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1164. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Saint-Simon considéré comme historien de Louis XIV, par M. A. Chéruel »

Si, dans cette circonstance, Saint-Simon eut des ridicules aux yeux des autres ; si, quand il prit la parole pour protester au nom des ducs, on n’entendit qu’une petite voix dont quelques-uns dans l’assistance se moquèrent ; s’il y eut du plaisant pour quelques spectateurs dans l’incident, il est certain que, plein de son objet et de sa passion, il ne s’en apercevait pas lui-même : mais, en revanche, si vous lui passez ce travers, ce tic nobiliaire (pour l’appeler par son nom), que ne distinguait-il pas sur tous ces bancs autour de lui, dans les plis de ces fronts et de ces visages, dans cette multitude de masques où la nature lui avait accordé de lire !

1165. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « La comédie de J. de La Bruyère : par M. Édouard Fournier. »

Il avait non-seulement l’air de Vulteius, mais celui de Vespasien (faciem nitentis), et toutes les fois qu’on le voyait, on était tenté de lui dire : Utere lactucis et mollibus… « C’était, un bonhomme dans le fond, mais que la crainte de paraître pédant avait jeté dans un autre ridicule opposé, qu’on ne saurait définir ; en sorte que pendant tout le temps qu’il a passé chez M. le Duc, où il est mort, on s’y est toujours moqué de lui. » Pour bien entendre ce jugement de Valincour, il faut d’abord relire l’Épître d’Horace (la septième du livre I) où il est question de ce Vulteius, lequel, ayant changé d’état, change aussi d’humeur, devient inquiet, rêveur et a l’air dépaysé.

1166. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. »

Mais Moncrif comprit que son maître allait se fourvoyer ; qu’il se ruinerait en frais de représentation et débuterait dans la carrière des armes par un ridicule, abbé tout ensemble et généralissime pour son coup d’essai.

1167. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « THÉOPHILE GAUTIER (Les Grotesques.) » pp. 119-143

Colletet et Chapelain peuvent être qualifiés ridicules, mais ils ne sont pas grotesques pour cela.

1168. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « UN FACTUM contre ANDRÉ CHÉNIER. » pp. 301-324

remy ne trouve Chénier ridicule.

1169. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre IV. L’Histoire »

A force de vibrante et candide sincérité, il est un des rares laïcs à qui il ait été donné de catéchiser sans ridicule.

1170. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Henry Rabusson »

Le sentiment du ridicule est un excellent contrepoids à la passion, l’empêche d’envahir le cœur tout entier.

1171. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « M. Émile Zola, l’Œuvre. »

Mais c’est que pour ce brave Sandoz, la psychologie est je ne sais quoi d’absurde, de suranné, de ridicule, de gothique, de tout à fait en dehors du monde réel.

1172. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre XI. L’antinomie sociologique » pp. 223-252

Far exemple, combien de suicides sont causés par la honte, par la crainte de l’opinion, par le respect des préjugés (suicides des filles-mères, des maris trompés), par le sentiment d’intolérabilité que le groupe, surtout les groupes étroits et fortement intégrés, crée autour de l’individu sur lequel pèse une réprobation ou un ridicule ; par l’effort sournois ou violent du groupe pour éliminer l’individu qu’il a pris en grippe.

1173. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Pensées, essais, maximes, et correspondance de M. Joubert. (2 vol.) » pp. 159-178

Si, sur toutes sortes de sujets, nous voulions écrire aujourd’hui comme on écrivait du temps de Louis XIV, nous n’aurions point de vérité dans le style, car nous n’avons plus les mêmes humeurs, les mêmes opinions, les mêmes mœurs… Une femme qui voudrait écrire comme Mme de Sévigné serait ridicule, parce qu’elle n’est pas Mme de Sévigné.

1174. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le père Lacordaire orateur. » pp. 221-240

Vous en faites un Balzac ridicule ; Érasme n’était qu’un Voltaire modéré, un Fontenelle au goût littéraire plus sain, le précurseur de Rabelais sans ivresse, un sage qui, venu trop tôt et placé entre des partis extrêmes dont il ne pouvait épouser aucun, demandait la permission de rester neutre.

1175. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Discours sur l’histoire de la révolution d’Angleterre, par M. Guizot (1850) » pp. 311-331

Le côté ridicule et ironique des choses, le côté sceptique dont d’autres historiens ont abusé, n’a chez lui aucune place.

1176. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Les Confessions de J.-J. Rousseau. (Bibliothèque Charpentier.) » pp. 78-97

Un homme de la race aristocratique, mais élève de Rousseau, et qui n’avait pas beaucoup plus que lui le sentiment et la crainte du ridicule, M. de Chateaubriand, a repris dans René et dans ses Mémoires cette manière plus ou moins directe d’aveux et de confessions, et il en a tiré des effets magiques et surprenants.

1177. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Madame Sophie Gay. » pp. 64-83

Quand Alfred se décide à rester au château, il ne réussit pas toujours mieux qu’en s’éloignant : Son esprit si vif, si gai dans le grand monde, où l’ironie a tant de succès, était d’un faible secours dans une société intime où l’on n’a point envie de se tourner mutuellement en ridicule.

1178. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Paul-Louis Courier. — I. » pp. 322-340

On peut dire qu’il n’avait embrassé ni senti à aucun instant l’esprit et le génie de cette grande époque ; le côté héroïque comme le côté social lui avait échappé ; il n’y avait vu partout que les excès et les désordres, les bassesses ou les ridicules.

1179. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1873 » pp. 74-101

Là, se mettait à courir un danseur comique, dont chacune des poses devenait derrière lui, un arbre gardant le dessin ridicule et contorsionné du danseur.

1180. (1889) Émile Augier (dossier nécrologique du Gaulois) pp. 1-2

Elle goûtait fort, au début, ces divertissements scéniques où l’auteur, avec des petits airs indépendants, la flattait jusque dans ses ridicules et lui rendait, par ses complaisances, la pratique de la vertu si facile.

1181. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre V. Séductions pour la compréhension de la psychologie indigène. — Conclusion »

Le noir les prend gauloisement et considère que la jalousie est une maladie quelque peu ridicule puisqu’elle s’obstine à empêcher l’inévitable.

1182. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Xavier Aubryet » pp. 117-145

Xavier Aubryet, qui n’a peur du ridicule ni de rien dans son amour des êtres purs, et qui en fait même une si jolie impertinence pour les autres, leur devait encore, à Mesdames ou Mesdemoiselles les autres, cette dernière impertinence-là !

1183. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Charles Baudelaire  »

Il appartient à une époque troublée, sceptique, railleuse, nerveuse, qui se tortille dans les ridicules espérances des transformations et des métempsycoses il n’a pas la foi du grand poète catholique, qui lui donnait le calme auguste de la sécurité dans toutes les douleurs de la vie.

1184. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « Brizeux. Œuvres Complètes »

Cette intéressante uniformité, qui tend à s’emparer de l’univers pour lui donner de tous les côtés le même visage, paraît à son imagination un malheur d’ennui et de platitude incomparable, et lui, lui qui appartient encore à un peuple à physionomie, il efface la sienne avec le scrupule de ces vaillants qui croient que tout ce qui est expressif ou pittoresque touche au ridicule.

1185. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXVI. Des oraisons funèbres et des éloges dans les premiers temps de la littérature française, depuis François Ier jusqu’à la fin du règne de Henri IV. »

Ainsi, un acteur célèbre (Baron), qui prétendait que l’émotion est en nous un sentiment involontaire, et presque indépendant de l’esprit, en mettant sur des paroles gaies, ou même ridicules, un accent pathétique, attendrissait peu à peu, et parvenait à faire couler les larmes.

1186. (1915) Les idées et les hommes. Deuxième série pp. -341

Si les plus vifs d’entre nous étaient assez ardents à des parties de balles, nous étions plus nombreux et — le ridicule de ce mot ne me gêne pas beaucoup — plus choisis, à préférer l’ambulante causerie, par groupes lents, autour de ce préau de prison. […] Mieux informés, sans doute auraient-ils moins de gaillardise ; mais ils s’épargneraient le ridicule d’une imposture trop naïve. […] Si nous lui semblons un peu incertains, distraits et mois, il a recours au stratagème ancien, nous présente un ilote ivre et nous rend les mauvaises façons bien ridicules et haïssables. […] Ce Don Juan, c’est l’une des inventions les plus ridicules et brillantes du romantisme. […] Anthime est dérisoire ; et les ridicules d’un tel savant déconsidèrent l’idole scientifique.

1187. (1929) La société des grands esprits

On peut dire qu’il s’est enseveli dans son triomphe, que le scepticisme intégral serait désormais ridicule, que la science positive s’est prouvée elle-même en se constituant comme on prouve le mouvement en marchant. […] Par la suite il fit preuve de bravoure, et il serait ridicule de discuter ses talents militaires, reconnus par Napoléon (qui ne lui a pourtant pas ménagé les critiques). […] La vérité est que cette victoire de Frédéric désola Voltaire, dont c’est précisément le chagrin qui s’exhale en sarcasmes contre l’impéritie de Soubise et la ridicule débandade qui en résulta. […] L’idée d’une « philosophie française », fabriquée en vase clos et réservée à notre usage exclusif, paraît souverainement ridicule à M.  […] Rien de plus ridicule qu’une certaine prétention très répandue aujourd’hui à écrire d’inspiration, et à tout savoir sans avoir rien appris.

1188. (1893) Impressions de théâtre. Septième série

Et alors, au groupe de Vénus, de l’Amour et des Immortels penchés, le chevalier oppose le groupe de Bethléem, la Vierge, Jésus, Joseph, le bœuf et les rois nègres dans l’étable ; et il nous peint cela en traits « badins », car, de très bonne foi, l’innocent trouve ce tableau ridicule. […] Cela sent à la fois le jeune clerc qui veut paraître détaché à l’égard des ridicules des personnes d’Eglise, et le régent de rhétorique qui affecte la légèreté, crainte de paraître pédant. […] Ces trois enragés eussent paru, aux philosophes exsangues de ce pays des Limbes, prodigieusement ridicules et prodigieusement insupportables. […] Pour être plus sûre de ne pas faillir, elle promet brusquement sa main au ridicule professeur Montcrampin, un de ses examinateurs. […] Ces propos sont trop ridicules pour que je puisse croire qu’ils aient été réellement tenus.

1189. (1858) Du roman et du théâtre contemporains et de leur influence sur les mœurs (2e éd.)

J’espère aussi qu’on ne me prêtera pas la ridicule pensée d’attribuer tous les maux de notre temps aux mauvais romans et aux mauvais drames. […] C’est là le caractère constant sous lequel il se montre dans notre ancienne littérature, soit qu’avec Panurge ou Gil Blas il passe en revue les vices ou les ridicules du monde ; soit qu’avec l’Astrée, la Clélie, ou la Princesse de Clèves, il s’applique à peindre un idéal amoureux ou chevaleresque, et fasse de ses héros les types raffinés des sentiments et des mœurs du temps. […] Sans doute on ne peut demander à une littérature, légère de sa nature, une profession de foi explicite ; sans doute il serait ridicule de chercher dans des romans et des drames un système de théodicée. […] « Dis-moi de quoi tu ris, a dit un philosophe, et je te dirai ce que tu es. » En France surtout, où le caractère national n’est que trop enclin à abuser de la raillerie, rendre ridicule la vertu ou plaisante l’infamie, c’est caresser un fâcheux travers et flatter un défaut dangereux.

1190. (1782) Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur la vie et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe (1778-1782) « Essai, sur les règnes, de Claude et de Néron. Livre premier. » pp. 15-203

Qui est-ce qui oserait aujourd’hui braver le ridicule et le mépris ? […] Ce ridicule stratagème est employé par Messaline et Narcisse contre Appius Silanus (Id. […] Nous sommes peut-être deux fanatiques ; mais le plus ridicule, si je ne me trompe, est celui qui se moque de son semblable. […] L’histoire des poissons225 de Tibère n’a rien de plus ridicule, ni peut-être de plus vrai. […] Ses imitateurs ne s’élèveront jamais à la hauteur de ses beautés originales ; et il serait à craindre que les jeunes gens, captivés par les défauts séduisants de ce modèle, n’en devinssent que d’insipides et ridicules copistes.

1191. (1907) Le romantisme français. Essai sur la révolution dans les sentiments et dans les idées au XIXe siècle

En lisant cet énoncé ridicule qu’il allait rendre immortel, Rousseau pleura. […] Parce qu’il y a des éducateurs formalistes, bornés et pédants, parce qu’il y a des petits messieurs chez qui le bon ton a semé des ridicules, Jean-Jacques nie l’éducation. […] L’aspiration insensée de son adolescence sera le regret de son âge mûr, et, dans sa vieillesse, où le besoin le mit au métier proprement dit d’homme de lettres et de journaliste, un ridicule émouvant qui s’ajoutait à celui de grand esprit resté dans le nuage, et que sa modeste dignité rendait vénérable. […] Empêché d’aimer, nous pas comme Jean-Jacques, par de ridicules difficultés physiologiques, mais par la langueur de ses énergies morales, en rougissant d’autant plus qu’auprès de lui la passion était présentée comme un devoir, une vocation supérieure, il se jeta dans la recherche à outrance de la passion. […] L’aventure, qui pourrait être ridicule, est pathétique parce que les âmes sont assez nobles et se disputent à leurs passions.

1192. (1890) Les romanciers d’aujourd’hui pp. -357

., etc. » — La phrase est de Thackeray singeant chez les snobs d’outre-Manche un charlatanisme analogue : mais, pour le ridicule et le creux, pour la manie de fixer sur des riens notre attention surprise et déroutée, elle pourrait être tout aussi bien de M. de Isle-Adam. […] Et, par le reste, entendez les mœurs, la suprématie des nobles, la religion, tout, jusqu’aux ridicules, qui chez nous « ont moins de gaieté etde variété par eux-mêmes que ceux de nos pères160 ». […] Il serait aussi ridicule de prendre M. Ohnet pour un grand écrivain qu’il est ridicule, je pense, de lui dénier toute espèce de talent. […] Ils répudient, avec une véhémence un peu ridicule, l’idéalisme de George Sand et la fantaisie de Dumas père.

1193. (1929) Critique et conférences (Œuvres posthumes III)

Il en vint, tant l’habitude de s’appesantir (ce qui n’est autre au fond que de s’appuyer) sur les choses, est pour l’esprit un don providentiel, il en vint, à force d’obstinées réflexions et de souffrance bien acceptée, à tirer de ce minime supplice, comme les forts savent le faire de tous les supplices, toute une philosophie qu’il serait ridicule de résumer en ce court essai, mais dont voici du moins les lignes essentielles : Tu ressembles, dis-tu, à cette pendule ; tu lui ressembles trop ou plutôt pas assez. […] M. de Montesquiou l’a d’ailleurs fortement et finement démontré, faisant allusion aux modes ridicules d’alors et à des cœurs sublimes de toujours, buissons où peut chanter quelque pauvre oiselet, mais buisson ardent aussi ! […] Et il rend à merveille le peu de ridicules dont s’originalise encore le Londres si différent de celui d’il y a seulement vingt ans, que j’ai connu et aimé aussi. […] Aussi bien, je trouve ridicule, tant de la part d’un homme de robe que de celle d’un homme de plume, d’accoler à un meurtre, en vue d’un verdict juridique ou psychologique — encore ce mot ! […] Auguste, roman brillant et superficiel, un peu bien ridicule peut-être, même dans sa pitié digne d’ailleurs de cet écrivain qui n’eut guère, en somme, que de l’esprit, sauf quelques aberrations accessoires de Vautrin, les magnifiques et terriblement troublants sonnets de Shakespeare et de très rares choses de Goethe, nous ne croyons pas que nulle littérature moderne se soit occupée d’une façon un peu spéciale du sujet que M. 

1194. (1888) Poètes et romanciers

Dans cet ordre de sentiments où l’exagération est si facile, et dont le ridicule serait si voisin, le poète réussit à garder presque toujours la mesure, et peu à peu le lecteur se sent comme gagné lui-même à la contagion de ces sentiments étranges, transmis par de nobles vers. […] Personne moins que le fils ne devait avoir ce goût des émotions dangereuses, cette passion du complot, cette manie d’importance à tout prix qui rendirent le père si malheureux de cette sorte de malheur le plus triste de tous, le malheur ridicule. […] Sa critique souriante n’épargne pas plus les ridicules littéraires que les travers politiques ou les utopies. […] Très légère critique, sans doute, mais non sans justesse à propos de ce dernier roman dont le narrateur et le héros se confondent en un seul et même personnage, tout à fait infaillible dans la conduite de ses plus secrets sentiments, tout à fait charmant, type un peu trop accompli pour raconter sans quelque léger ridicule sa biographie intime. […] Qu’y a-t-il, en tout cela, de mesquin ou de ridicule ?

1195. (1886) Le roman russe pp. -351

On lui a enseigné que sa raison était un instrument infaillible, et qu’il ne devait la courber sous aucune discipline ; or, il s’aperçoit qu’elle trébuche à chaque pas ; et, de colère, il en démasque le ridicule. […] La farce y est parfois un peu grosse, et dans le sac ridicule où le Scapin cosaque s’enveloppe, moi non plus je ne reconnais pas le grand satirique des Âmes mortes. […] » Enfin le sentiment du ridicule serait mieux nommé chez le Russe le sentiment du drôle ; il est purement national ; je veux dire qu’il s’exerce sur la tournure extérieure et sur des travers locaux, plus que sur la tournure de l’esprit ; ce n’est pas le ridicule humain de Molière. […] C’était un petit homme, trop long de buste, marchant de travers, gauche et mal mis, assez ridicule avec sa mèche de cheveux battant sur le front et son grand nez proéminent. […] Les représentants des hautes classes, du monde officiel, sont traités plus durement encore que dans Fumée : ils ont toutes les suffisances, tous les ridicules et pas un mérite ; de ce parti pris résultent des caricatures, un manque d’équilibre et un faux jour dans l’ensemble de l’œuvre.

1196. (1892) Un Hollandais à Paris en 1891 pp. -305

Ses paroles n’étaient pas exemples d’une certaine vanité ; et pourtant le poète n’était pas ridicule. […] C’était parfaitement ridicule, et cela a été un parfait succès. […] la dure besogne, vraiment, pour un dandy, de tenir sans se rendre ridicule la gageure du sort, acceptée dans un moment d’ivresse ! […] Une position n’est jamais ridicule. […] J’avais d’abord l’intention de rendre ridicule M. 

1197. (1894) La vie et les livres. Première série pp. -348

Nous a-t-il assez regardés, montrés dans tous les ridicules postures et dans toutes les basses fonctions auxquelles nous sommes condamnés ! […] Quelques vieux compagnons de Médan renièrent leur maître et se rendirent ridicules par des accès d’idéalisme forcené. […] Il ne sait pas reconnaître ceux qui ont gardé une déférence chevaleresque pour sa majesté ridicule et bafouée. […] Les sorciers, les mages, les « occultistes », tous les « sârs » de ce temps-là, s’efforçaient, comme chez nous, d’échapper au ridicule à force de piquer la curiosité. […] Il n’est pas nécessaire d’être un moraliste morose ni un psychologue bien délié pour découvrir, dans les brasseries du « quartier », le bavardage découragé, le raisonnement vieillot des gens qui se disent « positifs », le respect superstitieux de l’opinion publique représentée par le reportage, la régularité ponctuelle de l’apéritif et du whist, les qualités qui préparent aux ronds de cuir et aux palmes académiques, en un mot, tous les ridicules bourgeois.

1198. (1926) La poésie de Stéphane Mallarmé. Étude littéraire

C’est l’idée aussi que conçoivent à peu près de lui ceux qui le tournent en ridicule. […] du précieux ridicule. […] Le ridicule s’évanouit si celui qui parle n’est pas dupe et si l’esprit de la comédie lyrique est présent. […] S’il l’applique, non seulement les juges au Châtelet le condamneront, mais aussi Boileau, qui renverra Molière au sac ridicule de Scapin. […] Je pense à mon grand Cygne avec ses gestes fous, Comme les exilés ridicule et sublime Et rongé d’un désir sans trêve !

1199. (1899) Les industriels du roman populaire, suivi de : L’état actuel du roman populaire (enquête) [articles de la Revue des Revues] pp. 1-403

Comment X… ne s’apercevait-il point qu’il se tournait quotidiennement en ridicule et de la façon la plus sensible ? […] Je veux dire que Bouchor et ses collaborateurs pourraient, à chacune de leurs séances mensuelles, lire un court fragment de n’importe quel feuilleton populaire en cours de publication, et le couvrir de ridicule et d’opprobre en lisant ensuite, par contraste, les pages des maîtres dont ils ont entrepris la diffusion dans le peuple.

1200. (1856) Jonathan Swift, sa vie et ses œuvres pp. 5-62

Qu’importait aux yeux des hommes religieux de l’Église établie que Martin fût un peu moins ridicule que Pierre et que Jacques, lorsque les croyances communes de Pierre, de Jacques et de Martin étaient avilies sous les plus indignes images, lorsque leurs débats, où leur dignité commune était engagée, devenaient une comédie grossière, lorsqu’enfin le surnaturel, ce fond commun et indispensable de toutes les sectes religieuses, n’apparaissait plus dans leur histoire que sous la forme des inventions indescriptibles de Pierre et des repoussantes aberrations de Jacques. […] Laputa est le théâtre décourageant et ridicule de nos sciences, de nos inventions, de nos efforts pour rendre le séjour de la terre plus supportable, et abaisse les plus nobles occupations de l’esprit humain.

1201. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 juin 1886. »

Une littérature wagnérienne, alliant les doctrines d’apparence contraires, les ramenant à l’unité du principe esthétique wagnérien, serait-ce vraiment ridicule ? […] Le sujet, l’attribut, nous avons mis ces choses aux mêmes cas : nous avons adopté une syntaxe ridicule, où s’étale, innombrable et monstrueuse, l’exception.

1202. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIe Entretien. Le 16 juillet 1857, ou œuvres et caractère de Béranger » pp. 161-252

Ces trois génies, le génie fin et classique du sous-entendu et du ridicule, le génie patriotique et martial du corps de garde, le génie élégiaque et pastoral de la chaumière, étaient difficiles à rencontrer dans un même homme. […] Avec une affectation inverse des ridicules affectations de fausses noblesses, il répudie l’origine plus illustre que la particule DE, jointe dans ses premières œuvres à son nom de Béranger, donnait à sa naissance.

