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1215. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Saint-Simon considéré comme historien de Louis XIV, par M. A. Chéruel »

Il faut bien s’entendre toutefois : on aura beau faire, Mme de Maintenon est peu intéressante, peu sympathique (comme on dit aujourd’hui), par son caractère, par sa conduite, par son art, par sa prudence même, et par la fortune où elle a su atteindre. […] Avouez toutefois qu’on profite grandement de lui pour connaître les personnages, même lorsqu’on ne les accepte pas tout entiers de sa main tels qu’il les fait : il vous procure de belles avances pour les peindre, même lorsqu’on ne le suit pas jusqu’au bout. Vous avez déjà, grâce à lui, une belle base pour le contrecarrer et le contredire. […] Il a rassemblé quantité de témoignages du temps qui sont tous à la louange de ce premier président, et notamment des passages de Mme de Sévigné où il est appelé une belle âme. […] Je conçois Saint-Simon exagérant, prenant et présentant pour un scélérat ou un coquin fini quelqu’un qui n’est coquin qu’à demi ; mais prendre pour un fourbe un parfait homme de bien et une belle âme, cela me paraît difficile à lui ; il a le flair de la vertu et du vice. — Eh !

1216. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

quand on est bien élevé et bien appris, on aime à glisser, à ignorer le plus qu’on peut de certaines misères, à regarder surtout les beaux côtés. […] » lui disait un jour de bonne humeur Napoléon. — Et en un autre jour de moins belle humeur : « Monsieur de Talleyrand, comment avez-vous fait pour devenir si riche ?  […] de Talleyrand : « Ce ministre, qui posséda si éminemment, dit-il, l’art de la société, et qui en a si souvent usé avec succès, tantôt pour imposer à ceux qu’on voulait détruire, en leur faisant perdre contenance, tantôt pour attirer à lui ceux dont on voulait se servir, fit à M. de Senfft un accueil assez froid (avril 1806). » Ce ne fut qu’un peu plus tard, lorsque M. de Talleyrand eut quitté le ministère et perdu la faveur, que Mme de Senfft, personne distinguée et généreuse, — ce qu’on appelle une belle âme, — se sentit prise pour lui d’une sorte d’attrait et de beau zèle, d’un mouvement admiratif qui n’échappa point au personnage et qui fixa pour l’avenir l’agrément de leurs relations. […] » Ce mot d’homme d’esprit est fort sage : en effet, le moment arrive assez vite, pour tout nom célèbre, où il est rassasié et comme saturé de tout ce qu’il peut porter et contenir de propos en l’air et de médisances : à partir de ce moment, on a beau dire et écrire, rien ne mord plus, rien n’a prise sur lui, tout glisse, et le nom désormais garanti est partout reçu à son titre, et compté pour ce qu’il vaut. […] c’est perdre une partie à beau jeu.

1217. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE SOUZA » pp. 42-61

Ce qui manque, c’est du calme et de la fraîcheur, c’est quelque belle eau pure qui guérisse nos palais échauffés. » Cette qualité de fraîcheur et de délicatesse, cette limpidité dans l’émotion, cette sobriété dans la parole, ces nuances adoucies et reposées, en disparaissant presque partout de la vie actuelle et des œuvres d’imagination qui s’y produisent, deviennent d’autant plus précieuses là où on les rencontre en arrière, et dans les ouvrages aimables qui en sont les derniers reflets. […] Ne possédant rien à eux, ils apprirent, comme le pauvre, à faire leur délassement d’une promenade, leur récompense d’un beau jour, enfin à jouir des biens accordés à tous. » Mme de Souza d’ordinaire s’arrête peu à décrire la nature ; si elle le fait ici avec plus de complaisance, c’est qu’un souvenir profond et consolateur s’y est mêlé. […] Ces types de beaux jeunes gens mélancoliques, comme le marquis de Fargy, comme ailleurs l’Espagnol Alphonse, comme dans Eugénie et Mathilde le Polonais Ladislas, tombent volontiers dans le romanesque, tandis que le reste est de la vie réelle saisie dans sa plus fine vérité. […] On était moins difficile du temps de la Princesse de Clèves, on l’était moins du temps même où parut Mademoiselle de Clermont : on ne saurait s’en plaindre ; si cette charmante nouvelle n’était pas faite heureusement, pourrait-elle se tenter aujourd’hui qu’on a lu dans le méchant grimoire de la Princesse Palatine : « Madame la Duchesse avait les trois plus belles filles du monde. […] Le savant éditeur n’en a peut-être pas saisi le principal caractère et le Irait distinctif, quand il y voit surtout « la candeur d’un belle âme. » Mme de Souza, femme de monde si une et si peut-être qu’on le lui donnât par contraste et opposition avec son amie Mme d’Albany ; elle eût été étonnée à coup sûr qu’on la presque à titre de témoin à décharge sur le compte de cette dernière comme au criminel.

