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1382. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe et d’Eckermann (suite) »

Mais il ne faisait vraiment cas, en fait de génies, que de ceux de la grande race, de ceux qui durent ; dont l’influence vraiment féconde se prolonge, se perpétue au-delà, de génération en génération, et continue de créer après eux.

1383. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Études de politique et de philosophie religieuse, par M. Adolphe Guéroult. »

Si je suis homme d’industrie ou de commerce, que j’habite une rue du centre, que j’aie une famille, des enfants qui aient besoin d’air et de soleil, je puis, sous le plus beau gouvernement de discussion et de discours pour ou contre, n’avoir pas la liberté de leur procurer un jardin, une promenade salubre à portée de chez moi ; j’ai au contraire cette liberté, si j’habite en 1863 près de la Tour-Saint-Jacques où l’on a créé pour les habitants du quartier un commode et riant jardin déjà plein d’ombrage.

1384. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vie de Jésus, par M. Ernest Renan »

Il s’était, depuis quelque vingt-cinq ou trente ans, créé ou développé une disposition théologique ou semi-théologique.

1385. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Œuvres de M. P. Lebrun, de l’Académie française. »

L’expression, on le voit, y est naturelle, noble, élégante, poétique même, pas assez créée toutefois, pas assez vivement pittoresque, mais puisée dans l’impression et vraie.

1386. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « La Réforme sociale en France déduite de l’observation comparée des peuples européens. par M. Le Play, conseiller d’État. (Suite et fin.) »

Pour lui, il est des premiers à reconnaître et il se fait fort d’établir que « la solution des problèmes sociaux se trouvera désormais de moins en moins dans les institutions qui maintiennent systématiquement l’inégalité entre les hommes, et qu’il faut la chercher de plus en plus dans les sentiments et les intérêts qui créent entre toutes les classes l'harmonie encore plus que l'égalité. » C’est cette harmonie sociale, dont l’histoire, découvre des exemples dans le passé sous le règne d’un autre principe, qu’il voudrait voir renaître et se former aujourd’hui autour du principe nouveau et fécond de la liberté.

1387. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, — Antiquité et Moyen Âge — Par M. J. Zeller. (Suite et fin.) »

Zeller hésite un peu sur ce point ; mais il n’hésite pas quand il attribue à César l’idée de fonder, sous un nom ou sous un autre, une monarchie populaire, universelle et, en quelque sorte, humaine : « Étendre le droit de cité à tous les hommes libres de l’Empire, régner sur le monde pour le monde entier, non pour l’oligarchie ou la démocratie quiritaires ; abaisser les barrières entre les classes comme entre les nations, entre la liberté même et la servitude, en favorisant les affranchissements et en mettant le travail en honneur ; avoir à Rome une représentation non du patriciat romain, mais du patriciat du monde civilisé ; fondre les lois de la cité exclusive dans celles du droit des gens ; créer, répandre un peuple de citoyens qui vivent de leur industrie et qu’on ne soit pas obligé de nourrir et d’amuser : voilà ce qu’on peut encore entrevoir des vastes projets de celui qu’on n’a pas appelé trop ambitieusement l’homme du monde, de l’humanité ; voilà ce dont témoignent déjà les Gaulois, les Espagnols introduits dans Rome, Corinthe et Carthage relevées, et ce qu’indiquent les témoignages de Dion Cassius, de Plutarque, de Suétone, bien qu’ils aient pu prêter peut-être à César quelques-unes des idées de leur temps. » César (s’il est permis d’en parler de la sorte à la veille d’une publication par avance illustre), César, au milieu de tous ses vices impudents ou aimables, de son épicurisme fondamental, de ce mélange de mépris, d’indulgence et d’audace, de son besoin dévorant d’action, et de cet autre besoin inhérent à sa nature d’être partout le premier, César, à travers ses coups de dés réitérés d’ambitieux sans scrupule et de joueur téméraire, avait donc une grande vue, une vue civilisatrice : il n’échoue pas, puisque son idée lui survit et triomphera, mais il périt à la peine, parce qu’il avait devancé l’esprit du temps, tout en le devinant et le servant, parce qu’il vivait au milieu de passions flagrantes et non encore domptées et refoulées.

1388. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet »

Pour des choses neuves il n’a jamais d’expressions créées ; il n’a jamais la couleur qui saisit ni le trait qui grave.

1389. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine, Recueillements poétiques (1839) »

Le bon public, qui ne crée pas, comme Jéhovah, l’homme à son image, mais qui le défigure à sa fantaisie, croit que j’ai passé trente années de ma vie à aligner des rimes et à contempler les étoiles : je n’y ai pas employé trente mois, et la poésie n’a été pour moi que ce qu’est la prière… » Nous concevons ce qu’a d’impatientant pour le poëte, et pour tout écrivain célèbre, l’idée absolue qu’on se forme de lui, et sur laquelle, bon gré, mal gré, on veut le modeler après coup.

1390. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. PROSPER MÉRIMÉE (Essai sur la Guerre sociale. — Colomba.) » pp. 470-492

Se figurer et nous représenter si au net les choses comme elles sont, comme elles ont pu être, c’est faire oublier qu’on les crée ou qu’on les combine.

1391. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Réception de M. le Cte Alfred de Vigny à l’Académie française. M. Étienne. »

Étienne s’écriait : « Il est des hommes qui voudraient garder, sous une monarchie constitutionnelle, des institutions créées pour un gouvernement absolu.

1392. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre I. Composition de l’esprit révolutionnaire, premier élément, l’acquis scientifique. »

Des molécules organiques partout répandues ou partout naissantes, des sortes de globules en voie de déperdition et de réparation perpétuelles, qui, par un développement aveugle et spontané, se transforment, se multiplient, s’associent, et qui, sans direction étrangère, sans but préconçu, par le seul effet de leur structure et de leurs alentours, s’ordonnent pour composer ces édifices savants que nous appelons des animaux et des plantes ; à l’origine, les formes les plus simples, puis l’organisation compliquée et perfectionnée lentement et par degrés ; l’organe créé par les habitudes, par le besoin, par le milieu ; l’hérédité transmettant les modifications acquises330 : voilà d’avance, à l’état de conjectures et d’approches, la théorie cellulaire de nos derniers physiologistes331 et les conclusions de Darwin.

1393. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre VI, « Le Mariage de Figaro » »

Le xviiie  siècle a créé le type de la femme absolument, paisiblement irréligieuse.

1394. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre VI. Science, histoire, mémoires »

Il a refait, d’abord, l’œuvre du xviiie  siècle, et il a dissipé les équivoques créées par Chateaubriand.

1395. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Pierre Loti »

Une nuit de calme sur la mer équatoriale lui donne cette impression qu’aux premiers âges, « avant que le jour fût séparé des ténèbres, les choses devaient avoir de ces tranquillités d’attente ; les repos entre les créations devaient avoir de ces immobilités inexprimables. » La mer d’Islande a pour lui « des aspects de non-vie, de monde fini ou pas encore créé ».

1396. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Jean Richepin »

Et il ne s’aperçoit pas, lui, le pourfendeur des dieux, que, tandis qu’il symbolise aussi malproprement la Nature et lui adresse des discours, il obéit à l’éternel instinct qui a créé les dieux.

1397. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre quatrième »

Un auteur vénitien qui écrivait en 1275, Martino Canale, traduisant en français une chronique vénitienne, disait « que langue françoise cort parmi le monde, et est la plus delitable à lire et à oïr que nulle autre. » Dante, qui créait une langue, et qui la portait tout à coup à son point de perfection, faisait l’éloge de la nôtre.

1398. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre III : Les Émotions »

Bain n’a tenu aucun compte de la transmission héréditaire qui crée cependant de si grandes différences entre les races sauvages et civilisées178.

1399. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Éloges académiques de M. Pariset, publiés par M. Dubois (d’Amiens). (2 vol. — 1850.) » pp. 392-411

Il y a un endroit de l’éloge de Pinel où, sans nommer Broussais, Cuvier venge contre lui Pinel, que son adversaire accusait d’avoir créé des êtres occultes, des affections métaphysiques en médecine.

1400. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Lettres inédites de l’abbé de Chaulieu, précédées d’une notice par M. le marquis de Bérenger. (1850.) » pp. 453-472

Chaulieu, jusque dans l’âge le plus avancé, se disait en sage qu’il faut laisser sa place à l’illusion, créer et favoriser le charme dès qu’il veut naître, et le prolonger aussi loin qu’on peut : Vous savez bien, écrivait-il à Mlle de Launay, que nous décidâmes l’autre jour que les chimères doivent avoir place parmi les projets des hommes… Croyez-moi, faites durer le charme au lieu de le faire cesser.

1401. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Pline le Naturaliste. Histoire naturelle, traduite par M. E. Littré. » pp. 44-62

Il est de grands esprits qui exagèrent peut-être les difficultés et qui créent les contradictions au sein d’eux-mêmes, pour se donner ensuite le tourment et le triomphe de les dénouer.

1402. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Mme de Genlis. (Collection Didier.) » pp. 19-37

Une femme-auteur, c’est en effet ce que Mme de Genlis était avant toute chose, et la nature semblait l’avoir créée telle, comme si c’était là désormais une des fonctions essentielles de la civilisation et de la vie : Mme de Genlis aurait certainement inventé l’écritoire, si l’invention n’avait pas eu lieu auparavant.

1403. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur Droz. » pp. 165-184

Dans ses autres écrits, et quand il créait en partie ses sujets, il abondait trop dans son propre sens, s’il est permis de le dire ; il avait de l’onction, mais l’ironie d’un Socrate ou d’un Franklin, il ne l’avait pas.

1404. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, recueillis et mis en ordre par M. A. Sayous. (2 vol. in-8º, Amyot et Cherbuliez, 1851.) — II. » pp. 494-514

Exposant dans son Mercure britannique, peu de mois avant sa mort, en janvier de l’an 1800, le caractère de la grande commotion qui allait continuer de peser sur le nouveau siècle et qui ouvrait une époque de plus dans l’histoire des vicissitudes humaines, il y montrait en vrai philosophe que le caractère de cette Révolution portait avant tout sur la destruction de toutes les distinctions héréditaires préexistantes, que c’était au fond une guerre à toutes les inégalités créées par l’ancien ordre social, une question d’égalité, en un mot : « C’est sur ce conflit, ajoutait-il, infiniment plus que sur la liberté, à jamais inintelligible pour les Français, qu’a porté et que reposera jusqu’à la fin la Révolution. » Espérons que, même en tenant moins à la liberté qu’il ne faudrait (ce qui est trop évident), nous la comprendrons pourtant assez pour démentir un pronostic si absolu et si sévère.

1405. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le surintendant Fouquet. (Article Fouquet, dans l’Histoire de Colbert, par M. P. Clément.) 1846. » pp. 294-312

Fouquet s’était créé, dans sa terre magnifique de Vaux, comme un Versailles anticipé ; il y avait fait exécuter des travaux immenses dont il s’efforça d’abord de dérober l’étendue et les dépenses à la connaissance du roi, bien que, par une contradiction singulière et bien naturelle aux fastueux, il affectât ensuite de lui en étaler les résultats et les merveilles.

1406. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Portalis. Discours et rapports sur le Code civil, — sur le Concordat de 1801, — publiés par son petit-fils — II. » pp. 460-478

Tout a été détruit, tout est dissous : En cet état, il ne s’agit pas uniquement de rétablir, il faut régénérer ; il faut s’occuper des hommes encore plus que des choses, et créer, pour ainsi dire, un nouveau peuple. — Un libérateur, dit-il encore, doit donner des lois raisonnables, et non des lois de passion ou de colère.

1407. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « L’abbé Gerbet. » pp. 378-396

Celui-ci, voyant le succès d’un recueil consacré à de si graves sujets, en conclut qu’on pouvait, à plus forte raison, créer un organe analogue pour les opinions qui étaient les siennes et celles de ses amis.

1408. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre V. Le génie et la folie »

L’homme de génie est celui qui voit plus clair que les autres, qui aperçoit une plus grande part de vérité, qui peut relier un plus grand nombre de faits particuliers sous une idée générale, qui enchaîne toutes les parties d’un tout sous une loi commune, qui, lors même qu’il crée, comme dans la poésie, ne fait que réaliser, par le moyen de l’imagination, l’idée que son entendement a conçue.

1409. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre II : Variations des espèces à l’état de nature »

Et nous pouvons concevoir aisément ces analogies, si chaque espèce a existé d’abord comme variété, et s’est formée de la même manière ; elles sont inexplicables, au contraire, si chaque espèce a été créée séparément.

1410. (1912) L’art de lire « Chapitre III. Les livres de sentiment »

Toucher, c’est faire partager au lecteur les sentiments qu’on a prêtés à ses personnages ; c’est nous mettre, par une sorte de contagion, dans l’état d’âme et dans les divers états d’âmes des personnages qu’on a créés.

1411. (1912) L’art de lire « Chapitre VIII. Les ennemis de la lecture »

Si tout cela est vrai, ne l’est-il pas que la critique est toujours là quand il s’agit d’œuvre d’art, tant pour prendre possession du beau que pour le créer, qu’il faut que le lecteur soit critique puisqu’il faut que l’auteur le soit, et qu’il faut que le poète le soit puisque le lecteur doit l’être ?

1412. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Alfred de Vigny »

Cette création d’Éloa, qui, dans l’avenir, sera l’étoile centrale de la couronne poétique de Vigny, je l’ai dit déjà, c’est l’âme même qui l’a créée et qui se mire en cette image !

1413. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Un symbole »

Il s’agit cette fois de savoir définitivement si la France de 1898 se considère, toujours comme la fille aînée de l’Église, ou au contraire si elle se suffit à elle-même pour se créer sa foi et son idéal ; il s’agit de savoir si le vote qui prosterne aux pieds du Saint-Père la France repentante et gémissante de ses péchés, doit faire plus longtemps obstacle à l’effort spontané des meilleurs vers l’indépendance et la conscience.

1414. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XII : Pourquoi l’éclectisme a-t-il réussi ? »

Personne ne se scandalisa en voyant M. de Chateaubriand recommander le christianisme à titre d’agréable, changer Dieu en tapissier décorateur, et répondre à la géologie nouvelle que le monde fut créé vieux.

1415. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1865 » pp. 239-332

* * * — Le grand succès d’une pièce, à l’heure présente, est de créer le reveneur : c’est-à-dire l’homme qui voit vingt fois Orphée aux Enfers. […] Au milieu de ces peintures est un buste en marbre d’une élégante femme, portant des armoiries à la ceinture… Bressant entre, commence par refuser le rôle, nous dit que les autres rôles sont superbes et mettent le sien au second plan, qu’il y a longtemps qu’il n’a joué, qu’il veut créer quelque chose, et que notre rôle ne lui semble qu’un rôle de confident. […] Comme nous lui parlions de la mystérieuse cristallisation du rôle d’un auteur dans la personne d’un acteur, il nous confesse le composer d’abord avec la pensée de l’auteur, en y entrant entièrement, — c’est pour cela qu’il ne crée jamais sûrement un rôle dans une pièce d’auteur mort, car pour lui, avec l’auteur, le rôle meurt. — Il faut qu’il entende l’auteur lire et expliquer le rôle dans son mouvement à lui.

1416. (1891) La vie littéraire. Troisième série pp. -396

J’ai créé moi-même ma légende, et j’ai été aussi merveilleux de mon vivant que l’a été, un siècle après sa mort, l’empereur Barberousse. […] « Au cri de ton désespoir, lui dit l’andréide, j’ai accepté de me vêtir à la hâte des lignes radieuses de ton désir, pour t’apparaître…  » Je m’appelais en la pensée de qui me créait, de sorte qu’en croyant seulement agir de lui-même il m’obéissait aussi obscurément. […] Éternelle vérité des antiques théogonies : le désir a créé le monde, le désir est tout-puissant . […] C’est elle qui crée le monde.

1417. (1903) Propos de théâtre. Première série

Est-il vrai que l’honnête homme, absolument sûr de ce que lui commande sa conscience religieusement interrogée, n’a pas à recevoir son devoir de la loi, mais crée le devoir lui-même, et n’est obligé que par ce devoir qu’il se fait ? […] c’est Corneille qui a créé la tragédie du dix-septième siècle. […] Il faut remarquer, sans sortir de la question dramatique, et au simple point de vue littéraire, que la Grâce ainsi conçue est un miracle, un miracle permanent, qui peut créer un acte sans mobile, tout au moins mettre plus d’œuvre dans l’acte qu’il n’y avait de poids dans le motif ou de force dans la volonté. […] Elle crée des êtres factices, pour ainsi dire, des êtres qui ne vivent ou voudraient ne vivre que d’idées et de beaux entretiens. […] Et c’est là qu’est le lien entre les deux drames, le moment, qui semble unique, où ils n’en forment qu’un, parce que leur conflit crée une seule lutte.

1418. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « M. de Fontanes »

En conséquence, ils ont créé une Commission révolutionnaire, composée de sept membres, chargée de se transporter dans les prisons et de juger, en un moment, le grand nombre de détenus qui les remplissent. […] Quand ils avaient créé des habitudes et des sentiments dans l’esprit et dans l’âme de leurs concitoyens, ils croyaient leur tâche presque achevée. […] Vous créez partout des constitutions républicaines. […] Si l’on voulait même y chercher aujourd’hui de ces traits de forme qui devinent et qui gravent le fond, ce génie d’expression qui crée la pensée, cette nouveauté qui demeure, on courrait risque de n’être plus assez juste pour la rapidité, le goût, la mesure, la netteté, l’élévation sans effort, l’éclat suffisant, le nombre, tout cet ensemble de qualités appropriées, dont la réunion n’appartient qu’aux maîtres.

1419. (1884) La légende du Parnasse contemporain

Eh bien, le matin de ce premier duel, se souvenant de ses mésaventures de comédien quand il créait en province quelque rôle nouveau, il s’écria, comme la balle de son adversaire lui passait près de l’oreille avec un petit bruit vif : « Il était dit que je serais sifflé à toutes mes premières !  […] L’artiste, c’est l’imitateur qui invente, le copiste qui crée ! […] Personne ne saurait créer un poète. […] Surtout, ne concluez pas de mes paroles que Leconte de Lisle ait jamais été un de ces génies exclusifs, désireux de créer des poètes à leur image et n’aimant dans leurs fils littéraires que leur propre ressemblance ! […] Quiconque imagine, crée !

1420. (1892) Impressions de théâtre. Sixième série

C’est que la passion silencieuse de Viola-Silvio a créé autour de lui comme une atmosphère de tendresse dont il est pénétré à son insu. […] J’estime qu’il doit être heureux ; et, s’il l’est, il le mérite, car son bonheur n’est point de ceux qui offusquent et qui nuisent, et qui ne sont fondés que sur ce qu’on prend aux autres : ce bonheur, c’est lui qui le crée, il lui vient de son âme, il est fait de désintéressement et d’amour. […] Il a des théories troubles, ultra-idéalistes et à la fois simplistes et même grossières, sur l’histoire, sur l’art, sur le gouvernement ; un aristocratisme de plébéien orgueilleux et glouton ; un idéalisme sensuel de gros homme sanguin que son tempérament, tourmente ; et « le culte des héros » ou, pour mieux dire, des « individus forts », parce qu’il en crée, parce que lui-même en est un. […] pour créer à l’aise ! […] Je sais bien qu’un de vos soucis a été de créer autour de votre drame une atmosphère marine ; mais ce n’était pas une raison pour tout faire évoluer autour des tables en plein air d’un cabaret de la plage.

1421. (1898) Impressions de théâtre. Dixième série

Antoine a, par le Théâtre-Libre, créé un mouvement dramatique : car qui est-ce qui crée un mouvement ? […] L’amour physique, seul, crée l’irrémédiable ; le don du corps, cela est concret, indiscutable ; cela ne peut pas être considéré comme n’ayant jamais été. […] Car on le crée en y croyant. […] C’est un lien que d’avoir souffert l’un par l’autre ; les blessures mutuelles suivies du pardon réciproque créent entre les amoureux quelque chose de fort comme un pacte de sang. […] Rien qu’en développant ma force, je crée et j’entretiens la vie autour de moi.