1203. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIVe entretien. Épopée. Homère. — L’Odyssée » pp. 445-524

Qu’ils assistent aux drames plus ou moins déclamatoires des grands ou petits poètes de la scène ; qu’ils applaudissent aux féroces ambitions des héros de cour ou de rue dans les cours et dans les cités ; qu’ils savourent bien la connaissance du cœur humain étalé devant eux, en horreur, en admiration ou en ridicule, par les Eschyle, les Corneille, les Racine, les Shakespeare, les Aristophane, les Térence ou les Molière, ces sublimes choristes des hommes rassemblés, c’est là leur lot à eux ; mais quant à Homère, et surtout à l’Homère de l’Odyssée, qu’ils y renoncent ! […] Parce que la bonne et savante madame Dacier adorait Homère, son modèle, plus qu’aucun autre traducteur ne l’a jamais adoré ; parce que l’amour est une révélation ; parce qu’enfin, sans s’inquiéter jamais de sa propre gloire d’écrivain, cette femme, forte de l’érudition antique, ne s’appliquait qu’à faire sentir, non littéralement, mais par analogies et par périphrases quelquefois ridicules, mais toujours sincères, la pensée ou le sentiment de son poète ; miroir souvent terni, mais miroir vivant, qui défigure parfois l’image, mais qui rend ce qu’il y a de plus intraduisible dans l’image : la ressemblance et la vie !

1204. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Granier de Cassagnac » pp. 277-345

Jamais on n’a mieux arraché aux révolutions leur chemise sanglante et dévoilé avec une clarté plus implacable leur hideuse et ridicule anatomie. […] Incorrigiblement dangereuses si elles restaient dans leur fascinante abstraction, elles cessent de l’être dès qu’elles sont incarnées dans des hommes qui leur font partager l’horreur ou le ridicule de leur renommée.

1205. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Paul Féval » pp. 107-174

Il connaît la vie et la vie moderne, lui qui souvent, dans ses romans, nous en a exprimé les passions, les ridicules et les vices. […] Nous, nous préférons cette histoire sacrée et savante, brillante de renseignements profonds, clairs, épuisés, et après lesquels il n’y en a plus (l’auteur a tout lu, dit-il fièrement) ; nous préférons cette histoire, brûlante de foi chrétienne, qui brave le martyre du ridicule infligé par les sots en attendant l’autre martyre qui viendra peut-être en ces délicieux jours, à tous les romans du romancier célèbre, dont quelques-uns pourtant sont d’un maître.

1206. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Malherbe et son école. Mémoire sur la vie de Malherbe et sur ses œuvres par M. de Gournay, de l’Académie de Caen (1852.) » pp. 67-87

On voit que Maynard prêterait un peu au ridicule et qu’il offrirait au besoin un type de l’écrivain atteint du mal de province et qui a la peur d’être devenu suranné avant l’âge.

1207. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gibbon. — II. (Fin.) » pp. 452-472

Hume, il ne tombe pas dans les mêmes ridicules.

1208. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Histoire de la maison royale de Saint-Cyr, par M. Théophile Lavallée. » pp. 473-494

Un autre esprit, bien meilleur et plus sûr, Mme de Glapion, était elle-même légèrement atteinte : « Je me suis bien aperçue, lui écrivait Mme de Maintenon, du dégoût que vous avez pour vos confesseurs : vous les trouvez grossiers ; vous voudriez plus de brillant et plus de délicatesse ; vous voudriez aller au ciel par un chemin semé de fleurs. » Mme de Glapion trouvait le catéchisme un peu terre à terre, un peu court sur de certains points ; il lui semblait ridicule « que le maître fît des demandes dignes d’un écolier, et que l’écolier fît des réponses d’un maître ».

1209. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Madame Dacier. — I. » pp. 473-493

» Le comte de Maistre, dans une des charmantes lettres à sa fille, Mlle Constance de Maistre, a badiné agréablement sur cette question, et il y a mêlé des vues pleines de force et de vérité : « L’erreur de certaines femmes est d’imaginer que pour être distinguées, elles doivent l’être à la manière des hommes… On ne connaît presque pas de femmes savantes qui n’aient été malheureuses ou ridicules par la science. » Au siècle dernier, un jésuite des plus éclairés et des plus spirituels, le père Buffier, qui était de la société de Mme de Lambert, dans une dissertation légèrement paradoxale, s’est plu à soutenir et à prouver que « les femmes sont capables des sciences » ; et après s’être joué dans les diverses branches de la question, après avoir montré qu’il y a eu des femmes politiques comme Zénobie ou la reine Élisabeth, des femmes philosophes comme l’Aspasie de Périclès et tant d’autres, des femmes géomètres et astronomes comme Hypatie ou telle marquise moderne, des femmes docteurs comme la fameuse Cornara de l’école de Padoue, et après s’être un peu moqué de celles qui chez nous, à son exemple, « auraient toutes les envies imaginables d’être docteurs de Sorbonne », — le père Buffier, s’étant ainsi donné carrière et en ayant fini du piquant, arrive à une conclusion mixte et qui n’est plus que raisonnable : À l’égard des autres, dit-il, qui ont des devoirs à remplir, si elles ont du temps de reste, il leur sera toujours beaucoup plus utile de l’employer à se mettre dans l’esprit quelques connaissances honnêtes, pourvu qu’elles n’en tirent point de sotte vanité, que de l’occuper au jeu et à d’autres amusements aussi frivoles et aussi dangereux, tels que ceux qui partagent la vie de la plupart des femmes du monde.

1210. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — I » pp. 432-453

 » Ses lettres, qui sont courtes, ne nous donnent que la note de son esprit et de sa conversation : celle-ci devrait être nourrie et piquante : Les nouveaux systèmes, disait M. de Meilhan dans le portrait d’Arsène, les engouements publics ne fixent son attention que par le ridicule qu’ils lui présentent.

1211. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « I » pp. 1-20

Le succès même a toujours quelque chose d’avilissant par le soin qu’on a d’encourager je ne sais quels bateleurs d’Italie à tourner le sérieux en ridicule et à gâter le goût dans le comique (allusion aux parodies qu’on faisait de ses pièces)… J’ai toujours été indigné pour vous et pour moi, que des travaux si difficiles et si utiles fussent payés de tant d’ingratitude ; mais à présent mon indignation est changée en découragement.

1212. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — IV » pp. 103-122

« Il ne m’appartient pas de raisonner sur la guerre, et je n’ai garde de tomber dans ce ridicule », dit quelque part, et à propos de Villars même, Fénelon.

1213. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — II — Vauvenargues et le marquis de Mirabeau » pp. 17-37

Pour ne pas faire tort à ce caractère original et ne pas se prendre exclusivement à quelques contradictions et quelques ridicules, il importe de bien se rappeler ce que fut le marquis de Mirabeau dans l’ensemble de sa carrière.

1214. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers (suite.) »

Si l’on examine de près et que l’on récapitule les circonstances de l’épisode que nous venons de toucher, on trouvera que les deux personnes de Paris qui jugèrent le plus sainement alors de cette déplorable et ridicule querelle, sont Turgot, dont la lettre à Hume est connue, et Mme de Boufflers.

1215. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers (suite et fin.) »

L’année dernière, elle passa trois mois à Auteuil dans une très-jolie maison qui lui appartient ; Mme de Luxembourg s’y était établie avec elle et partageait la dépense d’un fort bon état qu’elle y tenait ; je ne sais si cette année elle fera de même, je le voudrais ; j’y allais passer la soirée pour le moins une fois la semaine ; elle est fort aimable chez elle, et beaucoup plus que partout ailleurs ; ses ridicules ne sont point contraires à la société ; sa vanité, quoique extrême, est tolérante, elle ne choque pas celle des autres ; enfin, à tout prendre, elle est aimable.

1216. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Mémoires de l’abbé Legendre, chanoine de Notre-Dame secrétaire de M. de Harlay, archevêque de Paris. (suite et fin). »

Un homme qui connaissait bien les hommes, le cardinal de Forbin-Janson, avait tiré son horoscope : « M. de Noailles, avait-il dit, sera un jour chef de parti, mais ce sera sans le vouloir ni le savoir. » Encore une fois, au point de vue politique et ecclésiastique extérieur, et comme archevêque dirigeant tout un Ordre auguste et vénérable, M. de Harlay n’avait qu’un défaut, celui qui fit tort au sage roi Salomon ; et La Bruyère, ce grand et excellent juge, l’a dit avec bien de la modération et de la finesse ; car c’est très probablement à l’archevêque de Paris qu’il pensait lorsqu’il a tracé ce Caractère : « Il coûte moins à certains hommes de s’enrichir de mille vertus que de se corriger d’un seul défaut ; ils sont même si malheureux que ce vice est souvent celui qui convenait le moins à leur état et qui pouvait leur donner dans le monde plus de ridicule : il affaiblit l’éclat de leurs grandes qualités, empêche qu’ils ne soient des hommes parfaits et que leur réputation ne soit entière.

1217. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Réminiscences, par M. Coulmann. Ancien Maître des requêtes, ancien Député. »

Il a quelques bons portraits, notamment celui de M. de Salvandy, son ami particulier, dont il retrace avec vérité la physionomie animée, ardente, et les belles qualités au service desquelles étaient, pour ainsi dire, attelés de légers ridicules qui avançaient leur homme plutôt qu’ils ne le retardaient.

1218. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

Entre Beugnot et Chateaubriand, ces deux témoins de son désappointement, l’un si spirituel, l’autre si amer et si ennemi, Talleyrand observé, démasqué, percé au vif à ce moment, passe devant la postérité un mauvais quart d’heure, et, ce qui lui eût été le plus pénible, il y paraît même un peu ridicule.

1219. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

de Sophie Arnould, un auteur manqué qui n’avait jamais eu que des moitiés ou des quarts de succès, un candidat-lauréat perpétuel à l’Académie, mais qui, à travers ses ridicules, n’était point dépourvu de connaissances, ni d’esprit, ni même d’un certain goût, s’était pris d’affection pour la jeune actrice, et il tenait à lui donner des conseils.

1220. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — Note »

Cela est peut-être ridicule à vous dire, mais quand on se sent dans le vrai, on ne recule pas devant la crainte des fausses interprétations.

1221. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre V. Transition vers la littérature classique — Chapitre I. La littérature sous Henri IV »

Ses chefs-d’œuvre sont les Satires d’où l’abstraction et le raisonnement sont éliminés, et qui sont purement et simplement des images de la vie, qui en décomposent et fixent le mouvement : c’est cette pièce du Fâcheux, où il a surpassé Horace par la richesse de l’observation morale ; c’est cc Repas ridicule, dont Boileau n’a pu, tant s’en faut, égaler la chaude couleur et la verve comique ; c’est cette Macette, l’hypocrite vieille, que Tartufe ne fait point pâlir.

1222. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre IV »

Mamignon, millionnaire de son métier, qui s’avise d’adresser à madame Hubert une déclaration ridicule.

1223. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XII »

Il se moque de l’amour, comme d’une maladie ridicule.

1224. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de lord Chesterfield à son fils. Édition revue par M. Amédée Renée. (1842.) » pp. 226-246

Chesterfield craignait le ridicule, c’était un faible, et il garda le silence plus qu’il n’aurait voulu en certaines occasions, de peur de prêter à la parodie de son collègue et contradicteur.

1225. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Procès de Jeanne d’arc, publiés pour la première fois par M. J. Quicherat. (6 vol. in-8º.) » pp. 399-420

La Pucelle de Chapelain avait rendu l’héroïne presque ridicule ; ce poème, selon la remarque de M. 

1226. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Les Mémoires de Saint-Simon. » pp. 270-292

Marié à la fille du maréchal de Lorges, vivant vertueusement et à la fois dans le plus grand monde, il se montrait, en toute occasion, très jaloux de soutenir les prérogatives attachées au rang de duc et pair ; il s’engagea, à ce propos, dans plusieurs procès et contestations qu’il soutint avec chaleur, et qui lui donnaient, de son temps même, une légère teinte de manie et de ridicule.

1227. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Fontenelle, par M. Flourens. (1 vol. in-18. — 1847.) » pp. 314-335

Ce portrait de Fontenelle par La Bruyère est pour nous une grande leçon : il nous montre comment un peintre habile, un critique pénétrant, peut se tromper en disant vrai, mais en ne disant pas tout, et en ne devinant pas assez que, dans cette bizarre et complexe organisation humaine, un défaut, un travers et un ridicule des plus caractérisés n’est jamais incompatible avec une qualité supérieure.

1228. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Saint-Évremond et Ninon. » pp. 170-191

Elle avait le sentiment vif du ridicule, et elle saisissait les gens d’un trait et d’une seule image.

1229. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, recueillis et mis en ordre par M. A. Sayous. (2 vol. in-8º, Amyot et Cherbuliez, 1851.) — I. » pp. 471-493

Parlant de l’Histoire philosophique de l’abbé Raynal, il en relève, dans ses Annales (15 juin 1781), toutes les déclamations ridicules ou dangereuses : Quelles que soient leurs opinions, demandait-il, que les philosophes regardent les mœurs de notre siècle, et qu’ils nous disent si le moment est arrivé de diminuer les motifs d’être vertueux… Quels remords n’aurait pas M. 

1230. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Paul-Louis Courier. — II. (Suite et fin.) » pp. 341-361

Avant de se constituer prisonnier et aussitôt après son jugement, Courier n’avait pas manqué d’écrire l’histoire de son procès, en y joignant le discours qu’il aurait voulu prononcer pour sa défense ; il appelait cela son Jean de Broé, du nom de l’avocat général qu’il y tournait en ridicule : « Ma brochure a un succès fou, écrivait-il à sa femme ; tu ne peux pas imaginer cela ; c’est de l’admiration, de l’enthousiasme.

1231. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Montesquieu. — I. » pp. 41-62

Rica est l’homme moqueur, Parisien dès le premier jour et peignant avec badinage les travers et les ridicules des originaux qui passent sous ses yeux et desquels il s’accommode : Usbek, plus sérieux, résiste et raisonne ; il aborde les questions, il les pose et les discute dans les lettres qu’il adresse aux théologiens de son pays.

1232. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Grimm. — I. » pp. 287-307

De là sa passion pour elle, qui n’a rien de plus étonnant que celle que nous avons vue à certains dilettanti de nos jours pour les Sontag et les Malibran, et cette passion fait honneur à Grimm, au lieu de le rendre ridicule, comme on s’est amusé à nous le présenter.

1233. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « M. Necker. — II. (Fin.) » pp. 350-370

Necker intervient dans la guerre ouverte entre les incrédules et les intolérants de tout genre dont il était environné, comme un médiateur honnête, sensé, sincère, éloquent même à la longue, si l’on consent à l’écouter ; il dira de toutes les manières à ceux qu’il s’efforce de ramener : Un homme sage ne se permet jamais de semer la tristesse et le découragement, pour la ridicule vanité de se montrer un peu élevé au-dessus des opinions communes, ou pour le plaisir de faire des distinctions plus ou moins ingénieuses sur quelques parties de la religion établie.

1234. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Émile Zola » pp. 70-104

Ce que nous y aimons, c’est cette Christine si bonne, si douce, sensée, aimante, d’une si belle noblesse d’âme et toute simple ; c’est même cette brute de Lantier, qui, s’il ne mettait une grossièreté de manœuvre à clamer des théories ridicules, serait en somme un être bon, simple et fort, qui eût pu être un brave homme faisant des heureux autour de lui, s’il n’était allé se perdre dans une carrière où il est, malgré son intransigeance, un médiocre et un raté ; c’est Sandoz, d’une si belle fermeté, têtu, paisible et solide, ayant une idée en tête et la réalisant patiemment sans se tourner aux clameurs sur ses talons.

1235. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre I. »

Le plus souvent ils donnent la cause originelle des particularités physiques de certains animaux : les zébrures horizontales du pelage de l’hyène (L’hyène et l’homme son compère) ; la déclivité de son arrière-train (Les générosités de l’hyène — La chèvre grasse) ; les rayures abdominales de la biche (La femme-biche) ; ils expliquent pourquoi les grenouilles n’ont plus de queue (La grenouille indiscrète) pourquoi le cheval arbore un si beau panache et l’hippopotame, un moignon ridicule, en guise d’appendice caudal ; d’où vient l’enfoncement des yeux du singe dans leurs orbites (Le singe ingrat).

1236. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre VII. Mme de Gasparin »

« Je me risquai, dit-elle avec un petit roucoulement d’ironie qui lui sied, à faire une chose que le monde élégant trouve essentiellement ridicule, puritaine même, c’est tout dire !

1237. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Rivarol » pp. 245-272

Il était de ces Légers terribles qui voulaient combattre les idées nouvelles avec le ridicule, cette vieille arme de France, et franchement c’était là beaucoup de raisons, à ce qu’il semble, pour que le Tacite de Burke ne pût jamais naître dans Rivarol.

1238. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Henri Heine »

Vieille, triste et presque ridicule histoire !

1239. (1868) Curiosités esthétiques « VI. De l’essence du rire » pp. 359-387

Les idoles indiennes et chinoises ignorent qu’elles sont ridicules ; c’est en nous, chrétiens, qu’est le comique.

1240. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XI : M. Jouffroy moraliste »

Le savant Boyle avait pu, sans ridicule, léguer une somme d’argent pour faire prêcher huit sermons par an « contre les athées, les déistes, les païens, les mahométans et les juifs. » Newton commentait l’Apocalypse, et le célèbre mathématicien Barrow ne lui avait cédé sa chaire que pour entrer dans la prédication.

1241. (1774) Correspondance générale

Jamais cela ne sera, et nous espérons que vous ferez bonne et prompte justice de ces prétentions aussi ridicules qu’elles sont injustes. […] Il attribue au chevalier ce que la vérité du dialogue exigeait qu’on mît dans la bouche de ses interlocuteurs, et il lui en fait un crime ou un ridicule. […] Rien ne serait plus ridicule qu’un forgeron, parcourant la description et les figures de son art, n’y trouvât pas son marteau, et fût obligé de l’aller chercher dans les planches d’un autre atelier. […] Cela vous paraît bien ridicule ; eh bien ! […] Le ridicule n’aura pas ici la même force.

1242. (1929) Amiel ou la part du rêve

Sous le verre de M. de Voltaire, on peut tenir le tourment d’Amiel pour mesquin, rappeler ces martyrs ridicules dont Mallarmé a écrit le poème dans le Guignon : Égaux de Prométhée à qui manque un vautour ! […] Mais, chez Amiel, toujours le moindre renversement de la vapeur, un changement d’éclairage, font passer du ridicule au tragique, du comique au cosmique. […] Ils m’assurent que le professeur aux bulles leur paraissait fort ridicule. […] Platon s’est bien gardé d’enlever tout ridicule à Socrate.

1243. (1874) Portraits contemporains : littérateurs, peintres, sculpteurs, artistes dramatiques

Il me demanda de lui faire quelque chose, parce que, disait-il, il me trouvait « drôle. » Je lui fis les Jeunes-France, espèce de précieuses ridicules du romantisme, puis Mademoiselle de Maupin, dont la préface souleva les journalistes, que j’y traitais fort mal. […] Dans cette soirée Edouard Ourliac, qui plus tard est mort dans des sentiments de profonde dévotion, improvisait, avec une âpreté terrible et un comique sinistre, ces charges amères où perçait déjà le dégoût du monde et des ridicules humains. […] Les Prudhommes de la salle sont étonnés de voir rire de celui de la scène : ils ont des idées pareilles, ils s’expriment ainsi et s’étonnent qu’on trouve ces façons ridicules. […] Il parlait de l’homme du destin, des trois couleurs, du vieux sergent, et il donnait en outre aux Français les moyens de se moquer de leurs vainqueurs, service que n’oublie jamais ce peuple brave, fier et spirituel, content de tout s’il peut rendre son ennemi ridicule. […] La lyre entre ses mains et, sur ses épaules, le manteau fouetté par l’orage, ne semblaient pas ridicules.

1244. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Troisième série

Il était sensuel de complexion : son besoin de scandaliser en fit un fanfaron de vices un peu puéril et un cynique souvent tout à fait ridicule. […] Ce n’est pas lui qui tombera dans le ridicule qu’ont les Français de ne rien trouver plus beau que leur patrie. Ce ridicule existe, en effet ; mais on peut dire que Stendhal a mis trop de coquetterie à s’en garantir, et que cette coquetterie a fini par devenir une passion, elle aussi, un peu ridicule. […] Lamartine est creux et vide ; Victor Hugo exagéré, ridicule et « somnifère » ; Vigny « lugubre et niais ». […] Ces confidences au public, et un peu ridicules considérées comme telles, étaient surtout des comptes rendus de soi qu’il se faisait à lui-même.

1245. (1905) Études et portraits. Portraits d’écrivains‌ et notes d’esthétique‌. Tome I.

Il n’eût pas tendu sa merveilleuse intelligence à l’inutile observation des ridicules de ses rivaux, ni déployé les savantes ressources de l’art le plus délicat à rédiger d’un mot inoubliable cette observation. […] Si les émigrés n’avaient pas, suivant l’expressive et triviale formule de ce brigand de Danton, emporté leur patrie à la semelle de leurs souliers, ils avaient, certes, emporté leurs ridicules. […] Songeant qu’il a été couronné à une distribution de prix et qu’on a ri de lui voir le front chargé de trois couronnes, il dit : « C’est le premier ridicule qui m’ait écorché le cœur ! […] J’eus le ridicule orgueil de la repousser avec dédain. […] A maintes reprises, depuis lors comme auparavant, vous avez rencontré, dans les journaux quotidiens, des doléances pareilles, et voici qu’aujourd’hui un écrivain de la plus solitaire et de la plus intense originalité, M. d’Aurevilly, dans quelques pages férocement dures de son nouveau livre : les Ridicules du temps, mène, lui aussi, le deuil de feu la critique.

