Cette gaieté et cette sérénité, Madame Élisabeth les puisait dans son humeur et surtout dans sa piété, dans sa confiance absolue en Dieu.
Ce qui est certain, c’est que le chemin qui mène à la maison de la Lisette de Mme de Gasparin est une route des plus salubres, des plus pittoresques, et que cette verdure d’une matinée de mai y est décrite d’une exactitude et d’une vigueur incomparables : « Chaque fleur, chaque ton et chaque nuance de fleur, nous dit le peintre véridique, a son règne dans la campagne, et ce règne est absolu… La teinte est presque toujours uniforme, splendide en son unité.
Dans la plupart des cas, en effet, avec les personnages connus, mais secondaires, de l’histoire, il faut se résigner à ignorer le fond, le secret des esprits et des cœurs, la valeur absolue des talents, la trempe des caractères : les actes publics sont là, on se règle de loin là-dessus, à peu près, et il est hasardeux de conjecturer au-delà.
Or, il y a une opposition absolue entre la frivolité purement maligne des Matinées royales, et le style grave et digne des autres œuvres de Frédéric, toutes les fois qu’il a à parler de la patrie.
La catastrophe étant donnée, il y aurait eu bien vite un parti pris absolu, une unité souveraine de couleur et de ton sur les précédents de cette destinée : c’eût été la satire ou l’apothéose qui eût prévalu ; on eût eu une première Antoinette, toute divine et adorable ou tout odieuse et détestable, tout une ou tout autre, selon le courant d’opinion qui eût soufflé et régné : il n’y aurait pas eu de milieu.
Un silence absolu était son invariable réponse.
. ; comme il vient à quelques pages de là de s’exprimer de ce ton absolu, que va-t-il faire lorsqu’il rencontre dans ces mêmes stances, qu’il proclame les plus admirablement amoureuses de la poésie française, le petit dieu Cupidon en personne : Ne crains rien, Cupidon nous garde… ?
Arnould Fremy, qui se porte aujourd’hui pour juge absolu du véritable esprit de la poésie grecque et de la simplicité antique, a commencé, il y a une quinzaine d’années, sous des auspices bien différents.
Le plus absolu, le plus infatué de son droit, Louis XIV a eu des scrupules lorsque l’extrême nécessité l’a contraint à mettre sur tous l’impôt du dixième30.
Ajoutons que ces chefs-d’œuvre mêmes ne sont pas absolus, mais relatifs à l’état social et à l’âge plus ou moins avancé des peuples pour lesquels l’historien a écrit son histoire.
Il regarde la vie avec une tristesse qui naît d’un absolu, d’un incurable pessimisme.
Cette idée que des hommes peuvent juger des hommes, non pas seulement au point de vue utilitaire, mais au nom de la vérité, de la conscience universelle, de l’absolu, me paraît de plus en plus baroque et monstrueuse.
Avant que d’écrire ou d’agir, le classique apprend à penser, et geste ou parole lui semblent beaux qui expriment directement et clairement le pouvoir absolu de la raison.
L’état de l’Ordre à ce moment suprême, ses divisions intestines, les dispositions des chevaliers, la plupart philosophes et mondains, qui n’étaient plus que de vieux garçons en exil sur un rocher, le manque absolu des grands mobiles qui portent les hommes à se sacrifier, tout est vu en passant avec le coup d’œil d’un moraliste, cette fois au service d’un conquérant.
Après une critique judicieuse du sujet, de la fable et de la composition, Rivarol y relevait la monotonie de la manière, le défaut absolu de mouvement et de variété : « On a dit que la pureté et l’élégance ne suffisaient pas dans un ouvrage de cette nature : il n’y a que les expressions créées qui portent un écrivain à la postérité.
Il serait cruel d’élever un doute absolu sur ce point.
Par un jugement aussi absolu, Courier fait tort, ce me semble, à son esprit, je ne dirai pas militaire, mais historique, et il montre qu’il n’a pas embrassé un ensemble.
Il faut voir Voltaire sous bien des jours ; ce monarque absolu et capricieux, qui était sans foi ni loi, du moment qu’on le contrariait, rencontra une fois dans sa vie quelqu’un d’aussi spirituel que lui, qui lui dit son fait, et qui ne fléchit pas.
[NdA] Cependant M. de Choiseul-Gouffier, parlant de l’abbé Barthélemy chez la princesse de Bauffremont, disait de ce ton haut et absolu qui était le sien : « Concevez-vous l’abbé Barthélemy ?
Les flatteries l’emportèrent jusque-là qu’il crut que toutes les louanges qu’on lui donnait étaient véritables, et que la grandeur qu’il possédait était moindre que son mérite… Il était plein de belles paroles et de promesses qu’il ne tenait pas fidèlement ; mais, lorsqu’il donnait des paroles plus absolues, c’est alors qu’on était plus assuré de n’avoir pas ce qu’il promettait ; et, lorsqu’il promettait le plus son affection, c’était lorsqu’on avait plus de sujet d’en être en doute : tant il manquait de foi sans en avoir honte, mesurant tout l’honneur à son utilité !
Cette insensibilité, à notre avis, ne peut être absolue, mais l’excès même du préjugé vulgaire, qui imagine une activité absolument dépourvue de tout sentiment et de toute perception, témoigne en laveur de la priorité de l’agir, sinon de son indépendance et de son état d’isolement.
Mais cela même n’est qu’un fait que l’on érige, sans raison, en une sorte d’absolu au-delà duquel on s’interdit de remonter.
Ceux qui sont moins farouchement individualistes habitent, à deux ou trois, des bosquets dans un isolement moins absolu.
Nos raisons d’abaisser ou de diminuer Louis XIV, le roi absolu, ressemblent plus qu’on ne croit à celles du due de Saint-Simon, car des aristocrates comme lui sont des démocrates par en haut et entre eux, comme nous sommes, nous, des aristocrates par en bas.
Seulement, par une inconséquence qui nous touche et dont nous connaissons la cause, il se mêle à ces poésies, imparfaites par là au point de vue absolu de leur auteur, des cris d’âme chrétienne, malade d’infini, qui rompent l’unité de l’œuvre terrible, et que Caligula et Héliogabale n’auraient pas poussés.
Mais si la grande originalité qui n’a pas d’âge, l’originalité absolue, manquait à Brizeux, à ce poète parfumé de Bretagne, mais qui n’en était pas pénétré, la relative qu’attestent ses poésies leur donne une valeur qui l’emporte, selon moi, sur bien des poésies que nous avons vues se produire depuis qu’il n’est plus.
Il n’est pas époux moins tendre, poëte moins gracieux ; et, ce qu’il y a d’immense dans cette puissance anglaise dont il était un des modérateurs, cet, empire absolu sur tant de millions d’hommes aussi opiniâtres dans leurs cultes indigènes que longtemps résignés dans leur obéissance, cette visite pastorale de Calcutta jusqu’à Bombay, parmi les souverainetés détruites, les idoles tolérées dans les temples et les anciens sultans reclus dans leurs palais, tout ce spectacle sans exemple dans le monde donne au pieux et charitable évêque une grandeur singulière.
Mais n’est-il pas, lui aussi, trop absolu ? […] Tous deux exigent une absolue discrétion. […] Ensuite et surtout, il n’y a de pleinement intellectuel que l’unique souci et le respect absolu de la vérité. […] En quoi il était un peu trop absolu. […] Pour elle, le temps n’est certes pas un absolu.
Ô sapience absolue ! […] Que Scarmentado, de son côté, trompe sa femme, et ce sera l’accord parfait, la félicité absolue. […] Ces bonshommes sont vulgaires plutôt que bas, et leur inconscience morale n’est pas absolue. […] Anna était une personne d’une sensibilité folle, d’un extraordinaire orgueil, et (à cette époque du moins) d’une intelligence peu souple et peu accommodante, éprise d’absolu en toutes choses. […] Elle le récompense de son absolu dévouement par la plus sèche ingratitude, par la plus désobligeante humeur, par la répulsion la moins déguisée, par d’insultants reculs de tout son corps : soit.
« Ce rythme de la guerre, c’est l’une des grandes raisons de notre certitude mathématique et absolue de la victoire », dit Polybe. […] « À cette question, nous ne pouvons que répondre par la négative absolue. » Bernhardi ne se fait pas d’illusions. […] Chercheurs d’absolu et coureurs d’idées, on les a vus aller très loin ; jamais ils n’allaient assez loin pour satisfaire leur étonnante curiosité. […] Il préfère à tout absolu, et même à toute contingence, la délivrance du sol français et la reprise de l’Alsace ; un Romain Rolland lui fait pitié. […] Il y eut chez la plupart une perte absolue du sens national : croule la France, pourvu que l’Empire tombe !
Ni la bonté de l’homme n’est absolue, ni sa méchanceté probablement. […] Il nie « le commencement absolu de la vie organique sur le globe ». […] Flaubert n’y fait pas la critique de la science pure ou absolue. […] La science pure, ou absolue, ou parfaite, image de la vérité, la plus ressemblante, est sans reproche. […] Claudel a retrouvé l’esprit véritablement chrétien d’une époque où le sentiment religieux était dans sa pureté absolue.
Esprit positif, sans aptitudes pour gravir à tout propos le septième ciel, examinateur et sachant les hommes enclins à la superstition, il se tient en défiance contre l’idéal et l’absolu, — les idoles, comme il dit avec Bacon qui doit être un philosophe de son goût. […] La justice absolue, le principe du mérite personnel seraient vainement invoqués contre les lois de la « physique sociale » : car l’expérience montre que toute infraction à ces sortes de lois se résout en malheurs et en crimes. 2° Une morale fondée sur la seule « conscience », ou sur des principes abstraits (Droit, Justice, etc…), une « morale indépendante » en un mot, est incapable de produire le bien, comme fait toute morale appuyée sur une religion positive. […] Ce phénomène est la solitude absolue où se trouvent les membres de ces groupements mal unifiés, dans des heures de crise, alors même qu’ils traversent des épreuves analogues, sinon identiques. […] Il ne subsiste donc plus le moindre doute sur sa véritable pensée : l’auteur de « l’Etape » ne condamne pas d’une manière absolue l’« ascension sociale », par une négation, qui serait insensée, des capacités que l’on rencontre chez les hommes issus des classes les moins élevées. […] Notre législation du divorce a cherché à concilier la liberté absolue de l’individu, principe du droit révolutionnaire, avec l’intérêt national qui veut des familles stables et unies.
C’est cette fière et persistante pensée qui produit et conduit tout le livre de Fortescue. « Il y a deux sortes de royautés, dit-il, desquelles l’une est le gouvernement royal et absolu, l’autre est le gouvernement royal et constitutionnel153. » Le premier est établi en France, le second en Angleterre. « Et ils diffèrent en cela que le premier peut gouverner ses peuples par des lois qu’il fera lui-même, et ainsi mettre sur eux des tailles et autres impositions, telles qu’il voudra, sans leur consentement. […] Fortescue va plus loin : il oppose, pied à pied, la loi romaine, héritage des peuples latins, à la loi anglaise, héritage des peuples teutoniques : l’une, œuvre de princes absolus, et toute portée à sacrifier l’individu ; l’autre, œuvre de la volonté commune, et toute portée à protéger la personne. […] Ils vont courbés et sont faibles, et ne sont pas capables de combattre et de défendre le royaume ; ils n’ont point d’armes non plus, ni d’argent pour en acheter156. » « Voilà les fruits du gouvernement absolu.
Je trouve bien ombrageuse cette poésie qu’un bruit de pas effarouche, que la vue d’un être humain fait évanouir, et qui ne se sent à l’aise que dans l’absolue solitude. […] Ne doit-il pas s’interdire à lui-même d’une façon absolue tout ce qui diminuerait, si peu que ce soit, la valeur et l’intérêt de son œuvre ? […] S’étant proposé comme fin l’imitation, ce qui est son droit, il est logique en essayant de la porter jusqu’à l’exactitude absolue. […] Il est dans le monde des choses si belles et qui nous tiennent tant au cœur, que nous voudrions en avoir toujours l’image devant les yeux, l’image fidèle, intégrale, absolue. […] Sur la toile ni dans le marbre on ne saurait rendre avec une exactitude absolue la forme des objets, leur coloration, leur luminosité, leur mouvement, en un mot leur apparence visible.
J’ai trop souvent insisté sur ce que peut un seul homme dans la littérature ou dans l’art, comme aussi bien dans l’histoire ; et on ne me soupçonnera pas de vouloir aujourd’hui soumettre le talent à l’empire absolu de l’occasion et de la conjoncture. […] Le Dieu qu’il nous a montré a bien une autre puissance ; il peut faire et défaire ainsi qu’il lui plaît, il donne des lois à la nature, et les renverse quand il veut… « Si, pour se faire connaître dans le temps que la plupart des hommes l’avaient oublié, il a fait des miracles étonnants, et forcé la nature à sortir de ses lois les plus constantes, il a continué par là à montrer qu’il en était le maître absolu, et que sa volonté est le seul lien qui entretient l’ordre du monde. […] C’est ainsi qu’il s’est efforcé de distinguer nettement le pouvoir absolu du pouvoir qu’il appelle arbitraire : « Quatre conditions accompagnent le gouvernement arbitraire : « Premièrement, les peuples sujets sont nés esclaves, c’est-à-dire vraiment serfs, et parmi eux il n’y a point de personnes libres ; « Secondement, on n’y possède rien en propriété, mais le fond appartient au prince, et il n’y a point de droit de succession, pas même de fils à père ; « Troisièmement, le prince a le droit de disposer à son gré, non seulement des biens, mais encore de la vie de ses sujets, comme on ferait des esclaves ; « Et, enfin, en quatrième lieu, il n’y a de loi que sa volonté… « C’est autre chose que le gouvernement soit absolu et qu’il soit arbitraire. Il est absolu par rapport à la contrainte, n’y ayant aucune autorité capable de forcer le souverain, qui, en ce sens, est indépendant de toute autorité humaine. […] L’entière liberté du langage lui paraissait évidemment une condition absolue de la liberté de la pensée.
De toutes ces rencontres et des réflexions qu’elles m’ont suggérées, je n’ai tiré qu’une certitude, mais absolue, c’est que la première condition pour rester, pour survivre aux déchéances de la mode, à nos propres erreurs d’idées, à celles de notre temps, c’est d’avoir, dans nos livres, noté avec exactitude un peu de réalité humaine. […] Cette identité foncière de la création et de l’artiste, quand celui-ci s’est exprimé entièrement par celle-là, donne la sensation du parfait, presque de l’absolu. […] Aussi, un Mérimée, un Stendhal professent-ils une absolue amoralité intellectuelle. […] Il emporte avec lui cette crédibilité totale, absolue, qui est la première vertu du roman. […] Le vieil adage : « Rien ne se perd, rien ne se crée » cesse d’avoir une valeur absolue.
Autrement dit, il était audacieux et absolu dans la théorie, mais presque timide et volontiers conciliant dans l’application. […] Édouard Champion raconte malicieusement qu’il avait sollicité le concours de Casimir Striyenski, que celui-ci avait d’abord décliné cette offre quant à l’ensemble de l’entreprise, puis l’avait acceptée pour Henri Brulard et avait enfin refusé purement et simplement, lorsque l’éditeur lui avait exprimé sa volonté absolue de corriger les épreuves sur le manuscrit de Grenoble et d’y relever les variantes et les inédits. […] Tréfeu, gendre de Ratisbonne, en ait pris copie avant cette dispersion « dans des conditions qui lui permettent d’en garantir l’authenticité absolue ». […] Il n’y a de détresse complète que dans l’absolu pessimisme.
Cet homme deviendra non seulement son mari, mais son maître absolu, son oracle, son dieu. […] Sa raison s’éteignit dans la poursuite de l’absolu, ce qui est plus noble que de se noyer dans la fange des pourceaux de Circé ou dans un flacon d’absinthe. […] Les contrastes de caractère manquent d’une manière absolue dans le roman de Madame Bovary. […] L’originalité manque à ce roman d’une manière absolue. […] Je dirai ici, sous forme de parenthèse, que tout en croyant au désintéressement absolu et traditionnel de son chien favori, mademoiselle Marguerite fait bien de ne pas laisser oublier sa pâtée.
Cela ôte un peu au sens absolu qu’on y attache. […] Leopardi les a légèrement façonnées en les traduisant, et leur a prêté un sens plus net et plus absolu qu’une critique philologique sévère n’est peut-être en droit de leur attribuer.
Le malheur n’est presque jamais une chose absolue ; ses rapports avec nos souvenirs ou nos espérances en composent souvent la plus grande partie, et quand une secousse très vive s’opère en nous-mêmes, notre douleur s’offre souvent à notre imagination sous un aspect tout différent. […] L’air qu’ils respirent leur fait aimer la vie, l’empire de l’opinion publique est moins absolu dans un pays où l’on a moins besoin de société, les jouissances d’une si belle nature suffisent aux grands comme au peuple, il y a dans le printemps de l’Italie de quoi distribuer du bonheur à tous les êtres.
Cette société des camps a des lois sociales plus étroites, plus promptes, plus absolues, plus draconiennes que les lois de la société civile. […] Pendant ces hésitations Napoléon s’avance, avec l’unité de direction et la rapidité de marche d’un commandement absolu, à travers la Franconie et la Saxe ; les avant-gardes s’entrechoquent ; le prince Louis de Prusse, le plus chevaleresque des partisans de la guerre à la cour de son frère, tombe mort sous le sabre d’un sous-officier français ; le duc de Brunswick replie l’armée sur Naumbourg, laissant 50 000 hommes sous le prince de Hohenlohe, à Iéna ; Napoléon arrive avec ses masses en vue de la ville.
Il n’a point été impatient de justice ; il ne l’a pas attendue, cette justice, de ses contemporains ; il a jugé que ni les républicains ardents et sectaires, ni les royalistes absolus et irrités, ni les hommes religieux implacables contre sa répudiation du sacerdoce, même sanctionnée par le souverain pontife, ni les démocrates jaloux de toute antiquité de race dans ceux-là même qui les adoptent, ni les démagogues furieux contre ceux qui conservent le sang-froid et la mesure aux révolutions, ni les bonapartistes survivants du premier Empire, qui ne pardonnent pas à l’homme de 1814 d’avoir préféré la patrie à un homme, et prévenu par la déchéance de Napoléon le suicide de la France, ni les apôtres turbulents de la guerre, qui ont toujours trouvé entre eux et leurs mers de sang, dans les ministères, dans les ambassades, dans les congrès, l’homme de la paix, personnifié par le grand diplomate, ni les légitimistes de 1830, qui n’excusent pas ce vieillard monarchique d’avoir conseillé deux Bourbons sur le même trône, ni toutes les médiocrités, enfin, que la longue fortune et la supériorité exaspère contre tout nom historique, il n’a pas jugé, disons-nous, qu’aucun de ces partis contemporains fût assez impartial pour l’écouter, même du fond de sa tombe ; il a su attendre, et il a bien fait. […] La Terreur se dévora elle-même ; la république se concentra dans le Directoire, ébauche de dictature collective, prélude de dictature militaire, prélude elle-même de monarchie absolue.
On se sent plongé dans la paix profonde d’une nature solitaire, car le silence absolu n’est interrompu que par les notes isolées des merles qui alternent avec le chant d’une grive des bois. […] J’avais déjà, à cette époque, une foi absolue à l’influence réciproque, et je pensais pouvoir l’amener vers moi en le désirant fortement.
Les suggestions d’un personnalisme absolu donnent le branle à toutes les pensées, qui se dispersent par la voie du livre ou de la presse. […] Pro domo sua [Pierre Sales] Monsieur et cher confrère, Pourquoi traiter avec dédain un genre de littérature qui permet de s’adresser à l’immense masse du public, laquelle ne comprend jamais tout de suite les novateurs absolus et serait à jamais fermée à toute beauté morale ou artistique, si certains écrivains ne les faisaient arriver jusqu’à elle ?
et comment nos chanteurs s’accommoderaient-ils de cette musique où tout est mélodie expressive, où rien n’est romance, narration ou phrase à retour, et qui exige de l’interprète une simplicité absolue et l’oubli de notre virtuosité d’école ? […] Il croit que Wagner attendait plus d’une France ennemie de l’Allemagne que d’une Allemagne dont le génie germanique est affaibli. — Il découvre le second motif dans le trait essentiel du caractère allemand, lequel est le penchant prononcé pour la critiqué, tandis que l’amour de l’action est plus marqué dans les races latines. « En règle générale, c’est l’Allemagne qui pense, et la France qui réalise la pensée allemande. » — Enfin, M. de Letamendiau a la conviction que chaque race humaine produit des grands hommes de deux catégories opposées : les uns sont la quintessence de leur race, les autres en sont la contradiction absolue.