1422. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome I pp. 1-402

Ils inventent, ils créent. […] Or, ces conditions ne sont pas créées par ma fantaisie ; elles sont respectées par toutes les nations qui possèdent une littérature ; elles étaient connues de l’antiquité, et l’Europe moderne, en les acceptant, n’y a rien changé. […] Hugo entre le sens humain et le sens philosophique de son œuvre, et nous inclinons à penser qu’il a créé cette distinction comme tant d’autres, par amour du vocabulaire, pour le seul plaisir de manier un plus grand nombre de mots. […] Nous croyons, comme lui, que le temps ajoute beaucoup à la valeur des monuments ; mais le temps, qui combine si merveilleusement les éléments de la beauté, ne peut créer ces éléments eux-mêmes. […] La joie sereine du vieillard qui se réchauffe aux rayons du soleil, la course insouciante de l’enfant dans les bois, qui se garnissent de verdure et d’ombre, compteront certainement parmi les meilleurs tableaux créés par l’imagination de l’auteur.

1423. (1829) Tableau de la littérature du moyen âge pp. 1-332

Mais ce n’est qu’au génie qu’il est donné d’agir sur les âmes, d’élever ces monuments qui rayonnent au loin dans les siècles, et enfin de créer une littérature qui ait une date précise : cette date, c’est un grand homme. […] Mais la puissance communicative du génie n’est pas encore attachée à de tels écrits ; c’est une image heureuse de l’esprit d’alors ; ce n’est pas une œuvre créée. […] Rome ne songe pas encore à transporter le dôme du Panthéon, à créer des chefs-d’œuvre ; elle n’a ni sculpteurs, ni peintres, ni poëtes. […] C’est le souvenir de Charlemagne qui a créé cette vaste épopée, prolongée pendant plusieurs siècles. […] Ce n’est pas la pensée particulière d’un homme de génie qui éclate dans ce travail ; c’est une imagination collective, semblable à celle qui créa les belles fables de l’antiquité.

1424. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « De la poésie de la nature. De la poésie du foyer et de la famille » pp. 121-138

La femme, ce don qu’il accorda à la terre quand il voulut créer un paradis ici-bas, le bien terrestre le plus riche qui soit sorti de ses mains, la femme mérite d’être aimée, non adorée.

1425. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Une Réception Académique en 1694, d’après Dangeau (tome V) » pp. 333-350

Cette éloquence dont nous sommes encore tout éblouis, et dont vous avez créé le modèle, vous accompagne partout.

1426. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — I » pp. 93-111

L’emmenant à Grosbois, l’initiant à ses manuscrits les plus secrets et à ses papiers d’État, il l’engageait toujours, après ces choses essentielles, à n’en pas négliger d’autres moins petites et moins inutiles qu’on ne le croiraiti, à se faire du monde plus qu’il n’était, à jouer quelquefois (le jeu crée des relations, rapproche les distances, adoucit des inimitiés) ; il en venait jusqu’à lui donner des leçons sur les façons de faire sa cour et de réussir auprès du vieux cardinal.

1427. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La Margrave de Bareith Sa correspondance avec Frédéric — I » pp. 395-413

Et toute cette familiarité du « vieux frère » (comme il s’appelle) se relève d’une constante admiration pour cette sœur qu’il estime évidemment supérieure à lui par les talents et la beauté de l’intelligence, par le génie, il articule le mot : « S’il y a un être créé digne d’avoir une âme immortelle, c’est vous, sans contredit ; s’il y a un argument capable de me faire pencher vers cette opinion, c’est votre génie64. » Il est prodigue envers elle d’attentions, de petits présents ; il entre dans ses peines, il tremble pour sa vie ; il nous la fait voir avec « un je ne sais quoi de gracieux, un air de dignité tempérée par l’affabilité », que les mémoires de la margrave ne nous indiqueraient pas ; il nous intéresse, en un mot, par l’affection respectueuse qu’elle lui inspire, à cette frêle créature d’élite, à « ce corps si faible et cette santé délicate à laquelle est jointe une si belle âme ».

1428. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — III — Toujours Vauvenargues et Mirabeau — De l’ambition. — De la rigidité » pp. 38-55

Mirabeau avait fort usé dans ses précédentes lettres de l’exemple et de l’autorité de M. de Saint-Georges, cet homme d’esprit et ce philosophe dont j’ai parlé, qui demeurait rue Bergère, et qui l’avait engagé à quitter le service pour se créer une existence agréable, occupée, indépendante.

1429. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Béranger, recueillie par M. Paul Boiteau. »

Voltaire, par exemple, n’a jamais pu entrer dans l’idée de d’Holbach ou de Diderot, d’une éternité des choses ; cela ne trouve aucune case dans son cerveau pour s’y loger ; il veut absolument quelqu’un qui, à l’origine, ait créé l’univers, et qui, de près ou de loin, continue d’y présider.

1430. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset, professeur d’histoire au lycée Bonaparte. (Suite et fin) »

Mais, comme phénomène non moins mémorable, il remarque que « dans les diverses classes et jusque dans les rangs les plus élevés de l’ordre social, des hommes se sont produits qui en ont rassemblé en eux tous les traits caractéristiques, au point d’identifier leur nom avec l’idée même de ces rangs et de ces classes, et d’en paraître comme la personnification vivante. » Et il cite pour exemple Louis XIV, que la Nature créa, dit-il, l’homme souverain par excellence, le type des monarques, le roi le plus vraiment roi qui ait jamais porté la couronne.

1431. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Histoire du roman dans l’Antiquité »

Rabelais et Cervantes ont créé de forme et de fond des œuvres immortelles dont l’action réjouissante, et à certains égards libératrice, s’est prolongée et dure encore.

1432. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Souvenirs de soixante années, par M. Étienne-Jean Delécluze, (suite et fin) »

Il soutenait que le vers de Racine avait été créé exprès par lui à l’usage et à l’instar de la Cour dédaigneuse de Louis XIV, et il allait jusqu’à dire en 1818 que la cause de Racine était la même que celle des Carrosses du Roi.

1433. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Maurice et Eugénie de Guérin. Frère et sœur »

Quand il créa le Centaure, son seul morceau achevé (et qui me fait regretter qu’on ait retrouvé la Bacchante, autre morceau de lui bien inférieur et capable, vraiment, de faire tort au premier), quand au sortir d’une visite au Musée des Antiques, après avoir admiré cette œuvre vivante, correcte, magnifique, irréprochable, qu’on attribue à des sculpteurs cariens, il se dit qu’il allait, « par sa plume, commenter et étendre le ciseau29 » que fit-il, qu’imagina-t-il dans sa conception vraiment puissante ?

1434. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire. »

J’ai donc été obligé, en quelque façon, de créer une pièce nouvelle.

1435. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Le mariage du duc Pompée : par M. le comte d’Alton-Shée »

Tout immensément riche, qu’il est, qu’il se crée des devoirs, des obligations, des gênes ; qu’il devienne député, diplomate, ambassadeur, administrateur d’une grande ligne de chemins de fer, que sais-je ?

1436. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Mémoires de madame Roland »

Lorsqu’il a eu à parler de Mme Roland, comme s’il s’agissait avant tout de la disculper et de la défendre, il a essayé de diminuer son rôle actif auprès de son mari et sa part virile d’influence : il s’est refusé également à admettre qu’il se fût logé dans ce cœur de femme aucun sentiment autre que le conjugal et le légitime, ni aucune passion romanesque : « Écoutez-les, disait-il hier encore, en s’adressant par la pensée aux différents historiens ses prédécesseurs et en les indiquant du geste tour à tour : ceux-là, soit admiration sincère pour le mérite de Mme Roland, soit désir de rabaisser celui des hommes qui l’entouraient, voient dans la femme du ministre la tête qui dirige et son mari et les législateurs qui le fréquentent, et répétant un mot célèbre : Mme Roland, disent-ils, est l’homme du parti de la Gironde ; — ceux-ci, habitués à se laisser aller à l’imagination du romancier ou du poète, transforment l’être qu’ils ont créé en nouvelle Armide, fascinant du charme de ses paroles ou de la douceur de son sourire ceux qu’elle réunit dans ses salons ou qu’elle convie à sa table ; — d’autres enfin, scrutateurs indiscrets de la vie privée, se placeront entre la jeune femme et son vieux mari, commenteront de cent façons un mot jeté au hasard par cette femme, chercheront à pénétrer jusqu’aux plus secrets sentiments de son âme, compteront les pulsations de son cœur agité, selon que telle ou telle image, tel ou tel souvenir l’impressionne, et montreront sous un voile transparent l’être vers lequel s’élancent sa pensée et ses soupirs ; car à leur roman il faut de l’amour. » Et il ajoute, plein de confiance dans le témoignage qu’il invoque : « Mme Roland a raconté elle-même avec une simplicité charmante ce qu’elle a pensé, ce qu’elle a senti, ce qu’elle a dit, ce qu’elle a fait. » Eh bien !

1437. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette (suite.) »

Non pas : ne créons point un mérite imaginaire, ne déplaçons pas la question.

1438. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat. »

Notre siècle, un peu revenu depuis quelque temps du goût des révolutions en politique, a reporté cette passion assez innocemment dans l’histoire littéraire : il n’aime rien tant en ce genre que de défaire et de refaire, de détruire ou de créer ; il a un goût décidé pour déterrer ou réhabiliter des inconnus de la veille, et pour renverser de grands noms, des noms consacrés.

1439. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire de la Grèce, par M. Grote »

Wolf, quelque opinion qu’on se fasse en définitive sur ce grand procès, Wolf est plus qu’un érudit ingénieux et sagace : c’est un de ces hommes doués du génie critique comme l’Allemagne est coutumière d’en porter, et qui, d’une première vue neuve et profonde, créent une science, qui instituent une étude.

1440. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Idées et sensations : par MM. Edmond et Jules de Goncourt. »

Comme la peinture est proprement leur sphère et leur centre, ils s’attaquent au plus grand des classiques en peinture ; ils louent Raphaël (si c’est là le louer) dans des termes qui le rabaissent singulièrement : « Raphaël a créé, disent-ils, le type classique de la Vierge par la perfection de la beauté vulgaire, par le contraire absolu de la beauté que le Vinci chercha dans l’exquisité du type et la rareté de l’expression.

1441. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « UN FACTUM contre ANDRÉ CHÉNIER. » pp. 301-324

Souvent des vieux auteurs j’envahis les richesses ; Plus souvent leurs écrits, aiguillons généreux, M’embrasent de leur flamme, et je crée avec eux.

1442. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE SOUZA » pp. 42-61

Pourtant, comme art accompli, comme pouvoir de composer, de créer en observant, d’inventer et de peindre, Eugène est une plus grande preuve qu’Adèle.

1443. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE DURAS » pp. 62-80

L idée d’Ourika, d’Édouard, et probablement celle qui anime les autres écrits de Mme de Duras, c’est une idée d’inégalité, soit de nature, soit de position sociale, une idée d’empêchement, d’obstacle entre le désir de l’âme et l’objet mortel ; c’est quelque chose qui manque et qui dévore, et qui crée une sorte d’envie sur la tendresse ; c’est la laideur et la couleur d’Ourika, la naissance d’Edouard ; mais, dans ces victimes dévorées et jalouses, toujours la générosité triomphe.

1444. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre II. Les privilèges. »

Institué pour la guerre quand la vie était militante, il peut servir dans la paix quand le régime est pacifique, et l’avantage est grand pour la nation en qui cette transformation s’accomplit ; car, gardant ses chefs, elle est dispensée de l’opération incertaine et redoutable qui consiste à s’en créer d’autres.

1445. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre I. La tragédie de Jodelle à Corneille »

Mais la nature de ces sujets, par malheur, n’a inspiré aux poètes que de l’éloquence ou du lyrisme : elle n’a pas pu leur faire créer un drame.

1446. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre IV. L’Histoire »

La fausseté de cette conception absolue choque Michelet ; il a reçu de Vico son « principe de la force vive, de l’humanité qui se crée ».

1447. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre III. La poésie : V. Hugo et le Parnasse »

Hugo a les gaucheries et les spontanéités de l’humanité primitive : sa raison obscure, troublée de mille problèmes, qu’elle ne peut résoudre ni manier en leur abstraction, les pose en images concrètes : il crée des mythes.

1448. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre XI. L’antinomie sociologique » pp. 223-252

Far exemple, combien de suicides sont causés par la honte, par la crainte de l’opinion, par le respect des préjugés (suicides des filles-mères, des maris trompés), par le sentiment d’intolérabilité que le groupe, surtout les groupes étroits et fortement intégrés, crée autour de l’individu sur lequel pèse une réprobation ou un ridicule ; par l’effort sournois ou violent du groupe pour éliminer l’individu qu’il a pris en grippe.

1449. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre IV. Précieuses et pédantes »

Il fut aussi impuissant à créer un personnage.

1450. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Discours sur l’histoire de la révolution d’Angleterre, par M. Guizot (1850) » pp. 311-331

Il est impossible au critique journaliste, qui se met le plus souvent en quête pour se créer des sujets susceptibles d’intérêt, d’en éluder d’aussi importants quand ils se présentent de front.

1451. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « La Mare au diable, La Petite Fadette, François le Champi, par George Sand. (1846-1850.) » pp. 351-370

Mon seul conseil, mon seul vœu, c’est qu’un tel talent s’ouvre des voies et crée des genres tant qu’il lui plaira, mais qu’il ne serve jamais un parti.

1452. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « M. de Féletz, et de la critique littéraire sous l’Empire. » pp. 371-391

Mais le journal qu’ils avaient créé subsista.

1453. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires d’outre-tombe, par M. de Chateaubriand. » pp. 432-452

» L’homme des Mémoires d’outre-tombe ressemble extraordinairement à celui de l’Essai, mais il n’y ressemble pourtant qu’avec cette différence que, dans l’intervalle, plus d’un personnage officiel s’est créé en lui, s’est comme ajouté à sa nature, et que même en secouant par moments ces rôles plus ou moins factices, et en ayant l’air d’en faire bon marché, l’auteur des Mémoires ne s’en débarrasse jamais complètement.

1454. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Les Confessions de J.-J. Rousseau. (Bibliothèque Charpentier.) » pp. 78-97

Depuis Jean-Jacques, c’est dans la forme de langage établie et créée par lui que nos plus grands écrivains ont jeté leurs propres innovations et qu’ils ont tenté de renchérir.

1455. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Étienne Pasquier. (L’Interprétation des Institutes de Justinien, ouvrage inédit, 1847. — Œuvres choisies, 1849.) » pp. 249-269

Certes, si quelque chose était capable en France de contrebalancer l’impétuosité et l’impatience particulière à la nation, à la noblesse comme au peuple même, de créer à temps ce respect de la loi qui est comme un sens public qui nous manque et qui est aboli en nous, c’était ce corps intègre, tenant un milieu magistral, ce corps de politiques encore croyants, bons chrétiens et catholiques sans être ultramontains, royalistes loyaux et fervents sans être courtisans ni serviles.

1456. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Nouveaux documents sur Montaigne, recueillis et publiés par M. le docteur Payen. (1850.) » pp. 76-96

Ce style à la Montaigne, si conséquent et si varié dans la suite et l’assortiment des images, exige qu’on crée à la fois une partie du tissu même, pour les porter.

1457. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Charles Perrault. (Les Contes des fées, édition illustrée.) » pp. 255-274

Il y exprimait pourtant une idée très philosophique, c’est qu’il n’y a pas de raison pour que la nature ne crée pas aujourd’hui d’aussi grands hommes qu’autrefois, et qu’il y a place, dans sa fertilité inépuisable, à un éternel renouvellement des talents.

1458. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La princesse des Ursins. Lettres de Mme de Maintenon et de la princesse des Ursins — I. » pp. 401-420

À propos d’une prétention élevée par les grands contre les capitaines des gardes, elle veut qu’on achève de briser cette cabale des grands qui profitent de la faiblesse d’un nouveau régime pour se créer des titres et des prérogatives : autrement ce serait le moyen de retomber en Espagne dans les mêmes embarras où l’on était sous la Fronde, « du temps que les Français n’étaient occupés qu’à se contrarier ».

1459. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La princesse des Ursins. Lettres de Mme de Maintenon et de la princesse des Ursins — II. (Suite et fin.) » pp. 421-440

Mme des Ursins, parmi les princesses d’Europe, en choisit exprès une des moindres, qu’elle pût créer comme de ses mains et former à sa dévotion.

1460. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Boileau. » pp. 494-513

en considérant cette lignée de frères ressemblants et inégaux, il me semble que la nature, cette grande génératrice des talents, essayait déjà un premier crayon de Nicolas quand elle créa Gilles ; elle resta en deçà et se repentit ; elle reprit le crayon, et elle appuya quand elle fit Jacques ; mais cette fois elle avait trop marqué.

1461. (1897) Préface sur le vers libre (Premiers poèmes) pp. 3-38

Gustave Kahn, dit-il, innova une strophe ondoyante et libre dont les vers, appuyés sur des syllabes toniques, créaient jusqu’en sa perfection la réforme attendue ; il ne leur manquait qu’un peu de force rythmique, à telles places, et une harmonie sonore plus ferme, et plus continue que remplaçait d’ailleurs une heureuse harmonie de tons lumineux.

1462. (1911) Jugements de valeur et jugements de réalité

Elle ne peut pas se constituer sans créer de l’idéal.

1463. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre V. Séductions pour la compréhension de la psychologie indigène. — Conclusion »

On pourrait dire que cette parenté d’élection qu’est l’amitié crée souvent des liens beaucoup plus solides que la parenté de sang. — Le titre de frère, donné à un camarade, caractérise l’amitié à son plus haut degré.

1464. (1892) L’anarchie littéraire pp. 5-32

Impuissants à créer, ils ont cherché à accaparer l’œuvre des Décadents : ce sont les parasites d’une idée.

1465. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Édelestand du Méril »

Il n’y a, au fond, dans toute cette histoire, reprise en sous-œuvre par du Méril, que la vieille histoire connue, qui peut s’écrire en quelques mots et qu’il a mise en cinq cents pages, — si brillantes de talent, du reste, qu’il semble ne pas avoir bavardé, — de la comédie, sortant partout de la danse, sa plus profonde racine ; dérivant, en peu de temps, du langage mimique au langage religieux et processionnel ; s’imprégnant plus tard de politique dans des sociétés fortement politiques comme les sociétés grecques, et vivant ainsi jusqu’au moment où l’imagination reconquiert ses droits et crée une autre comédie, la comédie désintéressée de tout ce qui n’est pas l’observation de la nature humaine… Et, vous le voyez !

1466. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « IX. Mémoires de Saint-Simon » pp. 213-237

Saint-Simon a les mœurs extérieures de son temps, qui créa peut-être l’hypocrisie, cet hommage que le vice rend à la vertu, mais qui, ayant l’inconvénient, a les avantages, la dignité dans le langage et dans la conduite, la convenance, la gravité.

1467. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Xavier Aubryet » pp. 117-145

la critique s’est reposée, comme Dieu quand il eut créé l’univers.

1468. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « J. de Maistre » pp. 81-108

Te faire obéir par les générations futures et créer des coutumes vénérables, ces préjugés conservateurs, pères des lois et plus forts que les lois ?

1469. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Ernest Renan »

Il a créé, dit-il encore, à quelques égards, la religion définitive, qui est l’absence de religion.

1470. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Jean Richepin »

L’absence de foi religieuse, l’indifférence de tout ce qui créait la vie morale autrefois, ont empêché son observation d’être complète et lui ont mutilé son œuvre.

1471. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre III : M. Maine de Biran »

Lorsqu’on a de l’imagination comme M. de Biran et les scolastiques, on suppose que cette force est quelque chose « d’ineffable, d’immatériel, d’hyperorganique, qui sort du premier fait, ainsi qu’un fluide subtil, et va s’infiltrer dans le second, s’y appliquer, le tirer, le pousser », y créer des modifications et des formes nouvelles.

1472. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXVI. Des oraisons funèbres et des éloges dans les premiers temps de la littérature française, depuis François Ier jusqu’à la fin du règne de Henri IV. »

Ce roi brave, mais d’une valeur moins éclatante que son père protecteur des lettres, mais sans cette espèce de passion qui tient de l’enthousiasme, et le fait naître chez les autres ; avide de gloire, mais incapable de cette hauteur de génie qui s’ouvre de nouvelles routes pour y parvenir ; gouverné par des favoris qui dirigeaient à leur gré sa faiblesse ou sa force, et poussé en même temps par l’esprit de sa nation et de son siècle, qu’il trouva créé et auquel il n’ajouta rien, n’eut ni dans l’esprit, ni dans l’âme, cette espèce de ressort qui fait la grandeur.

