Tant pis pour le public, pour ce « tas de bourgeois », s’il ne comprend pas. […] Non, dirait Boileau : quand même j’ai la connaissance du fait, je ne saurais encore me passer de comprendre le fait. […] Boileau n’eût pas compris que l’impersonnalité et l’objectivité eussent pour conséquences l’impassibilité ; et il est curieux que ce sévère pontife de la raison soit justement l’homme qui ait le plus fortement maintenu les droits de l’imagination et de la sensibilité au théâtre. […] N’en rions pas trop : Chénier et Musset, qui sont des poètes, et que la suave mélodie des noms antiques a jetés plus d’une fois dans des rêves peuplés de visions charmantes, comprendraient ce que dit Boileau des « noms heureux » qui semblent nés pour les vers. […] Et de même Perrault a tort de ne pas comprendre que Pindare « sort de la raison afin de mieux entrer dans la raison même ».
Il n’y comprit rien, et son transcendant dut trouver ma précision bien terre à terre. […] Ce pauvre Flaubert ne put jamais comprendre ce que Sainte-Beuve raconte, dans son Port-Royal, de ces solitaires qui passaient leur vie dans la même maison en s’appelant monsieur jusqu’à la mort. […] Mes études, vivement continuées hors du séminaire, me confirmèrent si absolument dans mes présomptions contre la théologie orthodoxe, qu’au bout d’un an j’avais peine à comprendre comment autrefois j’avais pu croire. […] Les femmes ont, en général, compris ce que ma réserve affectueuse renfermait de respect et de sympathie pour elles. […] Je l’avoue, dans la première partie de ma vie, je mentais assez souvent, non par intérêt, mais par bonté, par dédain, par la fausse idée qui me porte toujours à présenter les choses à chacun comme il peut les comprendre.
Même les personnes les plus hostiles à l’ensemble de vues artistiques qu’on comprend sous le nom de Wagnérisme, ou les plus ignorantes de ce système, même celles-là admettent Lohengrin. […] quel public l’aurait compris ? […] La majorité des hommes comprendra donc toujours plus facilement le doute que la foi ; il est à la portée de presque toutes les intelligences. […] Qui comprend Senta, Élisabeth, Brünnehilde, Kundry ? Qui peut ne pas comprendre Elsa ?
Leur vie est à la fois naïve et sublime ; ils célèbrent les dieux avec une bouche d’or, et sont les plus simples des hommes ; ils causent comme des immortels ou comme de petits enfants ; ils expliquent les lois de l’univers, et ne peuvent comprendre les affaires les plus innocentes de la vie ; ils ont des idées merveilleuses de la mort, et meurent sans s’en apercevoir, comme des nouveau-nés. » Ce qu’il faut exclure, c’est la théorie qui, dans l’art, demeure indifférente au fond. […] Victor Hugo avait compris du premier coup et beaucoup mieux que ses successeurs, que l’idée, inséparable de l’image, est la substance de la poésie lyrique elle-même. […] Il est dans la nature même du poète d’être grand surtout en surface : il doit voir et sentir plus que s’appesantir, il doit tout effleurer et tout comprendre ; il reflète ; c’est le miroir d’une génération, d’une époque ; sa profondeur est le plus souvent intuition. […] Au lieu de se perdre dans l’admiration béate de l’optimisme pour cette grande Nature insoucieuse, au lieu de chérir ce qui ne sent pas et n’aime pas, c’est l’homme à qui il faut réserver nos tendresses. « J’ai vu la nature, et j’ai compris son secret, Et j’ai dit à mes yeux qui lui trouvaient des charmes : « Ailleurs tous vos regards, ailleurs toutes vos larmes ; Aimez ce que jamais on ne verra deux fois ! […] On comprend maintenant pourquoi, à chaque instant, chez Musset, le rire ou la moquerie se fond en tristesse : Qu’est-ce donc ?
Par lui, lorsqu’on le comprend bien, on remonte à Homère, et par Homère, le magnus parens, on tient l’origine de cette civilisation gréco-romaine dont Virgile et Auguste datent et résument le développement harmonieux et final, car le Christianisme va naître. […] Alors il l’aurait entièrement compris. […] Pour bien le comprendre, il faut l’élever. […] Le meilleur du génie du chantre d’Énée, dont la conception a été du reste très bien comprise par Sainte-Beuve, c’est d’être un Latin, le génie latin dans une organisation divine. […] Mais moi, j’aurais jeté au feu ce paquet par intérêt pour Sainte-Beuve, dont je comprends la réputation mieux que vous !