1246. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre II. Le théâtre. » pp. 2-96

Songez enfin que les scrupules de conscience et la sévérité des puritains sont alors choses odieuses, qu’on les tourne en ridicule sur le théâtre, et mesurez la différence qui sépare cette Angleterre sensuelle, débridée, et l’Angleterre correcte, disciplinée et roidie, telle que nous la voyons aujourd’hui. […] Un rêve bien vain, bien ridicule. » Certainement, il est bien conté et encore mieux choisi, de sens profond, et de sens fort clair. « Charmant démon, dit tout bas son frère, l’entremetteur, elle lui apprend sous couleur de rêve à expédier son mari et la duchesse. » En effet, le mari est étranglé, la duchesse empoisonnée, et Victoria, accusée des deux crimes, est amenée devant le tribunal. […] Titres ridicules aujourd’hui, parce qu’ils nous rappellent les fadeurs interminables de d’Urfé ou les gentillesses maniérées de Florian ; titres charmants, si l’on regarde la sincère et surabondante poésie qu’ils recouvrent.

1247. (1925) Dissociations

Il peut bouder, gronder et rouler des yeux, faire bien voir qu’il est jaloux, il se rend ridicule et voilà tout. […] Mais ce qui nous avait manqué jusqu’ici, c’étaient des danseuses et nous ne pouvions en avoir, parce que nous avions la manie de les costumer d’une façon ridicule et de les transformer en des espèces de têtons de l’aspect l’e plus rébarbatif. […] Eux seuls peuvent sans ridicule répéter à satiété : « Qu’un sang impur abreuve nos sillons ! 

1248. (1868) Curiosités esthétiques « V. Salon de 1859 » pp. 245-358

Le public moderne et la photographie Mon cher M***, si j’avais le temps de vous égayer, j’y réussirais facilement en feuilletant le catalogue et en faisant un extrait de tous les titres ridicules et de tous les sujets cocasses qui ont l’ambition d’attirer les yeux. […] Mais une partie du ridicule que j’attribuais aux élèves de M.  […] La ruche qui se joue au bord des clavicules, Comme un ruisseau lascif qui se frotte au rocher, Défend pudiquement des lazzi ridicules Les funèbres appas qu’elle tient à cacher.

1249. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Marivaux. — I. » pp. 342-363

Ils avaient mêmes vices, mêmes passions, mêmes ridicules, (même fonds d’orgueil ou d’élévation ; mais tout cela était moins déployé ou l’était différemment ».

1250. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Saint-Martin, le Philosophe inconnu. — II. (Fin.) » pp. 257-278

On voit à quel point il entrait aisément dans les idées du temps et ne trouvait rien de ridicule à ces réminiscences romaines.

1251. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Souvenirs militaires et intimes du général vicomte de Pelleport, publiés par son fils. » pp. 324-345

Personnellement il n’était pas ennemi de la Révolution, mais il en sentait les horreurs ou les ridicules, il en répudiait les crimes, et à propos de l’attentat du 21 janvier, il s’attache à constater les sentiments de réprobation générale que cet événement fit éclater dans tout le Midi, au sein des familles honnêtes, qui ne demandaient à la Révolution que l’égalité politique et la réforme de graves abus : Si cette réflexion, dit-il, passe un jour ou l’autre sous les yeux de quelques ardents, ils ne voudront peut-être pas croire que tel était l’état des esprits à cette époque.

1252. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe, et d’Eckermann »

Il y a des gens qui ne sauraient parler de lui sans le faire quelque peu grotesque et ridicule ; il ne l’est pas.

1253. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Madame Roland, ses lettres à Buzot. Ses Mémoires. »

de désagrément ou de ridicule, — est désormais attachée au nom de l’austère Roland, depuis qu’on sait, à n’en pouvoir douter, l’infidélité idéale de sa femme et cette passion avouée pour Buzot.

1254. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Essai de critique naturelle, par M. Émile Deschanel. »

Un littérateur qui croirait devoir arrondir et émousser les termes serait ridicule et arriéré de deux siècles.

1255. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet (suite et fin.) »

Cette création rapide de chantiers, de magasins, de vaisseaux, sur un terrain qui était deux ans auparavant un quartier de la ville couvert de maisons, ce spectacle auquel il aurait dû s’attendre, l’exalta au point qu’il me fit des compliments ridicules ; car il me parla de la gloire que j’avais acquise en attachant mon nom à ce grand monument, et je ne voyais là rien de glorieux.

1256. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [I] »

Lorsque, en 1827, à l’occasion du sujet proposé par l’Académie française, qui avait demandé le Tableau de notre littérature au xvie  siècle, quelques esprits curieux se portèrent plus particulièrement vers la poésie de ce temps-là, leur première impression fut la surprise : on leur avait tant dit que cette poésie, celle qui remplissait l’intervalle de Clément Marot à Malherbe, était barbare et ridicule, qu’ils furent frappés de voir, au contraire, combien elle l’était moins qu’on ne le répétait de confiance ; combien elle offrait, après un premier et rude effort, d’heureux exemples de grâce, d’esprit, et parfois d’élévation.

1257. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ULRIC GUTTINGUER. — Arthur, roman ; 1836. — » pp. 397-422

L’auteur, qui ne se montre pas seulement ici un homme sentimental, comme il l’était dans ses élégies, mais qui sait le monde, qui a le ton de la raillerie, l’aperçu exquis des ridicules, des travers, des médisances, et tout ce bon goût rapide et chatouilleux que donne, hélas !

1258. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DE LA LITTÉRATURE INDUSTRIELLE. » pp. 444-471

Chaque époque a sa folie et son ridicule ; en littérature nous avons déjà assisté (et trop aidé peut-être) à bien des manies ; le démon de l’élégie, du désespoir, a eu son temps ; l’art pur a eu son culte, sa mysticité ; mais voici que le masque change ; l’industrie pénètre dans le rêve et le fait à son image, tout en se faisant fantastique comme lui ; le démon de la propriété littéraire monte les têtes, et paraît constituer chez quelques-uns une vraie maladie pindarique, une danse de saint Guy curieuse à décrire.

1259. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre V. Le roman »

Triste encore, mais d’une tristesse plus tendre, est le premier des trois Contes que Flaubert donna en 1877 : cette histoire d’un cœur simple — il s’agit d’une pauvre servante de province — est d’une sobriété puissante et d’un art raffiné ; dans l’insignifiance des faits, dans l’absolue pauvreté intellectuelle du sujet, dans la bizarrerie ou la niaiserie de ses manifestations sentimentales, transparaît constamment l’essentielle bonté d’un cœur qui ne sait qu’aimer et se donner ; quelque chose de grand et de touchant se révèle à nous par des effets toujours mesquins ou ridicules ; et ces deux sentiments qui s’accompagnent en nous, donnent une saveur très particulière à l’ouvrage.

1260. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Anatole France »

Les hommes de génie ne sont jamais tout à fait conscients d’eux-mêmes et de leur œuvre ; ils ont presque toujours des naïvetés, des ignorances, des ridicules ; ils ont une facilité, une spontanéité grossière ; ils ne savent pas tout ce qu’ils font, et ils ne le font pas assez exprès.

1261. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « La jeunesse du grand Condé d’après M. le duc d’Aumale »

Il serait ridicule et j’espère qu’il serait inutile de vouloir diminuer la gloire militaire de Condé.

1262. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre VIII. L’antinomie économique » pp. 159-192

On verra disparaître ce ridicule dans le régime sociétaire où chaque individu ne peut trouver son avantage que dans celui de la masse entière73. » Il est important de faire remarquer ici que la contrariété signalée par Fourier constitue moins une antinomie de l’individu et de la société qu’une antinomie de la société avec elle-même.

1263. (1911) La valeur de la science « Première partie : Les sciences mathématiques — Chapitre III. La notion d’espace. »

Je n’aurais que quatre sensations qualitativement différentes, et si l’on me demandait si elles sont liées par la proportion que je viens d’énoncer, la question me semblerait ridicule, tout comme si l’on me demandait s’il y a une proportion analogue entre une sensation auditive, une sensation tactile et une sensation olfactive.

1264. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les poètes décadents » pp. 63-99

Encouragé par l’acquiescement de certains sourires, il demanda étourdiment : « Quel est l’imbécile qui a osé ramasser ce titre ridicule ?

1265. (1890) L’avenir de la science « XIX » p. 421

Ils sont même à la limite d’un suprême ridicule, car, s’ils ne sont pas en effet des génies (et qui les en assure !

1266. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XI. La littérature et la vie mondaine » pp. 273-292

Sans compter que les réunions du monde sont les endroits où le ridicule est le mieux senti, le mieux saisi, le mieux raillé !

1267. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre IV, Eschyle. »

Les toises et les aunes de la rhétorique se rapetissent jusqu’au ridicule, lorsqu’elles s’appliquent à de tels génies. — Qu’ils soient comme ils sont, ou qu’ils ne soient pas !

1268. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — CHAPITRE VII »

Il donnait, tête baissée, dans les panneaux de la courtisane associée à ses turpitudes ; et, eu se couchant, au dénouement, après un duel simulé, dans le faux cercueil du Sca-pin de Molière, il s’enterrait sous le ridicule.

1269. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — CHAPITRE XIV »

N’exagérez pas la vertu ; à ce degré d’excentricité, elle devient presque ridicule.

1270. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Goethe et de Bettina, traduites de l’allemand par Sébastien Albin. (2 vol. in-8º — 1843.) » pp. 330-352

Quelquefois cette effusion à laquelle elle se livre est bien étrange et touche de près au ridicule : « Quand je suis au milieu de la nature, dont votre esprit, lui écrit-elle, m’a fait comprendre la vie intime, souvent je confonds et votre esprit et cette vie.

1271. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « L’abbé Galiani. » pp. 421-442

Les académiciens de Naples, tournés en ridicule, firent un éclat qui augmenta le succès de l’ingénieuse satire.

1272. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Mme de Caylus et de ce qu’on appelle Urbanité. » pp. 56-77

Faut-il peindre Mlle de Fontanges avec sa beauté et son genre de sottise romanesque, et faire sentir comment le roi, même quand elle aurait vécu, ne pouvait l’aimer longtemps, tout cela est dit en deux mots : On s’accoutume à la beauté, mais on ne s’accoutume point à la sottise tournée du côté du faux, surtout lorsqu’on vit en même temps avec des gens de l’esprit et du caractère de Mme de Montespan, à qui les moindres ridicules n’échappaient pas, et qui savait si bien les faire sentir aux autres par ce tour unique à la maison de Mortemart.

1273. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Biographie de Camille Desmoulins, par M. Éd. Fleury. (1850.) » pp. 98-122

Il a l’instinct de l’attaque : d’un coup d’œil il a deviné chez l’adversaire le point vulnérable ou ridicule, et tous moyens lui sont bons pour renverser.

1274. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La duchesse du Maine. » pp. 206-228

Le côté par lequel cette petite cour me frappe le plus et me paraît le seul mémorable, est encore le côté moral, celui qui touche à l’observation humaine des préjugés, des travers et des ridicules.

1275. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mirabeau et Sophie. — II. (Lettres écrites du donjon de Vincennes.) » pp. 29-50

On a un bel article d’André Chénier, inséré dans le Journal de Paris (12 février), qui venge les mœurs, la langue et le goût, également outragés dans cette ridicule et révoltante préface de l’éditeur magistrat.

1276. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Hégésippe Moreau. (Le Myosotis, nouvelle édition, 1 vol., Masgana.) — Pierre Dupont. (Chants et poésies, 1 vol., Garnier frères.) » pp. 51-75

Moreau ressentait vivement les tortures secrètes de cette pauvreté que La Bruyère a si bien peinte, et qui rend l’homme honteux, de peur d’être ridicule.

1277. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame Necker. » pp. 240-263

Il ne sortait de temps en temps de ce silence que par quelque saillie piquante, par quelque trait malin ou gai, par où il notait au passage un travers ou un ridicule.

1278. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Rivarol. » pp. 62-84

L’esprit de critique est un esprit d’ordre ; il connaît des délits contre le goût et les porte au tribunal du ridicule ; car le rire est souvent l’expression de la colère, et ceux qui le blâment ne songent pas assez que l’homme de goût a reçu vingt blessures avant d’en faire une.

1279. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le comte-pacha de Bonneval. » pp. 499-522

Il a raconté gaiement cette conversion et en homme d’esprit qui ne craint que le ridicule.

1280. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — II. (Suite.) Janvier 1830-mars 1831. » pp. 105-127

Non seulement Le National ne voit point d’opposition à faire, « mais il croit que le mieux est de s’intéresser à cette administration si entravée sur son terrain couvert de débris, de la conseiller, de la pousser avec bienveillance, de la soutenir au besoin contre de ridicules inimitiés. » Le National restera donc à la fois favorable au ministère et indépendant : c’est là sa ligne, et c’est le vœu bien sincère alors, on peut le croire, de celui qui écrit.

1281. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Rollin. » pp. 261-282

Je ne puis vous cacher, lui écrivait très sensément le Premier ministre, le cardinal de Fleury (31 janvier 1732), qu’un homme de votre mérite et de votre capacité ne devrait pas être exposé au juste soupçon que donnent contre lui ses assiduités à tout ce qui se passe d’indécent et, on peut même ajouter, de ridicule à Saint-Médard.

1282. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Voltaire et le président de Brosses, ou Une intrigue académique au XVIIIe siècle. » pp. 105-126

il ne s’agit plus de le rendre ridicule, il s’agit de le déshonorer. » C’est ainsi qu’il s’apprêtait à mettre en jeu contre son ennemi toutes les ressources d’un grand esprit furibond et sans droiture.

1283. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1881 » pp. 132-169

* * * — Une femme du monde disait d’un amoureux ridicule : « Je ne supposais pas que ce monsieur eût un cœur ! 

1284. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Première partie. Écoles et manifestes » pp. 13-41

Quant au ridicule, il ne peut effleurer que des âmes incapables de comprendre qu’il n’y a pas puritanisme, mais élémentaire probité à réagir contre le libertinage quand il se change en dégradation.

1285. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Notes et éclaircissements. [Œuvres complètes, tome XII] »

J’ai toujours regardé l’athéisme comme le plus grand égarement de la raison, parce qu’il est aussi ridicule de dire que l’arrangement du monde ne prouve pas un artisan suprême, qu’il serait impertinent de dire qu’une horloge ne prouve pas un horloger.

1286. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Plan, d’une université, pour, le gouvernement de Russie » pp. 433-452

Vice incurable : ne craignez point que celui qui possède les principes fondamentaux se rende ridicule.

1287. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Vien » pp. 74-89

Un grave personnage sémillant est ridicule ; un petit personnage grave ne l’est pas moins.

1288. (1920) Action, n° 4, juillet 1920, Extraits

N’ayez pas peur des prisons — elles sont ridicules et leurs portes closes ont des arcs de triomphe pour célébrer votre courage.

1289. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Pommier. L’Enfer, — Colifichets. Jeux de rimes. »

Cet esprit qui ne biaise jamais, ce poète de résolution, cet héroïque qui n’a peur de rien, — qui n’eut pas peur un jour, dans une nation rieuse, de mettre en vers flamboyants, sonores et magnifiques de mouvement, de nombre et d’harmonie, les tableaux grotesques du petit père André, sachant et très-sûr qu’où le poète met sa griffe la marque reste et reste seule sur le ridicule effacé, lui, le poète des Crâneries, qui en fera une tant qu’il aura le crâne au-dessus des épaules, me laisse indécis sur cette poésie dont il nous donne aujourd’hui un échantillon si étrange, sur la poésie qu’après celles des Colifichets il rêve peut-être, et dans laquelle il est bien capable de se jeter à corps perdu demain !

1290. (1894) Dégénérescence. Fin de siècle, le mysticisme. L’égotisme, le réalisme, le vingtième siècle

Ce sont les images devenues vivantes de l’insupportable Anglaise Kate Greenaway, condamnée par le célibat à renoncer aux joies maternelles, et dont l’amour pour les enfants, étouffé et dégénéré conséquemment en une forme contre nature, cherche sa satisfaction dans des dessins horriblement maniérés qui montrent les enfants sous les déguisements les plus ridicules et déshonorent tout bonnement l’enfance sacrée. […] Le malheureux ne soupçonne pas qu’il est fier d’une maladie et se vante d’un trouble intellectuel ; et certains critiques niais qui, par crainte d’être accusés d’incompréhension, font des efforts désespérés pour ressentir, en face de n’importe quelle œuvre floue ou ridicule, les émotions d’un dégénéré, ou célèbrent en expressions exubérantes les beautés que le dégénéré affirme y trouver, imitent inconsciemment un des stigmates de la demi-folie. […] Une poésie qui représentait l’homme d’après les vues de cette psychologie insuffisante, devait être fausse jusqu’au ridicule. […] Mais quand un homme caquette des années entières, dans d’interminables séances de café, sur le renouvellement de la poésie et la révélation d’un art de l’avenir, et que finalement il présente, comme résultat de ses efforts destinés à émouvoir le monde, trois plaquettes de vers enfantins, l’insignifiance matérielle de la production devient aussi, en ce cas, un trait de ridicule. […] Hugues Le Roux, caractérise très justement le groupe des symbolistes, quand il dit d’eux : « Ridicules ankylosés, insupportables les uns aux autres, ils vivent incompris du public ; plusieurs, de leurs amis ; quelques-uns, d’eux-mêmes.

1291. (1885) Les étapes d’un naturaliste : impressions et critiques pp. -302

un Enfant-Jésus qui, d’après certaines âmes ridicules, serait soupçonné capable de faire des miracles, d’arrêter le cours d’une vengeance ! […] ” « Il parlait posément, d’un beau timbre confiant et doux, sans aucun sentiment de ridicule. […] « Il y a, dit-il à propos des fades imitations de Ducis et de Vigny, quelque chose de plus ridicule qu’un Allemand qui commente Shakespeare : c’est un Français qui l’imite. […] Pereda observe avec une grande lucidité, quand la réalité qu’il a devant les yeux ne lui soulève pas le cœur, qu’elle le divertit par le spectacle de ridicules et de manies profondément comiques. […] Pedro se sentait ridicule, n’osant aborder nettement la cause de sa visite, quand on annonça que la voiture était avancée.

1292. (1912) Chateaubriand pp. 1-344

« Abbé, je me parus ridicule. » — « Je dis donc à ma mère que je n’étais pas assez fortement appelé à l’état ecclésiastique. » En quoi il ne se trompait pas. […] On l’avait séduit en lui disant que le christianisme était un culte né du sein de la barbarie, absurde dans ses dogmes, ridicule dans ses cérémonies, ennemi des arts et des lettres, de la raison et de la beauté ; un culte qui n’avait fait que verser le sang, enchaîner les hommes et retarder le bonheur et les lumières du genre humain. » Il fallait prouver que c’est précisément le contraire. […] Dans les Natchez déjà, avec une candeur magnifique, il avait fait du « merveilleux chrétien », et le ridicule de ce merveilleux lui avait apparemment échappé. […] Et il raconte lui-même : « Un vieux chevalier de Saint-Louis, qui m’est inconnu, m’écrivait du fond de sa tourelle : “Réjouissez-vous, monsieur, d’être loué par celui qui a souffleté votre roi et votre Dieu.” » (L’indignation de ce vieux chevalier n’est peut-être pas si ridicule.) […] Si bonne opinion qu’ils aient d’eux-mêmes, les grands écrivains du dix-septième siècle sont sauvés, sinon de la vanité, au moins du ridicule de l’étaler publiquement, soit par le sentiment chrétien, soit par le « goût », soit par leurs habitudes d’honnêtes gens.

1293. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome IV pp. 5-

Était-il séant qu’un poète français lançât les traits du ridicule sur l’infortunée Jeanne d’Arc ? […] En vain un savant père s’efforce-t-il à nous dévoiler les trois vertus théologales sous l’emblème des trois Grâces, et les autres figures mystiques sous l’allégorie des nymphes de la fable : si l’obscurité de ce système symbolique n’empêchait pas même d’entrevoir l’ombre des saintetés qu’il explique avec tant de bonne foi, le ridicule des fictions du poème éclaterait plutôt que leurs beautés. […] Alors le chantre de Roland, exagérant à sa guise les mœurs extravagantes des chevaliers et les mœurs cavalières des dames, conformera la vie et les coutumes adoptées par ses paladins à l’existence imaginaire des fantastiques personnages qui les seconderont de leur entremise dans leurs prouesses ridicules. […] Disons seulement qu’il fallut le génie de Virgile et du Tasse pour anoblir les traits de Camille et de Clorinde, au point de leur donner une grandeur épique : la vertu de ces amazones convient rarement à la sévérité de l’épopée : je ne sais quel ridicule se mêle à toutes les démarches de ces femmes masculines et chevaleresques ; mais si les Penthésilées et les Thomiris ne s’en sont pas sauvées, nous sommes en droit d’assurer que les guerrières ont des mœurs trop hardies et trop bizarres pour ne pas défigurer un peu les peintures du beau idéal. […] Nos devanciers firent abus de ces gentillesses, de ces pointes ; et l’excès de leur afféterie, qui corrompit le style de leurs successeurs, jeta dans le poème de Scudéry, justement satirisé, le plus comique exemple du ridicule où il entraîna les auteurs.

1294. (1895) Nouveaux essais sur la littérature contemporaine

Quand en finira-t-on de cette accusation ridicule ? […] Biré compare encore le sujet de Ruy Blas à celui des Précieuses ridicules : il trouve dans Lucrèce Borgia des réminiscences du Richard III de Shakspeare et de la Duchesse d’Amalfi, de Webster, — que Victor Hugo n’avait sans doute jamais lus. […] Pourquoi ce mot, lui tout seul, emporte-t-il je ne sais quelle idée de ridicule ? […] Il y a bien dans ces vers quelque chose de légèrement ridicule, mais aussi de profondément sensuel, et en tout cas d’assez original. […] Quand on aura donc plus ou moins spirituellement plaisanté quelques héros douteux ou quelques cérémonies ridicules, — et, en vérité, ce genre de plaisanterie, qui n’a rien aujourd’hui de bien neuf, n’a rien non plus de bien difficile !

1295. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Malherbe »

N’ayons point dessein d’imiter ce que l’on conte de ridicule de ce vieux docteur ; notre ambition se doit proposer de meilleurs exemples. […] Malherbe, n’en déplaise à Balzac, n’était donc pas ridicule, surtout quand il avait affaire à Balzac.

