Gauthiez, Pierre (1862-1945) [Bibliographie] Les Voix errantes (1894). — Les Herbes folles (1895). — Deux poèmes (1896).
J’apaisai la violence De mon « zona » de la voix Dont le vieux Job dit : silence ! […] » Mais elle n’écoutait qu’une voix dans la nuit. […] Tout tremble : c’est Heredia, À la voix farouche et vibrante. […] Une autre maintenant lui répond à voix pleine. […] A-t-il, pendant quatre ans, savouré le poison De ta voix qui mentait, et béni le mensonge ?
Elle le prend par la main, et d’une voix angélique lui annonce qu’un jour il sera près d’elle. […] Le poète s’indigne à bon droit des mœurs efféminées de son temps, et compare le sort des hommes qui vivent de leur intelligence au sort des hommes qui vivent de leur voix. […] Elle se croit à l’abri du danger, mais une parole sincère, prononcée d’une voix émue, suffit pour ébranler cette sagesse si sûre d’elle-même. […] Comme elle croit reconnaître sa voix, il se fait passer pour le frère du marquis. […] « Vous mourez, lui dit-elle d’une voix attendrie, parce que vous n’aimez pas.
Évitez ses regards langoureux, son parfum troublant, sa voix si douce. […] J’aurais voulu entendre la voix de ces solitudes. […] Voix qui charme les soucis, qui apaise les regrets, voix douce, conseillère d’amour et de fidélité. […] Ses yeux, son geste, sa voix, tout est tendresse. […] La voix de ce coucou disait : « Tic-tac ».
C’est sur ce fond propice que se détachent les héros du drame : ils ont la stature, le regard, le geste, la voix qu’ils doivent avoir. […] C’est le lieu scénique par excellence, d’où l’acteur tient le public sous son empire et d’où sa voix porte sans effort jusque dans les profondeurs de la salle. […] Ainsi quand la voix passe du langage parlé au chant, l’auditeur passe d’états non persistants et très légèrement sentis à des états persistants et profondément sentis. […] Ici le cor a une signification exacte et déterminée : c’est la voix même de Ruy Gomez, dont il évoque l’image menaçante aux yeux des spectateurs. […] Les trois convives s’arrêtent, lèvent la tête et prêtent l’oreille à la voix vibrante des instruments à cordes.
Le coup ne l’avait pas tué ; il leur dit d’une voix basse: « Que vous ai-je fait, mes princes, et que me faites-vous sur mes vieux jours ? » Janikan, entendant sa voix, cria au grand maître: « Achève ce chien », et, en même temps, il tira l’épée lui-même et s’avança pour se jeter dessus. […] Et quand ils en auraient été capables, y avait-il apparence qu’ils eussent eu l’audace de le déclarer, et, en le déclarant, de l’emporter contre tant de voix ? […] Il attendit néanmoins que tout le monde eût parlé, tant parce qu’il devait cette déférence aux seigneurs qui tenaient un rang au-dessus de lui, que parce qu’il espérait toujours que quelqu’un d’eux, plus éclairé ou mieux intentionné que les autres, proposerait des sentiments plus légitimes, et le délivrerait de l’embarras où une rencontre si fâcheuse l’allait engager ; mais, lorsqu’il vit que, tout d’une voix, ils avaient conclu à l’élection du cadet, au préjudice de l’aîné, sur des prétextes qui, quelque spécieux qu’ils fussent, paraissaient affectés, et sur des conjectures trop faibles au fond pour être assez considérables dans une si grande affaire ; d’un ton de voix qui, sans perdre le respect, avait beaucoup de vigueur, il leur parla en ces termes: « Cette proposition que vous venez de faire, princes, seigneurs des seigneurs, d’exclure de la couronne Sefie, fils aîné d’Abas II, à qui elle appartient légitimement, et de mettre en sa place le cadet Hamzeh-Mirza, choque trop visiblement la justice et les lois de l’envoyé élu, pour croire que vous vous y soyez portés par quelque éblouissement qui vous ait surpris. […] Ainsi, bien loin qu’aucun d’eux voulût tenir ferme sur son premier sentiment, ils se hâtèrent à l’envi l’un de l’autre de se rétracter ; et dissimulant leur mécontentement, ils arrêtèrent, tout d’une voix, « qu’attendu que l’aîné se trouvait en état de recevoir la couronne qui lui appartenait par la loi, il fallait sans délai l’aller tirer du palais de la Grandeur pour le porter sur le trône. » Voilà comme Sefie-Mirza (Sséfy-Myrzâ) fut élu monarque des Perses, contre la volonté de ceux mêmes qui lui donnaient leurs suffrages.