1218. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVe entretien. Littérature grecque. L’Iliade et l’Odyssée d’Homère » pp. 31-64

je vous répondrai : Parce que la parole chantée est plus belle que la parole simplement parlée. Mais si vous allez plus loin, et si vous me demandez : Pourquoi la parole chantée est-elle plus belle que la parole parlée ? […] Il doit inspirer aux hommes la pitié, cette plus belle des sympathies humaines, parce qu’elle est la plus désintéressée. […] Les hautes montagnes du Taurus qui meurent derrière Smyrne, la mer étincelante qui écume dans toutes ses anses, le ciel serein qui encadre les flots, les cimes, les îles, les tièdes haleines qui soufflent de tous les golfes, font de ce beau lieu l’Éden d’une imagination poétique. […] Il trouva Crithéis aussi modeste, aussi laborieuse et aussi habile qu’elle était belle ; il s’attacha à l’enfant, dont l’intelligence précoce faisait présager je ne sais quelle gloire à la maison où les dieux l’avaient conduit ; il proposa à Crithéis de l’épouser, et de donner ainsi un père à son fils.

1219. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre V »

Sergines reste donc ; mais il a beau faire, il ne peut plus témoigner à sa maîtresse qu’un respectueux et parfait ennui. […] Madame la baronne Pfeiffer est une veuve belle encore, de noblesse douteuse, qui règne sur le faubourg Saint-Germain par droit de conquête. […] Giboyer, qui faisait peur, fait pitié ; cette âme difforme devient presque belle ; on sait gré au poète d’avoir jeté un sentiment pur dans ce tas de boue. […] Cette belle scène en amène une autre, à l’acte suivant. […] Elle est riche, belle, jeune encore, chef de parti, papesse in partibus ; le petit comte n’a pour lui que sa niaiserie et ses armoiries.

1220. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « De la poésie et des poètes en 1852. » pp. 380-400

Ampère, a réuni, en 1850, à la suite de ses esquisses de voyages, ses Heures de poésie, où il a recueilli l’esprit même des choses diverses qu’il a étudiées, et quelques notes sensibles d’une âme délicate : on distingue surtout les stances sur Le Nil, qui sont d’un beau et large sentiment62. […] Primel, quand il a gagné de quoi se faire beau, s’en revient, et trouve la veuve qui l’attendait. […] Tout en restant dans les conditions de sa belle nature, ce qu’on peut souhaiter à M. de Laprade, c’est qu’il fasse intervenir plus distinctement dans ses compositions la personne humaine : Regarde dans ton cœur, c’est là que sont les dieux, a-t-il dit lui-même, et il n’a qu’à suivre son précepte. […] Des livres, une femme, heureuse et jeune épouse, Avec deux beaux enfants jouant sur la pelouse ; Et, fermant de mes jours le cercle fortuné, Le bonheur de mourir aux lieux où je suis né ! […] que les fleurs sont belles !

1221. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Madame Sophie Gay. » pp. 64-83

M. de Montbreuse a beau faire à sa fille de petits sermons sur l’ennui, vouloir lui prouver que chacun s’ennuie dans sa sphère, et que savoir s’ennuyer est une des vertus les plus utiles dans le monde, elle n’en croit rien et trouve un tel héroïsme au-dessus de ses forces de dix-sept ans. […] Anatole, le beau silencieux, est un sourd-muet de naissance, mais on ne le sait pas d’abord, et c’est là qu’est le secret. […] La jalousie de Mme de Nangis, qui se croit sacrifiée à une rivale, produit des scènes assez belles et assez dramatiques, dans lesquelles la pauvre Valentine, poussée à bout par sa belle-sœur, en présence du mari de celle-ci, n’aurait qu’un mot à dire pour écraser la coupable et pour se venger : mais ce mot, elle ne le dit pas, et prend sur elle tous les torts. […] Une belle impudeur y règne, on y affiche des principes hardis, et les moutons, bien qu’il s’en rencontre encore par les chemins, sont en train de disparaître. […] » Dans ses dernières années, elle passait régulièrement une partie de la belle saison à Versailles ; elle s’y était fait une société et était parvenue à animer un coin de cette ville de grandeur mélancolique et de solitude.

