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474. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Vauvenargues. (Collection Lefèvre.) » pp. 123-143

Marmontel, très jeune, qui le vit beaucoup dans cette année, nous a montré au naturel avec sa bonté affable, sa riche simplicité, sa douceur à souffrir, sa sérénité inaltérable et sa haute raison sans amertume. […] Cette édition est la seule que Vauvenargues ait donnée lui-même ; il mourut l’année suivante, pendant qu’on imprimait la seconde. […] Périclès, ayant à parler de guerriers morts pour la patrie, disait : « Une ville qui a perdu sa jeunesse, c’est comme l’année qui aurait perdu son printemps. » Vauvenargues a de ces traits d’une imagination jeune, nette et sobre, comme on se les figure chez Xénophon et chez Périclès. […] tout le reste m’enchante ; vous êtes l’homme que je n’osais espérer. » Ces choses qui affligeaient la philosophie de Voltaire sont la Méditation sur la foi et la Prière qui la suit, deux pièces qui avaient sans doute quelques années de date et que Vauvenargues crut devoir insérer néanmoins dans sa première édition. […] Si Vauvenargues avait seulement vécu quelques années de plus, il allait se trouver dans une portion délicate et singulière.

475. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Plessis, Frédéric (1851-1942) »

[L’Année littéraire (7 juin 1887).] […] Ils y embrasseront la plus heureuse partie d’une vie, la fleur de quinze années d’études, de rêves et d’amour.

476. (1874) Premiers lundis. Tome I « Deux révolutions — I. L’Angleterre en 1688 et la France en 1830 »

Nous en sommes donc, en 1830, à la tolérance religieuse la plus absolue ; la philosophie, qui naguère était hostile aux cultes, est plutôt devenue bienveillante, et l’indifférence un peu matérielle, dont la société souffre depuis plusieurs années, commence à céder à des besoins de moralité plus épurée et de solutions supérieures. […] A chacune de ces contradictions nouvelles, elle a gagné d’un côté ce qu’on lui interdisait de l’autre ; elle a perdu, chaque fois, quelque chimère, quelque fiction dont elle ne s’était pas assez gardée dans le premier enivrement ; et aujourd’hui que tous les obstacles sont enfin levés, elle remet en commun tous ces progrès si lents, tous ces résultats conquis un à un durant quarante années : il n’y a que les chimères qu’elle a laissées en chemin. […] Les mêmes causes, jointes aux intrigues et aux perfidies du parti dominant, retardèrent, sous la Charte, ce progrès salutaire jusqu’en ces dernières années.

477. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — Le Comte Walewski. L’École du Monde »

Nous venons de, la lire à tête reposée, et de tâcher de nous former un avis sur cette œuvre controversée, qui résume l’observation de plusieurs années que l’auteur a données au mouvement du monde. […] Il est faux, par exemple, que Dampré ait pu attendre si longtemps pour s’expliquer avec Émilie ; avec ces sortes d’assiégeants, les années entières ne se passent pas dans des manœuvres si discrètes et si respectueuses. […] Des années ont passé déjà là-dessus, mais ce ne sont point des titres à être un bon recommandeur. » 40.

478. (1875) Premiers lundis. Tome III « Le roi Jérôme »

Et ici, franchissant les années pénibles, on n’a qu’à noter le bon sens avec lequel le roi Jérôme apprécia la situation que lui faisaient les événements de 1813 : « Roi par les victoires des Français, disait-il, je ne saurais l’être encore après leurs désastres. » Mais ce serait faire injure à sa mémoire que de louer la fidélité avec laquelle il s’exécuta, sans prêter un seul instant l’oreille aux fallacieuses promesses par lesquelles on essayait de le détacher. […] Sa conduite, en cette année 1815, pour être bien simple, n’en mérite que plus d’être appréciée. […] Il fait son devoir dans les terribles journées des Quatre-Bras et de Waterloo ; blessé, il continue de lutter ; il se bat simplement, vaillamment, dans ce bois accidenté d’Hougoumont dont chaque arbre est pris et repris avec tant d’acharnement pendant tout le jour ; le soir, il rejoint l’héroïque et désespéré Capitaine dans le carré de la vieille garde, où l’âme guerrière de la France s’est comme réfugiée ; et il entend cette parole qui, en un tout autre moment, eût réjoui son cœur : « Mon frère, je vous ai connu trop tard. » On n’a pas à suivre le prince Jérôme dans les longues années de la proscription et de l’exil.