1296. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mademoiselle Aïssé »

Sans miséricorde pour les vices et sans indulgence pour les ridicules, il est la terreur des méchants et des sots ; ils croient se venger de lui en l’accusant de sévérité outrée et de vertus romanesques ; mais l’estime et l’amour des gens d’esprit et de mérite le défendent bien de pareils ennemis. […] Vous me rendrez si ridicule, que mon attachement n’aura plus rien qui puisse vous flatter.

1297. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Discours prononcé à la société des visiteurs des pauvres. » pp. 230-304

… » Puis, elle se calme ; elle ne peut s’empêcher de trouver Mikils un peu ridicule, de le voir « comme un pauvre être diminué qu’on plaint avec un sourire », et « de le traiter presque dans sa pensée comme feraient les gens du monde et les personnes sans religion ni bonté ». […] Donc, en disant que j’ai voulu jeter le ridicule sur les ménages de pasteurs et écrire un plaidoyer en faveur du célibat des prêtres, vous me faites un procès de tendances.

1298. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre huitième »

« Il n’y a rien de plus ridicule », ajoutait-il, « et il semble que tout y ait été fait exprès en dépit du bon sens. » La chose ne valait pas que Boileau se fît un cas de conscience de n’avoir pas été assez sévère : mais la satire ne disait rien de trop. […] Ces querelles de préséance sont plus ridicules dans l’art que partout ailleurs.

1299. (1902) Les poètes et leur poète. L’Ermitage pp. 81-146

Et quelques-unes de ses pages sont d’une souveraine splendeur : À Villequier, Booz endormi… Mais que de rhétorique, de pathos, de pose ridicule et déplaisante, lourdement étalés un peu partout ! […] Il est absolument ridicule de synthétiser toute la poésie d’un siècle dans un homme, Hugo est un accident de la nature, un génie inconscient et terrible, une espèce d’éclosion, d’éruption plutôt, de sève poétique et torrentiel à la façon d’un geyser et d’un volcan, c’est un élémental comme Eschyle, Dante, Goethe, Wagner et Shakespeare que je préfère de beaucoup (les deux derniers) à Hugo.

1300. (1896) Le IIe livre des masques. Portraits symbolistes, gloses et documents sur les écrivains d’hier et d’aujourd’hui, les masques…

Barrès a déjà conspiré, sans craindre le ridicule d’une défaite ; raconte-t-il ses désillusions ou ses espérances ? […] Mais, de même que tout n’était pas ridicule dans le Décadent, tout n’est pas de simple jeu dans les vers qu’Aurier y donnait abondamment ; ce sonnet, Sous Bois, daté de Luchon, août 1886, n’a pas qu’une valeur de précocité : Les forêts de sapins semblent des cathédrales Qu’ombrent d’immenses deuils. […] En critique, Aurier était encore d’avis que l’on doit examiner l’œuvre en soi et qu’il est ridicule de faire intervenir dans son jugement des motifs aussi vagues et aussi trompeurs que l’hérédité et le milieu. […] L’originalité est le don premier, mystérieux et formidable ; sans lui, toutes les autres qualités de l’écrivain sont stériles, nuisibles, et même un peu ridicules, le jour où l’homme de lettres laborieux et intelligent, mais pas davantage, fier de multiples aptitudes, se veut dressé en statue sur un piédestal de tomes.

1301. (1887) George Sand

Elle prit en horreur les leçons de son pédagogue Deschartres, dont elle a immortalisé plus tard la figure, les vanités, les ridicules et la rude honnêteté ; elle se révolta, elle tourna à l’enfant terrible. […] Il n’en reste pas moins vrai que c’est un prodige de fécondité que cette vie littéraire de Mme Sand, vue dans son ensemble, enchantant de ses fictions ou troublant de ses rêves quatre ou cinq générations, à travers tant de catastrophes publiques ou privées, presque toujours égale à elle-même, mais n’ayant jamais dit le dernier mot de son art, déconcertant à chaque instant la critique, qui croit l’avoir enfin saisi, lui réservant toujours de nouvelles surprises, tandis qu’autour d’elle, et sur la route qu’elle a parcourue, se sont amoncelés tant de ruines intellectuelles, tant de débris, de talents incomplets, frappés ou d’impuissance ou de ridicule et, dans leur infatuation, ne s’apercevant même pas qu’ils ont cessé d’exister. […] Je ne prétends pas que l’homme soit impeccable, ni que l’opinion doive s’armer d’une ridicule sévérité pour châtier ses défaillances. […] Cette première excuse une fois admise, on voudra bien considérer qu’il y a en elle plus de la nature du poète que de celle du législateur, qu’elle ne se sent pas la force d’être un réformateur ; qu’il lui est arrivé souvent d’écrire lois sociales à la place des vrais mots, qui eussent été les abus, les ridicules, les préjugés et les vices du temps, lesquels lui semblent appartenir de plein droit à la juridiction du roman, tout aussi bien qu’à celle de la comédie. […] « Il ne faut pas oublier, dit Mme Sand ingénument, que Bénédict était un naturel d’excès et d’exception. » Il le prouvera jusqu’à la fin, à travers des incidents sans nombre, des surprises et des rendez-vous manqués, jusqu’à un meurtre absurde, jusqu’au coup de fourche qui atteint le héros par suite d’un ridicule malentendu.

1302. (1903) Le problème de l’avenir latin

Voilà le fait indéniable : quoique inadmissible qu’il apparaisse — et même tant soit peu ridicule — aux yeux de certains.‌ […] Je ne mentionne même pas ce qu’elles ont d’offensant et de méprisant pour le reste du monde : j’envisage simplement leur côté néfaste et ridicule. Oui, avant tout, le Latin, infatué de lui-même et de sa tradition, se prouve immensément ridicule et sénile, en face de la réalité. […] Seule notre infatuation, si elle devait durer jusqu’au dernier jour, pourrait légitimement provoquer le rire et le mépris : apprenons donc, pour échapper au ridicule, la modestie et la discrétion. […] Laissons là nos petits jugements de petits hommes à courte vue, notre ridicule égoïsme.

1303. (1924) Intérieurs : Baudelaire, Fromentin, Amiel

Le mari, peu disposé à laisser ce genre de ridicule ternir à la porte de son étude l’éclat de ses panonceaux, s’indigna, parla haut, et Eugène dut espacer ou cesser ses visites. […] Il sait que l’idée de lui voir traverser deux fois la mer eût rendu sa mère malade et que ce voyage eût semblé à son père une ridicule et damnable folie. […] La peur du ridicule ferait tomber son exaltation et son amour. […] Professeur peu écouté, tourné en ridicule par l’opinion, cette critique locale l’exaspérait, non seulement comme une injure, mais comme une laideur, un provincialisme, un instar misérable de Paris. […] Par une rupture douloureuse, nécessaire, sujette à ridicule, avec le monde des corps, des œuvres, de l’organisation, il a isolé de lui-même cette réalité de l’âme, il est devenu elle seule, il l’a éprouvée et fait éprouver dans son inutilité, son désintéressement, son authenticité.

1304. (1890) La bataille littéraire. Deuxième série (1879-1882) (3e éd.) pp. 1-303

s’il ne s’agissait que de se battre, dit Christian II vivement… Mais lutter comme nous contre le ridicule, la misère, tout le fumier de la vie, sentir qu’on s’y enfonce chaque jour davantage… Elle eut une flamme d’espoir dans ses yeux. […] Oui, maintenant, je peux laisser dire que Molière n’a d’autres ennemis que les fourbes qu’il a démasqués ; je peux passer au pied de sa statue érigée sur nos places publiques ; je peux entendre l’Académie française regretter qu’il manque à sa gloire ; je peux souffrir que de vains et ridicules rhéteurs, esclaves de la popularité du mal, entassent leurs phrases farcies d’adjectifs pour faire un piédestal de courage à ce flatteur, une couronne de franchise à ce menteur, une renommée de vertu à ce corrupteur. […] Loin de là, Vivier ne procède que par l’observation, et toute personne qui a su l’écouter, a toujours trouvé, dans les détails d’une historiette d’apparence légère et ingénieuse, une reproduction scrupuleuse de la nature, la fine satire de quelque ridicule de la nature humaine. […] Laisser paraître de la colère ou de la haine dans ses paroles ou sur son visage, cela est inutile, dangereux, imprudent, ridicule, commun.

1305. (1924) Souvenirs de la vie littéraire. Nouvelle édition augmentée d’une préface-réponse

Cette hésitation, loin d’être ridicule, forçait, au contraire, agréablement l’attention. […] Toujours grondant contre quelque mauvais poète ou quelque romancier ridicule, Maindron était le bourru classique, parfaitement aimable et jovial, de bonne compagnie, grand travailleur et écrivain de talent. […] Il affectait de mépriser l’auteur de Salammbô, La correspondance de Flaubert, qui enthousiasmait Heredia, lui paraissait le comble du ridicule. […] Pour le reste, il ne soupçonnait rien et vivait publiquement indifférent au ridicule ou au blâme. […] C’est ridicule !

1306. (1892) La vie littéraire. Quatrième série pp. -362

. — Où ces militaires, demandait-on, étaient-ils allés chercher des phrases si baroques et si ridicules ? […] « Soyez assuré, disait Boileau, que si Homère a employé le mot chien, c’est que ce mot est noble en grec. » Ces idées nous semblent ridicules. Les nôtres paraîtront peut-être aussi ridicules dans deux cents ans, car enfin on ne peut mettre au rang des vérités éternelles qu’Homère est barbare et que la barbarie est admirable. […] On ne conçoit pas d’abord comment Corneille a pu écrire quelque chose d’aussi ridicule. […] Le visage qui fit oublier à César l’empire du monde n’était point gâté par un nez ridicule.

1307. (1882) Essais de critique et d’histoire (4e éd.)

Nulle part il ne nous fait voir ces troupeaux de fanatiques, Bedlams déchaînés qui firent la faiblesse, le ridicule et la force de la révolution. […] Par cette proclamation, les soldats connurent que leur crainte était vaine et que leurs chefs étaient saufs. » Bien des historiens auraient honte de raconter des faits aussi petits et en apparence aussi ridicules. […] Nous avons beau faire, nous sommes toujours parents de Voltaire et de Molière ; le sarcasme nous arrive involontairement aux lèvres ; le ridicule nous frappe d’abord ; au milieu de tout son lyrisme et de ses effusions de cœur, M.  […] Mais, une fois que le violent devient le beau, il n’y a plus de limites, et l’on finit par tomber dans la rhétorique, ou même dans le ridicule. […] Ailleurs, il « s’espace » sur Dangeau, « singe du roi, chamarré de ridicules, avec une fadeur naturelle, entée sur la bassesse du courtisan, et recrépie de l’orgueil du seigneur postiche ».

1308. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — III » pp. 455-479

Mme Brun en a fait une description exaltée, qui nous paraîtrait aujourd’hui fort ridicule, et qui n’était que dans le goût du temps : « Les mains serrées dans les mains, nous vous promîmes fidélité, — à toi, ô Nature, — à toi, ô Amitié ; — et à toi, reconnaissance filiale, arbitre suprême de nos destinées !

1309. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « De la tradition en littérature et dans quel sens il la faut entendre. Leçon d’ouverture à l’École normale » pp. 356-382

Homère sommeille quelquefois ; Corneille en conversation est lourd et sommeille, La Fontaine sommeille ; ils ont des absences, des oublis ; mais les plus grands des hommes ne sont jamais extravagants, ridicules, grotesques, fastueux, jactancieux, cyniques, messéants en permanence.

1310. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « M. Boissonade. »

Boissonade le rappela à la bonté et à l’équité par une lettre qui est un modèle d’humaine sagesse : « Ceux que vous nommez, que vous accusez, sur lesquels vous appelez le ridicule ou peut-être quelque chose de plus sévère (car les révolutions, faciles et humaines à leur origine, sont quelquefois suivies de violentes réactions), ceux de qui vous riez, d’un rire bien amer et bien cruel, sont d’honnêtes gens, séduits d’abord par des illusions très-séduisantes, menés ensuite plus loin qu’ils ne l’avaient pensé.

1311. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Journal et Mémoires, de Mathieu Marais, publiés, par M. De Lescure  »

Il s’agit là de ceux qui ont à parler en public, et qui ont à faire usage parfois de l’arme de l’ironie ou du ridicule ; la recommandation en ce qui les concerne est, on le conçoit, d’une importance bien plus grande encore, tout actuelle, pour ainsi dire, et tout immédiate : « Parcendum est maxime caritati hominum, ne temere in eos dicas qui diliguntur. » Il ne s’agit pas d’aller se moquer d’un personnage généralement aimé.

1312. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Journal et Mémoires, de Mathieu Marais, publiés, par M. De Lescure »

Je me servis du droit que j’avais comme son plus ancien ami pour lui faire sentir le ridicule d’une conduite qui blessait les bienséances et dont le monde se moquait : comme je ne pus la raviser, je pris mon parti.

1313. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Appendice. Discours sur les prix de vertu »

Lorsqu’en 1782 un généreux anonyme, qui n’était autre que le respectable M. de Montyon, pria l’Académie d’agréer la fondation d’un prix de vertu et de louer publiquement le fait le plus vertueux qui se serait passé depuis deux ans à Paris ou dans le rayon de la banlieue, les plaisanteries ne manquèrent pas ; on essaya du ridicule.

1314. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Nouvelle correspondance inédite de M. de Tocqueville (suite et fin.) »

Cet incident bizarre, malgré la gravité du moment, prêta au ridicule.

1315. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. NISARD. » pp. 328-357

» Mais il paraît bien, d’après mon ami, que le sens véritable est : « Il faut que celui-là pleure, qui veut me fléchir par sa plainte ; » ce qui est beaucoup moins ridicule.

1316. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Racine — I »

Un jour, au milieu d’un festin, Néron ivre, pour le rendre ridicule, le força de chanter ; Britannicus se mit à chanter une chanson, dans laquelle il était fait allusion à sa propre destinée si précaire et à l’héritage paternel dont on l’avait dépouillé ; et, au lieu de rire et de se moquer, les convives émus, moins dissimulés qu’à l’ordinaire, parce qu’ils étaient ivres, avaient marqué hautement leur compassion.

1317. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « L’abbé Prévost »

Ce bon doyen de Killerine, passablement ridicule à la manière d’Abraham Adams, avec ses deux bosses, ses jambes crochues et sa verrue au front, tuteur cordial et embarrassé de ses frères et de sa jolie sœur, me fait l’effet d’une poule qui, par mégarde, a couvé de petits canards ; il est sans cesse occupé d’aller de Dublin à Paris pour ramener l’un ou l’autre qui s’écarte et se lance sur le grand étang du monde.

1318. (1875) Premiers lundis. Tome III «  À propos, des. Bibliothèques populaires  »

Il ne faut pas plus d’une de ces grosses méprises pour rendre un nom, d’ailleurs honorable, ridicule à jamais devant toute une postérité.

1319. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Discours préliminaire » pp. 25-70

Les gouvernements, dans les pays devenus libres, ont besoin, pour détruire les antiques erreurs, du ridicule qui en éloigne les jeunes gens, de la conviction qui en détache l’âge mûr ; ils ont besoin, pour fonder de nouveaux établissements, d’exciter la curiosité, l’espérance, l’enthousiasme, les sentiments créateurs enfin, qui ont donné naissance à tout ce qui existe, à tout ce qui dure ; et c’est dans l’art de parler et d’écrire que se trouvent les seuls moyens d’inspirer ces sentiments.

1320. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre III. Littérature didactique et morale »

Jean Clopinel est un vrai bourgeois, qui n’entend rien aux raffinements de l’amour courtois, ou qui n’y voit que ridicule fadaise : aussi, dès les premiers vers qu’il écrit, imprime-t-il à sa matière un tout autre caractère, un caractère tout pratique et positif.

1321. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre II. Littérature dramatique — Chapitre II. Le théâtre du quinzième siècle (1450-1550) »

Ce peut être à l’origine une farce de gens d’Église, comme un plaidoyer ridicule sera une farce de gens de Palais.

1322. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Ferdinand Fabre  »

Puis le scepticisme, le sens critique, le sentiment du ridicule, l’ironie, qui vient du diable, sont tout ce qu’il y a de plus opposé à l’esprit de sa profession.

1323. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Victor Hugo, Toute la Lyre. »

Enfin, dans les dernières années de sa vie, il poussait l’inconscience du ridicule jusqu’à un excès qui affligeait les esprits délicats.

1324. (1895) La musique et les lettres pp. 1-84

    Je m’interromps, d’abord en vue de n’élargir, outre mesure pour une fois, ce sujet où tout se rattache, l’art littéraire : et moi-même inhabile à la plaisanterie, voulant éviter, du moins, le ridicule à votre sens comme au mien (permettez-moi de dire cela tout un) qu’il y aurait, Messieurs, à vaticiner.

1325. (1921) Enquête sur la critique (Les Marges)

Il est évident qu’un Souday vaut dix, vaut cent, vaut mille Gaston Deschamps, l’aristarque de ridicule mémoire auquel il a succédé et qu’Henri de Régnier est un autre connaisseur en Belles-Lettres que MM. 

1326. (1868) Alexandre Pouchkine pp. 1-34

Le tort de Pouchkine, en employant les superstitions populaires de son pays pour les machines de son poème, fut de les prendre du côté ridicule, et de donner à tout son récit une tournure ironique.

1327. (1894) Propos de littérature « Chapitre V » pp. 111-140

Rome faisait des vers selon la Grèce et nous faisons des vers selon Rome ; l’esprit d’un peuple d’arrangeurs et d’adaptateurs a engendré un peuple digne de lui et à l’envi nous pratiquons « l’instar » qui pourtant nous paraît ailleurs ridicule.

1328. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre huitième »

Dans un discours de sa jeunesse79, il avait traité de la politique des Romains dans la religion ; il est vrai qu’il s’agit de la religion en la main des grands pour gouverner les petits, par « cette crédulité des peuples qui est toujours au-dessus du ridicule et de l’extravagant. » Bossuet l’entend d’une tout autre façon.

1329. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre X. La littérature et la vie de famille » pp. 251-271

Ce n’est plus un vieillard morose, un Géronte ou un Harpagon, qu’on berne et dupe sans scrupule, parce qu’il semble prendre à tâche de rendre ridicule ou odieuse la dignité paternelle.

1330. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIII. La littérature et la morale » pp. 314-335

Or le jour où l’on sait si bien tourner en ridicule les exagérations de la vertu depuis longtemps régnante, c’est qu’elle a été détrônée par une autre et ce jour-là aussi le héros des poètes et des romanciers a déjà pris un autre caractère.

1331. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame de Pompadour. Mémoires de Mme Du Hausset, sa femme de chambre. (Collection Didot.) » pp. 486-511

Tout ceci semble étrange et presque ridicule ; mais, pour peu qu’on étudie la marquise, on reconnaît qu’il y a du vrai dans cette manière de voir, et que le goût même du xviiie  siècle s’y retrouve au naturel.

1332. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Chateaubriand homme d’État et politique. » pp. 539-564

L’auteur y consentit, et l’on eut, au lieu d’une métaphore ridicule, une insulte de plus, une allusion sanglante.

1333. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « André Chénier, homme politique. » pp. 144-169

André Chénier entra décidément dans la polémique au Journal de Paris, par un article du 12 février 1792 contre la ridicule et indécente préface que Manuel avait mise en tête des Lettres de Mirabeau et de Sophie.

1334. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre I. Le Bovarysme chez les personnages de Flaubert »

Mme Bovary échappe au ridicule par la frénésie ; avec elle, l’erreur sur la personne devient un élément de drame.

1335. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1861 » pp. 361-395

Malheureusement en ouvrant le volume, je suis tombé sur une lithographie, une ridicule lithographie le représentant avec une tête d’Andrieux idéologue.

1336. (1856) Les lettres et l’homme de lettres au XIXe siècle pp. -30

Leurs œuvres vieilliront vite, comme vieillissent les caprices ; et, s’ils parviennent par hasard à la postérité, ils n’auront chez elle d’autre immortalité que celle du ridicule.

1337. (1913) La Fontaine « IV. Les contes »

C’est une des sagesses de nos pères que dans leurs récits ou dans leurs drames les vieillards amoureux soient toujours ridicules et indignes de pitié.

1338. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre x »

Les journaux, avec leurs anecdotes ridicules et théâtrales, font croire que tous nos poilus sont uniquement préoccupés de bien remplir leur devoir envers la patrie.

1339. (1899) Le roman populaire pp. 77-112

L’auteur a l’ambition, très souvent naïve et quelquefois ridicule, d’amuser, ou de flatter une catégorie de lecteurs, par la peinture de leurs mœurs et de leurs défauts.

1340. (1892) Essais sur la littérature contemporaine

Classer, c’est comme ils disent, donner des rangs, distribuer des prix, mettre Balzac au-dessus de Flaubert, ou une tragédie de Racine au-dessus d’un vaudeville de Labiche ; et cette occupation est justement à leurs yeux le comble même du ridicule. […] Mais s’il n’est rien de plus qu’un acte matériel dont on essayerait vainement de « poétiser » la nature, les principes du naturalisme n’exigent-ils pas qu’on le réduise au ridicule ou à la laideur de sa matérialité ? […] « Corriger les mœurs en châtiant les ridicules ?  […] Et parce que les procédés de Molière convenaient admirablement à la peinture des ridicules, ou des caractères très généraux, qu’il a pris pour la matière habituelle de sa comédie, il ne s’ensuit pas qu’ils conviennent à la peinture des caractères plus complexes, ou des ridicules plus particuliers, qui sont la matière de la nôtre. […] Il ne paraît pas effectivement prouvé que la comédie ne soit pas avant tout la satire des ridicules ou des vices, et, conséquemment, qu’il ne soit pas de son essence ou de sa définition de nous peindre la nature en laid.

1341. (1846) Études de littérature ancienne et étrangère

Ce serait une ridicule prévention de supposer qu’un orateur philosophe et homme d’État, dont l’esprit était également exercé par les spéculations de la science et l’activité des affaires, eût plus d’harmonie que d’idées. […] L’Histoire véritable de Lucien ne semble écrite que pour tourner en ridicule, par l’exagération même de la folie, toutes ces narrations fabuleuses dont la Grèce était inondée. […] Un merveilleux mythologique assez ridicule vient terminer le seul incident qui sépare les jeunes amants. […] La vigueur mâle et forcenée du langage, les éclats terribles et pathétiques de la passion retentissent au loin ; mais le ridicule s’évapore, et la plaisanterie perd sa force ou sa grâce. […] Quoi qu’en dise l’ingénieux Addison, l’idée de rapetisser les démons pour les faire siéger à l’aise dans une espèce de parlement infernal est une ridicule fiction ; et l’épouvantable fiction du Péché et de la Mort renferme plus d’horreur que de génie.