1473. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXIII. »

De Corneille à la Fontaine, quels tons de poésie sublime et naïve n’avait-elle pas créés ou reproduits !

1474. (1874) Portraits contemporains : littérateurs, peintres, sculpteurs, artistes dramatiques

N’est-ce pas Alexandre Dumas qui disait de Shakspeare : « Shakspeare, l’homme qui a le plus créé après Dieu » ; le mot serait encore plus juste appliqué à Balzac ; jamais, en effet, tant de créatures vivantes ne sortirent d’un cerveau humain. […] Balzac a donc créé beaucoup plus qu’il n’a vu. […] Celui qui créa tant de types, analysa tant de caractères, fit mouvoir tant de personnages, devait réussir à la scène ; mais, connue nous l’avons dit, Balzac n’était pas prime-sautier et l’on ne peut pas corriger les épreuves d’un drame. […] Il est mort de son métier, comme nous mourrons tous : de la perpétuelle tension de l’esprit, de l’effort sans repos, de la lutte avec la difficulté créée à plaisir, de la fatigue de rouler ce bloc de la phrase, plus pesant que celui de Sisyphe. […] Seulement il y a entre Tony Johannot et Gavarni cette différence, que le premier fait ses meilleurs dessins sur des livres, et que Gavarni aime mieux créer lui-même son sujet.

1475. (1890) Les romanciers d’aujourd’hui pp. -357

Forts de la poétique, préconisant les œuvres documentaires et le mépris de la rhétorique, ces ambitieux manœuvres créèrent une littérature de reportage qui, depuis dix ans, nous harcèle. […] Ils renonceront, nous l’avons vu, au terme abstrait en faveur de l’image ; ils choisiront dans les mots ceux qui ont, en soi-même et en dehors du sens, une beauté et une valeur propres25, par quoi ils seront amenés, ou à les détourner de leur vrai sens, ou à les associer, en vue de l’effet, à des mots d’un autre ordre, ou à créer de toutes pièces des vocables nouveaux. […] Bergerat est « zutiste », et c’est un peu lui qui a créé le groupe ou qui l’a baptisé, tout au moins. […] Il s’est créé, en ces dernières années, — et par l’éveil d’une curiosité que nos pères ne connurent point et qui fait de ce siècle le plus impersonnel de nos siècles littéraires, — tout un genre nouveau qu’on pourrait cataloguer sous le nom de roman de voyage, la prétention de ceux qui cultivent le genre étant tout autant d’enseigner que d’intéresser. […] On en invente ; on crée ces épithètes extraordinaires, ces verbes macabres, ces mots surprenants, qui ne participent pas plus du français que du chinois et qui font de certains livres modernes une énigme prétentieuse et puérile. » 177.

1476. (1902) Le critique mort jeune

Lilith, d’après une tradition hébraïque écartée par la Bible orthodoxe, mais recueillie par la Kabbale, serait la première femme créée par Dieu aussitôt après Adam et de la même argile que lui. […] Le goût des idées au degré où il l’avait, et qui fait qu’on aime à les expliquer, à les répandre, à les contredire, crée surtout des journalistes et des polémistes. […] Il se créa en fin de compte un genre personnel d’où la doctrine parfois n’est pas absente, où les impressions ne sont pas rares, et à qui l’on demandera toujours utilement des renseignements et des faits. […] On cherchera donc très peu chez lui ce qu’il faut penser d’un écrivain, à peine ce qu’il en pense, beaucoup, en revanche, ce que cet écrivain a fait et dit, mais surtout quelles objections, quelles réfutations, quelles idées nouvelles il en a tirées, — quelle œuvre propre enfin le critique a créée à l’occasion du livre qui était son sujet d’étude. […] Les poètes classiques, en face d’Éros, avaient créé Anteros, qui combat le dieu cruel et qui aide à panser ses plaies.

1477. (1929) Critique et conférences (Œuvres posthumes III)

Et je suis sûr que la Présence Réelle se fout de toutes les Messes Noires ou Nègres, puisqu’il a été créé et mis au monde pour ça. […] » Et j’aime encore la Prière pour la Paix, où le poète se rêve et se crée un ossuaire parmi les pavots, pour y reposer enfin sa tête fatiguée et son cœur las, où il puisse tout de même, au bout de tant de vie et de pensée, dormir du vrai, vrai sommeil. […] Cette fois, non plus comme dans l’autre occurrence, il ne s’agit pas de combat ni même de victoire contre l’oppressif sentiment qui créa les splendides mais si tristes grandes œuvres du commencement de ce siècle. […] Lisez bien vite ou relisez l’ingénieuse légende créée de toutes pièces par l’imagination très, et très admirablement aimable du poète ! […] Il est évident que l’impérieuse métrique, créée par Ronsard et Malherbe, puis soumise à l’épreuve sévère de l’application Cornélienne, que Racine se vit contraint d’employer pour ses tragédies, a contribué à cette apparence d’excessive régularité ; mais il ne faut point oublier que l’auteur des Plaideurs, avait déjà élaboré les plus merveilleux instruments de rythme et de rimes, et que les plus lucides, les plus habiles des modernes artisans du vers, tel Banville, les avaient employés en les empruntant surtout au maître, en lui en rendant révérencieusement hommage. — Mais tout ceci ne fait que raffermir mon affirmation, à savoir que Shakespeare, en dépit de sa prolixité jamais lassante, ou même de ses quelques rares et si surprenantes platitudes : — (l’on pourrait croire qu’elles y furent mises exprès) — est en toutes circonstances : amusant dans le sens que Baudelaire employait pour l’Iliade et des histoires d’E.

1478. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 5482-9849

On a osé dire la gloire de Dieu ; il travaille pour la gloire de Dieu, Dieu a créé le monde pour sa gloire : ce n’est pas que l’Être suprème puisse avoir de la gloire ; mais les hommes n’ayant point d’expressions qui lui conviennent, employent pour lui celles dont ils sont les plus flatés. […] Il est vrai que ceux qui étoient voués au Seigneur par anatheme, ne pouvoient être rachetés, ainsi qu’on rachetoit les bêtes, & qu’il falloit qu’ils périssent : mais Dieu qui a créé les hommes, peut leur ôter la vie quand il veut, & comme il le veut : & ce n’est pas aux hommes à se mettre à la place du maître de la vie & de la mort, & à usurper les droits de l’Etre suprème. […] « Dieu m’a créé, Dieu est au-dedans de moi ; je le porte par-tout ; pourrois-je le souiller par des pensées obscènes, par des actions injustes, par d’infâmes desirs ? […] L’imagination active est celle qui joint la réflexion, la combinaison à la mémoire ; elle rapproche plusieurs objets distans, elle sépare ceux qui se mêlent, les compose & les change ; elle semble créer quand elle ne fait qu’arranger, car il n’est pas donné à l’homme de se faire des idées, il ne peut que les modifier. […] C’est par elle qu’un poëte crée ses personnages, leur donne des caracteres, des passions ; invente sa fable, en présente l’exposition, en redouble le noeud, en prépare le dénouement ; travail qui demande encore le jugement le plus profond, & en même tems le plus fin.

1479. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1889 » pp. 3-111

Oui, oui, c’est indéniable, les auteurs dramatiques de tous les pays depuis les plus renommés dans les anciens jusqu’à Sardou, manquent d’imagination et créent d’après les autres. […] Mévisto me demande, de la manière la plus pressante, de créer le rôle du général Perrin, qu’il veut montrer sous l’aspect d’un général plébéien. […] Le docteur Robin, qui pendant ses vacances, s’amuse à créer dans une grande propriété qu’il possède à Dijon, des fraises monstres et des melons noirs, parle d’une vigne possédée par un de ses voisins, vigne appelée : Le clos du Chapitre, et où l’on exploitait encore une mine de fer au milieu du xve  siècle.

1480. (1914) Note conjointe sur M. Descartes et la philosophie cartésienne pp. 59-331

Toute deuxième goutte qui se présente trouve qu’il faudrait créer. […] Ou plutôt la volonté de Dieu a créé, s’est créé deux limitations et pour ainsi dire deux manquements : l’un est la liberté de l’homme, dans l’ordre de la vie ; l’antre est la force de l’habitude, dans l’ordre de l’amortissement et de la mort. […] C’est par un plein jeu de sa liberté de créateur qu’il a revêtu la liberté créée. […] Rien n’est aussi faux, rien n’est aussi intellectuel, rien n’est aussi arbitraire que cette idée moderne, et en dedans cette idée de nos certains catholiques que quand on soutient de la main une muraille chancelante on crée un état de fait, une situation statique et stable dont ensuite il n’y a pas à s’occuper. […] Le monde moderne a créé une situation nouvelle nova ab integro.

1481. (1863) Histoire de la vie et des ouvrages de Molière pp. -252

Aimé-Martin, il nous fait voir Molière jouant devant Louis XIV, au château de Vaux, le rôle d’Éraste des Fâcheux 6 qui, dans le fait, fut créé par La Grange. […] On a dit de mademoiselle Du Parc, à laquelle son grand air avait fait donner le surnom de « la Marquise », que, dans la plupart de ses rôles, sa beauté et ses grâces avaient joué pour elle ; elles ne gâtaient rien sans doute, mais son renom s’est établi sur des rôles créés avec un vrai talent. […] Il ne craignit pas plus tard de confier le rôle de Tartuffe à Du Croisy, qui le créa avec beaucoup de talent. […] Il avait créé d’une manière si comique le rôle d’Alain de L’École des femmes, que Louis XIV s’était écrié, en l’y voyant pour la première fois : « Cet homme-là ferait rire des pierres !  […] Celle-ci créa plusieurs rôles avec un véritable talent ; et son mari, dont on avait désespéré absolument jusque-là, représenta d’une manière satisfaisante certains personnages des comédies de notre auteur, notamment Thomas Diafoirus du Malade imaginaire.

1482. (1896) Études et portraits littéraires

Zola crée des simulacres géants, les images très claires qui se forment en Maupassant ne dessinent aucun monstre, laissent leur taille aux hommes et aux choses, mais éliminent, ordonnent, abrègent. […] Zola, qu’il faut bien compter, lui aussi, parmi les poètes, et dont le symbolisme brutal crée tant de monstres, a trouvé celui-là tout vivant, et il l’a choisi pour le complice, puis pour l’ennemi d’un de ses héros19. […] Je ne parle pas du jeune Sylvestre Moan, qui mourut dans sa chasteté première, innocence exquise sous une enveloppe virile, la plus gracieuse figure qu’ait créée Loti. […] Et l’Extrême-Orient, on le sait, est bien fait pour la suggérer, avec son climat qui accélère le jeu de la vie jusqu’au vertige, ses ardeurs à créer et à tuer, ses fermentations et ses fièvres. […] Il énerve la volonté qui, à ce jeu « d’illusions scéniques » dissipées par l’esprit à mesure qu’il les crée, ne trouve pas son emploi.

1483. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome III pp. -

Outre les expressions lubriques dans cette histoire, il y en a beaucoup de repréhensibles à d’autres égards ; par exemple, celles-ci : Après une éternité toute entière, Dieu créa le monde ; comme si une éternité pouvoit finir : à l’air aisé dont Dieu faisoit des miracles, on voyoit bien qu’ils couloient de source… Le mal alloit toujours croissant, à la honte du seigneur Dieu… les aventures des patriarches… après une telle aventures… & mille autres qu’on lisoit dans la première édition, & dont le P. […] de Port-royal, tous cartésiens : ce n’est pas qu’ils prétendissent que toutes les idées sont créées avant nous. […] Si Descartes nous induit souvent en erreur, je doute que ce soit dans ce cas, & que Locke, dont les opinions sont aujourd’hui les seules à la mode, que Locke, qui certainement a créé la métaphysique, comme Newton la physique, nous ait appris plus de choses sur l’origine de nos idées & de nos connoissances, sur la cause efficiente qui les produit. […] Il nous donne l’histoire véritable de notre ame, nous montre combien il est faux qu’elle soit créée avec le germe de toutes ses idées, & nous confirme le sentiment de Locke, qui ne rapporte qu’à nos sens l’origine de toutes nos connoissances. […] Les nouvelles représentations du général, appuyées de celles de Robert Bellarmin, créé nouvellement cardinal, & la mort du cardinal Alexandrin, achevèrent de déterminer le pape à faire revenir les consulteurs sur tout ce qu’ils avoient fait.

1484. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. THIERS. » pp. 62-124

Les témoins plus ou moins victimes de la révolution n’ont jamais consenti à y reconnaître cette marche régulière jusque dans le sang, cet ordre dans le désordre ; ils ne se sont jamais laissé conduire par l’historien, si engageant qu’il fût, à ce point de vue distant où la perspective se dégage, où souvent elle se crée aussi. […] Laissons de côté des voiles inutiles, qui n’en sont plus pour personne : le ministère Polignac avait été constitué exprès pour lancer les ordonnances ; le National fut créé exprès, et le cas prévu échéant, pour renverser la dynastie parjure ; tout y fut dirigé dans ce but, et avec le soin vraiment patriotique de ne frapper qu’à la tête, en respectant autant que possible le corps de l’État.

1485. (1813) Réflexions sur le suicide

Mais créer, pour ainsi dire, un nouveau monde dans lequel la vertu fasse abandonner ses devoirs ; la religion, se révolter contre l’autorité divine ; l’amour, immoler ce qu’on aime : c’est le triste résultat de quelques sentiments sans harmonie, de quelques facultés sans force et d’un besoin de célébrité auquel les dons de la nature ne se prêtaient pas. […] Certes, notre imagination même peut concevoir mieux que cette terre, mais quand elle n’y parviendrait pas, est-ce à nous de considérer la Divinité comme un poète qui ne saurait créer une seconde œuvre plus belle que la première ?

1486. (1858) Cours familier de littérature. V « XXIXe entretien. La musique de Mozart » pp. 281-360

Ce fut la forme flamboyante d’un dragon que revêtit le dieu, lorsque, traversant les sphères lumineuses, il vola vers la belle Olympie pour créer à son image un souverain du monde ! […] Bacchus, toujours jeune et beau, créa le premier les joies de l’ivresse.

1487. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers (3e partie) » pp. 249-336

Il rêve l’empire d’Occident ; il couronne son second frère Louis roi de Hollande ; son beau-frère Murat reçoit le duché de Berg ; des principautés sont données à tous les princes et à toutes les princesses de sa famille ; ses généraux reçoivent des titres, des dotations, des souverainetés ; il partage les dépouilles d’Austerlitz entre sa cour ; il rétrécit ou il élargit à son gré les États des princes allemands ; il crée la Confédération du Rhin, dont il se déclare le chef : grande pensée qui lui crée un parti français en Allemagne, et qui mine l’Autriche par les mains de ses propres feudataires.

1488. (1856) Jonathan Swift, sa vie et ses œuvres pp. 5-62

L’on ne manquera jamais de mots convenus ou créés pour distinguer ceux qui sont au ministère de ceux qui veulent y arriver. […] Les Whigs triomphèrent et les ministres se crurent perdus jusqu’au 29 décembre, où la reine rendue à leur influence, créa 12 nouveaux pairs partisans de la paix.

1489. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre X, Prométhée enchaîné »

La splendeur du feu qui crée tout, il l’a transmise aux mortels. » Le bon Héphestos répugne fort à l’affreuse corvée que l’Olympien lui inflige ; il se rappelle sa parenté cosmique avec Prométhée. […] C’est la parole du poète ou du philosophe, cette langue de feu qui défie sa foudre et qui saura détruire ce qu’elle a créé.

1490. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre quatrième. Éléments sensitifs et appétitifs des opérations intellectuelles — Chapitre deuxième. Les opérations intellectuelles. — Leur rapport à l’appétition et à la motion. »

C’est l’attention volontaire et l’aperception intellectuelle qui créent le jugement proprement dit. […] Mais cette infériorité de la représentation par rapport au réel crée aussi une supériorité : elle rend possible le monde des idées, qui n’est pas une pure copie du monde réel, mais un prolongement de la réalité dans la pensée, et où la réalité même prend une direction nouvelle : le monde des idées est ainsi, sous tous les rapports, un monde de forces.

1491. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 13, qu’il est probable que les causes physiques ont aussi leur part aux progrès surprenans des arts et des lettres » pp. 145-236

Les peuples d’une patience et d’une subtilité de main inconcevable, avoient même créé l’art de faire une espece de mosaïque avec les plumes des oiseaux. […] Ils ont vécu en même-temps que Le Nostre, si célebre pour avoir perfectionné et même créé en quelque façon l’art des jardins, en usage aujourd’hui dans la plus grande partie de l’Europe.

1492. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre I. De l’intensité des états psychologiques »

Elle y supplée par cette longue camaraderie que la communauté des influences subies a créée entre elle et nous, et qui fait qu’à la moindre indication d’un sentiment nous sympathisons avec elle, comme un sujet habitué obéit au geste du magnétiseur. […] Car si la confusion de la qualité avec la quantité se limitait à chacun des faits de conscience pris isolément, elle créerait des obscurités, comme nous venons de le voir, plutôt que des problèmes.

1493. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « L’abbé de Bernis. » pp. 1-22

J’en ai, de tout temps, retenu ces vers qui ne sont pas les seuls qu’on pourrait citer : Dieu, père universel, veille sur chaque espèce ; Il soumet l’univers aux lois de sa sagesse ; De l’homme elle s’étend jusqu’au vil moucheron : Il fallait tout un Dieu pour créer un ciron !

1494. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « De l’état de la France sous Louis XV (1757-1758). » pp. 23-43

Au reste, dans ce que nous aurons à dire cette fois, nous prendrons Bernis bien moins comme ministre que comme témoin et rapporteur de la situation déplorable qu’il a contribué à créer, et à laquelle il assiste sans avoir force ni crédit pour y porter remède.

1495. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. de Stendhal. Ses Œuvres complètes. — I. » pp. 301-321

Ce génie, qu’il n’appartenait point à la critique de créer, a manqué à l’appel ; des talents se sont présentés en second ordre et ont marché assez au hasard.

1496. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Une petite guerre sur la tombe de Voitture, (pour faire suite à l’article précédent) » pp. 210-230

Il n’a été donné à personne en son temps d’imiter Voiture ; le seul que la nature semble avoir créé alors pour être son second tome, un peu moindre, mais faisant suite sans effort, c’est Sarazin.

1497. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric-le-Grand Correspondance avec le prince Henri — II » pp. 375-394

Le prince embellissait ses jardins, y créait des accidents heureux, y fondait des monuments commémoratifs avec des inscriptions longuement méditées pour les guerriers qui lui étaient chers ; il dessinait, peignait quelquefois, s’amusait à faire des vers, à écrire des pièces de théâtre qu’on jouait devant lui, ou inspirait les motifs de leurs opéras les plus applaudis aux compositeurs de sa petite cour.

1498. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Vie de Maupertuis, par La Beaumelle. Ouvrage posthume » pp. 86-106

Ses vues s’agrandissant, il voulut fonder à Copenhague une sorte d’athénée, y devint professeur de belles-lettres françaises, y créa une feuille périodique littéraire, une gazette manuscrite, et publia un volume de Pensées, dont une, légère de ton, alla blesser Voltaire.

1499. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Madame Swetchine. Sa vie et ses œuvres, publiées par M. de Falloux. »

Son esprit vif, aiguisé, subtil, sa fermeté et son élévation de caractère, un certain art suivi de serrer les liens et de rattacher sans cesse les relations de société à des convictions et à des espérances d’un ordre supérieur, créèrent son ascendant sur tout ce qui l’entourait et l’approchait : son influence peu à peu s’organisa.

1500. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers. »

Le temps peut créer bien des obstacles et n’en peut écarter aucun.

1501. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La comtesse d’Albany par M. Saint-René Taillandier (suite et fin.) »

Je ne suis pas de ceux qui veulent à tout prix des mensonges, ni qu’on leur crée des existences fabuleuses et plus belles qu’elles ne l’ont été de leur temps ; mais quand je rencontre quelque part, dans un passé encore voisin de nous et si aisé à vérifier, de ces vies paisibles, ornées, décorées de grâce et de courtoisie, et jalouses d’en répandre le reflet autour d’elles ; quand, au milieu de cet envahissement comme forcené d’ambition, d’activité et d’industrie qui nous pousse et nous déborde en tout genre, je découvre, en me retournant, une île enviable et fortunée, une oasis d’art, de littérature, d’affection et de poésie, je demande qu’on n’en diminue pas le tableau à mes yeux sans de bonnes et fortes raisons, et que ceux qui sont dignes d’apprécier ce cercle heureux et de le peindre nous le rendent, ainsi que la noble figure qui y préside, avec tout le charme qui s’y attachait réellement, et dans un miroir non terni, dans une glace pure, unie et fidèle.