Renan, le Trublet de la philosophie, ramasse, dans Kant, comme un bout de cigare fumé, l’impératif catégorique, ce petit fil d’archal de l’impératif catégorique que Kant a cloué entre les jambes de l’homme pour que, dans la suppression de Dieu, on pût comprendre quelque chose aux gesticulations de ce pantin. […] Le flot des faits qui viennent sur lui en masse et qu’il lui est impossible de ne pas voir, puisqu’il n’estime, en lui, que la faculté du regard qui observe et qui voit ce qui est, et qu’il appelle la science ; ce flot de faits tue la thèse rationaliste et impie, et d’autant plus sûrement qu’il ne comprend pas qu’elle va mourir et qu’il ne fait rien pour la défendre ! […] De même qu’il n’a pas conclu, du fait aperçu de l’Église, à la nécessité du surnaturalisme dans l’Histoire, de même il n’a pas conclu contre son Marc-Aurèle de l’état surnaturellement religieux d’une époque à laquelle il est impossible de rien comprendre sans ce surnaturalisme, lequel, dans les grandes choses humaines, revient sur vous comme une mer, quand on croyait ravoir chassé ! […] » — « Nous ne comprenons pas le galant homme sans un peu de scepticisme. — (Pourquoi seulement un peu ?) […] Vous comprenez bien que je ne voudrais pas me réempétrer dans toutes ces affreuses bouillies allemandes dont je suis sorti, — et la France avec moi, — la France, qui a pétillé deux jours pour ces impiétés savamment sottes, mais qui a fini par les trouver ce qu’elles sont : impuissantes et ennuyeuses.
Zola eut jusqu’ici la fortune regrettable d’être bassement et grossièrement bafoué par les uns, hyperboliquement grandi par les autres, en somme presque jamais compris dans sa véritable essence. […] « Littérature d’embaumement, — art réactionnaire d’aristocratie et de révélation… Je comprends, ajoute-t-il, que vous ne vouliez pas être confondus avec un homme qui aime les halles, les gares, les grandes villes modernes, les foules qui les peuplent, la vie qui s’y décuple, dans l’évolution des sociétés actuelles. […] Il ne comprend pas que la physique et la métaphysique — cette dernière, véritable et organique, j’entends — ne sont en rien dissociées par les découvertes scientifiques, qu’elles ne sont au fond qu’une seule et même chose entrevue de deux points différents, se rattachant, comme l’univers entier, au principe d’unité, au principe moniste dont nous avons parlé. […] Assurément je comprends le brusque et sincère mouvement de cet homme écœuré des mensonges de la convention : mais il n’en est pas moins vrai qu’il se trompe, et je lui préfère de beaucoup celui qui portera instinctivement son intérêt à l’arbre entier, à l’écorce rude comme aux fleurs subtiles, aux racines noueuses aussi bien qu’aux feuilles légères, à la branche comme au fruit. […] « Et malgré nos réserves, (dont vous devez, en partie du moins, comprendre la justesse), c’est la sympathie puissante qui l’emporte pour votre œuvre saine et forte, et nous ne sommes pas près d’oublier quelques-unes de vos pages admirables sur les bêtes, sur l’art ; sur la femme, sur l’humanité.
Pour observer les rois, aujourd’hui, nous serions obligés de voyager, ce qui est une condition fâcheuse pour tout comprendre. […] Nous avons déjà tant de peine à rendre l’aspect extérieur d’une terre étrangère, à comprendre à moitié les usages de ses habitants, leurs plaisirs, leur politesse et le goût particulier qu’ils trouvent à la vie ! […] Ils ne comprennent rien à l’énigme de la terre. […] Une plume si fine et si chaste, la faculté de comprendre et d’exprimer entièrement le sens de ces mots qui nous sont mal connus : le silence, le recueillement, le voile, l’oraison. […] Je ne l’ai jamais si bien compris qu’un jour, où il me fut donné d’assister à un spectacle très rare.