J’ai là devant moi quantité de numéros de la Presse, renfermant des articles de lui, dont je voulais me souvenir, et sur l’un de ces numéros j’ai écrit : « Voici de ces jolies choses, dites en courant, que je crains que Saint-Victor ne conserve pas et ne recueille pas dans les volumes d’articles revus qu’il prépare ; il s’agit de je ne sais quelle petite pièce à couplets : « Ces chansons du vieux temps, Mlle Déjazet les dit de sa petite voix grêle et fine de cigale anacréontique ivre de rosée. — « Tu ne subis point la vieillesse », — dit à la cigale le poëte de Téos, — « frêle enfant de la terre, toi qui aimes les chansons. » Et dans un autre feuilleton encore : « Les rides, si jamais elles viennent, iront à sa petite figure spirituelle et impertinente comme les craquelures à la porcelaine. » Ces charmants hasards de plume valent pour moi de plus grands traits, et je ne veux pas que le feuilleton, sous prétexte qu’il devient livre et qu’il se fait plus grave, me les ôte et me les supprime. […] Sa voix (je l’ai entendu) prend des accents irrités, vibrants et comme métalliques quand il croit qu’on les outrage : son goût noble et élevé devient altier en ces moments-là.
» répéta après moi la plus jeune, la plus douce, la plus timide voix de quinze ans, celle que je n’ai entendue que ce soir-là, que je n’entendrai peut-être jamais plus. Je crus sentir une intention dans cette voix si fine de jeune fille : je crus (Dieu me pardonne !)
À la voix large et puissante de M. […] Et bien qu’il soit le barde qui tressa le poème harmonieux d’Aréthuse et qui inscrivit, en exergue, au-dessus des treize portes de la Ville, les routes différentes des passions, il est aussi le faune naïf qui éveilla, sous ses doigts inspirés, les voix des Roseaux de la flûte et de la Corbeille des heures.
Au milieu de tous ces désordres, il est impossible au zele de ne pas élever sa voix. […] Rien de plus singulier, dans l’Histoire de l’esprit humain, que ce fol enthousiasme excité par la Philosophie, dès qu’elle commença à élever sa voix.
Enfin un jour, Hayashi, en train de visiter ma collection, tirait l’écritoire d’un tiroir, et je voyais ses doigts pris d’un tremblement religieux, comme s’ils touchaient une relique, et je l’entendais, le Japonais, me dire d’une voix émotionnée : « Vous savez, vous possédez là une chose… une chose très curieuse… une chose fabriquée par un des quarante-sept ronins ! […] À ce moment, il entendit la voix de ses enfants, et sa femme qui leur disait très bas : — « Ne faites pas de bruit, mes petits ; votre papa n’est pas bien, vous le dérangeriez.
Quelques voix importantes néanmoins se sont élevées, depuis quelque temps, parmi les clameurs des deux armées. […] Ce qu’il y a de sublime et d’immortel dans l’homme se réveille comme en sursaut, au bruit de toutes ces voix merveilleuses qui avertissent de Dieu.
Roués retors, à l’âme de Scapin, qui ne voyaient dans toute l’histoire que grands comédiens et petits farceurs, Machiavels qui s’enfilaient sur leurs propres finesses quand ils auraient pu, dans l’état obscur où se trouvait alors l’histoire de l’Islamisme, s’attester la simplicité primitive de Mahomet, de ce beau berger comme David et Moïse, qui rêva quarante ans au désert avant d’entendre la voix de la Vocation s’élever dans son âme, comme un écho de la voix de Dieu, cette simplicité eût été pour eux une chose fermée, qui serait restée strictement fermée à leurs regards, à leurs lunettes et à leurs lorgnons !
Une voix proteste. […] La voix d’une Raison toute puissante, d’une Imagination ardente, d’un Corps malade, la voix d’un homme : Pascal. […] « … Tout, dans la nature, prenait des aspects nouveaux, et des voix secrètes sortaient de la plante, de l’arbre, des animaux, des plus humbles insectes, pour m’avertir et m’encourager. […] Daudet et Loti. — De cette conversion déplorable ne parlons pas davantage et souvenons-nous des anciens mérites. — La voix de M. […] Et tout lui revient, cet éphémère est la voix de l’éternité, sert de mesure aux choses de plus ambitieuse durée : une peinture est harmonieuse, une poésie est mélodieuse.
Nous pouvons nous tromper sur les intentions de Racine, non sur le timbre de sa voix. Ce n’est pas la voix d’un rhéteur ; tout le contraire : d’un poète. […] L’élégiaque né — se voulut poète tragique — malgré sa voix. […] … Mais ma voix n’avait pas l’accent guipuzzcoan. […] Il atteignit à sa plénitude sonore dans la voix mâle de Pierre Corneille.