1222. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Bernardin de Saint-Pierre. — II. (Suite et fin.) » pp. 436-455

Bernardin de Saint-Pierre, dont le plan embrassait « la recherche de nos plaisirs dans la nature et celle de nos maux dans la société », prenait ce beau monde par son faible, et le flattait, même en le critiquant. […] C’est là une belle pensée. […] Dès le moment où Virginie s’est sentie agitée d’un mal inconnu et où ses beaux yeux bleus se sont marbrés de noir, nous sommes dans la passion, et ce charmant petit livre que Fontanes mettait un peu trop banalement entre le Télémaque et La Mort d’Abel, je le classerai, moi, entre Daphnis et Chloé et cet immortel IVe livre en l’honneur de Didon. […] Cet ouvrage des Harmonies offre encore de très beaux tableaux, aussi beaux que dans aucun des ouvrages précédents, mais aussi toutes les exagérations de système et de style naturelles à l’auteur, et où s’est complu sa vieillesse. […] Voici une anecdote que je sais d’original et qui doit être d’une date un peu postérieure ; on y voit comme les belles dames cherchaient l’auteur de tant de pages charmantes et ne le trouvaient pas.

1223. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le président de Brosses. Sa vie, par M. Th. Foisset, 1842 ; ses Lettres sur l’Italie, publiées par M. Colomb, 1836. » pp. 85-104

Le président Bouhier, qui prolongeait les grandes études du xvie  siècle jusque dans le xviiie , érudit, critique, antiquaire, créateur, de vastes collections et possesseur libéral de la plus belle bibliothèque, continuait la race des magistrats illustres qui unissaient l’amour de leur état au culte de l’Antiquité. […] C’est une certaine manière en mosaïque qui n’est pas ici à discuter ; je ne prends que l’idée, qui est grande : Ce serait une magnificence bien digne d’un aussi puissant roi que le nôtre, dit de Brosses, de faire construire exprès un vaste bâtiment en galerie, pour y réunir les copies en mosaïque19 des plus fameux ouvrages à fresque qui sont en Italie, tant en tableaux qu’en plafonds, en les distribuant dans un bel ordre et dans un beau jour, au milieu d’une riche architecture. […] Non plus dans ses Lettres d’Italie, mais dans d’autres lettres écrites de Paris en 1754, il disait de l’opéra de Rameau, Castor et Pollux : « Pièce à la française, noble, belle, triste, assez ennuyeuse » ; et il met en regard la musique italienne des Bouffons : Combien tout ceci est au-dessus de notre musique française ! […] En même temps que, dans sa seconde visite à Rome, de Brosses voit chaque jour quelque belle et grande chose, il ne néglige pas du tout de vivre de la vie romaine de société. […] Ce sentiment du beau et de l’antique, ou des merveilles pittoresques modernes, qui fait l’honneur de leur jugement, de Brosses ne se donne aucune peine pour l’avoir et pour l’exprimer : il l’a du premier bond et le rend par une promptitude heureuse.

1224. (1860) Ceci n’est pas un livre « Une préface abandonnée » pp. 31-76

Ils auront beau vous renvoyer à l’école — apprendre la grammaire de l’intrigue, à côté du petit Ponson du Terrail et du petit La Landelle, ils ne savent ce qu’ils disent. […] ………………………………………………………………………………… Cela dit, pour vous montrer le danger qu’il y a à publier de bonnes et belles pages, quand elles peuvent tomber aux mains d’un fanatique comme moi, qui n’ai rien de plus pressé que d’écrire sur le verso, Ô Karr, pardonnez-moi ! […] En résumé, et pour parler sans métaphore : Prendre le Laid de préférence au Beau ; quand on rencontre le Beau, en faire quelque chose de Laid, — voilà le procédé réaliste […] ) Pauvre artiste, qui croyais avoir fait une belle toile ! […] N’a-t-on pas vu, tout dernièrement encore, l’un d’eux gâter — d’une prose maniérée et pénible — ce beau drame de passion, Daniel Lambert ?