Or, de tous les critiques vengeurs qui se sont insurgés à la fin pour l’honneur du génie et de la gloire de Shakespeare, nul n’est allé plus loin que Thomas Carlyle, et c’est lui qui, dans son livre bizarre sur les Héros, où il y a tant de lucidités mêlées à tant d’erreurs profondes, c’est lui qui a formulé, avec le plus de rigueur et d’audace, la thèse qui déduit le Shakespeare inconnu de ses œuvres connues, le Shakespeare moral du Shakespeare de génie, et réclamé pour tout Shakespeare les bénéfices exorbitants d’une perfection absolue. […] XIII Un des attributs du génie, mais du génie absolu comme l’avait Shakespeare, est la variété dans les chefs-d’œuvre, et c’est aussi l’embarras qu’ils causent, quand il s’agit d’établir entre eux non une préférence de sentiment, toujours facile, mais une hiérarchie de raison.
Si j’avais donc un conseil à lui donner, ce serait de se cantonner et de se calfeutrer dans sa Bretagne, dans l’esprit, les souvenirs et les coutumes du pays qu’il connaît si bien, de s’y ramasser et de s’y condenser tout à fait au lieu de s’éparpiller à tous les souffles de la rose des vents de Paris, et peut-être finirait-il sa vie par ce chef-d’œuvre absolu qui fixe enfin la gloire d’un homme et qui lui a toujours manqué. […] Telle fut, vue par en haut, et dégagée, comme un arbre en pleine forêt abattue, de toutes les facultés qui jetaient leur épaisseur sur elle, la supériorité absolue de Raymond Brucker, de ce porte-flamme, qui, comme la flamme ne laisse rien après elle, n’a rien laissé après lui, et, tout entier, s’est évaporé.
Écoutez plutôt : « L’autorité royale est absolue… Les princes sont des espèces de dieux, suivant le langage de l’Écriture, et participent eu quelque façon à l’indépendance divine… Au caractère royal est inhérente une sainteté qui ne peut être effacée par aucun crime, même chez les princes infidèles… » Bossuet en déifiant le prince, quelqu’il soit et de quelque manière qu’il ait été établi, en le marquant d’un caractère de sainteté qu’aucun forfait ne peut effacer, n’est plus qu’un adorateur du fait brutal, de la force pure, et il rétrograde ainsi par-delà le moyen âge et jusqu’aux Césars byzantins… » Je ferai la même observation que pour l’alinéa précédent. […] Lorsqu’on parcourt soit telle oraison funèbre, soit tel chapitre de la Politique tirée de l’Écriture sainte, en tenant compte même des mœurs de la monarchie absolue, il est impossible de ne pas être frappé de la platitude des épithètes dont l’évêque accable le roi.
Les premiers pères de famille sont les premiers prêtres ; et comme la religion compose encore toute la sagesse, les premiers sages ; maîtres absolus de leur famille, ils sont aussi les premiers rois ; de là le nom de patriarches (pères et princes). […] Mais ces rois absolus de la famille sont eux-mêmes soumis aux puissances divines, dont ils interprètent les ordres à leurs femmes et à leurs enfants ; et comme alors il n’y a point d’action qui ne soit soumise à un Dieu, le gouvernement est en effet théocratique.
Le christianisme, en effet (c’est là son innovation morale), a inculqué aux hommes un sentiment plus vif et plus absolu de la vérité.
C’est ainsi que sont les hommes quand ils sont tout à fait naturels, s’abandonnant à leurs mouvements avec une mobilité qui s’accorde bien, du reste, avec cette foi absolue en Dieu et avec cette idée qu’on est entre les mains de celui qui peut toute chose de nous à chaque instant du jour.
Mais le propre du Français n’est-il pas de ne jamais donner de démission absolue et de recommencer toujours ?
Il supposa d’abord inexactement que M. de Girac avait blâmé Voiture de ce qu’il n’écrivait point du tout dans le goût de Balzac, nihil Balzacianum, ce que M. de Girac n’avait pas exprimé de la sorte ni dans ces termes absolus : Il dit (c’est Costar qui parle) que M. de Voiture n’écrit pas de votre manière ; qu’il ne parle pas Balzac ; qu’il ne tient rien de ce noble caractère qui relève si fort vos pensées et vos paroles.
À un certain moment toutefois, vers l’âge de 44 ans, elle avait pris un parti absolu, celui de la dévotion, qui se marquait alors par une réforme dans la toilette, par les habitudes extérieures.
Mais en 1794, il n’en est pas à cette solution dernière, religieuse, à laquelle il ne s’élèvera que par degrés, et, quoique sans parti pris et sans décision absolue, il incline à tout rapporter à l’état physique et à la machine : Je ne prétends rien décider à cet égard.
On a peine, en effet, à s’expliquer ce décri soudain et absolu qui pesa sur lui, sans appel, dès le premier jour ; de plus indignes, assurément, ont eu moins de guignon.
Théologiquement, elle n’a jamais douté qu’elle ne possédât la vérité absolue dans le dogme et le symbole chrétien ; elle n’a varié que du moins au plus, en se faisant chaque jour plus strictement fidèle, plus catholique et plus orthodoxe.
La règle précise et rigoureuse, en pareil cas, est de ne pas tant raisonner sur les éventualités, et de ne point capituler tant qu’on n’éprouve pas le manque absolu de vivres et de munitions.
(31 octobre 1774.) » Et cinq ans après, quand Marie-Antoinette est reine, dans une lettre à l’abbé de Vermond, Marie-Thérèse laisse échapper ce même mot de sinistre augure et qui s’est trouvé trop prophétique : « Je suis bien touchée de vos services et attachement qui n’ont pas d’exemple ; mais je le suis aussi de l’état de ma fille, qui court à grands pas à sa perte, étant entourée de bas flatteurs qui la poussent pour leurs propres intérêts (1776). » Et pour le dire en passant, cet abbé de Vermond, tant attaqué et incriminé dans tous les mémoires du temps et toutes les histoires de Marie-Antoinette, se relève un peu, dans cette Correspondance, par l’estime constante et la confiance absolue que lui témoigne Marie-Thérèse : c’est là aussi un suffrage qui compte et qui vaut bien qu’on le mette en balance avec celui de Mme Campan.
Cette incapacité absolue me tranquillise un peu sur l’inutilité de ma vie ; je ne puis enfouir ni faire valoir un talent que je n’ai point reçu.
Tendrement aimé de sa mère, près de laquelle il dut trouver un asile contre l’exigence d’un père absolu, il a rappelé souvent avec la vivacité des premiers prestiges les promenades faites en sa compagnie (aux vacances probablement) dans la forêt de Fontainebleau.
Une plaie moins matérielle, et en même temps plus saisissable, plus ostensible, qui tient de près à l’ambition personnelle des hommes de talent et à leur prétention d’être chacun un roi absolu, c’est la façon dont ils s’entourent, dont ils se laissent entourer.
On pouvait être un homme de beaucoup de mérite sous l’ancien régime, et cependant se rendre ridicule par une ignorance absolue des usages.
Si nos jeunes nobles allaient à Londres, dans les rues sans trottoir, du même train que leurs frères de Paris, ils se verraient bientôt et justement rossés de la bonne manière et traînés dans le ruisseau. » — Mercier s’inquiète en face de ce populaire immense. « Il y a peut-être à Paris deux cent mille individus qui n’ont pas en propriété absolue la valeur intrinsèque de cinquante écus ; et la cité subsiste !
Le manque du nécessaire absolu est une chose affreuse, parce que l’inquiétude du lendemain empoisonne le présent. » M*** avait raison, mais cela ne tranche pas la question.
Mais, sans la récente publication de quelques opuscules inédits, on ne verrait pas bien l’importance réelle de cette période scientifique de la vie de Montesquieu ; on ne se douterait pas de l’absolue domination possédée pendant un temps sur son intelligence, par l’esprit et les principes des sciences physiques et qu’une sorte de déterminisme naturaliste a précédé chez lui le mécanisme sociologique.
Il étendit la gratuité, amena même plus de six mille communes à voter la gratuité absolue, créa dix mille écoles nouvelles ; fonda les cours d’adultes, les bibliothèques scolaires, la caisse des écoles ; réforma les études dans les écoles normales d’instituteurs ; essaya d’accommoder l’enseignement aux milieux et aux régions ; introduisit des notions industrielles dans les écoles de villes, agricoles dans les écoles de campagne ; mit un peu de maternité dans les salles d’asile ; améliora notablement les traitements des instituteurs et des institutrices… Je m’arrête avant la fin de l’énumération et vous prie de considérer, Messieurs, que ce n’est point ma faute si l’abondance des œuvres de M.
De ces théories absolues et contradictoires, le tiers système que je vais esquisser n’est pas une conciliation (à quoi bon ?)
De ces théories absolues et contradictoires, le tiers système que je vais esquisser n’est pas une conciliation (à quoi bon ?)
Et pourtant, si l’objet spécial auquel on consacre sa vie devait être pris comme ayant une valeur absolue, tous devraient s’appliquer au même objet, c’est-à-dire au plus excellent.
Je me suis tellement surveillé, que je ne pense pas m’être écarté de ma ligne naturelle ; mais la seconde fois, si je ne me fusse imposé pendant quinze jours un silence presque absolu, il y aurait eu quelques moments de chaleur où je me serais donné des torts réels et ineffaçables.
Je me permettrai seulement de demander si dans cette abstinence absolue de toute citation et de toute note en un genre d’ouvrage qui les réclame naturellement, si dans cette suppression exacte de tout nom propre moderne, là même où l’auteur y songe le plus et y fait allusion, si dans cette attention tout épigrammatique à ne laisser sans rectification aucune des petites erreurs d’autrui, il n’y a pas une autre sorte de pédantisme.
Le parti ultra fit invasion dans le pouvoir en 1820, et dès lors ne lâcha plus pied qu’il ne fût le maître absolu.
L’auteur a procédé dans son sujet graduellement, avec bon sens et bonne foi ; il n’a point de vue absolue ; il cherche ce qu’il croit la vérité, « abandonnant, dit-il, les dissertations aux érudits, et les conjectures aux philosophes ».
Vous pensez que vous n’humiliez personne, et vous humiliez tout le monde ; et, quand je vous compare dans mon idée avec ces hommes absolus que je vois partout, je les précipite de leur tribunal, et je les mets à vos pieds.
Montesquieu, dans les Lettres persanes, a parlé d’un de ces personnages au ton tranchant et absolu comme nous en connaissons encore : « Je me trouvai l’autre jour, écrit Rica à Usbek, dans une compagnie où je vis un homme bien content de lui.
retournez toutes ces propositions si vous voulez lui plaire : ne vous occupez guère de lui, mais ayez l’air de vous en occuper beaucoup ; parlez de lui sans cesse aux autres, même en sa présence, et ne soyez point la dupe de l’humeur qu’il vous en marquera. » Il ajoutait avec raison et ne cessait de redire que, déjà atteint de manie secrète, cette solitude absolue de l’Ermitage achèverait d’échauffer son cerveau et d’égarer son idée : et vers la fin de ce séjour, au moment où les soupçons et les extravagances de Rousseau commençaient à éclater : « Je ne saurais trop le dire, ma tendre amie, écrivait Grimm, le moindre de tous les maux eût été de le laisser partir pour sa patrie il y a deux ans, au lieu de le séquestrer à l’Ermitage.
Ayant à parler d’une tragédie de Philoctète par Châteaubrun (mars 1755), il y relève tous les défauts, et surtout la fausseté, le manque absolu du génie.
Necker, qui eut du succès malgré le choix du sujet ou plutôt à cause du sujet qui était alors de mode, fut son ouvrage Sur la législation et le commerce des grains, qui parut en 1775 ; c’était une attaque contre les théories absolues du ministère de Turgot et contre les économistes qui voulaient une entière liberté d’exportation.
— Saint-Simon croyait au mal absolu et héréditaire de la bâtardise.
Quant à son catholicisme, nous en avons donné l’explication la plus honorable en montrant qu’il consistait seulement dans le sentiment de respect qu’inspire à très bon droit un système aussi fort, aussi lié en toutes ses parties, que le système catholique au Moyen Âge ; mais de théorie, de démonstration tendant à prouver la valeur absolue, divine, éternelle de ce catholicisme du passé, il n’y en a pas dans Hurter, esprit trop peu philosophique pour s’inquiéter beaucoup d’une théorie quelconque.
Dans les écrits que nous avons de lui, mêlés, à grandes doses, de lumière et d’ombre, sa supériorité n’existe pas toujours au même degré ; mais quand elle existe, elle est absolue, et nul, parmi les moralistes chrétiens qui retournent le cœur et l’esprit de l’homme dans leurs mains curieuses, n’a montré plus d’acuité que cet homme tyrannisé par ses facultés et préoccupé tellement de voir, que, pour lui, l’absence de seconde vue est le caractère irrémissible de ce qu’il haïssait le plus au monde, — la Médiocrité !
Et ce fait, j’en garantis l’authenticité, car il m’a été raconté par une dame fort intelligente, dont la parole m’inspire une confiance absolue.
Il n’a ni défiance ni confiance à l’endroit de ceux qu’il fréquente ; il a l’absolue conviction qu’ils cherchent à abuser de lui à leur profit, et que par conséquent il doit s’arranger pour user d’eux à son bénéfice. […] On ne se trompe pas plus en admettant l’impuissance du mal qu’on ne se trompe en admettant le pervertissement absolu de l’âme, et certainement les anges et les démons sont les seuls êtres qui aient une opinion vraie et profonde sur la nature humaine. […] Ce n’est donc pas un cheval idéal et absolu, puisqu’on ne peut l’abstraire du temps et de l’espace. […] Le type est au complet, aucun de ses agréments n’y manque, ni la sottise des prétentions ambitieuses, ni la nullité de l’intelligence, ni l’absolue sécheresse du cœur, ni l’hypocrisie sentimentale, ni l’insolence des manières, ni la vulgarité des propos. […] Le romancier toutefois est trop sensé pour avoir établi aucun contraste absolu, et de parti pris, et là comme partout il a su s’arrêter à la juste nuance.
Sixte, l’irresponsabilité des criminels et l’indifférence absolue en matière de morale, autre chose est d’appliquer aux genres littéraires les lois qui président à l’évolution des espèces animales et végétales. […] J’ai regardé, je l’avoue, plus d’une fois du côté du scepticisme absolu. […] L’absolu lui semble un non-sens, et il ne l’admet pas même à l’état d’inconnaissable. […] Il voudrait bien au moins que je ne visse point que l’idée contraire, celle de l’indépendance absolue de la science, présente certains dangers ; car alors il triompherait aisément de ma simplicité. […] Et je doute que ce spectacle ait contribué à lui inspirer une confiance absolue dans la bonté de la nature et dans la providence universelle.
Restait donc à créer, de ces vers, une strophe les associant harmoniquement et les faisant concourir à une unité d’effet : c’est ce que fit parallèlement Stéphane Mallarmé, dès les jours du Parnasse, et qu’il accomplit depuis avec une absolue suprématie. […] Stéphane Mallarmé Lettre très précieuse, non seulement à mon propos, mais d’avouer l’éternel tourment de Mallarmé vers un Absolu d’art qui recule à mesure des recherches. […] De tout méditer du point de vue de cet Absolu, a surgi en son Œuvre cette particulière cruauté philosophique qui est comme du dieu qui danse dans sa destruction, et qui est le génie de Villiers de L’Isle-Adam. […] Pour nous la quantité d’Absolu que comporte l’idée d’Humanité et de Morale humaine altruiste, nous est assez. […] De manière qu’entre les strophes, qu’entre le phrases, presque tous liens sont coupés : Il va à l’outrance plus que périlleuse de ses qualités, il les perdra en les élevant au grammatical, au verbal Absolu qui le hante.
La turbulente fécondité du xvie , Rabelais, Calvin, d’Aubigné, Montaigne, Ronsard ; la richesse et la variété du xviie , en ses deux aspects : l’un bouillonnant des restes de la Fronde, l’autre apaisé, réglé, rangé sous le niveau du pouvoir absolu de Louis XIV et de Boileau ; le xviiie siècle, explosion de la liberté reconquise, et de la licence ; fournaise d’idées nouvelles et hardies, volcan d’où jaillit la Révolution ; le xixe , grand par la poésie, par l’histoire, par la critique, par le roman, par le théâtre ; quelle éclosion, quelle forêt d’œuvres splendides ! […] L’auteur du Cid n’a pas l’indifférence superbe, la non-moralité entière et absolue de la Nature, ou de Shakespeare : il prend parti résolûment pour le devoir contre la passion. […] Toutefois je conviendrai volontiers que dans notre théâtre du xviie siècle en général, sous l’influence d’une noble philosophie, il y a peut-être excès dans le sens spiritualiste ; on sacrifie d’une manière un peu trop absolue le mouvement extérieur aux mouvements de l’âme. […] Pendant cette conversation de Genest avec le peintre de décors, survient une des comédiennes, Marcelle, qui, en achevant sa toilette, se plaint coquettement d’être importunée par la foule des galants qui remplissent sa loge, au point qu’elle a dû leur céder la place : De ces faux courtisans toute ma loge est pleine ; Et, lasse au dernier point d’entendre leurs douceurs, Je les en ai laissés absolus possesseurs.
La monarchie absolue commençait. […] Invisible à tous désormais, sa retraite fut définitive, absolue et funèbre. […] L’Architecture comme la Monarchie y fut, si l’on peut dire, absolue. […] Le commun accord est loin de s’être fait sur la valeur et le mérite absolus des poèmes de Mallarmé. […] Ils répugnèrent à l’observance des formules esthétiques établies et eurent un vif et fort sentiment de l’indépendance absolue du Poète et de la Poésie.
Donc, au temps où j’avais l’âge de Fortunio, Musset était pour moi le poète idéal, le poète absolu. […] Et tout cela, Ponsard ne le fait point par jeu ni avec le scepticisme d’un écrivain astucieux qui connaît son public, il le fait avec une conviction et une simplicité absolues. […] L’amour de la patrie, le sacrifice absolu de soi, le pardon et le repentir également héroïques, toutes ces belles choses ont trouvé grâce devant nous, et nous avons pardonné aux personnages de M. […] Elle fait avec son frère une antithèse absolue : ce sont deux fureurs égales et contraires, et monotones toutes deux. […] Au reste, la foi absolue qu’il a dans son art entraîne beaucoup de qualités excellentes.
Alors sous le règne de Néron se forma une éloquence, une poésie analogue, pour ainsi dire, aux frénésies du pouvoir absolu. […] Pline, en écrivant l’histoire du monde matériel et de tous les produits des arts, fut secondé par la protection de Vespasien, sans être gêné par son absolu pouvoir. […] Mais lorsqu’on lit une lettre où Trajan refuse d’autoriser une petite association pour réparer les bains d’une ville d’Asie, parce que, dit-il, toute réunion, toute société d’intérêts privés est une chose contraire à notre empire, on reconnaît le vice du pouvoir absolu. […] Cependant, à cette époque de corruption si profonde, et sous ce gouvernement si absolu, lors même qu’il se montrait modéré, une grande et sublime nouveauté cheminait dans le monde, à travers les ruines mal soutenues de l’ancienne société romaine. […] Ainsi le gouvernement impérial, faible et absolu, cruel et superstitieux, laissait tout dépérir.
Sens absolu et relatif Un mot est pris dans un sens absolu, lorsqu’il exprime une chose considérée en elle même sans aucun raport à une autre. absolu vient (…), qui veut dire achevé, acompli, qui ne demande rien davantage ; par exemple, quand je dis que le soleil est lumineux, cette expression est dans un sens absolu ; celui à qui je parle n’atend rien de plus, par raport au sens de cette phrase. […] Il y a une intérogation et une surprise dans le texte, et l’on cite le vers dans un sens absolu.
Je veux qu’on tienne compte de l’expérience acquise au passé, mais qu’on n’en fasse pas l’absolue maîtresse de l’esprit humain. […] Pendant que les rois absolus se frottaient les yeux, et, comme Jacquemont, croyaient rêver, la révolution de juillet s’établit ; elle prit racine. […] Voilà Runjet-Sing ; dans le Punjaub, c’est un homme heureux ; roi absolu, général habile, exacteur effronté, ayant une armée de 40 000 hommes, un budget de 50 millions, un cuisinier à l’épreuve et les plus mauvaises mœurs du monde.
Il ne faut pas demander à Roederer une séparation très exacte et très absolue entre ses diverses facultés et ses divers rôles.
Il est permis de penser que plus tard leur liaison, en se formant toujours, n’eût point eu cet ardent et absolu caractère ; on ne se fond ainsi sous la même écorce que dans la jeunesse.
[NdA] Supériorité, pris dans le sens absolu ; c’est déjà la langue du xviiie siècle et du nôtre ; ce n’est plus celle du xviie .
Dans un de ses derniers hivers, elle écrivait : Tout est couvert de neige, et me voici enfin dans une position selon mon cœur, c’est-à-dire renfermée derrière un triple rempart de glaçons, de sapins verdoyants et de solitude absolue.
L’Espagne était depuis un siècle dans un accroissement de puissance et d’ascendant qui troublait les conditions d’existence et les rapports naturels des pays voisins, et menaçait tout l’occident de l’Europe ; et en même temps elle apportait dans ses conquêtes politiques un système d’oppression absolue et de machiavélisme pratique qui tendait à pervertir la morale, à nouer tout développement de l’esprit et à déformer l’humanité.