1342. (1903) Hommes et idées du XIXe siècle

Cela se passe dans une Bavière familiale, dans une Bohême de conte bleu, dans des seigneuries imaginaires, dans des châteaux peuplés de vieilles gens ridicules et aimables, en Italie, en France et partout ailleurs où il vous plaira. […] Il va sans dire que le mari y jouera un sot personnage et ne cessera d’être ridicule que pour devenir odieux. […] Quelquefois ridicules et plus souvent sublimes, encensés plus souvent que bafoués, il leur arrive de soulever des colères, mais nul ne songe à traiter sans conséquence des personnages aussi importants. […] Mieux vaut passer pour odieux que pour ridicule. […] En dépit de ces travers, de ces ridicules, de ces tics, de ces manies et de ces fanfaronnades, Barbey d’Aurevilly n’était pas dénué de qualités.

1343. (1892) Sur Goethe : études critiques de littérature allemande

Si cette tristesse contemplative n’eût été qu’une mode, pour renverser la mode il suffisait du ridicule ; mais il y avait là un mal profond que le siècle portait pour ainsi dire dans ses entrailles, mal d’autant plus funeste que les âmes généreuses l’embrassaient avec fierté comme le signe de la grandeur de l’homme. […] Mais il peut y avoir aussi dans cet orgueil un ridicule profond qui rétrécisse l’intelligence et dessèche le cœur. […] Imaginez, si vous le pouvez, un Yankee dont l’orgueil consente quelquefois à se dédire, une sorte de Méphistophélès gentleman, à demi réconcilié avec les hommes, qui se moque du bien sans parti pris pour le mal, qui se plaise à faire ressortir sans cesse les ridicules et les faiblesses de la nature humaine, et qui montre, par ses propres actions, tout ce qu’il y a en elle de générosité et de grandeur : vous aurez Fink. […] Il éprouve un âpre plaisir à dégoûter les commis, bonnes gens aux mœurs simples, des joies innocentes de leur état, et à tourner en ridicule le zèle important qui les relève à leurs propres yeux. […] Il ne va guère au-delà de cette peinture douce des ridicules aristocratiques qui de tout temps a été un droit, une convention et une mode dans la république des lettres.

1344. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIe entretien. L’homme de lettres »

La Chaumière indienne est un beau plaidoyer pour l’existence, la personnalité et la providence de Dieu ; c’était une imitation de Voltaire, attaquant l’intolérance par l’onction, au lieu de l’attaquer par le ridicule, mais mettant toujours le Dieu à part, même avant de purifier son temple. […] Il n’a fait naître que le sentiment du ridicule.

1345. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1867 » pp. 99-182

On prend le thé dans la salle à manger, qui, en dépit de tout son luxe et de la surcharge de son mauvais goût renaissance, en dépit des sommes ridicules qu’ont coûté ses marbres, ses boiseries, ses peintures, ses émaux, et la ciselure de ces candélabres d’argent massif venant des mines du Prussien entreteneur se trouvant là, n’est au fond qu’un riche cabinet de restaurant, un salon des Provençaux pour millionnaires. […] On cite du mort des traits de bonté divine, comme d’avoir reconnu un ami dans la dèche, et s’il n’a fait toute sa vie que des cascades, c’est qu’il avait la pudeur des hautes aspirations à la littérature, si ridicules dans ce siècle, sans grands talents.

1346. (1895) La science et la religion. Réponse à quelques objections

Non seulement je n’ai pas nié les progrès de la science, « le téléphone » ou « le vaccin du croup », — ce qui serait aussi ridicule que de nier en plein midi la clarté du soleil, — mais je l’ai dit textuellement : « Où sont celles de leurs promesses que la physique, par exemple, et la chimie n’aient pas tenues et au-delà ?  […] Vous avez ri mille fois de la sotte balance qu’Homère a mise dans les mains de son Jupiter, apparemment pour le rendre ridicule.

1347. (1899) Arabesques pp. 1-223

Le titre de chef d’école rend toujours un peu ridicule celui qu’on en affuble. […] Il est vrai que, depuis longtemps, le ridicule ne tue plus en France, sans quoi nombre de gens seraient morts qui se portent à merveille. — Mais M.  […] Les dogmes, ces affirmations dénuées de preuve, opposant des mystères iniques ou simplement ridicules aux révoltes de l’intelligence et de l’instinct, il les rejetait. […] Il est ridicule et parfois charmant.

1348. (1927) Quelques progrès dans l’étude du cœur humain (Freud et Proust)

Il souffrait de rester enfermé au milieu de ces gens dont la bêtise et les ridicules le frappaient d’autant plus douloureusement qu’ignorant son amour, incapables, s’ils l’avaient connu, de s’y intéresser et de faire autre chose que d’en sourire comme d’un enfantillage ou de le déplorer comme une folie, ils le lui faisaient apparaître sous l’aspect d’un état subjectif qui n’existait que pour lui, dont rien d’extérieur ne lui affirmait la réalité ; il souffrait surtout, et au point que même le son des instruments lui donnait envie de crier, de prolonger son exil dans ce lieu où Odette ne viendrait jamais, où personne, où rien ne la connaissait, d’où elle était entièrement absente. […] Et plus loin, dans un passage que nous avons déjà lu : Il souffrait de rester enfermé au milieu de ces gens dont la bêtise et les ridicules le frappaient d’autant plus douloureusement qu’ignorant son amour, incapables, s’ils l’avaient connu, de s’y intéresser et de faire autre chose que d’en sourire comme d’un enfantillage ou de la déplorer comme une folie, ils le lui faisaient apparaître sous l’aspect d’un état subjectif qui n’existait que pour lui, dont rien d’extérieur ne lui affirmait la réalité 52. […] Il est évident que c’est un sentiment si sublime qu’il est ridicule, et je comprends que Proust n’ait pas osé en reconnaître la réalité. […] Il souffrait de rester enfermé au milieu de ces gens dont la bêtise et les ridicules le frappaient d’autant plus douloureusement qu’ignorant son amour, incapables, s’ils l’avaient connu, de s’y intéresser et de faire autre chose que d’en sourire comme d’un enfantillage ou de le déplorer comme une folie, ils le lui faisaient apparaître sous l’aspect d’un état subjectif qui n’existait que pour lui, dont rien d’extérieur ne lui affirmait la réalité ; il souffrait surtout, et au point que même le son des instruments lui donnait envie de crier, de prolonger son exil dans ce lieu où Odette ne viendrait jamais, où personne, où rien ne la connaissait, d’où elle était entièrement absente.

1349. (1902) La poésie nouvelle

Elle est essentiellement paresseuse : toute innovation qui lui complique sa besogne lui semble monstrueuse ; elle tâche de s’en débarrasser hâtivement, en l’écrasant sous le silence ou le ridicule. […] Ce serait un mauvais principe, car la rime pour l’œil est quelque chose, en soi, d’assez ridicule ; mais une telle erreur serait explicable de la part de gens très appliqués à leur papier, très attentifs à leur difficile graphie. […] Elle a le tort de ne pas être motivée par une conception réfléchie du Cosmos et son ridicule lui vient de n’être vraisemblablement pas d’accord du tout avec la qualité dudit Cosmos. « Quand est-ce, dit Laforgue, que nous nous montrerons adéquats à la valeur des phénomènes et vivrons-nous justes de ton37  » ? […] Or, Laforgue avait une conception des choses très différente de cet anthropocentrisme et, pensant qu’il ne convient pas d’attribuer à la créature éphémère plus de gravité qu’elle n’en a, il ne voulut que sourire de tout cela, et badiner au sujet du Cosmos, puisqu’à le vouloir chanter de trop sublime manière on risque d’être ridicule et déplacé : une âme un peu susceptible ne s’en consolerait pas… « Pour éloigner le bourgeois, écrit-il, se cuirasser d’un peu de fumisme extérieur », — et le bourgeois, c’est ici la sentimentalité facile et cette espèce de cordialité un peu vulgaire qui nous fait traiter amicalement, comme de vieilles connaissances, les choses de la vie. ‌ […] Dans ses Complaintes, il évoque plusieurs fois la tristesse des pauvres romances qu’on entend, pianotées ou chantées, au long des rues, derrière les fenêtres, par les dimanches des petites villes provinciales, et il en redoute l’énervante mélodie, encore que grêle et ridicule un peu.

1350. (1859) Moralistes des seizième et dix-septième siècles

C’était la religion moins la morale, l’arbre moins la sève ; il y avait distinction profonde, séparation réelle entre le rite et la morale ; le peuple, habitué à croire en ses conducteurs spirituels, avait conservé un certain respect pour l’échafaudage de pratiques arbitraires, parfois même ridicules, qu’on lui offrait sous le nom de christianisme, et chacun espérait y trouver un refuge à la mort. […] Nous ne voulons pas garantir l’authenticité de tous les bons mots qu’on lui prête, ni de ces paroles sacrilèges avec lesquelles on prétend qu’il termina sa vie : « Tirez le rideau, la farce est jouée. » Mais on ne prête guère qu’aux riches, et nous ne pouvons nous empêcher de croire que le ridicule a paru à Rabelais le premier et le dernier mot de la vie humaine. […] La politesse s’introduira sous les précieuses, qui ne furent pas toujours des précieuses ridicules. […] On raconte que Massillon, au sortir d’une retraite assez longue, fit, dans son premier sermon, une si fidèle peinture des travers et des ridicules de la société, qu’on ne put s’empêcher de lui en témoigner de la surprise en lui demandant où il avait appris tout, cela. « En moi-même », répondit le grand moraliste. […] « Quel est l’égarement de certains particuliers, qui, riches du négoce de leurs pères, se moulent sur les princes pour leur garde-robe et leur équipage, excitent, par une dépense excessive et par un faste ridicule, les traits et la raillerie de toute une ville qu’ils croient éblouir, et se ruinent ainsi à se faire moquer de soi291 !

1351. (1881) Études sur la littérature française moderne et contemporaine

Louis XVI était assis à une table de jeu ; sans se lever, il écrivit sur un sept de pique, au crayon, l’ordre d’arrêter immédiatement Beaumarchais et de renfermer à Saint-Lazare, prison ridicule et honteuse, où l’on détenait les adolescents dépravés. […] Ils plaisent comme les manières d’une petite fille qui joue à la grande dame ; mais ils n’ont qu’une heure fugitive de grâce, et il est clair qu’en voulant prolonger leur existence, quand la personne est formée et quand la langue est faite, ils deviendraient agaçante et ridicules. […] Paul Arène, ridiculise la partie ridicule du Parnasse contemporain ; cela est bien, cela est juste, ce sont les vengeances de l’esprit français. […] Pour nous, contemporains, ces vers sont tristement ridicules, parce que nous savons trop combien l’expédient proposé est pitoyable. […] Il est probable que l’auteur de la phrase savait cela, et qu’il a voulu être ridicule par pure malice.

1352. (1916) Les idées et les hommes. Troisième série pp. 1-315

Ce qui vient d’Allemagne, c’est la superstition ridicule de la méthode et c’en est la consécration quasi religieuse. […] Aristide Truffaut, l’indulgente peinture de la vie niaise, ridicule et anodine, mais une satire, et assez cinglante. […] Ni pour condamner le vice, ni pour se moquer des ridicules, M.  […] Ce genre littéraire, si varié, peu défini, va de l’outrecuidance à la confidence timide, hésite entre l’impertinence et l’excuse et a souvent, avec des ridicules, un charme d’intimité. […] Ainsi, ses découvertes ne sont pas ces Amériques que de moindres savants ou lettrés annoncent avec un ridicule enthousiasme de nouveauté.

1353. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Sismondi. Fragments de son journal et correspondance. »

Le premier acte de sa vie publique à Genève (1814) fut une brochure « assez âcre, où il tournait la Constitution en ridicule », et que son ami De Candolle, voyant l’exaspération qu’elle excitait, lui fit aussitôt retirer.

1354. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DES MÉMOIRES DE MIRABEAU ET DE L’ÉTUDE DE M. VICTOR HUGO a ce sujet. » pp. 273-306

Si l’on essaye d’énumérer la quantité d’hommes honnêtes, recommandables par le talent, l’étude et des vertus de citoyen, que 89 avait fait sortir du niveau, qui avaient traversé avec honneur et courage les temps les plus difficiles, que la Terreur même n’avait pas brisés, que le Directoire avait trouvés intègres, modérés et prêts à tous les bons emplois ; si l’on examine la plupart de ces hommes tombant bientôt un à un, et capitulant, après plus ou moins de résistance, devant le despote, acceptant de lui des titres ridicules auxquels ils finissent par croire, et des dotations de toutes sortes qui n’étaient qu’une corruption fastueusement déguisée, on comprendra le côté que j’indique, et qui n’est que trop incontestable.

1355. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME ROLAND — I. » pp. 166-193

La teinte philosophique et raisonnable qu’elle revêt, qu’elle affecte un peu, la rend même plutôt antipathique et injuste pour les beaux esprits et les littérateurs en vogue, si chers à Mlle Necker : c’est le contraire de l’engouement ; elle ne perd aucun de leurs ridicules, elle trouve la mine de d’Alembert chétive, le débit de l’abbé Delille maussade ; Ducis et Thomas lui paraissent se prôner l’un l’autre, comme les deux ânes de la fable, et elle verrait volontiers un homme de lettres médiocre en celui dont Mme de Staël a dit si parfaitement : « Garat, alors ministre de la justice, et, dans des temps plus heureux pour lui, l’un des meilleurs écrivains de la France. » Qu’on n’aille pas faire de Mme Roland toutefois un pur philosophe stoïque, un citoyen rigide comme son mari, en un mot autre chose qu’une femme.

1356. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXIXe entretien. Œuvres diverses de M. de Marcellus (2e partie) » pp. 5-63

Ce n’était pas sans doute pour servir les Bourbons qu’il était un des assidus de Joseph Bonaparte ; ce n’était pas non plus pour servir les Bourbons qu’il avait été nommé secrétaire d’ambassade à Rome, dans une ambassade confidentielle du cardinal Fesch, oncle de Bonaparte, pour y faire abandonner la légitimité proscrite, vieillie et impuissante, par la religion, en faveur du nouveau Charlemagne ; ce n’était pas non plus par fidélité aux Bourbons qu’il avait brigué le poste ridicule de ministre de France auprès de la bicoque de Sion, dans le canton du Valais.

1357. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (4e partie) » pp. 81-143

Du ridicule au sublime il n’y a qu’un pas, dit Napoléon ; Victor Hugo ne le franchit jamais, mais dans cette partie du drame il le côtoie sans cesse.

1358. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIVe entretien. Mélanges »

Un homme de beaucoup d’esprit, M. de Lourdoueix, qui avait commencé sa carrière littéraire en 1825 par une œuvre satirique contre les excès et les ridicules du royalisme, le soutenait dans une illusion de bonne foi et rédigeait sous son inspiration la Gazette de France.

1359. (1911) Enquête sur la question du latin (Les Marges)

C’est au latin qu’il faudra revenir lorsque se seront achevées dans le ridicule les tentatives de volapük et d’espéranto que nous voyons végéter sous nos yeux.

1360. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mendès, Catulle (1841-1909) »

Le lyrisme dispose d’effets sublimes dont notre époque s’est privée on ne sait pourquoi, par une vague crainte du ridicule qui a paralysé bien des écrivains.

1361. (1889) Les premières armes du symbolisme pp. 5-50

Alfred de Vigny écrivait en 1829 : « Les esprits paresseux et routiniers aiment à entendre aujourd’hui ce qu’ils entendaient hier : mêmes idées, mêmes expressions, mêmes sens ; tout ce qui est nouveau leur semble ridicule ; tout ce qui est inusité, barbare. » Je cite ces paroles avant d’aller plus loin, car elles me paraissent, malgré leur date, d’une piquante actualité.

1362. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre dixième. »

Ses illustres amis cultivaient plus étroitement certains auteurs ; La Fontaine pratique l’antiquité tout entière ; il pensait même en être ridicule, comme quelqu’un qui s’opiniâtrerait à une vieille mode.

1363. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre quinzième. »

Il se commet, à son insu, dans plus d’un récit, parce qu’au lieu d’avoir vu les choses de la galerie, il y a été mêlé de sa personne, et qu’il a sa part du ridicule qu’il observait.

1364. (1890) L’avenir de la science « VIII » p. 200

Il est facile de jeter le ridicule sur ces tentatives de restauration de littératures obscures et souvent médiocres.

1365. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 janvier 1886. »

c’est l’héroïque et ridicule Prince !

1366. (1863) Le réalisme épique dans le roman pp. 840-860

Si la pécheresse, au bord de la tombe, demande sa consolation et sa force au plus mystérieux sacrement de la religion catholique, la peinture de cette scène a juste autant de valeur dans l’ensemble du roman que la description d’une casquette ridicule sur la tête d’un collégien de province.

1367. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur de Latouche. » pp. 474-502

L’épouvante du ridicule paralysait l’audace qu’il exigeait dans les autres.

1368. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Sieyès. Étude sur Sieyès, par M. Edmond de Beauverger. 1851. » pp. 189-216

, demi-ivre, dissertant sur le plan de la guerre, et examinant le ministre par interrogats et censure ; Les auditeurs ne s’apercevant même pas combien cela est ridicule et à quel point de perfection l’orateur porte la bêtise ; Le malheureux ministre, échappant aux questions par une réponse de café et l’historique des campagnes ; Ce sont là les hommes chargés de conduire les affaires et de sauver la République !

1369. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1856 » pp. 121-159

Eh bien, qu’est-ce que vous voulez qu’on fasse d’un dessin une fois fait : il n’y a qu’à le donner. » Puis il nous parle du théâtre, de ses idées contre l’illusion scénique en faveur du tréteau, déclarant qu’il n’admire que deux pièces : Les Précieuses ridicules et Le Bourgeois gentilhomme, parce que ce sont des leçons de philosophie sous la forme la plus tangible, sous la forme la plus parade, — et s’interrompant : « Avez-vous jamais regardé attentivement non le théâtre, mais la salle ?

1370. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1858 » pp. 225-262

12 mars Ce soir on cause de 1830, et le marquis de Belloy, pour nous donner une idée de la confraternité de ce temps, et des folies excentriques et généreuses, et des choses ridicules et grandes qu’elle amenait, nous raconte cette anecdote.

1371. (1897) Un peintre écrivain : Fromentin pp. 1-37

Il a eu cette précaution, indice d’un très grand artiste, d’éviter les détails de modes qui perdent leur attrait, et leur sens, avec leur nouveauté, et qui sont ridicules après une saison.

1372. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XIII. »

Ces défauts du langage ultralyrique de Lycophron, assez habilement conservés dans une traduction moderne en vers anglais, offriraient une étude piquante sur le grand art d’écrire, et sur ce point extrême, où, dans le génie de l’orateur et du poëte, comme dans la fortune du conquérant, on peut exactement dire : « Du sublime au ridicule il n’y a qu’un pas. » Ce pas, Lycophron l’a souvent franchi ; et toutefois, à part les emprunts raffinés de langage, les enchères d’audace métaphorique, il y a quelques beautés à recueillir dans cette suite de prophéties nuageuses de Cassandre, du haut de la tour où le poëte la suppose prisonnière, avant le départ de Paris, dont elle contemple dans l’avenir l’adultère, la fuite et la punition.

1373. (1853) Histoire de la littérature française sous la Restauration. Tome I

Vous dites, monsieur, qu’il a ébloui les yeux du monde, et vous l’accusez de charme et d’enchantement ; je connais beaucoup de gens qui feraient vanité d’une telle accusation. » Lemercier lui-même parut, à la fin des conférences de l’Institut, frappé de la crainte de voir la prédiction de l’abbé Sicard se réaliser, et, aprèsavoir exprimé une opinion fort hostile au Génie du christianisme, il termine en disant : « Je conclus à ce que vous hâtiez le résumé de vos avis, de peur que les procès-verbaux des séances de notre classe ne s’imprègnent, aux yeux de l’avenir, d’une petite teinte de ridicule, si nous prolongeons nos discussions sur l’examen du livre qu’on nous fait juger. […] J’ai anéanti ainsi des volumes de cette première et vague poésie du cœur, et j’ai bien fait ; car, à cette époque, ils seraient éclos dans le ridicule et morts dans le mépris de tout ce qu’on appelait la littérature.

1374. (1857) Causeries du samedi. Deuxième série des Causeries littéraires pp. 1-402

Bien que nos nouveaux républicains ne fussent pas encore des Danton et des Robespierre, il suffisait qu’on leur supposât l’envie de le devenir, il suffisait d’une ombre, d’une image, d’un fantôme de ce passé, pour qu’à l’instant les graves pensées rentrassent dans les âmes, et pour que la société prît très au sérieux, presqu’au tragique, ce qui lui semblait la veille crainte absurde, scrupule excessif ou rigorisme ridicule. […] Par bonheur encore, un peu de ridicule se mêle à ces séduisantes peintures. […] Hugo, aujourd’hui chef de l’école pittoresque, a caractérisé devant nous les ridicules apocalyptiques du nouveau recueil. […] C’est un ridicule. […] Hugo, y arrive à de tels effets de grotesque, que l’impiété même ne s’y aperçoit plus, et que le ridicule efface le sacrilège.

1375. (1939) Réflexions sur la critique (2e éd.) pp. 7-263

Cet incident lui a semblé occuper dans la vie une place exorbitante, ridicule, contaminer les plus nobles parties de l’individu, offusquer les plus essentiels besoins de la société. […] Paul Adam plus que contre le fond de sa thèse, que je ne trouve pas si ridicule. […] Le poète veut-il faire ressortir combien le Français se rend ridicule en se laissant griser par l’antiquité, qui prend la forme du grotesque dieu du vin, tandis que son sol lui fournit une boisson plus saine et plus conforme à sa nature ? […] On dénonce comme ridicule et comme malséante la glose que M.  […] Dans le Repas Ridicule, qui reste un des morceaux solides de la critique gastronomique, Boileau était libre de dénoncer comme empoisonneur le restaurateur Mignot, qui répondit en enveloppant ses pâtés dans une satire de Cotin contre Boileau.