Lapointe, Savinien (1812-1893) [Bibliographie] Une voix d’en bas (1844). — Les Prolétariennes (1848). — La Baraque à Polichinelle (1849).
Rivet, Gustave (1848-1936) [Bibliographie] Les Voix perdues (1873).
Deux sonnets : La Lutte pour l’existence et La Voix des morts, résument, sous la forme la plus belle, deux théories qu’exposent moins sûrement les longs volumes des philosophes de profession.
. — « Belle enfant, lui dit-il, ma voix n’est plus qu’un épi égrené, mais pour vous complaire je chanterai. » Après avoir vidé son verre plein de vin, le vannier chante. […] Quelques notes mal étouffées d’amour qui s’ignore commencent à tinter à son insu dans la voix de l’enfant. […] d’une voix chatouilleuse fait soudain la pauvrette. […] … » L’entretien s’attendrit entre les deux enfants ; au moment où il va s’exalter jusqu’au délire, on entend la voix grondeuse d’une vieille femme. […] qu’il y a loin d’un peuple nourri par de telles épopées villageoises à ce pauvre peuple suburbain de nos villes, assis les coudes sur la table avinée des guinguettes, et répétant à voix fausse ou un refrain grivois de Béranger (digne d’un meilleur sort), ou un couplet équivoque de Musset (digne de meilleure œuvre), ou un gros rire cynique d’Heyne, ce Diogène de la lyre, ricaneur et corrupteur de ce qui mérite le plus de respect ici-bas, le travail et la misère !
Le 1er janvier, j’en entendis un en pleine voix, dans le jardin de mon ami, qui me dit qu’il ne se montre pas régulièrement chaque hiver dans ces contrées, et qu’on n’est sûr de l’y rencontrer que durant les saisons extrêmement rigoureuses. […] Je crus que tout cela provenait simplement de ce qu’il avait éventé la trace d’un ours ou de quelque loup ; et déjà j’apprêtais mon fusil, lorsque j’entendis une voix de stentor me crier : « Halte-là, ou la mort ! […] Tout à coup un grand nègre solidement bâti s’élança des épaisses broussailles où jusques alors il s’était tenu caché, et, renforçant encore sa grosse voix, me répéta sa formidable injonction. […] Mon chien vint le flairer à plusieurs reprises ; mais, entendant que je lui parlais de mon ton de voix ordinaire, il nous quitta, et se mit à faire ses tours non loin de nous, prêt à revenir au premier coup de sifflet. […] Rien n’est plus vif et plus joyeux ; du haut des vieux troncs et des arbres tombant de décrépitude, la voix du pivert se fait entendre, et tous ses camarades lui répondent.
La Providence ménage à ces hommes rares de pareils confidents : les uns pour porter leur voix lointaine à leurs partisans, comme Las-Cases ; les autres, comme Medwin, pour donner au monde des notions familières et vraies sur une des grandes natures de leur époque. […] Voici comment il s’attendrit sur son souvenir, quand la mort eut éteint la voix de Goethe : Je vois enfin devant moi terminé le troisième volume de mes conversations avec Goethe, promis depuis longtemps ; j’éprouve la joie que donne le triomphe de grands obstacles. […] Goethe vivait encore devant moi ; j’entendais de nouveau le timbre aimé de sa voix, à laquelle nulle autre ne peut être comparée. […] Sa voix avait repris son timbre naturel, sa respiration était libre ; sa main n’était plus enflée, son apparence était celle de la santé, sa conversation était facile. […] En entendant sa voix dans l’allée de la Source, il avait saisi son chapeau et avait couru vers elle.
… C’est la voix du général Schmitz qui jette à la table. […] J’entends la voix de Hugo se mêler aux rires des femmes, au bruit des assiettes. […] Et cela avec étranglement de la voix, tremblement des mains, crachement dans la soupe des voisins : tous les caractères d’une épilepsie dangereuse et injurieuse pour tout le monde. […] Et cependant dans l’ensommeillement de ses pas, de ses mouvements, de sa pensée, quand, un moment, il secoue sa léthargie, le vieux Théo réapparaît, et ce qu’il dit, de sa voix assoupie, avec des ébauches de gestes, semble le langage de son ombre — qui se souviendrait. […] Les plus touchantes voix de l’Opéra chantent le Requiem de l’auteur de Gisèle.