Ce n’était pas seulement chez lui dégoût instinctif des fadeurs pastorales, et manque absolu peut-être, extinction, causée par la misère, du sens des beautés de la nature ; c’était encore répugnance profonde pour un cadre où toutes ses habitudes se trouvaient désorientées ; répugnance constante et qui ne se dément pas une seule fois dans son œuvre.
Schiller, en embrassant ce sujet avec ses idées absolues, son libéralisme exalté d’avant 93, son humanitarisme sans limite, féconda le tout et créa ce caractère idéal du marquis de Posa, qui parut bien dès lors à tout le monde d’un anachronisme trop manifeste pour un homme du xvie siècle, mais qui fut accepté néanmoins à la faveur de sa fougue vertueuse et d’un souffle de grandeur.
Quelque imprudence, et témérité de plume méritait-elle ce brusque et absolu brisement de toute une carrière ?
La mise en train des premières campagnes, les tâtonnements et les inexpériences, une opinion motivée sur la valeur de ces premiers généraux improvisés de la République, la mesure exacte et proportionnée de ces hommes tour à tour exaltés ou dépréciés, le compte rendu clair et intelligible de leur marche, de leurs essais, de leurs fautes et de leurs bévues, comme aussi de leurs éclairs de perspicacité stratégique et de talent, toutes ces parties sont rendues dans une narration bien distribuée et lumineuse, sans que le côté militaire devienne jamais trop technique, sans que la considération politique et morale des choses soit oubliée ; car ce tacticien éclairé est le premier à reconnaître que « la guerre est un drame passionné et non une science exacte 60. » Rien de tranché d’ailleurs ni d’absolu dans la pensée ni dans l’expression : la modération et un esprit d’équité président.
D’autres fois, ce sont des adjectifs, employés au sens d’adverbes, qu’il voudrait insinuer : « Il vole léger, pour légèrement. » Au reste, il ne prescrit rien d’absolu, il engage à essayer : excellent maître de diction poétique à une époque où rien n’était fixé encore.
Lamartine De tout temps et même dans les âges les plus troublés, les moins assujettis à une discipline et à une croyance, il y a eu des âmes tendres, pénétrées, ferventes, ravies d’infinis désirs et ramenées par un naturel essor aux régions absolues du Vrai, de la Beauté et de l’Amour.
Maintenant, quand on lit dans un grand journal l’éloge d’un livre, et quand le nom du critique n’offre pas une garantie absolue, on n’est jamais très-sûr que le libraire ou même l’auteur (si par grand hasard l’auteur est riche) n’y trempe pas un peu.
En parcourant les ouvrages à la mode, il s’est effrayé d’abord, il s’est demandé si notre langue n’avait pas changé durant ce long espace de temps qu’il avait vécu à l’étranger : « Pourtant ce qui me tranquillise un peu, ajoutait-il, c’est que, si l’on écrit tout autrement, la plupart des personnes que je rencontre parlent encore la même langue que moi. » En assistant à quelques séances de nos Chambres, il s’est trouvé bien dérouté de tant de paroles ; au sortir du silence des villas et du calme des monarchies absolues, il comprenait peu l’utilité de tout ce bruit, et l’on aurait eu peine, je l’avoue, à la lui démontrer pour le moment.
D’ordinaire, en effet, il se pose le christianisme comme une limite absolue, comme un horizon au delà duquel il ne remonte pas, pénétré surtout qu’il est, avec raison, de sa haute grandeur, de son caractère sans pareil dans l’ensemble, de son opposition essentielle au paganisme enfin, plutôt que de quelques rapports secondaires.
Quand il y avait pourtant nécessité absolue que l’action se passât en deux lieux différents, voici l’expédient qu’imaginait Corneille pour éluder la règle : « C’étoit que ces deux lieux n’eussent point besoin de diverses décorations, et qu’aucun des deux ne fût jamais nommé, mais seulement le lieu général où tous les deux sont compris, comme Paris, Rome ; Lyon, Constantinople, etc.
VIII Je faisais donc quelquefois effort sur moi-même et trêve à ma solitude absolue pour me faire recommander tantôt à M. de Rayneval, tantôt à M. d’Hauterive, tantôt à M. de Barante, tantôt à M. de Vaublanc, et leur demander protection ; ils me recevaient bien, mais en souriant de ma jeunesse et de ma figure, et me remettaient à d’autres temps.
Il en coûte sans doute à s’humilier ; mais la moindre résistance coûterait cent fois davantage à mon cœur. » XXX Le lendemain, il publia une déclaration à ses diocésains, dans laquelle il s’accuse lui-même d’erreur dans son livre des Maximes des Saints. « Nous nous consolons, dit-il dans cette déclaration, de ce qui nous humilie, pourvu que le ministère de la parole que nous avons reçu du Seigneur pour votre sanctification n’en soit pas affaibli, et que l’humiliation du pasteur profite en grâce et en fidélité au troupeau. » Sans doute l’arrêt officiel de Rome ne changea pas au fond de son cœur ses sublimes convictions sur l’amour désintéressé et absolu de Dieu : il ne crut pas s’être trompé dans ce qu’il sentait ; mais il crut s’être égaré dans ce qu’il avait exprimé ; il crut surtout que l’Église voulait imposer le silence sur des subtilités qui peuvent troubler les âmes et embarrasser son gouvernement, et il acquiesça avec bonne foi et avec humilité à ce silence.
Bourgeois anobli, propriétaire, capitaliste, il est très conservateur ; ni la royauté absolue, ni l’inégalité sociale ne lui semblent incompatibles avec le progrès.
Mais de même que, dans toutes ces diverses situations, Sganarelle conserve quelque trait de son caractère et de sa physionomie, il est probable qu’il gardait toujours dans son costume quelque chose qui rappelait le type originel, tant la tradition avait de puissance dans ce domaine où l’on serait tenté de croire que la fantaisie était souveraine absolue.
« Non seulement la richesse est loin de constituer le seul intérêt que peuvent avoir les hommes, mais même si nous nous bornons à tenir compte de la richesse, la somme absolue qu’en possède chaque homme ne représente pas entièrement ses intérêts, et il y a lieu de prendre en considération l’importance relative des sommes possédées par chaque individu.
Nominaliste de doctrine, mais réaliste de cœur, il semble n’échapper au nominalisme absolu que par un acte de foi désespéré.
Ce serait une longue et intéressante étude que celle des rapports de la pensée française avec les lois ou coutumes qui en ont régi la publication depuis le temps où l’on avait la langue percée d’un fer rouge pour un blasphème et où l’on était brûlé sur un bûcher pour une hérésie jusqu’au moment où le livre a conquis une franchise presque absolue.
La recherche de l’absolu, sans doute, ou une nouvelle théorie du mécanisme céleste ?
Aussi le monde jouissait de lui sans qu’il eût rien d’opiniâtre ni d’absolu comme les hommes de cabinet.
Mlle de Launay nous initie, d’ailleurs, à la suite des caprices, des ambitions et des jeux de cette enfant gâtée, spirituelle et absolue.
Pour ceux qui, comme nous, ont la manie de chercher encore autre chose et mieux que ce qu’on leur offre, il reste à regretter que l’esprit, chez Mme de Girardin, si brillant qu’il soit, ait pris dès longtemps une prédominance si absolue sur toutes les autres parties dont se compose l’âme du talent, et qu’elle se soit perfectionnée comme écrivain dans un sens qui n’est pas précisément celui du sérieux et du vrai.
Il appellera gredin, un moment après, l’un des grands dignitaires de l’ordre de Malte ; mais, même ce terme de valet à part, toute cette doctrine brutale sur la prééminence absolue de l’Académie française paraissait fort étrange à M. de Maistre, qui savait de quels noms s’honoraient l’Académie des inscriptions et celle des sciences.
Bélisaire est parfaitement ennuyeux, et le fameux xve chapitre, dont la théologie est si fade en elle-même, a perdu le piquant de l’à-propos, puisque la tolérance absolue que l’auteur réclame dans l’ordre civil est à peu près chose gagnée.
Pour elle, elle est prête à se soumettre à toutes les absences, à toutes les privations, pour l’honneur et l’accroissement de réputation de celui qu’elle aime : « Quand on porte de certains noms, pense-t-elle, et qu’on est née avec la gloire de le sentir, on prend patience sur les choses auxquelles il n’y a pas de remède. » Comment Bonneval ne sut-il pas apprécier un pareil cœur, une distinction si vive et si pure, un choix et un don si absolus ?
Nous avons montré que dans l’état actuel de nos connaissances, et dans la forme absolue de ces théories, l’hérédité individuelle et l’ascendant du milieu ne s’exercent pas avec une telle régularité que l’on puisse ni en constater invariablement ni en prévoir les effets.
La place de Shakespeare est parmi les plus sublimes dans cette élite de génies absolus qui, de temps en temps accrue d’un nouveau venu splendide, couronne la civilisation et éclaire de son rayonnement immense le genre humain.
Enfin pour rendre son ouvrage complet, il traite encore des autres sens dont un même mot est susceptible, outre le sens figuré ; comme le sens adjectif ou substantif, déterminé ou indéterminé, actif, passif ou neutre, absolu ou rélatif, collectif ou distributif, composé ou divisé & ainsi des autres.
L’expressionniste déteste tout ce qui est relatif et compromission, il se trouve en pleine atmosphère de l’Absolu.
Comment donc, sous l’empire absolu de la lettre, expliquer les attributs, la fécondité, les limites, la sainteté de la parole ?
Cassagnac ne laisse pas sans le signaler, autour de cette cause occasionnelle, un seul des faits qui l’ont changée en cause absolue.
Ce n’est pas là de l’impuissance radicale, absolue, mais c’est une nuance délicate dans l’impuissance que la Critique est bien obligée d’indiquer.
Mais je prendrai Balzac à part, parce que Balzac, incomparable à tous les autres, grandeur intellectuelle aussi absolue que le peut être la grandeur humaine, est le plus renversant exemple de l’égarement de la pensée de Chasles, toqué et tiqué de moralité.
Comme il aime très-passionnément et très-naturellement la nature, il s’élèverait difficilement au comique absolu.
L’usage des plus simples actions lui cause une perpétuelle horreur, qui se manifeste tantôt par un trouble éperdu et sans cesse croissant, tantôt par de stupéfiantes maladresses, qui provoqueraient l’hilarité du plus petit portefaix dans la rue ; soit par des accidents bizarres que le manque d’audace de la victime empêche seul d’être funestes ; soit encore par un balbutiement qui appelle à son secours les plus précieuses et les plus subtiles finesses du dialogue esthétique, mais qui ne parvient pas à trouver les plus simples mots du langage de tous ; soit enfin par une ignorance, aristocratique mais absolue, des diverses et primaires méthodes par lesquelles un animal des premiers degrés de la création ose instinctivement jouir de la vie.
— Des deux partis extrêmes, l’absolutiste et le démocrate, qu’elle distingue au lendemain de la Révolution, — l’un voulant une société fondée sur l’inégalité héréditaire et un gouvernement fondé sur la souveraineté absolue du prince, l’autre réclamant l’égalité sociale et la souveraineté du peuple, — c’est le démocrate qui l’a emporté7.
L’histoire explique assez ce qui manquait à cette œuvre, inaugurée par la suppression arbitraire d’un État libre, et par la création factice de démocraties nominales, puis promptement réduite à ce pouvoir absolu qui exploite les bras d’un peuple, mais ne le ranime pas.
Il n’est personne qui se puisse vanter d’être un héros unique et absolu. […] Vous tutoierez votre éditeur, car cela le flatte, et vous prendrez sur lui un empire absolu, de façon à ce qu’il ne s’intéresse qu’aux auteurs choisis par vous et dont vous ne redoutez pas la concurrence, et qu’il étouffe, de votre mieux, ceux-là dont les promesses d’avenir pourraient vous gêner. […] Devant l’absolue beauté de cette œuvre, je ne puis rien dire de plus. […] Ils acceptent le mouvement, c’est-à-dire qu’ils s’en désintéressent d’une façon absolue, qu’ils ne s’occupent plus que de dîner en ville et de se pousser les uns les autres aux honneurs et aux succès. […] Ce qui ressortit clairement de cette enquête, ce fut l’absolue indifférence où étaient toutes ces personnes à ce que les peintres exposassent leurs toiles ou ne les exposassent pas à Berlin.
N’est-elle pas en train, après un intervalle analogue, de rejoindre, Leucippe, Démocrite et Epicure, de retrouver les claires idées primitives sur la matérialité absolue du monde, sur l’unité de la matière, sur le mouvement universel, sur l’atomisme enfin, principe mécanique du monde réel aussi bien que du monde pensé ? […] La poésie a évolué, comme évoluait la sensibilité, base des mœurs, mais le génie poétique, par exemple d’Homère à Victor Hugo, est demeuré fixe : ni progrès ni déchéance ; constance absolue. […] Bergson, tient toujours pour l’opposition absolue de l’intelligence et de l’instinct. […] Quelques-unes portent orgueilleusement des noms absolus : le Fleuve, la Rivière, qui ne sont d’ailleurs que de maigres ruisseaux, l’un dans la Manche, l’autre dans les Alpes. […] Or, il est visible, d’après ce que nous savons de la scène du crime, qu’à partir d’un certain moment Soleilland est tombé dans l’inconscience absolue.
Même avec ce sens-là, l’affirmation garde encore quelque chose de trop absolu. […] Celui qui porte le titre le plus abstrait, la Recherche de l’absolu, est justement un de ses récits les plus profondément humains, celui où il a dessiné quelques-unes de ses créations les plus humaines, Balthazar Claës, Mlle et Mme Claës. […] Chacun a sa méthode, et les meilleurs conseils n’ont rien d’absolu. […] Dans son Traité sur la manière d’écrire l’histoire, Lucien a tort de recommander aux historiens l’impassibilité absolue ; mais il a raison d’insister sur l’importance de la forme, et de faire du style la condition essentielle de l’œuvre historique. […] Il avait une confiance absolue dans les conseils de Bouilhet et lui soumettait tout ce qu’il écrivait.
L’art nouveau cherche à imiter la nature dans son inconscience, son indifférence morale, son absence de choix ; il exprime le triomphe de la collectivité sur l’individu, de la foule sur le héros, du relatif sur l’absolu. […] Cet ouvrier du réel demeure le plus fougueux idéaliste de notre siècle, le voyant qui a toujours vécu dans un mirage, mirage des millions, du pouvoir absolu, de l’amour pur, et tant d’autres. […] Flaubert et ses disciples ont fait le vide absolu dans l’âme de leurs lecteurs ; dans cette âme dévastée il n’y a plus qu’un sentiment, produit fatal du nihilisme : le pessimisme. […] Les relations de l’autocrate avec Gogol sont pleines d’enseignements ; elles nous montrent l’impuissance du pouvoir absolu contre ses propres conséquences. […] Mais dans ce vain reste d’un corps, il y a une âme, épurée par la souffrance, divinement résignée, soulevée, sans rien perdre de sa naïveté paysanne, sur les hauteurs du renoncement absolu.
Certes, messieurs, il me sera plus avantageux de vous prévenir de l’aridité des principes que je ne puis me dispenser de vous déduire en cette leçon, que de commencer par en exalter l’importance à la faveur d’une oraison fleurie dont vous sentiriez le vide, et qui vous promettrait un amusement dans l’objet d’une séance dont vous ne reconnaîtrez que la nécessité absolue : elle ne peut obtenir de vous, en cas où je présenterai les éléments avec ordre et dans toute leur plénitude, que l’approbation raisonnable que vous accordez à l’utilité des choses ; mais elle n’est pas de nature à exciter ces applaudissements qui signalent quelquefois vos flatteurs suffrages. […] Nos brèves et nos longues n’étant pas absolues, cèdent au besoin que nous avons de l’ïambe, du trochée, du dactyle, du spondée, et de l’anapeste, que nous marquons ou dissimulons à notre gré dans la récitation cadencée ; tandis que l’ordre numérique d’un mètre fixe n’a d’autre variété que celle de la disposition dactylique et spondaïque dans les premières mesures du grand vers scandé.
C’est, tout compte fait, une très belle chose, que nous ne reverrons jamais, que cette obstination dans la résistance et ce dévouement absolu à celui qui représentait, à ce moment, l’indépendance nationale et l’honneur national. […] Tout fait croire, et on le sait par ceux qui ont été aussi près que possible du fatal passage et qui en sont revenus, que l’agonie est un état d’insensibilité absolue ou même de vague sensibilité, mais assez douce. […] Mme Durand l’avoue, au moins, ou plutôt, le déclare avec la loyauté absolue qui lui est coutumière et qui l’a rendue si sympathique. […] Immense, Monsieur, immense, absolue ! […] L’honnêteté en est absolue et le culte pour l’honnêteté, la superstition même à l’égard de l’honnêteté y est radicale et intransigeante.
Ronsard et son école paraissent : Renaissance ou réaction, c’est tout un ; nouveau recommencement à de nouveaux frais, entière rupture ; mépris absolu de l’école et de toutes les écoles qui ont précédé. […] Et à travers une fidélité de sujet si absolue, si entière, son esprit gardait sa liberté et sa franchise.
Cependant, même à cette époque de travail solitaire et de logique presque absolue, même avant aucune initiation doctrinaire, cette fine nature était toute seule assez avertie, assez curieuse d’impartialité et assez difficile sur les conclusions, pour s’efforcer de concilier ses idées avec la modération véritable, et pour se garder de ce qu’avaient naturellement d’âpre et d’un peu grossier la politique et la philosophie révolutionnaires. […] Continuant de plaider la cause de la raison émancipée et des conséquences toutes nouvelles qui en découlent, il pose d’une façon absolue certains principes, il se complaît à dérouler certaines maximes générales qu’il est piquant, après tant d’années, de pouvoir confronter avec les résultats et de contrôler : « Les événements, écrivait-il, semblent avoir préparé la France pour l’application des théories, et les faits ont en quelque sorte travaillé pour les principes.
Ainsi soutenu par la minorité des poètes parfaits, par Platon, par l’évidence même, je vais développer l’idée totale de la comédie dans son opposition absolue avec la tragédie. […] la même chose se passe dans la république des lettres : une cité nombreuse de poètes se contente d’exprimer un type inférieur, une idée abaissée de la comédie ; une cité de poètes d’élite cherche à réaliser le type absolu, l’idée normale de la comédie, et l’un d’eux a réussi.
Le désappointement moral, la fatigue de dissimuler, des fonctions pénibles et rebutantes, la disette de livres, un isolement absolu, et, pourquoi ne pas l’avouer ? […] « Si vous êtes humble, obscur, mais tendre et dévoué, et que vous ayez un ami sublime, ambitieux, puissant, qui aime et obtienne la gloire et l’empire, aimez-le, mais n’en aimez pas trop un autre, car cette sorte d’amitié est absolue, jalouse, impatiente de partage ; aimez-le, mais qu’un mot équivoque, lâché par vous au hasard, ne lui soit pas reporté envenimé par la calomnie ; car ni tendresse à l’épreuve, ni dévouement à mourir mille fois pour lui, ne rachèteront ce mot insignifiant qui aura glissé dans son cœur.
Cette Université enrubannée et les universités populaires, qui n’y ressemblent guère, mais étaient aussi des sortes de parodies, tout cela montre que le vieux nom d’Université n’est plus guère pris au sérieux et c’est assez juste, car on a fini par s’apercevoir que la scission est à peu près absolue entre l’âme française et l’âme universitaire. […] Les combinaisons mécaniques peuvent devenir d’un réalisme absolu et satisfaire moins le sens esthétique qu’un certain désaccord entre les deux éléments spectaculaire et auditif.
On ne peut véritablement voir dans l’économie de l’attention qu’une règle aussi peu absolue que l’est, en général, celle de l’économie de la force. […] Le même procédé est applicable à tous les styles, mais seulement comme moyen d’obtenir la première de ce qu’on peut ap peler les qualités sociales du langage, qui est de faire saisir nos idées à tous. « La règle du bon style dit scientifique, Renan, c’est la clarté, la parfaite adaptation au sujet, le complet oubli de soi-même, l’abnégation absolue.