1376. (1908) Promenades philosophiques. Deuxième série

Mais l’astronomie a cette singularité d’être aussi vraie à l’envers qu’à l’endroit et Copernic parut bien plutôt ridicule que criminel. […] C’est ridicule. […] Les protestants officiels, par peur du ridicule, ont fait tous leurs efforts pour en dérober la connaissance au public français, peu enclin au respect, et ils y ont réussi. […] Elles poursuivent leurs maris jusqu’au milieu de ses affaires, de son travail, et en même temps qu’elles le rendent malheureux, le rendent ridicule. […] Singulier état d’esprit, mais assez répandu pour qu’il ne soit pas ridicule d’en prendre quelque inquiétude.

1377. (1896) Essai sur le naturisme pp. 13-150

Moréas qui s’amuse à reconstituer la Pléiade à l’entour du café Voltaire nous paraît quelque peu ridicule. […]   Voilà pourquoi les récents poètes, nullement émotionnés du contact universel, craintifs de choir dans un sentimentalisme ridicule, ou dans un genre descriptif et suranné, se complaisent chaque jour et davantage en des idéologies parées de merveilles artificielles.

1378. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1891 » pp. 197-291

Son cocher ayant insulté le marquis Tseng, eut le choix entre une amende ridicule et cinquante coups de bambou. […] Et j’avais une terrible dispute avec ces hommes qui soutenaient que j’avais pris la voiture, tandis que moi, avec un peu de la lâcheté qu’on a dans les rêves, je m’excusais en disant, que j’avais cru que la voiture était attelée avec des chevaux, et que ce serait trop ridicule d’arriver à un enterrement devant la porte de l’église, avec un attelage comme le leur.

1379. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1892 » pp. 3-94

Un médecin ridicule, une agonie trop compliquée, la phrase finale : « Ça… c’est ma femme !  […] Je le revoyais, dans le salon des demoiselles de Villedeuil, les filles du ministre de Louis XVI, les vieilles cousines de ma mère, ce froid et immense salon, aux boiseries blanches, toutes nues, au mobilier rare, empaqueté dans des housses, et où toujours, au dos d’une chaise, était oublié le ridicule d’une des deux sœurs, aux jardinières rectilignes, contenant de pauvres fleurs fanées, aux dunkerques, où s’étageaient des objets d’art légitimistes, je le revoyais, dans ce salon, qu’on aurait pu croire le salon de la duchesse d’Angoulême, adossé debout à la cheminée, son diable d’œil noir, tout plein d’ironie, et à un moment, dans l’ennui de l’endroit solennel, jetant un mot, qui secouait d’un rire, la sèche vieillesse et les robes feuille morte et caca dauphin des deux antiques demoiselles.

1380. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Deuxième série

C’est en effet une des imaginations ridicules inventées par les légistes. […] Ce n’est pas là une idée ridicule. […] Une tribu d’hommes ayant l’instinct de la fourmi peuplerait la terre en cent ans, sans se donner un très grand mal, constituerait l’humanité sensée, raisonnable, ordonnée, laborieuse sans fatigue, et heureuse, en un mot l’humanité, qui n’existe pas, et dont nous n’avons qu’une ridicule ébauche. […] Le jour où la religion disparaîtrait de la terre, l’homme aurait supprimé la forme élevée et noble de son inquiétude éternelle, et il ne lui resterait que l’inquiétude vulgaire et misérable, et comme une impatience maladive et ridicule de changer de place. […] Cela veut dire qu’il a de l’imagination et l’inintelligence absolue de la notion du ridicule.

1381. (1938) Réflexions sur le roman pp. 9-257

Chapelain, qui s’était préoccupé candidement de collectionner sur la Pucelle tout ce qui pouvait lui fournir un ridicule, n’avait eu garde de manquer celui-là, et il avait eu soin de prévenir que ses personnages représentaient, qui l’appétit irascible, qui l’appétit concupiscible, qui la Grâce. […] Il serait ridicule de supposer que Flaubert a voulu l’y mettre. […] Un héros amoureux y serait ridicule. […] Il gagna dans ces fonctions beaucoup de ridicule, et ses quatre ou cinq volumes ineptes sur ce chapitre demeurèrent toute la somme de la critique naturaliste. […] Ce sera toujours une figure plus ou moins ridicule ou odieuse.

1382. (1889) La bataille littéraire. Première série (1875-1878) pp. -312

Mais que faire quand on se sent laid, timide, un peu ridicule ; ce que fit le pauvre professeur, s’éloigner. […] Il en est un cependant qui sut échapper à ce ridicule, c’est Augustin Ranvier.

1383. (1893) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Cinquième série

J’en passe — et des plus ridicules, — où l’on ne saurait dire, en vérité, ce qui l’amuse davantage, le prétexte qu’elles sont pour lui d’étaler les trésors de son érudition, ou ce qu’elles ont de saugrenu : « Si Aristote exerça la pharmacie dans Athènes ?  […] Mais, quand il le faudra, ils produiront aussi un effet tout contraire : ils opposeront les notions, ils feront contraster les principes ; ils attaqueront, ébranleront, renverseront secrètement quelques opinions ridicules qu’on n’oserait insulter ouvertement. […] Mais elle ne devait définitivement prendre forme qu’en se mêlant à cette Querelle des anciens et des modernes, si vaine aux yeux de quelques historiens de la littérature, si ridicule même ; et ainsi, ce que n’avaient pu ni Bacon, ni Pascal, ni Descartes, une discussion de collège allait l’opérer en moins de dix ou douze ans. […] Ce qui, du temps de Molière, était encore chez une femme une espèce de ridicule est devenu maintenant une élégance ; — nous dirions, de nos jours, un sport. […] On regrette seulement que dans ses premiers ouvrages, effrayé peut-être lui-même de la nouveauté de l’entreprise, ou du ridicule dont elle pouvait, en échouant, le couvrir, il n’ait pas montré plus de franchise, de décision et d’autorité.

1384. (1924) Critiques et romanciers

C’est un quincaillier vaniteux : ridicule de vanité, oui ; odieux de vanité, oui. […] … Ne le perds pas… Ne te penche pas aux portières… Un accident est tôt arrivé… » Sébastien pleure : « Il sentait ce qu’il y avait de tendresse maladroite et vive, cachée sous ses phrases banales, décousues, dont le ridicule lui était cher… » Une seconde, M.  […] C’est leur faute : ils sont ridicules. […] Il y a là une espèce de fureur, un foisonnement de jeunesse, une ridicule exubérance et d’un effet le plus singulier. […] Pierre Mille, au retour de ses longs voyages, a peint de la même façon la polémique des races et le malentendu, presque toujours crue et ridicule aussi, des âmes que l’amitié ou l’amour ne dispensent pas d’être ignorantes les unes des autres.

1385. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine, Jocelyn (1836) »

Après une jeunesse pleine de misère, étant entré lui-même dans cette humble condition de recteur de village ou de bourg, il en a retracé les alentours, les accidents de ridicule, de sujétion ou de souffrance, avec une vigueur sagace et mordante.

1386. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIIe entretien. Trois heureuses journées littéraires » pp. 161-221

Passez, tribuns d’hier, orateurs des banquets ; Passez, la bouche close, en habits de laquais ; Passez, nobles de race, admis à la curée, Par amour du galon prêts à toute livrée ; Prétoriens, bourgeois à barbe de sapeur, Qui sauvez votre caisse et gardez votre peur ; Passez, tous les forfaits et tous les ridicules… Vous n’esquiverez pas le glaive ou les férules ; Je vous laisse en pâture au lion irrité.

1387. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIIIe entretien » pp. 223-287

J’avais bien raison ; car, si je n’avais pas publié alors quelques vers passables, dont on s’est malheureusement souvenu toujours contre moi, ou si je n’en avais publié que de médiocres ou de ridicules, oubliés comme ceux de quelques grands hommes politiques de nos jours, j’aurais pu espérer, comme eux, de passer pour une capacité politique de second ou de troisième ordre dans les fastes de l’heureuse et prosaïque médiocrité.

1388. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (2e partie) » pp. 305-367

Les coups d’État ont besoin de prétexte, la ridicule Montagne de 1849 le fournit au pouvoir exécutif ; elle fit peur à la France d’elle-même, la France s’enfuit dans une dictature : que la responsabilité de l’occasion perdue retombe à jamais sur ceux qui donnent ces paniques aux peuples, et qui montrent les spoliations et les terreurs comme perspective de la liberté !

1389. (1839) Considérations sur Werther et en général sur la poésie de notre époque pp. 430-451

Un critique, Nicolaï, ayant essayé de tourner en ridicule ce dénouement nécessaire, imagina de refaire l’ouvrage en conservant le commencement et en changeant la fin : Werther, dans ce nouveau plan, ne se tuait pas.

1390. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIV. La littérature et la science » pp. 336-362

Car, si beaucoup de ces termes forgés par la science ne se hasardent pas dans le langage ordinaire, beaucoup aussi sont entrés dans l’usage courant avec les choses qu’ils représentent et les plus délicats des puristes n’oseraient affronter le ridicule de s’en passer.

1391. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 février 1886. »

Et pendant que la vieille gaîté française s’épanouit déridée, les esthéticiens austères décident du sort de Lohengrin : ils reconnaissent l’œuvre admirable, les oppositions ridicules ; mais ils engagent M. 

1392. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 15 décembre 1886. »

Hans Richter eut à lutter sérieusement pour empêcher que l’on ne profanât Lohengrin en y introduisant un de ces divertissements chorégraphiques où le clinquant le dispute au ridicule et sans lesquels, de nos jours encore, il n’est guère d’opéra tolérabie, Richter eut gain de cause contre le ballet, mats il fut moins heureux à l’endroit des coupures.

1393. (1881) La psychologie anglaise contemporaine «  M. Georges Lewes — Chapitre II : La Psychologie »

Cependant plusieurs physiologistes et psychologistes n’ont pas craint de dire que la réduction de nos sens à cinq est une « idée des plus ridicules »264.

1394. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VII. Repos »

Armand Silvestre devait, oubliant sa ridicule comparaison entre Boissier et Heredia, nous faire sentir que nous ne trouverions pas ici derrière un vitrail de musée des statuettes parnassiennes aux lignes immobiles mais sous la désolation fleurie de la lande un vivant grand et triste dont le vent soulève le manteau.

1395. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre X »

Trahir l’aventurière dont il a été l’amant, ou laisser un galant homme marcher, les yeux bandés, à un mariage sinon déshonorant, du moins ridicule ?

1396. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1883 » pp. 236-282

Dimanche 15 juillet Une élégante, chez laquelle je me trouvais, après avoir pendant un quart d’heure blagué la maladie du comte de Chambord, et sa mort future, termine par cette phrase : « J’ai commandé une robe noire, que je porterai, si je ne suis pas en province… vous concevez, à Paris, n’être pas en noir… moi, ce serait ridicule. » Mardi 17 juillet Pendant que j’attendais des livres, dans la salle de lecture de la bibliothèque, je regardais un bossu : tout le haut de la tête d’un bossu, est dans le bas de sa mâchoire.

1397. (1707) Discours sur la poésie pp. 13-60

Monsieur Despréaux condamne aussi ce commencement de l’Alaric : je chante le vainqueur des vainqueurs de la terre. et ces deux grands critiques après avoir donné un exemple du ridicule, proposent pour modéle de la perfection, l’un, le début de l’odissée : muse, raconte-moi les avantures de cet homme, qui après la prise de Troye, vit tant de pays et tant de moeurs différentes ; l’autre, ce commencement de l’Enéïde : je chante cet homme qui contraint de fuir les rivages de Troye, aborda enfin en Italie . mais supposons un moment que ces quatre propositions soient des commencemens d’ode.

1398. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre III. De la logique poétique » pp. 125-167

Selon Tite-Live, Tullus ne voulut point juger lui-même Horace, parce qu’il craignait de prendre sur lui l’odieux d’un tel jugement ; explication tout à fait ridicule.

1399. (1888) Impressions de théâtre. Deuxième série

C’était un peu ridicule et pourtant… Si Victor Hugo reste au théâtre, comme ailleurs, un incomparable poète lyrique, la vérité vraie, c’est qu’un drame du bon Ponsard n’est en aucune façon plus ennuyeux, à la scène, que Marion Delorme ou le Roi s’amuse. […] Pour revenir à Gerfaut, non seulement on nous le rend ridicule, mais on nous le présente comme un monstre. […] Et, si la vision persistante de ce qu’il y a toujours d’un peu ridicule dans la comédie de l’amour, si la perfection nette de ce qui se passe en vous et dans l’âme de la femme aimée, est parfois mortelle à l’amour, il arrive aussi qu’en voyant plus clair on découvre plus de motifs d’aimer, qu’on pardonne aux imperfections et aux faiblesses et que même on les adore parce qu’on s’en veut de les avoir découvertes. […] La revanche des malheureux qui ne sont pas comédiens, c’est de songer que ces privilégiés ignorent la fierté et la mélancolie de vivre en soi ; que jamais ils ne se verront tels qu’ils sont ; que jamais ils ne sauront comment et par quel côté ils peuvent sembler étranges et quelquefois ridicules ; que ce je ne sais quoi d’excessif et de faux qu’ils portent partout avec eux, ils n’en auront jamais le moindre soupçon ; qu’il y aura toujours de la puérilité eu eux et qu’ils mourront avant d’avoir vu le monde comme il est. […] Encore qu’Alceste s’exprime ici en vers très nobles, et qu’il échappe au ridicule par l’intensité de sa passion, je crois qu’il aurait fallu nous faire sentir que nous sommes après tout dans un salon, et que c’est toujours « un original », un misanthrope qui parle.

1400. (1888) La vie littéraire. Première série pp. 1-363

Que pense-t-il des chastes douleurs de mademoiselle Perle, de l’amour ridicule et mortel de miss Harriett et des larmes que la fille Rosa répandit dans l’église de Virville, au souvenir de sa première communion ? […] Enfin les contrastes sont tels qu’il serait superflu et même ridicule de les marquer davantage. […] C’est sur ses plans que nous sommes jaloux, cupides, violents, injurieux et que nous nous ruons les uns sur les autres, avec une furie homicide et ridicule, à la conquête de l’or, à l’assaut des honneurs. […] Quand il entrait dans une maison amie, son premier soin était de dépouiller l’espèce de souquenille à grands carreaux qui le rendait ridicule. […] Après s’être vêtu pendant une vingtaine d’années, été comme hiver, d’un surtout de toile à matelas, il parut un jour avec une veste à petits carreaux qui n’était pas ridicule.

1401. (1949) La vie littéraire. Cinquième série

Et voici que tout à coup j’éclate de rire en m’avisant du ridicule personnage que je joue en ce moment même pour vouloir être juste. […] Vicieux et naïf, il est toujours vrai ; l’inimitable accent de la vérité fait le charme de ce petit livre, Mes hôpitaux, écrit selon une syntaxe absurde et ridicule avec une musique merveilleuse qui déchire le cœur. […] On voit, portés dans son catalogue, des romans dont les titres peuvent faire sourire, car ils sont devenus ridicules, mais qui m’attristent plutôt, car j’y découvre la mélancolie du passé. […] Mais il en transpira quelque chose, et ce fut un ridicule qui contribua à la perte du dictateur. […] Ce palmier ridicule inspirait de l’orgueil au peintre, qui se flattait d’avoir montré son instruction en faisant pousser cet arbre à Jérusalem.

1402. (1913) Les idées et les hommes. Première série pp. -368

Un écrivain qui sait son âge littéraire ne va pas faire le jeune homme : ce ridicule lui sera épargné. […] Il y aura, sur la colline, des idées ridicules, parées de mots splendides, et qui mèneront des cavalcades de Sabbat. […] Henry Bidou notait, il n’y a pas longtemps, ce qu’a de ridicule et d’abominable même l’immense caricature de la France et de son passé composée, avec un frivole acharnement, par le plus fécond de nos écrivains. […] Quoi de plus ridicule que, dans Leconte de Lisle, l’entrevue gracieuse d’Achille et de Thétis sa mère ? […] Il a écrit, plus tard : « 1848 ne fut amusant que parce que chacun y faisait des utopies comme des châteaux en Espagne ; 1848 ne fut charmant que par l’excès même du ridicule. » Voilà son opinion véritable.

1403. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Lamartine »

La théorie de Platon sur l’amour n’a pourtant rien de ridicule, il s’en faut. […]      Ainsi donc, mon enfant, voilà ce grand secret Dont tout autre qu’un père en l’écoutant rirait ; Voilà par quel honteux et ridicule piège L’Esprit trompeur poussait vos pas au sacrilège….. […] Car, si je vois bien qu’il y eut d’abord en lui quelque chose de Bernardin de Saint-Pierre et de Chateaubriand, et qu’un peu de la Chute d’un ange a pu passer dans la Légende des siècles et dans les Poèmes barbares, je suis plus sûr encore que, si Lamartine procède de quelqu’un, c’est, comme je l’ai dit à satiété, des anciens poètes hindous, et qu’après Lamartine il n’y eut pas de lamartiniens, sinon négligeables ou ridicules.

1404. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre V. Swift. » pp. 2-82

Quand il rencontre le ridicule, il ne s’amuse pas à l’effleurer, il l’étudie ; il y pénètre gravement, il le possède à fond, il en sait toutes les subdivisions et toutes les preuves. […] Que nos intérêts et nos passions semblent ridicules, rabaissés à la petitesse de Lilliput, ou comparés à l’énormité de Brodingnag ?

1405. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre III. La critique et l’histoire. Macaulay. »

Il la fait comparaître, et lit l’acte d’accusation ; il présente ensuite le plaidoyer des défenseurs, qui essayent d’excuser ses légèretés et ses indécences ; enfin, il prend la parole à son tour, et prouve que les raisonnements exposés ne s’appliquent pas au cas en question, que les écrivains inculpés ont travaillé avec effet et préméditation à corrompre les mœurs, que non-seulement ils ont employé des mots inconvenants, mais qu’ils ont à dessein et de propos délibéré représenté des choses inconvenantes ; qu’ils ont pris soin partout d’effacer l’odieux du vice, de rendre la vertu ridicule, de ranger l’adultère parmi les belles façons et les exploits obligés d’un homme de goût, que cette intention est d’autant plus manifeste qu’elle était dans l’esprit du temps, et qu’ils flattaient un travers de leur siècle. […] Le mépris et la pitié étaient la seule vengeance que le parlement aurait dû prendre d’un si ridicule vieux bigot1374.

1406. (1904) Zangwill pp. 7-90

Ces bourgeois, sur le pas de leur porte, clignent de l’œil derrière vous ; ces apprentis derrière l’établi se montrent du doigt votre ridicule et vont gloser. […] Dans sa grande franchise et netteté universitaire il passe d’un énorme degré les anticipations précautionneuses de Renan ; Renan ne donnerait pas prise à de tels reproches ; il ne donnerait pas matière à de telles critiques ; il ne donnerait pas cours à de tels ridicules : Renan n’était point travaillé de ces hypertrophies : lui-même il endossait trop bien le personnage de ses adversaires, de ses contradicteurs, de ses critiques éventuels ; toute sa forme de pensée, toute sa méthode, tous ses goûts, tout son passé, toute sa vie de travail, de mesure, de goût, de sagesse le gardaient contre de telles exagérations ; il n‘a jamais aimé les outrances, et, juste distributeur, autant et plus averti sur lui-même que sur les autres encore, il ne les aimait pas plus chez lui-même et pour lui-même qu’il ne les aimait chez les autres ; il aimait moins les outrances de Renan que les outrances des autres, peut-être parce qu’il aimait Renan plus qu’il n’aimait les autres ; comme Hellène il se méfiait des hommes, et des dieux immortels ; comme chrétien, il se méfiait du bon Dieu ; comme citoyen, il se méfiait des puissances ; et comme historien, des événements ; comme historien des dieux, et de Dieu, mieux que personne il savait comment en jouer, et quelles sont les limites du jeu ; il était un Hellène, un huitième sage ; il connaissait d’instinct que l’homme a des limites ; et qu’il ne faut point se brouiller avec de trop grands bons Dieux ; il s’était donc familièrement contenté de donner à l’humanité, à l’historien, les pouvoirs du Dieu tout connaissant ; il n’eût point mis à son temple d’homme un surfaîte orgueilleux et qui bravât la foudre.

1407. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1865 » pp. 239-332

Et mes travaux, et tout ce que je fais, et mes excès d’articles, c’est pour la comprimer… Je l’ai bouchée, écrasée avec des livres, de façon à ne pas avoir le loisir de réfléchir, de n’être pas libre d’aller et de venir… Vous ne savez pas ce que c’est, reprend-il, en s’animant, et sur le ton d’une noire mélancolie, et avec des mots qui sortent d’un cœur gros, vous ne savez pas ce que c’est de sentir qu’on ne sera pas aimé, que c’est impossible, parce que c’est inavouable, comme vous l’avez dit tout à l’heure… parce qu’on est vieux et qu’on serait ridicule… parce qu’on est laid. […] Une chose qui dit tout sur cette cabale, et je donne ma parole d’honneur de la chose, c’est ce fait : avant notre pièce, aujourd’hui, on a joué Les Précieuses ridicules.

1408. (1912) Réflexions sur quelques poètes pp. 6-302

Leur superbe arsenal, leurs vaisseaux, leur palais, leur Saint-Marc, leurs profits, leurs trafics sont tournés en ridicule. […] Et cela s’aggrave par la ridicule réponse d’Œdipe qui commence ainsi : Mais c’est m’offenser, moi, prince, que de prétendre À des honneurs plus hauts que le nom de mon gendre… Œdipe, resté seul avec Cléante, lui dit avec inquiétude : Cet amant de Dircé déjà me parle en maître… Et Cléante lui répond que, sans doute, Dircé, comme fille de Laïus : Croit avoir quelque droit à la toute-puissance. […] Thésée qui feint toujours de se croire fils du roi tué par Œdipe, porte à celui-ci un défi, qui est surtout ridicule à cause d’un pareil anachronisme dans une action dramatique si fameuse. […] L’Épigramme est plus qu’un bon mot ; Or, si de maligne épigramme, Pour en affubler quelque sot, Vous savez bien ourdir la trame ; Si les vers bien faits, bien tissus, S’imprègnent bien de ridicule, Lors, c’est la robe de Nessus Qui dévore même un Hercule.