1225. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre VI. Daniel Stern »

Mme Stern a beau s’embourgeoiser dans la raison de Roland, cette femme pot-au-feu de la liberté, elle reste femme comme il faut, du moins dans le sens que le monde donne à ce mot-là. […] Dans les Esquisses morales, Mme Stern ne s’occupe pas seulement de la femme ; elle jette aussi des vues sur l’homme, sur son éducation, dans laquelle elle remplace le catholicisme et sa tradition, qui éveille trop tôt l’enfant du beau rêve de la nature (n’est-ce pas joli ?) […] Il paraît que la purgation n’éveille pas trop tôt du beau rêve de la nature. […] Les commencements, c’est le plus beau, en tout ; mais particulièrement en républiques, lesquelles d’ordinaire commencent en belles femmes, un peu affolées, mais finissent toujours en queue de poisson, et de poisson vitement pourri, à faire mal au cœur aux républicains les plus solides ! […] Elle a beau, cette piocheuse, piocher dans l’allemand, le hollandais, la métaphysique, la politique et l’histoire des Républiques, elle ne pourrait, si nous ne savions ce que ce nom de Stern cache, être deux minutes la chevalière d’Éon de la littérature.

1226. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XV. »

Comment ce qui semblait manquer aux beaux jours de la république, à l’époque où elle avait produit de si grands hommes, lui fut-il donné sous le joug d’un maître habile mais sans grandeur, indigne par ses premiers crimes des éloges qu’à mérités la modération prudente de ses dernières années ? […] Ce jeune Romain, formé aux deux écoles des Grecs, nourri de la plus belle antiquité comme de la plus fine élégance, et corrigeant Callimaque par Sapho, avait, on peut le croire, une âme meilleure que sa vie et que les mœurs de son temps. […] il n’est pas à craindre que femme plus belle ait vu la lumière du jour sortir du sein de l’Océan. […] Mais, entre les rêves sanglants de Catilina et les cruautés des Triumvirs, quelle que fut encore la jeunesse de l’idiome et du génie romain, il n’y avait guère de place pour l’enthousiasme du beau et la puissance des arts. […] Mais cette étude profonde de la poésie grecque, ce sentiment du beau qui remonte, non pas au type divin, mais aux copies sublimes de l’art, ce second enthousiasme, né de l’admiration et du goût, continuera de suivre la trace marquée par Catulle.

1227. (1925) Dissociations

La belle affaire ! […] Le bel animal ! […] Vraiment, il a eu le beau rôle, au milieu de tous ces geôliers effarés. […] Belle saison pour les voyages, mais tout le monde ne voyage pas. […] Il doit être beau.

1228. (1890) Le massacre des amazones pp. 2-265

Seulement, voilà, elle a beau faire : elle ne sait pas, la pauvre petite. […] C’est par leur beau moment qu’il faut juger êtres et choses. […] Peut-être le bel et bête Hugues Le Roux, qui signe la préface de ce « bréviaire délicat (oh ! […] , il tira une des plus belles plumes et il m’en fit présent. […] Je veux cependant signaler une des plus belles.

1229. (1926) La poésie de Stéphane Mallarmé. Étude littéraire

Leur saison c’est l’été, et surtout les beaux automnes de France. […] Sur ce motif, d’ailleurs renouvelé d’un des plus beaux poèmes de Baudelaire, Hérodiade se développe. […] C’est ce que le positivisme à rendu par son beau sacrement de l’incorporation. […] S’il s’est enchanté d’une belle espérance elle fait corps avec son œuvre toute orientée vers elle. […] Un disciple de Malebranche, le Père André, dans son Traité du Beau, distinguait le Beau essentiel, le Beau naturel, le Beau humain.

1230. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXV » pp. 402-412

Les écrits du temps la représentent belle et spirituelle. […] Belle comme un ange. Pour moi, j’aimerais mieux ce haillon loin que près. » Le 4 septembre, elle raconte à sa fille cette anecdote : « Un homme de la cour disait l’autre jour à madame de Ludres : Madame, vous êtes, ma foi, plus belle que jamais. — Tout de bon, dit-elle ; j’en suis bien aise, c’est un ridicule de moins. « J’ai trouvé cela plaisant. » Le 6 septembre, elle écrivait de Vichy : « Madame disait l’autre jour à madame de Ludres, en badinant avec un compas : Il faut que je crève ces yeux-là, qui font tant de mal. — Crevez-les, madame, puisqu’ils n’ont pas fait tout ce que je voulais. » On voit dans les mémoires de Madame, que madame de Ludres finit par se retirer dans un couvent à Nancy, où elle vécut jusqu’à un âge fort avancé. […] « Les avis d’une amie aimable, lui disait-elle, persuadent plus que ceux d’une sœur sévère. » Elle ajoutait : « Croyez-moi, ma belle demoiselle, car vous ne cesserez jamais de l’être, les intrigues de la cour sont bien moins agréables que le commerce de l’esprit.