Dans les passages où Xénophon nous parle de l’oracle intérieur que s’attribuait son maître, il semble n’avoir rien ajouté à ce qu’il croyait la vérité ; mais le sérieux constant de cet esprit positif et borné permet de supposer qu’il n’a pas su distinguer dans les allusions de Socrate ce qu’il y avait de sincère et ce qu’il y avait de feint, la part du témoignage et celle de l’allégorie ; et cette distinction que Xénophon, d’ailleurs crédule et superstitieux, n’a pas su faire, Platon, idéaliste et poète, l’a volontairement dédaignée ; Platon, lui, a si bien compris l’ironie socratique qu’il l’a élevée à la hauteur d’un procédé littéraire ; il a renchéri sur Socrate ; il a greffé son ironie sur celle du maître, les mythes que lui dictait son imagination sur les mythes de l’enseignement socratique ; ce que Socrate avait, divinisé, Platon s’est gardé de le ramener à des proportions humaines ; il se serait privé par là de ressources précieuses pour la partie artistique et inspirée de ses dialogues ; tout prouve d’ailleurs qu’il professait pour la vérité historique un dédain presque absolu ; il était d’avance de l’avis d’Aristote, que « la poésie est plus philosophique que l’histoire183 » ; le fait sensible et particulier n’est pour lui qu’un fragment insignifiant du non-être ; la légende de Socrate était plus vraie, sans doute, à ses yeux, que la vie de Socrate. […] Si l’excitation intérieure continue à croître, l’état de l’âme doit s’exprimer par un phénomène qui lui soit égal en intensité ; alors la parole intérieure vive ne suffit plus ; l’âme a besoin de sensations fortes, de bruit et de mouvement ; la parole extérieure, qui ébranle fortement les nerfs du toucher comme ceux de l’ouïe, jaillit des lèvres ; aux mouvements de la phonation se joignent ceux de la physionomie, des bras, des jambes : on gesticule, on se promène sans but, uniquement pour se sentir vivre, comme si le degré maximum de la sensation était pour l’état mental le plus intense un complément esthétique à l’attrait irrésistible ; l’âme envahie par un sentiment violent ou par une conception vive de l’imagination n’a plus de conscience pour le milieu qui l’entoure ; elle l’oublie, elle l’ignore momentanément, et, avec lui, les convenances, la réserve, les habitudes sociales qu’il impose ; par les sensations qu’elle se donne, elle se crée un milieu artificiel en accord avec le phénomène dominant et exclusif qui la possède ; elle est tout à son rêve ou à sa passion, et ce qui s’est emparé d’elle tout entière est par là même maître absolu du corps comme de l’âme220.
C’est par là que nous commencerons le tour de cet homme qui, s’il n’est pas le grand homme absolu qu’on accepte, n’en est pas moins, il faut le dire, une très grosse personnalité, puisqu’elle est enflée, comme une énorme bulle de savon, par le fuseau de tout le monde. […] Il n’avait pas plus le génie du cœur que l’autre génie… Il y a dans son Voyage à Rome une aventure d’amour — vertueux — avec une jeune et ravissante Milanaise, qui peint trop bien Gœthe pour que je ne la raconte pas en cette étude sur sa nature intellectuelle et morale, c’est-à-dire sur la valeur absolue de cet homme si étrangement et si prodigieusement surfait.
L’Anglais, naturellement sérieux, méditatif et triste, n’est point porté à regarder la vie comme un jeu ou comme un plaisir ; il a les yeux habituellement tournés non vers le dehors et la nature riante, mais vers le dedans et vers les événements de l’âme ; il s’examine lui-même, il descend incessamment dans son intérieur, il se confine dans le monde moral et finit par ne plus voir d’autre beauté que celle qui peut y luire ; il pose la justice en reine unique et absolue de la vie humaine, et conçoit le projet d’ordonner toutes ses actions d’après un code rigide. […] Pendant dix pages, l’idée déborde en une seule phrase continue du même tour, sans crainte de l’entassement et de la monotonie, en dépit de toutes les règles, tant le cœur et l’imagination sont comblés et contents d’apporter et d’amasser toute la nature comme une seule offrande « devant celui qui, par ses nobles fins et sa façon obligeante de donner, surpasse ses dons eux-mêmes et les augmente de beaucoup ; qui, sans être contraint par aucune nécessité, ni tenu par aucune loi ou par aucun contrat préalable, ni conduit par des raisons extérieures, ni engagé par nos mérites, ni fatigué par nos importunités, ni poussé par les passions importunes de la pitié, de la honte et de la crainte, comme nous avons coutume de l’être ; ni flatté par des promesses de récompense, ni séduit par l’attente de quelque avantage qui pourrait lui revenir ; mais étant maître absolu de ses propres actions, seul législateur et conseiller de lui-même, se suffisant, et incapable de recevoir un accroissement quelconque de son parfait bonheur, tout volontairement et librement, par pure bonté et générosité, se fait notre ami et notre bienfaiteur ; prévient non-seulement nos désirs, mais encore nos idées, surpasse non-seulement nos mérites, mais nos désirs et même nos imaginations, par un épanchement de bienfaits que nul prix ne peut égaler, que nulle reconnaissance ne peut payer ; n’ayant d’autre objet en nous les conférant que notre bien effectif et notre félicité, notre profit et notre avantage, notre plaisir et notre contentement833. » La force du zèle et le manque de goût : tels sont les traits communs à toute cette éloquence. […] Sir Robert Filmer disait qu’Adam avait reçu en naissant un pouvoir absolu et royal sur tout l’univers ; que dans toute réunion d’hommes il y en avait un qui était roi légitime, comme plus proche héritier d’Adam.
Après ces préparations, il parle en effet aux soldats, et il leur propose imprudemment la fuite, comme un ordre absolu de Jupiter ; pouvoient-ils ne s’y pas rendre, fatigués qu’ils étoient déja de neuf années entieres de batailles ? […] C’est Ulysse qui l’employe pour retenir les soldats qui fuyoient aux vaisseaux par l’ordre d’Agamemnon : ordre qui devoit être d’autant plus respecté, qu’Agamemnon l’avoit donné comme un ordre absolu de Jupiter même. étoit-ce le lieu de faire valoir la nécessité d’un seul chef ; et ne semble-t-il pas au contraire, que les soldats auroient pû retorquer la maxime d’Ulysse contre lui-même ? […] Dans celles que le poëte dit de lui-même, la vérité doit être exacte et absolue, parce qu’il est obligé de penser juste.
Lisez encore ce digne et ample prélude à une étude sur Lamartine, poète religieux : De tous temps et même dans les âges les plus troublés, les moins assujettis à une discipline et à une croyance, il y a eu des âmes tendres, pénétrées, ferventes, ravies d’infinis désirs et ramenées par un naturel essor aux régions absolues du Vrai, de la Beauté et de l’Amour. […] Ici, les affirmations de la religion naturelle : Providence, justice divine, décrets absolus de la conscience morale, vie future avec ses récompenses et ses châtiments, divinité de Jésus prouvée par la sublimité de la morale de l’Evangile, s’appuient sur un argument plus sentimental. […] Les synthèses, institutions, règles d’action de cette époque, plus arbitrairement imaginée et reconstituée d’ailleurs que représentée dans ses traits réels, sont donnés comme la vérité absolue et éternelle qui suffit à tout et où il faut intégralement revenir. […] Calcovoressi, que les habitudes de style acquises par le travail méthodique pèsent sur l’indépendance de la pensée musicale, — ce qui est vrai dans une large mesure ; cependant le véritable génie reconquiert toujours la liberté, s’il se propose de le faire, — et que la stylisation artistique, nécessaire à la beauté pure, serait un obstacle à l’obtention de l’absolu réalisme qu’il entrevoyait. » On ne saurait indiquer avec plus d’exactitude la part de la puissance et de l’impuissance dans le cas qui nous occupe.
Il faut que si nous ne pouvons dire avec une certitude absolue : « Carthage était ainsi », nous pensions du moins que Carthage pût être ainsi ! […] Cette lenteur, l’énorme effort que lui coûtait chacune de ses œuvres qu’il passait des éternités à terminer, — il lima, corrigea et retoucha la Tentation pendant vingt années, — provenaient du désir d’atteindre une correction absolue de style et une complète exactitude de faits et d’observations. […] Son incapacité absolue d’inventer et la force invincible avec laquelle le modèle vivant s’incrustait dans sa mémoire, au point de ne lui laisser pas de repos jusqu’à ce qu’il l’ait transporté sur le papier. […] Allez après cela établir des règles absolues !
En une page d’un livre précédent, cette pauvre Laurenty résumait les doctrines des philosophes sur l’absolu. Elle mettait l’inepte dissertation dans la « bouche de colibri » d’une jeune fille idéale qui débutait ainsi : « L’absolu, du latin absolutus… » Un certain Fernand Hauser, lamentable journaleux, connu de quelques-uns pour son ignorance encyclopédique, fut ébloui et attribua à l’heureux auteur qui possédait un Larousse une « érudition de bénédictin. » Et, en effet, le bas-bleu sait tout, latin, droit, philosophie, médecine surtout, un peu comme les filles du quartier des Écoles, pour des raisons qui peuvent être différentes, qui peuvent aussi être les mêmes. […] J’ai pris la peine d’étudier, dans les rimes d’une certaine Berthe Reynold, le néant absolu. […] Me Jean Rolland nous assure sans rire que, dans l’armée « de bas en haut, ce qui s’affirme à tous les rangs de la hiérarchie, c’est un désintéressement absolu, l’abnégation de soi-même poussée jusqu’à la démarcation ( ?) […] » Hâtez-vous de traduire en langage plus abstrus : « L’orbe des sensations ne doit être fragmenté. » Continuez avec un geste solennel : « De la cime perdue de nos effluves sensoriels effilés vers l’astral, à la base charnelle de notre corps, lourde argile qui retient, hors du vol éternel, notre vague de vie… » Si vous avez fait une déclaration et qu’on vous réponde mariage, donnez-vous le temps d’inventer quelque empêchement absolu et esthétique en vous écriant : « Le mot que vous venez de prononcer rétrécit l’envergure de mon envolement.
Il est d’une absolue sincérité, d’une entière bonne foi. […] Chez la plupart, la dévotion est toute de convenance et s’allie avec un absolu scepticisme. […] Ce que prouve surtout leur « œuvre historique » au point de vue de leur tour d’esprit, c’est l’absolue incapacité où ils sont d’apercevoir d’une société autre chose que l’aspect de surface. […] Au sortir du collège, sans position et sans titre, sans même un diplôme de bachelier, il se trouva réduit à un absolu dénuement, et dut accepter pour vivre des besognes subalternes. […] Or appliquer de cette façon absolue et précise des lois qui pour la plupart restent encore à fixer est peut-être plus dangereux que de refuser purement et simplement de tenir compte de l’hérédité elle-même.
Je comprendrais peu une exclusion absolue. […] C’est une nécessité absolue. […] Retenons donc cette vérité fondamentale : Une antithèse n’est bonne que par la vérité absolue des choses qu’elle exprime. […] Le procédé de ce style peut se résumer d’un mot : balancement symétrique de petites antithèses menues, comme dans ces lignes prises au hasard : Dans les monarchies extrêmement absolues les historiens trahissent la vérité, parce qu’ils n’ont pas
Veuillot n’était pas pharisien, Veuillot de qui Sainte-Beuve a reconnu la bonté, Veuillot qui écrivait avec une sincérité absolue : « Non, je n’adresse point à Dieu les coupables actions de grâces du pharisien. […] la liberté absolue de la critique, la liberté capricieuse, l’enchaînez-vous ? […] Accueillons cette confidence : « J’ai regardé, je l’avoue, plus d’une fois du côté du scepticisme absolu. […] Son principe était qu’il y a « des lois inflexibles de la Beauté », qu’il y a « un type absolu de l’œuvre d’art ». […] Elle est cependant leur loi et l’est à un tel point que les âmes les plus solitaires sont les plus parfaites et atteignent, dans les moments de leur solitude absolue, leur plus haut degré de puissance.
C’est plus qu’un dieu, c’est le Destin ; il s’en attribue la puissance aveugle, la tyrannie sans appel, les irresponsables caprices ; il en revendique le droit de mort absolu, fatal, inintelligible, tel que l’exerce en apparence la Nature. […] Qui trouve-t-on le plus souvent, dans l’ancienne histoire, sur la première marche du trône des Césars, des czars, des sultans, des rois absolus et défiants, que préoccupent de sombres pensées ? […] Son ambition absolue est de faire grands ses enfants : d’autres soins, il n’en a pas. […] Ses tyrans sont pour la plupart des fous couronnés ; ils ont le vertige du pouvoir absolu ou la fièvre chaude de la cruauté. […] Ce roi, absolu en apparence, n’est en réalité que l’esclave de sa toute-puissance.
Sieyès a le génie ; il est le premier qui, sous forme idéale et un peu absolue, ait eu nettement la conception et l’invention de l’ordre nouveau qui devait remplacer l’ancien ; il est le premier qui l’ait proclamé, à l’heure décisive, dans des écrits précis et lumineux.
Suard, qui la citait aussi quelquefois en conversation comme étant de Lassay, nous l’explique et la rend toute vraisemblable en lui ôtant le sens général et absolu que lui a donné Chamfort.
Ainsi armé et s’enhardissant sous le casque et le bouclier d’autrui, il dit tout sur son compte ; il s’y confesse résolûment et sans pitié sur sa sauvagerie, sa misanthropie ou sa promptitude à s’effaroucher, sa fuite du monde, sa rétivité, son goût absolu de l’indépendance, sa délicatesse extrême qui le rendait plus sensible encore au mal qu’au bien, et qui lui faisait dire avec Bernardin de Saint-Pierre : « Une seule épine me fait plus de mal que l’odeur de cent roses ne me fait de plaisir. » C’est aussi avec des phrases d’auteurs célèbres qu’il répondait tout bas à ceux qui lui reprochaient de prendre pour texte de sa critique d’aussi minces et aussi ingrats sujets que ceux qu’il semblait affectionner : « L’explication de ce qu’on appelle ma modestie est, disait-il, dans ce vers de Plaute (Amphitryon, acte premier, scène première) : « Facit ille… Il fait là ce que ne font pas ordinairement les hommes, il se rend justice. » « — Pourquoi ne rien faire de plus important ?
L’admiration de Marais pour Boileau est absolue d’ailleurs, et n’excepte pas les derniers fruits de sa veine et les œuvres de sa vieillesse, pas même la triste Satire de l’Équivoque, si critiquée à sa naissance et si tombée depuis, conception étroite et bizarre, où toute l’histoire de l’humanité est renfermée dans celle de la casuistique ; l’amitié, en ceci, abuse Marais et lui fait d’étranges illusions : « J’ai vu l’Équivoque manuscrite, écrit-il à une amie (mars 1711) ; c’est un chef-d’œuvre non seulement de la poésie, mais de l’esprit humain.
Si Napoléon en personne, et toutes les fois qu’il avait été en contact direct avec Jomini, s’était montré assez bienveillant pour un officier de ce mérite, il l’avait laissé froisser et écraser par ses alentours, par ses séides ; et un souverain, surtout quand il est absolu, répond jusqu’à un certain point des injustices et des injures qu’on inflige en son nom à des âmes délicates, et par conséquent sensibles à l’outrage.
Il resterait toujours à savoir si ce procédé attentif et curieux, employé à l’exclusion de tout autre, est dramatique dans le sens absolu du mot ; et pour notre part nous ne le croyons pas : mais il suffisait, convenons-en, à la société d’alors, qui, dans son oisiveté polie, ne réclamait pas un drame plus agité, plus orageux, plus transportant, pour parler comme madame de Sévigné, et qui s’en tenait volontiers à Bérénice, en attendant Phèdre, le chef-d’œuvre du genre.
La méditation profonde qu’exigent les combinaisons des sciences exactes, détourne les savants de s’intéresser aux événements de la vie ; et rien ne convient mieux aux monarques absolus, que des hommes si profondément occupés des lois physiques du monde, qu’ils en abandonnent l’ordre moral à qui voudra s’en saisir.
Dans toutes les sciences humaines, on débute par les idées complexes, en se perfectionnant, l’on arrive aux idées simples ; l’ignorance absolue dans ces combinaisons naturelles est moins éloignée du dernier terme des connaissances, que les demi-lumières.
De ce fatras se dégage immédiatement avec évidence un esprit général qui est tout contraire à l’aristocratique délicatesse de Guillaumede Lorris : et ce n’est pas la moindre singularité de l’ouvrage que cette absolue incompatibilité des deux intelligences qui l’ont faite.
Alors la comédie crée un univers de la couleur de ce sentiment, et la vérité morale est entière dans l’absolue fantaisie de la construction scénique.
Sarcey pour un critique doctrinaire qui croit à la valeur absolue de certaines règles sans en avoir éprouvé les fondements ; mais, de sa vie, il n’a fait autre chose que les éprouver.
Dans les maisons, silence absolu.
Des visions opulentes et chaudes comme de lumineuses fanfares lui signalèrent les formes et il s’en éblouit au point de les faire régner sur ses vers en impératrices absolues, par les plastiques de brillantes métaphores, par la plastique même de la strophe qu’avaient pétrie ses doigts.
Il donnait d’autant plus d’heures au travail qu’il en donnait moins au soin du corps, et que la destruction du parti des libertins lui avait ôté tout souci du côté de son pouvoir, devenu absolu et incontesté.
Entre l’idéal de l’autorité, tel qu’il apparut à Bossuet sous la forme de la monarchie absolue, tempérée par des lois fondamentales, et les dangereuses rêveries du Contrat social, il manque un corps de doctrines tirées de la science des besoins de l’homme et de l’expérience comparée des sociétés humaines, supérieur à toutes les formes de gouvernement et pouvant les perfectionner toutes.
Quoi qu’il en soit, l’alternative s’est présentée à moi très nettement : je ne puis plus revenir au catholicisme que par l’amputation d’une faculté, en stigmatisant définitivement ma raison et lui commandant pour toujours le silence respectueux, et même plus, le silence absolu.
Rousseau même ne posera-t-il pas en dogme absolu l’infaillibilité de la passion, quand il écrira : « Tout est bien sortant des mains de l’auteur des choses. » Est-il malaisé de deviner dès lors ce qui va dominer dans les personnages du théâtre de Voltaire ?
Mill, comme on le voit, c’est que, même à mettre les choses au pis, le fatalisme absolu ne supprimerait pas la responsabilité, c’est-à-dire la punition114.
Comme tous les fanatiques, Saint-Just confondait le triomphe de ses passions avec celui de ses idées, et avec le règne de la vérité absolue.
De Bonald semble avoir été de ces privilégiés ; du moins, en le lisant, on le suppose volontiers ; un esprit étroit et absolu, qui n’a jamais eu qu’un petit nombre d’idées, qui, une fois trouvée la formule concise de chacune d’elles, s’est désormais cité lui-même comme un credo, et qui, ayant, en quelque sorte, emprisonné sa pensée dans ses propres sentences, n’a jamais rencontré sous sa plume le commentaire varié, abondant, persuasif, par lequel il eût éclairé ses lecteurs sur la part de vérité contenue dans ses aphorismes, un tel esprit devait croire à la simultanéité du signe et de l’idée, et même à une harmonie préétablie entre eux de toute éternité ; il constitue donc parmi les écrivains une de ces exceptions qui confirment la règle.
Il ne vient auprès d’elle que dans une obscurité absolue, que dans les ténèbres les plus profondes, et il ne dissimule pas qu’il ne doit pas être vu, qu’il arriverait malheur s’il était vu d’elle.
Partir vers minuit, suivre dans la nuit sombre, à travers les sapins, un sentier caillouteux et couvert de verglas ; observer un silence absolu, tomber, se relever, s’égarer, retrouver enfin son chemin et, une fois arrivés, placer les sentinelles, faire coucher les hommes, reconnaître, en cas d’attaque, les tranchées de combat ; enfin songer à soi, et se jeter sur la paille, le revolver à la ceinture.., voilà ce que c’est qu’une relève.
Mais la condamnation prononcée, au nom de l’art, contre ces écrivains et leur nombreuse famille m’a toujours semblé trop absolue.
Vue du dehors, la nature apparaît comme une immense efflorescence d’imprévisible nouveauté ; la force qui l’anime semble créer avec amour, pour rien, pour le plaisir, la variété sans fin des espèces végétales et animales ; à chacune elle confère la valeur absolue d’une grande œuvre d’art ; on dirait qu’elle s’attache à la première venue autant qu’aux autres, autant qu’à l’homme.
. — D’après toutes ces considérations, les républiques doivent être alors des aristocraties naturelles, c’est-à-dire composées d’hommes qui soient naturellement les plus courageux ; le gouvernement doit être de nature à réserver tous les honneurs civils à un petit nombre de nobles, de pères de famille, qui fassent consister le bien public dans la conservation de ce pouvoir absolu qu’ils avaient originairement sur leurs familles, et qu’ils ont maintenant dans l’état, de sorte qu’ils entendent le mot patrie dans le sens étymologique qu’on peut lui donner, l’intérêt des pères (patria, sous-entendu res).
Les premiers Pères, il est vrai, avaient noté dans la République comme imités de ces livres la recommandation exclusive et absolue de la poésie lyrique consacrée à la religion, le blâme de toute autre poésie, cette idée enfin de soumettre le chant et la musique à des juges désignés, aux conservateurs des lois, comme dans Israël, où des magistrats veillaient au choix des hymnes et au maintien des mêmes tons dans le chant.