1409. (1891) Esquisses contemporaines

Et s’il y parvient parfois, s’il lui arrive de prononcer des mots comme ceux-ci : « La superstition de la grosseur est une duperie de l’esprit, lequel crée la notion de l’espace », il retombe l’instant d’après dans les pièges de Maïa, la déesse trompeuse, qui serre de plus belle autour de lui le filet des apparences et lui fait perdre de vue la seule réalité : « En vérité, que l’on soit ou que l’on ne soit pas, la différence est si parfaitement imperceptible pour l’ensemble des choses, que toute plainte et tout désir sont ridicules. […] On regarde sa chaumière depuis la lune ; on envisage la terre des hauteurs du soleil : on considère sa vie au point de vue de l’Hindou pensant aux jours de Brahma ; on contemple le fini sous l’angle de l’infini, et l’insignifiance de toutes ces choses tenues pour considérables rend l’effort ridicule, la passion burlesque, le préjugé bouffon. » Amiel voit toutes choses sous un angle trop ouvert. […] La conscience parle : « Tu dois », dit-elle, et voici que cet « effort » qui paraissait « ridicule », ce « préjugé » qui semblait « bouffon », toutes ces relations mesquines et ces mesquines préoccupations dont l’intelligence se raillait amèrement, revêtent soudain une importance et une dignité souveraine. […] L’athéisme contemporain n’est plus l’opposition frivole ou haineuse de quelques philosophes encyclopédistes aux dogmes d’une Église infidèle, mais la négation raisonnée de la science et le doute sérieux des meilleurs esprits ; la morale n’est pas seulement violée, comme elle le fut toujours, ou tournée en ridicule, comme elle le fut souvent, sa valeur même est contestée par les rhéteurs modernes, son droit à l’existence est tenu pour douteux par le déterminisme courant, et les découvertes récentes des médecins pathologistes ne sont pas pour rétablir son crédit.

1410. (1904) Le collier des jours. Souvenirs de ma vie

Cela déplut, selon toute apparence, à une société de dindons, qui d’un seul élan, avec leur figure ridicule, leurs plumes toutes gonflées, s’élancèrent sur moi en glapissant. […] Le noyé émergeait alors, les yeux hors de la tête, réduit à rien, les poils collés, gluants et ruisselants, lamentable et ridicule. […] Vues de là-haut elles me paraissaient rapetissées, comme aplaties, et très ridicules. […] En général, toute la classe la subissait en même temps et je trouvais cela plutôt amusant et très ridicule.

1411. (1901) Figures et caractères

Une vocation lente, sourde et irrésistible y naissait peu à peu. « J’avais beaucoup d’idées au-dessus de mon âge (toutes fausses, naturellement), dit Michelet, j’étais l’être le plus bizarre et peut-être le plus ridicule… J’apprenais mal, mais j’apprenais seul… Mon imagination, surexcitée par la solitude, était prodigieuse. […] La Muse vivante souffla au visage du fantôme ridicule. […] Nous y trouverons des villes mortes, en leurs ruines de marbre et de fleurs, habitées par le peuple ridicule des Bandar Logs qui sont les singes, et peut-être, en quelque nuit parfumée, assisterons-nous dans la forêt à la danse mystérieuse des éléphants sauvages. […] Certes, il y a là souvent de l’esprit, de la finesse, de la gaieté, souvent aussi du sentiment, du pathétique et de la pitié, car la vie est en même temps pitoyable et ridicule, mais quelquefois aussi tout cela ne satisfait pas. […] Quant à l’Anglais, il le trouve ridicule.

1412. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. DE VIGNY (Servitude et Grandeur militaires.) » pp. 52-90

Quand ils veulent le faire, ils la retaillent et la gâtent. » Je n’ai garde, on le conçoit, de prétendre avoir atteint du premier coup la ressemblance sur De Vigny ; c’était une nature des plus compliquées dans sa finesse et qui, par ses qualités et ses défauts, ses supériorités et ses ridicules, fait encore problème pour moi aujourd’hui ; mais, quoique le poëte en sût probablement plus long que personne sur ses secrets de composition, on va voir que, juge et partie comme il était, il n’a pas tout à fait raison contre son critique.

1413. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. LEBRUN (Reprise de Marie Stuart.) » pp. 146-189

Boursault, sur la fin du xviie  siècle, en avait fait une pièce ridicule.

1414. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE RÉMUSAT » pp. 458-491

Mais les excès et les ridicules de la réaction royaliste, surtout en 1815, la remirent bien vite et naturellement dans la justesse de son point de vue et dans le vrai de ses opinions.

1415. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIIe entretien. Madame de Staël »

Si elle encourt la gloire pour elle seule, elle encourt pour eux tous les inconvénients de la célébrité, la critique, la calomnie, l’envie, le ridicule, le mépris, quelquefois la haine.

1416. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « M. Deschanel et le romantisme de Racine »

Notez que Racine ne s’attaque qu’aux petits ridicules de ses maîtres et ne dit rien qui les déshonore.

1417. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « M. Paul Verlaine et les poètes « symbolistes » & « décadents ». »

La mienne, il est vrai, me rend peut-être plus sensible que de raison à ces insuffisances et à ces ridicules.    

1418. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, le 8 décembre 1885. »

Comme lui, il a son correspondant détraqué et ridicule, appartenant à Beckmesser.

1419. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XVII, l’Orestie. — les Euménides. »

— Eschyle n’a pas craint de noter ce bruit de leurs narines, nullement ridicule venant de pareils êtres ; le lion ronfle avant de rugir.

1420. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — CHAPITRE IX »

A vrai dire, il n’assassine pas l’amant de sa femme, il le fusille légalement, militairement, parce que l’adultère est la guerre, et qu’a cette guerre-là il est presque toujours ridicule de faire des prisonniers.

1421. (1913) La Fontaine « I. sa vie. »

Il y a eu, pendant la seconde jeunesse de La Fontaine, il y a eu à Château-Thierry, un petit mouvement littéraire qui était plus ou moins ridicule, plus ou moins sérieux, à la tête duquel était Mlle de La Fontaine elle-même.

1422. (1898) Essai sur Goethe

Il nous trace de lui-même une charmante image : il se peint sous les traits d’un étudiant de province, à la fois naïf et d’esprit alerte, assidu aux cours et capable de les juger, pourvu d’une garde-robe un peu ridicule qu’il aura le bon goût de changer à propos, attaché au dialecte de sa ville natale auquel il s’applique pourtant à renoncer, rempli de bonne volonté pour tous : en somme, un étudiant modèle, à qui les plus sévères ne sauraient que reprocher. […] En société, il est plutôt ridicule qu’agréable. […] À Leipzig, les leçons de Gellert et de Clodius ne contrarièrent pas ces dispositions acquises : le premier, vieilli, perdait peu à peu l’action très grande qu’il avait exercée sur ses élèves ; le second, petit homme un peu ridicule d’aspect, mais d’esprit modéré et judicieux, leur donnait quelques bons préceptes qu’il contredisait ensuite par l’exemple de ses mauvais vers boursouflés d’expressions prétentieuses. […] Mais, bien que sa longanimité ne soit point un trait banal, il n’est pas supérieur : il est « l’homme le meilleur qui soit sous le ciel », mais atteint de petites manies qui le marquent d’un léger ridicule ; dans les conversations « sublimes » auxquelles il prend part, il représente la raison médiocre, qui dit toujours « pourtant » ; il ose, en présence de Werther, gronder son adorable femme quand elle a négligé les emplettes du ménage ; il ne sait pas l’aimer comme elle mérite d’être aimée.

1423. (1890) La bataille littéraire. Troisième série (1883-1886) pp. 1-343

Si, par hasard, les passants s’arrêtaient, au lieu de s’apitoyer, ils souriaient en apercevant cette boîte et remarquant le bruit ridicule qu’elle laissait échapper. […] … Moi, jamais je ne pourrais… Oui, trompé, outragé, sali de ridicule et de boue, la femme pleurerait, me dirait : “Reste…” Je ne m’en irais pas… ; Et voilà pourquoi, quand j’en prends une, ce n’est jamais qu’à la nuit… Pas de lendemain, comme disait la vieille France…, ou alors le mariage. […] Tout comme elle ne comprendrait pas qu’une femme puisse résister à un officier, elle trouverait ridicule de laisser exposé à d’autres le bon jeune homme qui, pris par le désir de la chair, emmène la chair dans son hôtel peuplé d’abbés. […] Il fallait sortir de cette situation ridicule : — C’est Nicole, dit-il, qui me montrait… par un exemple la différence qu’il y a entre la bonne et la mauvaise musique, entre sa sonate et une opérette… vulgaire.

1424. (1891) La bataille littéraire. Quatrième série (1887-1888) pp. 1-398

  Le souvenir de cet homme faisant de la modestie sur le dos des peintres et des sculpteurs m’est resté comme une chose absolument ridicule, et c’est pourquoi je veux dire, sans autre circonlocution, que si ce quatrième volume paraît aujourd’hui, c’est que les trois premiers ont été accueillis avec une faveur réelle et par le monde littéraire et par le public. […] René Maizeroy ; il a fort bien compris que la banalité et le ridicule ne s’attachent qu’aux choses de la mode, et que les caractères dont sont revêtus la plupart des personnages du roman moderne ne sont que des costumes, piquants aujourd’hui, flétris demain et bientôt tombés à la friperie. […]   Sous le soleil, dans le large espace réservé, l’effet était abominable : derrière le corbillard, des membres du bureau, qu’une féroce gageure semblait avoir choisis parmi les plus ridicules vieillards de l’Institut et qu’enlaidissait encore le costume dessiné par David, l’habit à broderies vertes, le chapeau à la française, l’épée de gala battant des jambes difformes que David n’avait certainement pas prévues. […] Ridicule pour ses collègues, méconnu, insulté par sa femme, déshonoré par son fils, le pauvre Immortel commence à voir que la coupole n’est pas un abri contre les infortunes de la vie, et que le mal qu’on se donne pour s’asseoir à son ombre est loin de compenser le bonheur qu’on aurait pu gagner loin d’elle.

1425. (1895) Nos maîtres : études et portraits littéraires pp. -360

Le sujet, l’attribut, nous avons mis ces choses aux mêmes cas ; nous avons adopté une syntaxe ridicule, où s’étale, innombrable et monstrueuse, l’exception. […] J’ai eu l’honneur d’être parmi les plus ardents à les admirer, jadis, en un temps où l’on était encore à peu près unanime à les juger ridicules. […] Ou bien il tire de ces théories modernes leurs conséquences logiques et il les énonce, sérieusement, avec une austérité de prophète : saisissant, par ces supérieures attaques, quelques-uns de nous, tandis que la plupart, déjà pénétrés de l’esprit nouveau au point de n’en plus voir le ridicule, déclarent incompréhensible cette raillerie d’un autre âge. […] Lévy, cette visite d’Eugène serait « une fable ridicule » ; et M.  […] Je me suis fait un orgueil de ce qui n’était peut-être qu’un ridicule.

1426. (1890) Dramaturges et romanciers

Dès lors la crainte d’être dupe devient le mobile de toutes ses actions, et l’horreur du ridicule le critérium de sa conduite. […] Si vous n’étiez que jaloux, vous ne seriez que ridicule ; mais vous m’êtes un obstacle, et vous ne voyez pas que par conséquent vous allez devenir odieux. […] Babolain prodigue toute sa vie des trésors de tendresse sans obtenir jamais d’autre récompense que le plus profond ridicule. […] Là où il aurait fallu une comédie satirique hardie, quelque chose comme les Précieuses ridicules de l’amour, on eut un sermon, ou mieux un plaidoyer dialogué, où les personnages, gens du palais, n’ont pas eu à prendre la peine d’oublier les habitudes de leur métier. […] Cependant l’erreur capitale de l’auteur, à notre sens, est de n’avoir pas compris que les chimères sentimentales chez les femmes de la condition de Gabrielle n’appellent logiquement que le ridicule, et que par conséquent il se trompait sur la forme que devait revêtir sa pensée.

1427. (1891) La vie littéraire. Troisième série pp. -396

Il affectait dans sa personne une sorte de dandysme satanique qui semble aujourd’hui assez ridicule. […] Mais il me semble bien qu’on en retrouve dans son œuvre, au milieu d’incroyables puérilités et d’affectations ridicules, le témoignage vraiment sincère. […] Il en a fait un personnage absolument ridicule, alléguant que la Bible elle-même prêtait un rôle assez comique au démon amoureux qui, dans cette histoire, est quelque chose comme le chien du jardinier. […] Voici comment il s’explique sur sa profession : Je fais des mariages ridicules : j’unis des barbons avec des mineures, des maîtres avec leurs servantes et des filles mal dotées avec de tendres amants qui n’ont point de fortune.

1428. (1908) Après le naturalisme

Nous savons quel ridicule s’attache à vouloir, au nom d’une théorie, si juste soit-elle, imposer des barrières au génie ou aux contemporains. […] Le merveilleux, c’en est l’enfance, le balbutiement, et certes il y a aujourd’hui quelque ridicule à imaginer des légendes et faire parler innocemment des fleurs et des bêtes.

1429. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre II. Dryden. »

La plupart de leurs fables sont composées avec une histoire ridicule et incohérente. […] Les gentilshommes aujourd’hui veulent qu’on les divertisse en leur montrant leurs propres ridicules.

1430. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXIIe entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff (suite) » pp. 317-378

Il put entretenir Lise, et une demi-heure environ, bien que la veille la mère eût recommandé à sa fille de montrer moins de familiarité avec un homme « qui avait un si grand ridicule. » Il observa en elle quelque changement. […] il avait vieilli, non pas seulement de visage et de corps, mais son âme elle-même avait vieilli ; conserver jusqu’à la vieillesse un cœur jeune est, dit-on, chose difficile et presque ridicule.

1431. (1925) Feux tournants. Nouveaux portraits contemporains

La femme qui s’en va, tel est le sujet du livre dont la ligne est absolument nue ; à peine si l’égoïsme paisible et ridicule du mari nous fait sourire. […] Ce colibri lui valut bien des peines, une querelle ingrate, ridicule… Il n’aura même pas eu la consolation de recevoir, sous la triste lumière de l’Institut, ce compagnon, comme lui amoureux des âmes que Dieu tire vers soi. […] Enfant, j’avais remarqué ce nom sur la poupe d’un bateau qui faisait chaque jour le trajet d’Évian à Genève ; l’ayant noté sur un carnet, j’avais prémédité de le donner comme surnom, à la fin de mes vacances, à la rentrée, au professeur qui me paraîtrait le plus ridicule.

1432. (1925) Portraits et souvenirs

N’a-t-il pas l’art de distribuer également bien la louange et le ridicule ? […] Voici la Bonté sous les traits de Mme de Rosemonde, impuissante a prévenir les maux qu’elle prévoit, et la Prudence sous la figure de Mme de Volanges, jouée et ridicule. […] A quelqu’un de doué comme il l’est de la faculté de saisir le ridicule en sa nuance la plus ténue, la vie, en son ordinaire, n’offre-t-elle point abondamment de quoi sourire à son spectacle.

1433. (1803) Littérature et critique pp. 133-288

Les rites du christianisme sont souvent tournés en ridicule, et ceux du paganisme, au contraire, inspirent le plus vif enthousiasme. […] Mais, quand cette doctrine, en proie aux dérisions d’un siècle entier, perdit la plus grande partie de son influence, il faut, pour la rétablir, apprendre d’abord au vulgaire que ce qu’on lui peignit comme ridicule, est plein de charme et de majesté. […] Libres de ce troupeau de dieux ridicules qui la bornaient de toutes parts, les bois se sont remplis d’une Divinité immense.

1434. (1890) Journal des Goncourt. Tome IV (1870-1871) « Année 1870 » pp. 3-176

Une tête qui est un mélange de cabotin et de séminariste méridional, au-dessus d’une taille d’une petitesse ridicule. […] Chez un autre, c’eût été ridicule : chez lui, c’était si bien fait !  […] Au haut des fortifications, se détache, dans le jour aigu, la silhouette ridicule d’un garde national, encapuchonné, à défaut de capot, dans le tartan de sa femme.

1435. (1890) Derniers essais de littérature et d’esthétique

« Ridicules » signifie des « absurdités » et non des ridicules et  : « Qui ne pourra définir sa pensée » n’équivaut pas à Who can clearly define her thought ? […] Dobson appartiennent à « la littérature forte », on dit une chose ridicule. […] Ce qu’elle est, elle le fut toujours et le seul espoir qui leur reste c’est que leur ridicule nationalité irlandaise soit ensevelie et oubliée.

1436. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre III. Combinaison des deux éléments. »

Ainsi contre lui le cœur et l’esprit sont d’accord  Les textes dans la main, Voltaire le poursuit d’un bout à l’autre de son histoire, depuis les premiers récits bibliques jusqu’aux dernières bulles, avec une animosité et une verve implacables, en critique, en historien, en géographe, en logicien, en moraliste, contrôlant les sources, opposant les témoignages, enfonçant le ridicule, comme un pic, dans tous endroits faibles où l’instinct révolté heurte sa prison mystique, et dans tous les endroits douteux où des placages ultérieurs ont défiguré l’édifice primitif  Mais il en respecte la première assise, et en cela les plus grands écrivains du siècle feront comme lui.

1437. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIIe entretien. Socrate et Platon. Philosophie grecque. Deuxième partie. » pp. 225-303

Les précautions que Platon décrit pour prévenir la confusion des parentés et le danger des incestes dans cette promiscuité légale des sexes, ne sont pas moins impudiques que ridicules.

1438. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIVe entretien. Madame de Staël. Suite »

. — Sans doute les Français ont raison de recommander aux Allemands le respect pour l’expérience ; mais ils ont tort de tourner en ridicule les pressentiments de la réflexion, qui seront peut-être un jour confirmés par la connaissance des faits.

1439. (1834) Des destinées de la poésie pp. 4-75

J’ai anéanti ainsi des volumes de cette première et vague poésie du cœur, et j’ai bien fait, car à cette époque, ils seraient éclos dans le ridicule, et morts dans le mépris de tout ce qu’on appelait la littérature.

1440. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre VII. La littérature et les conditions économiques » pp. 157-190

Et dans notre siècle, combien de fois la comédie n’a-t-elle pas exploité les ridicules ou flétri les expédients des faiseurs d’affaires !

1441. (1908) Dix années de roman français. Revue des deux mondes pp. 159-190

L’Indocile nous suggère une image fidèle du désarroi dans lequel se débat le malheureux que l’on prive systématiquement de toute croyance, pour la remplacer par la panacée illusoire d’un socialisme aussi tyrannique dans son esprit d’intolérance jacobine que ridicule dans ses moyens de crochetage et de mouchardise.

1442. (1856) La critique et les critiques en France au XIXe siècle pp. 1-54

C’est une énigme qui vous défie, prête à dévorer par le ridicule l’Œdipe maladroit qui n’en trouvera pas le mot.

1443. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Proudhon » pp. 29-79

Ni sa femme, ni ses filles, ni ses amis, ni ses bons sentiments, ni sa bonne humeur, ni même les ridicules qui font dire : « J’ai ri, me voilà désarmé ! 

1444. (1858) Du vrai, du beau et du bien (7e éd.) pp. -492

Tout le monde admire le portrait de la Renommée tracé par Virgile : mais qu’un peintre s’avise de réaliser cette figure symbolique ; qu’il nous représente un monstre énorme avec cent yeux, cent bouches et cent oreilles, qui des pieds touche la terre et cache sa tête dans les cieux, une pareille figure pourra bien être ridicule. […] Le ridicule est la crainte de l’opinion dans les petites choses. La force du ridicule est tout entière dans cette supposition qu’il y a un goût commun, un type commun de ce qui sied et de ce qui convient, qui dirige les hommes dans leurs jugements, et dans leurs plaisanteries même qui sont aussi des jugements à leur manière. Ôtez cette supposition, le ridicule tombe de lui-même, et la plaisanterie perd son aiguillon. […] Convenez qu’alors cette manière d’entendre son intérêt est absurde jusqu’au ridicule, et que les héros sont des égoïstes bien maladroits et bien inconséquents.

1445. (1855) Louis David, son école et son temps. Souvenirs pp. -447

Les idées de Voltaire avaient tellement été répandues d’ailleurs pendant la révolution, que parmi les élèves de l’école, si on ne regardait pas comme un crime de parler favorablement du christianisme, c’était au moins un ridicule dont personne n’aurait osé se couvrir. […] Cette scène eut toutefois un résultat important ; elle jeta du ridicule sur ce qui restait encore, dans le langage des élèves, de locutions révolutionnaires et irréligieuses, et, de plus, elle assura la liberté des consciences. […] Moriès, Ducis, Saint-Aignan et d’autres, tout en sentant ce qu’il y avait de ridicule dans ces déclamations demi-morales, demi-esthétiques, ne pouvaient s’empêcher de reconnaître, surtout en partant des idées de David, qui étaient exagérées elles-mêmes, qu’il y avait quelque chose de plausible et de conséquent dans les nouveaux projets de réforme lancés par Maurice. […] Étienne n’était pas si scrupuleux que son ami, et il adoptait sans y attacher d’importance l’uniforme de ses camarades Forbin, Granet et autres ; mais, par intérêt pour Lullin, il avait soin dans les entretiens qu’ils avaient souvent ensemble de faire ressortir l’inopportunité, l’inconvenance et le ridicule du costume d’Agamemnon et du Phrygien Pâris, porté par de pauvres enfants de Paris obligés pour rentrer chez eux de ramasser les boues de la rue Quincampoix ou de la place Maubert. […] Ces cérémonies, toutes ridicules qu’elles nous paraissent aujourd’hui et qu’elles étaient en effet, ne laissèrent pas cependant de produire une influence salutaire ; et si, depuis l’effroyable accès d’athéisme qui s’empara des esprits de 1789 à 1792, on passe successivement de la fête de l’Être suprême en messidor an III, à ces processions païennes des Champs-Élysées, pour arriver au prétendu culte des théophilanthropes, fondé par La Réveillère-Lepeaux, on pourra reconnaître la trace du biais que prenait instinctivement l’esprit de la nation et même celui des hommes qui la gouvernaient alors pour revenir au culte catholique, auquel Bonaparte rendit les églises à son avènement au consulat.