1502. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Sismondi. Fragments de son journal et correspondance »

C’en est assez, ce me semble, pour créer de nous à lui un premier intérêt.

1503. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Dominique par M. Eugène Fromentin »

Autant vaut donc ne pas parler de couleur et déclarer que c’est très beau ; libre à ceux qui n’ont pas vu Boghari d’en fixer le ton d’après la préférence de leur esprit. » Je remarque à la fois chez le peintre écrivain et sa répugnance à employer un ton cru, et son autre répugnance à créer ou à introduire un nom technique pour un ton nouveau : l’indice du procédé et du scrupule de M. 

1504. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette »

Tout un courant s’est créé en ce sens, et le vent y pousse.

1505. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Réminiscences, par M. Coulmann. Ancien Maître des requêtes, ancien Député. »

Il est difficile, en général, à une femme de se créer sa palette ; elle accepte d’ordinaire celle de son temps.

1506. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée par. M. le Chevalier Alfred d’Arneth »

Il a été créé noble et chevalier.

1507. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

M. de Talleyrand péchait par là : « Il n’était pas homme, nous dit sir Henry Bulwer, à créer, à stimuler, à commander.

1508. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « M. de Sénancour — M. de Sénancour, en 1832 »

Cela est assez vrai et le sera de plus en plus, j’espère ; pourtant, jusqu’ici, il y aurait lieu de soutenir, sans trop d’injustice, que cette fièvre de publicité, cette divulgation étourdissante, a eu surtout pour effet de fatiguer le talent, en l’exposant à l’aveugle curée des admirateurs, en le sollicitant à créer hors de saison, et qu’elle a multiplié, en les hâtant, l’essaim des médiocrités éphémères, tandis qu’on n’y a pas gagné toujours de découvrir et d’admirer sous leur aspect favorable certains génies méconnus. 

1509. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « UN DERNIER MOT sur BENJAMIN CONSTANT. » pp. 275-299

» Prolonger de telles situations, les créer par amusement, tout en se flattant d’avoir trois cœurs, c’est le sûr moyen de n’en avoir bientôt plus un ; à un tel régime la sensibilité véritable s’épuise, la volonté se ruine et s’use, l’être moral intérieur arrive vite à un complet délabrement.

1510. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Aloïsius Bertrand »

Par malheur Bertrand ne composa pas à ce moment assez de vers de la même couleur et de la même saison pour les réunir en volume ; mécontent de lui et difficile, il retouchait perpétuellement ceux de la veille ; il se créait plus d’entraves peut-être que la poésie rimée n’en peut supporter.

1511. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre V. Transition vers la littérature classique — Chapitre I. La littérature sous Henri IV »

Après le grand effort de la Pléiade pour créer de toutes pièces une littérature artistique, nous constatons sous le règne de Henri IV un retour au naturel.

1512. (1890) L’avenir de la science « XIII »

Combien les travaux sur les littératures orientales gagneraient si leurs auteurs étaient aussi spéciaux que les philologues qui ont créé pièce à pièce la science des littératures classiques !

1513. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XI, les Suppliantes. »

Tandis que la morne et caduque Égypte, chargée des chaînes de ses dogmes, tournait autour d’un puits funéraire, dans le cercle qu’avaient creusé ses ancêtres ; tandis qu’elle embaumait ses morts et raidissait ses colosses, la libre et riante Hellade créait ses dieux en chantant, et les sculptait dans les marbres pleins d’une vie sublime.

1514. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. Tome IXe. » pp. 138-158

Il y a un certain degré de talent dans le peintre, qui peut sans doute donner à celui-ci la tentation de créer ou d’achever quelquefois son objet.

1515. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame de La Tour-Franqueville et Jean-Jacques Rousseau. » pp. 63-84

Pour nous, quoi que la raison nous dise, pour tous ceux qui, à quelque degré, sont de sa postérité poétiquement, il nous sera toujours impossible de ne pas aimer Jean-Jacques, de ne pas lui pardonner beaucoup pour ses tableaux de jeunesse, pour son sentiment passionné de la nature, pour la rêverie dont il a apporté le génie parmi nous, et dont le premier il a créé l’expression dans notre langue.

1516. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Mlle de Lespinasse. » pp. 121-142

Au moment de sa mort, elle fut universellement regrettée, comme ayant su, sans nom, sans fortune, sans beauté, et par le seul agrément de son esprit, se créer un salon des plus en vogue et des plus recherchés, à une époque qui en comptait de si brillants.

1517. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame Geoffrin. » pp. 309-329

Il y a des personnes peut-être qui s’imaginent qu’il suffit d’être riche, d’avoir un bon cuisinier, une maison confortable et située dans un bon quartier, une grande envie de voir du monde, et de l’affabilité à le recevoir, pour se former un salon : on ne parvient de la sorte qu’à ramasser du monde pêle-mêle, à remplir son salon, non à le créer ; et si l’on est très riche, très actif, très animé de ce genre d’ambition qui veut briller, et à la fois bien renseigné sur la liste des invitations à faire, déterminé à tout prix à amener à soi les rois ou reines de la saison, on peut arriver à la gloire qu’obtiennent quelques Américains chaque hiver à Paris : ils ont des raouts brillants, on y passe, on s’y précipite, et, l’hiver d’après, on ne s’en souvient plus.

1518. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Procès de Jeanne d’arc, publiés pour la première fois par M. J. Quicherat. (6 vol. in-8º.) » pp. 399-420

Dans le récit du procès, il crée, d’un interrogatoire à l’autre, des péripéties qui ne ressortent pas de la lecture des pièces mêmes.

1519. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur Bazin. » pp. 464-485

L’idée lui était venue d’écrire un roman, Le Gil Blas révolutionnaire ; mais il n’avait rien de cette imagination qui crée les personnages ou qui anime les détails.

1520. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Diderot. (Étude sur Diderot, par M. Bersot, 1851. — Œuvres choisies de Diderot, avec Notice, par M. Génin, 1847.) » pp. 293-313

Commandé par son ami, il s’avisa, pour la première fois, de regarder, d’examiner ce qu’il n’avait jusque-là que vu en passant ; et du résultat de son observation et de ses réflexions naquirent ces pages de causeries merveilleuses, qui ont véritablement créé en France la critique des beaux-arts.

1521. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Fontenelle, par M. Flourens. (1 vol. in-18. — 1847.) » pp. 314-335

Il semble, au premier abord, que ce soit une ironie de la nature de l’avoir fait naître neveu de celui qui créa ces âmes héroïques de Polyeucte, du vieil Horace, et de tant d’autres personnages au cœur impétueux et sublime ; car il était l’âme la plus égale, la plus froide, la plus exempte de passion et de flamme qui fut jamais.

1522. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, recueillis et mis en ordre par M. A. Sayous. (2 vol. in-8º, Amyot et Cherbuliez, 1851.) — I. » pp. 471-493

« Le désordre est un effet qui devient cause toute-puissante lorsqu’il est manié par une force qu’aucune autre ne contrebalance » ; il s’accroît de ses propres ravages, il se fortifie, il s’organise, il crée des intérêts nouveaux, tout s’enchaîne.

1523. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Mémoires du cardinal de Retz. (Collection Michaud et Poujoulat, édition Champollion.) 1837 » pp. 40-61

Après avoir dit que le premier président Molé était « tout d’une pièce », ce qui est une expression bonne, mais ordinaire, il ajoutera : « Le président de Mesmes, qui était pour le moins aussi bien intentionné pour la Cour que lui, mais qui avait plus de vue et plus de jointure, lui répondit à l’oreille… » Voilà comme on crée légitimement une expression neuve, comme on la tire d’une expression commune.

1524. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Madame de Motteville. » pp. 168-188

Elle montre les gens de bien, par leur obstination à créer contre les impôts et ceux qui en abusent, venant en aide aux turbulents et leur prêtant main-forte comme il arrive si souvent : Les gens de bien, sans considérer que c’est un mal quelquefois nécessaire, et que tous les temps à cet égard ont été quasi égaux28, espéraient par le désordre quelque plus grand ordre ; et ce mot de réformation leur plaisait autant par un bon principe, qu’il était agréable à ceux qui souhaitaient le mal par l’excès de leur folie et de leur ambition.

1525. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « M. Fiévée. Correspondance et relations avec Bonaparte. (3 vol. in-8º. — 1837.) » pp. 217-237

Fiévée nie que ce soit là une exacte conséquence : « Il serait fort extraordinaire, dit-il, que quatorze siècles de monarchie ne puissent plus servir en France qu’à faire opposition même au gouvernement d’un seul. » Il montre qu’entre ce retour aux vrais principes de gouvernement et un retour à l’Ancien Régime, il y a toujours un énorme obstacle qui s’interpose, à savoir la masse d’intérêts créés par la Révolution.

1526. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Œuvres de Louis XIV. (6 vol. in-8º. — 1808.) » pp. 313-333

La condition des rois héréditaires allait devenir de plus en plus pareille à celle des fondateurs d’empires : il fallait presque, pour conserver désormais, le même génie et le même courage que pour créer et pour acquérir.

1527. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Paul-Louis Courier. — II. (Suite et fin.) » pp. 341-361

Si Dieu m’a créé bourru, bourru je dois vivre et mourir… Les gens d’esprit sont souvent très singuliers ; ils croient connaître le cœur humain mieux que d’autres, et, parce qu’ils ont fait du grec avec le père et qu’ils ne sont pas tout à fait aussi vieux que lui, ils croient que c’est une raison pour être aimés de la fille, d’une toute jeune fille, et cela sans faire de frais, sans rien retrancher à leur humeur, à leur procédé rude, à leur extérieur inculte, et en se conduisant, dès le lendemain de leurs noces, comme de vieux maris.

1528. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Montesquieu. — I. » pp. 41-62

Cet auteur artiste est là en présence de son sujet, de sa vaste lecture ; il veut une loi et il la cherche, il la crée quelquefois.

1529. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre II : La littérature du xviie  siècle »

Abandonner Saint-Germain pour Versailles, c’était quitter le naturel et l’historique pour le nouveau créé à froid.

1530. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre VII. Mme de Gasparin »

Or l’auteur des Horizons célestes est devenu fort, en ces neuf mois qui suffisent à créer la vie.

1531. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Saint-Simon »

Ce n’est plus le courtisan magnifique et terrible qui se dévorait d’orgueil et d’ambition exaspérée dans cette plénitude enflammée de Versailles, où Louis XIV créait le vide et le froid pour un homme rien qu’en se détournant de lui !

1532. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Innocent III et ses contemporains »

Presque jamais auparavant, mais à coup sûr jamais depuis, la pensée occidentale, l’état de l’esprit humain n’a créé à la papauté une situation plus forte, plus élevée, plus facile à fortifier, à grandir encore.

1533. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre v »

il est à la peine, ce vaillant, nous n’allons pas lui chicaner son droit de prendre son réconfort où il le trouve ; admirons plutôt qu’il se crée de la volupté, là où tant d’autres gémiraient.

1534. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XI : M. Jouffroy moraliste »

Pas plus que moi, ce caillou qui roule sous mes pieds n’a été créé en vain ; sa nature lui assigne, comme à moi, un rôle dans la création.

1535. (1880) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Première série pp. 1-336

Corneille n’a pas plus que Racine créé le théâtre du xviie  siècle. […] Mais si Molière et Racine ont accepté cette règle, s’ils l’ont subie sans se plaindre, ils avaient raison encore, parce que dans leur système dramatique le caractère décidait, engendrait, créait les situations. […] Ils ne firent pourtant que suivre le mouvement, ils ne le créèrent pas. […] Je ne parle pas des critiques ; les critiques ont été créés pour monter la garde à la porte du temple, et l’incorruptibilité du factionnaire est la première de leurs vertus. […] Beaucoup de choses qu’elle croyait avoir découvertes, l’école de 1830 n’a fait que de les retrouver ; elle a continué beaucoup de choses qu’elle se vantait d’avoir créées.

1536. (1888) Impressions de théâtre. Deuxième série

On dirait que la fantaisie n’est point là pour elle-même, qu’elle n’intervient que pour créer des situations singulières et, par là, donner lieu à de plus piquantes études de l’amour. […] Dumas n’eût pas créé Thouvenin. […] Sardou a besoin pour bien torturer ses deux victimes, pour créer les effroyables situations où elles râlent et agonisent. […] Quelques-uns de ses mots sentent en plein le mystificateur grandiose qui a créé Tribulat Bonhomet. […] Il aime le genre Paulus que j’ai créé, monsieur, et il n’entend pas que j’en sorte.

1537. (1895) La vie et les livres. Deuxième série pp. -364

En somme, ce règne où l’on s’amuse « est la part du sourire dans le grand opéra sombre qu’a créé le génie hébreu. […] « L’idéal sain, pour un jeune homme, est de fonder une famille, une maison de durée indéfinie, de créer et de gouverner. » Or, dans la France moderne, le jeune homme songe d’abord, s’il est médiocre, à s’amuser avec ses amis, et, s’il est intelligent, à primer parmi ses rivaux. […] Il est impossible de créer, quand on sait trop bien comment les choses se créent. […] Il faut créer de nouveaux motifs d’action. […] C’est surtout grâce à cet éternel « premier amour », fait de désirs vagues et de timidités délicieuses : cette sensibilité naissante d’un cœur et d’une âme vierges, attendrie par le sentiment inné de la nature, a suffi pour créer le poète que je suis devenu, si peu qu’il soit.

1538. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre I. Les idées et les œuvres. » pp. 234-333

C’est justement avec ces facultés qu’ils créent un nouveau genre, qui par des milliers de rejetons pullule encore aujourd’hui, avec une abondance telle que les talents s’y comptent par centaines, et qu’on ne peut le comparer pour la séve originale et nationale qu’à la peinture du grand siècle des Hollandais. […] Ils sont à cent lieues de la grande imagination qui crée ou transforme, telle qu’elle apparut à la Renaissance ou au dix-septième siècle, dans les âges héroïques ou nobles. […] Les personnages qu’ils ont créés, depuis Faust jusqu’à Ruy Blas, ne leur ont servi qu’à manifester quelque grande idée métaphysique et sociale, et vingt fois cette idée trop grande, crevant son enveloppe étroite, a débordé hors de toute vraisemblance humaine ou de toute forme poétique pour s’étaler elle-même sous les yeux des spectateurs.

1539. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Conduite de l’action dramatique. » pp. 110-232

Le Cid espagnol fut la première pièce, parmi les modernes, où l’amour fut digne de la scène tragique ; c’est là que Corneille apprit le grand art de l’opposer au devoir, et créa un nouveau genre de tragédie. […] C’est Corneille qui a créé parmi nous ce moyen tragique. […] Après avoir ainsi nommé le sujet et créé la situation, après l’avoir préparée et fondée par les discours, le poète n’en fournit plus que les masses, qu’il abandonne au génie du compositeur ; c’est à celui-ci à leur donner toute l’expression, et à développer toute la finesse des détails dont elles sont susceptibles.

1540. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gui Patin. — I. » pp. 88-109

Quand, vers le milieu du xviiie  siècle, Marmontel ou Le Brun (le poète), ou tout autre jeune littérateur pauvre, voulait créer quelque petite feuille de littérature et de critique, il ne le pouvait qu’en contrebande, faute d’avoir de quoi payer 300 francs au Journal des savants : c’était un tribut qui était dû à ce père et seigneur suzerain des journaux littéraires.

1541. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — III. (Fin.) » pp. 371-393

Créé comte de l’Empire en février 1809, il fut chargé en octobre 1810 de l’administration du grand-duché de Berg, avec rang de ministre64.

1542. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Saint-Martin, le Philosophe inconnu. — II. (Fin.) » pp. 257-278

Il avait déjà parlé à une précédente séance et obtenu quelques amendements qu’il demandait sur ces expressions exagérées, faire nos idées, créer nos idées, etc., qu’il voulait qu’on réduisît à leur juste valeur et sans préjudice pour la faculté intérieure naturelle qui seule avait réellement ce pouvoir.

1543. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Souvenirs militaires et intimes du général vicomte de Pelleport, publiés par son fils. » pp. 324-345

Le 15 août de la même année, il est fait officier de la Légion d’honneur et créé baron d’Empire : J’avoue que, lorsqu’une lettre du major-général m’annonça cette dernière faveur de l’Empereur, j’en éprouvai une bien vive sensation : c’était en effet, pour nous, pauvres officiers de fortune n’ayant que notre épée, un grand moment que celui dans lequel nous recevions une récompense destinée à perpétuer dans notre famille le souvenir de nos services.

1544. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe, et d’Eckermann »

Il ne créait plus, je n’appelle pas création cette seconde et éternelle partie de Faust, — mais il revenait sur lui-même, il revoyait ses écrits, préparait ses Œuvres complètes, et, dans son retour réfléchi sur son passé qui ne l’empêchait pas d’être attentif à tout ce qui se faisait de remarquable autour de lui et dans les contrées voisines, il épanchait en confidences journalières les trésors de son expérience et de sa sagesse.

1545. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Œuvres de Louise Labé, la Belle Cordière. »

Cependant le voilà créé à tout hasard et introduit, bon gré mal gré, dans l’histoire littéraire.

1546. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite.) »

Bien ou mal formé, c’est le mot qu’il emploie et qu’il crée, et non pas daguéréotipillons, comme on l’a imprimé.

1547. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier. »

. ; Ô Beauté, nous ne sommes créés que pour t’aimer et t’adorer à genoux, etc.

1548. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Entretiens sur l’architecture par M. Viollet-Le-Duc (suite et fin.) »

Le bon sens tout seul qui préserverait de l’inconvenant et de l’absurde, suffit-il pour faire qu’on crée à son tour, qu’on retrouve le neuf en accord avec le beau, qu’on rejoigne l’élégant avec l’utile ?

1549. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid (suite.) »

Il aspire à se créer un titre auprès d’elle.

1550. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Jean-Bon Saint-André, sa vie et ses écrits. par M. Michel Nicolas. (suite et fin.) »

Présenté au premier Consul, il lui agréa aussitôt : sa captivité, les souvenirs de ses services militaires et maritimes parlaient pour lui et lui créaient des titres ; sa personne les justifia, et le 20 décembre 1801 il fut nommé commissaire général dans les quatre départements de la rive gauche du Rhin.

1551. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet (suite et fin.) »

Lorsque Raynal mourut, il faisait partie de l’Institut national nouvellement créé, et dans la première séance générale qui se tint au Louvre en toute solennité le 15 germinal de l’an iv (4 avril 1796), Le Breton, secrétaire de la Classe des Sciences morales et politiques, lut sur lui une Notice dont Ginguené a parlé ainsi dans la Décade : « Ceux qui ont une connaissance exacte des secours qu’il avait eus pour la composition de son Histoire philosophique et politique ont trouvé que l’auteur de cette Notice traitait un peu trop problématiquement cette question assez importante, qu’il fallait peut-être résoudre avec une équité sévère.

1552. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [II] »

La haute source de l’admiration était là, perpétuelle et vive, et nulle part ailleurs ; et cependant l’inspiration moderne, quand elle naissait, trouvait moyen de se créer une forme à elle, une variété d’imitation qui avait son caractère et son originalité, mais qui, malgré tout, par quelque côté, devait aller se rejoindre à la grande tradition et offrir en soi des traits de ressemblance avec l’antique famille.

1553. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo en 1831 »

Si l’on se reporte par la pensée vers l’année 1823, à cette brillante ivresse du parti royaliste, dont les gens d’honneur ne s’étaient pas encore séparés, au triomphe récent de la guerre d’Espagne, au désarmement du carbonarisme à l’intérieur, à l’union décevante des habiles et des éloquents, de M. de Chateaubriand et de M. de Villèle ; si, faisant la part des passions, des fanatismes et des prestiges, oubliant le sang généreux, qui, sept ans trop tôt, coulait déjà des veines populaires ; — si on consent à voir dans cette année, qu’on pourrait à meilleur droit appeler néfaste, le moment éblouissant, pindarique, de la Restauration, comme les dix-huit mois de M. de Martignac en furent le moment tolérable et sensé ; on comprendra alors que des jeunes hommes, la plupart d’éducation distinguée ou d’habitudes choisies, aimant l’art, la poésie, les tableaux flatteurs, la grâce ingénieuse des loisirs, nés royalistes, chrétiens par convenance et vague sentiment, aient cru le temps propice pour se créer un petit monde heureux, abrité et recueilli.