Dimanche 15 mars Je trouve Flaubert assez philosophe à la surface, mais avec les coins de la bouche tombants, et sa voix, tonitruante, est basse, par moments, comme une voix qui parlerait dans la chambre d’un malade. […] Il ne parlait que de roses que ses petites mains cherchaient à rassembler en bouquet, pour sa bonne amie, la sœur qui le soignait, il ne parlait que de bouvreuils que ses petites mains s’efforçaient à attraper dans le vide, pour les mettre dans le giron de sa mère, et sa voix expirante répétait toutes les gaies chansons italiennes, que sa première enfance avait entendues, dans la baie de Naples. […] Je n’oublierai jamais la douce voix artificielle, qu’elle a prise pour me dire de me déranger, et le haut-de-corps désespéré, avec lequel, l’armoire ouverte, elle a jeté sur ses bras, deux draps — les draps pour ensevelir son cher enfant. […] Et sans s’occuper de ceux qui étaient là, et comme pour se faire plaisir à elles-mêmes, toutes à leur chant, ces femmes ont continué à vous remuer douloureusement l’âme, avec leurs voix. […] Il en a l’élégance svelte, l’apparence ravagée, la barbiche grisâtre, la calvitie et la voix cassée par le commandement.
Mais les larmes sont aussi vaines, Lorsque, par le destin, nous sommes poursuivis, Que ces tristes accens d’une femme éplorée, Qui croit, dans la douleur dont elle est pénétrée, Faire, à sa voix, sortir les morts de leur sommeil. […] Les modernes n’eurent en général, pour eux, que la voix & la plume des auteurs décriés, ou du moins médiocres. […] Le plus bel éloge que les Romains crussent faire de Virgile, étoit de le comparer à Homère : ils ne donnèrent jamais, d’une voix unanime, la prééminence à leur compatriote. […] Porée a cru devoir élever la voix contre le genre à la mode. […] La duchesse trouva la plaisanterie singulière, & fit sur Ramsay ces vers : Monte vîte aux enfers, doucereux satellite, De l’aimable Alecton la voix te sollicite ; Vas mêler tes soupirs aux tendres sifflemens Des aspics sur son front hérissés galamment.
L’âge, la méditation et le malheur n’avaient pas encore donné à son âme cette sonorité grave et surhumaine, timbre sépulcral de sa seconde voix. […] Alors, et alors seulement, il entendit toute la voix de son génie, étouffée jusque-là par les bruits de la terre. […] » Nous admettons cette identité sans doute très légitime entre le poète et l’interprète : c’est l’identité de la voix et de l’écho. […] Il ressemblait, par la physionomie, par l’âme, par la sérénité du regard, par le timbre même monotone, affectueux et voilé de sa voix, à un brahme chrétien venu des Indes en Europe pour y prêcher l’Évangile de la science calme de la contemplation mystique et de l’adoration extatique à notre monde de discorde et de contention. […] Écoutons dans quelques belles pages cette voix d’Ozanam si digne de parler des choses de l’esprit.
Il se mettait parfois à danser subitement et à chanter, bien qu’il n’eût pas une belle voix. […] Une première fois pourtant, en 1691, La Bruyère, sans l’avoir sollicité, avait obtenu sept voix. […] J. d’Ortigue l’a trouvée écrite à la main sur le dernier feuillet d’un volume de La Bruyère qui semble avoir appartenu à quelque académicien de la fin du xviie siècle : « La première place qui vaqua dans l’Académie française, après que M. de La Bruyère y fut reçu, étant à remplir, MM. les abbés de Caumartin et Boileau furent proposés et partagèrent également entre eux les suffrages de l’Assemblée jusqu’à la voix de M. de La Bruyère.
Mais il insista pour que je demeurasse, disant que cela ne servirait en rien à prolonger sa vie que de négliger un devoir. » Et à l’instant, lord Granville se mit à réciter en grec les vers d’Homère, ces mêmes paroles généreuses de Sarpédon à Glaucus, ayant soin d’élever la voix et d’appuyer avec une certaine emphase orgueilleuse sur ce vers qui lui rappelait la haute part qu’il avait prise aux affaires publiques : « Tu ne me verrais point combattre moi-même comme je le fais, au premier rang. […] « La forte race grandit sous les célestes influences ; une voix mystérieuse lui dit que ce vaste monde qui s’étend sous ses pieds lui appartient. […] Ce n’est là rien de plus qu’un juste tribut payé à leur renommée ; en d’autres termes, c’est la modestie convenable à tout individu de penser que son jugement inexpérimenté est sujet à se méprendre plutôt que la voix unanime du public.