1231. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 23-38

Si on veut faire entendre que Lafontaine n’a fait que des Fables, ou qu’il n’est estimable que dans cette seule partie, ses Imitations des Métamorphoses d’Ovide, sa belle Elégie sur la disgrace de M. […] Rien ne trouble sa fin, c’est le soir d’un beau jour. […] Du titre de Clément rendez-le ambititieux ; (Louis XIV) C’est par-là que les Rois sont semblables aux Dieux Du magnanime Henri qu’il contemple la vie ; Dès qu’il put se venger il en perdit l’envie ; Inspirez à Louis cette même douceur : La plus belle victoire est de vaincre son cœur. Comme les Dieux sont bons, ils veulent que les Rois Le soient aussi ; c’est l’indulgence Qui fait le plus beau de leurs droits, Non les douceurs de la vengeance, &c.

1232. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vaugelas. Discours de M. Maurel, Premier avocat général, à l’audience solennelle de la Cour impériale de Chambéry. (Suite et fin.) »

Elles faisaient le plus souvent Ouvrage du féminin (comme dans le latin Opéra) : « Voilà une belle ouvrage. […] « Quand un homme serait déclaré par les États-Généraux du royaume le Père de la Langue et de l’Éloquence française, il n’aurait pourtant pas le pouvoir d’ôter ni de donner l’usage à un seul mot. » C’est Vaugelas qui a dit cette belle et juste parole. […] M. de La Mothe, en esprit solide, le sentait : « Ce n’est pas, disait-il, que je veuille établir ici l’opinion de quelques philosophes, qui se sont déclarés ennemis capitaux du beau langage. […] L’auteur est poli ; il est de ceux qui, par humeur, ne parleraient de qui que ce fût en mauvaise part, et qui, pour rien au monde, « n’offenseraient personne par un mauvais trait de plume. » Il loue même Vaugelas pour plusieurs belles Remarques que contient son livre ; mais il réitère et renouvelle ses regrets sur plus d’un point. […] — (Voir à l’Appendice, à la fin du volume, un autre cas de pédanterie et de cuistrerie qui est des plus beaux.)

1233. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre quinzième. »

Après tant de belles peintures de l’homme en général, il restait à peindre l’individu, dans cette société qui lui donnait tant de valeur, le Français à une époque où la France a été si grande. […] Retz n’avait de l’écrivain comme du politique que de belles parties ; en voulant se justifier il ne réussit qu’à s’obscurcir. […] Mme de Sévigné y avait pris, avec le goût pour le relevé, qui en était le beau côté, la recherche du rare, qui en était le travers. […] Le hasard du sujet, non le propos de l’auteur, a donné une forme plus régulière au récit de la mort de Monseigneur, le plus beau morceau peut-être de ces Mémoires. […] Ce sont des morceaux achevés, et pour quiconque estime le beau langage, la précision, la netteté des nuances, la justesse des contrastes, la force du coloris, l’art ne peut aller au-delà.

1234. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « II »

Notons encore la belle reprise, à l’Opéra, du Sigurd de M.  […] La lutte qui s’est engagée depuis l’apparition des œuvres de Wagner en France jusqu’à leur triomphe, peut s’expliquer ainsi : les uns trouvaient beau ce que les autres ne pouvaient supporter. […] Le trait suivant peut donner un exemple de son procédé : Hans Sachs dit à David : « Souviens-toi que cette claque est le plus beau jour de ta vie !  […] De là leur taille surhumaine, à laquelle nous devons reconnaître que les voix, quoique puissantes et belles, ne sont pas proportionnées. […] Wilder pour faire un beau vers de douze pieds a ajouté plusieurs notes, ils sacrifient souvent l’alexandrin de M. 

