/ 2511
411. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Tout ce que j’ai compris de ma vie du clair-obscur » pp. 26-33

La vue d’un torrent qui tombe à grand bruit à travers des rochers escarpés qu’il blanchit de son écume, me fera frissonner. […] La perspective rapproche les parties des corps ou les fait fuir, par la seule dégradation de leurs grandeurs, par la seule projection de leurs parties vues à travers un plan interposé entre l’œil et l’objet, et attachées ou sur ce plan même, ou sur un plan supposé au-delà de l’objet.

412. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIIIe entretien. Littérature cosmopolite. Les voyageurs »

Je commencerai par la Grande Allée, qu’on peut appeler le cours d’Ispahan, et qui est la plus belle que j’ai vue et dont j’aie jamais ouï parler ; sa longueur est de trois mille deux cents pas, et sa largeur de cent dix31. […] Ce pavillon a été construit de cette sorte par Abas le Grand, afin que les dames du sérail y pussent voir les spectacles, comme les entrées d’ambassadeurs, et les promenades de la cour ; mais depuis ce temps-là, l’humeur jalouse s’est accrue de plus de moitié, car non-seulement on ne s’est pas contenté, comme auparavant, que les femmes ne fussent plus vues des hommes, mais on a voulu qu’elles n’en pussent voir aucun. […] Ces murs, de plus, sont ouverts de neuf en neuf pas en fenêtres ou saillies, de toute la hauteur du mur, ressemblant à des arcades, par lesquelles on a vue sur la rivière, et où l’on prend le frais. […] Le véritable sujet qui vous y porte, si vous voulez que je vous le dise, encore que vous le sachiez aussi bien que moi, c’est le désir que vous avez de gouverner la Perse, et longtemps et à votre gré ; c’est pour cela que vous voulez élire un enfant, sous la minorité duquel tout vous sera permis, et vous pourrez exercer une puissance absolue: car ce que l’on allègue du prince aîné, que sans doute il est privé de la vie ou de la vue, ne peut passer pour autre chose que pour une pure illusion. […] Les grands s’empressèrent d’imiter son exemple et de seconder ses vues: en peu de temps, on vit s’élever une infinité de palais, de mosquées, etc.

413. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Vernet » pp. 130-167

C’est une vue romanesque dont on suppose la réalité quelque part. […] -mais, dit l’abbé, je l’aimerais tout autant ailleurs ; je souffre, et le paysage que nous avons quitté me récréait la vue. — Et qu’est-ce que cela fait à la nature ! […] Il y a des sensations composées, et c’est la raison pour laquelle il n’y a de beaux que les objets de la vue et de l’ouïe. écartez du son toute idée accessoire et morale, et vous lui ôterez la beauté. […] Il n’y a dans un discours que des expressions abstraites qui désignent des idées, des vues plus ou moins générales, de l’esprit et des expressions représentatives qui désignent des êtres physiques. […] Devant cette marmite un matelot accroupi et vu par le dos ; plus vers la gauche, une femme accroupie et vue de profil.

414. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre V. Le roman romantique »

Puis la vue de George Sand s’élargit : un peu apaisée par sa liberté reconquise, elle regarde hors d’elle-même, et sa sympathie cherche d’autres objets que les affaires ou les états de son propre cœur. […] Sans doute, dans les deux premières périodes de sa vie littéraire, le parti pris dogmatique, la foi romantique ont souvent faussé sa vue, et déformé les personnages que la réalité lui présentait. […] Ainsi, dans Jean de la Roche, cette famille anglaise : le père, un savant, doux, distrait, ayant peur de vouloir ; le fils, un enfant intelligent, débile, égoïste, despote, et la sœur sacrifiée à ce malade, qui est jaloux d’elle, l’empêche de se marier, et confisque sans scrupule toute cette existence : dans le Marquis de Villemer, la peinture d’un amour réciproque qui naît insensiblement, se révèle par de fines nuances jusqu’à devenir une ardente passion : voilà des parties vraies et bien vues. […] Il n’y a pas de morceaux d’art où l’imitation soit plus adéquate que dans l’Enlèvement de la redoute à la vue même des choses. […] Ceux qui l’y ont vue la peignent hospitalière mais peu démonstrative, point bavarde, nonchalante, écoutant et comme ruminant ce qu’on dit, jardinant avec plaisir, et dirigeant avec passion son théâtre de marionnettes.

415. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1889 » pp. 3-111

Il revient de là-bas avec une espèce de griserie cérébrale, une furie de travail, aiguillonnée par la vue des originaux de Lamalou, me disant qu’il a eu cette année, des bonnes fortunes en ce genre, comme cela ne lui est jamais arrivé. […] Devant cette toile que je n’avais jamais vue, je dois faire amende honorable à Courbet : ce ventre c’est beau comme la chair d’un Corrège. […] Une petite salle lumineuse, où la vue, une vue égayante, passant par-dessus la torsion des vieux arbres fruitiers, et traversant la Seine, va au coteau vert qui fait face. […] Carcano a exposé des vues panoramiques de l’Italie, où se trouve une merveilleuse entente de la configuration stratifiée des terrains. […] Il y a à peine assez de copie pour faire un second volume des Choses vues, mais il existe pas mal de notules et de pensées, dont on pourra peut-être emplir tout un volume.

416. (1929) Critique et conférences (Œuvres posthumes III)

Jules Tellier était Havrais, et l’on eût dit que la vue de la mer natale lui avait dès l’enfance communiqué un culte, j’allais dire une religion, pour le voyage. […] Ses camarades se divisèrent et se perdirent quasiment de vue. […] Atteint d’une tumeur arthritique à la jambe droite, il dut se rapatrier au plus vite en vue d’être soigné comme il fallait. […] Aussi bien, je trouve ridicule, tant de la part d’un homme de robe que de celle d’un homme de plume, d’accoler à un meurtre, en vue d’un verdict juridique ou psychologique — encore ce mot ! […] Je pus à peine distinguer, dans la nuit, mon hôte qui, à ma vue, souleva son chapeau de feutre et m’accueillit par ces mots : Welcome moussou (Soyez le bienvenu, moussou).

417. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLVIIIe Entretien. Montesquieu »

Enfin, elles ont des rapports entre elles, elles en ont avec leur origine, avec l’objet du législateur, avec l’ordre des choses sur lesquelles elles sont établies ; c’est dans toutes ces vues qu’il faut les considérer. […] La vue de Virginie fit changer les décemvirs. Tour faire condamner Manlius, il fallut ôter au peuple la vue du Capitole. […] « J’ai observé le tissu extérieur d’une langue de mouton, dans l’endroit où elle paraît, à la simple vue, couverte de mamelons. […] À mesure que la langue s’est dégelée, les mamelons, à la simple vue, ont paru se relever, et au microscope, les petites houppes ont commencé à reparaître.

418. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre deuxième »

Esprit pratique, allant droit au but, si Villehardouin n’a pas la profondeur de vues que nous demanderons à l’historien d’une société plus avancée, il n’a pas non plus les illusions qu’on ne s’étonnerait pas de trouver dans un historien de son époque. […] Il est vrai que la vue de Froissart ne s’étend pas au-delà des motifs et des circonstances les plus ordinaires, et ne sort pas du cercle du récit ou de la description. […] Cette autre vue dépasse sa portée, et le temps où il a vécu n’était pas mûr pour une telle étude. […] La langue de Comines n’est pas mûre, parce que toutes ces pensées dont nous le louons sont plutôt entrevues et indiquées, qu’envisagées d’une vue claire et exprimées pleinement. […] Voici la traduction de ce passage : « Et en bref temps le vent frappa dans les voiles, et nous enleva si bien la vue de la terre, que nous ne vîmes que le ciel et l’eau, et chaque jour le vent nous éloigna du pays où nous étions né.

419. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre V. Des orateurs anciens et Modernes. » pp. 223-293

Celle-ci est faite avec soin & bien écrite ; mais on désireroit qu’elle fût plus animée ; que l’auteur se fût rendu plus maître des tours de son original, & que sans perdre de vue son modèle, il l’eût dessiné plus librement. […] Bientôt ses vues s’étendirent, & il laissa son rival bien loin derriere lui. […] Dans cette vue, il le présente par tous les côtés qui peuvent le faire connoître, & le faire aimer. […] Alors se livrant à tout le feu qui lui étoit naturel, & qu’excitoit encore l’action de l’Orateur & la vue d’une assemblée infiniment attentive, M. […] Cette double vue, de juges qu’il faut satisfaire, & de rivaux qu’il faut surpasser, fait faire à l’esprit tout l’effort dont il est capable.

420. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Geoffroy de Villehardouin. — II. (Fin.) » pp. 398-412

Certes l’enthousiasme d’un tel homme, s’attachant à l’heure la plus brillante du souvenir, a tout son prix : Le temps fut beau et clair, dit-il en parlant de ce jour mémorable où l’on appareilla de Corfou, et le vent bon et clément ; aussi laissèrent-ils leurs voiles aller au vent ; et bien l’atteste le maréchal Geoffroi qui dicta cet ouvrage et qui n’y a dit mot, à son escient, qui ne soit de pure vérité, comme celui qui assista à tous les conseils ; bien atteste-t-il que jamais si grande chose navale ne fut vue, et bien semblait que ce fût expédition à devoir conquérir des royaumes ; car, aussi loin qu’on pouvait voir aux yeux, ne paraissaient que voiles de nefs et de vaisseaux, tellement que le cœur de chacun s’en réjouissait très fortement. […] Ceux qui jamais encore ne l’avaient vue ne pensaient point que si riche cité il pût y avoir en tout le monde. […] La différence est à la vue comme dans les noms. » Quelques années après, le même Courier, de retour en France, empruntait à ses paysans de Touraine, et à notre vocabulaire gaulois du xvie  siècle, des locutions et des formes pour mieux traduire Hérodote selon son vrai génie.

421. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) «  Œuvres et correspondance inédites de M. de Tocqueville — II » pp. 107-121

Mais je croirais manquer aux vues de la Providence sur moi, si je ne portais pas avec courage ma destinée. […] Ce n’est pas seulement le découragement de moi-même, mais des hommes, à la vue chaque jour plus claire du petit nombre de choses que nous savons, de leur incertitude, de leur répétition incessante dans des mots nouveaux depuis trois mille ans, enfin de l’insignifiance de notre espèce, de notre monde, de notre destinée, de ce que nous appelons nos grandes révolutions et de nos grandes affaires… Il faut travailler pourtant : car c’est la seule ressource qui nous reste pour oublier ce qu’il y a de triste à survivre à l’empire de ses idées, etc. […] Je ne saurais trop, surtout, admirer l’art avec lesquel il conduit ses auditeurs, sans les en avertir, à travers des images qui leur sont familières, vers les objets qu’il a en vue, et la perfection avec laquelle il fait correspondre exactement ces images matérielles avec les vérités invisibles qu’il veut faire comprendre.

422. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Le général Joubert. Extraits de sa correspondance inédite. — Étude sur sa vie, par M. Edmond Chevrier. — III » pp. 174-189

Politiquement, il ne put faire agréer ses vues au Directoire. […] Cet homme si hardi, si remuant, qui peut-être avait raison et voyait juste dans le cas présent, convertit Joubert à ses vues dès les premiers entretiens. […] Il était alors le plus en vue des généraux et sur le premier plan politique.

423. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français (suite et fin.) »

Et ainsi, lorsque la prédication de Jésus commençait, lorsque après l’avoir vu, au retour du désert et de sa tentation triomphante, quitter de nouveau sa mère, Marie triste et résignée, on le suivait le long de la mer de Galilée allant recruter des pêcheurs pour disciples ; lorsque dans des scènes très plates et d’un langage délayé, mais assez naïves, on assistait à ces conversations, puis à ces conversions de pêcheurs, de gens de métier, chacun ayant sa physionomie et gardant assez bien son caractère ; lorsque le cortège des Douze se complétait ainsi à vue d’œil, avec sa variété, — parmi eux un seul noble, Barthélemy « en habit de prince », les autres dans leurs habits mécaniques ou de travail, saint Thomas en habit de charpentier, ayant jeté seulement ses outils, et Matthieu le publicain, à son tour, assis d’abord devant sa table, avec ses sacs d’argent rangés dessus, et cependant offrant dans sa maison un repas à Jésus qui l’accepte, — il y avait certainement, à cette suite de scènes familières, un intérêt que l’on conçoit encore très-bien aujourd’hui, et qui consistait dans l’extrême détail, dans le naturel minutieux du développement, dans l’imitation et la copie de la vie. […] Quoi qu’il en soit, ces scènes vulgarisées se succèdent d’une manière assez amusante et vivante, si on les suppose vues et non lues ; et c’est ainsi qu’on arrive aux scènes de la Madeleine qui, sans être « délicieuses », comme le prétendent les enthousiastes, nous paraissent assez piquantes. […] Les seules approches de la mort, la seule vue d’une agonie seraient pour elle une souillure.

424. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Souvenirs d’un diplomate. La Pologne (1811-1813), par le baron Bignon. »

Bignon, et où il se retrouvera en rapports étroits avec M. de Senfft : « Il réussit dans cette commission (de gagner aux vues du Cabinet français le chanoine Escoïquiz), et ce fut, depuis, son titre à la faveur. […] Il a failli sans doute, puisqu’il n’est pas permis de commettre le mal, même en vue du bien ; mais au moins ses fautes eurent-elles des motifs élevés. […] Pendant que M. de Senfft, à la veille de l’éclatant démenti de l’histoire, se montre ainsi à nous un peu la dupe des confidences de Fouché qui, évidemment (comme l’abbé de Pradt, et avec plus de malice), était entré dans ses vues, avait médit du pouvoir qu’il servait et ne s’était pas fait faute de gémir sur les folies du maître, il m’a paru curieux de citer une lettre de Napoléon adressée, vers ce temps, à son ministre de la police, et qui, dans sa sévérité encore indulgente, va droit au défaut de l’homme, rabat fort de cette haute idée trop complaisante et remet à son vrai point ce prétendu génie du duc d’Otrante, un génie avant tout d’ingérence audacieuse et d’intrigue.

425. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XIV. La commedia dell’arte au temps de Molière (à partir de 1662) » pp. 265-292

Quand le geôlier arrive, il se fâche de trouver sa sœur dans la rue avec un inconnu ; il fait grand bruit, surtout lorsque Valerio lui propose de l’introduire auprès de son nouveau prisonnier ; mais il s’apaise bien vite à la vue d’une bourse que Valerio lui offre et qu’il accepte. […] Comme le butor est toujours à ses côtés, Arlequin s’imagine que c’est la mélancolie qui lui trouble la vue et lui présente des objets fantastiques. […] Scaramouche, à cette vue, frémit d’horreur en songeant à la faiblesse des hommes qui se laissent conduire dans un précipice par leurs passions effrénées.

426. (1890) L’avenir de la science « XII »

Il est une foule d’études qui n’ont ainsi de valeur qu’en vue d’un but ultérieur. […] Le dessin général des formes de l’humanité ressemble à ces colossales figures destinées à être vues de loin, et où chaque ligne n’est point accusée avec la netteté que présente une statue ou un tableau. […] Il n’y a là rien à apprendre en fait de vues et d’idées philosophiques et je ne conçois guère, je l’avoue, que le résultat d’une éducation complète soit de savoir par cœur La Bruyère, Massillon, Jean-Baptiste Rousseau, Boileau, qui n’ont plus grand-chose à faire avec nous, et qu’un jeune homme puisse avoir terminé ses classes sans connaître Villemain, Guizot, Thiers, Cousin, Quinet, Michelet, Lamartine, Sainte-Beuve.

427. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le cardinal de Retz. (Mémoires, édition Champollion.) » pp. 238-254

Le lendemain des Barricades, la reine, le jeune roi et Mazarin avec la Cour une fois enfuis de Paris (janvier 1649), que va faire le coadjuteur, tribun du peuple, maître du pavé, ayant pour allié d’un côté le Parlement, cette machine peu commode à conduire, et de l’autre ceux des princes du sang et des grands du royaume (les Bouillon, les Conti, les Longueville) qui se sont engagés dans la faction avec des vues toutes personnelles ? […] Nous égayons les esprits par nos satires, par nos vers, par nos chansons ; le bruit des trompettes, des tambours et des timbales, la vue des étendards et des drapeaux réjouit les boutiques ; mais au fond paye-t-on les taxes avec la ponctualité avec laquelle on les a payées les premières semaines ? […] Sa prison, sa fuite, son séjour à Rome, ses voyages et caravanes en divers lieux, ses obstinations dernières pour conserver son siège de l’archevêché de Paris, nous fourniraient trop de vues sur ses faiblesses et sur les côtés infirmes de sa nature.

428. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Saint Anselme, par M. de Rémusat. » pp. 362-377

Il avait cet autre don et ce talent naturel des similitudes et des paraboles, qu’aura aussi saint François de Sales, et qui anime si heureusement d’images parlantes les perspectives et les vues du monde moral. […] Guillaume le Conquérant avait soumis l’Angleterre, et il avait besoin, même dans ses prélats, d’auxiliaires politiques qui entrassent dans les vues de son gouvernement. […] Anselme, après avoir entrevu les périls qui l’allaient assaillir, avoir résisté aussi longtemps que possible au vœu public qui le proclamait, avoir pleuré au point que sa vue s’en affaiblit, accepta le fardeau à l’âge de cinquante-neuf ans ; M. de Rémusat nous a tracé de lui, à cette époque décisive où il passe du cloître au monde, ce beau portrait que je donnerai dans toute son étendue : Sa sincérité (dans ses refus de se laisser élire) est pour nous avérée.

429. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Les romans de M. Edm. de Goncourt » pp. 158-183

Et grâce à son habitude d’accorder le pas à ses observations sur ses idées générales, à ne point plaider de cause et à ne pas émettre de considérations sur la vie, M. de Goncourt a pu se tenir à égale distance de ces philosophies nuisibles à toute vue exacte de la vie, et antiscientifiques : l’optimisme et le pessimisme. […] Dans le spectacle des paysages, des vues urbaines, des objets forcément immobiles, il perçoit le caractère mouvant et variable, les vibrations de la lumière, les variations du jour, le frisson passager de l’air. […] Que l’on relise surtout dans La Faustin, après les vues rembranesques des répétitions diurnes à la Comédie-Française, et la sinistré fin de dîner des auteurs dramatiques, les scènes ou apparaît l’honorable Selwyn, puis cet acte cruel du dénouement égal en puissance terrifiante à la Ligeia de Poe  La Faustin imitant devant une glace, par une nuit d’automne, le rictus de son amant moribond.

430. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre XI. Seconde partie. Conséquences de l’émancipation de la pensée dans la sphère de la littérature et des arts » pp. 326-349

Dès lors on a pu exiger d’eux l’impartialité ; ils avaient donné ce droit ; mais les poètes, qui furent les premiers historiens, n’avaient pas besoin de chercher l’impartialité ; ils avaient plus que cela ; ils avaient la vérité vue de haut, vue dans l’ensemble des choses. […] Il est impossible de prévoir ce que nous devons apprendre de langues dont les unes sont faites pour l’ouïe, et les autres pour la vue.

431. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre quatorzième. »

L’homme supérieur, qui s’est fait des disciples par quelque vue de son sens propre, n’a plus la force de les retenir dans la tradition. […] Cette vue courte et amoureuse de Dieu ranime tout l’homme et calme ses passions. » Le prince qui recevait ces étranges conseils avait alors vingt ans et devait être l’héritier de Louis XIV ! […] C’est du bonheur, c’est le fruit d’une veine heureuse ; voilà pourquoi l’auteur l’impose aux autres en son nom, comme une vue propre, plutôt qu’il ne leur en fait le partage aimable, comme du bien de tous. […] Il est plein de vues ingénieuses sur les qualités et les effets des ouvrages d’esprit, et de jugements délicats et profonds sur les modèles. […] En mêlant ces vérités aux vues de la sagesse antique, en faisant parler Mentor comme l’Evangile, Fénelon a donné à la plus belle morale l’air d’un anachronisme par l’incompétence du personnage qui l’enseigne.

432. (1866) Dante et Goethe. Dialogues

Je l’ai vue dans l’Histoire des Peintres, de Charles Blanc. […] Je ne l’ai vue nulle part, et je ne sais si elle existe encore. […] On croirait qu’il m’avait en vue. […] Au temps de l’Allighieri, aucun Européen ne les avait encore vues. […] On dédaignera, on ira jusqu’à nier la vertu pratiquée en vue des récompenses ou des châtiments éternels.

433. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « La poésie »

Ce que c’est pourtant que d’avoir depuis longtemps quitté Paris et d’avoir perdu de vue ce ruisseau de la rue du Bac, si regretté de Mme de Staël ! […] Sur chaque point, cet esprit nourri aux sources, ce professeur appartenant à l’école exacte et sévère de notre Université, résume avec précision les idées, les vues les plus saines comme les plus avancées de la critique moderne.

434. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre IV. La fin de l’âge classique — Chapitre I. Querelle des Anciens et des Modernes »

Vue sommaire des faits. […] Il y a pourtant d’excellentes choses dans ces Réflexions, des vues générales et profondes : mais elles sont enveloppées ; jamais elles ne se présentent franchement, en pleine lumière ; et ce n’est pas une petite affaire de les extraire.