1554. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ULRIC GUTTINGUER. — Arthur, roman ; 1836. — » pp. 397-422

De ce château de la baronne de Trün, Arthur se réfugie au rivage de Normandie, à quelque auberge de la côte, non loin de cette forêt solitaire qu’il se mettra bientôt à embellir et à créer comme demeure.

1555. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LES JOURNAUX CHEZ LES ROMAINS PAR M. JOSEPH-VICTOR LE CLERC. » pp. 442-469

Mais on était encore en ces années dans l’âge d’or de la maladie, et un honnête homme, Sabatier de Cavaillon, répondant d’avance au vœu de Bonneville, adressait, en avril 1786, comme conseils au gouvernement, des observations très-sérieuses sur la nécessité de créer des espions du mérite 198. « Épier le mérite, le chercher dans la solitude où il médite, percer le voile de la modestie dont il se couvre, et le forcer de se placer dans le rang où il pourrait servir les hommes, serait, à mon avis, un emploi utile à la patrie et digne des meilleurs citoyens.

1556. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « HISTOIRE DE LA ROYAUTÉ considérée DANS SES ORIGINES JUSQU’AU XIe SIÈCLE PAR M. LE COMTE A. DE SAINT-PRIEST. 1842. » pp. 1-30

Autrefois (selon la théorie que j’expose) il n’y avait pas d’élection de la part des leudes, il n’y avait qu’acclamation, reconnaissance, adhésion, une pure cérémonie : ici le choix formel se déclare et crée le droit qui ne découle plus du sang.

1557. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. DE BARANTE. » pp. 31-61

Il semblerait créer en trouvant.

1558. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXIe Entretien. Chateaubriand »

Quelquefois aussi, brûlant du désir de pouvoir rester à Paris toute l’année pour la revoir tous les soirs, je songeais, non par ambition, mais par amour, à me créer quelque emploi modeste, mais suffisant pour y vivre indépendant de ma famille.

1559. (1892) Boileau « Chapitre II. La poésie de Boileau » pp. 44-72

Ne lui demandons pas non plus les procédés de style créés par Chateaubriand ou perfectionnés de nos jours, l’expression intense, violente, l’idée étouffée sous l’image, la phrase tronquée et pittoresque, débarrassée de ses appuis grammaticaux, réduite à ses éléments « sensationnels », et toute en « notes extrêmes ».

1560. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre I. Roman de Renart et Fabliaux »

Quelle que soit la fantaisie qui se joue dans l’invention de cette société d’animaux, et quand elle n’aurait été créée que pour fournir un divertissement sans fatigue et sans amertume par le spectacle d’une agitation sans conséquence et sans gravité, il n’en serait pas moins vrai que le monde où luttent Renart et Ysengrin s’est organisé à la ressemblance de celui que connaissaient narrateurs et auditeurs.

1561. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre premier »

C’est la même langue, abondante, facile, sans expressions fortes, sans hardiesses, sauf dans quelques passages sur Dieu, où Marguerite, tantôt par la foi, tantôt par le sentiment, s’élève à ces pensées qui ne se rendent que par des expressions créées.

1562. (1887) Discours et conférences « Rapport sur les prix de vertu lu dans la séance publique annuelle de l’Académie française »

M. l’abbé Carton a trouvé moyen, dans cette triste zone de la banlieue parisienne, de créer un véritable paradis, un asile propre, bien bâti, presque gai, où cinquante vieillards des deux sexes sont logés, chauffés, blanchis, habillés et nourris.

1563. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre IX. La littérature et le droit » pp. 231-249

Il y a là comme une contagion d’émotions qui circule dans les rangs d’une foule et qui semble à certains moments créer une âme unique à cet être multiple.

1564. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XI. La littérature et la vie mondaine » pp. 273-292

Ils créent des dilettantes qui parlent de tout sans rien connaître à fond.

1565. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXVII et dernier » pp. 442-475

Elle devait être féconde en jouissances nouvelles cette amitié vive qui, par une conversation animée, sans chicane et sans contrainte, multipliait sans cesse et variait à l’infini ses épanchements vers l’objet aimé, les lui offrait toujours avec intérêt et toujours à propos, provoquait les siens, lui communiquait une vie nouvelle, une existence inconnue, créait en lui un autre homme, avec des facultés jusque-là ignorées de lui-même, l’introduisait dans ce pays nouveau dont parle madame de Sévigné, où avec d’autres yeux il voyait d’autres choses et d’autres hommes, l’introduisait dans son propre cœur où il n’était jamais descendu, l’apprenait à s’étudier et à se connaître, lui donnait une conscience pénétrée du besoin de sa propre estime, une conscience qui lui rendit bon témoignage de lui et de son amie.

1566. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Chansons de Béranger. (Édition nouvelle.) » pp. 286-308

Il s’était créé entre eux tous un rôle singulier ; il s’était fait insensiblement leur conseiller privé.

1567. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Goethe et de Bettina, traduites de l’allemand par Sébastien Albin. (2 vol. in-8º — 1843.) » pp. 330-352

ne pèche pas contre moi, dit-elle à Goethe, ne te fais pas d’idole sculptée pour ensuite l’adorer, tandis que tu as la possibilité de créer entre nous un lien merveilleux et spirituel. » Mais ce lien tout spirituel et métaphysique qu’elle rêve, cet amour en l’air, pourrait-on lui dire, est-ce là le vrai lien ?

1568. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Broglie. » pp. 376-398

La Restauration le créa pair dès le début, en 1814 ; il n’avait pas encore trente ans.

1569. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Hégésippe Moreau. (Le Myosotis, nouvelle édition, 1 vol., Masgana.) — Pierre Dupont. (Chants et poésies, 1 vol., Garnier frères.) » pp. 51-75

Je voudrais que, sans nuire aux autres conditions du genre qu’il s’est créé, il s’accoutumât à toujours soigner rigoureusement le style, seule qualité qui fasse vivre la poésie écrite et lui assure un lendemain quand le son fugitif est envolé.

1570. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Correspondance entre Mirabeau et le comte de La Marck (1789-1791), recueillie, mise en ordre et publiée par M. Ad. de Bacourt, ancien ambassadeur. » pp. 97-120

Mais dans toutes ces variantes de moyens, c’est toujours l’opinion qu’il veut mettre en jeu comme le grand levier : « L’opinion publique a tout détruit, c’est à l’opinion publique à rétablir. » Ce n’est ni un coup de main ni un coup d’État qu’il souffle, c’est un roi constitutionnel qu’il veut créer.

1571. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame Necker. » pp. 240-263

Voltaire, en ce temps-là, revenu de Prusse, et avant de se fixer près de Genève, essayait de cette vie nouvelle à Lausanne, où il passa surtout les hivers de 1756, 1757 et 1758 ; il y trouvait avec étonnement un goût pour l’esprit qu’il contribuait à développer encore, mais qu’il n’avait pas eu à créer : On croit chez les badauds de Paris, écrivait-il, que toute la Suisse est un pays sauvage ; on serait bien étonné si l’on voyait jouer Zaïre à Lausanne mieux qu’on ne la joue à Paris : on serait plus surpris encore de voir deux cents spectateurs aussi bons juges qu’il y en ait en Europe… J’ai fait couler des larmes de tous les yeux suisses.

1572. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « L’abbé Maury. Essai sur l’éloquence de la chaire. (Collection Lefèvre.) » pp. 263-286

Voilà l’inépuisable mine dans laquelle il trouve ses preuves, ses comparaisons, ses exemples, ses transitions et ses images… Il fond si bien les pensées de l’Écriture avec les siennes, qu’on croirait qu’il les crée ou du moins qu’elles ont été conçues exprès pour l’usage qu’il en fait… Tout, en effet, dans un sermon, doit être tiré de l’Écriture, ou du moins avoir la couleur des livres saints ; c’est le vœu de la religion, c’est même le précepte du bon goût.

1573. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le comte-pacha de Bonneval. » pp. 499-522

Le sentiment moderne de patrie était créé, et Saint-Simon s’en fait, en cette occasion, l’organe éloquent et incorruptible : il qualifie cette désertion comme nous le ferions aujourd’hui.

1574. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — II. (Suite.) » pp. 220-241

Il a créé des personnages qui ont vécu leur vie de nature et de société : « Mais qui sait combien cela durera ?

1575. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Rollin. » pp. 261-282

Il faut, en un mot, des vues et un langage que je ne me charge pas de trouver, que quelques-uns sont en voie de découvrir peut-être, mais qui auraient pour effet ce qu’il y a de plus difficile au monde : créer de nouveau un besoin élevé, réveiller un désir !

1576. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre sixième. La volonté — Chapitre premier. Existence de la volonté »

Même quand nous nous figurons créer un mouvement ex nihilo, nous nous l’attribuons à nous-mêmes ; par conséquent, nous conservons le sentiment d’un lien entre ce mouvement et ses antécédents internes : mais, comme nous ne pouvons analyser totalement ces antécédents, nous nous tirons d’affaire en invoquant notre liberté d’indifférence.

1577. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1881 » pp. 132-169

Par eux-mêmes, ils n’ont rien trouvé, rien inventé, rien créé.

1578. (1899) Esthétique de la langue française « Le cliché  »

Schopenhauer, Taine et Nietzsche ont fait de la métaphysique ou de la psychologie en un style plein d’images expressément créées par eux pour expliquer leurs visions ; tous les trois furent de grands visionnaires devant lesquels l’Abstraction elle-même, comme au regard d’un démiurge, se mettait à vivre et à remuer sous ses longs voiles gelés par les hivers philosophiques.

1579. (1888) La critique scientifique « La critique et l’histoire »

De même encore, en psychologie générale, il faut admettre un principe d’individuation, qui crée à mesure les types humains et, entre autres, les types des artistes et des héros, — et un principe de répétition qui agrège et soulève l’humanité à ces protagonistes, principe qui se ramène, nous l’avons vu, à une constatation ressentie de ressemblance entre les exemplaires et les adhérents.

1580. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre I. Shakespeare — Son génie »

La difformité tyran ne suffit pas à ce philosophe ; il lui faut aussi la difformité valet, et il crée Falstaff.

1581. (1864) William Shakespeare « Conclusion — Livre I. Après la mort — Shakespeare — L’Angleterre »

On peut tout attendre, en fait de magnificence, de la nation qui a créé le prodigieux palais de Sydenham, ce Versailles d’un peuple.

1582. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Introduction »

La diversité et la contradiction des opinions ne sont nullement une objection contre la liberté de penser, car ce n’est point cette liberté qui a créé ces contradictions.

1583. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre III : La science — Chapitre II : De la méthode expérimentale en physiologie »

Tout dérive de l’idée qui seule dirige et crée ; ces moyens de manifestation physico-chimiques sont communs à tous les phénomènes de la nature, et restent confondus pêle-mêle comme les lettres de l’alphabet dans une boîte où cette force va les chercher pour exprimer les pensées ou les mécanismes les plus divers. » Cette remarquable page, où l’auteur développe à sa façon le principe que les philosophes appellent principe des causes finales, prouve qu’il y a dans les êtres vivants au moins une force initiale qui ne se réduit pas aux forces physiques et chimiques, et rien jusqu’ici ne porte à croire qu’elle s’y réduira jamais.

1584. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Plan, d’une université, pour, le gouvernement de Russie » pp. 433-452

Corvisart, médecin du Directoire, fut le premier maître de la clinique créée à l’hôpital de la Charité.

1585. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Loutherbourg » pp. 258-274

Le Loutherbourg est fait et bien fait ; le Vernet est créé.

1586. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Nisard » pp. 81-110

Seulement, disons-le, mais non pour le lui reprocher, s’il n’a pas été un délicieux inventeur de qualités, les jours de réception à l’Académie, par exemple, il faut convenir qu’il a été souvent assez ingénieux, en nous les montrant, pour nous faire croire qu’il les créait !

1587. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Sainte-Beuve. Les Poésies de Joseph Delorme, Les Consolations, les Pensées d’août. »

Dans ce Joseph Delorme que j’admire, parce qu’il y a assez de sincérité pour qu’on s’y moque du mensonge, il y a deux inspirations, l’une collective, imitative, compagnonne de toutes les poésies de 1830, poésie partagée, renvoi d’échos et de reflets, large réverbération, étincelante expression d’un temps ou les Partis (les Partis littéraires) prenaient les hommes et fondaient leur individualité dans la leur ; l’autre solitaire, isolée, personnelle, et celle-là, c’est la vraie, c’est celle-là qui a créé la poésie de Joseph Delorme.

1588. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre I. La quantité des unités sociales : nombre, densité, mobilité »

Combien de fois un sentiment une fois créé, vivant et agissant, ne modifie-t-il pas la forme sociale qui a participé à sa création ?

1589. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome I

La tragédie qu’il avait créée en France était sa conquête légitime ; ses lauriers étaient toute sa fortune ; il était mort dans l’indigence, oublié, méconnu d’une cour ingrate : il y avait bien là de quoi désarmer l’envie la plus acharnée, et faire tomber la plume des mains du critique le plus orgueilleux. […] Chacune des veuves a le ton, l’esprit et le langage du poète qui l’a créée et mise au théâtre. […] La véritable Cornélie était une femme vertueuse, fort attachée à son mari ; mais c’est Corneille qui en a fait une héroïne : l’imagination du poète a lutté contre le chef-d’œuvre de la nature ; il a voulu créer une femme aussi grande que César. […] Le génie de Corneille a créé en France ces deux genres, et c’est chez les Espagnols qu’il en a puisé l’idée. […] Corneille n’a point créé de caractère plus noble, plus brillant, plus théâtral : ce seul personnage de Nicomède vaut mieux et suppose plus de talent que plusieurs tragédies trop vantées.

1590. (1901) Des réputations littéraires. Essais de morale et d’histoire. Deuxième série

Au xviiie  siècle, le prestige royal s’étant effacé, il est vrai qu’« il se créa des académies provinciales, des foyers littéraires, notamment à Bordeaux, à Dijon, à Nancy, à Trévoux et ailleurs. […] Non seulement la critique a le pouvoir de fonder une grande réputation, quand l’objet de ses éloges les justifie en quelque mesure ; elle peut encore créer de toutes pièces une gloire dont le héros est un pur néant. […] Il a créé Debureau. […] Herbert Spencer remarque que « souvent une simple assertion articulée avec assurance produit, en l’absence de preuves ou même en présence de preuves contraires, une conviction inébranlable… Nous voyons non seulement le ton affirmatif et l’air d’autorité créer la foi, mais encore la foi diminuer à la suite d’explications. […] Mais un système philosophique est, d’un bout à l’autre, un poème complet, une construction idéale de l’esprit, où l’artiste crée tout, son objet et sa forme.

1591. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Première série

Il a voulu montrer que « la musique du vers peut éveiller tout ce qu’elle veut dans notre esprit et créer même cette chose surnaturelle et divine, le rire », et que l’emploi d’un même procédé peut exciter la joie comme l’émotion dans les mêmes conditions d’enthousiasme et de beauté ». […] Sans doute il n’a point créé le genre funambulesque et ne l’a même pas renouvelé tout seul ; mais il l’a cultivé avec prédilection et bonheur ; il l’a enrichi, amplifié, élevé, autant qu’il se pouvait, jusqu’au grand art ; il en a fait sa chose et son bien et, s’il va à la postérité, comme je l’espère, c’est de ce tremplin que son bond partira. […] L’Esprit du mal songe d’abord à faire un monde entièrement mauvais et souffrant ; mais un tel monde ne durerait pas : afin qu’il souffre et persiste à vivre, l’Esprit du mal lui donne l’amour, le désir, les trêves perfides, les illusions, les biens apparents pour voiler les maux réels, l’ignorance irrémédiable et jamais résignée, le mensonge atroce de la liberté : Oui, que l’homme choisisse et marche en proie au doute, Créateur de ses pas et non point de sa route, Artisan de son crime et non de son penchant ; Coupable, étant mauvais, d’avoir été méchant ; Cause inintelligible et vaine, condamnée A vouloir pour trahir sa propre destinée, Et pour qu’ayant créé son but et ses efforts, Ce dieu puisse être indigne et rongé de remords… L’Esprit du bien, de son côté, voulant créer un monde le plus heureux possible, songe d’abord à ne faire de tout le chaos que deux âmes en deux corps qui s’aimeront et s’embrasseront éternellement. […] Souvent le grand poète n’a pas des conceptions plus rares ni plus ingénieuses que nous autres qui sommes des têtes dans la foule ; mais il sent dix fois plus fortement que nous, il crée dix fois plus d’images, et l’expression suit, et toute son âme y passe, puis se communique aux autres.

1592. (1891) La bataille littéraire. Quatrième série (1887-1888) pp. 1-398

Il ne faut jamais dire qu’une école ou une tentative artistique ne doit rien produire ; la nature qui obéit à une unique loi, ne fait rien, ne permet rien d’inutile, elle qui utilise tout, même ce qui nous semble la mort, elle qui nie le néant en faisant sortir de tout quelque chose, soit qu’elle crée, soit qu’elle transforme :   Les Décadents (ils auraient bien dû trouver un autre vocable !) […] La nature a voulu que notre vue, nos oreilles, notre goût, notre odorat aient leurs exigences, et vous ne nierez pas qu’elle ait créé les choses qui les charment et celles qui leur répugnent. […] L’auteur de l’Abbé Tigrane nous donne encore, sous un autre aspect, une étude sur le clergé ; étude fidèle et dénuée de cette préoccupation banale des esprits vulgaires, qui ne parlent du prêtre que pour le dénigrer et se créer des sympathies suspectes. […] Ce n’était qu’une apparence, qui s’effaçait, après avoir créé une illusion. […] Il n’avait pas même un tombeau, le moindre coin de terre à lui, ce grand conquérant du verbe ; et c’est dans celui d’un manieur de canons, lequel avait vécu largement en tuant, tandis qu’il avait à peine subsisté en se tuant, qu’il dormait lui l’assembleur de mots ou rêvait peut-être, selon les craintes d’Hamlet, à côté de sa vénérable mère qui l’avait assisté sur la croix idéale où la racaille griffonneuse, la lie de la littérature l’avait crucifié, comme Jésus le fut par les ignobles docteurs de Jérusalem sur la fourche du Calvaire ; et m’élevant contre les injures du sort envers lui, je me dis tristement que s’il avait été sacrifié par les impuissants de sa génération qui feignirent de ne pas savoir qu’il existait tant qu’il respira, pour le couvrir hypocritement et à la fois sincèrement de fleurs lorsqu’il eût succombé, victime de leurs haines, les nombreux enthousiastes de la mienne et des suivantes, surtout la dernière, créée et façonnée par lui, qui tous ont la bouche remplie de ses vers incomparables et de l’admiration qu’ils leur inspirent ne sont non seulement jamais venus le saluer dans son suprême asile, mais encore que la plupart d’entre eux ne connaissent pas le chemin qui y mène, et même qu’ils ignorent en quel cimetière de Paris est tombée en poussière la cendre de leur fétiche, leur idole, qui me fut et me sera toujours sacrée, lui, le guide de mes premiers pas dans cet art pour lequel je me suis immolé, dans la mesure de mes forces, avec non moins d’opiniâtreté que lui-même.

1593. (1923) Au service de la déesse

La véritable Manon, l’ardente rêverie d’un fol et qui écrivait bien l’a créée. […] Or, il est vrai que je compare des pièces de théâtre et des poèmes lyriques : le poète lyrique chante sa peine ou sa gaieté, sa gaieté rare et dont il est moins fier que de sa peine, tandis que le dramaturge crée des personnages et les substitue à lui. […] Toutes choses créées par Dieu ou même fabriquées par les hommes, les objets et les événements demandent et reçoivent une interprétation, qui nous paraît un jeu, qui leur paraît l’intelligence fidèle de la vérité. […] Mais le même tisseur est « moralement beaucoup plus malheureux, parce que le pullulement des ouvriers autour de l’usine a créé des conditions de vie bien inférieures à celles de l’ancien tisseur vivant en campagne ». […] C’est la seconde création, pour ainsi dire : Dieu a créé le monde ; à son tour, la jeune Ève en crée l’idée humaine.