Ce jeune Shelley, mélancolique ennemi d’une société où il était né heureux et riche, et où il vivait libre, ce poëte sceptique qui, sur le registre des moines hospitaliers du mont Saint-Bernard inscrivait ironiquement son nom de visiteur, en y ajoutant l’épithète Ἄθεος, dans son rêve du passé et sa folle anticipation de l’avenir, faisait, sous le titre antique de Promet fiée délivré, une sorte de dithyrambe pour l’âge de raison de Thomas Payne, vaine tentative méditée par des esprits faux, dès l’abord noyée dans le sang par des furieux, stérilement reprise par des plagiaires insensés, et dont l’apparente menace ne sert qu’au pouvoir absolu, qu’elle arme d’un prétexte étayé sur la peur publique !
Habitude de se curer les dents avec la pointe de son couteau et de couper le bouchon des bouteilles pour le faire rentrer. » À côté d’Emma, il fallait placer le contraire absolu de la passion, un homme paisible et plein de vénération, une acceptation passive et moutonnière qui le fera bien en effet reconnaître dans la ligne d’une fatalité. […] Mais l’artiste qu’était Flaubert a voulu écrire, de façon absolue, en Madame Bovary, le roman des êtres qui ne sont pas artistes, et Rodolphe n’échappe pas à ce caractère. […] Mais la lâcheté que Flaubert attribue à tous les hommes n’est évidemment pas le manque absolu de courage, celui qui rend Homais grotesque à la fin de la scène du Comice. […] Il semble que Flaubert l’ait écrite dans un état de grâce où les choses humaines prenaient une valeur absolue de symbole, où tout se déroulait, et le style lui-même, avec une nécessité fluide. […] C’est bien cela : une existence qui, à force de plonger dans la nécessité absolue et nue de la nature humaine, prend l’apparence d’un songe.
C’est encore cela qui nous a le plus solidement liés l’un à l’autre. » Ainsi, meurtrière d’une part, immorale de l’autre, telle a été l’œuvre de la Vérité. — Je vous le disais bien que cette étrange comédie d’Ibsen « blaguait » le reste de son répertoire, et l’idéal, et la vie intérieure, et la morale absolue, et le tolstoïsme et, déjà, le desjardinisme, si j’ose m’exprimer ainsi. […] N’était parfois, dans certains morceaux de bravoure, quelque chose d’un peu concerté, une affectation d’esprit et un soupçon de rhétorique, qui d’ailleurs laissent le fond intact et nous rappellent seulement que l’œuvre fut écrite il y a vingt années, je considérerais la Visite dans un sentiment d’absolue satisfaction intellectuelle : chose infiniment rare, comme vous savez. […] C’est encore en affirmant la possibilité de la vérité absolue au théâtre qu’on peut le mieux arriver à plus de vérité relative. […] En sorte que l’amour absolu est à la fois le plus désintéressé et le plus despotique des sentiments, celui qui comporte le plus d’abnégation et le plus d’exigence. […] Et il m’a paru plus tard qu’un homme de quarante à quarante-cinq ans, qui aurait beaucoup vécu, et qui serait un peu fatigué, mais non perverti (tel mon héros), serait le personnage le plus capable de ne point s’écarter de ce dessein d’absolue pureté.
Il peut leur arriver d’être vaincus, soit par la malechance, soit par les imprudences où les entraîne l’énormité de leurs appétits, soit par les faux calculs où les induit leur absolu mépris des autres. […] Et tout, la surveillance de soi, les brefs frémissements sous le masque de lâcheté, l’insolente et la diabolique ironie par où Lorenzo se paye des mensonges de son rôle, la hantise de l’idée fixe, l’hystérie de la vengeance et les excitations artificielles par où il s’entraîne à agir ; et les retours de tendresse, et les haltes de rêverie, et les ressouvenirs de sa jeunesse et de son enfance ; la magnifique et lamentable confession de Lorenzo découvrant au vieux Strozzi l’abîme de sa pensée et de son cœur ; le désespoir absolu, puis la répétition suprême et comme somnambulique de la scène du meurtre enfin proche ; et, persistant à travers tout, l’immense, délicieux et abominable orgueil, Mme Sarah Bernhardt a tout traduit avec une précision et une justesse saisissantes, et cela, sans que l’expression de chacun des traits successifs du personnage nous laissât oublier les autres. […] Dans l’exemple qu’il a choisi, le silence si surprenant d’Œdipe et de Jocaste est un fait passé ; et d’ailleurs, que l’un et l’autre se soient abstenus de confidences qui leur eussent été pénibles à tous deux, il n’y a point là d’impossibilité absolue. […] C’est déjà beau. » — L’auteur a sans doute voulu signifier que l’absolue bonté doit être passive (car, active, elle risquerait de faire du mal) et que, pour mieux être passive, elle doit être « aveugle » ; et il a réalisé cette métaphore. — Et, en outre, la cécité de Marthe justifie eu quelque mesure ce que sa passivité a d’incestueux : les sensations qui lui viennent des deux frères ne se partagent pas pour elle en deux groupes aussi distincts que si elle voyait leurs corps ; et, par suite, l’abandon qu’elle l’ait du sien à l’un, puis à l’autre, n’a point pour elle des apparences aussi parfaitement concrètes que pour une personne qui y verrait. […] Cette admirable histoire de l’amour fatal, plus fort que la loi, plus fort que la mort, et qui, étant absolu, se crée une légitimité mystérieuse, y prend une fadeur de romance.
On ne saurait dire qu’elles sont inédites dans le sens absolu du terme, puisque les éléments qui les composent ont déjà paru dans les journaux et dans les revues ; mais, sauf des exceptions extrêmement rares, tous les ouvrages réputés inédits qui sont publiés de nos jours se trouvent dans le même cas. […] Nous admirions fort les prouesses du jeune lord et ses bacchanales nocturnes flans l’abbaye de Newstead avec ses jeunes amis recouverts de frocs de moine dont les plis, en s’entrouvrant, laissaient parfois deviner des blancheurs et des rondeurs féminines ; ces banquets où circulait, pleine d’une sombre liqueur, une coupe plus blanche que l’ivoire, effleurée par des lèvres de rose avec un léger sentiment d’effroi, nous semblaient la suprême expression du dandysme, par l’absolue indifférence pour ce qui cause l’épouvante du genre humain. […] Il est difficile, maintenant que la révolution est accomplie, de faire comprendre l’effet que produisirent les tableaux des deux jeunes maîtres, l’un si éclatant, l’autre si robuste de couleur ; celui-là si joyeux et celui-ci d’une âpreté si sombre, parmi les contre-épreuves de plus en plus pâles de l’école expirante de David ; et il est bon de replacer ces œuvres dans les milieux qui les virent naître, pour joindre leur mérite relatif à leur mérite absolu. […] Personne n’eut à l’art un dévouement plus absolu et ne lui sacrifia si complètement sa vie. […] Il réalisait de la façon la plus absolue l’idéal du temps ; la nouvelle école n’eut pas de plus intelligent interprète.
Des organes moins grossiers, comme les yeux et les oreilles, n’éprouvent pas un moindre besoin d’activité : de là cette gêne, cette souffrance vague que nous cause le silence absolu des hauts sommets ou des mines très profondes. […] On croyait jadis à la beauté absolue, comme on croyait au bien absolu, au vrai absolu ; de là, suivant un de nos « naturalistes », le culte classique et religieux de cette forme absolument parfaite qu’exige la poésie. […] Encore de nos jours, ce qui soutient dans leur tâche les derniers poètes, c’est l’illusion du parfait, de l’absolu, que ne peut donner la prose la plus limée. […] Nous croyons qu’il est sur ce point peu de règles absolues ; pourtant il y a cette règle générale de mécanique qu’un mouvement s’accomplit avec d’autant plus d’aisance qu’il donne lieu à moins de frottements.
On voyait qu’il y avait, non pas effort, mais attention continue dans les nerfs et dans les muscles qui formaient l’encadrement des regards ; bien que cette attention intérieure et tournée en dedans produisît involontairement une certaine tension des paupières qui rétrécissait le globe de l’œil, la couleur bleu de mer, de ce liquide qu’aucune ombre ne tachait, et la franchise amicale de son coup d’œil qui ne cherchait jamais à pénétrer dans le regard d’autrui, mais qui s’étalait jusqu’au fond de l’âme chez lui, inspirait à l’instant confiance absolue dans cet homme. […] La terre de Norton, avec les maisons et les familles, est portée dans ta main comme le globe dans la main de Charlemagne. — Tu es le baron absolu de ta fabrique féodale.
29 août L’art c’est l’éternisation, dans une forme suprême, absolue, définitive, de la fugitivité d’une créature ou d’une chose humaine. […] Il proclame l’histoire une suite d’accidents, à l’encontre de Renan et de Berthelot, qui soutiennent qu’il y a des lois des faits… À propos de la confiscation des biens des d’Orléans, Renan s’avance à dire que les idées de propriété sont trop absolues en ce temps-ci, une théorie que j’avais déjà rencontrée chez Sainte-Beuve… 15 septembre Je prends, dans une rue du quartier Latin, la description de la boutique d’un des derniers écrivains publics.
Le Torse, le seul morceau d’art au monde qui nous ait donné la sensation complète et absolue du chef-d’œuvre. […] Comme summum du Beau absolu : le Torse du Vatican.
Ce sont des documents d’une sûreté absolue : Ont paru format in-18 (illustrations et autographes) Paul Adam, par Marcel Batilliat. […] — L’Amour Absolu, roman, fac-similé autographique (H.
Ce sont des caractères généraux, au même titre, d’une façon aussi absolue que l’Avare de Molière ou la Phèdre de Racine. […] Bornons-nous à constater ce fait : il y avait alors une mystique républicaine, un « mythe » de la République, comme il y a de nos jours une mystique néo-monarchiste, un mythe de la monarchie absolue et légitime. […] Dans son texte original, elle est trop condensée, écrite trop simplement, naturellement — le naturel absolu est encore une des qualités de l’auteur — pour que le commun des lecteurs pénétrât tout son mérite. […] C’est alors que vous entrez dans le non-vu, le non-su, le neuf, dans un désordre inexprimable — et qui est exprimé — d’une enfantine bohème, une inconnaissance absolue — et qui est bien enfantine et adolescente — de la vraie vie du véritable monde extérieur, dont ils n’ont la notion que par des livres, souvent choquants, « au-dessus de leur âge », par des illustrations absurdes, des souvenirs de cinéma également déformants. […] Ce roman, qui pourrait être un grand roman, une œuvre définitive, absolue, tombe aux proportions d’une nouvelle écourtée.
Mais, de cette multiplicité de sens que lui ont donnée tour à tour les Hugo et les Dumas, les Vigny et les Musset, les Sainte-Beuve et les George Sand, — pour ne rien dire des moindres, — et de cette diversité de traits qui le caractérise, si nous essayons d’en dégager, d’en isoler, et d’en préciser un, dans la dépendance duquel se rangent aisément tous les autres, il semble bien qu’il ne puisse y avoir de longue hésitation ; et le romantisme, c’est avant tout, en littérature et en art, le triomphe de l’individualisme, ou l’émancipation entière et absolue du Moi. […] Mais au contraire ils ne sauraient, eux, s’approprier les siennes, puisque le dilettantisme, c’est l’individualisme ; et le naturalisme, c’est la soumission absolue de l’écrivain à son objet ou pour mieux dire encore, c’en est l’acceptation. […] Ch. de Lovenjoul, Histoire des œuvres, 3e édition, p. 315-328]. — La Peau de chagrin, 1831 ; — La Muse du département ; — Le Curé de Tours, Louis Lambert, 1832 ; Le Médecin de campagne ; Eugénie Grandet, 1833. — Il conçoit la première idée de sa Comédie humaine ; — et il en détermine les principales divisions. — La Recherche de l’absolu, 1834 ; — l’article de Sainte-Beuve dans la Revue des Deux Mondes [Cf. ci-dessous] ; — et la brouille de Balzac et de Sainte-Beuve. — Embarras d’argent et procès financiers. — Fréquentations aristocratiques. — Le Père Goriot, 1835 ; — Le Contrat de mariage, 1835 ; — Le Lys dans la vallée, 1835 ; — Nouveaux procès et nouveaux projets. — La Vieille Fille, 1836 ; — les Illusions perdues, 1re partie, 1837 ; — Les Employés, 1837 ; — César Birotteau, 1837. — L’affaire des mines de Sardaigne [Cf. la Correspondance, mars, juin 1838]. — L’installation aux Jardies. — Le Curé de village, 1839 ; — Représentation et interdiction du drame de Vautrin, 1840. — Fondation de la Revue parisienne. — Pierrette, 1840 ; — Une ténébreuse affaire, 1841 ; — La Rabouilleuse [Un ménage de garçon], 1841 ; — Ursule Mirouet, 1841. — Représentation et chute des Ressources de Quinola, 1842. — L’Avant-Propos de La Comédie humaine, 1842. […] Le Contrat de mariage ; La Recherche de l’absolu ; Les Paysans ; Le Cousin Pons] ; et quelquefois presque aucune place. — Comme d’ailleurs il n’est pas d’embarras d’argent qu’il n’ait lui-même connus ; — la réalité de son expérience personnelle s’est ajoutée à ce qui s’insinue d’inévitable réalisme au théâtre et dans le roman par l’intermédiaire de la question d’argent ; — et il est le romancier de la question d’argent, comme Musset est le poète de l’amour. — C’est qu’il a compris les exigences qu’imposait au roman la seule intention d’y traiter la question d’argent ; — et non seulement l’espèce d’activité, d’intelligence, d’esprit nécessaire à l’acquisition de la fortune ; — ce que Scribe, au contraire, n’a jamais compris ; — mais de plus il a vu qu’il lui fallait mettre en scène toute une sorte d’hommes oubliés jusqu’alors par les romanciers : — des banquiers et des notaires, des huissiers et des avoués, des usuriers et des prêteurs à la petite semaine ; — c’est-à-dire toute une population dont la peinture ou la représentation ne peut être que réalité ; — puisqu’elle ne vit elle-même que de la plus concrète et, dans nos civilisations modernes, de la plus universelle des réalités. — Mais, à leur tour, et à la suite des hommes d’affaires, sont entrées dans le roman toutes les « conditions » ; — l’infinie diversité des professions et des métiers ; — qu’il a fallu caractériser par les traits qui sont effectivement les leurs ; — par les déformations intellectuelles, psychologiques, ou morales qui en sont la conséquence ; — militaires et magistrats, artistes et gens de lettres, fonctionnaires et commerçants, diplomates et hommes politiques, médecins et rentiers ; — dont il a fallu connaître, décrire, expliquer les occupations ; — et, pour les décrire, user des termes qui sont ceux de leur vocabulaire ou de leur argot ; — n’y ayant pas deux mots pour désigner un « protêt » — ni de périphrase littéraire pour nommer une pâte épilatoire. — Et, après cela, quand il a eu conçu l’idée de relier tous ses romans ensemble ; — et d’en faire, non pas une succession d’épisodes continués l’un par l’autre ; — mais un tableau de la société de son temps ; — s’il avait oublié quelque trait, il a fallu qu’il s’en aperçût ; — et c’est alors que le caractère réaliste lui en est à lui-même apparu nettement ; — comme aussi ce qu’on en pourrait appeler le caractère scientifique. […] La Recherche de l’absolu ; Le Père Goriot ; Le Cousin Pons] ; — qu’il s’est même laissé plus d’une fois entraîner à pousser plus loin qu’il n’était nécessaire ; — et à traiter pour elle-même. — Sa grande ambition a été de décrire et de classer des « Espèces sociales » ; — considérées comme analogues aux « Espèces zoologiques » ; — et, comme celles-ci, pouvant se changer les unes aux autres ; — ce qui est, ainsi qu’on l’a fait justement observer [Cf.
N’est-il point d’un intérêt absolu de savoir ce que les étrangers pensent de nous et de nos gloires, et ne devons-nous pas remercier ceux qui s’attachent à nous faire comprendre et à nous faire aimer ? […] lui répondit Molière, je ne saurais être philosophe avec une femme aussi aimable que la mienne ; et peut-être qu’en ma place vous passeriez encore de plus mauvais quarts d’heure29. » Le passage que j’ai souligné donnerait raison à George Sand, et Molière n’aurait jamais soupçonné (ou plutôt jamais révélé) la trahison absolue de sa femme. […] Mais Molière (et c’est là sa grandeur suprême) est non seulement français, étroitement, purement français, par son horreur de toute hypocrisie, son amour de la vérité, de la netteté absolue dans les actions et dans les paroles, dans la vie et dans le style ; Molière est en outre profondément humain. […] Mais si le véritable génie consiste dans la pondération absolue, dans le bon sens uni à la puissance, dans le rien de trop, qui est en somme le but suprême de l’art, Molière, comme Cervantes, est l’égal de Shakespeare.
Cousin, car cette apparente unité du tout n’est qu’une harmonie et non une unité absolue. […] Les éléments étrangers durent y jouer un rôle d’autant plus grand, que la France avait fait assez peu d’expériences politiques jusqu’au milieu du xviiie siècle, et paraissait alors s’être définitivement fixée dans la monarchie absolue et dans les idées de la légitimité. […] Chateaubriand y peignait comme Goethe les effets d’une maladie d’imagination qui naissait de l’orgueil de la solitude et dont il décrit ainsi les symptômes : « La solitude absolue, dit René, le spectacle de la nature, me plongèrent bientôt dans un état presque impossible à décrire.
L’erreur était absolue. […] Il se prend pour Victor Hugo d’un attachement absolu, profond, qui lui inspire des accents inoubliables : Causer avec les voix dont le monde est l’écho Était mon but ; Paris, c’était surtout Hugo. […] L’accomplissement réel, absolu, parfait, c’est le moment intérieur que nous avons éprouvé l’un et l’autre, dans la splendeur funèbre de ce caveau. […] Hermann se trouve nanti du pouvoir absolu… Comment s’en servira-t-il ? […] Il faisait très bien, et avec beaucoup de suite, les gestes du grand seigneur, de diplomate et de ministre d’une monarchie absolue.
« J’ai besoin, disait-il, de porter sur ce point mille mouvements d’indignation qu’excitent en moi les passions cruelles que je vois se montrer de tous côtés avec impudence. » Après le 10 août, le ministre de l’Intérieur, Paré, voulut faire de lui le conservateur de la Bibliothèque nationale : il refusa, au nom de ce Corneille même, dont il avait embrassé la carrière, et avec qui il avait surtout de commun, disait-il, « une impropriété absolue pour tout ce qui demande les soins de la plus simple administration. » Il n’était point hostile à la Révolution en elle-même : elle l’avait séduit et enlevé plus qu’on ne l’a dit, par ce qu’elle avait de magnanime.
Ici nous n’avons plus affaire à des théories absolues, étroites, toujours sur le qui-vive et la défensive : l’ancien goût est satisfait par de justes réserves, mais l’inspiration nouvelle reste libre : on semble lui faire appel et la désirer.
Femme élégante de manières, cultivée d’esprit, soupirante et silencieuse, elle souffre aussi de la sévérité absolue du maître, et partage la tristesse refoulée des siens plutôt qu’elle ne la console.
Aux approches de la crise imminente du 10 août, elle ne réclamait déjà plus, comme après Varennes, des mesures brusques, absolues ; elle désirait que les sections réunies demandassent, non la déchéance, difficile à prononcer sans déchirer l’acte constitutionnel, mais la suspension provisoire, qu’il serait possible, quoique avec peine, écrivait-elle dix jours avant le 10 août à Brissot, d’accrocher, pour ainsi dire, à l’un des articles de la Constitution.
Je préférerais la république souveraine et absolue: elle est agitée, mais elle est forte.
Bien qu’aucune satisfaction absolue ne soit donnée à la philosophie, pas plus de circonscrire la cause que de limiter l’effet, le contemplateur tombe dans des extases sans fond à cause de toutes ces décompositions de forces aboutissant à l’unité.
Le plus autorisé des critiques de la langue et de la littérature italiennes, le célèbre Guicciardini en parle en ces termes : « Mais dans cette décadence des lettres, après Dante, Pétrarque, il s’éleva un homme qui les préserva d’une ruine absolue et sembla l’arracher du précipice prêt à l’engloutir : c’était Laurent de Médicis, dans les talents duquel elle trouva l’appui qui lui était devenu si nécessaire.
« Voici Chateaubriand en prose : « La solitude absolue, le spectacle de la nature me plongèrent dans un état impossible à décrire ; sans parents, sans amis, pour ainsi dire, seul sur la terre, n’ayant point encore aimé, j’étais accablé d’une surabondance de vie.
Ces huit caractères de femmes sont tous des types bien tranchés, et d’une absolue vérité.
Quant aux moyens d’enrichir la langue, outre les mots d’origine grecque ou latine, la technologie des métiers, celle des exercices et des amusements de la noblesse, il avait fait appel à tous les patois pour former la langue française, à peu près comme un politique qui eût ressuscité toutes les souverainetés féodales pour en former la monarchie absolue.
Il poursuit l’exactitude littérale, et il défigure ses modèles ; il vise à la clarté absolue, et il faut des efforts redoublés pour le comprendre.