Entouré de la famille la plus aimable et la plus aimée, d’une famille que l’adoption dès longtemps n’avait pas craint de faire plus nombreuse, de ses quatre petits-enfants qui Jouaient la veille encore, ne pouvant rien comprendre à ces approches funèbres, de sa charmante fille, sa plus fidèle image, son œuvre gracieuse la plus accomplie, Nodier a traversé les heures solennelles au milieu de tout ce qui peut les soutenir et les relever ; si une pensée de prévoyance humaine est venue par moments tomber sur les siens, elle a été comprise, devinée et rassurée par la parole d’un ministre, son confrère, l’ami naturel des lettres193. […] C’est un honneur de ce pays-ci et de cette France, on l’a remarqué, que l’esprit, à lui seul, y tienne tant de place, que, dès qu’il y a eu sur un talent ce rayon du ciel, la grâce et le charme, il soit finalement compris, apprécié, aimé, et qu’on sente si vite ce qu’on va perdre en le perdant.
Léda n’avait pas compris que le Cygne l’avait possédée. […] Schwob s’étaye d’une assertion de Chamfort : « Il y a à parier que toute idée publique est une sottise, car elle a convenu au plus grand nombre. » Qu’il me permette de rapprocher le sixième Soliloque sceptique de Lamothe le Vayer : « Quand le vulgaire — et la pourpre et le cordon bleu en font partie — a une fois épousé une opinion pour absurde qu’elle soit, il se raidit d’autant plus à la maintenir qu’elle est déraisonnable et absolument opposée à la vérité, qui, n’est ni escoutée, ni comprise par la folle et ignorante multitude. » Tout de même, et malgré l’autorité de Chamfort, de Lamothe et de Marcel Schwob, il n’est pas de sincère exactitude (et aucun historien de mœurs n’admettra) qu’une collectivité choisisse jamais des opinions absurdes, c’est-à-dire à elle fâcheuses. Le fait est que le peuple, y compris la pourpre et le cordon bleu, a été désaccoutumé par force à se faire une opinion ; contrairement à la théorie de Taine, il est avéré que les événements maniés par quelques individus (appelés « grands hommes » dans le vocabulaire de la méthodologie historique) déterminent le plus souvent ses avis intellectuels comme ses mœurs.
VI La science, en général, peu comprise et ridiculisée. La science n’est comprise qu’en vue de l’école et de l’enseignement. […] Difficulté de comprendre ces œuvres d’un autre âge.
Il faut se rappeler ici que la condition essentielle de la vraie critique est de comprendre la diversité des temps, et de se dépouiller des répugnances instinctives qui sont le fruit d’une éducation purement raisonnable. […] Ajoutons que Jean est le seul évangéliste qui ait une connaissance précise des relations de Jésus avec la famille de Béthanie, et qu’on ne comprendrait pas qu’une création populaire fût venue prendre sa place dans un cadre de souvenirs aussi personnels. […] On comprend, en effet, que sous ce régime de pontificat annuel et transmis à tour de rôle selon le caprice des procurateurs, un vieux pontife, ayant gardé le secret des traditions, vu se succéder beaucoup de fortunes plus jeunes que la sienne, et conservé assez de crédit pour faire déléguer le pouvoir à des personnes qui, selon la famille, lui étaient subordonnées, devait être un très important personnage.
Autant dire qu’on ne peut étudier un auteur que si tout le monde le comprend de même façon et adopte, par conséquent, une traduction unique. […] S’il vous en faut une à tout prix, il vous reste la ressource de le traduire vous-même ; mais cela ne vous avancera pas beaucoup, car, même en sachant le grec, qui vous dit que vous comprendrez bien Homère ? […] Loin de prouver qu’Homère nous est inaccessible, le nombre même des traductions montre, au contraire, qu’il est compris, jusqu’au point où il peut l’être, par beaucoup d’admirateurs sincères.
Il est vrai que l’amour de Dieu est l’amour que nous comprenons le moins de tous les amours mystérieux du cœur de l’homme… Mais voyons, messieurs les penseurs ! […] Il devait être, et je me servirai de ce mot mondain pour être mieux compris des gens du monde : il devait être le Lépreux de la cité d’Aoste de la pauvreté. […] Et les poètes, et les romanciers, et tous les inventeurs littéraires l’ont compris !