1235. (1913) La Fontaine « II. Son caractère. »

Il fait une sorte d’apostrophe à la volupté, et vous verrez que, par volupté, il entend précisément ces deux choses, à savoir le goût du beau, la jouissance du beau — et les jouissances épicuriennes. […] Elle est commune aux dieux, aux monarques, aux belles. […] Nous allons voir si le sens de la passion amoureuse se trouve dans ce qui suit, qui est du reste charmant et que je tenais à vous lire, en somme, parce qu’un des plus beaux vers de La Fontaine, un des plus cités, se trouve contenu dans ce morceau. […] Que ce soit aux rives prochaines ; Soyez-vous l’un à l’autre un monde toujours beau, Toujours divers, toujours nouveau. […] Est-elle belle, cette longue phrase sinueuse, traînante, qui est figurative de la pensée qui se traîne, en effet, et qui s’attarde sur des souvenirs lointains et chéris ?

1236. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Octave Feuillet »

Il a eu, sans attendre, cette grande situation littéraire d’académicien, qui, chaque jour, aux choix qu’on fait, devient plus belle, et pour sa part il l’a embellie dans le sens où elle continue de devenir si charmante. […] ce serait peut-être beau ! […] La belle affaire, n’est-ce pas ? et le beau sujet de roman ! […] — et la scène qui n’est qu’indiquée, qui n’est qu’une larve de belle scène, aurait jailli, magnifique et complète, et, qui sait ?

1237. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIIe entretien. Socrate et Platon. Philosophie grecque. Deuxième partie. » pp. 225-303

Rousseau, ce Platon de Genève, dans l’Émile, le plus beau des styles, la plus contradictoire des utopies ? […] Cependant il ne prédit pas l’éternité à sa République ; il reconnaît l’instabilité organique des choses humaines ; il ne croit pas à ce beau rêve moderne d’un progrès indéfini et continu dans la race. […] Nous défions les utopistes d’inventer un plus beau et plus doux poème que celui-là ! […] N’est-ce pas là la négation en pratique de cette plus belle vertu de l’instinct, la pitié ? […] C’est la traduction faussée d’une belle âme de l’humanité par un bel esprit d’Athènes.

1238. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre IV. Le Séminaire d’Issy (1881) »

ce beau parc mystique d’Issy, je crois que la guerre et la Commune l’ont ravagé. […] Il avait la ravissante figure rose d’une miss anglaise, de beaux grands yeux, où respirait une candeur triste. […] Le typhus, qui sévit à Montréal en 1847, lui offrit une belle occasion de contenter sa soif. […] Il y avait cependant bel et bien deux partis dans le jeune bataillon de ce Saint-Cyr ecclésiastique, les mystiques recevant la direction intime de M.  […] Les belles pages de ce désespéré de la philosophie nous enivraient ; je les savais par cœur.

1239. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre II, grandeur et décadence de Bacchus. »

Il est aperçu par des pirates qui louvoyaient le long du rivage. — Quelle riche proie que ce bel éphèbe, fils de roi, sans doute, sorti d’un palais plein d’airain et d’or ! […] La Fata Morgana qui hante ces mêmes golfes n’a jamais déployé sur leurs eaux un plus beau mirage. […] A voir le vase peint qui représente ce triomphe, on dirait un beau Calife rentrant dans son sérail, au milieu de ses aimées et de ses derviches. […] Le beau Dieu grec, si merveilleusement parvenu, aurait méprisé sans doute ce rite de pasteurs à demi barbares. […] Les Géants, comme dans la Bible, virent que les filles de l’Olympe grec étaient belles, « ils eurent commerce avec elles, et ils en eurent des enfants ».

1240. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — IV. La Poësie dramatique. » pp. 354-420

Avec quelle différence, en effet, a-t-on reçu certaines pièces où il étoit traité sans égard à la belle nature & à la vraisemblance, & de très-bonnes tragédies où il ne paroissoit point du tout. Oreste & Rome sauvée ont eu moins de représentations que des pièces au-dessous du médiocre, mais dont les situations tendres intéressoient le beau sexe. […] On se moqueroit de voir une fille jeune & belle, s’entretenir longtemps d’ambition, & de politique. […] Toutes ses belles pièces ont été parodiées ; Zaïre, Alzire, Mérope, l’Orphelin de la Chine. […]         Dont il seroit un beau sujet.