Je me suis trouvé dans la nécessité absolue ou de faire de la littérature un métier pour suppléer à ce qui me manquait du côté de la fortune, ou de solliciter des grâces, ou enfin de m’enrichir tout d’un coup par une retraite subite.
» * * * — Raphaël a créé le type classique de la vierge par la perfection de la beauté vulgaire, — par le contraire absolu de la beauté, que le Vinci chercha dans l’exquisité du type et la rareté de l’expression.
J’ai comme une perte absolue de la mémoire… Je reçois avec l’amical et tendre article de Banville, une lettre d’Angleterre, datée du jour de sa mort, et dans laquelle un éditeur de là-bas nous demande à faire une traduction de l’Histoire de Marie-Antoinette.
Par ces mots, encore une fois, nous n’entendons pas une initiative absolue, une invention qui serait une création de rien ; mais nous entendons une synthèse nouvelle de données préexistantes, semblable à une combinaison d’images dans le kaléidoscope qui révélerait des formes inattendues.
Voilà ce que La Fontaine ne fera jamais, au milieu de toute cette foule, car il en diffère précisément par son indépendance absolue, par la façon tout à fait égalitaire, quoique aimable et délicate, dont il parle à Fouquet.
Elle était, dit-il, le manque le plus absolu de jugement, le mépris le plus complet de tous les scrupules et de tous les devoirs ; et M.
Et cela montre qu’il n’y a pas de réalisme absolu ; qu’il n’y a pas, dans le roman, de portrait entièrement vrai ; que les œuvres de cet ordre restent, pour une large part, des œuvres d’imagination.
Nulle part elle n’est souveraine absolue.
Si vraiment mon souvenir visuel d’un objet, par exemple, était une impression laissée par cet objet sur mon cerveau, je n’aurais jamais le souvenir d’un objet, j’en aurais des milliers, j’en aurais des millions ; car l’objet le plus simple et le plus stable change de forme, de dimension, de nuance, selon le point d’où je l’aperçois : à moins donc que je me condamne à une fixité absolue en le regardant, à moins que mon œil s’immobilise dans son orbite, des images innombrables, nullement superposables, se dessineront tour à tour sur ma rétine et se transmettront à mon cerveau.
Il a entrepris de refaire, suivant la formule perfectionnée et désormais définitive, La Recherche de l’absolu de Balzac, « notre maître à tous ».
Car enfin, il y a moins de trois siècles, les Turcs, maîtres absolus des plus beaux climats de l’Occident, dominaient la Méditerranée, menaçaient ses rivages, et, délivrés de Charles-Quint, semblaient ne plus compter d’adversaires en Europe.
Vers l’adolescence, on cherche l’absolu ; et il vous semble que l’absolu est à Paris… « Je n’y pus demeurer, j’y voudrais bien mourir… » Aux alentours, dans un rayon peu étendu, nous avions nos promenades. […] Les gens qui l’emploient, et fût-ce pour des apostolats qui ne sont pas tous répréhensibles, finiraient par la détourner d’être un absolu. […] Ainsi, la pudeur serait une spontanéité absolue, un instinct délicat. […] Il me semblait qu’une œuvre d’art devait posséder sa vie propre, indépendante et sa signification, sa beauté absolue. […] Pénélope qui s’est aperçue d’Aristonoos et de ses attraits, dira-t-on que l’absolue blancheur de son âme se colore de teintes moins pures ?
Je me sers du mot impression ; jugement serait trop absolu. […] J’avais cherché un mot atténuant, un mot qui ne fût ni si crûment vrai que médiocre, ni si absolu que mauvaise, ni si austère qu’immorale.
On peut s’étonner que le seigneur Baptista mette pour condition absolue au mariage de sa seconde fille que la première, le petit diable, soit mariée. […] Étudiant sans cesse l’héroïsme sous tous ses aspects, il devait arriver à se représenter l’héroïsme absolu, celui qui sacrifie tout son être à une idée. […] « Ô mon souverain roi… Ce Dieu maître absolu de la terre et des cieux… » — Il y a, encore, un goût nouveau du spectacle. […] Comme Agrippine, Athalie a le mépris absolu de ceux qui sont nés pour obéir, la hauteur du despotisme oriental. […] L’extrême force et l’extrême faiblesse se rencontrent dans l’absolue inconscience.
C’est précisément contre cette fâcheuse tendance de l’érudition contemporaine qu’il faut lutter, et maintenir ce principe absolu qu’une langue n’existe comme langue que du jour où elle a été fixée dans sa forme littéraire. […] Ce n’est plus un principe interne de progrès ou de décadence qui gouverne leur évolution ; elles subissent dès lors la dépendance, et la dépendance absolue de la société qui les parle ou des écrivains qui s’en servent. […] Molinier, c’est, sous le même prétexte d’absolue fidélité, de reproduire impitoyablement l’orthographe très douteuse du manuscrit : « Ne seroisse pas faire tort à la joye d’un roy d’occuper son âme à penser à ajuster ses pas à la cadance d’un aeir ? […] Et plus tard enfin, la critique naturelle, à son tour, cette critique savante, mais parfois aventureuse, qui veut soumettre les grands hommes à la dépendance étroite, nécessaire, absolue des circonstances extérieures, de la « race », du « milieu », du « moment », s’empare du sujet, l’étend, l’anime, le renouvelle.
L’isolement à peu près absolu dans lequel vivait François-René était fait pour développer par une concentration salutaire cette faculté, non seulement de rêver, mais de voir et de réfléchir, qui constitue le poète. […] Cela nous explique l’antithèse absolue du génie de Lamartine avec celui de Chateaubriand, bien autrement désolé, bien plus impétueux. […] Cette antithèse de l’homme du fait et de l’homme de l’idée est donc réelle, fréquente, mais elle n’est ni universelle, ni absolue, ni surtout fatale. […] Cinq poèmes seulement nous paraissent des chefs-d’œuvre absolus, l’Introduction où le poète fait tenir dans une terza rima sonore et superbe la lutte du libre arbitre que nous sentons frémir en nous et des fatalités qui paraissent nous opprimer à certaines heures de la vie, le Mont des Oliviers où les problèmes religieux et philosophique sont posés dans une langue à la fois imagée et précise, la Bouteille à la Mer, l’une des merveilles de la narration poétique, enfin la Colère de Samson et la Maison du Berger qui égalent tout ce qui s’est fait de plus beau dans notre siècle. […] dans un esprit constant de bonté, de justice, de sympathie entre les hommes, de paix entre les nations, d’absolu dévouement au génie et à la gloire de la France, de confiance filiale envers cette Révolution alors si incontestée, même parmi les conservateurs, qu’un prince royal en mourant ne craignait pas de recommander à ses fils d’en être « les serviteurs exclusifs et passionnés ».
Ils entendaient par-là, comme Rousseau, comme Voltaire, comme tous les encyclopédistes, un appel au sens propre, à une espèce de révélation naturelle, identique chez tous les hommes, une capacité capable de percevoir directement l’absolu. […] Cette consigne de réformation radicale, disons-le pour nous conformer à ce souci de la sincérité absolue qui fut le plus beau trait de cette grande figure, Taine ne nous l’a donnée que théoriquement. […] Spinoza nous a légué l’exemple de l’ascétisme le plus noble, uni chez lui au déterminisme le plus absolu, autant dire à une théorie qui justifie toutes les passions en leur reconnaissant un caractère d’inéluctable nécessité. […] Dès que la propriété littéraire est reconnue comme absolue, l’œuvre devient intangible, sinon dans la mesure où l’auteur a entendu le modifier. […] Il ne faut pas trop en espérer, ni croire qu’aucun travail de civilisation abolira jamais en lui d’une manière absolue les sauvageries primitives.
Daudet se défendant d’y assister, pour me laisser mettre la main tout à l’aise sur le directeur : « On ne met pas la main sur Porel, lui dis-je, savez-vous qu’il me fait l’effet de cette chose coulante et fugace entre vos doigts, qu’on appelle le mercure. » Mercredi 18 janvier Sans qu’il y eût de traité signé et d’engagement verbal absolu, il était presque entendu avec Hébert de chez les Didot, que, la du Barry serait le livre illustré de l’année prochaine, comme la Pompadour avait été le livre illustré de cette année. […] Lundi 30 janvier Le général russe Annenkoff, cet ingénieur extraordinaire, qui a fait huit cents kilomètres de chemin de fer en trois mois, qui a fait le chemin de fer allant à Samarcande, disait à une personne de ma connaissance, que dans cette ancienne cité, maintenant sous la domination absolue des Juifs, qui ont monopolisé tout le commerce à leur profit, on ignore qu’il y a en Europe un homme politique du nom de Bismarck, on ignore qu’il y a un pays qui s’appelle la France, on sait seulement qu’il y a, dans la vague Europe, un particulier immensément riche, nommé Rothschild.
La sensibilité sera en équilibre instable, prête à s’exalter ou à se déprimer sous le moindre prétexte ; ce seront de brusques explosions d’enthousiasme, d’allégresse triomphante ou des désespoirs, des prostrations absolues ; toutes les passions prendront le ton lyrique. […] Seule, la grande voix de l’orchestre s’élève comme d’elle-même, et plane dans le silence absolu. […] Entre les œuvres purement intellectuelles que nous avons citées d’abord comme exemple de prosaïsme absolu, et les œuvres purement imaginatives qui déterminent de véritables hallucinations, il est des degrés à l’infini. […] Pourquoi l’interdiction absolue de l’hiatus ?
L’intégrité de son caractère se manifestait par un absolu dédain de toutes les distinctions officielles, comme de la fortune, comme du succès littéraire. […] Je voudrais marquer le processus qu’il semble avoir suivi pour arriver à ces conclusions qui déconcertaient Flaubert et tout son groupe, témoin Émile Zola, lequel écrivait de son côté : « Rien de plus étrange que ce soutien du pouvoir absolu, dont le talent est essentiellement démocratique et qui a écrit l’œuvre la plus révolutionnaire. » II Notons tout d’abord que le romancier qui fut si grand chez Balzac s’est greffé — si paradoxal que cela paraisse — sur un philosophe. […] Une confiance totale, une amitié constante et absolue doit régner entre les compagnons. […] Nous voyons que ces déséquilibrés offrent tantôt un excès de nervosité émotive, tantôt un manque absolu de sensibilité, avec des alternatives d’activité et d’apathie, des emportements violents et des crises de désespoir.
Abel Rémusat, homme d’ailleurs d’infiniment d’esprit, de plus d’esprit peut-être encore que de savoir, était un adversaire politique des plus prononcés, un partisan du pouvoir absolu tel qu’il existe en Asie et dans l’Empire du Milieu, un ennemi ironique et amer de la liberté.
Vers 1827, par le silence à peu près absolu des autres chaires et la disette de toute parole publique dont on était affamé, par la gravité des circonstances qui allaient jusqu’à menacer l’expression de la pensée littéraire, et par les développements croissants du professeur, le Cours de M.
Sous ce gouvernement fort et victorieux, dans ce silence absolu de toute discussion politique sérieuse, on avait pris le parti, quand on le pouvait, de jouir de la vie, du soleil de chaque matin, de rêver la paix et d’en prélever les douceurs.
La question des Jésuites et de la liberté absolue d’enseignement prêta jusqu’au bout, sous la plume de M.
Deux choses sont pernicieuses à l’homme, le manque d’occupation et le manque de frein ; ni l’oisiveté, ni la toute-puissance ne sont conformes à sa nature, et le prince absolu qui peut tout faire, comme l’aristocratie désœuvrée qui n’a rien à faire, finit par devenir inutile et malfaisant. — Insensiblement, en accaparant tous les pouvoirs, le roi s’est chargé de toutes les fonctions ; tâche immense et qui surpasse le forces humaines.
« Elle envoie son affranchi Agérinus annoncer à son fils que, par la protection des Dieux et par l’heureuse fortune de l’empereur, elle vient d’échapper à un grave accident, et le conjurer en même temps, malgré l’émotion que va lui causer le péril de sa mère, de vouloir bien différer sa visite, ayant elle-même, pour le moment, besoin d’un repos absolu.
La liberté du discours est une blessure à la tyrannie des esprits absolus ; ils veulent régner sur la logique comme sur les faits.
L’amour est un dieu sans miséricorde, parce qu’il est absolu.
Ils se consultent souvent sur leurs productions, défiants d’eux-mêmes, et difficiles à contenter ; car ils ont une idée très haute de la perfection, et ne se lassent point qu’ils ne sentent impossible de s’en approcher davantage : ils donnent et reçoivent des avis et des critiques avec une absolue candeur, et jamais l’amour-propre n’a été plus absent du commerce de deux poètes.
Grandet ; le Curé de Tours ; Illusions perdues) ; scènes de la vie parisienne (César Birotteau) ; scènes de la vie politique ; scènes de la vie militaire ; scènes de la vie de campagne (les Paysans ; le Curé de village) ; études philosophiques (la Recherche de l’absolu) ; études analytiques.
Taine (et ce sont surtout celles-là qui doivent intéresser les poètes), il y a des minutes de dégoût complet, de sincère renonciation à la vie, de pessimisme absolu et sans réserve.
Ils commencent par établir sur chaque branche de littérature les préceptes que l’usage a consacrés, puis ils passent en revue les divers ouvrages qui en font partie, et le jugement qu’ils en portent se formule d’après les principes qu’ils ont posés, comme étant sous ce rapport la législation souveraine et absolue.
Comme historien, à quelle partie de la science historique n’a-t-il pas touché, guerre, administration, gouvernement, sous toutes les formes de société appliquées chez les anciens, depuis le, pouvoir absolu de l’Orient jusqu’à l’extrême démocratie ?
Tantôt elle s’occupe avec prédilection de la vie mentale ; elle scrute, à l’aide de la conscience, ce microscope interne, les pensées, les aspirations, les rêves de l’âme ; elle s’envole dans l’au-delà, poursuit l’absolu, s’aventure dans l’infini, vogue en plein ciel au risque de se perdre dans les nues.
L’absolue conformité de la musique aux paroles et la liberté de l’orchestration, chargée de fournir à l’action une atmosphère, de dégager le fluide lyrique et d’éclairer le dessous des caractères, voilà les deux principes de la méthode wagnériste.
Ils me paraissent tous d’une beauté égale, absolue.
La scène est imitée d’une page de la Recherche de l’absolu, de Balzac ; mais combien plus grand et plus pathétique apparaît Balthazar Claës, penché sur le creuset du Grand Œuvre.
La larve, devenant insecte parfait, a beau se métamorphoser, elle conserve l’image de cette proie dont elle a vécu pendant son état larvaire ; elle la reconnaît, elle a une préférence pour elle, qui va même jusqu’à un « exclusivisme absolu ».
Aujourd’hui la reconnaissance générale de Hugo et Delacroix n’est-elle pas la négation absolue de la religion littéraire et picturale de la Restauration, et n’y a-t-il pas, en ce moment, des symptômes naissants de reconnaissances d’écoles qui seront à leur tour la négation de ce qui règne à peu près souverainement encore ?
* * * — La communication que j’ai eue, ces temps-ci, du journal de Mlle ***, du journal des amourettes d’une cervelle de seize ans, me donne la certitude absolue, que la pensée de la jeune fille, la plus chaste, la plus pure, appartient à l’amour, et qu’elle a tout le temps un amant cérébral.
Il n’y était pas sans compensation, sans interruption, intégral et absolu dans les hommes, les choses, les idées, les sentiments et le langage.
Mais les grammairiens, s’épuisant en paroles qui ne donnent que des idées confuses, ignorant les origines des mots qui, dans le principe ne purent être que claires et distinctes, ont rassuré leur ignorance en décidant d’une manière générale et absolue que les voix humaines articulées avaient une signification arbitraire.
Car il n’y a sans doute rien de commun entre aimer un être, au sens vrai et absolu du mot, et en faire pour soi un instrument de sensation… Donc, pour conserver au monde ce joyau d’amour et de noblesse morale qui est l’âme de Carmosine, l’exquise reine, avec une hardiesse légère de femme, pratique sur cette enfant une double opération sentimentale, extrêmement délicate. […] Il est, lui, la charité absolue ; et l’on sent qu’à son approche s’épure et se dégage, par contagion, ce que les deux pauvres femmes ont de bon en elles. […] Ce qui fait de Nourvady une figure très caractéristique, et d’une vérité tout à fait large et supérieure, c’est sa foi entière, absolue, sereine, presque religieuse à la toute-puissance de l’argent. […] Sans doute Hamlet, Oreste, Severo vengeaient leur père ou leur mère, et, de plus, vengeaient leur ville ; et certes une telle vengeance est un droit, mais non, peut-être, de ceux qu’on a le devoir absolu d’exercer, et sans ajournement. […] Mais cela me chagrine que l’auteur délicat et fier de Leurs Sœurs et de Petites Visites ait consenti à transporter dans sa probe comédie ce qui s’étale en ce moment sur tant de scènes parisiennes ; et le secret motif qui, seul, a pu l’incliner à cette complaisance me rendrait suspectes les belles indignations de son dénouement, si je n’en connaissais, par ailleurs, l’absolue sincérité et si, au surplus, je ne savais pertinemment quelles faiblesses peut conseiller à un honnête homme, en ce temps de si dure concurrence, l’ardeur de réussir.
Car le gouvernement « selon la nature », le gouvernement « naturel », — de quelque façon qu’on l’entende, — ce ne peut évidemment pas être la démocratie absolue, tardif et artificiel produit des métaphysiques politiques, (et qui n’a jamais été réalisée même dans les petites républiques de l’antiquité, où il y avait les « esclaves ») : le gouvernement selon « la nature », ce serait le gouvernement le plus ressemblant à l’immémoriale et naturelle institution de la famille ; ce serait le gouvernement d’un seul, ce serait la monarchie, — et cela de l’aveu même de Rousseau qui, dans le Discours sur l’inégalité, considère comme le meilleur et le plus heureux le régime patriarcal de la tribu. […] Et voici ce qui est impliqué dans ce système : 1º L’égalité absolue des citoyens. — Pour que cette égalité demeure, il ne faut pas que le citoyen fasse partie d’un autre groupe que l’État, qu’il subisse une hiérarchie privée. […] Et, cinq ans après, la France connaissait les bienfaits des doctrines du Contrat social, et de l’universelle égalité, et de la souveraineté du peuple, et du droit absolu de l’État, et des magistratures d’exception telles que le Comité de Salut public et le tribunal révolutionnaire.
» C’est à propos de ces comiques-là que l’on a dit : « C’est une force incalculable que l’incapacité absolue de se trouver jamais ridicule. » Le comique conscient est d’une qualité plus fine et plus rare, plus rare dans tous les sens du mot. […] Brandès, la morale de Shakespeare est une morale relativiste : il n’y a pas pour Shakespeare d’impératif catégorique ; il n’y a pas de prescription absolue ; il ne faut ni mentir, ni tromper, ni voler, ni tuer, certainement ; mais le mensonge, la tromperie et même le préjudice fait à autrui ne sont pas toujours des vices ; ils sont souvent nécessité, ce qui est une forme permise du droit ; Shakespeare ne doute pas du droit, pour Hamlet, de tuer le roi et même Polonius… Tout cela révolte fort M. […] Elise Lensing l’aida tout de suite de sa bourse avec un dévouement et comme une dévotion absolue. […] Fidèle à la devise qui a dominé toute sa vie et qui était qu’il se devait à l’art et qu’à cause de l’art tout le monde lui devait tout, il sacrifia Elise avec une tranquillité absolue et sans songer même que la chose fût discutable. […] « On constatera dans la forme des poètes du dix-septième siècle, dans cette forme qui a longtemps joui d’une réputation de perfection presque absolue, une ignorance complète des conditions de l’harmonie et des lois mystérieuses qui régissent les Nombres. » Cela n’a guère besoin d’être démontré et aussi on ne le démontrera pas ; mais pour ce qui est du style proprement dit, voyez un peu Molière : « La forme de la comédie moliéresque est fausse, factice et déplaisante.
Le succès oratoire ou littéraire n’a jamais qu’une cause : l’absolue sincérité. » Convenons du moins qu’il serait difficile d’expulser plus agréablement toute littérature de l’œuvre littéraire. […] Si l’absolue sincérité ne suffit pas à faire les Phidias ou les Raphaël, elle ne saurait donc suffire davantage à faire les Dante ou les Shakespeare ; — et non pas même les Taine et les Renan. […] Il tombe seulement dans la grande erreur que le classicisme a commise dans son origine, — dès le temps de la Défense et Illustration de la langue française, de Joachim du Bellay, — l’erreur dont les grands classiques du xviie siècle n’ont eux-mêmes été préservés que par leur génie, par la condition d’absolue sincérité dans laquelle ils ont écrit, par la force enfin de leur individualité : le classicisme a confondu les « lois » avec les « règles » des genres. […] Tels furent, si je ne me trompe, les artistes du moyen âge, avec leur mépris absolu de la beauté ; tel est Dante lui-même, en quelques endroits au moins de la Divine comédie, où il a exprimé l’impalpable, l’impondérable, et l’inexistant ; tel est peut-être Fra Angelico… Mais ici je craindrais, en entrant après eux dans la région du mystère et de l’ombre, je craindrais de m’y perdre, et il me suffira d’une remarque.