1594. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « M. de Rémusat (passé et présent, mélanges) »

» Poursuivant ses déductions, l’auteur s’appliquait à montrer que la liberté reconnue aux citoyens de communiquer entre eux et de prendre acte de leurs opinions (ce qui, dans un grand empire, ne peut se faire que par la presse) était le seul moyen de créer une pensée commune fondée sur un commun intérêt, de hâter la formation des masses, et, en dissipant les fantômes nés du conflit des souvenirs, d’éclairer la société entière sur son état réel, sur les forces qui avaient grandi et s’étaient développées chez elle en silence ; pour les faire tout aussitôt apparaître, il ne fallait qu’un gouvernement libre : la Restauration, disait-il vivement, a mis la France au grand jour. […] L’érudition n’a point de prise sur ces évocations-là, et la fantaisie qui les crée se retrouve plus vraie que la science.

1595. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre premier. — Une leçon sur la comédie. Essai d’un élève de William Schlegel » pp. 25-96

Mais l’art merveilleux d’Aristophane est précisément d’avoir créé le comique de rien, ou plutôt de la plus rebelle des matières, et d’avoir transfiguré la prose en poésie d’un coup de sa baguette magique. […] Après une courte transition qu’on appelle la comédie moyenne, Ménandre, dont les ouvrages sont perdus, créa la nouvelle comédie, et la porta d’abord à son plus haut point de perfection.

1596. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre I. Le Roman. Dickens. »

C’est l’imagination visionnaire qui forge les fantômes du fou et qui crée les personnages de l’artiste, et les classifications qui servent à l’un peuvent servir à l’autre. […] Le lecteur, saisi par cette logique, admire l’œuvre qu’elle a faite, et oublie de s’indigner contre le personnage qu’elle a créé ; il dit : le bel avare !

1597. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVIe entretien. Épopée. Homère. — L’Iliade » pp. 65-160

Mais dans ces premiers jours, où d’un limon moins vieux La nature enfantait des monstres ou des dieux, Le ciel t’avait créé, dans sa magnificence, Comme un autre Océan, profond, sans rive, immense ; Sympathique miroir qui, dans son sein flottant, Sans altérer l’azur de son flot inconstant, Réfléchit tour à tour les grâces de ses rives, Les bergers poursuivant les nymphes fugitives, L’astre qui dort au ciel, le mât brisé qui fuit, Le vol de la tempête aux ailes de la nuit, Ou les traits serpentants de la foudre qui gronde, Rasant sa verte écume et s’éteignant dans l’onde ! […] L’homme a été créé complet.

1598. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIIIe entretien. Balzac et ses œuvres (3e partie) » pp. 433-527

Si d’abord il voulut se jeter à corps perdu dans le travail, séduit bientôt par la nécessité de se créer des relations, il remarqua combien les femmes ont d’influence sur la vie sociale, et avisa soudain à se lancer dans le monde, afin d’y conquérir des protectrices : devaient-elles manquer à un jeune homme ardent et spirituel, dont l’esprit et l’ardeur étaient rehaussés par une tournure élégante et par une sorte de beauté nerveuse à laquelle les femmes se laissent prendre volontiers ? […] Moi, je suis heureux de la petite existence que je me créerai en province, où je succéderai tout bêtement à mon père.

1599. (1925) La fin de l’art

On ne peut améliorer ce qui n’existe pas, il faut d’abord le créer. […] Et là où la vigne ne pousse pas, de tout temps aussi les hommes s’étaient créé diverses boissons alcooliques, cidre, bière, d’autres encore, et tout cela était considéré comme un bienfait quotidien.

1600. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XIII : Affinités mutuelles des êtres organisés »

Pourquoi des os similaires ont-ils été créés pour faire partie de l’aile et de la jambe de la Chauve-souris, puisqu’ils sont destinés à des usages totalement différents ? […] On lit généralement dans les ouvrages d’histoire naturelle que les organes rudimentaires ont été créés « en vue de la symétrie » ou « afin de compléter le plan de la nature », mais au lieu d’une explication, je ne vois ici qu’une répétition du fait.

1601. (1896) Psychologie de l’attention (3e éd.)

L’écolier dans sa salle d’étude, l’ouvrier dans son usine, l’employé dans son bureau, le marchand derrière son comptoir aimeraient mieux le plus souvent être ailleurs ; mais l’amour-propre, l’ambition, l’intérêt ont créé par répétition un entraînement durable. […] L’attention ne peut rien de plus ; elle ne crée rien, et si le cerveau est infécond, si les associations sont pauvres, elle fonctionne vainement. […] Les perceptions, images, idées, émotions, sont sa matière ; elle ne les crée pas, elle ne fait que les isoler, les renforcer, les mettre en lumière ; elle n’en est qu’un mode.

1602. (1864) Études sur Shakespeare

Telle est la nature de la poésie dramatique ; c’est pour le peuple qu’elle crée, c’est au peuple qu’elle s’adresse, mais pour l’ennoblir, pour étendre et vivifier son existence morale, pour lui révéler des facultés qu’il possède, mais qu’il ignore, pour lui procurer des jouissances qu’il saisit avidement, mais qu’il ne chercherait même pas si un art sublime ne les lui apprenait en les lui donnant. […] On peut donc affirmer qu’en France la comédie, informe mais distincte, fut créée avant la tragédie : plus tard la séparation tranchée des classes, l’absence d’institutions populaires, la régularité du pouvoir, rétablissement de l’ordre public plus exact et plus uniforme que partout ailleurs, les habitudes de cour, bien d’autres causes encore disposèrent les esprits à la distinction rigoureuse des deux genres que commandaient les autorités classiques, souveraines de notre théâtre. […] Les événements groupés autour du personnage principal se présentent avec l’importance que leur donne l’impression qu’il en reçoit ; c’est à lui qu’ils s’adressent, comme c’est de lui qu’ils proviennent ; il est le commencement et la fin, l’instrument et l’objet des décrets de Dieu qui, dans ce monde créé pour l’homme, a voulu que tout se fît par les mains de l’homme, et rien selon ses desseins. […] L’artiste n’a fait qu’ébranler, dans le spectateur, la faculté de concevoir et de sentir ; elle s’empare du mouvement qu’elle a reçu, le suit dans sa propre direction, l’accélère par ses propres forces, et crée ainsi elle-même le plaisir dont elle jouit.

1603. (1891) Esquisses contemporaines

Et s’il y parvient parfois, s’il lui arrive de prononcer des mots comme ceux-ci : « La superstition de la grosseur est une duperie de l’esprit, lequel crée la notion de l’espace », il retombe l’instant d’après dans les pièges de Maïa, la déesse trompeuse, qui serre de plus belle autour de lui le filet des apparences et lui fait perdre de vue la seule réalité : « En vérité, que l’on soit ou que l’on ne soit pas, la différence est si parfaitement imperceptible pour l’ensemble des choses, que toute plainte et tout désir sont ridicules. […] Celle-ci pourtant ne peut durer : elle est la négation même de la société qui, fasse de vaines secousses, acclamera pour sauveur le premier homme assez puissant ou assez habile pour se créer, parmi tant d’intérêts contraires, une grande position. […] Cela était si merveilleux que l’on oubliait de créer cet autre univers qu’il faut à notre être moral pour subsister et pour vivre. […] Mais la science est là, tyrannique et jalouse, qui défend de créer en dehors de ses cadres et de contrevenir aux régies qu’elle établit ; une science impérieuse, implacable, enorgueillie par de récents et merveilleux succès, fière à bon droit d’une méthode péniblement acquise, mais brillamment appliquée ; une science arrogante et superbe, longuement acclamée par des foules enthousiastes, et cependant controuvée dans ses affirmations dernières, incertaine de ses conséquences, meurtrière des choses de l’âme, qui palpite sous son étreinte comme un oiseau sous la main de l’oiseleur ; une science plus habile à détruire les convictions anciennes qu’à en former de nouvelles. […] Ils se produisent ensemble et se développent concurremment, parce que Dieu a créé l’homme, non pas saint ou méchant, mais imparfait et perfectible.

1604. (1890) La bataille littéraire. Deuxième série (1879-1882) (3e éd.) pp. 1-303

Rien de vrai dans ces découvertes, Alphonse Daudet a, comme tous ceux qui veulent créer un type, sans copier servilement telle ou telle individualité, résumé dans un personnage vingt ans peut-être d’observation sur les natures méridionales, mobiles, tout en surface, en voix, en gestes, natures de ténors et d’avocats. […] Séparée de son mari par un procès scandaleux, brouillée avec sa famille et les grandes maisons du faubourg, Mme d’Escarbès s’était ralliée à l’Empire, avait ouvert un salon politique, diplomatique, vaguement policier, où venaient, sans leurs femmes, les personnages les plus huppés d’alors ; puis après deux ans d’intrigues, quand elle se fut créé un parti, des influences, elle songea à faire appel. […] Il crée une formule ; à ce moule il donne un nom qui devient la justice des siècles. […] Ô vierges du zénith, nuées, Ô doux enfants de l’air, oiseaux, Blancheurs par l’aube saluées, Que contemple l’œil bleu des eaux : Vous qu’Ève nomma la première ; Vous pour qui le Dieu redouté Fit cet abîme, la lumière, Et cette aile, la liberté ; Vous qu’on voit, du gouffre où nous sommes, Dans le grand ciel mystérieux ; Vous qui n’admirez pas les Romes, Les fourmilières valant mieux ; Vous que la rosée en ses ombres Abreuve ou crée avec ses pleurs, Oiseaux qui sortez des nids sombres, Nuages qui sortez des fleurs, Parlez ; vous que le jour fait naître Pour un essor illimité, Vous que le libre éther pénètre De gloire et de sérénité, Vous qui voyez le mont austère, Le frais matin, le soir obscur, Toute la mer, toute la terre, Éternels passants de l’azur ; Que dit-on, dans la nuit sereine, Que pense-t-on, dans la clarté, De tout cette honte humaine Qui rampe sous l’immensité ? […] En face de toute situation dramatique qu’il crée, l’auteur doit se dire trois choses : Dans cette situation, qu’est-ce que je ferais ?

1605. (1894) La bataille littéraire. Sixième série (1891-1892) pp. 1-368

Il fallait être bien homme pour créer cette expression ! […] Heureusement pour celui qui s’est donné la peine de créer les belles et douces choses de la terre, que tout le monde ne les traverse point au pas de course, et qu’à côté de ceux qui ne pratiquent que les trains express, il en est d’autres qui préfèrent les voyages à pied. […] Bourget d’étudier toutes choses avec trop de soin et, par excès de conscience, de créer dans son livre ce qu’on appelle des « longueurs ». […] On créait des écoles, des contre-écoles, des schismes dont un petit torchon d’imprimerie représentait l’éphémère drapeau. […] Jean Lahor, a emprunté aux légendes de l’Inde un épisode de la vie du formidable Siva, Les dieux, craignant d’être tués un jour « par ce dieu de la mort qui méprisait l’amour », envoient vers lui la plus merveilleuse des femmes, créée de tous les charmes, pour le séduire.

1606. (1882) Hommes et dieux. Études d’histoire et de littérature

Elle est la flamme qui crée et qui conserve, l’instigatrice des grandes choses et des projets héroïques. […] Comme elle atteint la Beauté suprême, elle crée, en se jouant, l’idéal du joli et du badinage. […] Il appartient à l’aliénisme historique, une science à créer et dont relèveraient la plupart des mauvais Césars. […] Le despote ne se fie guère qu’aux petits créés et façonnés par sa main. — Comme le roi de la Fable antique, il fait un trou dans la terre pour y déposer ses secrets. […] Tel fut le XIVe siècle, qui créa le drame aux mille tableaux de la Danse Macabre.

1607. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — III » pp. 455-479

Les organes matériels ne sont que des excitants ; comment créeraient-ils l’admirable ensemble de la pensée qui constitue le génie et la raison de l’homme ?

1608. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « De la tradition en littérature et dans quel sens il la faut entendre. Leçon d’ouverture à l’École normale » pp. 356-382

Si nous le voyions paraître tout à coup et entrer en personne, je me le figure (comme nous l’a montré un critique ingénieux)73 noble et humain de visage, n’ayant rien du taureau, du sanglier ni même du lion, portant dans sa physionomie, comme Molière, les plus nobles traits de l’espèce et ceux qui parlent le plus à l’âme et à l’esprit modéré, sensé de propos, et le plus souvent (pitié ou indulgence) souriant et doux ; car il a créé aussi des êtres ravissants de pureté et de douceur, et il habite au centre de la nature humaine.

1609. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. DE BALZAC (La Recherche de l’Absolu.) » pp. 327-357

Et il faut reconnaître que dans ce rapide succès, à part les coups de trompette du commencement aux environs de la mise en vente de la Peau de Chagrin, la presse parisienne n’a été que médiocrement l’auxiliaire de M. de Balzac ; qu’il s’est bien créé seul sa vogue et sa faveur auprès de beaucoup, à force d’activité, d’invention, et chaque nouvel ouvrage servant, pour ainsi dire, d’annonce et de renfort au précédent.

1610. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. VINET. » pp. 1-32

— Soit qu’il nous peigne ce grand style de Pascal, si caractérisé entre tous par sa vérité, austère et nu pour l’ordinaire, paré de sa nudité même, et qu’il ajoute pour le fond : « Bien des paragraphes de Pascal sont des strophes d’un Byron chrétien ; » soit qu’il admire, avec les penseurs, dans La Rochefoucauld, ce talent de présenter chaque idée sous l’angle le plus ouvert, et cette force d’irradiation qui fait épanouir le point central en une vaste circonférence ; soit qu’il trouve chez La Bruyère, et à l’inverse de ce qui a lieu chez La Rochefoucauld, des lointains un peu illusoires créés par le pinceau, moins d’étendue réelle de pensée que l’expression n’en fait d’abord pressentir, et qu’il se montre aussi presque sévère pour un style si finement élaboré, dont il a souvent un peu lui-même les qualités et l’effort ; soit que, se souvenant sans doute d’une pensée de Mme Necker sur le style de Mme de Sévigné, il oppose d’un mot la forme de prose encore gracieusement flottante du xviie  siècle à cette élégance plus déterminée du suivant, qu’il appelle succincta vestis ; soit qu’en regard des lettres capricieuses et des mille dons de Mme de Sévigné, toute grâce, il dise des lettres de Mme de Maintenon en une phrase accomplie, assez pareille à la vie qu’elle exprime, et enveloppant tout ce qu’une critique infinie déduirait : « Le plus parfait naturel, une justesse admirable d’expression, une précision sévère, une grande connaissance du monde, donneront toujours beaucoup de valeur à cette correspondance, où l’on croit sentir la circonspection d’une position équivoque et la dignité d’une haute destinée ; » soit qu’il touche l’aimable figure de Vauvenargues d’un trait affectueux et reconnaissant, et qu’il dégage de sa philosophie généreuse et inconséquente les attraits qui le poussaient au christianisme ; soit qu’en style de Vauvenargues lui-même il recommande, dans les Éléments de Philosophie de d’Alembert, un style qui n’est orné que de sa clarté, mais d’une clarté si vive qu’elle est brillante ; — sur tous ces points et sur cent autres, je ne me lasse pas de repasser les jugements de l’auteur, qui sont comme autant de pierres précieuses, enchâssées, l’une après l’autre, dans la prise exacte de son ongle net et fin.

1611. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. EUGÈNE SUE (Jean Cavalier). » pp. 87-117

Tout auteur tant soit peu influent et à la mode crée un monde qui le copie, qui le continue, et qui souvent l’outrepasse.

1612. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. NISARD. » pp. 328-357

Il s’est si bien créé l’avocat des grands siècles et si fermement posé sur le terrain de la tradition, qu’il vous convie à lui et à ses clients illustres d’un seul et même appel.

1613. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « PENSÉES FRAGMENTS ET LETTRES DE BLAISE PASCAL, Publiés pour la première fois conformément aux manuscrits, par M. Prosper Faugère. (1844). » pp. 193-224

Cousin démontrait et créait à la fois la nécessité et l’urgence, offrait des difficultés extrêmes, tellement que dans l’intervalle le Pascal des Pensées était provisoirement suspendu.

1614. (1875) Premiers lundis. Tome III «  À propos, des. Bibliothèques populaires  »

Il se crée lentement une morale et une justice à base nouvelle, non moins solide que par le passé, plus solide même, parce qu’il n’y entrera rien des craintes puériles de l’enfance.

1615. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre II. Deuxième élément, l’esprit classique. »

S’il s’agit, comme dans le poème dramatique, de créer des personnages, le moule classique n’en peut façonner que d’une espèce : ce sont ceux qui, par éducation, naissance ou imitation, parlent toujours bien, en d’autres termes, des gens du monde.

1616. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre premier. Mécanisme général de la connaissance — Chapitre premier. De l’illusion » pp. 3-31

Deux procédés principaux sont employés par la nature pour produire les opérations que nous appelons connaissances : l’un, qui consiste à créer en nous des illusions ; l’autre, qui consiste à les rectifier.

1617. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVIIIe entretien. Poésie sacrée. David, berger et roi » pp. 225-279

Quant à moi, j’avoue que je souhaiterais pour tous une telle Constitution, car elle seule réalise ce que tous les hommes désirent, ce que tous les politiques sages ont cherché à leur donner, ce que Moïse seul sut concevoir et exécuter, c’est-à-dire une organisation sociale qui fait comprendre au peuple que c’est « la loi, et non l’homme, qui règne, que la nation doit librement accepter ce gouvernement divin de la raison et de la loi, et l’exercer sans tyrannie, que nous n’avons pas été créés pour être enchaînés et contraints comme des esclaves, mais pour être guidés et conseillés par une puissance invisible, sage et providentielle. » Telle était la Constitution théocratique de Moïse.

1618. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIIe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis »

Ils ne s’y donnèrent d’autre gouvernement que leurs mœurs, une espèce de république d’abeilles humaines, où le travail et la fortune firent les rangs, où l’autorité et le peuple démocratique luttaient quelquefois, s’entendaient le plus souvent, dans des élections turbulentes et où la popularité flottante créait et renversait tour à tour les grands citoyens et leurs partis.

1619. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre I. Les mondains : La Rochefoucauld, Retz, Madame de Sévigné »

Ce public est à distance des chefs-d’œuvre ; il a un goût capable de les comprendre, de les aimer, distinct pourtant du goût qui les crée, et surtout inférieur.

1620. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre III. Les tempéraments et les idées — Chapitre II. La jeunesse de Voltaire, (1694-1755) »

L’Angleterre n’a pas créé Voltaire : elle l’a instruit.

1621. (1868) Alexandre Pouchkine pp. 1-34

Il lui a fallu créer en quelque sorte la langue dont il s’est servi.

1622. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre neuvième »

C’est cet esprit qui, dans nos premiers conteurs, naît tout formé, et, parmi tant de mots et de tours destinés à la refonte, crée un français qui ne changera pas.

1623. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Appendice »

Il fallait pourtant chercher à me créer une nouvelle existence dans ce monde pour lequel j’étais si peu fait.

1624. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XV »

La pièce met en scène des personnages chimériques, agités par des incidents fantastiques ; elle crée un monde à la renverse, où tout est retourné et défiguré : le sens dessus dessous est complet.

1625. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « André Chénier, homme politique. » pp. 144-169

André Chénier, dans cet Avis aux Français, s’efforce de susciter les sentiments capables de créer un tel esprit.

1626. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Études sur Saint-Just, par M. Édouard Fleury. (2 vol. — Didier, 1851.) » pp. 334-358

Voulant créer une république, il sentait bien que, s’il ne faisait passer dans les autres quelque chose du même fanatisme dont il était animé depuis ces derniers mois, il ne réussirait jamais.

1627. (1856) Les lettres et l’homme de lettres au XIXe siècle pp. -30

Il aurait peut-être créé des genres, trouvé des veines que nous ne soupçonnons pas, qu’il n’a pas soupçonnées lui-même.

1628. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre V. La parole intérieure et la pensée. — Premier problème : leurs positions respectives dans la durée. »

La facilité actuelle résulte donc des efforts passés ; ils ont créé des habitudes permanentes qui simplifient désormais la tâche de la réflexion ; les idées qui trouvent promptement leur expression ne sont nouvelles qu’en apparence ; la part du passé est plus grande en elles que celle du présent.

