, le grand monde et le peuple, se précipita dans l’arène pour une dernière ovation. […] … C’est une nuit de novembre que j’ai songé à cette Enone au clair visage, dernier chant d’amour.

603. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome II

Ainsi s’explique la singulière mélancolie intellectuelle dont il était atteint dans ses dernières aimées. […] Les circonstances finissent par être la raison dernière des vices et des vertus, comme elles sont de plus en plus la raison dernière des opinions. […] Leur but dernier était exactement le même. […] Dans les toutes dernières pages de Fumée, Litvinof se rapproche de sa fiancée. […] Jusqu’à son dernier mois, jusqu’à ses toutes dernières heures, il avait noté minutieusement les moindres passages de sa pensée, les caprices de son humeur, les changeantes nuances, ou claires ou sombres, de son ciel moral.

604. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre septième. Les sentiments attachés aux idées. Leurs rapports avec l’appétition et la motion »

Nous jouissons de notre succès intellectuel, signe de puissance et, en dernière analyse, de vie cérébrale. […] Il est une dernière classe d’émotions qui demanderait une longue étude et dont nous ne pouvons dire ici que quelques mots : les émotions esthétiques, ainsi appelées parce qu’elles sont liées à la nature même de notre sensibilité et à ses rapports avec nos autres puissances.

605. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Introduction »

Ces faits, ainsi qu’on le verra dans les derniers chapitres de cet ouvrage, semblent jeter quelque lumière sur l’origine des espèces, « ce mystère des mystères », ainsi que l’a appelé l’un de nos plus grands philosophes. […] Je ne puis cependant laisser échapper cette occasion d’exprimer ma profonde obligation au Dr Hooker, qui, pendant ces quinze dernières années, m’a aidé de toutes manières, soit par le fonds considérable de ses connaissances, soit par son excellent jugement.

606. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Contes — XVIII. La bague aux souhaits »

Le dernier jour de ce délai arrivé, avant de tirer ton dernier coup de fusil, tu viendras me trouver et je te donnerai quelque chose ». […] Au dernier jour du troisième mois, il ne lui restait plus qu’un coup de fusil à tirer.

607. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — III » pp. 455-479

L’ouvrage se compose de deux parties fort distinctes : la première est d’un classique et d’un antiquaire : elle s’intitule : « Voyage sur la scène des six derniers livres de L’Énéide », et nous offre l’un des premiers exemples (sinon le premier) d’un critique homme de goût relisant en détail un poète sur les lieux mêmes qui sont le théâtre de ses chants, et qui en deviennent le plus lumineux commentaire. […] Mais pourquoi chercher dans ses écrits publiés des pensées et des pages, lorsque j’ai sous les yeux une correspondance inédite, un trésor d’esprit et d’affection, sa dernière grande effusion d’amitié, son dernier gage, et qui me permet d’ajouter quelque chose à ce que d’autres ont dit ? […] Dans les tout derniers temps, l’âge l’avait atteint, ses yeux le quittaient ; sa vie intérieure restait la même. […] [NdA] Une amie des derniers temps, qui avait beaucoup voyagé.

608. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Appendice. Discours sur les prix de vertu »

Que de fois, dans le doute, il a remporté chez lui les dossiers, les a repassés tout entiers une dernière fois, de peur de ne pas être assez juste ! […] Le militaire est Paul Alabert, en dernier lieu sergent de grenadiers dans le 61me de ligne, aujourd’hui retiré à Cazères (Haute-Garonne). […] Le cardinal archevêque de Besançon, en nous attestant de sa main la vérité des faits qui concernent ce digne prêtre de son diocèse, ajoutait : « Je sens couler mes larmes en écrivant ces lignes, comme elles ont souvent coulé pendant que je bénissais le bon abbé Brandelet pour ses œuvres toutes de détachement, de zèle, et d’une persévérance vraiment admirable. » L’abbé Brandelet s’est surpassé en dernier lieu par l’achat qu’il fit, à ses risques et périls, de l’ancien château fort de Blamont mis en vente par l’État en 1859. […] Ayant été nommé rapporteur au Sénat pour la loi votée par le Corps législatif sur la Propriété littéraire, qu’on évita toutefois d’appeler de ce nom, je lus mon Rapport dans la séance du vendredi, 6 juillet 1866 ; le voici : Messieurs les Sénateurs, la loi sur les droits des héritiers et des ayants cause des auteurs, votée le 27 juin dernier par le Corps législatif, est assurément une loi qui vous arrive dans les conditions les meilleures selon lesquelles une loi puisse vous êtes soumise : mûrie, prudente, libérale, pesée à diverses reprises, discutée en tous sens, avec science, talent, éclat et conviction. En conséquence, et tout naturellement, votre Commission est d’avis à l’unanimité qu’elle ne rentre dans aucun des cas prévus par l’article 26 de la Constitution et que rien ne s’oppose à ce que, si longtemps attendue, préparée, élaborée, passée, si je puis dire, au creuset jusqu’au dernier moment elle soit promulguée et reçoive enfin son application.

609. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Nouvelle correspondance inédite de M. de Tocqueville (suite et fin.) »

A mesure que la fatigue des dernières années cessera de se faire sentir, on verra les passions politiques renaître ; et si, pendant le temps où il est fort, le Gouvernement n’a pas redoublé de prudence et ménagé avec grand soin toutes les susceptibilités de la nation, on sera tout surpris de voir quel orage se soulèvera tout à coup contre lui. […] Nous avons eu l’occasion dans ces temps derniers d’étudier un homme, une organisation éminente aussi à sa manière, un pur prolétaire, lui (Proudhon), et qui n’avait pas eu dans son enfance de précepteur à domicile, puis plus tard l’éducation des voyages, puis une vie publique tout ouverte et toute tracée ; qui n’habitait pas parmi des laboureurs, mais parmi des ouvriers ; qui n’avait pas, à ses heures d’angoisses, les vieux murs d’un château pour refuge, mais un atelier obéré, hypothéqué : combien aussitôt le point de vue change ! […] C’est là, dans cette vallée qu’ont chantée les poètes, au milieu de la société d’amis de son choix, qu’il se recueillit de nouveau, fit son examen de conscience et se dit sans doute qu’il avait assez et trop dépensé de sa vie à des efforts infructueux, à des collaborations politiques sans résultat et sans issue : il résolut de redevenir une dernière fois ce que la nature l’avait surtout prédestiné à être, un observateur historique et un écrivain. […] Les dix dernières années, qui ont été assez stériles pour moi sous beaucoup de rapports, m’ont cependant donné des lumières plus vraies sur les choses humaines et un sens plus pratique des détails, sans me faire perdre l’habitude qu’avait prise mon intelligence de regarder les affaires des hommes par masses. […] Et puis, il y avait de lui à moi, de tout temps et bien avant les événements de dernière date, un certain nœud de séparation : il était de nature croyante, c’est-à-dire que, même dans l’ordre des idées, il portait une certaine religion, une certaine foi.

610. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres de Virgile »

Vers la fin du siècle dernier, à la suite et à l’occasion de la découverte du texte et des scolies de l’Iliade dans la bibliothèque de Saint-Marc par Villoison, et de l’édition qu’il en donna à Venise en 1788, il s’est fait toute une révolution sur Homère, sur la manière d’envisager les poèmes homériques, leur mode de composition, leur mode de transmission longtemps oral, et aussi il s’en est suivi de graves remaniements dans la constitution du texte lui-même. […] Heyne inclinait même à retrancher les deux derniers vers comme peu dignes de Virgile. […] Le détail des Bucoliques est d’une continuelle et parfaite observation rurale, d’une peinture fidèle, prise sur nature, et du rendu le plus délicat ; elles sont bien d’un poète qui a vécu aux champs et qui les aime, et chaque fois qu’on sort de les relire, on ne peut que répéter avec M. de Maistre : « l’Énéide est belle, mais les Bucoliques sont aimables. » Ayant écrit moi-même autrefois une Étude sur Virgile, il m’est resté quelque surcroît d’idées et de remarques que je demande à joindre ici comme un dernier hommage et tribut au souverain poète à qui j’aurais aimé, moi aussi, à élever mon autel. […] Après un Conseil où la question avait été une dernière fois agitée, où toutes les raisons s’étaient produites, toutes les considérations pour et contre, et où, chaque chose bien pesée, le Cabinet se décidait pour l’action avec toutes ses chances, on allait se séparer : la discussion s’était prolongée jusque bien avant dans la nuit ; M. de Rémusat, ministre patriote et lettre, s’écria en se levant et en concluant le débat : « Fata viam invenient… » Par malheur, la décision resta sans effet ; le roi ayant reculé au dernier moment, le Cabinet donna sa démission, et le ministre en fut pour sa belle allusion virgilienne.

611. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres inédites de F. de la Mennais (suite et fin.)  »

Il semble approuver complètement une brochure de M. de Bonald, de la Royauté en France, laquelle ne concluait à rien moins qu’au rétablissement de l’ancien régime autant que faire se pouvait : « Point de Constitution écrite, point de Chambres, le rétablissement des Parlements tels qu’ils existaient autrefois, sans quoi la France tombera rapidement au dernier degré de la faiblesse et du malheur et sera, avant un siècle, le théâtre d’une nouvelle révolution, semblable à la révolution d’Angleterre de 1688. […] C’est à ce moment aussi, dans les derniers mois de 1815 et les premiers de 1816, qu’il a fixé l’accomplissement de son sacrifice. […] Il lui a singulièrement coûté pour prendre sa dernière résolution. […] Et, quelques jours après, dans une lettre du 9 juillet, il réitère et confirme l’aveu, même en l’adoucissant : « On m’a fait entendre, et, je crois, avec raison, que ma dernière lettre était trop vive. […] » Ceci est un dernier reproche profond et sourd adressé à son frère pour les vœux indissolubles dans lesquels il se sentait enchaîné.

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