479. (1875) Premiers lundis. Tome III «  La Diana  »

Je ne sépare pas le discours de tous les actes qui l’ont précédé, du rôle actif, bienveillant, vigilant, que M. de Persigny n’a cessé de remplir depuis des années dans le département de la Loire, dans ce vieux pays du Forez qui est le sien et où il s’est acquis une popularité, une amitié de toutes les classes, qui ne cherche que les occasions de se manifester. […] On a pourtant souffert dans ce pays de Saint-Étienne autant et plus que dans d’autres depuis deux années ; l’industrie y a traversé une pénible crise ; mais on a eu la force de souffrir sans s’irriter, sans accuser le gouvernement qu’on savait attentif et plein de sollicitude les plaintes étaient patientes, elles sentaient qu’elles arrivaient en lieu sûr, et personne n’eût dit ce mot injuste : « Ah ! […] Le ministre de l’instruction publique a, par une fondation heureuse, réuni depuis quelques années, les travaux des diverses Sociétés provinciales et les a fait en quelque sorte comparaître à son ministère pour être, après examen en commission et rapport, analysés ou mentionnés dans la Revue des Sociétés savantes : une solennité annuelle rassemble à Paris sous sa présidence et met en contact, dans une sorte de congrès, les membres de ces Sociétés qui correspondent utilement avec son ministère.

480. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Heredia, José Maria de (1842-1905) »

Comme nous, nous disons : « 1857, l’année de Bovary, des Fleurs du mal, des Poésies barbares, de Fanny », on dira seulement, mais c’est quelque chose : « 1893, l’année des Trophées », et dans un tiers de siècle, j’espère, les nouveaux me permettront de mentir un peu sur ce 1893 et sur cette apparition des Trophées, avec la grâce délicate que les jeunes gens ont tant raison de garder au bon chroniqueur devenu mûr et qui se souvient tout haut. […] Les jours passent, les semaines, les mois, parfois les années.

481. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 2, du génie qui fait les peintres et les poëtes » pp. 14-24

L’experience prouve suffisamment que tous les hommes ne naissent pas avec un génie propre à les rendre peintres ou poëtes : nous en voïons qu’un travail continué durant plusieurs années, plûtôt avec obstination qu’avec perseverance, n’a pû élever au-dessus du rang de simples versificateurs. […] Il lui suffit que ces maîtres lui puissent enseigner une pratique, qu’on ne sçauroit ignorer quand on a professé cet art durant quelques années. […] Ainsi Raphaël instruit par un peintre médiocre, mais soûtenu par son génie, s’éleva fort au-dessus de son maître, après quelques années de travail.

482. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 3, de la musique organique ou instrumentale » pp. 42-53

Pour revenir à la guerison de quelques maladies par la musique ; les memoires de l’academie des sciences qui ne sont point écrits par des personnes qui croïent legerement, font mention sur l’année mil sept cens deux et sur l’année mil sept cens sept, de guerisons operées recemment par la vertu de la musique. […] On sçait que les organes de l’oüie ont plus de sensibilité dans ces païs-là, que dans les contrées où le froid et l’humidité regnent huit mois de l’année.

483. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1885 » pp. 3-97

Année 1885 Jeudi 1er janvier 1885 Un premier jour de l’année, qui a l’apparence d’un Jour de l’An, dans les Limbes, et se terminant par un dîner mélancolique, chez les Lefebvre de Béhaine, ces exilés de la diplomatie. […] Daudet parle des premières années de son mariage, me dit que sa femme ne savait pas qu’il existât un Mont-de-Piété, et lorsqu’elle l’a su, par une certaine pudeur de la chose, ne le nommait jamais, lui jetant : Vous avez été là ? […] Non, la multiplication des travaux et des occupations de la vie d’un lettré, vous défend absolument avant la mort, les quelques années de repos cérébral, de retraite de la vie intellectuelle, qu’il serait si bon d’avoir. […] Je l’ai poussée à reprendre cette fin, et à l’étoffer un peu, surtout dans les années malheureuses, où la vie de l’écrivain est complètement remêlée à la sienne. […] Nous étions, il y a bien des années, mon frère et moi, dans cette loge avec une maîtresse.

484. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1891 » pp. 197-291

Il faut cette année pousser les préparatifs de sa sortie de scène. […] Des années se passent. […] Bientôt arrive Coppée, qui vient de Combs-la-Ville, d’un petit village de l’autre côté de la forêt de Senart, où il a loué cette année. […] Que je te donne 6 vingtièmes d’artabes par jour, 3 hins d’huile par mois, ce qui fait par an 36 hins d’huile, 1 argenteus et 2 dixièmes pour ta toilette d’une année, 1 dixième d’argenteus en sekels, pour ton argent de poche par mois, ce qui fait un argenteus et 2 dixièmes pour ton argent de poche d’une année. Ton argent de poche d’une année est en dehors de ton argent de toilette.

485. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XIII » pp. 109-125

Or, en cette année 1665, est morte la marquise de Rambouillet, âgée de 81 ou 82 ans. […] Elle fit son entrée dans le monde dans cette même année 1654, où l’abbé d’Aubignac et Molière faisaient la guerre aux précieuses, l’un à Paris, l’autre en province. Orpheline depuis l’âge de 5 ans, élevée par un oncle respectable, instruite par Ménage, mariée à 18 ans, veuve à 26, retirée pendant deux années qu’elle emploie à l’éducation de ses enfants et à l’arrangement de leur fortune, sachant le latin, l’espagnol, l’italien et la littérature, ses premiers pus dans la société se tournent vers l’hôtel de Rambouillet ; la marquise, âgée, isolée par le mariage de sa fille, désolée de la mort de son mari et de celle d’un fils de 31 ans arrivées à un an de distance, fut la première personne dont madame de Sévigné, belle, brillante de jeunesse, d’esprit et de savoir, rechercha la société et ambitionna la confiance. […] Je remarque ces circonstances pour que le lecteur ait une idée juste de l’état de la maison de Rambouillet depuis plusieurs années, Lorsque Molière mit ses Précieuses au théâtre de la capitale.

486. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XIV. L’auteur de Robert Emmet »

… Aujourd’hui, la femme qui l’a écrit, nous donne deux autres ouvrages : la Jeunesse de lord Byron et les Dernières Années de lord Byron, et elle ne les signe pas de son vrai nom. […] Et en effet, cet éternel ruminement sur Lord Byron d’une mémoire qui a deux estomacs et, qui remâche tout ce qu’elle a avalé, finit par être terriblement impatientant… On s’attend toujours, en ces Premières et Dernières Années de lord Byron, à une notion inconnue qui va paraître, à un aperçu, si petit qu’il soit, qui va jaillir et rien ne vient ! […] Les Premières et Dernières Années de lord Byron, écrites en deux fois, — deux coups manqués !  […] La Jeunesse de Lord Byron. — Les Dernières Années de lord Byron.

487. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Hoffmann »

Il nous est impossible d’aller plus loin… À notre sens, Champfleury tire de son travail en l’honneur d’Hoffmann des conclusions entièrement contraires à la vérité de cet homme, qui a été exagéré comme tout ce qui nous est venu de l’Allemagne depuis de longues années, et qui passera, quoiqu’il soit un conteur et un fantastique, tout autant que s’il était un philosophe. […] Voilà bien des années passées, et on y regarde aujourd’hui, on interroge ce succès… Certes ! […] La fameuse Correspondance entre le baron Walborn et le maître de chapelle Kreisteren en est un exemple frappant… On peut rendre le squelette d’un roman, d’un tableau ; il est impossible de rendre le squelette d’une symphonie… » — « Je ne conseillerais à personne — ajoute un peu plus bas Champfleury — de renouveler ces tentatives, qui ne peuvent être comprises que par une vingtaine de personnes dévouées, intelligentes, s’attachant à tout ce qui sort de la plume d’un auteur et prenant la peine de l’étudier pendant des années entières. » Éloge, en langage négligé, plus singulier encore que les singularités d’Hoffmann lui-même ! […] C’est l’insaisissable et l’incompréhensible de ces difficiles compositions qu’il faut passer des années entières à étudier !

488. (1860) Cours familier de littérature. IX « Le entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier (2e partie) » pp. 81-159

« Un samedi de l’automne de cette même année 1806, M.  […] La passion qu’il ressentit pour Juliette, et dont il l’obséda pendant plusieurs années, a laissé des traces dans une volumineuse correspondance ; nous en avons lu quelques lettres très curieuses ; elles brûlent d’un feu qui ressemble à l’amour comme la sensualité ressemble au sentiment. […] Après quatre années d’absence j’espérais enfin vous revoir, et votre exil semblait vous fournir un prétexte pour venir en Suisse : vous avez cruellement trompé mon attente. […] Elle avait passé à Lyon, dans sa famille, les années irréprochables de sa seconde jeunesse. […] Plusieurs années sont remplies de lettres et de billets de M. de Chateaubriand, qui ont la fièvre de ses ambitions, de ses succès et de ses revers politiques dans sa poursuite acharnée du rôle de premier ministre, dans ses écarts d’opposition, dans ses diatribes contre M. 