1629. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre IX. Eugénie de Guérin »

C’était déjà, pour elle, ce Maurice dont elle devait dire avec cette manière de parler qui n’appartient qu’à elle et qui crée : « Lui et moi, c’étaient les deux yeux d’un même front ! 

1630. (1868) Curiosités esthétiques « IV. Exposition universelle 1855 — Beaux-arts » pp. 211-244

Si, au lieu d’un pédagogue, je prends un homme du monde, un intelligent, et si je le transporte dans une contrée lointaine, je suis sûr que, si les étonnements du débarquement sont grands, si l’accoutumance est plus ou moins longue, plus ou moins laborieuse, la sympathie sera tôt ou tard si vive, si pénétrante, qu’elle créera en lui un monde nouveau d’idées, monde qui fera partie intégrante de lui-même, et qui l’accompagnera, sous la forme de souvenirs, jusqu’à la mort.

1631. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre III. »

Dans cette Athènes, cependant, la poésie lyrique devait aussi bientôt jeter sa flamme, quand l’invasion et la défaite des Perses auraient animé l’ardeur des matelots du Pirée et de Salamine, et quand le théâtre, nouvellement créé, serait devenu avec Eschyle la représentation et comme la musique militaire des triomphes de la patrie.

1632. (1883) Le roman naturaliste

comme si les soucis de la vie faisaient trêve un instant, et que, libre de toute contrainte, l’intelligence fût un instant transportée dans un monde qu’elle se créerait au gré de sa fantaisie ! […] De ce jour, le roman moderne était créé. […] Otez en effet le milieu ; plus de roman historique ; mais posez le milieu : vous créez le roman historique. […] Il ne les crée pas, à vrai dire, il les a rencontrés, et, les ayant rencontrés, il lui a paru qu’ils étaient dignes de son observation et de son pinceau. […] Les événements ne créent rien en nous.

1633. (1880) Une maladie morale : le mal du siècle pp. 7-419

Deux siècles après le philosophe Cyrénaïque, on retrouvait à Alexandrie une sorte d’académie qui perpétuait la tradition créée par lui, la secte des co-mourants, των συναποθανουμενων (tôn sunapothanoumenôn), qui a compté Antoine et Cléopâtre au nombre de ses affiliés. […] La solitude a selon lui cet avantage, qu’elle développe les forces de l’esprit, qu’elle crée des loisirs en retranchant les soins inutiles, enfin qu’elle apaise le cœur et élève les sentiments. […] Au lieu de se détruire, il créa Werther (1774). […] Cette tendance ne s’accuse pas moins dans les ouvrages où elle a su créer à son tour. […] Il s’était créé des êtres fictifs, avec lesquels il vivait et qui devenaient l’objet de ses passions encore indécises.

1634. (1914) En lisant Molière. L’homme et son temps, l’écrivain et son œuvre pp. 1-315

Et c’est encore dans Don Garcie de Navarre que l’on rencontre ce délicieux complet d’élégie que les critiques citent partout sans créer, ce semble, dire qu’il est de Don Garcie ; mais sans craindre de le décréditer en disant qu’il est de Don Garcie, je prétends réhabiliter Don Garcie en disant qu’il en est. […] Remarquez encore qu’Orgon a été « assoté » par Tartuffe, soit ; mais qu’il l’a été primitivement par sa mère, qui est une bête, mais qui n’est pas du tout une coquine, que Molière semble avoir créé le rôle de Pernelle, sans importance dans la pièce, uniquement pour indiquer cela et qu’il ressort assez vraisemblablement de la pièce entière qu’Orgon a été par sa religion prédisposé à faire des sottises et rendu capable d’en faire, par Tartuffe amené à en faire en effet. […] J’accorde qu’il y a cette différence entre Sancho et lui qu’en sa qualité d’homme de génie il n’emprunte pas ses proverbes à la foule anonyme ; mais qu’il crée des proverbes ; qu’il ne prend pas à son compte les maximes de la sagesse des nations ; mais qu’il lui en fournit. […] Les types Ayant tout, le génie d’un poète épique ou d’un poète dramatique est de créer des personnages représentatifs de l’humanité. […] Argan est, pour lui, une sorte de Bélise, un être qui vit de chimères, qui se crée un monde factice, et comme Bélise se croit aimée de tous les hommes, et en est éperdument fière, Argan se croit attaqué par toutes les maladies et en est flatté, et il en inventerait pour les redouter à la fois et pour être chatouillé d’en être atteint et pour vivre dans la délicieuse terreur de les avoir.

1635. (1905) Propos de théâtre. Deuxième série

Le compte rendu immédiat, c’est-à-dire fait sur la répétition générale, car il ne peut guère être fait autrement, à moins d’être ultra-sommaire, date de 1865 ou 1866, de la nouvelle presse, violemment actualiste, créée par Villemessant, avec L’Événement d’abord et Le Figaro quotidien ensuite. […] On sait que Richelieu avait l’intention de créer une manière de Musée d’Alexandrie, de grande cité littéraire, où les hommes de lettres eussent été enrégimentés, logés, défrayés, immatriculés et surveillés sous la haute direction de l’Académie française. […] Il est le premier qui ait vécu une très longue vie, non des libéralités et pensions des grands seigneurs et du roi, non d’une petite fortune héritée, comme quelques autres, mais de sa plume, de ses écritures, de ce qu’il donnait aux comédiens — toujours avec un grand souci de l’actualité — pour qu’ils le jouassent ; des dictionnaires utiles qu’il compilait pour le public ; et enfin de son journal, qu’il avait créé pour les plaisirs du public et aussi comme ouvrage alimentaire pour lui-même. […] Mais Mercier, en attendant, créait le drame du boulevard et frayait les voies à Pixérécourt.

1636. (1906) Propos de théâtre. Troisième série

Mounet comprend le personnage exactement comme il faut le comprendre, et quand il le comprendrait mal, la manière dont, en ce cas, il le créerait est logique, naturelle, vraie, d’une vérité générale et extrêmement forte. […] Et par conséquent, ils n’étaient nullement gens à créer un théâtre nouveau, à faire de toutes pièces un théâtre qui ne ressemblât pas au théâtre précédent. […] Or, ne pensant pas créer un théâtre original, étant obligés d’en prendre un tout fait, ayant le choix entre deux, ils ont été à celui pour lequel ils avaient des affinités naturelles, et surtout ils ont écarté celui pour lequel ils avaient des antipathies d’école. […] Quant à Dumas, son cas était plus simple encore : il était né mélodramaturge du boulevard ; il avait en lui un Pixérécourt, un Caignez, un Ducange et un Cuvélier ; il aurait créé Ducange, Guvélier, Caignez et Pixérécourt s’ils n’avaient pas existé. […] L’office du théâtre romanesque est d’en créer.

1637. (1907) Propos de théâtre. Quatrième série

Tous les « types » qu’il a créés et qui resteront sont de cet ordre et comme de ce département de l’espèce humaine. […] Il a donc bien fait de créer Claudie de toutes pièces, au lieu de remprunter à quelqu’un de ses livres. […] C’est l’effondrement de l’être factice que Perraud, sous l’influence de sa fonction, avait créé en lui. […] Alors de nouvelles valeurs morales seront créées et les vieilles valeurs morales seront abolies. […] Quand on s’est aperçu que l’on a créé un personnage contradictoire, savez-vous ce que l’on fait ?

1638. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre septième. Les altérations et transformations de la conscience et de la volonté — Chapitre deuxième. Troubles et désagrégations de la conscience. L’hypnotisme et les idées-forces »

Même dans l’état normal, nous « créons l’agrandissement de la plaie à force de la sentir et d’avoir notre attention fixée sur elle ». […] Pierre Janet, change les images prédominantes, sans créer des sensibilités absolument nouvelles ; il relève de leur effacement certaines images particulières, il en fait un centre nouveau autour duquel la pensée « s’oriente d’une manière différente ».

1639. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIIe entretien. Sur le caractère et les œuvres de Béranger » pp. 253-364

vous aussi, Béranger, vous, républicain, vous nous créez un roi ? — Je pris à part les plus échauffés. — Non, leur dis-je, comprenez-moi bien, je ne crée pas un roi, je jette une planche sur le ruisseau !

1640. (1895) La science et la religion. Réponse à quelques objections

Le zend ou l’assyrien n’ont pas été créés pour qu’on les enseignât dans une chaire du Collège de France ou de l’Université de Berlin ; l’érudition n’a pas son objet en elle-même ; et de même que les sciences juridiques ne sauraient se détacher d’une philosophie du droit, les sciences historiques ne sont qu’une curiosité vaine, si leurs moindres recherches ne tendent pas à la philosophie de l’histoire. […] Qui a créé tout autour de nous, dans les environs de nos grandes villes, — du côté de Saint-Ouen et de Saint-Denis, par exemple, — cette misère ouvrière qui soulève tous les cœurs d’indignation, de honte, et de dégoût de la civilisation ?

1641. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Vernet » pp. 130-167

L’imagination ne crée rien, elle imite, elle compose, combine, exagère, agrandit, rapetisse, elle s’occupe sans cesse de ressemblances. […] Le génie crée les beautés, la critique remarque les défauts ; il faut de l’imagination pour l’un, du jugement pour l’autre.

1642. (1920) Impressions de théâtre. Onzième série

Ce n’est pas en répudiant ces types, mais plutôt en les contrôlant, en les modifiant, en les enrichissant par l’observation, bref en leur donnant la vie, que Molière créera la plupart de ses personnages. « Le grand progrès réalisé par lui, dit M.  […] Lanson constate que le genre « créé » par La Chaussée avorta. […] Il est un des rares poètes qui se soient créé une langue constamment poétique. […] En somme, Coppée, dans ses Humbles, a presque créé un genre ; il a presque réalisé un rêve de Sainte-Beuve. […] Les figures semblent lentement, lentement venir à nous d’un fond de fumée, un peu comme ces figures des tableaux de Carrière, d’autant plus expressives que c’est, on le dirait, notre regard qui les crée à mesure, et qu’en même temps nous craignons de voir s’évanouir leurs contours de fantômes.

1643. (1914) L’évolution des genres dans l’histoire de la littérature. Leçons professées à l’École normale supérieure

Et c’est ainsi que la Peinture de genre peut être conçue comme s’étant dégagée d’abord et détachée de la Peinture de portraits, pour vivre à son tour d’une vie indépendante, et se créer insensiblement à elle-même des règles, des lois, ce que les jurisconsultes appellent un statut personnel. […] De ce que nous connaissons, par exemple, les lois, quelques-unes au moins des lois de la vie, il n’en résulte pas, vous le savez, que nous puissions créer la vie même. […] Puisque nous avons des « genres » qu’ils n’ont point connus, d’autres sans doute en créeront d’autres un jour que nous ne connaissons point nous-mêmes. […] Ils ont laborieusement écrit des volumes, sur quelques lignes que l’imagination des poètes a créées en se jouant. […] Remarquez-le bien : Chateaubriand lui-même, pour achever sa pensée, quelques pages plus loin, a beau s’efforcer de montrer que les vertus chrétiennes sont entrées, comme à l’insu de Voltaire ou de Racine, dans la composition des caractères qu’ils croyaient créer de toutes pièces, comme celui de Zaïre, ou emprunter et Euripide, comme celui d’Iphigénie ; l’art classique, nous l’avons vu, est païen dans son fonds.

1644. (1916) Les idées et les hommes. Troisième série pp. 1-315

Du moins il importe de lire entre les lignes sans folie, sans la fureur de se bouleverser ou de se créer des chimères trop aguichantes. […] Dans le monde moderne et dans une Europe déjà occupée tout entière, où la Germanie fut longtemps bridée, il a fallu recourir à des astuces, pour tromper la vigilance des gardiens ; et il a fallu, parmi des sociétés humaines plus sensibles (selon le mot de Bernhardi) aux droits des peuples, déguiser la barbarie sous des dehors présentables : il a fallu créer une idéologie de la voracité. […] Dissocions, de grâce : « L’intelligence est un instrument excellent de négation ; il est temps de l’utiliser et de cesser de vouloir élever des palais avec des pioches et des torches. » Et voilà l’antique folie humaine dénoncée : l’intelligence ne crée pas ; elle détruit. […] Les mensonges d’Élias créent de la réalité dans une autre âme. […] Les hypothèses qu’il soulevait, qu’il agitait avec véhémence, bouleversaient la réalité, créaient une autre réalité qu’il animait de sa ferveur et qu’il détruisait : sur les décombres du rêve auquel, une seconde, il accordait sa complaisance, il établissait la suprématie de son abnégation.

1645. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre IV. Que la critique doit être écrite avec zèle, et par des hommes de talent » pp. 136-215

On a dit d’Homère que, dans son poème, « il faisait autant de dieux des hommes qui étaient au siège de Troie15, et qu’en revanche il faisait à peine des hommes, de tous les dieux d’un Olympe créé par lui ». — Ces écrivains dont je parle, ils faisaient de nos plus grands hommes une proie ; ils faisaient de nos dieux une ironie ; ils bouleversaient toutes choses, du haut de cette tribune éclatante, élevée à leur génie. […] C’est l’Argent qui a créé Jupiter. […] Même, quand on le joue, il perd la moitié de son charme, car le ballet est fait surtout pour être représenté, c’est-à-dire chanté, mimé, dansé, paré, en grand habit. — Quand il improvisait, en trois jours, les trois actes de L’Amour médecin, Molière se mettait au niveau des maîtres qui avaient inventé Les Noces de Village, mascarade ridicule pour le château de Vincennes ; il se rappelait que lui-même il avait fait le ballet du Mariage forcé dans lequel ballet il avait créé le rôle de Sganarelle, entre mademoiselle Béjart, mademoiselle de Brie et mademoiselle du Parc, assistées du comte d’Armagnac, du marquis de Villeroy, du duc de Luynes et du duc de Saint-Aignan.

1646. (1932) Le clavecin de Diderot

Les appels du libéralisme au sentiment du pittoresque, les pétitions en faveur des monuments historiques, les lois pour la conservation desdits monuments — pour la conservation tout court, sans plus, faudrait-il dire — on sait ce qui se cache sous ces précautions oratoires, et, comment, dans la tanière préservée, reviendront rôder ces êtres en dehors du temps et de l’espace créés par les clergés et nourris par l’imagination des foules ignorantes et opprimées, dont, Engels déclare qu’ils ne sont que les produits d’une fantaisie maladive, les subterfuges de l’idéalisme philosophique, les mauvais produits d’un mauvais régime social af. […] Prudhomme est un personnage créé en 1830 par le dramaturge Henri Monnier. […] Le musée Dupuytren est un musée d’anatomie pathologique de Paris créé en 1835 par Mathieu Orfila, situé rue de l’École de médecine, nommé d’après le nom de l’anatomiste et chirurgien français Guillaume Dupuytren.

1647. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « L’Académie française »

Enfin, l’Empereur ayant créé, le 22 décembre 1860, le grand prix biennal de 20,000 francs pour être attribué tour à tour, à partir de 1861, « à l’œuvre ou à la découverte la plus propre à honorer ou à servir le pays, qui se sera produite pendant les dix dernières années dans l’ordre spécial des travaux que représente chacune des cinq Académies de l’Institut impérial de France », l’Académie française a eu, la première, à en faire l’application, et après de longs débats intérieurs ou bien des noms célèbres furent contradictoirement discutés et agités, sans qu’on pût se fixer sur aucun, elle en vint à proposer l’Histoire du Consulat et de l’Empire par M. 

1648. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [III] »

Or la poésie française ne devait point en rester à Marot : elle avait la noble ambition de s’élever, de se créer un instrument plus savant, une harpe ou une lyre ; et, lorsqu’on songe à tout ce qu’il fallut de labeur et d’effort à Malherbe pour réussir à dresser quelques strophes incomparables, on devient indulgent pour ceux qui y préludèrent et qui, les premiers, essayèrent de quelques cordes nouvelles.

1649. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Diderot »

Seulement l’art, dans la force de génération qui lui est propre, a quelque chose de fixe, d’accompli, de définitif, qui crée à un moment donné et dont le produit ne meurt plus ; qui ne varie pas avec les niveaux ; qui n’expire ni ne grossit avec les vagues ; qui ne se mesure ni au poids ni à la brasse, et qui, au sein des courants les plus mobiles, organise une certaine quantité de touts, grands et petits, dont les plus choisis et les mieux venus, une fois extraits de la masse flottante, n’y peuvent jamais rentrer.

1650. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre premier. Mécanisme général de la connaissance — Chapitre II. De la rectification » pp. 33-65

En deux mots, elle crée des illusions et des rectifications d’illusion, des hallucinations et des répressions d’hallucination. — D’une part, avec des sensations et des images agglutinées en blocs suivant des lois que l’on verra plus tard, elle construit en nous des fantômes que nous prenons pour des objets extérieurs, le plus souvent sans nous tromper, car il y a en effet des objets extérieurs qui leur correspondent, parfois en nous trompant, car parfois les objets extérieurs correspondants font défaut : de cette façon, elle produit les perceptions extérieures, qui sont des hallucinations vraies, et les hallucinations proprement dites, qui sont des perceptions extérieures fausses. — D’autre part, en accolant à une hallucination une hallucination contradictoire plus forte, elle altère l’apparence de la première par une négation ou rectification plus ou moins radicale : par cette adjonction, elle construit des hallucinations réprimées qui, selon l’espèce et le degré de leur avortement, constituent tantôt des souvenirs, tantôt des prévisions, tantôt des conceptions et imaginations proprement dites, lesquelles, sitôt que la répression cesse, se transforment, par un développement spontané, en hallucinations complètes. — Faire des hallucinations complètes et des hallucinations réprimées, mais de telle façon que, pendant la veille et à l’état normal, ces fantômes correspondent ordinairement à des choses et à des événements réels, et constituent ainsi des connaissances, tel est le problème.

1651. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXIXe entretien. Œuvres diverses de M. de Marcellus (2e partie) » pp. 5-63

La nature, quoi qu’il en dise, ne l’avait pas créé éloquent ; il avait besoin de cuver longtemps, sa plume à la main, des discours rares et lus ; ses foudres se forgeaient péniblement dans son cabinet, au feu soufflé de ses rancunes.

1652. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (4e partie) » pp. 81-143

Elle crée admirablement la richesse ; elle la répartit mal.

1653. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIVe entretien. Mélanges »

Gosselin continua à des prix tout différents à éditer pendant plusieurs années l’auteur qu’il avait créé.

1654. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIIIe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis (suite) »

Semblable à ces moments de calme qui précèdent les ravages de la tempête, à peine on avait commencé à en goûter les douceurs, qu’elles s’évanouirent sans retour, l’édifice de la félicité publique, élevé par les travaux de Laurent et conservé par ses soins assidus, ne demeura ferme et entier que pendant le peu de temps qu’il vécut encore ; mais, à sa mort, on le vit s’abîmer comme ces palais enchantés que créa l’art de la magie, et il entraîna pour un temps dans sa ruine les descendants mêmes de son fondateur.

1655. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre IV. Racine »

Phèdre a une poésie plus prestigieuse encore : on ne saurait citer tous les vers qui créent, autour de cette dure étude de passion, une sorte d’atmosphère fabuleuse, enveloppant Phèdre de tout un cortège de merveilleuses ou terribles légendes, et nous donnant la sensation puissante des temps mythologiques : Noble et brillant auteur d’une triste famille.

1656. (1889) Les premières armes du symbolisme pp. 5-50

Littré, ce lexicographe libéral et hardi, serait le premier à accueillir, s’il n’était pas mort, les trouvailles de style des décadents, comme il l’a fait pour les mots, tirés du latin ou créés de toutes pièces, par ce prodigieux écrivain qui a nom Théophile Gautier.

1657. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre premier »

Jusqu’au moyen âge elle est la langue de la science et du génie ; elle règne, elle est universelle ; on fait gloire à Dante du courage qu’il a eu au xiiie siècle, d’oser créer la langue italienne.

1658. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre cinquième »

II fallait créer la critique de détail, et en quelque sorte inventer le goût, qui n’est que le jugement appliqué aux détails des ouvrages de l’esprit ; enseigner, comme dit Boileau, le pouvoir des mots mis en leur place ; déterminer la valeur de chacun, en laissant à l’esprit français toute liberté pour combiner sans fin des notes qui devaient rendre toujours le même son.