1446. (1882) Autour de la table (nouv. éd.) pp. 1-376

Si, au contraire, elle est le partage d’un être vaniteux qui s’ignore et se croit beau, elle le condamne à un profond ridicule, et toute sa destinée sociale s’en ressent. […] Dans le premier jet de la composition de Manfred, Byron voulait rendre ce personnage odieux ou ridicule. […] Il sentait le ridicule de l’orgueil en délire ; il le raillait chez les autres, avec âpreté, afin de s’en préserver tout le premier, et il refusait tout : et la députation, et l’Académie, et la fortune, afin de ne pas perdre la tête et de garder intacte sa figure de bonhomme honnête, modeste et populaire.

1447. (1891) Enquête sur l’évolution littéraire

eux et leurs manifestations ridicules ! […] Puis il reprit : — N’est-ce pas ridicule tout cela, après tout ! […] Les voyez-vous rouler dans le noir ridicule et avec eux leurs copains élus, ces conseillers municipaux et autres Marsoulans qui barrent dans les grammaires le nom du nommé Dieu ! […] J’ai attendu, je n’ai rien vu ; j’ai lu de lui un volume de critique, la Littérature de tout à l’heure, qui est une œuvre de rhéteur ingénieuse, mais pleine de parti-pris ridicules. […] je n’en sais rien ; mais, je doute fort que le symbolisme réussisse mieux que le naturalisme réduit aujourd’hui à une formule ridicule.

1448. (1874) Histoire du romantisme pp. -399

Ce n’était pas plus ridicule, après tout, que les gilets à cœur décolletés jusqu’au ventre et retenus par un seul bouton à la mode naguère. […] Il ne nous déplaît pas, d’ailleurs, de laisser de nous cette idée ; elle est farouche et hautaine, et, à travers un certain mauvais goût de rapin, montre un assez aimable mépris de l’opinion et du ridicule. […] Nous les avons portés courts, mais cela n’a servi à rien : ils passaient toujours pour longs, et eussions-nous arrondi à l’orchestre sous l’artillerie des lorgnettes, un crâne aux tons d’ivoire nu et luisant comme un œuf d’autruche, toujours on eût assuré que sur nos épaules roulaient à grands flots des cascades de cheveux mérovingiennes, — ce qui était bien ridicule ! […] Malgré les répugnances bien concevables du brave Gaulois, le pourpoint s’exécuta, s’agrafa par derrière et, sauf le ridicule d’être dans la salle le seul de sa coupe et de sa couleur, nous allait aussi bien qu’un gilet à la mode. […] Ces choses depuis sont devenues ridicules, et le naïf Bouchardy s’en étonnait en voyant l’insuccès de ses dernières pièces, où il avait mis la même somme de talent que dans les premières.

1449. (1896) Les idées en marche pp. 1-385

Du sublime au ridicule, il n’y a qu’un pas, madame , et ce pas fut toujours franchi. […] Quand il s’agit d’esprits de cette envergure, relever des défauts peut sembler ridicule. […] Je comprends encore l’attendrissement sur les animaux, bien qu’il soit ridicule quand il est excessif et accapare toute la pitié ; mais, entre notre sensibilité et celle des arbres, les ponts me paraissent rompus depuis très longtemps. […] Dans ce même recueil sur la Littérature étrangère, on relève un éreintement ridicule de Nicolas Gogol, le romancier des Âmes mortes, l’évocateur de Tarass Boulba, on s’indigne enfin devant un abattage des forêts sacrées du Ramayana et de la poésie hindoue.

1450. (1835) Critique littéraire pp. 3-118

Pour soutenir une semblable thèse, il fallait de toute nécessité et de longue date, s’appliquer à noircir les hommes, à les peindre sous des couleurs ridicules ou odieuses. […] La princesse Quintilia est, à la liberté près, une femme accomplie ; elle est assise sur un trône de perfection, parée de [tous] les dons de l’esprit, de la grâce et de la fortune ; et à ses pieds nous voyons un troupeau d’hommes à face burlesque : un chanoine italien servile et gourmand ; un grand écuyer, type de fatuité, d’insolence et de lâcheté ; Cantharide, complaisant ridicule ; l’étudiant Max, complaisant passionné, et Saint-Julien, hélas !

1451. (1868) Rapport sur le progrès des lettres pp. 1-184

On se croyait parfaitement dispensé de réfuter quelque chose d’aussi ridicule que les idées de Platon ou le spiritualisme de Mallebranche. […] et quand elles ne verront plus dans la religion que l’intérêt des prêtres, seront-elles bien loin de ne voir dans les maximes sociales les plus sacrées que l’intérêt des riches, dans la morale qu’un frein ridicule à leurs plaisirs ? […] Le mot a fait son entrée ; ridicule triomphe ! […] Maréchal, le bourgeois légitimiste dont le marquis d’Auberive a fait un député, pour n’en avoir pas fait jadis un ridicule sans le dédommager un peu, et dont il veut faire un orateur en lui donnant un discours manuscrit à lire devant la Chambre.

1452. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Quelques « billets du matin. » »

Ce mondain raffiné sait, quand le devoir commande, secouer cette tyrannie : la peur du ridicule. […] Quant aux scènes chantées … d’abord, il n’y a rien compris (moi non plus, du reste) ; puis je crains bien que les personnages, le roi trop petit, la Chimène trop grande, le Rodrigue trop gras, criant et gesticulant avec fureur sur le bord de la scène, ne lui aient paru absolument ridicules. […] Il ose tout, il n’a pas le moindre sentiment du ridicule.

1453. (1932) Les idées politiques de la France

Les cadres ont leurs travers et leurs ridicules. […] Il serait assez ridicule de tenir Rochefort, simple figariste d’extrême-gauche, pour un socialiste. […] Il y a une critique politique négative, parfaitement à sa place dans l’atmosphère spirituelle de Paris, qui consiste à dégager le caractère ridicule ou odieux que comporte ça et là sous tous les régimes le genre de vie politique.

1454. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Les Mémoires de Saint-Simon » pp. 423-461

Si l’on va au fond et qu’on dégage le système des mille détails d’étiquette qui le compliquent et qui le compromettent à nos yeux par une teinte de ridicule, on y saisit une inspiration qui, dans Saint-Simon, fait honneur sinon au politique pratique, du moins au citoyen et à l’historien publiciste.

1455. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. RODOLPHE TÖPFFER » pp. 211-255

D’ordinaire, il y intervient un touriste ridicule, un Anglais gourmé, un Français entreprenant, une jeune fille charmante et qu’on protége, et qu’il faut trop tôt quitter.

1456. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « PARNY. » pp. 423-470

Au moment de l’apparition du volume, Ginguené, ancien camarade de collége de Parny, mais poussé surtout par son zèle pour la bonne cause, donna dans la Décade jusqu’à trois articles favorables181, analyses détaillées et complaisantes, dans lesquelles il étalait le sujet et préconisait l’œuvre : « L’auteur, disait-il, l’a conçue de manière que les uns (les Dieux) sont aussi ridicules dans leur victoire que les autres dans leur défaite, et qu’il n’y a pas plus à gagner pour les vainqueurs que pour les vaincus. » Après toutes les raisons données de son admiration, le critique finissait par convenir qu’il se trouvait bien par-ci par-là, dans les tableaux, quelques traits « qu’une décence, non pas bégueule, mais philosophique, et que le goût lui-même pouvaient blâmer » ; il n’y voyait qu’un motif de plus pour placer le nouveau poëme à côté de celui de Voltaire, de cet ouvrage, disait Ginguené, « qu’il y a maintenant une véritable tartufferie à ne pas citer au nombre des chefs-d’œuvre de notre langue. » Le succès de la Guerre des Dieux fut tel, que trois éditions authentiques parurent la même année, sans parler de deux ou trois contrefaçons.

1457. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIIIe entretien. Littérature latine. Horace (2e partie) » pp. 411-480

L’esprit n’est que la partie fugitive de l’homme ; il s’évapore avec les mœurs, les vices, les ridicules des temps et des lieux pour lesquels on a écrit.

1458. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIIe entretien. Littérature politique. Machiavel » pp. 241-320

Le Mariage de Figaro par Beaumarchais est une édification en comparaison de la farce de Machiavel ; mais les Contes de Boccace, imprimés avec les privilèges et les éloges de la cour de Rome, avaient accoutumé les Italiens au ridicule versé sur les maris et sur les moines.

1459. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre VI. Bossuet et Bourdaloue »

Prédécesseurs de Bossuet Ce serait une erreur de s’imaginer, sur la foi d’extraits trop judicieusement choisis, qu’avant Bossuet, tout est ridicule, emphatique, précieux, pédant dans les discours des prédicateurs.

1460. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre II. Prière sur l’Acropole. — Saint-Renan. — Mon oncle Pierre. — Le Bonhomme Système et la Petite Noémi (1876) »

Pardonne-moi ce ridicule ; tu ne peux te figurer le charme que les magiciens barbares ont mis dans ces vers, et combien il m’en coûte de suivre la raison toute nue.

1461. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre quatrième. Les émotions proprement dites. L’appétit comme origine des émotions et de leurs signes expressifs. »

Le marin, le cavalier, le danseur, se laissent facilement reconnaître ; les banquiers, les notaires, les avocats ont aussi des gestes qui leur sont propres ; mais ici le diagnostic devient incertain. » On sait que Lavater, quand on lui envoya le masque de Mirabeau, devina « un homme d’une énergie terrible, indomptable dans son audace, inépuisable en ressources, résolu, hautain. » On sait encore qu’un jour un inconnu se présenta à Lavater : « Regardez-moi bien et devinez qui je suis. » Lavater devina d’abord un homme de lettres, puis un homme habitué à saisir le côté ridicule des choses, ayant de l’originalité, de l’esprit.

1462. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Théâtre » pp. 83-168

Sifflé un second acte dont la fantaisie court à travers un monde d’aphorismes prétentieux, de situations bizarres, de visions hystériques, commençant au babillage d’une servante et finissant au baiser ridicule d’une femme de quarante ans.

1463. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1882 » pp. 174-231

Et votre récompense sera un article d’un petit journal qui vous accuse d’être un malin, un article de Vallès qui vous compare à Fénayrou, enfin un tas d’articles qui vous tourneront en ridicule.

1464. (1856) Cours familier de littérature. I « VIe entretien. Suite du poème et du drame de Sacountala » pp. 401-474

La comédie elle-même, quoique d’un genre de littérature aussi inférieure au drame héroïque, épique ou religieux, que le ridicule est inférieur à l’enthousiasme et que le rire est inférieur aux larmes ; la comédie a son origine dans le ciel indien : une sorte de divinité bouffonne et boiteuse, toute semblable au Vulcain de l’Olympe grec, nommée Hanoumun, a pour père le dieu des tempêtes.

1465. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Joseph de Maistre »

… » Et ailleurs : « Aussi vile que féroce, jamais elle (la Révolution) ne sut ennoblir un crime ni se faire servir par un grand homme ; c’est dans les pourritures du patriciat, c’est surtout parmi les suppôts détestables ou les écoliers ridicules du philosophisme, c’est dans l’antre de la chicane et de l’agiotage qu’elle avait choisi ses adeptes et ses apôtres. » Ce style-là, loin d’être du bon de Maistre, n’est que du mauvais La Mennais. […] Attachés à un point de l’espace et du temps, nous avons la manie de rapporter tout à ce point ; nous sommes tout à la fois ridicules et coupables. » En terminant, l’auteur s’adresse encore à l’Ombre chérie d’Eugène et retombe un peu dans la déclamation, au moins pour la forme ; mais les germes de son système de réversibilité et d’ordre providentiel viennent de se montrer et n’ont plus qu’à pousser leur développement.

1466. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre VI. Milton. » pp. 411-519

Sans craindre le ridicule, et avec la roideur d’un spéculatif tout d’un coup heurté par la vie réelle, il écrivit des traités en faveur du divorce, les signa de son nom, les dédia au Parlement, se crut divorcé, de fait, puisque sa femme refusait de revenir, de droit, parce qu’il avait pour lui quatre passages de l’Écriture ; là-dessus il fit la cour à une jeune fille, et tout d’un coup, voyant sa femme à ses genoux et pleurante, il lui pardonna, la reprit, recommença son sec et triste mariage, sans se laisser rebuter par l’expérience, au contraire destiné à contracter deux autres unions encore, la dernière avec une femme plus jeune que lui de trente ans. […] Ce diable ridicule au moyen âge, enchanteur cornu, sale farceur, singe trivial et méchant, chef d’orchestre dans un sabbat de vieilles femmes, est devenu un géant et un héros.

1467. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre III. La Révolution. »

D’autre part, il se délivre de l’ennui, son ennemi capital, et contente son besoin d’action ; le devoir conçu donne un emploi aux facultés et un but à la vie, provoque les associations, les fondations, les prédications, et, rencontrant des âmes et des nerfs plus endurcis, les lance, sans trop les faire souffrir, dans les longues luttes, à travers le ridicule et le danger. […] Je sais bien que pour Voltaire elle n’est qu’emphatique, décousue et ridicule ; les sentiments dont elle est pleine sont hors de proportion avec les sentiments français.

1468. (1842) Discours sur l’esprit positif

Si la perte d’un sens important suffit pour nous cacher radicalement un ordre entier de phénomènes naturels, il y a tout lieu de penser, réciproquement, que l’acquisition d’un sens nouveau nous dévoilerait une classe de faits dont nous n’avons maintenant aucune idée, à moins de croire que la diversité des sens, si différente entre les principaux types d’animalité, se trouve poussée, dans notre organisme, au plus haut degré que puisse exiger l’exploration totale du monde extérieur, supposition évidemment gratuite, et presque ridicule. […] Tant que ceux qui devaient participer à cette dissimulation systématique sont restés peu nombreux, la pratique en a été possible, quoique fort précaire : mais elle est devenue encore plus ridicule qu’odieuse, quand l’émancipation s’est assez étendue pour que cette sorte de pieux complot dût embrasser, comme il le faudrait aujourd’hui, la plupart des esprits actifs.

1469. (1923) Paul Valéry

Quant à la figure de lui, que le poète voudrait imposer au lecteur, diffère-t-elle beaucoup de celle qui depuis trois siècles couvre d’un ridicule mérité l’auteur de l’ode sur la prise de Namur. […] Brûlé de plus de feux que je n’en allumai est ridicule parce qu’il s’agit, dans le second terme, de feux non intérieurs, mais extérieurs, et très éloignés dans l’espace et dans le temps.

1470. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 7172-17709

Nous allons montrer ici que leur prétendu régime au génitif est le régime déterminatif du nom qui leur sert de sujet ; & que ce qu’on envisage ordinairement comme leur sujet sous la dénomination ridicule de nominatif, est véritablement leur régime objectif. […] Eh, sans sortir des matieres grammaticales, combien de regles contradictoires & d’exceptions aujourd’hui ridicules, qui remplissent les anciens livres élémentaires & plusieurs des modernes, & qu’une analyse exacte & approfondie ramene sans embarras à un petit nombre de principes également solides, lumineux & féconds ! […] L’usage des homonymes de la seconde espece exige de l’exactitude dans la prononciation & dans l’orthographe, afin qu’on ne présente pas par mal-adresse un sens louche ou même ridicule, en faisant entendre ou voir un mot pour un autre qui en approche. […] L’infinitif considéré comme nom, sert aussi à expliquer une autre espece de latinisme qu’il me semble qu’on n’a pas encore entendu comme il faut, & à l’explication duquel les rudimens ont substitué les difficultés ridicules & insolubles du redoutable que retranché. […] Mais ce qui est raisonnable par rapport à la phrase latine, seroit ridicule & faux dans la phrase françoise.

1471. (1902) Propos littéraires. Première série

— Oui, et de plus en plus : et, par parenthèse, sans afficher un désintéressement ridicule, et le disant simplement parce que je crois que c’est vrai, je ne suis pas très satisfait de ce goût croissant du public français pour la lecture des critiques. […] Tout cela est plaisant, ridicule, spirituel et charmant. — Et vrai ! […] Dans une scène très bien faite, où le mari trouve le moyen de n’être ni violent, ni odieux, ni ridicule, Duguay est prié de ne plus mettre le pied dans la maison et de rompre toute relation avec la famille Berthemy. […] Entre le beau et l’art il n’existe qu’un rapport factice et conventionnel, que les hommes ont inventé, ont supposé, mais par une confusion ridicule. […] Tolstoï, vénérable en cela, n’a jamais le moindre ménagement dans l’expression de ce qu’il croit être la vérité, ni aucune crainte à le dire, et non pas même celle du ridicule.

1472. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre III. Services locaux que doivent les privilégiés. »

Il n’y a que Versailles pour se montrer, faire figure, se pousser, pour s’amuser, converser ou causer, au centre des nouvelles, de l’action et des affaires, avec l’élite du royaume et les arbitres du ton, de l’élégance et du goût. « Sire, disait M. de Vardes à Louis XIV, quand on est loin de Votre Majesté, non seulement on est malheureux, mais encore on est ridicule. » Il ne reste en province que la noblesse pauvre et rustique ; pour y vivre, il faut être arriéré, dégoûté ou exilé.

1473. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIIe entretien. Littérature latine. Horace (1re partie) » pp. 337-410

Ces modiques domaines, augmentés sans doute de quelques milliers de sesterces accumulés par son père et soustraits à la déprédation des triumvirs, étaient loin de suffire à un jeune homme de vingt-quatre ans qui ne voulait pas alors flatter les vainqueurs ; il restait fidèle à la république autant qu’on pouvait l’être en vivant sous la loi des héritiers de César ; il composait des satires mordantes dans lesquelles les vices et les ridicules des vainqueurs ou de leurs amis étaient livrés à la malignité du peuple romain.

1474. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIIe entretien. Littérature américaine. Une page unique d’histoire naturelle, par Audubon (1re partie) » pp. 81-159

Voici le portrait qu’il en fait : Le costume mesquin et ridicule de l’Europe ne pouvait déguiser entièrement cette dignité simple et presque sauvage, dont le génie prend le caractère au sein de la solitude qui le nourrit.

1475. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre II. L’antinomie psychologique l’antinomie dans la vie intellectuelle » pp. 5-69

On peut s’en faire une conception empirique, telle que celle qu’expose Schopenhauer dans son chapitre sur les Rapports de l’intuitif et de l’abstrait et dans son chapitre sur le Ridicule 17, ou telle que la formule M. 

1476. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre VIII. La littérature et la vie politique » pp. 191-229

Il a jeté une teinte de ridicule sur les œuvres nées loin de lui ; il a dédaigné, ignoré les hommes qui n’ont pas pu ou voulu entrer dans son orbite.

1477. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVI. La littérature et l’éducation publique. Les académies, les cénacles. » pp. 407-442

Dans un latin barbare, qui n’avait qu’une lointaine ressemblance avec la langue de Cicéron, on argumentait à perte d’haleine sur telle question oiseuse ou ridicule.

1478. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 juin 1885. »

Oui, j’en suis persuadé, une gloire aussi grande que légitime, une gloire d’une espèce nouvelle, est réservée en France au musicien de génie, — car, du génie, il en faut toujours un peu, — qui, le premier, s’étant profondément imprégné de la double atmosphère musicale et poétique éparse dans nos légendes et dans nos chansons, et, le premier aussi, ayant accepté de la théorie wagnérienne tout ce qu’elle a de compatible avec l’esprit de notre race, réussira enfin, seul ou aidé par un poète, à délivrer notre opéra des entraves anciennes, ridicules ou démodées.

1479. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 juillet 1885. »

Cet Être n’est point la ridicule Volonté, absolue et inveuillante de Schopenhauer ; cet Être est l’Homme, c’est Moi, c’est la Volonté individuelle, créant le Monde des phénomènes-.

1480. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VI »

« Petrus es… et portæ inferi non prævalebunt adversus eam. » Admirables et ridicules efforts, si destituées de leur guide surnaturel !

1481. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1860 » pp. 303-358

Tout à côté se trouve l’antique tombeau d’un apothicaire ou d’un potier d’étain, où se trouvent deux seringues modelées en bronze : deux seringues témoignant combien ce peuple est insensible à l’ironie, et à quel point le ridicule n’existe pas en Allemagne.

1482. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1884 » pp. 286-347

Je parle, par exemple, du japonisme, et ils ne croient exister de cet art, que quelques bibelots ridicules, qu’on leur a dit être le comble du mauvais goût et du manque de dessin.

1483. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Gustave Flaubert. Étude analytique » pp. 2-68

Il s’adonne à rendre minutieusement le ridicule des fêtes agréables aux populations, comme les comices d’Yonville et les solennités publiques de la capitale.

1484. (1856) Cours familier de littérature. I « IVe entretien. [Philosophie et littérature de l’Inde primitive (suite)]. I » pp. 241-320

Le rire est une des mauvaises facultés de notre espèce ; c’est l’expression du dénigrement, de la moquerie, de la vanité cachée, et d’une maligne satisfaction de nous-mêmes en surprenant nos semblables en flagrant délit de ridicule.

1485. (1857) Cours familier de littérature. III « XIVe entretien. Racine. — Athalie (suite) » pp. 81-159

Et, prenant alors la parole avec une volubilité turbulente, elle raconta à Talma je ne sais quel grief théâtral ridicule et sanglant qu’elle avait contre les gentilshommes de la chambre chargés de la discipline du Théâtre-Français et contre les Bourbons qui autorisaient ces iniquités et ces humiliations. « Cela ne peut pas durer, cela ne durera pas ! 

1486. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIIIe entretien. Littérature légère. Alfred de Musset » pp. 409-488

Nous lui rendons justice sous ce rapport : ni Aristophane, ni Arioste, ni Voltaire, ni Beaumarchais, ni Camille Desmoulins, ces dieux rieurs de la facétie, n’ont surpassé ce jeune Allemand dans cet art méchant d’assaisonner le sérieux de ridicule et de mêler une poésie véritable à la plus cynique raillerie des choses sacrées.

1487. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Edgar Poe »

Sans Ligeia et Morella, où le poète inattendu et puissant jaillit d’une idée ridicule, que le monde moderne, qui n’a pas d’idées à lui, a trouvée dans le bagage de l’Orient et de l’Antiquité, — la métempsycose, — il n’y aurait pas un seul des Contes publiés là qui pût être considéré autrement que comme les tours de force d’un jongleur.

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