489. (1905) Études et portraits. Sociologie et littérature. Tome 3.

Taine était né en 1828, entre sa dix-neuvième et sa vingt-cinquième année. […] Il se rencontra que l’année de début de M.  […] Cent années de bureaucratie ont bien pu peser sur ce pays et le déformer cruellement. […] C’est au contraire, et davantage d’année en année, le sort commun de tous les jeunes hommes jetés au sortir du collège dans cette anarchie et cette incohérence où nous nous agitons. […] C’est pourtant cette anomalie que Sainte-Beuve réalisa plusieurs années.

490. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Les Chants modernes, par M. Maxime du Camp. Paris, Michel Lévy, in-8°, avec cette épigraphe. « Ni regret du passé, ni peur de l’avenir. » » pp. 3-19

Il semblerait vraiment, d’après ce qui précède, que MM. de Lamartine, Hugo, de Vigny et Balzac, à leurs débuts, aient été des libéraux en toute chose et qui souffraient (comme pouvait le faire Casimir Delavigne) des événements de 1815, tandis que tous ceux qui les ont vus et suivis pendant des années savent qu’ils étaient surtout, par leurs origines et leurs premières inclinations, dans le parti contraire, dans le parti dit royaliste, ce dont, au reste, on ne saurait les blâmer ; ils étaient les hommes de leur éducation et du milieu social où un premier hasard les avait placés. […] Cet autre esprit d’un ordre élevé, M. de Vigny, depuis des années aussi, et par une préoccupation de chasteté trop idéale qu’il vaincra enfin, nous l’espérons toujours, se tient à l’écart dans un recueillement mystérieux qui a passé en proverbe. […] Il y a quelques années, l’Académie proposait pour sujet de prix la Découverte de la Vapeur, qui est précisément un des thèmes recommandés dans le prograMme moderne de M. du Camp. […] Certes, M. de Lamartine a rendu en 1848 à la société des services dont il serait ingrat de perdre le souvenir ; mais littérairement, depuis des années, soit qu’il écrive l’Histoire de Turquie, soit qu’il emprunte celle de Russie à M.  […] Depuis quelques années les cieux semblent devenus d’airain.

491. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Biot. Mélanges scientifiques et littéraires, (suite et fin.) »

Biot : cet homme si distingué n’avait point acquis, même avec les années, ce je ne sais quoi de ferme, de puissant dans la parole, de digne et de majestueux dans l’aspect, qui commande et qui impose, qui confirme au dehors l’autorité de la science, et la personnifie aux yeux de tous dans un de ses grands représentants, — ce qui faisait qu’on écoutait avec tant de respect et de silence un Cuvier, un Arago (malgré ses fautes de goût), et qu’on écoute aujourd’hui avec tant d’intérêt un Dumas. […] Aussi son désappointement fut-il grand lorsqu’en 1822, à la mort de Delambre, Fourier fut nommé secrétaire perpétuel de l’Académie des Sciences ; on dit même qu’il en garda quelque temps rancune à l’illustre Compagnie et y parut moins assidûment dans les années qui suivirent. […] C’est, on le devine, même quand M. l’abbé Moigno ne nous l’aurait pas appris (n° du Cosmos du 7 février 1862), c’est que le vieillard avait changé, c’est qu’il avait remis depuis des années sa conscience en des mains pieuses, mais en des mains étrangères ; c’est que le Père de Ravignan ou le Père de Pontlevoy, cités avec éloge à un endroit du travail, avaient passé par là, et qu’il y a un petit souffle imperceptible venu du Vatican ou du voisinage, qu’on ne voit pas, mais qu’on sent, et qui, dans ce compte rendu du procès de Galilée, est bien capable à la fin d’irriter les âmes non patelines et grossièrement généreuses14. […] Biot eut, dans ses dernières années, une satisfaction des plus vives, une des jouissances les plus sensibles à l’esprit d’un savant. […] Stanislas Julien ; animé par le souvenir de son fils enlevé prématurément, et qui s’était occupé de ces mêmes études, il a fait dans l’année qui précéda sa fin une œuvre considérable, tout un livre, qui court risque de ne pas rencontrer un seul contradicteur : car il y a à peine des juges.

492. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Mémoire de Foucault. Intendant sous Louis XIV »

Tristement célèbre à nos yeux par ses trois premières intendances, surtout par celle du Béarn, à titre de persécuteur et de convertisseur des protestants, il s’honora dans celle de Caen, où il ne demeura pas moins de dix-sept années, par sa bonne administration, ses règlements utiles, son goût pour les antiquités curieuses, pour les lettres, et par sa bienveillance envers ceux qui les cultivaient. […] Il m’en a coûté 80 liv. pour l’offrande, présent à l’œuvre, quêteuse et menus frais. » Bien des années après, intendant de Caen, ayant par extraordinaire joué au lansquenet, au jeu de Monsieur, frère de Louis XIV, qui, à la tête d’une armée, avait son quartier général à Pontorson, il note qu’il a perdu 4,000 livres. […] L’intendance de Montauban était une des moins faciles du royaume, parce que les commissaires des Grands Jours, établis dans les années antérieures pour réduire administrativement et judiciairement certaines provinces centrales où le désordre s’était depuis longtemps acclimaté et enhardi, n’avaient point poussé leurs recherches jusqu’à Montauban, et qu’il semblait que ce fût encore « un pays ouvert à la tyrannie des grands, à l’indépendance des peuples et aux malversations des juges. » M. Foucault, pendant dix années de séjour (1674-1684), eut donc à réprimer bien des infractions, à réduire bien des indisciplines, à corriger bien des abus incontestables. […] Une lettre de Colbert (18 octobre 1680) dictait à Foucault sa ligne de conduite ; mais celui-ci n’avait pas besoin d’y être poussé : « Sa Majesté, était-il dit dans cette lettre que Colbert écrivait sans doute à contre-cœur, m’a ordonné de déclarer aux fermiers qu’elle voulait qu’ils les révoquassent (les commis qui étaient de la Religion) ; elle leur a donné seulement deux ou trois mois de temps pour exécuter cet ordre, et Sa Majesté m’ordonne de vous en donner avis et de vous dire, en même temps que vous pourriez vous servir de cette révocation et du temps qu’elle ordonne, pour les exciter tous à se convertir, Sa Majesté étant convaincue que leur révocation de leur emploi peut beaucoup y contribuer. » C’était la morale administrative avouée en ce temps là ; Foucault l’affiche et la professe avec la plus grande ingénuité dans ce Journal, écrit pourtant dans les premières années du xviiie  siècle et sous la Régence.

493. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Sur la reprise de Bérénice au Théâtre-Français »

Du moins cela se passa ainsi jusqu’aux années de Voltaire. […] Ses allusions, à lui, paraissent s’être plutôt reportées au souvenir déjà éloigné de Marie de Mancini, laquelle, dix années auparavant, avait pu dire au jeune roi à la veille de la rupture : Ah ! […] Si jamais pièce réclama à bon droit chez le spectateur ce jeu quelque peu complaisant de l’imagination et du souvenir, c’est à coup sûr Bérénice ; mais cette complaisance n’exige pas un effort bien pénible, et l’on n’a pas trop à se plaindre, après tout, d’être simplement obligé, pour subir le charme, de se ressouvenir de Madame, de ces belles années d’un grand règne, des nuits enflammées et des festons où les chiffres mystérieux s’entrelaçaient. […] L’Année littéraire (1783, tome I, page 137) constate un certain succès et en parle comme nous le ferions nous-même, en l’opposant aux succès plus bruyants du jour. Il put encore y avoir, quelques années après, un retour de Bérénice par mademoiselle Desgarcins.

494. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre III. Grands poètes : Verlaine et Mallarmé, Heredia et Leconte de Lisle » pp. 27-48

Des essais sur Verlaine, on en écrira longtemps, même on a déjà pu en publier, car son œuvre, depuis quelques années, était close. […] Des jeunes gens l’admiraient, quelques-uns même le compromettaient, car il n’était point, en ces années dernières, puéril follicule qui ne le voulût accaparer. […] On connaîtra le Florilège, et le public à qui Mallarmé fut un nom jeté il y a quelques années en risée viendra, avec sérieux, lire ces Morceaux choisis, comme il a fait ceux de Verlaine, l’an d’avant. […] Comme nous disons : « 1857, l’année de Bovary, des Fleurs du Mal, des Poésies barbares, de Fanny », on dira seulement, mais c’est quelque chose : « 1893, l’année des Trophées », et dans un tiers de siècle, j’espère, les nouveaux me permettront de mentir un peu sur ce 1893 et sur cette apparition des Trophées, avec la grâce délicate que les jeunes gens ont tant raison de garder au bon chroniqueur devenu mûr et qui se souvient tout haut.

495. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Marie-Antoinette. (Notice du comte de La Marck.) » pp. 330-346

Parmi les écrits qui peuvent donner une juste idée de la reine Marie-Antoinette et de son caractère aux années de sa prospérité et de sa jeunesse, je n’en sais pas qui porte mieux la conviction dans l’esprit du lecteur que la simple Notice du comte de La Marck, insérée par M. de Bacourt dans l’Introduction de l’ouvrage récemment publié sur Mirabeau. […] Or, maintenant, dans l’état actuel des renseignements historiques sur Marie-Antoinette, en se rendant compte des vrais témoignages, et en se souvenant aussi de ce qu’on a ouï raconter à des contemporains assez bien informés, il est très permis de penser qu’en effet cette personne affectueuse et vive, tout entière à ses impressions, amie des manières élégantes et des formes chevaleresques, ayant besoin tout simplement aussi d’épanchement et de protection, a pu avoir durant ces quinze années de sa jeunesse quelque préférence de cœur : ce serait plutôt le contraire qui serait bien étrange. […] Les deux dernières années de la reine suffiraient pour racheter mille fois plus de fautes que n’en put commettre aux années légères cette personne de grâce et d’élégance, et pour consacrer dans la pitié des âges une semblable destinée. […] Telle qu’elle est, victime de la plus odieuse et de la plus brutale des immolations, exemple de la plus épouvantable des vicissitudes, elle n’a point besoin que le culte des vieilles races subsiste pour soulever un sentiment de sympathie et de pitié délicate chez tous ceux qui liront le récit et de ses brillantes années et de ses dernières tortures.

496. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Monsieur Walckenaer. » pp. 165-181

Walckenaer était mort le 27 avril dernier, dans la quatre-vingt et unième année de son âge, au moment où il achevait de corriger les épreuves du cinquième volume de ses Mémoires sur Mme de Sévigné, mémoires infinis, courants en tous sens, amusement prolongé de sa vieillesse et qu’il ne devait point terminer. […] Parmi les notes et extraits de ses lectures, qui datent de cette époque, on lit comme par pressentiment une pensée de Mme de Sévigné : « Ne quittez jamais le naturel, cela compose un style parfait. » Pour le préserver pourtant, quelques années encore, des amorces d’un monde trop présent et pour diversifier ses études, M.  […] Cette lettre, je le répète, est un assez joli et assez naturel échantillon du style élégant comme on le concevait dans les premières années du siècle, avant l’effort de régénération de la langue à ses vraies sources : mais entre cette élégance et celle de Louis XIV, on conviendra qu’il y a tout un monde. […] Il n’avait jamais été irréligieux ; dans les dernières années, il se laissa gagner aux impressions et aux croyances chrétiennes, auxquelles l’associait son aimable et respectable épouse. […] [NdA] Avec les années on peut tout dire : M. 

497. (1836) Portraits littéraires. Tome I pp. 1-388

En 1749, la même année où M.  […] Ce premier ouvrage ne portait pas son nom ; peu d’années après la publication, un M.  […] Dans quelques années, le roi donnera le titre de duc avec les lettres de créance. […] L’intervalle des années s’effacera. […] On croit les reconnaître et s’en souvenir, comme si on avait vécu avec eux plusieurs années.

498. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Journal et Mémoires, de Mathieu Marais, publiés, par M. De Lescure »

Je n’ai guère parlé jusqu’à présent que des lettres de Mathieu Marais ; son Journal a plus d’importance et vient s’ajouter aux témoignages historiques déjà si nombreux sur la Régence et sur les premières années de la majorité de Louis XV. […] On s’aperçoit que Marais n’a pas tenu ce Journal pendant toutes les années (1715-1727) du même train ni avec le même zèle ; il y a des abandons et des reprises ; le chroniqueur a ses découragements. […] Son grand moment de vogue et son règne, pour ainsi dire, fut sous la Régence et dans les années qui suivirent, avant que Voltaire philosophe et historien se fût tout à fait déclaré et eût pris le sceptre à son tour. […] Il y a quelques années qu’on fit courir le bruit d’une galanterie qu’il avait eue avec la marquise de L’Hôpital. […] En voici un qui « depuis des années fait son capital, comme disait d’Olivet, des petites nouvelles courantes » et en parlant de Montesquieu, en concevant l’idée de se porter un moment contre lui, il paraît tout à fait ignorer de quelle grandeur vraiment nouvelle et imminente il s’agit, à quelle originalité il a affaire, à quel esprit du premier ordre.

499. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Du génie critique et de Bayle »

Pendant toutes ces années, sa faculté critique ne se fait jour que par sa correspondance, qui est abondante. […] Le moment le plus actif et le plus fécond de cette vie si égale fut vers l’année 1686. […] La maladie qui lui survint l’année suivante (1687), par excès de travail, le força de se dédoubler, en quelque sorte, dans ce rôle à la fois littéraire et philosophique ; il dut interrompre ses Nouvelles de la République des Lettres. […] Il disait cela après trois années de pratique, au contraire de la plupart des journalistes qui se dégoûtent si vite du métier. […] Après qu’il eut renoncé à ses Nouvelles de la République des Lettres, la faculté critique de Bayle se rejeta sur son Dictionnaire, dont la confection et la révision l’occupèrent durant dix années, depuis 1694 jusqu’en 1704.

500. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Malesherbes. » pp. 512-538

Il est très probable que, sans cette circonstance, et s’il eût été retardé de quelques années dans sa carrière de magistrat, il eût fait son entrée dans la vie littéraire par quelque publication d’ouvrage ; car, dans chaque ordre d’études, il aimait à se rendre compte par écrit de ses pensées. […] Or, en un temps où aucun livre ne pouvait s’imprimer en France sans permission expresse ou tacite, et en plein milieu du xviiie  siècle, on peut juger de l’importance d’une pareille place que Malesherbes remplit durant treize années (1750-1763). […] Voyageant en Suisse dans l’été de l’année 1792, à l’époque, je crois, du 20 juin, il entra un matin à Lausanne chez une de ses parentes (la marquise d’Aguesseau) qui s’y trouvait alors et qu’il visitait tous les jours : « Je pars pour Paris », dit-il […] Fréron, dans sa feuille de L’Année littéraire, voulut rendre compte de la comédie où il était outragé, et en tirer vengeance ; il était difficile de s’y opposer. […] Le travail de mon Année littéraire ne me permet pas de faire de petites brochures détachées ; mon ouvrage m’occupe tout entier et ne me laisse point le temps de faire autre chose.

501. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 256-257

L'Année sacrée n'est qu'un Recueil de pieuses Epigrammes sur toutes les Fêtes de l'année, où le Poëte ennuie le Lecteur par une fécondité à laquelle on préféreroit plus volontiers la sécheresse.

502. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1887 » pp. 165-228

N’étant pas assez riche pour fournir à moi seul les fonds manquants, n’ayant reçu d’aucun membre de la Société la demande de compléter entre amis, la somme de 2 000 francs, répugnant à rouvrir une souscription qui depuis plusieurs années n’avait pas réuni 9 000 francs, je me rendais au vœu du Conseil général et je demandais, le mois dernier, une représentation au Théâtre-Français. […] Le curieux, c’est que La Rounat, en lui refusant la pièce, lui disait : « Ça, c’est une pièce à faire par Dumas fils. » Et Dumas l’a faite, cette pièce, une trentaine d’années après. […] Geffroy m’amène Raffaëlli, qui a demandé à voir mes dessins, et l’on cause critique d’art, quand soudain Raffaëlli s’écrie : « Par exemple, en fait de jugement d’une peinture, ce que vous avez dit à Geffroy à propos de mon exposition de la rue de Sèze, de l’année dernière, ça m’a renversé, bouleversé, fait croire que vous étiez un vrai voyant en tableaux. » Voici l’histoire : L’année dernière à un dîner chez les Daudet, qui fut un peu une chamaillade avec Zola, depuis le commencement jusqu’à la fin, la bataille avait commencé à propos d’une discussion sur Raffaëlli, que je louais, et j’ajoutais devant Geffroy qui se trouvait là : « Il y a chez Raffaëlli, dans ces dernières années, une blondeur, un attendrissement tout particulier, il a dû se passer quelque chose dans sa vie. […] … Voulez-vous voir, dans quelques années, votre nom sur une couverture beurre frais, avec l’indication du tirage ? […] Dimanche 19 juin J’avais rêvé pour la fin de ma vie, des dernières années, paresseuses, inoccupées, remplies par la lecture de voyages, et il n’y a guère eu, dans mon existence, d’années plus laborieuses, plus fatigantes, par la multiplicité de petits travaux, et qui me font soupirer après de l’inactivité de la cervelle et des jambes.

503. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Le Comte Léon Tolstoï »

Chez aucun de nos romanciers au même degré, pas même chez Balzac, chez Stendhal et chez Flaubert, qui sentirent cependant, surtout ce dernier, le transitoire humain, le cours des années n’est si magistralement marqué dans le cours des carrières. […] La Guerre et la Paix, Anna Karénine, n’ont point à proprement dire de sujet, ni dramatique ou psychologique ; ils ne sont point, comme on dit, l’analyse d’un état d’âme, l’étude d’une passion, d’une faculté, d’un accident ; ils contiennent la vie même, toute la vie d’un groupe nombreux d’hommes étagés à tous les âges et conduits pas à pas, par une durée d’une vingtaine d’années, jusqu’au terme des grandes phases de leur carrière. […] De ces personnages si près d’être vertueux, les principaux sentent confusément ou nettement la nécessité de justifier devant eux-mêmes leurs actes et souffrent de l’impossibilité où est tout homme pensant de vivre justement et heureusement pour soi, quand ce soi est un phénomène éphémère d’au plus une soixantaine d’années de durée moyenne. Ce problème, le plus ardu et le plus inévitable qui attende l’homme aux années de maturité où l’on se perçoit mortel, les héros favoris de Tolstoï l’agitent et le résolvent avec une gravité triste et angoissée, une ardeur de recherche, une inquiétude tenace de gens qui ne peuvent vivre avec ce souci. […] Mais pour des esprits comme celui de Tolstoï, que cette vie scandalise et qui tout à coup en viennent à songer que, mauvaise et absurde, elle est courte, sans espoir de rachat, sans le temps de changer ; la pensée qu’après une soixantaine d’années de péchés et de souffrances, il viendra inévitablement pour tout homme un mystérieux moment où, misérablement, il cessera d’être sans que ce globe s’arrête de fuir dans l’espace et les jours de se suivre, est intolérablement amère.

504. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome II

Comment une accumulation de tant d’années n’aurait-elle pas produit une tendance héréditaire ? […] Dans ces années-là, il se prêtait encore au monde. […] Quand vous aurez pioché votre cœur humain encore une vingtaine d’années, vous verrez quelle lassitude. […] Quatre, cinq années se passent. […] La matière même de son œuvre n’a pas varié depuis les années où il composait ses Récits d’un chasseur.

505. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. THIERS. » pp. 62-124

Ces années d’études à Aix ont laissé des traces. […] Thiers, et ils s’arrangèrent pour faire remettre le prix à l’année suivante, comme si le morceau ne se trouvait digne en effet que du second rang. […] Et ceci me rappelle en effet que, dans ces années de début, un soir que, sur un des sujets de conversation politique à l’ordre du jour, M. […] Les deux premiers volumes de l’Histoire de la Révolution paraissaient dans l’automne de l’année 1823. […] Quelques années après, M.

506. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DÉSAUGIERS. » pp. 39-77

Une lettre de notre voyageur, que nous avons sous les yeux, nous le montre au naturel, tel qu’il était en ces années d’hilarité et d’insouciance, tel qu’il eut l’heureux privilége de rester toujours. […] Arrivé à Baltimore, le jeune Saint-Marc y passa les années 1795, 1796 ; il savait très-bien l’anglais et avait des écolières pour le piano en grand nombre : il s’était rendu extrêmement fort sur cet instrument. […] Pendant les deux ou trois premières années qui suivirent son retour, nous le perdons un peu de vue : il ne resta pas tout ce temps à Paris. […] L’ancien Caveau, dont les réunions se tenaient au carrefour Bussy, chez le restaurateur Landelle, dura dix années et plus. […] vi) nous montrent Désaugiers chef d’orchestre au petit théâtre dit des Victoires nationales, rue du Bac, vers l’année 1799.

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