1659. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre septième. »

Ils forment ce qu’on peut appeler la langue intermédiaire entre celle que parle le peuple et celle que créent ces rares esprits, pour lesquels il faut réserver le nom d’hommes de génie.

1660. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 août 1885. »

Or, il avait créé le Drame, complet et vrai : complet, par la cohésion des trois dernières et essentielles formes expressives, littéraire, plastique et musicale ; vrai, par la réaliste description d’une action idéale, par la description naturelle et exacte d’une humaine action, abstraite en un mythe ; aux Œuvres il avait donné un Théâtre de représentation ; ce Théâtre était lieu de création artistique, non d’amusement : le Théâtre est éloigné et isolé ; la salle est annulée ; la représentation scénique, seule, est considérable ; les Œuvres étaient des Révélations, et le Théâtre était un Temple : les Œuvres, —Tristan, la Tétralogie, et Parsifal, — tout réalistes en leur forme, — ont un sens idéal, une signifiance profonde, et, en leurs peintures simples, tenacement conformes, et crûment vraies, elles sont, aussi, des symboles de cette Religion de la Compassion, le Mittleîd de ce Néo-Christianisme ; — et le Théâtre est pour cette révélation : à de rares époques fériées, solennellement, le Théâtre est ouvert, et, dans un ordonnement implicite et absolu de piété, se dévoile la splendeur du rite.

1661. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « I »

Jamais le maître ne créa tant et ne travailla aussi infatigablement que pendant l’époque qui suivit immédiatement son étude de Schopenhauer.

1662. (1881) La psychologie anglaise contemporaine «  M. Georges Lewes — Chapitre I : L’histoire de la philosophie »

Deux faits psychologiques déjà vaguement entrevus ont été bien dégagés par lui : Les tendances fondamentales sont innées et ne peuvent être créées par l’éducation.

1663. (1863) Le réalisme épique dans le roman pp. 840-860

Schiller s’appelait idéaliste parce que son point de départ était une idée abstraite et qu’il chargeait cette idée de créer les personnages de ses drames ; Goethe se disait réaliste parce que son point de départ était la réalité, la nature, la vie, observées dans leurs phénomènes innombrables.

1664. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XII, les sept chefs devant Thèbes. »

Il les a créés par l’invention de ses poètes, et il envoie ces lions émissaires, chargés, non point des péchés du peuple, comme le Bouc d’Israël, mais des griefs de l’humanité souffrante, rugir contre le ciel à sa place.

1665. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur de Latouche. » pp. 474-502

Il fut puni, et son exemple est un des plus sensibles qu’on puisse alléguer de cette torture du Prométhée enchaîné, intelligent, impuissant dans l’ordre littéraire, — un Prométhée qui n’a pu transmettre l’étincelle et qui n’a rien créé.

1666. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1858 » pp. 225-262

» * * * — Raphaël a créé le type classique de la vierge par la perfection de la beauté vulgaire, — par le contraire absolu de la beauté, que le Vinci chercha dans l’exquisité du type et la rareté de l’expression.

1667. (1809) Quelques réflexions sur la tragédie de Wallstein et sur le théâtre allemand

D’ailleurs, il y a bien moins de variété dans les passions propres à la tragédie que dans les caractères individuels tels que les crée la nature.

1668. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre III : Règles relatives à la distinction du normal et du pathologique »

Les fonctions de reproduction, dans certaines espèces inférieures, entraînent fatalement la mort et, même dans les espèces plus élevées, elles créent des risques.

1669. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Μ. Ε. Renan » pp. 109-147

Renan, pédant moins fougueux et Darwiniste pour l’instant, comme il est tour à tour tout le monde, — « amènera la création d’ une race supérieure, ayant le droit de gouverner non seulement dans sa science, mais dans son sang, son cerveau et ses nerfs, et on l’obtiendra par le moyen qu’emploient les botanistes pour créer leurs singularités… Comme la fleur double est obtenue par l’hypertrophie ou la transformation des organes de la génération, on concentrera toute la force nerveuse du cerveau, on la transformera toute en cerveau, en atrophiant l’autre pôle… » Charmante perspective !

1670. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Octave Feuillet »

Créer un Borgia au xixe  siècle, non pas fils de pape comme l’autre Borgia, ce qui serait trop haut et trop loin de nous, trop exceptionnel, presque fabuleux, car cela ne s’est rencontré qu’une fois dans l’histoire, mais un Borgia de niveau avec nous, sur le même terrain social que nous, et le faire travailler, comme dit Vautrin, cela, certes !

1671. (1897) Un peintre écrivain : Fromentin pp. 1-37

Il les a ployés au service d’idées et de sensations nouvelles ; il les a détournés du sens habituel, groupés en combinaisons ingénieuses ; il a pris à l’atelier, pour les faire entrer dans la littérature, les termes d’argot vraiment pittoresques et méritants : il a créé une langue pour la critique d’art, dont il est à la fois l’inventeur et le modèle.

1672. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome II pp. 1-419

Cela est vrai, si l’on veut parler de la langue créée en Toscane par les trecentisti, c’est-à-dire au xive  siècle ; mais si l’on veut parler de la langue employée familièrement par les Florentins, c’est une méprise positive. […] Bulwer pourquoi il a cru devoir créer un barbarisme tel que Cesarini, car il a pris soin, dans plusieurs de ses préfaces, de faire allusion à ses voyages en Italie, et sans doute il trouverait cette question bien singulière dans la bouche d’un homme qui n’a jamais visité Rome ni Florence. […] Saxo Grammaticus raconte les faits, Shakespeare a créé les caractères, et cette création marque sa place parmi les plus grands esprits. […] Il lit dans le cœur de Marie-Antoinette et de Barnave, comme le poète dans le cœur des héros créés par sa fantaisie. […] Il a donc très bien fait de créer Claudie de toutes pièces, au lieu de l’emprunter à quelqu’un de ses livres.

1673. (1915) Les idées et les hommes. Deuxième série pp. -341

Autour de lui, il crée la solitude. […] La douleur de créer est une loi sévère. […] André Suarès s’amuse de ce Caërdal qu’il a créé à sa ressemblance mentale, et comme un emblème plutôt que comme un portrait de ses velléités profondes. […] Gréer des personnages ; oui, on les crée à sa ressemblance : du moins, ceux qu’on préfère. […] créer des personnages, même à sa ressemblance, c’est encore, en quelque façon, sortir de soi.

1674. (1896) Les époques du théâtre français (1636-1850) (2e éd.)

Car, d’admettre un seul instant que Corneille ait tout inventé, tout créé dans son Cid, vous savez, Messieurs, quelle erreur ce serait ! […] Empereurs ou rois, « qui n’ont plus rien à désirer du côté de la fortune, n’y trouvent rien aussi qui gêne leurs plaisirs », et nés, et destinés à mourir dans leur pourpre, rien ne traverse, ni ne partage, ni ne rompt leurs passions… si ce n’est les obstacles qu’elles se créent à elles-mêmes en courant à leur satisfaction35. […] Tragique ou comique, il faut bien que le poète établisse un lien de solidarité passagère entre les spectateurs auxquels il s’adresse par centaines ; qu’il crée dans la salle où se joue sa pièce une atmosphère commune ; qu’il rapproche, qu’il unisse, qu’il confonde son auditoire, — quelque nombreux, divers, et hétérogène qu’il soit, — en un seul corps et en un même esprit. […] C’est l’art prestigieux, — je ne sache pas d’autre mot, — avec lequel Racine crée, pour chacune de ses tragédies, une atmosphère unique, et fait comme circuler, autour de ses personnages, l’air de leur temps et de leur pays. […] Il créait le grand opéra, l’opéra mythologique : Cadmus, Alceste, Thésée, Atys.

1675. (1772) Discours sur le progrès des lettres en France pp. 2-190

Il n’appartenoit qu’à Molière seul d’avoir la gloire de créer de nouveau l’art de la scène Comique, & de le porter fort au-delà de celui des Anciens. […] Tandis au contraire que, sans les Anciens, ces Modernes si célèbres aujourd’hui, si dignes de l’être, seroient peut-être demeurés dans l’oubli ; car le génie est languissant, s’il n’est pas fortement ébranlé par la beauté, la grandeur, l’excellence & la vérité des objets qui le frappent & le saisissent ; ce n’est qu’alors qu’il s’anime, qu’il s’enflamme & qu’il crée.

1676. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1885 » pp. 3-97

Samedi 3 janvier Ah, si un parti politique quelconque avait mis à l’exécution l’idée, que je lui donnais dans ce Journal, l’idée de créer dans le gouvernement : un Ministère de la Souffrance publique, que de choses menaçantes qui sont, ne seraient pas ! […] Quand je faisais des romans, que je créais des personnages, ma création me tenait compagnie, faisait ma société, peuplait ma solitude ; je vivais avec les bonshommes et les bonnes femmes de mon bouquin.

1677. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1891 » pp. 197-291

Vendredi 11 septembre Dans la bataille littéraire du moment, on n’a pas dit — ce que j’ai affirmé à propos de Flaubert — que le grand talent en littérature était de créer, sur le papier, des êtres qui prenaient place dans la mémoire du monde, comme des êtres créés par Dieu, et comme ayant eu une vraie vie sur la terre.

1678. (1900) Quarante ans de théâtre. [II]. Molière et la comédie classique pp. 3-392

Tout le long de la pièce, il lui donne l’allure du « commissaire » de l’ancien guignol, créé tout spécialement pour recevoir les coups de bâton de Polichinelle. […] Et pour prendre un exemple : Le Bourgeois gentilhomme est, j’en conviens, une comédie-ballet d’un genre original que Molière a créé en se jouant. […] C’est ainsi que les personnages créés par les poètes, sont devenus, siècle à siècle, si grands et si complexes ! […] Molière, qui a créé le rôle, faisait rire à tout casser, et il fallait que son jeu fût formidablement drolatique, puisque, habillé d’une façon moins grotesque que nous qui jouons L’Avare aujourd’hui, il faisait écrire à Robinet (qui était le Sarcey du dix-septième siècle) ce feuilleton (en vers !)

1679. (1910) Variations sur la vie et les livres pp. 5-314

*** Lamartine a souvent créé dans l’expression à la manière des anciens. […] Ainsi, plus tard, dans son fameux dialogue avec saint Augustin, il s’entendra dire, qu’épris des charmes de la créature, il n’a point aimé le Créateur comme il convient ; et qu’il a admiré l’artisan comme s’il n’avait rien créé de plus beau, quoique la beauté du corps soit la dernière de toutes. […] Ils sont créés avec art, et ils participent des plus récentes inventions : l’électricité les fait mouvoir, ils auront la voix du phonographe. […] Elle suivait son rôle et créait son fantôme, se voyait, se jugeait, présumait de l’impression qu’elle devait susciter.

1680. (1895) Impressions de théâtre. Huitième série

Prises au sérieux, ces imaginations-là ont créé l’épopée. […] Et Lindsey répond, comme ferait André Heurteau : Ce monde, il est créé. […] Ce rôle fut un des cent quatre-vingts qu’il « créa. » Il paraît qu’auprès de Potier, qui était la Finesse ; d’Arnal, qui était la Diction ; de Geoffroy, qui était le Naturel, Bouffé fut la Souplesse. […] Georges Rodenbach a su créer autour de son drame une atmosphère pieuse, recueillie et blanche. […] Storn représente la Compagnie du Simplon qui demande au gouvernement le rachat, pour cent millions, des actions et des obligations qu’elle a émises. « Le chiffre n’a rien d’exagéré… Voici nos livres, nos copies de lettres, nos marchés, voyez et jugez… » Il parle d’un intérêt supérieur : « Nous voulons créer un lien de plus entre la France et l’Italie… » Et il ouvre des registres, déploie des cartes, remet à Rémoussin « une brochure qui répond d’avance à toutes les objections ».

1681. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre V. Comment finissent les comédiennes » pp. 216-393

Et qui donc a créé le rôle du grand Frédéric dans Les Deux Pages ? […] C’était un homme à part, un comédien incroyable, un être à demi créé, une intelligence évidemment en retard. […] — Depuis tantôt deux siècles et demi que ce digne Paroles a été créé et mis au monde, il doit avoir cruellement monté en grade ; quand donc vous diriez le Généralissime Paroles, vous ne diriez pas encore assez. […] Voilà pourquoi il a créé si peu de rôles dans les comédies modernes, pourquoi il a excellé dans la comédie de Molière, de Regnard, de Beaumarchais, de Marivaux surtout. […] Et s’il a en effet assez d’intelligence pour être, pendant trois heures, l’homme créé par Beaumarchais, vous admettrez (et il faudra bien l’admettre) qu’il ne lui restera pas assez de bon sens pour être un bon bourgeois de la ville de Paris, qui se promène, sur le boulevard, au soleil !

1682. (1893) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Cinquième série

Rien ne se crée de rien, en histoire ou en littérature, mais aussi rien ne se perd. […] Or, encore, et, pour tout dire d’un mot, s’il a « tué le lyrisme », n’a-t-il pas créé « l’éloquence » ? […] Ne nous inquiétons donc pas que les étrangers « se soient étonnés du choix que nous avons fait de Malherbe pour maître » ; si d’abord, comme on l’a vu, Malherbe n’est devenu le maître des beaux esprits de son temps qu’après avoir commencé par en être le disciple ; si ce qu’il a fait, nous pouvons l’affirmer, un autre, à son défaut, l’eût certainement fait ; et si enfin, comme nous avons tâché de le montrer, en tuant le lyrisme, il a créé l’éloquence. […] Mais on se trompait bien ; car aussitôt qu’elle eut établi son séjour à Paris, elle en prit cinq ou six, et, pour se créer des ressources, elle commença de donner à jouer. […] Quelques années encore, et, les mêmes causes continuant d’agir, le besoin créera, comme on dit, son organe ; il suscitera d’en bas les écrivains propres à le satisfaire ; et les Diderot ou les Jean-Jacques — pour ne rien dire des moindres, encore qu’ils ne laissent pas d’y avoir eu leur part — introduiront pour la renouveler, dans la littérature, le ferment de la démocratie.

1683. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Charles Magnin ou un érudit écrivain. »

Scribe parut et créa un nouveau genre, la comédie-vaudeville.

1684. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. VILLEMAIN. » pp. 358-396

Les beaux-arts et la poésie, dans toute une partie essentielle, sont et doivent être des industries singulières et par un coin secrètes, des initiations, à certains égards, d’esprits merveilleux, des savoir-faire dédaliens, où n’atteint pas le grand nombre, mais à quoi il finit par croire, sur la foi de son impression sans doute, mais de son impression dirigée et quelquefois créée par les critiques et connaisseurs.

1685. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DÉSAUGIERS. » pp. 39-77

Est-il besoin de rappeler avant tout que Béranger est un esprit d’un tout autre ordre, un talent hors de pair, qui a créé son domaine et qui a ouvert, ne fût-ce que pour lui seul, des voies nouvelles ?

1686. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE KRÜDNER » pp. 382-410

Je lisais l’autre jour, dans un recueil inédit de pensées : « La faculté poétique n’est autre chose que le don et l’art de produire chaque sentiment vrai, en fleur, selon sa mesure, depuis le lys royal et le dahlia jusqu’à la pâquerette. » Ce qui est dit là de la poésie, à proprement parler, peut s’appliquer à toute œuvre créée et composée, où l’idée du beau se réfléchit.

1687. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Jouffroy »

Cette première année se passa pour eux à des exercices historiques et littéraires ; il fallait la révolution de 1814 pour qu’une spécialité philosophique pût être créée au sein de l’École par M. 

1688. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVIIe entretien. Poésie lyrique » pp. 161-223

Celui-là seul qui l’a créée pourra l’expliquer.

1689. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIIe entretien. Trois heureuses journées littéraires » pp. 161-221

La terre s’enivrait de ta large harmonie ; Pour parler dans la brise, elle a créé les bois : Quand elle veut gémir d’une plainte infinie, Des chênes et des pins elle emprunte la voix.

1690. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIIIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou Le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (1re partie) » pp. 305-364

« — Écoutez-moi bien », leur dis-je alors en prenant résolument la parole ; et bien m’en prit d’avoir profondément étudié trente ans l’économie politique pour leur classifier à eux-mêmes leurs tendances, et leur démontrer, dans une longue et cordiale improvisation, que ce qu’ils demandaient, c’était tout simplement la tyrannie la plus meurtrière des classes laborieuses, le monopole le plus insolent qui ait jamais abâtardi l’espèce humaine en masse, pour créer, par ce monopole, le privilège des classes renversées, de l’aristocratie de la main-d’œuvre contre la démocratie des producteurs et des consommateurs ; « — Écoutez-moi bien, leur dis-je, je vais vous faire ma profession de foi d’ignorance.

1691. (1863) Cours familier de littérature. XV « XCe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin (3e partie) » pp. 385-448

Si nous finissions à la tombe, le bon Dieu serait méchant, oui, méchant, de créer pour quelques jours des créatures malheureuses : horrible à penser.

1692. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (3e partie) » pp. 161-219

« Le Pape voulut, dit Consalvi, me créer cardinal de l’ordre des prêtres ; je préférai être cardinal diacre. » XI Voilà ce que fut dès son enfance Consalvi ; mais, quand Pie VII le fit cardinal, il refusa d’être prêtre.

1693. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre V. Le roman romantique »

Elle écrit alors le Compagnon du tour de France (1840), Consuelo (1842), le Meunier d’Angibault (1845), le Péché de Monsieur Antoine (1847) ; elle crée un roman social et humanitaire, où elle expose son rêve d’un âge d’or, entrevu dans l’avenir, établi par l’égalité et la fraternité, et par la fusion des classes.

1694. (1920) Enquête : Pourquoi aucun des grands poètes de langue française n’est-il du Midi ? (Les Marges)

Il a fait rendre à la langue des sons qui n’avaient pas été entendus avant lui ; et, en saisissant de nouveaux rapports entre le monde physique et l’Homme, il a créé d’éternelles images.

1695. (1841) Matinées littéraires pp. 3-32

On ne la trouve nulle part résumée dans un enseignement facile ; et c’est cet enseignement que nous avons voulu créer par la fondation des Matinées littéraires.

1696. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre quatrième »

Par lui la poésie française s’essaya pour la première fois dans le genre lyrique ; par lui fut créé le beau nom d’ode, dont Boileau ne se savait sans doute pas redevable à Ronsard.

1697. (1881) La psychologie anglaise contemporaine «  M. Georges Lewes — Chapitre II : La Psychologie »

L’extériorité des sensations des sens et l’intériorité des sensations du système, créent une large ligne de démarcation entre les perceptions qui naissent des unes, et les appétits ou instincts qui naissent des autres ; et celles-ci à leur tour donnent naissance aux diverses formes de sensibilité, connues sous les noms de pensée et d’émotion.

1698. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — CHAPITRE VI »

Émile Augier n’a jamais créé de type plus vrai, plus exact, plus conséquent à lui-même, que celui de ce pharisien des Cinq Codes.

1699. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1883 » pp. 236-282

Puis l’on se demande, dans mon coin de table : Est-ce qu’il y aurait des animaux, créés pour toujours vivre, et qui, sans la mort accidentelle, seraient éternels ; et en des endroits cachés, en des fonds de mer, n’existerait-il pas des animaux, aussi vieux que le monde ?

1700. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Victor Hugo » pp. 106-155

On verra ainsi que la nature ne contient pas de choses opposables, et que seul le langage crée des mots qui le sont.

1701. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre II : Règles relatives à l’observation des faits sociaux »

Il faut donc qu’elle en crée de nouveaux et, pour cela, qu’écartant les notions communes et les mots qui les expriment, elle revienne à la sensation, matière première et nécessaire de tous les concepts.

1702. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Villemain » pp. 1-41

Et cette intelligence de la France qui ne bavarde pas, mais qui travaille, et qui, au jour des périls et de l’action, fait rentrer dans le ventre des rhéteurs leurs sophismes dangereux et leurs inutiles élégances, cette intelligence, à qui la devons-nous et qui l’a créée ?

1703. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Victor Hugo »

C’est son élément, mais un élément qu’il a créé.

1704. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Émile Zola »

… Le grand homme de La Comédie humaine a créé et fait souvent parler, pour le besoin de ses romans, des Auvergnats, des Allemands, des portiers ; mais sans, pour cela, devenir Auvergnat, Allemand ou portier.

/ 1885