Il était une équation superbe entre l’âme humaine et l’Absolu, à laquelle ceux qui ne sont pas au courant de la mathématique de l’Absolu et de l’âme ne comprennent et ne comprendront jamais rien, l’ai entendu quelquefois dire aux abjects de ce temps abject, qui ne regardent que la terre où ils mettent leurs pieds de devant comme ils y mettent leurs pieds de derrière, que le naturel divin de Lamartine n’était pas du naturel. […] L’idéalité de la politique de Lamartine a été moins comprise que ne l’avait été l’idéalité de sa poésie ; car la France de ce temps-là, qui valait mieux que celle de ce temps-ci, fut littéralement enivrée, quand elles parurent, de l’éther pur de cette poésie inconnue des Méditations, qu’on n’avait jamais respirée.
La guerre vient de nous apprendre que nos cœurs parfois contractés, irrités, possédaient chacun la faculté d’aimer, de comprendre, d’aider les cœurs et les esprits qu’ils croyaient adversaires. […] Pour équilibrer ces divers chapitres, il me fallut chercher des « textes » que mes correspondants spontanés ne me donnaient pas, et ces documents qui me vinrent de « familles » avec lesquelles je suis moins parent, je dus me préoccuper de les comprendre exactement dans l’esprit ou ils avaient été écrits. […] Joseph Bédier, l’éminent maître dont la science et la délicatesse m’aidaient à comprendre la réalité héroïque d’aujourd’hui comme la légende épique d’autrefois.
Élisabeth d’Autriche l’avait compris. […] Pour comprendre le monde, Jules Renard use moins de son intelligence que de ses sens. […] Qu’elle tâche de comprendre et de respecter son silence. […] Il comprend et aime aussi l’Alsace, à laquelle un de ses livres est consacré. […] Il a compris que la « pitié, c’est la mort ».
Mais il vaut mieux comprendre un métier étroitement que de le comprendre avec une largeur et une indifférence qui le confondent avec n’importe quel métier. […] Les œuvres du passé ne sauraient être comprises et jugées que par ceux qui savent le passé. […] Pour les Goncourt cela se comprend. […] Mais le critique n’a pas seulement à goûter ; il a encore à comprendre et à créer. […] C’est un point de vue que les étrangers ne comprennent qu’avec difficulté.
On comprend donc que tout organe saisisse avec plaisir une occasion de s’exercer, même si cette occasion n’est pas utile et sérieuse. […] Il faut même une certaine éducation artistique pour comprendre ce que Rosenkranz a appelé l’esthétique du laid. […] On comprend fort bien l’influence morale qu’exerce l’apparition d’une flotte de guerre chez des peuples à demi primitifs. […] Ces défauts, qui n’ont pas toujours été compris des amis de l’antiquité, tenaient à la nature même des langues anciennes. […] C’est ce qu’a compris V.
J’ai tant hurlé ma tristesse, qu’elle a été comprise et partagée… tu devines par qui ? […] Lacaussade ; mais il est si malheureux qu’il comprend le sauve qui peut des âmes qui ne se jettent pas dans la lutte, et qui vont s’enfermer, croyant tout fuir… Ce serait là pour nous l’erreur la plus funeste ; et c’est en cela que j’ai peur pour l’autre s’il l’a osé ; je dis si, ma Pauline, car personne encore ne croit tout à fait à ce bruit que rien ne confirme, et que l’on fait toujours courir sur ceux que l’Italie attarde et rend affreusement paresseux d’écrire. […] Les affligés entre eux doivent se comprendre, plus encore le dimanche que les autres jours, mon Dieu ! […] Sans être plus méchants que nous, les riches ne peuvent absolument pas comprendre que l’on n’ait pas toujours assez pour les besoins les plus humbles de la vie. […] Rien ne se guérit dans mon triste cœur ; mais aussi rien n’y sèche, et tout est vivant de mes larmes. » Cette dernière sœur elle-même mourait ; la mesure des deuils était comblée, et il y eut des moments où, dans sa plénitude d’amertume, l’humble cœur jusque-là sans murmure ne put toutefois s’empêcher d’élever des questions sur la Providence, comme Job, et de se demander le pourquoi de tant de douleurs et d’afflictions réunies en une seule destinée : « (A sa nièce, 30 janvier 1855)… J’ai depuis bien longtemps la stricte mesure de mon impuissance ; mais tu comprends qu’elle se fait sentir par secousses terribles quand je sonde l’abîme de tout ce qui m’est allié par le cœur et par la détresse.