M. de Lamartine s’élevait pourtant dans le lyrique ; sa voix s’étendait et se variait, son haleine devenait plus longue et accusait plus de puissance : le talent enfin, l’art(si l’on peut lui appliquer ce mot), gagnait en lui, et à la fois les sentiments divers abondaient sur ses lèvres avec assez de nouveauté et de magnificence pour racheter ce qu’ils avaient perdu de leur première unité. […] Sans avoir aucune autorité pareille, ne serait-il donc pas permis à ceux qui ne sont, qui ne veulent être que littérateurs et poètes, qui croient ainsi servir le monde à leur manière et y remplir leur humble rôle, qui s’y attachent d’autant plus que la vue des intrigues présentes leur donne plus fort la nausée ; à ceux qui écoutent avec bonheur la voix de M. de Lamartine s’élever un moment avec pureté du milieu des récriminations, et qui regrettent qu’elle n’y soit qu’une trêve, ne leur serait-il pas permis de lui demander qu’il leur laissât au moins la dignité de leur silence en politique ? […] tout homme ainsi commence… Puis, expliquant sa transformation et comment il est arrivé à perdre sa voix dans le grand chœur, il ajoute : Alors, par la vertu, la pitié m’a fait homme ;… Passé, présent, futur, ont frémi sur ma fibre… et dans cette longue et pénible incarnation de l’humanité en lui, qu’il nous développe, il croit qu’il ne parle plus de lui, tandis que le je y revient sans cesse et s’y articule à chaque vers.
Point du tout ; quand un autre monsieur, c’est-à-dire une forme pareille, en paletot, avec une barbe et une grosse voix, entrera dans la chambre, il lui arrivera souvent de l’appeler aussi papa. […] En d’autres termes, une certaine tendance correspondante à ce qu’il y a de commun entre les divers personnages munis d’un paletot, d’une barbe et d’une grosse voix s’est éveillée en lui, à la suite des expériences par lesquelles il les a perçus. […] De même que, dans le fœtus, on voit tour à tour la tête disproportionnée se réduire à sa juste mesure, les fontanelles du crâne se boucher, les cartilages se changer en os, les vaisseaux rudimentaires se clore et se ramifier, la communication de la mère et de l’enfant se fermer, de même, dans le langage enfantin, on voit tour à tour les deux ou trois noms dominants perdre leur prépondérance absolue, les mots généraux limiter leur sens trop vaste, préciser leur sens trop vague, s’aboucher entre eux, acquérir des attaches et des sutures, se compléter par l’incorporation d’autres tendances, ordonner sous eux des noms de classes plus étroites, former un système correspondant à l’ordre des choses, et enfin agir par eux seuls et d’eux-mêmes sans l’aide des nomenclateurs environnants. — Un enfant a vu sa mère mettre pour une soirée une robe blanche ; il a retenu ce mot, et désormais, sitôt qu’une femme est en toilette, que sa robe soit rose ou bleue, il lui dit de sa voix chantante, étonnée, heureuse : « Tu as mis ta robe blanche ?
« Il était laid, nous dit un contemporain628 : sa taille ne présentait qu’un ensemble de contours massifs ; quand la vue s’attachait sur son visage, elle ne supportait qu’avec répugnance le teint gravé, olivâtre, les joues sillonnées de coutures ; l’œil s’enfonçant sous un haut sourcil, … la bouche irrégulièrement fendue ; enfin toute cette tête disproportionnée que portait une large poitrine… Sa voix n’était pas moins âpre que ses traits, et le reste d’une accentuation méridionale l’affectait encore ; mais il élevait cette voix, d’abord traînante et entrecoupée, peu à peu soutenue par les inflexions de l’esprit et du savoir, et tout à coup montait avec une souple mobilité au ton plein, varié, majestueux des pensées que développait son zèle. » Et Lemercier nous montre « les gestes prononcés et rares, le port altier » de Mirabeau, « le feu de ses regards, le tressaillement des muscles de son front, de sa face émue et pantelante ». […] Pendant quinze ans, une seule voix s’élèvera, impérieuse, mais éloquente.
Le premier abord est diplomatique : la comtesse complimente M. de Cygueroi, sans que sa voix tremble. […] La voilà subjuguée par la voix de son mari, reprise par ses caresses. […] L’homme pâlit de rage, ses yeux s’injectent, sa voix devient rauque : « L’amant ?
Un jour je vis, debout au bord des flots mouvants, Passer, gonflant ses voiles, Un rapide navire enveloppé de vents, De vagues et d’étoiles ; Et j’entendis, penché sur l’abîme des cieux, Que l’autre abîme touche, Me parler à l’oreille une voix dont mes yeux Ne voyaient pas la bouche : — Poëte, tu fais bien !