435. (1865) Du sentiment de l’admiration

Croyez-le, cette raison à courte vue ne peut faire de vous la forte race d’élèves que demande un pays tel que le nôtre. […] À d’autres le courage ferait défaut ; mais une foi profonde palpite au cœur du pèlerin ; il attache sur la cime aérienne des regards enivrés, et cette vue lointaine le ranime.

436. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Mes petites idées sur la couleur » pp. 19-25

C’est la nature vue à la chute du jour. […] Voyez ce que devient Bachelier quand il a perdu de vue sa rose, sa jonquille et son œillet.

437. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Henri Rochefort » pp. 269-279

Je l’ai vue aussi ailleurs qu’en Angleterre. Je l’ai vue étaler son énormité dans les pages joyeuses du Tintamarre, où Rochefort, je le dis au hasard, mais je ne le dis pas pour ravaler son talent, certes !

438. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre V. La philosophie. Stuart Mill. »

Quand je dis que la neige est blanche, je veux dire par là que, lorsque la neige est présente à ma vue, j’ai la sensation de blancheur. […] Il se peut qu’en certains cas la vue extérieure s’oppose à la vue intérieure, et qu’en certains autres elle ne s’y oppose pas. Or, on a déjà vu qu’en matière de figures, la vue intérieure reproduit exactement la vue extérieure. Donc, dans les axiomes de figure, la vue intérieure ne pourra s’opposer à la vue extérieure ; l’imagination ne pourra contredire la sensation. […] C’est qu’avec un sens profond de notre puissance, ils n’ont point eu la vue exacte de nos limites.

439. (1864) Le positivisme anglais. Étude sur Stuart Mill

Quand je dis que la neige est blanche, je veux dire par là que, lorsque la neige est présente à ma vue, j’ai la sensation de blancheur. […] Il se peut qu’en certains cas la vue extérieure s’oppose à la vue intérieure, et qu’en certains autres elle ne s’y oppose pas. Or on a déjà vu qu’en matière de figures, la vue intérieure reproduit exactement la vue extérieure. Donc, dans les axiomes de figure, la vue intérieure ne pourra s’opposer à la vue extérieure ; l’imagination ne pourra contredire la sensation. […] C’est qu’avec un sens profond de notre puissance, ils n’ont point eu la vue exacte de nos limites.

440. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Joseph de Maistre »

Si M. de Maistre a compris d’emblée, à ce degré de justesse, la Révolution française, c’est, nous l’avons assez montré, qu’il l’avait vue de près et sentie à fond par sa propre expérience douloureuse. […] De telles vues, dont ce livre offre maint exemple, rachètent bien de petits excès. […] On y regardera désormais à deux fois, on s’avancera en vue du brillant et provoquant défenseur, sous l’inspection de sa grande ombre. […] Cet ordre de considérations anodines ne fait rien à l’affaire, à la vérité, qui est de savoir si Bacon a inventé ou non une méthode, et dans quelle vue il la voulait, et où cela menait. […] Les années qui ont suivi, en confirmant quelques-unes de ses vues et en en contredisant certaines autres, n’ont fait qu’élever de plus en plus haut son nom et l’autorité de son esprit parmi les hommes.

441. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre I. De l’évolution de la vie. Mécanisme et finalité »

Mécanisme et finalisme ne sont donc ici que des vues extérieures prises sur notre conduite. […] Dans ce cas, la tendance à perdre la vue se serait transmise de germen a germen sans qu’il y eût rien d’acquis ni de perdu par le soma de la Taupe elle-même. […] Mais la réalité sur laquelle chacune de ces théories prend une vue partielle doit les dépasser toutes. […] Elle dit que les parties ont été assemblées sur un plan préconçu, en vue d’un but. […] Ce sont des vues multiples de l’esprit sur un processus indivisible.

442. (1894) Dégénérescence. Fin de siècle, le mysticisme. L’égotisme, le réalisme, le vingtième siècle

S’ils sont absurdes et anti-sociaux, s’exercent une influence troublante et corruptive sur les vues de toute une génération. […] Le mot, écrit ou parlé, excite un sens, la vue ou l’ouïe, et dégage une activité du cerveau, c’est vrai. […] Une poésie qui représentait l’homme d’après les vues de cette psychologie insuffisante, devait être fausse jusqu’au ridicule. […] Ils ne peignirent pas des vues sobrement conçues, mais des émotions. […] Rien ne doit être meilleur, plus beau ou seulement plus en vue que la vulgarité moyenne !

/ 2511