Voltaire s’effare, écrit à tous ses amis, à l’Académie française : mais rien ne menace même son repos, il se rassure ; et cette alerte lui fait comprendre tous les avantages de la position. […] Tout le monde le comprit ainsi, et les « frères » saluèrent avec-joie le maître qui leur venait. […] De là la misérable étroitesse de sa critique religieuse : il ne sut comprendre ni l’essence du christianisme, ni son rôle consolateur et civilisateur. […] Une critique plus large, plus profonde, plus juste, qui comprend les religions en dissolvant les dogmes, qui admire la fonction, l’efficacité, la beauté des croyances auxquelles elle retire la réalité de leur objet, une critique non moins rationnelle, plus scientifique et plus savante, plus respectueuse et plus bienveillante précisément à cause de cela, a remplacé la critique voltairienne. Mais il faut dire deux choses à la décharge de Voltaire : d’abord qu’il attaquait, non pas la religion idéale, mais l’Église de son temps ; et il est excusable de n’avoir pas compris celle-là en regardant celle-ci.
Et c’est dans une école ecclésiastique qu’il a passé son enfance, ce qui est, je crois, un grand avantage, car souvent les exercices de piété y font l’âme plus douce et plus tendre ; la pureté a plus de chance de s’y conserver, au moins un temps, et (sauf le cas de quelques fous ou de quelques mauvais cœurs), quand plus tard la foi vous quitte, on demeure capable de la comprendre et de l’aimer chez les autres, on est plus équitable et plus intelligent. […] De même que la Leuconoé aux inquiétudes ineffables, l’âme moderne, « consulte tous les dieux », non plus pour y croire comme la courtisane antique, mais pour comprendre et vénérer les rêves que l’énigme du monde a inspirés à nos ancêtres et les illusions qui les ont empêchés de tant souffrir. […] C’est un homme tout neuf, non déformé, parfaitement original ; c’est l’être qui reçoit des choses et du monde entier les impressions les plus directes et les plus vives, pour qui tout est étonnement et féerie ; qui, cherchant à comprendre le monde, imagine des explications incomplètes qui en respectent le mystère et sont par là éminemment poétiques. […] Sois bénie pour le don que tu mis sur mon berceau en t’y penchant seulement ; sois bénie pour m’avoir révélé, quand je naissais à peine à la pensée, les tourments délicieux que la beauté donne aux âmes avides de la comprendre ; sois bénie par celui qui fut l’enfant que tu soulevas de terre pour chercher la couleur de ses yeux ! […] Je crois les comprendre et les sentir entièrement ; mais je les aime tant que je n’ai pu les analyser sans un peu de trouble.
On est donc amené à replacer l’époque dont on s’occupe dans l’ensemble de l’évolution littéraire de la nation ; à comprendre qu’elle est elle-même, à certains points de vue, partie intégrante de périodes plus vastes ; qu’elle est seulement une phase dans la transformation incessante des êtres. […] Bossuet sème ses discours chrétiens de latinismes, et quand il résume à l’usage de son royal élève l’histoire de l’humanité, c’est le peuple romain qu’il comprend le mieux et admire le plus. […] De là aussi le manque de sens historique chez les très médiocres historiens qui travaillent à conter élégamment des faits qu’ils ne comprennent pas. […] Ces principes ne comprennent pas toute la philosophie de Descartes ; mais ils résument ce qui en est le plus apparent, ce qui frappe le plus la génération de Louis XIV. […] Ainsi, dans l’époque que nous avons résumée plus haut, la poésie dramatique et la littérature religieuse me paraissent avoir droit aux deux premiers rangs, et ce rapprochement seul de deux genres qui se ressemblent si peu, qui sont même, à certains égards, en pleine opposition, fait comprendre à merveille cette société catholique et mondaine qui voltige avec aisance du théâtre au sermon et se partage entre l’Église et les plaisirs du siècle.