1241. (1878) La poésie scientifique au XIXe siècle. Revue des deux mondes pp. 511-537

Quand il a réussi à encadrer dans quelques rimes riches et insignifiantes un beau vers, un trait d’imagination ou de sentiment sur lequel s’arrêtera l’attention du lecteur, l’artiste est content, ou plutôt il est à bout. Le procédé des beaux vers est mortel au vrai talent ; tout y est sacrifié, la suite et la belle ordonnance des idées, l’ampleur des développements, la richesse et la variété des horizons, la véritable fécondité qui se renouvelle et se déploie. […] La science positive a beau dire et beau faire ; on vain elle nous dit que l’homme n’est qu’une pièce infiniment petite, perdue et entraînée dans le jeu du mécanisme universel ; l’homme, spectateur de la vie, la juge ; témoin de l’inégale répartition des biens et des maux, il s’en indigne ; témoin de sa propre vie, il se condamne quand il fait mal ; il ne peut s’empêcher de juger et la nature et lui-même. […] Les choses reprennent ainsi leur ordre et leur proportion ; la Terre n’est qu’un des plus petits corps de l’infini céleste, mais elle vaut mieux que le plus beau soleil, parce qu’elle a fait l’homme et que l’homme a trouvé la justice dans son cœur. Chacun de nous devient ainsi le mandataire et le gardien de l’honneur de la Terre qui a formé et nourri l’espèce humaine, ouvrière inconsciente de ce qu’il y a de plus beau et de plus grand dans le monde, un cœur qui bat pour la justice et la vérité.

1242. (1920) Action, n° 3, avril 1920, Extraits

Il n’y a pas de différence entre une belle œuvre et une œuvre laide. […] Il n’y a pas de différence entre un complet sur mesure et un tout fait Belle Jardinière, entre un tacot et une belle voiture automobile. […] Une très belle œuvre dont le sourire parfois un peu bruyant ne saurait dissimuler la peine et l’angoisse profondes. […] Tous sont ici représentés par de belles œuvres, dignes de durer. […] La belle œuvre d’un écrivain qui sait également comprendre, sentir et aimer.

1243. (1922) Gustave Flaubert

Corneille et lui sont deux beaux types d’indépendance normande, deux beaux refus que fait le sang nordique de s’adapter à la communauté de la capitale. […] Flaubert passait de belles vacances chez les Chevalier aux Andelys. […] L’un disait : c’est beau, cette architecture gothique, ça élève l’âme ! […] C’était une belle créature d’amour. […] Elle n’en est, quand elle se produit, que plus forte et plus belle.

1244. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre troisième »

Ce sont là les vrais enfants de cet esprit si mordant et si positif ; le Roman de la Rose n’a pas de plus bel endroit. […] Le spectacle non moins beau de la France littéraire au xviie  siècle doit de même nous donner le sens des époques antérieures. […] N’est-ce pas être bien inspiré, au commencement du quatorzième siècle, que d’indiquer à la fois le plus beau don de Virgile et son plus beau titre, la tendre et passionnée Didon ? […] L’époque où cette assimilation sera complète verra fleurir la plus belle littérature des temps modernes, ou plutôt la troisième forme de la littérature universelle. […] Espoir est le médecin de ce vaste royaume ; encore se plaît-il souvent à leurrer ses victimes de belles paroles.

1245. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre septième »

Croyant ces choses communes utiles à son propos, il ne voulait pas avouer, en les ornant, que des paroles utiles peuvent n’être pas assez belles. […] Bourdaloue nous offre un beau modèle de l’art de développer. […] Massillon gagnerait, ce semble, à ce que le Petit Carême ne passât point pour son plus beau titre. […] Les belles qualités qu’on peut louer dans le Petit Carême sont mêlées, dans l’Avent, de moins de défauts. […] Belle découverte que de nous dire que les passions ont du bon, qu’elles peuvent être des aiguillons pour le bien, que la vertu n’est souvent qu’une passion réglée !

1246. (1895) Le mal d’écrire et le roman contemporain

Les beaux temps de Dumas père et de Ponson du Terrail ont reparu. […] Un beau jour il n’y aura plus d’art et tout sera dit. […] Signaler la portée d’un tel écrivain était un beau rôle. […] Aicard, en effet, a écrit de très belles pièces. […] Enfin, les beaux ouvrages de M. 

1247. (1898) XIII Idylles diaboliques pp. 1-243

La souffrance n’est belle que vaincue. […] Tu verras comme elle est belle avec ses pentes de velours moussu. […] C’est beau ! […] Comme c’est beau ! […] Les étoiles sont belles comme de petites reines.

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