C’est l’époque de la monarchie absolue qui est triomphante qui est indiscutée et qui plaît, étant représentée par un jeune homme charmant, brillant, amoureux des fêtes et, en même temps, prudent, avisé, appliqué et intelligent. Cette époque est essentiellement différente de celle où vécut La Bruyère, de l’époque de la vieillesse de Louis XIV, de l’époque où la monarchie était tout aussi absolue, tout aussi triomphante, tout aussi indiscutée, mais où elle ne plaisait guère plus à personne, étant lourde, morose et triste. […] Il a cette intelligence impersonnelle qui consiste à n’avoir pas d’idées, mais à avoir sûrement, avec une justesse de coup d’œil absolue, les idées de tout le monde, les idées où la pluralité, au moins, se range ou va se ranger. […] C’est pour cela qu’il se prête au jeu, c’est par certitude absolue de gagner la partie. […] Elle est dans un bonheur absolu et auquel elle ne voit rien à ajouter quand elle a dit : « J’ai eu du succès ce soir » et elle ne demande exactement rien déplus.
Fier de l’empire absolu qu’il aura pris sur l’ancien (aujourd’hui trop usé) il étalera des beautés hardies & pittoresques, que l’on sacrifie ordinairement en faveur de quelques regles frivoles, fondées sur la routine, appui des faibles Auteurs & fléau de l’art. […] Souvent pour un intérêt très-médiocre les particuliers réputés les plus sages se plaident à toute outrance, & en viennent aux outrages les plus excessifs ; & lorsque notre adversaire en Littérature voudra anéantir, sous le tranchant du ridicule, le fruit de nos veilles & de nos études, on éxigera une modération absolue, on voudra le spectacle d’un combat froid, poli, réservé ; tandis que nous sommes attaqués dans la partie la plus sensible de nous-mêmes ! […] L’imitation parfaite & absolue est impossible dans cet Art comme en tout autre : mais les tableaux qui se suivront dans l’ordre des choses, n’en auront à mes yeux qu’un plus grand caractère de vérité.
Mais, si l’on y regarde de près, la fiction est restée maîtresse absolue et souveraine du terrain, la réalité humaine n’a pas été sérieusement abordée. […] Barbara nous livre cinq à six nouvelles, dont deux sont d’une valeur médiocre, et le reste d’une désastreuse insignifiance ou d’une absolue nullité. […] Mais, comme il possède, en somme, — ce revenant littéraire, ce bel-esprit, moitié mousquetaire et moitié abbé, — une très haute et très sagace intelligence, il ne dépend pas de lui d’échapper à la compréhension absolue du présent, pour murer sa pensée dans le culte exclusif d’un passé évanoui ; sans avoir rien oublié, il a appris quelque chose.
Mais sur ce point, le seul qui intéressât le lecteur, silence absolu du haut en bas de la presse, et le futur chroniqueur de notre théâtre contemporain aurait été certes bien embarrassé, si un laborieux journaliste, M. […] Il adressa un jour à Théophile Gautier la lettre suivante : « Mon cher ami, je suis sans inquiétude pour le présent ; j’ai sept francs et quelques sous dans ma poche, mais je ne te cacherai pas que l’avenir commence à me préoccuper. » Avec ses instincts d’oiseau voyageur et cette insouciance absolue du bien-être et du confortable, il avait par accès des goûts de luxe ; l’argent d’un travail littéraire, il le consacrait alors, sans garder souvent de quoi payer le dîner du jour, à l’acquisition d’un meuble, d’un vase, d’un tableau de prix. […] Il y a toujours un dévouement absolu au fond de ces natures turbulentes.
Vous semez une république, vous récoltez un gouvernement absolu ; il n’y a rien là qui contredise les probabilités de l’invraisemblable et la logique de l’inconséquence. […] Cousin s’attache surtout à prouver — et il y réussit — c’est que ce ne fut pas le désir de plaire à madame de Longueville qui jeta La Rochefoucauld dans la Fronde, mais le dévouement absolu de madame de Longueville à son amant, qui l’y précipita elle-même, et fit d’elle l’héroïne de ces rébellions funestes. […] Seulement, comme il faut que le cœur humain garde ses droits, même au moment où la vérité reprend les siens, ce n’est pas toujours d’une façon absolue et complète que s’opèrent ces rapprochements et ces alliances. […] Au moment où Mercier tenait la plume, en cette dernière année de monarchie absolue, ébranlée déjà par le souffle révolutionnaire, à la veille de la prise de la Bastille et du serment du Jeu de paume, toutes les déclamations étaient permises, parce que toutes les illusions étaient possibles ; car la déclamation n’est qu’une illusion d’esprit servie par une illusion de style.
« Ils étaient royalistes, mais ils étaient philosophes ; une profonde connaissance de la nature humaine les avait dépris de la chimère d’une perfection absolue, ils savaient tolérer des abus en les déplorant, obéir à des lois en les improuvant. […] Chose non moins singulière, dans le temps même où Mme de Staël quittait Pétersbourg et allait chercher un asile en Suède, Napoléon, maître de Moscou et à la veille de cette fatale retraite, trouvait le moment de donner son avis sur la question de la presse comme il l’entendait, et il le donnait en des termes formels qui font le plus absolu contraste avec le procédé qu’on avait tenu envers Mme de Staël.
On sait d’ailleurs que Claudel est aussi libéral dans la conduite de sa vie qu’absolu dans sa doctrine. […] Ainsi le mot sera délivré de toute signification, et l’on obtiendra « l’inanité sonore, l’insignifiant absolu », qu’expriment si bien ces deux syllabes : Dada.
Telle est la différence entre la philosophie des mots et la philosophie des effets1364. » Je n’ai point à discuter ces opinions ; c’est au lecteur de les blâmer ou de les louer, s’il le trouve à propos ; je ne veux point juger des doctrines, mais peindre un homme ; et certainement rien de plus frappant que ce mépris absolu de la spéculation et cet amour absolu de la pratique.
Au regard de la justice absolue, Morgex est coupable, il doit expier. […] À la conception abstraite d’un bien absolu succède celle d’un bien organique, expérimental, en voie de formation. […] Ils feignent de considérer le mysticisme comme une des formes de l’hystérie ; mais justement un des signes distinctifs des mystiques est l’équilibre absolu, l’entier bon sens. […] C’est ainsi que, dans l’apaisement des sens, dans le silence des passions, dans l’oubli des intérêts, l’âme repliée sur elle-même contemple en soi l’absolu. […] Il transporte dans l’amour ce besoin d’absolu qui est une notion religieuse ou tout au moins métaphysique.
Eh bien, le capitaine Renaud nous dit, par exemple, qu’il n’a pas mangé depuis vingt-quatre heures et que cela éclaircit les idées pour un récit, ce qui est difficile à admettre ; une obscurité absolue règne, nous dit-on, dans les rues, sur les boulevards, et tout d’un coup, à un moment où, dans l’intérêt du récit, on a besoin de lire une lettre, il se trouve qu’un café est éclairé à propos et que cette lettre peut se lire : le capitaine Renaud aurait bien pu, ce me semble, prendre dans ce café quelque chose.
Ondine l’a été gravement : elle est si frêle que je passe une vie d’anxiété avec cette chère créature à qui il faudrait le repos le plus absolu.
M. de La Rochefoucauld lui-même, il est permis de le conjecturer, en adoucit sur la fin et en corrigea tout bas certaines conclusions trop absolues ; durant le cours de sa liaison délicate et constante avec Mme de La Fayette, on peut dire qu’il sembla souvent les abjurer, au moins en pratique ; et cette noble amie eut quelque droit de se féliciter d’avoir réformé, ou tout simplement d’avoir réjoui son cœur.
Beau vers, belle pensée, qui a dû naître bien des fois au cœur d’un baron féodal isolé, gardien d’une marche, d’une frontière, investi d’un fief éloigné où il n’était pas avec des gens de sa race, où il se sentait dépaysé et sans racines ; vers qui respire tout l’esprit de la féodalité, c’est-à-dire de la féalité au seigneur, du dévouement absolu, et qui exprime au vif la moralité cordiale de ces temps : c’est un vers d’or.
Voilà la conception maîtresse, qui consiste à ériger le devoir en roi absolu de la vie humaine, et à prosterner tous les modèles idéaux au pied du modèle moral.
S’il s’agissait de résoudre cette question d’une manière absolue, nous aimerions presque autant dire : Convient-il à la nature de donner du génie aux femmes ?
C’est le confident de la sagesse et de la terreur de Jéhovah, le Jupiter Tonnant de l’Olympe biblique, la crainte de Dieu rendue visible aux hommes, l’autorité de la loi attestée par l’éclair de l’illumination, le commandement divin, infaillible et absolu fait homme, mais conservant dans son humanité la majesté du Dieu qu’on sent derrière l’homme.
« La solitude absolue, le spectacle de la nature me plongèrent bientôt dans un état presque impossible à décrire.
Remarquez que c’est exactement le parti pris héroïque et fou des amoureux romanesques, des chevaliers de la Table ronde ou des bergers de l’Astrée, ce qui les rendait capables d’immoler à leur maîtresse non seulement leur intérêt, mais leur raison, et d’accepter ses plus injustifiables caprices comme des ordres absolus et sacrés.
Au reste, vous l’avez peut-être remarqué : les pessimistes absolus, les « professionnels » du pessimisme sont tous des hommes dont la vie ne fut point exceptionnellement malheureuse, et qui n’eurent tout au plus, de la souffrance humaine, que leur portion congrue.
On n’arrive par elle au plaisir qu’au prix d’une attention absolue.
Dans un siècle frivole, de bel esprit, de mauvaises mœurs, sous un gouvernement absolu, la satire, la comédie satirique, devaient être en grand honneur ; les bonnes qualités ne rachetaient pas le ridicule ; après le besoin de parler était venu le besoin de rire.
* * * — Il me semble que je dois bien faire mon roman des deux clowns, me trouvant en ce moment, la cervelle dans un état vague et fluide, convenant à cette œuvre, un peu en dehors d’une réalité absolue.
Seulement, par une inconséquence qui nous touche et dont nous connaissons la cause, il se mêle à ces poésies, imparfaites par là au point de vue absolu de leur auteur, des cris d’âme chrétienne, malade d’infini, qui rompent l’unité de l’œuvre terrible, et que Caligula et Héliogabale n’auraient pas poussés.
Mais, d’un autre côté, si l’on cherchait les définitions du réalisme, si l’on énumérait, comme je le faisais tout à l’heure pour le romantisme, toutes ses définitions, on trouverait que La Fontaine, par sa soumission à l’objet, par sa fidélité absolue à l’observation de la nature telle quelle est, par les soins infinis qu’il prend pour être toujours, pardonnez-moi l’expression, adéquat, et pour mieux parler, ajusté à son objet, c’est-à-dire à la nature qu’il considère ; si l’on fait toutes ces considérations, on trouve qu’il n’y a pas de réaliste plus réaliste que La Fontaine dans tout le dix septième siècle, et peut-être dans toute la littérature française.
Taine, ce citateur infatigable et inexorable, s’y dégage d’elle-même, évidente et absolue, contre le plus puissant, le plus accepté des principes de cette France contemporaine avec laquelle, par son livre, il a si courageusement et si stoïquement rompu.
Cela est vrai d’expérience encore plus pour la royauté des royautés, pour cette souveraineté unique qui représente divinement sur la terre, dans ce qu’il a d’absolu et d’incompatible, le principe de l’autorité.
Je ne prends point si strictement le bonheur que donne une œuvre d’art pour la mesure de sa beauté ; car le bonheur est relatif, et la valeur d’une œuvre d’art est absolue.
Les mots d’une phrase n’ont pas un sens absolu.
Je conçois à merveille que le poète qui s’en prend à son temps, qui choisit autour de lui les acteurs, le costume et le sujet de son poème, néglige volontairement le caractère historique et local, et s’en tienne à peu près à la vérité absolue des sentiments ; mais quand on recule jusqu’aux premières années du huitième siècle, il faut se résigner à vieillir ; autrement le voyage est inutile. […] Je n’en conclus pas pour le premier une supériorité absolue ; mais je note cette circonstance comme un résultat naturel des deux procédés. […] Lors même que le catholicisme flottant de ce nouveau poème ne s’expliquerait pas clairement par la rêverie amoureuse des Méditations et la rêverie religieuse des Harmonies, il faudrait encore l’accepter, non pas comme une vérité absolue, mais comme une vérité relative, comme une expression de la société française au 18e siècle. […] Comme pas un des acteurs n’est emprunté immédiatement à la vie réelle et quotidienne, on n’a pas lieu de s’étonner si l’antagonisme symétrique inventé par le poète se pose et s’accomplit d’une façon générale, absolue, sans tenir un compte bien scrupuleux des conditions ordinaires de l’espace et du temps. […] Par l’élévation absolue de ses idées, elle est plus qu’un homme.
Mais, si un roman est une œuvre de science et d’art s’adressant à l’humanité tout entière, au-dessus du moment et du code social, visant à un absolu de vérité, j’ai raison. […] Il m’avoua être tout étonné de ce succès, et cela non pas avec cette modestie orgueilleuse que j’ai vue passer tant de fois, mais avec une entière et absolue candeur. […] Dans un chapitre très animé, où le malheureux mari cherche l’origine de son mal, voici un souvenir d’enfance discret et ému qui est bien l’une des plus jolies choses du roman : J’aimais ma mère d’une affection absolue, despotique, instinctive, ainsi qu’une bête qui suit l’odeur des mamelles où elle a puisé la vie à pleine bouche. […] …………………………………………………………………………………………… « Apothéose dérisoire, m’écriai-je après avoir dévoré ces gazettes où nombre des bourreaux qui l’avaient tué rendaient enfin justice, quoi qu’ils en eussent, à leur noble victime, qui, supplice inouï, tomba, non, mais crut peut-être tomber dans l’éternel néant ou le noir absolu ! […] Loin des misères de la terre, les deux purs esprits, libres d’entraves matérielles, rêvent le bonheur absolu et veulent redescendre sur notre planète pour en chasser la douleur, l’injustice, le mal et jusqu’à la Mort.
Aucun de nous n’a le droit de se poser en maître absolu de ses actes, ni de ses pensées même, parce qu’il n’est aucun de nous qui n’appartienne autant à la société qu’à lui-même, pour ce qu’il lui doit de bienfaits dans le passé, pour ce qu’il en réclame d’aide ou de secours dans le présent, pour l’espèce d’engagement qu’il a pris, rien qu’en naissant, de transmettre à ceux qui le suivront tout ce qu’il a reçu, et de le leur transmettre intact, ou, si possible, accru. […] Quant au point particulier de savoir si la moralité se fonde nécessairement sur la croyance, et, en dehors du spiritualisme ou du christianisme s’il n’y a point de vertu, je commencerai, pour mieux raisonner, par faire une profession absolue d’incroyance, et je dirai alors d’autant plus librement que la question ne se décide point, comme on a l’air de se le figurer, par un simple haussement d’épaules.
J’ai noté au passage cette fine remarque sur l’amitié des femmes entre elles : « Ce qui distingue l’amitié entre femmes de l’amitié entre hommes, c’est que cette dernière ne saurait aller sans une confiance absolue, tandis que l’autre s’en passe. […] Il n’y a pas de synonymes absolus, en grec, ni ailleurs, il est donc clair que les deux mots άθηρηλοιγός et πτυον désignent des instruments différents, tous deux connus du poète, qui sait ce qu’il dit. […] Fait d’une ignorance absolue des lois universelles, son optimisme était inaltérable et parfait. […] J’ai toujours aimé la paix ; mais dès que la patrie m’a appelé et m’a commandé de prendre les armes, j’ai obéi avec la soumission d’un fils aux ordres absolus d’une mère.
Moins pathétique que Lamennais, dont la religion ne veut pas avoir de limites, George Eliot s’accommode assez bien du silence de Dieu, pourvu qu’elle se sente assurée de remplir longtemps son devoir absolu. […] En 1919, Istrati errait à Nice, et dans l’impossibilité absolue d’obtenir un emploi quelconque, considérant l’inutilité de son existence, il se coupa la gorge ; on trouva dans sa malle la lettre qu’il avait écrite à Romain Rolland, qu’elle finit par atteindre. […] Bernstein présentait un caractère, dont il était le maître absolu, qui allait créer un conflit et non point dépendre de lui.
Après un éloge magnifique de la religion, on y-lit ces paroles remarquables : « Nous avons dit & déclaré, &, par ces présentes signées de notre main, disons & déclarons, voulons & nous plaît que toutes les disputes, contestations & différends qui se sont formés dans notre royaume à l’occasion de la constitution de notre saint père le pape contre le livre des Reflexions morales sur le nouveau testament, soient & demeurent suspendues, comme nous les suspendons par ces présentes ; imposant, par provision, un silence général & absolu sur cette matière ». […] Une chose singulière, c’est que la demande passoit le pouvoir de cet empereur, absolu pour tout le reste & petit-fils du conquérant de la Chine. […] Personne ne méritoit plus d’être consulté que l’empereur Camhi lui-même, très-versé dans sa langue, chef de la secte des lettrés, chargé d’examiner les docteurs, juge absolu du sens des loix, des cérémonies & des usages de la nation. […] A Prosper Lambertini, Evêque de Rome, Surnommé Benoît XIV, Qui, quoique prince absolu, Regna avec autant d’équité Qu’un doge de Venise.
Le duc de Nivernais passa quelques mois à voir tous les jours Frédéric et à l’entretenir sur les objets les plus intéressants, à étudier son caractère : car,, pensait-il avec raison, dans les monarchies mixtes et non purement absolues, là où l’organisation de certains conseils est régulière et où l’État se conduit par les vrais principes, on peut saisir les motifs déterminants de la conduite, par la combinaison des circonstances avec l’intérêt de l’État : ainsi, les puissances voisines d’une telle monarchie ont des moyens de direction solides pour traiter avec elle ; mais, dans les pays où le souverain n’a d’autre conseil que lui-même, où ses perceptions non comparées à d’autres perceptions sont la seule occasion et la seule règle des mouvements de l’État, le caractère du prince est le gouvernail de l’État : la politique, l’intérêt fondamental ne sont que ce que l’intuition du prince veut qu’ils soient ; et les puissances voisines d’une telle monarchie ne peuvent traiter avec elle que d’après la connaissance des mouvements intérieurs du monarque, qui seuls impriment le mouvement à toute la machine.
. — Voilà l’état présent, et, s’il change, c’est en pis. « Car423 toute l’occupation des rois ou de ceux qu’ils chargent de leurs fonctions se rapporte à deux seuls objets, étendre leur domination au dehors, et la rendre plus absolue au dedans. » Quand ils allèguent un autre but, c’est prétexte. « Les mots bien public, bonheur des sujets, gloire de la nation, si lourdement employés dans les édits publics, n’annoncent jamais que des ordres funestes, et le peuple gémit d’avance, quand ses maîtres lui parlent de leurs soins paternels. » — Mais, arrivé à ce terme fatal, « le contrat du gouvernement est dissous ; le despote n’est maître qu’aussi longtemps qu’il est le plus fort, et, sitôt qu’on peut l’expulser, il n’a point à réclamer contre la violence ».
Le duc de Weimar lui avait donné, indépendamment du ministère de l’instruction publique dans ses États, la direction absolue des théâtres et des nobles plaisirs de sa cour.
Monarque d’une si riche péninsule, chef courageux d’une si imposante armée, présent par l’ubiquité du nom de roi d’Italie dans mes cinq ou six capitales, maître de mille lieues de côtes couvertes de ports militaires sur la Méditerranée, pouvant à mon gré les ouvrir ou les fermer aux escadres ou aux débarquements de l’Angleterre, je veux faire compter l’Autriche et au besoin la France avec moi ; c’est un terrible poids à placer ou à déplacer dans la balance du continent que trente millions d’âmes, cinq cent mille hommes, l’alliance nécessaire de l’Angleterre et un drapeau qui sera, à mon gré, selon les circonstances, celui de la monarchie absolue, celui de la dictature soldatesque, ou celui de la révolution !
Il est recueilli par ce bon saint évêque, qui ne lui fait pas l’aumône du soir seulement, mais l’aumône de son honneur, l’aumône de sa dignité d’homme, qui l’appelle : « mon frère », qui le fait asseoir à sa table, pour le réhabiliter par cette égalité chrétienne de l’innocence constante avec l’innocence reconquise du repentir justifié, qui lui montre la confiance absolue du juste dans le repentant, qui le croit incapable même d’une mauvaise pensée, qui lui prépare son lit dans son antichambre, qui y laisse l’argenterie, son seul trésor, qui ne ferme pas même le loquet, et qui s’endort sans peur à côté du crime mal assoupi dans ce cœur inconnu !
Or, si cette impossibilité de vivre est absolue pour un être qui serait complètement supérieur à la généralité des hommes, cette difficulté de vivre heureux est relative dans les êtres doués seulement d’une sensibilité supérieure de quelques degrés à celle de leurs semblables.
