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433. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXIXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (1re partie) » pp. 241-314

Après la mort de Goethe, resté uniquement fidèle à sa mémoire, tout occupé de le représenter et de le transmettre à la postérité sous ses traits véritables et tel qu’il le portait dans son cœur, il continua de jouir à Weimar de l’affection de tous et de l’estime de la Cour ; revêtu avec les années du lustre croissant que jetait sur lui son amitié avec Goethe, il finit même par avoir le titre envié de conseiller aulique, et mourut entouré de considération, le 3 décembre 1854. […] L’amitié du grand-duc et de la grande-duchesse Amélie l’avait élevé, par l’affection, au rang de principal conseiller de cette cour athénienne et de directeur du théâtre et du ministère. […] Mais nous, modernes, si nous avons aussi de grandes idées, nous pouvons rarement les produire au dehors avec la force et la fraîcheur de vie qu’elles avaient dans notre esprit. » Je vis alors arriver Riemer, Meyer, le chancelier de Müller et plusieurs autres personnes, hommes et dames de la cour. […] « — Je veux à l’avenir, dit-elle, éviter soigneusement toute action injuste, et, sur les actes injustes d’autrui, je dirai hautement dans le monde et à la cour mon opinion. […] Walter de Goethe est chambellan à la cour de Weimar ; M. 

434. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XV. La littérature et les arts » pp. 364-405

Là, enfouis dans la verdure, des chalets coquets et mignons, où la reine de France venait battre le beurre de ses blanches mains et jouer à la bergère avec les dames et les seigneurs de sa cour. […] De même que les jardins anglais, les déserts, les ermitages, les élysées, qui se multiplient à la même époque, Trianon prouve qu’à la ville, à la cour même, on veut avoir l’illusion de la campagne et il permet d’évaluer combien en cent ans a changé l’idéal de beauté. […] Parmi les jeunes gens, surtout ceux de la cour, coutumiers d’exagération et d’extravagance, c’est un luxe de joyaux, de plumes, qui scandalise les gens simples ; c’est une débauche de formes bizarres et indécentes auxquels les bons chroniqueurs de l’époque attribuent les malheurs de la France. […] Les femmes de la cour portent alors des habits de couleur brune, uniforme ; les cheveux se dissimulent sous une ample coiffe noire ; l’ensemble a quelque chose de triste et de monacal. […] Dans les temps modernes, les parades de la foire et celles de Tabarin sur le Pont-Neuf, les Guignols et autres théâtres de marionnettes, les cortèges de carnaval et les ballets de cour n’ont pas été inutiles au développement de la comédie.

435. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1868 » pp. 185-249

Parmi les dîneurs, deux revenants : Gautier très pâle, ses yeux de lion encore plus affaissés ; Claude Bernard, qui a le masque d’un homme qu’on a retiré de son tombeau… Et la conversation s’en va au mariage moderne, ce mariage sans cour, sans flirtation aucune, ce mariage brutal, cynique que nous appelons un viol par-devant le maire, avec l’encouragement des parents. […] quand on m’a dit cela, ça m’a donné un grand coup… 19 juin Nous sommes dans cette vieille étude qui a vu presque toutes nos affaires de famille, dans ce cabinet au fond d’une cour de la rue Saint-Martin, dans ce cabinet gris et obscur aux boiseries blanches, aux rideaux verts derrière le grillage des portes d’armoires, et avec ses bustes de plâtre bronzé dans les niches des cintres. […] Ce soir chez la princesse, ce drôle de corps du général Fleury, favori bizarre et original, tout en ironie, en persiflage, à la moquerie flûtée, légère, effleurante, tombant du demi-sourire de ses grosses moustaches, sur toute la cour, sur lui-même, sur les autres, sur son service, sur son maître, sur sa maîtresse, — au fond ayant l’air d’un homme dans une bonne stalle, regardant, sceptiquement jouer une comédie, un bout de sifflet entre les dents. […] * * * — Les vieux politiques de ce temps, les vieux orléanistes retournés, comme R… et S… qui n’avaient vu que la cour citoyenne du roi Louis-Philippe et le profil vertueux et rèche de la reine Marie-Amélie, dans l’atmosphère sensuelle de la cour impériale, sous le charme des coquetteries de l’Impératrice, semblent galvanisés d’un dévouement érotique. […] Cette cour avait duré trois séances, au bout desquelles elle lui faisait la proposition bizarre de lui appartenir au bout de quinze jours, mais après l’hommage et la sécurité de quinze visites, pendant lequel temps il s’engageait sur l’honneur à ne voir aucune femme, parce que, lui avouait-elle naïvement, elle avait peur d’une maladie, pour son corps, son beau corps.

436. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1869 » pp. 253-317

10 mars Nous sommes dans la nouvelle salle de la cour d’assises. […] Là les heures d’anxiété sont maintenant sonnées par une pendule d’or… Regardant cela, nous pensions à la Cour d’assises de l’avenir, dont les boiseries seront en bois de rose, les panneaux en pékin peint d’un ton riant, et où il y aura une vitrine de petits saxes, que les gendarmes montreront aux accusés, pendant les suspensions d’audience. […] 3 avril Cour d’assises. […] La cour se retire, le jury entre en délibération. […] … Elle a eu une invitation à la Cour, je l’ai vue à un bal des Tuileries… Ah !

437. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le prince de Ligne. — II. (Fin.) » pp. 254-272

Le prince de Ligne, par délicatesse, s’abstient de rien écrire en cour contre lui, et il se dévore à voir des intrigues, des rivalités mesquines au lieu de combats : « Que de folies, de bizarreries, d’enfances, de choses antimilitaires se passèrent dans l’espace de quatre ou cinq mois que je restai devant cette bicoque ! […] Cette inaction à laquelle sa cour le condamnait lui fut cruelle : « Apparemment, disait-il, que je suis mort avec Joseph II, ressuscité un moment pour mourir avec le maréchal Laudon, et être malade avec le maréchal Lacy. » Il y eut des moments où il aurait voulu être désigné pour commander en chef en Italie, et pour se mesurer avec le vainqueur de Rivoli ou de Marengo. […] Les femmes, la Cour, la ville, les gens d’affaires ne m’avaient pas trompé.

438. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Fénelon. Sa correspondance spirituelle et politique. — II. (Fin.) » pp. 36-54

Si quelque chose pouvait être nécessaire pour convaincre de la profonde sincérité chrétienne de Fénelon et de sa haute rectitude morale, cette correspondance avec le duc de Bourgogne ou à son sujet suffirait à en donner la preuve ; car, au point de vue humain et à celui de la Cour, il n’est rien de plus vif, de plus désobligeant, de plus blessant même ni de plus âpre en fait de vérité : il n’y a rien là qui tende à ménager et à prolonger le crédit par aucune flatterie ni louange. […] Elle est ce qu’elle peut être chez un homme de sensibilité, de piété, de délicatesse, qui a vu de près la Cour et qui en a souffert, qui assiste à une fin de long règne et qui en voit les inconvénients, les derniers abus et même les désastres. Dans son exil, et malgré ses restes de relations confidentielles à la Cour, il n’était plus bien informé du fond ; il dit à tout moment qu’il est mal instruit de l’état général des affaires, et il a raison ; il n’en juge que comme le public et, selon qu’il le dit, par les morceaux du gouvernement qu’il entrevoit sur sa frontière.

439. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Santeul ou de la poésie latine sous Louis XIV, par M. Montalant-Bougleux, 1 vol. in-12. Paris, 1855. — II » pp. 39-56

Santeul avait toujours désiré se voir lancer hors du monde de collège, et avoir, lui aussi, un pied en Cour. […] La Bruyère, chargé de raccommoder ces petites déchirures, écrivait à Santeul, ou le chapitrait quelquefois dans l’embrasure d’une croisée ; mais Santeul était difficile à former, et il fallait toujours en revenir sur son compte à cette conclusion du grand moraliste et du censeur amical, qui lui disait : « Je vous ai fort bien défini la première fois : vous êtes le plus beau génie du monde et la plus fertile imagination qu’il soit possible de concevoir ; mais pour les moeurs et les manières, vous êtes un enfant de douze ans et demi. » Cette insigne faveur de Santeul à Chantilly faisait grand bruit dans la rue Saint-Jacques et ailleurs, et ne laissait pas de donner quelque jalousie : « Santeul est fier, Santeul nous néglige depuis que des altesses lui font la cour ; il ne daigne plus venir même à Bâville, il ne s’abaisse plus jusqu’à nous. » Ainsi disait-on en bien des lieux. […] Arnauld a honoré de son estime et de son amitié pendant sa vie, de le décrier après sa mort, pour faire votre cour à des gens qui dans l’âme se moquent de vous et ne vous en savent aucun gré ?

440. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres inédites de P. de Ronsard, recueillies et publiées par M. Prosper Blanchemain, 1 vol. petit in-8°, Paris, Auguste Aubry, 1856. Étude sur Ronsard, considéré comme imitateur d’Homère et de Pindare, par M. Eugène Gandar, ancien membre de l’École française d’Athènes, 1 vol. in-8°, Metz, 1854. — I » pp. 57-75

Ces derniers mots couverts paraissent avoir été à l’adresse de Mellin de Saint-Gelais, poète de cour et homme de goût comme nous dirions, lequel s’était permis dès l’abord, contre Ronsard et sa manière, des railleries qu’il continua encore quelque temps, et dont enfin il se désista : Mellin vieillissait et allait mourir, et après les premières escarmouches, il sentit qu’il valait mieux faire sa paix avec cette jeunesse que de soutenir une guerre inégale. […] Dès ce moment la réputation de Ronsard, aidée de ce concours des doctes et de quelques hautes protections en cour, triompha de toute résistance ; Mellin de Saint-Gelais avait rendu les armes, et dans les années suivantes Ronsard, goûté des princes et adopté de la jeunesse, n’eut plus qu’à développer et à varier les applications de son talent. […] Peu après cette querelle de parti et cette polémique, la seule au reste qu’il eut dorénavant à soutenir, Ronsard publia en 1565 un recueil intitulé : Élégies, mascarades et bergerie ; ce sont pour la plupart des pièces de circonstance, des divertissements de cour qui furent représentés à des fêtes, et qui sont pour nous purement ennuyeux et sans intérêt ; mais j’y trouve en tête, sous le titre d’élégie, un discours en vers à la reine d’Angleterre Élisabeth, nouvellement en paix avec la France.

441. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Les Caractères de La Bruyère. Par M. Adrien Destailleur. »

Mais les quatre chapitres qui suivent vont nous peindre successivement les mœurs des principales classes de la société, des gens de finance et de fortune, des gens de la Ville, des gens de la Cour, des Grands proprement dits et princes du sang, héros ou demi-dieux : le tout se couronnera par un chapitre, du Souverain ou de la République, avec le buste ou la statue de Louis XIV tout au bout en perspective. […] Par certaines pensées de lui sur l’ambition, il est évident que La Bruyère, témoin inaperçu et très présent à la Cour, placé dans les coulisses de ce théâtre d’intrigues et de compétition, s’était dit maintes fois, en voyant les élévations journalières de gens dont il mesurait le mérite : « Pourquoi pas moi ? […] Toute la médecine de la Cour, appelée en toute hâte, n’y put rien.

442. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Histoire de la Restauration par M. Louis de Viel-Castel. Tomes IV et V. »

Peu de temps après, la Cour d’assises de Bordeaux, ayant à juger quelques accusés obscurs impliqués dans les troubles de La Réole, M. de Martignac était au nombre de leurs défenseurs ; eh bien ! […] A Montpellier, cinq hommes furent envoyés à l’échafaud, le 22 juillet 1816, par la Cour prévôtale. […] Ils étaient accusés d’avoir, faisant partie de la garde urbaine, aidé la force militaire à repousser des émeutiers massacreurs le 27 juin 1815, c’est-à-dire dans l’espèce d’interrègne qui avait suivi la nouvelle de la perte de Waterloo ; ils avaient rempli leur devoir de citoyens et avaient été appelés régulièrement à faire partie de la force publique : ce furent les émeutiers, le lendemain triomphants, qui se vengèrent, les dénoncèrent, et auxquels la Cour prévôtale donna raison par une fiction rétroactive : condamnés à mort, ils furent presque immédiatement exécutés, le même jour, de nuit, à la lueur des flambeaux.

443. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire (suite) »

Là, l’auteur de ces romances sentimentales, dont l’une a dû à Rousseau une si délicieuse mélodie, put faire connaissance avec l’abbé Métastase et causer musique avec lui ; mais cette agréable rencontre, et celle aussi du bibliothécaire de l’empereur, le philosophe Jameray-Duval, qui lui marquait confiance et amitié, ne lui rendirent pas l’habitude d’une Cour plus facile ; il y resta peu et changea bientôt d’emploi. Ce changement ne lui profita guère, car il ne fit que passer d’une Cour dans une autre, dans celle de Parme où Condillac se l’adjoignit comme un de ses auxiliaires et collaborateurs pour l’éducation du prince qui lui était confié. […] Il s’écriait d’un accent déchirant : « Si je pouvais trouver à vivre loin d’une Cour, dans un pays de liberté, je m’y traînerais à quatre pattes, mes enfants sur le dos. » A d’autres jours, à des moments moins irrités et moins amers, mais non moins tristes, il disait en paroles d’un découragement profond : « Combien je donnerais des années qui me sont encore destinées pour en passer une ou deux avec vous, au moins à portée de vous voir quelquefois !

444. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « La Réforme sociale en France déduite de l’observation comparée des peuples européens. par M. Le Play, conseiller d’État. (Suite et fin.) »

Appartenant à la vieille race de gentilshommes ruraux que n’avaient pas atteints la corruption de Cour et l’élégance des vices inhérents à Versailles ou même nés bien auparavant à Fontainebleau et à Chambord dès le règne de François Ier, il déplorait la perte d’un état de choses, où la grande propriété, la famille, la religion, les mœurs étaient garanties ; il avait l’imagination et le souvenir remplis des tableaux d’une vie simple, régulière, patriarcale, frugale, antique, et il demandait au Pouvoir royal restauré de rétablir de son plein gré et de toute sa force ce qu’il avait laissé perdre par sa faute, ce qu’il avait compromis et entraîné avec lui dans une ruine commune. […] La raison qu’il en donne est que « Bourges est bien l’endroit le plus triste, le plus monotone et le plus ennuyeux du royaume », et que le roi, ne devant être suivi que des gens graves de sa Cour, se trouvera là en parfaite harmonie avec les lieux : dans ce séjour d’ennui choisi tout exprès, il pourra se livrer sans distraction et sans partage à l’œuvre immense de réparation qui pèse sur ses bras : « Milton, ajoute-t-il, si médiocre dans les écrits qu’il a faits pendant qu’il jouissait de la vue, devint sublime et fit son Paradis perdu, dès que, devenu aveugle, il ne fut plus distrait de ses inspirations et de ses méditations. […] Lui aussi, il rend justice au passé, à l’ancien ordre social disparu : il croit que ce sont les derniers règnes seulement et les vices de Cour, avant tout, qui ont tué l’ancienne monarchie ; il regrette que les passions, excitées et portées au dernier paroxysme par les abus et les scandales dont la tête de l’ancien régime donnait l’exemple, aient amené l’explosion finale et rendu la rupture aussi complète avec l’ancienne tradition, avec l’ancienne nationalité française.

445. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Le Palais Mazarin, par M. le comte de Laborde, de l’Institut. » pp. 247-265

L’habileté de Mazarin consista à saisir ce moment unique, à deviner que, dans cette instabilité des choses et des alliances de cour, il n’y avait point pour lui de planche plus solide et plus sûre où il pût s’embarquer que le cœur de cette princesse espagnole, romanesque et fidèle, et que ce vaisseau-là, réputé le plus fragile par les sages, résisterait cette fois à toutes les tempêtes. […] Il rencontre en chemin le maréchal de La Meilleraye, brave militaire, qui se fait fort d’être son second et d’appuyer son témoignage à la Cour. […] La reine, incrédule et colère, le cardinal, qui n’a point peur encore, et qui sourit malignement, les complaisants, les flatteurs du lieu, Bautru et Nogent, qui bouffonnent, et chacun des assistants dans son rôle : M. de Longueville qui témoigne de la tristesse, « et il était dans une joie sensible, parce que c’était l’homme du monde qui aimait le mieux le commencement de toutes affaires » ; M. le duc d’Orléans qui fait l’empressé et le passionné en parlant à la reine, « et je ne l’ai jamais vu siffler avec plus d’indolence qu’il siffla une demi-heure en entretenant Guerchy dans la petite chambre grise » ; le maréchal de Villeroi qui fait le gai pour faire sa cour au ministre, « et il m’avouait en particulier, les larmes aux yeux, que l’État était sur le bord du précipice ».

446. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le surintendant Fouquet. (Article Fouquet, dans l’Histoire de Colbert, par M. P. Clément.) 1846. » pp. 294-312

Dix-neuf jours après la fête de Vaux, la Cour était à Nantes, et Fouquet malade de la fièvre venait d’y arriver, lorsque Louis XIV, qui avait tout concerté et pris soin, jusqu’à la fin, de tirer du surintendant les ordonnances de paiement qui étaient nécessaires au service, le fit arrêter par d’Artagnan (5 septembre) au moment même où Fouquet sortait de travailler avec lui. Louis XIV l’avait retenu exprès sous divers prétextes jusqu’à ce qu’il eût aperçu par la fenêtre de son cabinet d’Artagnan à son poste, dans la cour du château. […] Il y en avait de quelques femmes de la Cour, de celles même qu’on n’aurait pas soupçonnées : une seule, dit-on, Mlle de Menneville, se trouva entièrement compromise ; mais c’était l’être déjà que de se trouver dans cette cassette intime.

447. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Regnard. » pp. 1-19

Il serait piquant que Regnard fût né sous les piliers des Halles, tout à côté de Molière, de même que Voltaire naquit tout voisin de Boileau, dans la Cour du Palais ; mais le même M.  […] Il ne songe d’abord qu’à faire un voyage de Hollande ; mais, après quelques mois passés à Amsterdam, apprenant que la cour de Danemark était à quelques journées de là, lui et ses compagnons se décident à pousser vers le Nord. […] Regnard, quand il eut produit quelques-uns de ses meilleurs ouvrages en vers, eut la bonne grâce de dédier sa pièce des Ménechmes à Boileau, en se professant son disciple et en lui disant : Le bon sens est toujours à son aise en tes vers ; et Boileau, à quelqu’un qui, pour lui faire la cour, traitait devant lui Regnard de poète médiocre, eut la justice de répondre : « Il n’est pas médiocrement gai. » « Qui ne se plaît pas à Regnard n’est pas digne d’admirer Molière », a dit excellemment Voltaire.

448. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — III. Franklin à Passy. (Fin.) » pp. 167-185

Ce Franklin de 1767, ainsi frisé, poudré et accommodé à la française, et qui s’étonnait d’avoir quitté pour un instant sa perruque plus grave, différait tout à fait du Franklin pur Américain qui reparaissait en 1776, et qui venait demander l’appui de la Cour dans un costume tout républicain, avec un bonnet de fourrure de martre qu’il gardait volontiers sur la tête ; car c’est ainsi qu’il se montra d’abord dans les salons du beau monde, chez Mme Du Deffand, à côté de Mmes de Luxembourg et de Boufflers, et autres puissances : Figurez-vous, écrit-il à une amie, un homme aussi gai qu’autrefois, aussi fort et aussi vigoureux, seulement avec quelques années de plus ; mis très simplement, portant les cheveux gris clairsemés tout plats, qui sortent un peu de dessous ma seule coiffure, un beau bonnet de fourrure qui descend sur mon front presque jusqu’à mes lunettes. […] Le bruit de chaque voiture qui entre dans ma cour suffit maintenant pour m’effrayer. […] Il paraît y avoir réussi à peu près complètement, et, en ce qui le concernait du moins, sa position à la cour de France et la considération affectueuse dont il jouissait n’en furent nullement entamées.

449. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Les Faux Démétrius. Épisode de l’histoire de Russie, par M. Mérimée » pp. 371-388

Élevé dans la ville d’Ouglitch, qui lui avait été donnée en apanage, près de sa mère et de ses oncles, ayant sa petite cour, ses pages ou menins pour le divertir, et probablement des espions pour l’observer, il fut, un jour, trouvé percé d’un couteau à la gorge dans l’enclos où il jouait, sans qu’on ait pu savoir d’où était venu l’accident et si l’enfant s’était tué par mégarde ou avait été frappé par un assassin. […] Des gentilshommes russes exilés, des débiteurs insolvables, « et ces hommes toujours prêts à se jeter dans les révolutions parce qu’ils ont de l’amertume au cœur, selon les paroles du Prophète », s’étaient réunis en Lituanie et lui faisaient une cour que le zèle belliqueux des Polonais allait bientôt changer en une armée. […] Il est probable qu’épuisé par le travail et les veilles, il usa le reste de sa vie dans ses efforts pour montrer un front serein à sa cour.

450. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1853 » pp. 31-55

Jules Delaborde, avocat à la Cour de cassation, nous recommandait de bien nous garder de confier notre défense à un avocat brillant dont le talent pouvait blesser et irriter le tribunal. […] Jamais un procès de presse, même en cour d’assises, n’avait valu à un journaliste de « passer au banc » ; il restait près de son avocat. […] Un cocher de fiacre du xviiie  siècle, blâmé comme nous par une Cour de justice, s’écria, après le blâme : — Mon président, ça m’empêchera-t-il de conduire mon fiacre ?

451. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 5482-9849

Un grand homme & un médiocre peuvent avoir aisément un parti à la cour, dans l’armée, à la ville, dans la Littérature. […] Le maréchal de Catinat, peu considéré à la cour, s’étoit fait un grand parti dans l’armée, sans y prétendre. […] Celles de Londres, excepté celles de la cour, sont souvent remplies de cette indécence que la liberté de la nation autorise. […] Ils ont à la cour de France les mêmes honneurs que les pairs. […] Je vis en paix, je fuis la cour.

452. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » p. 478

PAYS, [René le] de l’Académie d’Arles, né à Nantes en 1636, mort en 1690 ; Bel-Esprit & Poëte de Province, dont les Vers foibles, mais pleins de gaieté, amuserent quelque temps la Cour & la Capitale.

453. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre VII. La littérature et les conditions économiques » pp. 157-190

C’est aussi le moment où la cour et la ville, comme on disait alors, passent sans relâche d’un divertissement à un autre. […] Les dames de la cour, les femmes les plus illustres du temps s’habillent en nymphes ou en bergères, et c’est sous ce travestissement qu’elles ont légué leur portrait à la postérité. […] On sait aussi la cour de lettrés dont s’était entouré le surintendant Fouquet qui trouva en eux ses amis les plus fidèles et ses défenseurs les plus vaillants. […] Aussi lorsque rois, princes et principicules tiennent à honneur de s’entourer d’une petite cour de lettrés qu’ils dispensent du souci de gagner leur pain, il est bien naturel que les adulations montent comme une fumée d’encens vers ces demi-dieux et leurs compagnes. […] Qui sait si l’évolution qui tourna les hommes de la Pléiade contre les réformés ne fut pas déterminée en partie, comme les pamphlets protestants le reprochaient à Ronsard, par les mérites temporels d’une Église si hospitalière aux poètes de cour, fussent-ils suspects d’être à demi païens ?

454. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — IV. La Poësie dramatique. » pp. 354-420

Cette révolution s’est faite sous Charles second, qui vivoit dans les plaisirs, & dont la cour, après celle de Louis XIV, étoit la plus galante de l’Europe. […] Chacun s’en croyoit capable ; & l’un & l’autre sexe, depuis les dames & les seigneurs de la cour jusqu’aux femmes de chambre & aux valets, s’occupoit à cela. […] Si ces derniers n’y vont pas à la ville, ils s’y trouvent du moins à la cour. […] Il y avoit toujours aux spectacles de la cour, un banc qu’on nommoit le banc des évêques. […] On répéte ce propos usé, « que Molière a plus corrigé de défauts à la cour, lui seul, que tous les prédicateurs ensemble ».

455. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article » p. 178

La Reine mere, Anne d’Autriche, répondit au Libraire Bertier, qui n’osoit imprimer la vie du Cardinal de Richelieu, parce que l’Historien y parloit peu avantageusement de plusieurs Seigneurs de la Cour : Travaillez sans crainte, & faites tant de honte au vice, qu’il ne reste plus que de la vertu en France.

456. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » p. 110

Il est très-vraisemblable que M. le Marquis de Dangeau, un des Seigneurs les plus accrédités à la Cour de Louis XIV, ait pu éclaircir beaucoup de faits, donner le nœud de certaines intrigues, & dévoiler les ressorts de la plupart des événemens de son temps ; mais une chose inconciliable, c’est de voir l’Auteur du Siecle de Louis XIV, tantôt le citer pour appuyer ce qu’il dit, tantôt rejeter son témoignage, en attribuant à un Valet de chambre imbécille les Mémoires qui portent son nom.

457. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » p. 395

GERVAISE, [Dom Armand-François] frere du précédent, Carme Déchaussé, puis Abbé de la Trappe, mort ensuite simple Religieux à l’Abbaye de Notre-Dame des Reclus, dans le Diocese de Troies, où il avoit été enfermé par ordre de la Cour.

458. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » p. 459

Sa Cour Sainte ne mérite pas les railleries qu’en a faites le Marquis d’Argens : cet Ouvrage respire la piété, la douceur, une morale pure, & est écrit d’un style supérieur à celui de bien de Ecrivains de son temps.

459. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article » p. 156

Cet Auteur vécut long-temps à la Cour, où il n’employa son crédit que pour rendre service.

460. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » p. 481

Il fut soutenu dans cette entreprise par feu M. le Duc d’Orleans, père de celui d’aujourd’hui ; & ce fut par la protection de ce Prince qu’il obtint de la Cour de Madrid tous les Mémoires dont il avoit besoin.

461. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — O. — article » p. 429

Il y a un autre Auteur du même nom, Conseiller en la Cour des Monnoies, né aussi à Reims en 1736, dont nous connoissons quelques Poésies fugitives, qui supposent le talent d’exprimer de petites choses d’une maniere aussi facile qu’agréable, & un Dictionnaire des origines, qui donne une idée trop succincte des objets qui en font la matiere.

462. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (4e partie) » pp. 81-143

C’était là tout ce que les passants pouvaient entrevoir ; mais en arrière du pavillon il y avait une cour étroite et au fond de la cour un logis bas de deux pièces sur caves, espèce d’en-cas destiné à dissimuler au besoin un enfant et une nourrice. […] La maison, nous venons de le dire, était encore à peu près meublée des vieux ameublements du président ; le nouveau locataire avait ordonné quelques réparations, ajouté çà et là ce qui manquait, remis des pavés à la cour, des briques aux carrelages, des marches à l’escalier, des feuilles aux parquets et des vitres aux croisées, et enfin était venu s’installer avec une jeune fille et une servante âgée, sans bruit, plutôt comme quelqu’un qui se glisse que comme quelqu’un qui entre chez soi. […] Lui, il habitait l’espèce de loge de portier qui était dans la cour du fond, avec un matelas sur un lit de sangle, une table de bois blanc, deux chaises de paille, un pot à l’eau de faïence, quelques bouquins sur une planche, sa chère valise dans un coin, jamais de feu.

463. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1858 » pp. 225-262

Et d’abord une grande pièce éclairée par le jour morne d’une cour, et, tout autour, dans des poses affaissées et pleurantes, les hardes de la morte, hardes de femmes, hardes de reines ; les sorties de bal de satin blanc et les robes d’Athalie, tous les chiffons-reliques de ce corps, tous les costumes de cette gloire, accrochés en grappes, comme aux murs d’une Morgue, avec un aspect d’enveloppes fantomatiques et de vêtements ondoyants et radieux de rêves, immobilisés et morts au premier rayon du jour. […] Un jeune homme, qu’elle croit un architecte, lui fait la cour. […] Chez Saint-Victor, 49, rue de Grenelle Saint-Germain, au fond d’une grande cour, un petit salon aux murs tout couverts de dessins de Raphaël et des grands maîtres italiens, fac-similés par Leroy. […] 15 août … La table est mise dans la cour, entourée d’un treillage vert attendant les plantes grimpantes, et à l’entrée de laquelle se tiennent scellés deux beaux ânes gris, harnachés de rouge et tout pomponnés de houppettes à l’espagnole.

464. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1877 » pp. 308-348

C’est particulier comme ce romancier de cour a gardé un cachet de province. […] La proclamation de l’union de l’homme et de la femme, dans ces endroits civils, ressemble vraiment trop à la condamnation prononcée par un président de Cour d’assises. […] Un parc qui rappelle en grand le Petit-Trianon, et dans lequel coule une vraie rivière, une cour d’honneur digne d’un Marly, des amas de curiosités, parmi lesquelles il y a une collection de livres et de reliures qui vaut plus d’un million, des armoires toutes pleines de vieilles dentelles, dans lesquelles, il y a de quoi fabriquer des robes de 30 000 francs, etc., etc., etc. […] Après déjeuner, une partie de boule dans la cour.

465. (1913) La Fontaine « VII. Ses fables. »

Selon que vous serez puissant ou misérable, Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir. C’est donc une satire contre la magistrature, ou contre la cour, on peut hésiter ; c’est une satire contre les jugements humains ; d’une façon plus générale, c’est une satire sur les jugements des hommes. Selon que vous serez puissant ou misérable, Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir. […] Vous les retrouvez dans la Cour du lion, qui est absolument une fable anthropologique, où il n’est question que de l’homme.

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