Tandis que le poète désabusé observe ainsi et raille, Napoline aime encore et croit : voilà le piquant de ce petit poème, qui n’a pas été, ce me semble, assez compris ni goûté. […] Si l’on ne savait un peu l’histoire par avance, on ne comprendrait pas. […] Le Nil, le climat d’Égypte, le soleil d’Afrique, deviennent successivement des thèmes à des tirades plus ou moins magnifiques : mais cette vérité qui sort, qui par endroits éclate d’une époque bien comprise ou de la nature humaine vue dans tous les temps, ne la demandez pas. […] Il y a longtemps que j’ai traversé ces misères. » Elle entendit et comprit le génie du temps ; elle se figura que le beau Dunois lui-même, de nos jours, n’irait plus en Syrie, mais qu’il fonderait un journal. […] Ses bonnes qualités se retrouvent là en nature, à leur source, et quand on la voit, on comprend encore cet éloge que lui accordent unanimement ceux qui l’ont beaucoup vue sous sa première forme de Delphine, « que, connaissant comme elle faisait ses avantages naturels, elle n’en usait ni pour tourmenter les hommes, ni pour accabler les femmes. » Plume en main, elle n’est pas toujours ainsi.
Nous pouvons par là comprendre pourquoi, comme le remarque Bain, le toucher est toujours sous-entendu dans toutes les émotions tendres, pourquoi chaque créature est disposée à « donner quelque chose » pour le plaisir premier de l’embrassement, même lorsqu’il n’est que paternel ; pourquoi enfin ce plaisir de l’embrassement se retrouve au fond de toutes les affections bienveillantes, familiales ou sociales. […] Pour comprendre le rayon de soleil, il faut vibrer avec lui ; il faut aussi, avec le rayon de lune, trembler dans l’ombre du soir ; il faut scintiller avec les étoiles bleues ou dorées ; il faut, pour comprendre la nuit, sentir passer sur nous le frisson des espaces obscurs, de l’immensité vague et inconnue. Pour sentir le printemps, il faut avoir au cœur un peu de un peu de la légèreté de l’aile des papillons, dont nous respirons la fine poussière répandue en quantité appréciable dans l’air 2° Pour printanier, comprendre un paysage, nous devons l’harmoniser avec nous-même, c’est-à-dire l’humaniser. […] Si je suis ému par la vue d’une douleur représentée, comme dans le tableau de la Veuve du soldat, c’est que cette parfaite représentation me montre qu’une âme a été comprise et pénétrée par une autre âme, qu’un lien de société morale s’est établi, malgré les barrières physiques, entre le génie et la douleur avec laquelle il sympathise : il y a donc là une union, une société d’âmes réalisée et vivante sous mes yeux, qui m’appelle moi-même à en faire partie, et où j’entre en effet de toutes les forces de ma pensée et de mon cœur.
Certains poètes sont sujets, dans le dramatique, à de longues suites de vers pompeux, qui semblent forts, élevés, et remplis de grands sentiments ; le peuple écoute avidement, les yeux élevés et la bouche ouverte, croit que cela lui plaît, et à mesure qu’il y comprend moins l’admire davantage, il n’a pas le temps de respirer, il a à peine celui de se récrier et d’applaudir. […] Quelques-uns de ceux qui ont lu un ouvrage en rapportent certains traits dont ils n’ont pas compris le sens, et qu’ils altèrent encore par tout ce qu’ils y mettent du leur ; et ces traits ainsi corrompus et défigurés, qui ne sont autre chose que leurs propres pensées et leurs expressions, ils les exposent à la censure, soutiennent qu’ils sont mauvais ; et tout le monde convient qu’ils sont mauvais : mais l’endroit de l’ouvrage que ces critiques croient citer, et qu’en effet ils ne citent point, n’en est pas pire. […] Dans quelques-unes de ses meilleures pièces il y a des fautes inexcusables contre les mœurs, un style de déclamateur qui arrête l’action et la fait languir ; des négligences dans les vers et dans l’expression qu’on ne peut comprendre en un si grand homme. […] L’on n’écrit que pour être entendu ; mais il faut du moins en écrivant faire entendre de belles choses : l’on doit avoir une diction pure, et user de termes qui soient propres, il est vrai ; mais il faut que ces termes si propres expriment des pensées nobles, vives, solides, et qui renferment un très beau sens ; c’est faire de la pureté et de la clarté du discours un mauvais usage que de les faire servir à une matière aride, infructueuse, qui est sans sel, sans utilité, sans nouveauté : que sert aux lecteurs de comprendre aisément et sans peine des choses frivoles et puériles, quelquefois fades et communes, et d’être moins incertains de la pensée d’un auteur, qu’ennuyés de son ouvrage. […] Les esprits justes, doux, modérés, non seulement ne les atteignent pas, ne les admirent pas, mais ils ne les comprennent point, et voudraient encore moins les imiter ; ils demeurent tranquilles dans l’étendue de leur sphère, vont jusques à un certain point qui fait les bornes de leur capacité et de leurs lumières, ils ne vont pas plus loin, parce qu’ils ne voient rien au-delà ; ils ne peuvent au plus qu’être les premiers d’une seconde classe, et exceller dans le médiocre.