Il nous fit entrer dans une petite cour intérieure pavée aussi d’éclats de statue, de morceaux de mosaïque, et de vases antiques, et nous livrant sa maison, c’est-à-dire deux petites chambres basses sans meubles et sans portes, il se retira et nous laissa, suivant la coutume orientale, maîtres absolus de sa demeure.
Enfin, s’il est une vérité reçue dans le monde, c’est que le monde a raison, c’est qu’il fait bien et pense excellemment, mieux que tous les individus qui le composent, et surtout mieux que tous les êtres qui n’en sont pas ou n’en ont pas été : d’où la raison, cette souveraine dominatrice du siècle qui commence, s’étrique, s’amincit, se creuse, et devient le préjugé mondain, qui investit momentanément tous ses caprices et toutes ses ignorances d’un titre d’absolue et universelle vérité ; et voilà surtout ce qui porta grand dommage à la littérature du xviie siècle.
Il a su transmuter la substance de tout en substance poétique, ce qui est la condition expresse et première de l’art, l’unique moyen d’échapper au didactisme rimé, cette négation absolue de toute poésie ; il a forgé, soixante années durant, des vers d’or sur une enclume d’airain ; sa vie entière a été un chant multiple et sonore où toutes les passions, toutes les tendresses, toutes les sensations, toutes les colères généreuses qui ont agité, ému, traversé l’âme humaine dans le cours de ce siècle, ont trouvé une expression souveraine.
Corneille, dans ce chef-d’œuvre, n’a rien conçu d’absolu, ni la passion sans quelques remontrances secrètes du devoir, qui la troublent lors même qu’elle est la plus forte, et qui la contraignent à se voiler ; ni le devoir sans que la passion s’insinue jusque dans ses protestations les plus exaltées, et qu’il ne ressemble par moments à la passion elle-même se donnant le change.
Et il ne faut point douter que pour lui elle ne s’opère absolument et que cette connaissance de la vérité ne soit absolue.
Dans la première moitié du xviiie siècle, la bourgeoisie aisée, en y comprenant la noblesse de robe, me paraît avoir été la plus riche ; il suffit de citer Voltaire, Montesquieu, Marivaux, Fontenelle, Mairan, Vauvenargues, Crébillon, la Chaussée ; et il est permis de croire qu’il y a une harmonie entre leur origine et leur éducation, leur situation sociale et les qualités fines, spirituelles, élégantes d’une littérature hostile, il est vrai, à l’Église et à la monarchie absolue, mais discrète encore dans ses désirs d’innovation et tempérée dans ses hardiesses.
La sûreté de la langue et du rythme est presque absolue.
et un impossible bien autrement compromettant que le simple impossible de l’événement, des circonstances, de la mise en scène, dont un habile homme ne se joue guères ; mais l’impossible de la nature humaine, la méconnaissance absolue des lois qui la régissent et dont, sous peine de faux et d’absurde, il est défendu — à n’importe qui !
Être très visiblement l’ennemi du duc de Savoie (ou du souverain régnant au-delà des monts), être protestant, n’être pas grand seigneur et affecter en ses mœurs la simplicité la plus démocratique, être en mauvais termes avec Berne, qui n’était pas sans quelques airs de vouloir substituer sa suzeraineté à celle du Savoyard, être énergiquement local et municipal, enfin être un homme d’une volonté indomptable et d’une intolérance absolue, né pour commander et pour risquer continuellement sa vie à rencontre de toute résistance, impitoyable du reste sans colère et sans caprice de cruauté : c’était être le souverain désigné de Genève à cette époque. […] Cette réaction formidable, ce retour violent, dans le temps, au primitif, dans l’ordre des idées, à l’absolu, est, sans doute, un effort admirable et d’esprit et de conscience. […] Le vrai protestant est celui qui se tient à l’écart de vous, qui lit la Bible en priant Dieu, et qui redoute qu’une parole humaine, même la vôtre, ne s’interpose entre l’absolu et lui. […] Dès que les fidèles font déposé, il redevient bourgeois ou paysan comme les autres… » La liberté absolue de croyance, la religion sans sacerdoce, qui sera plus tard ridée favorite de Benjamin Constant, l’individualisme religieux, et en définitive chacun maître de sa foi, rencontrant des croyances semblables à la sienne et les saluant, mais ne faisant partie d’aucun corps stable et durable où il soit attaché, tout cela à travers des incertitudes et des contradictions, est dans Luther, et, pour ainsi parler, ne pouvait pas n’y pas être. […] Voilà déjà un premier point très important, une première réserve qui tempère ce qu’il y a, à l’ordinaire, de trop absolu dans la doctrine de l’imitation selon la Défense.
Deux conclusions se dégagent de ce qui précède : complexité extrême, nécessité absolue de la Critique historique. […] S’il était possible naguère que le même homme se livrât successivement à toutes les opérations historiques, c’est que le public compétent n’avait pas de grandes exigences : on réclame aujourd’hui de ceux qui font la critique des documents des soins minutieux, une perfection absolue, qui supposent une habileté vraiment professionnelle. […] Ce sont eux dont on entend dire : « Il travaille mal, il a le génie de l’inexactitude. » Leurs catalogues, leurs éditions, leurs regestes, leurs monographies fourmillent d’imperfections et n’inspirent point de sécurité : quoi qu’ils fassent, ils n’arrivent jamais, je ne dis pas à une correction absolue, mais à un degré de correction honorable. […] C’est en effet le caractère des signes créés exprès pour l’usage scientifique, l’algèbre, la nomenclature chimique ; là, toute expression a un sens précis, qui est unique, absolu et invariable ; elle exprime une idée analysée et définie exactement et elle n’en exprime qu’une, toujours la même, à quelque endroit qu’elle soit placée, quel que soit l’auteur qui l’emploie. […] On enseigna l’histoire parce que le programme l’ordonnait ; mais ce programme, raison d’être unique et maître absolu de l’enseignement, resta toujours un accident, variable suivant le hasard des préférences ou même des études personnelles des rédacteurs.
D’ailleurs, une servitude aussi absolue que celle du matelot anglais ne peut émaner que d’une autorité civile : or, il serait à craindre qu’elle ne fût méprisée de nos marins ; car malheureusement le Français obéit plutôt à l’homme qu’à la loi ; et ses vertus sont plus des vertus privées que des vertus publiques. […] L’auteur, cherchant à prouver que la monarchie absolue est le seul gouvernement naturel ou conforme à la nature de l’homme, fait la peinture de la monarchie anglaise dont le gouvernement, selon lui, n’est pas naturel. […] Il ne faut pas croire d’ailleurs que le plus rude despotisme produise un silence absolu, excepté chez les nations barbares. […] Louis XIV, dans un moment de dégoût, ne songeant qu’aux fatigues de la royauté, a pu l’appeler un métier, et un métier très pénible ; mais donnons-nous garde de prendre ce mot dans un sens absolu. […] Mais si nous avions jamais pensé avec des hommes, dont nous respectons d’ailleurs le caractère et les talents, que le gouvernement absolu est le meilleur des gouvernements possibles, quelques mois de séjour en Turquie nous auraient bien guéri de cette opinion.
Car enfin, il commence par la société et il finit par l’isolement ; il part d’une confiance naïve, touchante, extrême en la bonne foi des hommes (et en leur perfectibilité), et il en arrive ensuite à l’absolue, à l’irrémédiable défiance ; quoi encore ? […] « 2° Je sais bien que c’est ici, Monsieur, que je me heurte à votre fin de non-recevoir la plus absolue et peut-être la plus définitive. […] Que Militza, amoureuse de Constantin, et qui sait qu’il n’est pas coupable, et au contraire, ne parle pas et ne le défende pas, et garde obstinément le silence parce que ce silence lui a été commandé par Constantin ; cela me paraît assez juste, la petite orientale ne connaissant à l’égard de celui qu’elle aime que l’obéissance passive, absolue, fanatique en quelque sorte et pouvant le tuer pour lui rendre service et se tuer elle-même, mais non jamais lui désobéir. — J’ai pourtant toujours rêvé un autre rôle pour Militza.
Krantz, la perfection esthétique « en une impersonnalité absolue » ? […] Krantz à son principe, et tâchons de bien préciser l’élément absolu d’erreur qui s’y mêle à une part certaine de vérité. […] Vauvenargues, à sa manière, n’est pas moins fin que Marivaux, et Prévost, on le verra, ne lui cède guère dans la peinture au moins des passions de l’amour ; mais les hardiesses mêmes du premier le ramènent, comme à chaque pas qu’il se sent tenté de faire vers la préciosité, dans le grand courant de la langue ; et, pour le second, entre beaucoup de qualités que Manon Lescaut a par-dessus Marianne, son absolue simplicité n’est pas celle qu’il y faut le moins admirer. […] Mais l’excuse de des Grieux, ce n’est pas la morale de son temps, — qui valait bien celle du nôtre, ne nous faisons pas d’illusions là-dessus, — c’est son amour ; et ce qui fait le prix de Manon Lescaut, c’est d’être une des plus parfaites peintures qu’il y ait, non pas assurément de l’amour idéal, mais au moins de l’amour absolu.
Mais cette profondeur a son infini, de même que l’éclat des yeux à miroir a son absolu » Le portrait continue ainsi pendant deux cents lignes. […] — Au gouvernement absolu, le seul où les entreprises de l’esprit contre la loi puissent être réprimées. […] Des esprits mal faits vous répondraient peut-être que contre les vices des hommes vous cherchez refuge dans un homme, naturellement aussi vicieux que les autres, et encore gâté par la licence du pouvoir absolu. […] La monarchie absolue et l’administration régulière ont amené les nobles oisifs et soumis dans les salons et à la cour ; là règne un goût uniforme ; il faut y plier son humeur ; les convenances promènent leur niveau sur les singularités des esprits et des caractères. […] Mais un prince à qui la loi donnait le pouvoir absolu, que pouvait-il rencontrer, sinon des adulateurs et des mercenaires ?
Il le voit personnellement et face à face, avec une foi absolue et indomptable. […] — Voilà l’idée originelle qui a fait les puritains, et par eux la révolution d’Angleterre. « Le sentiment de la différence qu’il y a entre le bien et le mal avait rempli pour eux tout le temps et tout l’espace, et s’était incarné et exprimé pour eux par un ciel et un enfer. » Ils ont été frappés de l’idée du devoir ; ils se sont examinés à cette lumière, sans pitié et sans relâche ; ils ont conçu le modèle sublime de la vertu infaillible et accomplie ; ils s’en sont imbus ; ils ont englouti dans cette pensée absorbante toutes les préoccupations mondaines et toutes les inclinations sensibles ; ils ont pris en horreur jusqu’aux fautes imperceptibles qu’un honnête homme se pardonne ; ils ont exigé d’eux-mêmes la perfection absolue et continue, et ils se sont lancés dans la vie avec la fixe résolution de tout souffrir et de tout faire plutôt que d’en dévier d’un pas.
Adolphe Retté le constatait déjà l’autre jour, c’est son manque absolu de rythme. […] Était-il nécessaire, vraiment, d’ajouter à sa royauté véritable, authentique et absolue, une illusoire principauté ?
Des gestes brusques et désaccordés, une voix qui, bien que saccadée, semblait mâcher de la bouillie, complétait le personnage qui, les poches gonflées d’outils à bécane, parmi lesquels on apercevait la crosse d’un vieux revolver, à la fois sordide et inquiétant, tenant du chemineau et du cambrioleur, allait bientôt devenir célèbre du jour au lendemain, et, dissimulé derrière l’énorme gidouille du Père Ubu, lâcher à la face du public le « mot » que Cambronne fît héroïque et auquel, par l’adjonction d’une lettre sonore, il conféra on ne sait quoi de plus vibrant, de définitif et d’absolu. […] Il écrit l’Amour en visites, l’Amour absolu, Messaline, le Surmâle, mais ces publications n’excitent plus l’attention.
Or, Andromaque, c’est précisément le contraire et de Timocrate et des très nombreuses tragédies dont Timocrate est le type absolu, et, enfin, de plus de la moitié des tragédies de Pierre Corneille. […] L’« obstacle », ici, est donc absolu, en dehors de toute discussion. […] Cependant, elle les surveille, suit Bajazet en barque et, sous un déguisement, constate la trahison ; et, un messager d’Amurat apportant à ce moment l’ordre de mettre à mort Bajazet, Roxane répond que le sultan est maître absolu ; et dès le soir Bajazet est étranglé. […] Il ne me paraît point que Bajazet soit un personnage aussi pâle qu’on l’a dit quelquefois. — Il est de son pays et de sa race, lui aussi, par quelques côtés : ainsi il veut bien mentir jusqu’à un certain point, — et il a le mépris absolu de la mort.
Vous le verrez revenir ce soir accablé de fatigue & degouttant de sueur, &c. cette églogue sera aussi touchante que naturelle. » L’églogue est un récit, ou un entretien, ou un mêlange de l’un & de l’autre : dans tous les-cas elle doit être absolue dans son plan, c’est-à-dire, ne laisser rien à desirer dans son commencement, dans son milieu ni dans sa fin : regle contre laquelle peche toute églogue, dont les personnages ne savent à quel propos ils commencent, continuent, ou finissent de parler. […] Ainsi la simplicité ingénue est un caractere absolu & indépendant des circonstances ; au lieu que la naïveté est relative. […] Sur-tout comme il y a une vraissemblance absolue & une vraissemblance hypothétique ou de convention, & que toutes sortes de poëmes ne sont pas indifféremment susceptibles de l’une & de l’autre, voyez, pour les distinguer, les articles […] On a prétendu que ce genre de fiction n’avoit point de regle sûre, par la raison que l’idée du beau, soit en Morale, soit en Physique, n’étoit ni absolue ni invariable.
Alceste le lui dit avec une sincérité absolue et une clarté parfaite ; mais avec la politesse qui lui est due. […] Il convient d’examiner un peu cet ouvrage pour voir ce qu’un homme intelligent, suivant les indications de Rousseau avec intelligence et avec un scrupule absolu, a réussi à faire et quels personnages il a mis sous les yeux du public. […] Il faut reconnaître cela, pour ne pas accuser Molière d’une absolue inconscience et d’une absolue immoralité. […] Rousseau répondrait peut-être qu’il s’agit d’un mari qui n’a pas de religion du tout ; que, s’il en avait une, Julie suivrait celle-ci et ferait bien ; mais que, M. de Wolmar étant athée, et la nécessité d’avoir une religion étant tenue pour absolue dans le système de Rousseau pour être honnête homme et bon citoyen, le cas fait exception et raison est que Julie convertisse Wolmar et non pas que Wolmar convertisse Julie.
mais quatre personnes amiablement réunies dans une commission pour juger des progrès de notre littérature ne parviendront à s’entendre qu’à la condition de ne pas s’expliquer, ou de convenir d’avance d’une tolérance absolue pour leurs opinions réciproques. […] Il y en a d’autres encore, et ce travail, malgré la bonne foi absolue de mes intentions, me laissera le remords de plus d’un oubli. […] C’est un désir d’absorption au sein de la nature, d’évanouissement dans l’éternel repos, de contemplation infinie et d’immobilité absolue qui touche de bien près au nirvana indien. […] Chaque siècle est représenté par un tableau important et qui le caractérise, et ce tableau est en lui-même d’une perfection absolue.
absolu qui proscrit l’inouï ! […] Il constate que rien n’est plus, fatal que la logique absolue qui conduit au scepticisme, lequel n’est au fond qu’un avant-goût de la mort. À vouloir voir les objets de trop haut on finit par ne les plus voir du tout : à force de vouloir être impartial, on ne sait plus ni aimer ni haïr, on ne sème plus ni reconnaissance ni haine, on ne touche plus ni les cœurs ni les esprits ; ceux-ci vous mettent hors la vie et ne vous considèrent plus que comme un objet inanimé, un méridien dont l’ombre vous marque l’heure ; l’humanité ne serait-elle pas plus heureuse d’ignorer l’absolue vérité et la marche du temps ? […] Flourens, qui fut, on le sait, ministre des affaires étrangères, s’est chargé de faire la lumière sur des causes et des effets obscurcis à dessein, et c’est dans le très remarquable livre qu’il vient d’écrire sur Alexandre III, sa vie et son œuvre, qu’on trouvera la vérité absolue et sur la situation de notre pays vis-à-vis de la Russie, et sur celle de l’Allemagne vis-à-vis l’empire d’Alexandre III.
Hobbes, en logicien inexorable, la veut absolue ; la répression en sera plus forte et la paix plus stable. […] Ils montaient d’eux-mêmes au plus haut du monde idéal ; ils voulaient contempler les extrêmes générosités, l’amour absolu ; ils ne s’étonnaient point des féeries, ils entraient sans effort dans la région que la poésie transfigure ; leurs yeux avaient besoin de sa lumière. […] Au fond, ses sophismes et son impudence sont pour Dryden un moyen de décrier par contre-coup les théologiens et leur Dieu arbitraire. « Un pouvoir absolu, dit Jupiter, ne peut faire de mal.
On ne doit jamais abattre ses arbres, sinon dans les cas d’absolue nécessité et quand il est bien prouvé qu’ils ont atteint depuis longtemps le maximum de leur développement possible, et qu’ils ne peuvent plus que dépérir. […] Ce languissant est dévoré de curiosité et d’inquiétude ; c’est, avec Maupassant, celui de nos écrivains qui voyage le plus et qui s’accommode le mieux de la solitude absolue. […] Notre démocratie possède de plus anciens titres de noblesse que les monarchies absolues.
Le 5 février, il est tout à coup en danger : « Je suis rongée d’inquiétudes, accablée de fatigue, malade et au désespoir… Gardez un silence absolu sur la maladie d’Alfred à cause de sa mère qui l’apprendrait infailliblement et en mourrait de chagrin. » (À Boucoiran. […] Elles n’ont pas plus d’importance à ses yeux que l’Albertu s de Théophile Gautier : « C’étaient, dit-il, des poésies de jeunesse et de bravade pour ainsi dire où s’affirmaient toutes les outrances du premier feu et que les poètes eux-mêmes, par des œuvres ultérieures, ont remis au dernier plan23. » Ce jugement est bien sévère et bien absolu. […] Il vit dans une crainte perpétuelle de se tromper lui-même… Il aime mieux se mépriser que se mentir à lui-même… » « Cette absolue probité, cette franchise : voilà ce qui nous captive en lui et nous reprend toujours, ce qui nous le rend si cher.
Naples rentra dans la monarchie absolue pendant trois règnes.
Quelques chambres blanchies à la chaux et proprement meublées, une cour rafraîchie par une source et par un peu d’ombre, au pied de l’escalier une belle lionne en marbre blanc, des fruits et des légumes abondants, du miel de l’Hymette calomnié par M. de Chateaubriand, des domestiques grecs entendant l’italien, empressés et intelligents, tout cela doubla de prix pour nous, au milieu de la désolation et de la nudité absolue d’Athènes.
« Elle dormait de ce sommeil d’absolue confiance propre à son âge.
Il distingua, le premier, la géographie en générale et spéciale, subdivisant celle-là en partie absolue, c’est-à-dire proprement terrestre, et en partie relative ou planétaire, selon qu’on envisage la surface de la terre dans ses différentes zones, ou bien les rapports de notre planète avec le soleil et la lune.
Dante incarne tout le surnaturalisme, Shakespeare incarne toute la nature ; et comme ces deux régions, nature et surnaturalisme, qui nous apparaissent si diverses, sont dans l’absolu la même unité, Dante et Shakespeare, si dissemblables pourtant, se mêlent par les bords et adhèrent par le fond ; il y a de l’homme dans Alighieri, et du fantôme dans Shakespeare.
Mais Trissotin est l’idéal du pédant aigre, Vadius l’idéal du cuistre injurieux : le chasseur est le chasseur éternel, absolu.
24 » (Je néglige ici la synonymie absolue de turgide et de gonflée. ) — Parfois le pléonasme va jusqu’à l’incorrection choquante : « Ce qui lui manquait et lui faisait défaut, c’était une absence d’aliments à des appétits nouveaux25. » Ceci rappelle une phrase célèbre à l’École normale : « Messieurs, il y a dans votre préparation des lacunes dont il faudrait combler l’absence. » Voici des mots inventés, peut-être inutilement : «… un paresseux lazzaronisme d’âme26 » — « notes trémolantes 27 », — « obscurant le public28 », — « nuits insomnieuses 29 », — « arrivée à une entière déréliction30. » A quoi bon ces mots nouveaux ?
Elle implique que ces faits sont tous réduits à un seul, qu’on appelle la représentation, vorstellung, et c’est, pour cela même qu’ils sont tous frappés d’inefficacité absolue.
L’hypocrisie absolue est un idéal : elle n’est jamais complète chez l’homme ; réalisée jusqu’au bout, elle serait la contradiction même de la volonté avec soi.
Le dénouement est brutal, je ne dis pas non, et le coup de pistolet est terrible ; mais il n’y a pas encore là d’impossibilité absolue.