Jusqu’à présent les artistes seuls ont compris tout ce qu’il y a de sérieux là-dedans, et que c’est vraiment matière à une étude. […] Avec cette espèce d’argot plastique, on était le maître de dire et de faire comprendre au peuple tout ce qu’on voulait. […] On regarde, on a compris. […] Comme Gavarni est moins artiste, il est plus facile à comprendre pour eux. […] Il faudra feuilleter ces œuvres-là pour comprendre l’histoire des dernières années de la monarchie.
Si votre mémoire ne se retrace pas le sujet des allusions, votre esprit ne vous suffit pas pour comprendre la gaieté de ces écrits ; et s’il faut réfléchir à une plaisanterie pour en découvrir le sens, tout son effet est manqué. Le spectateur entre tout à fait dans l’illusion de la tragédie ; il s’intéresse assez au héros de la pièce, pour comprendre des mœurs étrangères, pour se transporter dans des pays entièrement nouveaux.
Il faut comprendre aussi que l’expression qui est à l’état de cliché dans un style, peut se trouver dans un autre à l’état d’image renouvelée. […] Si on bannissait de telles locutions, la littérature deviendrait une algèbre qu’il ne serait plus possible de comprendre qu’après de longues opérations analytiques ; si on les récuse parce qu’elles ont trop souvent servi, il faudrait se priver encore de tous les mots usuels et de tous ceux qui ne contiennent pas un mystère.
Qu’est-ce que j’apprends quand vous me dites que l’homme est un animal raisonnable, ou que le triangle est un espace compris entre trois lignes ? […] Comprenons donc exactement la nature de notre connaissance : elle s’applique ou aux mots, ou aux êtres, ou à tous les deux à la fois. […] Nous n’avons qu’à regarder les éléments qui la composent et les événements dont elle part pour comprendre que sa portée est restreinte. […] Nous pouvons maintenant comprendre la vertu et le sens de cet axiome des causes qui régit toutes choses, et que Mill a mutilé. […] The definition above given of a triangle, obviously comprises not one, but two propositions, perfectly distinguishable.
Qu’est-ce que j’apprends quand vous me dites que l’homme est un animal raisonnable, ou que le triangle est un espace compris entre trois lignes ? […] Comprenons donc exactement la nature de notre connaissance : elle s’applique ou aux mots, ou aux êtres, ou à tous les deux à la fois. […] Nous n’avons qu’à regarder les éléments qui la composent et les événements dont elle part pour comprendre que sa portée est restreinte. […] Nous pouvons maintenant comprendre la vertu et le sens de cet axiome des causes qui régit toutes choses, et que Mill a mutilé. […] The definition above given of a triangle, obviously comprises not one, but two propositions, perfectly distinguishable.
(J’espère que s’ils lisaient ceci, ils comprendraient à quel point de vue enfantin je me replace pour l’écrire. […] — Oui, — comprends-tu ? […] Le grand point, c’est d’être compris. […] Nemours la comprendra bien. […] Je commençais à comprendre.
Combien l’ont compris ? […] Vous comprenez, ça m’est égal à moi. […] Nous ne la comprenons peut-être pas tout à fait. […] Il semble que la vieille chanson, toujours entendue, soit présentement mal comprise. […] Malheur à la religion qui ne le comprendra pas !