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350. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Verlaine, Paul (1844-1896) »

Alors une voix lui dit : « Tu es le meilleur et le plus heureux ». […] Elle fut bientôt la seule voix qu’il écouta, et, les jours qu’il appareillait vers son rêve d’égalité et de fraternité, elle se penchait comme une chimère à l’avant de son navire, le corps hardi, les yeux fixes, la voix grande, les mains et les seins levés vers les fêtes humaines de l’avenir.

351. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXI. Dernier voyage de Jésus à Jérusalem. »

Sa voix eut à Jérusalem peu d’éclat. […] Les brebis entendent sa voix ; il les appelle par leur nom et les mène aux pâturages ; il marche devant elles, et les brebis le suivent, parce qu’elles connaissent sa voix.

352. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — Se connaître »

Mais en même temps que la vérité se fait jour en eux, la fierté gauloise qui fait partie de leur existence intime, justement émue de cette aube de conscience dangereuse pour elle et ne pouvant consentir à perdre un pouce de terrain qu’elle occupe dans le cœur de tout Français, se redresse avec énergie, pour faire entendre sa voix toute puissante au-dessus des appels de la réalité. […] Il faut écouter cette voix bourrue, interrompant tout à coup le vacarme de nos cabotinages et détournant notre attention de tous les amusements burlesques, de tous les divertissements « bien parisiens » auxquels nous avons voué un culte absurde. […] Il marcherait aux abîmes, le sourire sur les lèvres, les yeux levés au ciel, persuadé qu’il suit la voix triomphale de la victoire et que la terre entière s’incline sur son passage.

353. (1860) Cours familier de littérature. X « LVe entretien. L’Arioste (1re partie) » pp. 5-80

Leurs légers frémissements à la moindre brise d’été remplissaient l’air et la grotte d’harmonies fugitives, semblables à des plaintes d’eau ou à des chuchotements de voix humaines qui se parlent tout bas. […] C’était un homme d’une belle figure, entre cinquante et soixante ans, d’une voix pleine et sonore, accoutumé à remplir les vastes salles de l’université à Padoue. […] le pauvre poète, ajouta-t-il, il n’avait pas besoin d’enfler sa voix pour célébrer la générosité de ses souverains, qui ne le payèrent presque jamais qu’en applaudissements et en familiarité. […] Le jour qui baissait, et la voix du professeur qui baissait avec le jour, nous firent remettre au jour suivant la lecture du poème. […] Des cris de détresse poussés par une voix de femme dans l’épaisseur du bois l’attirent, l’épée à la main, de ce côté.

354. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxve entretien. Histoire d’un conscrit de 1813. Par Erckmann Chatrian »

En attendant, nous tiendrons la couronne suspendue sur deux trônes, quitte à couronner l’ombre pour la réalité, ou l’écho pour la voix. […] Elle avait une voix douce qui s’élevait jusqu’au ciel. […] Elle ne se leva point, et je m’en allais bien vite, n’ayant plus de force, lorsqu’elle se mit à crier d’une voix déchirante : « Joseph ! […] Au coin du boulanger Spitz, une vieille, au premier, cria de sa fenêtre, d’une voix étranglée : « Kasper ! […] » J’entendis que sa voix tremblait en disant ces mots, et mon cœur se mit à sangloter intérieurement ; je songeais à Catherine, à la tante Grédel, et je ne pouvais rien répondre.

355. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XV. La littérature et les arts » pp. 364-405

A tous deux la voix humaine sert d’instrument  ; à tous deux les mouvements de l’âme sont une matière inépuisable. […] Les poètes, sans parler de leurs efforts rarement heureux pour reproduire par l’harmonie imitative les voix de la nature, se sont livrés à des recherches de sonorité ou d’euphonie qui les ont menés fort loin. […] Quel écrivain pourra jamais, par exemple, faire parler les voix mystérieuses de la brise et des oiseaux dans les branches, de façon à égaler les frémissements aériens et les frissons harmonieux par lesquels Wagner évoque (dans Siegfried) les murmures de la forêt ? […] On se figure très bien sous ces voûtes sonores une chanson guerrière déclamée d’une voix tonnante, quelque conte gras et gaillard faisant éclater un gros rire sur de larges faces ; on entend à la rigueur un chant d’amour charmant l’ennui des longues soirées d’hiver où la châtelaine rêve et soupire. […] Est-ce qu’un éclat de voix et de passion ne détonnerait pas au milieu de ces agréables brimborions ?

356. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre VII, seconde guerre médique. »

La Pythie leur lance, d’une voix de furie, des prophéties plus effroyables que celles d’lsaïe vouant Babylone aux orfraies et Ninive aux taupes. […] Héphestos (Vulcain), l’orfèvre divin, avait, dit-on, modelé, pour le plafond de cuivre d’un des trois grands temples, trois Vierges d’or qui chantaient avec des voix de Sirènes. […] Une voix planait sur cette multitude invisible, et Démarate reconnut à ses cris mystiques celle d’Iacchos, l’agitateur des Mystères, l’enfant de Zeus et de Perséphone. […] Elle enjambait les vaisseaux du pas démesuré des déesses courant sur les nues, et sa voix retentissante leur criait : « Ô braves ! […] Elle repoussa le Macédonien d’un geste altier, d’une voix irritée : « Tu nous dis que le Mède est plus puissant que nous ; nous savons cela aussi bien que toi.

357. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXe entretien. Dante. Deuxième partie » pp. 81-160

Et, avec une physionomie de charme et de paix, et d’une voix d’ange, elle me dit dans sa langue d’en haut : « “Ô âme compatissante de Mantoue ! […] « À la voix de ces âmes blessées, je baissai de pitié la tête et je tins mon visage incliné vers le sol. […] Ils sont dans ce silence des deux jours et des deux nuits suivantes, où les cinq victimes se taisent de peur que le son de leur voix ne porte un coup de plus au cœur les uns des autres. […] Pendant que vous contemplez tout ébloui ce spectacle, vous croyant seul entre ciel et terre à mille pas au-dessus des séjours humains, une musique vague, ou plutôt une brise psalmodiée, entremêlée d’un bourdonnement de voix d’enfants et de femmes, vous arrive, à travers les myrtes et les pins, du fond d’une caverne qui s’ouvre à gauche dans les vastes échancrures du rocher taillé à main d’homme. […] » Dante ne peut trouver de voix pour répondre.

358. (1866) Dante et Goethe. Dialogues

Ce fut la voix de Grifagno qui rompit le charme. […] Sa voix prenait tour à tour des accents brusques et les intonations les plus suaves. […] — Et voici qu’une voix intérieure lui commande d’interroger le mystère des eaux. […] Une voix chante en lui : « Dahin, Dahin !  […] C’était comme une voix du sang, une transmission paternelle.

359. (1900) La vie et les livres. Cinquième série pp. 1-352

Le cacatoès, couleur de saphir et d’émeraude, s’ingéniait à répéter, de sa voix rauque, les niaiseries des badauds. […] Ballue et déclara connaître un département où les voix « se payaient cinq francs pièce ». […] Qui, mieux que lui, connaît la voix du pinson ? […] Seule, elle pense, elle parle, elle commande, dans les petites cités, où tout le monde bavarde, et où personne n’ose élever la voix. […] C’était, en effet, un joueur de biniou, attentif à la voix des Celtes morts, de la Bretagne agonisante.

360. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE PONTIVY » pp. 492-514

Un voile couvrait sa voix ; un voile couvrait son âme et ses yeux et toutes ses beautés, jusqu’à ce que vînt l’heure. […] » Mme de Pontivy, qui allait consentir, rougit subitement, et sans trop savoir pourquoi, répondit avec bonheur : « Il serait peu convenable, j’imagine, de voir moi-même M. le Régent ; » et l’avis de Mme de Tencin, qui allait passer tout d’une voix, se retira et tomba de lui-même comme indifféremment. […] Elle s’élança à sa voix, et balbutia toute troublée. — « J’arrive, lui dit-il ; la grâce absolue a été bien loin rejetée. […] madame, ajoutait-il, en élevant de temps en temps la voix sur ce mot (car il fallait aussi songer au monde d’alentour), cette amitié, cette affection que vous m’offrez à toujours et avec fidélité, avec une fidélité à laquelle je crois tout aussi fermement que jamais, oh !

361. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (6e partie) » pp. 129-176

Les longues douleurs de sa captivité, le sentiment désespéré mais calme de sa situation, les larmes contenues mais murmurantes au fond des paroles, donnaient à sa voix un accent où l’on entendait ce bouillonnement des sentiments qui monte d’un cœur profond. […] Pendant que ses ennemis préparaient son acte d’accusation à quelques pieds au-dessus de sa tête, sa voix, comme celle de la postérité, grondait dans ces souterrains de la Conciergerie. […] C’est un enseignement propre à fausser le jugement de ce peuple et non à le moraliser ; c’est un mensonge à la postérité, qui a droit à aimer ou à abhorrer selon les œuvres ; c’est une offense à Dieu, dont vous faites mentir la justice dans votre bouche ; c’est un crime contre la conscience, dont vous étouffez la voix par un chant de triomphe, au lieu de lui livrer les justes à récompenser, les criminels à punir. […] La république fut le salut de ce peuple qui eut la vertu de l’acclamer à ma voix, et la vertu plus grande de la modérer.

362. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre IV, Eschyle. »

L’un, le bombyx en main, l’enflamme sous ses doigts, en fait jaillir la note frénétique, la note qui allume les colères : l’autre s’étourdit de l’airain vibrant des cymbales… L’hymne bondit, le formidable Alala pareil à la voix caverneuse du taureau ! […] Voix des dieux ou voix du peuple, il sort d’une foule qui n’a qu’une bouche et qu’une âme. […] Cet Athénien a parfois la voix d’un psalmiste ou d’un prophète d’Israël.

363. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — CHAPITRE XIV »

Une voix intérieure qu’il ne peut faire taire, interrompt toutes ses actions et toutes ses paroles, pour les approuver ou pour les blâmer. Cette voix doit se faire entendre sur la scène, et le théâtre lui a ménagé des échos dans les monologues et les apartés. […] Elle poursuit ainsi, et ses nerfs se montent, et sa voix s’exalte. […] Cette gamme de sentiments, graduée comme un exercice de solfège, n’est pas plus dans la voix d’une enfant de douze ans que les autres airs qu’elle chante.

364. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Hégésippe Moreau. (Le Myosotis, nouvelle édition, 1 vol., Masgana.) — Pierre Dupont. (Chants et poésies, 1 vol., Garnier frères.) » pp. 51-75

Aujourd’hui pourtant, je parlerai de deux poètes qui ont chanté avec quelque nouveauté ; dont l’un a déjà un nom, un nom consacré par une mort lamentable, et dont l’autre qui, heureusement, est plus en voix que jamais, obtient une sorte de vogue en ce moment : Hégésippe Moreau et Pierre Dupont. […] Bien des jolies bouches se mirent à l’instant à répéter à pleine voix cette cantilène piquante et naïve (naïve à demi) du laboureur, et lui poète, il sentit qu’il n’avait plus qu’à continuer de chanter dans ce ton les choses de la campagne, un peu à l’usage des villes et des salons, et en se souvenant toutefois de ses origines. […] Organisation ouverte et mobile, il a réfléchi les échos d’alentour, et y a prêté sa voix. […] Il faut l’entendre lui-même quand il chante : il commence avec une sorte de peine, avec une voix enrouée, un peu cassée, bientôt entraînante pourtant.

365. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Sainte-Beuve. Les Poésies de Joseph Delorme, Les Consolations, les Pensées d’août. »

Il l’a perdue en effet, non d’un coup et à jamais, de même que cette belle et célèbre chanteuse qui, un soir, dans tout l’éclat de son talent, perdit soudainement sa voix, comme si on lui eût enlevé avec la main l’appareil par lequel on chante, et qui, depuis, ne la retrouva plus, même en la cherchant avec frénésie dans le fond de son pauvre gosier au désespoir ! […] Son accent du Joseph Delorme, cette note qui valait toute une voix et qui en était une qu’avant lui on n’avait pas entendue, on la réentendit encore plus d’une fois, dans des poésies d’un autre timbre, mais, hélas ! […] Le vrai Joseph Delorme ne commence qu’à la quinzième pièce du volume (et il y en a cinquante-six en tout) ; il ne se révèle pour la première fois que dans celle-là que le poète a intitulée Bonheur champêtre, et dans laquelle pourtant le vieux lyrisme du moment, jeune alors, mais connu, usé, poncif à présent, et qui retentissait en métaphores sur la lyre des Hugo et des Lamartine, couvre encore la voix neuve, la note unique qui, tout à coup, çà et là, y vibre : Lorsqu’un peu de loisir me rend à la campagne Et qu’un beau soir d’automne, à travers champs, je gagne Les grands bois jaunissants, etc., etc. […] Mais la voix !

366. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre premier. Ce que devient l’esprit mal dépensé » pp. 1-92

Bientôt, de ces profonds silences qui vous effrayaient tout d’abord, s’élèvent des bruits confus ; ce sont des voix aimées qui vous parlent toutes à la fois ; bientôt encore on dirait que la confusion s’arrête et que chaque voix veut parler à son tour. […] Toujours est-il que la voix de mademoiselle de Lenclos entraîna l’assentiment général des beaux esprits et des grands seigneurs qui faisaient l’opinion. […] Une voix du vieux parterre (il y avait déjà un vieux parterre, aujourd’hui il n’y a plus de parterre) crie à l’auteur : Courage ! […] Le beau-père accourt à la voix de son gendre, et sort de sa maison, mais non pas de sa dignité : — « Ah ! […] N’entendez-vous pas cette voix douce et sonore à la fois ?

367. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préfaces de « Han d’Islande » (1823-1833) — Préface d’avril 1823 »

 ; ou : Il est maintenant superflu de louer ce livre, puisque la voix universelle déclare toutes les louanges fort au-dessous de son mérite, etc., etc. […] Ici, l’esclavage du suicide en remplaçait l’usage ; ailleurs, le manœuvre typographe donnait à un lien une voix qui appartenait à un lion ; plus loin il ôtait à la montagne du Dofre-Field ses pics, pour lui attribuer des pieds, ou, lorsque les pêcheurs norvégiens s’attendaient à amarrer dans des criques, il poussait leur barque sur des briques.

368. (1901) Figures et caractères

Les nefs retentissent de sa voix suppliante, de son espoir céleste, de son désir d’outre-vie. […] C’est toute une forêt qui chante avec les feuillages, le vent, les sources, et par la voix d’un dieu. […] Sa voix pure n’était point cette voix qui, comme celle de Chateaubriand, domine la rumeur du siècle. […] C’est sa voix même que nous entendons et c’est sa propre vie qu’il nous expose. […] La vie au sortir d’ici va vous persuader de toutes ses voix fausses qu’elle seule vaut qu’on vive.

369. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1867 » pp. 99-182

Soudain, d’un des petits carrés de fer treillissé, sort au bout d’un bâton une pochette en loques, avec une voix d’imploration qui me jette : Monsu, Monsu…. […] Une voix éteinte, strangulée comme par l’extinction d’une parole usée et répandue depuis quarante ans. […] Et une voix, sortant de cette guenille, une voix d’un voyou qui muse, chante : C’est la vérité pure, Vous qu’avez bon cœur, Plaignez une créature, Q’az-évu des malheurs ! […] Et une voix musicale d’éphèbe, et un certain dédain dans la politesse et l’amabilité d’une femme supérieure. […] répond-il, avec une note colère dans la voix, je n’ai plus de médecins, ils m’ont abandonné !

370. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre IV. Que la critique doit être écrite avec zèle, et par des hommes de talent » pp. 136-215

Grande voix qui va tout briser ! […] Voilà la voix sépulcrale qui s’écrie : — « Don Juan ! […] chantaient de leurs voix fraîches et d’un bel accent : Toute la gloire et la fleur du hameau. […] La terre ne pourrait assourdir à son cœur la trompette qui, de sa voix sonore et triomphante, lui dirait que la terre n’est que l’esclave de Louis !  […] En vain mademoiselle Brohan et mademoiselle Rachel ont récité, celle-ci de sa voix grave, et celle-là de sa voix enjouée, une louange, une nénie à la gloire de Molière !

371. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine, Jocelyn (1836) »

Le chant du pâtre, les voix de la famille assise un moment dans le sillon, tout ce qui a le son de la vie, répond en lui à des places secrètes, et le provoque à dire les joies ou les douleurs des mortels. […] On se dit que le chant tout seul n’est peut-être pas un monument suffisant dans la mémoire des hommes, de ceux qui n’auront pas, jeunes eux-mêmes, entendu la jeune voix du poète ; on se dit qu’une harpe éolienne n’éternise pas d’assez loin un tombeau. […] Celui qui, dans les Préludes, nous avait chanté d’une voix attendrie : Je suis né parmi les pasteurs, réalise et déploie en ce tableau son premier vœu. […] Au timbre de sa voix ferme dans sa langueur… À la fin des lettres de Jocelyn à sa sœur, après tous ces détails journaliers de prière, de travail, de charité, le curé de Valneige se représente, la nuit, veillant, agité encore, lisant tantôt l’Imitation, tantôt les poëtes : Dans mes veilles sans fin, je ressemble, ô ma sœur, À ce Faust enivré des philtres de l’école, etc., etc. […] Ces antiques et éternelles géorgiques (ascræum carmen), reprises par une voix chrétienne, ont une douceur nouvelle et plus pénétrante ; la sainte sueur humaine, mêlée à la sueur fumante de la terre, est bénie ; le respect, la religion du travail vous gagne, et, à l’heure de midi, quand la famille épuisée s’arrête et va boire un moment à la source, on s’écrie humainement avec le poëte :   Oh !

372. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE KRÜDNER » pp. 382-410

Malgré 89, malgré 93, quand déjà des voix prophétiques et bibliques devenaient distinctes, quand Saint-Martin, moins inconnu qu’auparavant, écrivait son Éclair, quand de Maistre lançait ses premières et hautes menaces, quand Mme de Staël arrivait, en parlant de sentiment, à de puissants éclats d’éloquence politique, Mme de Krüdner ne paraît pas avoir cessé de voir dans Paris, dans ce qu’elle traitera finalement comme Ninive, une continuelle Athènes. […] Elle était assez jeune et belle toujours, délicieuse de grâce ; petite, blanche, blonde, de ces cheveux d’un blond cendré qui ne sont qu’à Valérie, avec des yeux d’un bleu sombre ; une voix tendre, un parler plein de douceur et de chant, comme c’est le charme des femmes livoniennes ; une walse enivrante, une danse admirée. […] Comme on retrouve là cette frêle et tendre adolescence jetée au bord de l’abîme, cette nature d’âme aimable, mystique, ossianesque, parente de Swedenbourg, amante du sacrifice, ce jeune homme qui, comme René, a dépassé son âge, qui n’en a su avoir ni l’esprit, ni le bonheur, ni les défauts, mais que le Comte, d’une voix moins austère que le Père Aubry pour Chactas, conviait seulement à ces douces affections qui sont les grâces de la vie, et qui fondent ensemble notre sensibilité et nos vertus !… Gustave qui, à certains moments de sa solitude enthousiaste, se rapproche aussi de Werther ; qui égale même cette voix éloquente et poétique, en cette espèce d’hymne où il s’écrie : « Je me promène dans ces montagnes parfumées par la lavande…, » Gustave s’en distingue encore à temps et demeure lui-même, rejetant l’idée de se frapper, pieux, innocent et pur jusque dans son égarement, rendant grâce jusque dans son désespoir. […] A sa sortie de France après 1815, Mme de Krüdner traversa successivement divers États de l’Allemagne, émouvant partout à sa voix les populations, et bientôt éconduite par les gouvernements.

373. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Quelques documents inédits sur André Chénier »

De la vérité sainte il déteste l’approche ; Il craint que son regard ne lui fasse un reproche, Que ses traits, sa candeur, sa voix, son souvenir, Tout mensonge qu’il est, ne le fasse pâlir. […] Leur voix est pure et tendre, et leur âme innocente, Leurs yeux doux et sereins, leur bouche caressante. […] Il s’arrêta longtemps à contempler leurs jeux ; Puis, reprenant sa route et les suivant des yeux, Dit : Baisez, baisez-vous, colombes innocentes, Vos cœurs sont doux et purs, et vos voix caressantes ; Sous votre aimable tête, un cou blanc, délicat, Se plie, et de la neige effacerait l’éclat. » L’édition de 1833 (tome II, page 339) donne également cette épitaphe d’un amant ou d’un époux, que je reproduis, en y ajoutant les lignes de prose qui éclairent le dessein du poëte : Mes mânes à Clytie. — Adieu, Clytie, adieu. […] La patrie allume ma voix ; La paix seule aguerrit mes pieuses morsures, Et mes fureurs servent les lois. […] Viens, Fanny : que ma main suspende Sur ton sein cette noble offrande… La pièce reste ici interrompue ; pourtant je m’imagine qu’il n’y manque qu’un seul vers, et possible à deviner ; je me figure qu’à cet appel flatteur et tendre, au son de cette voix qui lui dit Viens, Fanny s’est approchée en effet, que la main du poëte va poser sur son sein nu le collier de poésie, mais que tout d’un coup les regards se troublent, se confondent, que la poésie s’oublie, et que le poëte comblé s’écrie, ou plutôt murmure en finissant : Tes bras sont le collier d’amour !

374. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXIVe entretien. Chateaubriand, (suite.) »

Il vengea ainsi Tacite de l’animadversion avouée du consul : « Lorsque, dans le silence de l’abjection, on n’entend plus retentir que la chaîne de l’esclave et la voix du dictateur ; lorsque tout tremble devant le tyran, et qu’il est aussi dangereux d’encourir sa faveur que de mériter sa disgrâce, l’historien paraît, chargé de la vengeance des peuples. […] Il devint, sinon le chef, du moins la voix effrénée d’une opposition sans mission et sans prudence. […] Je ne fus donc pas coupable ; je m’effaçai entièrement de toute prétention à l’héritage du gouvernement qui était tombé à ma voix ; je ne demandai part qu’au danger et à la lutte de mes collègues contre l’anarchie, tant que le danger fut mortel et la lutte un devoir. Je fis venir d’Algérie, à la voix de sa mère, le général républicain qui devait me remplacer. […] Sa gloire, réduite à la voix d’un petit nombre d’amis, parmi lesquels on remarquait le publiciste de la République, M. 

375. (1892) Boileau « Chapitre I. L’homme » pp. 5-43

Il avait senti dès 1662 une difficulté de respirer, puis il était devenu asthmatique, et enfin en 1687 il perdait la voix, cette précieuse voix qui lui était si nécessaire pour disputer à l’Académie des Inscriptions contre le suffisant Charpentier à la voix de tonnerre. […] Il nous dépeint dans ses lettres les formalités et cérémonies préparatoires à la prise des eaux, saignées, purgations, etc. ; le médecin Tant-Mieux attestant une amélioration que le malade ne sent pas, et l’apothicaire sourd qui lui affirme que la voix lui revient ; la tragique affaire du demi-bain, et les disputes des médecins dont les uns lui ordonnent de se baigner s’il veut guérir, et les autres le lui défendent s’il tient à la vie ; l’épreuve angoisseuse de ce bain, « ses valets faisant lire leur frayeur sur leurs visages, et M. Bourdier s’étant retiré pour n’être pas témoin d’une entreprise aussi téméraire » ; l’éclatant monosyllabe qu’il articula en sortant de l’eau, et que jamais il ne put arriver depuis à faire sortir une seconde fois de son gosier ; enfin son retour à Paris, et toutes les recettes dont il essaye, sans confiance et jamais tout à fait sans espoir, tisane d’érysimum, grains de myrrhe transparente, et même simple eau de poulet, qui avait rendu la voix à un chantre de Notre-Dame : tout cela fait une comédie digne de Molière.

376. (1895) La vie et les livres. Deuxième série pp. -364

Ajoutez que cette race déchue n’entendait plus de voix qui pût la réconforter. […] Et, en effet, ils sont sans figure et sans voix. […] La voix mystérieuse des livres lui a dit qu’il ne faut point se battre contre les moulins à vent. […] Seul, le son de la voix diffère. […] C’est la voix des « béguinages ».

377. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « PARNY. » pp. 423-470

La voix du sentiment ne peut nous égarer, Et l’on n’est point coupable en suivant la nature… Va, crois-moi, le plaisir est toujours légitime, L’amour est un devoir, et l’inconstance un crime167… Les murs de la Caserne pouvaient être couverts et tapissés de ces inscriptions-là comme devises. […] Son oreille délicate appelle le chant, sa voix trouve sans art la mélodie. […] Parny ne put lire son discours lui-même, à cause de la faiblesse de sa voix et même d’une certaine difficulté de prononciation187 : ce fut Regnault de Saint-Jean-d’Angély qui lui prêta son organe sonore. […] Voici quelques vers dont on me garantit l’exactitude et qui ont l’avantage d’être nés sur les lieux ; on y reconnaît tout d’abord, à l’accent, l’école qui a succédé à celle de Parny : Ondes du Bernica, roc dressé qui surplombes, Lac vierge où le cœur rêve à de vierges amours, Pics où les bleus ramiers et les blanches colombes Ont suspendu leur nid comme aux créneaux des tours ; Roches que dans son cours lava le flot des âges, Lit d’un cratère éteint où dort une eau sans voix, Blocs nus, ondes sans fond, site âpre, lieux sauvages, Salut ! […] Ce que la Muse a chanté par ma voix de plus pur, de plus chaste et religieux, c’est au retour de tes violents embrassements, ô Plaisir !

378. (1890) L’avenir de la science « X » pp. 225-238

La nature leur parlait plus qu’à nous, ou plutôt ils retrouvaient en eux-mêmes un écho secret qui répondait à toutes ces voix du dehors, et les rendait en articulations, en paroles. […] Caprices de despotes absurdes et sanguinaires, révoltes de gouverneurs, changements de dynasties, successions de vizirs, l’humanité complètement absente, pas une voix de la nature, pas un mouvement vrai et original du peuple. […] Ils donnent un langage et une voix à ces instincts muets qui, comprimés dans la foule, être essentiellement bègue, aspirent à s’exprimer, et qui se reconnaissent dans leurs accents : « Ô poète sublime, lui disent-ils, nous étions muets, et tu nous as donné une voix. […] Maintenant c’est la voix solitaire, fluette et prolongée, qui roule et s’infiltre en sons pénétrants et doux. Puis c’est la grande explosion, en apparence discordante, mais puissante en effet, où la petite voix se continue encore, absorbée désormais dans le grand concert, qui à son tour la dépasse et l’entraîne.

379. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre quatrième. Les émotions proprement dites. L’appétit comme origine des émotions et de leurs signes expressifs. »

Dans la joie, les divers organes ne font que reproduire et aider, pour leur part, le mouvement général d’expansion : les traits se dilatent, les sourcils se relèvent, la bouche s’ouvre, la physionomie tout entière est ouverte, la voix s’accroît et s’enfle, les gestes s’épandent en quelque sorte par des mouvements plus amples et plus nombreux. […] Quand votre voix est tremblante d’émotion, votre corps tout entier tremble en ses moindres cellules, comme le vent qui passe sur la forêt fait frissonner toutes les feuilles des arbres. […] Dès lors, il n’est pas étonnant que le violon rappelle une voix humaine et exprime des émotions très complexes, tandis que la flûte rappellera plutôt les voix, les sentiments purs et simples de la nature, aux heures de calme. […] Dans un salon, une jeune femme tout à l’heure calme et silencieuse s’anime soudain, cause avec vivacité, le ton de sa voix devient musical, elle prodigue des caresses à un enfant placé près d’elle qu’elle n’avait pas remarqué, elle s’extasie devant un objet qu’elle avait vu cent fois avec indifférence ; que s’est-il passé ? […] Dans le téléphone, deux instruments sont placés on communication électrique avec une batterie : les vibrations de la voix qui ont produit impression sur le disque récepteur du premier instrument sont conduites à l’autre instrument, qui les exprime.

380. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Théâtre » pp. 83-168

Ramier et d’Aigremont, et tous ceux dont ils sont la voix. […] Obligé de reconnaître que le brutal aphorisme a du vrai pour aujourd’hui comme il en avait pour hier, et que la République n’a pas encore beaucoup fait pour la régénération du goût public, je me résigne, à peu près de la même manière qu’on se suicide, à imprimer cette pièce, un peu consolé cependant par un pressentiment vague, qui me dit qu’un jour, un jour que nous devons tous espérer, cette œuvre mort-née sera peut-être jugée digne d’être la voix avec laquelle un théâtre national fouettera le patriotisme à la France28. […] La grande comédienne se montre accueillante, avec une voix rude, rocailleuse, une voix que nous ne reconnaissons pas, et qu’elle avait l’art de transformer en une musique au théâtre. […] Lireux, il est à son feuilleton… » — « Entrez, Messieurs », nous crie une voix bon enfant, et nous pénétrons dans une chambre d’homme de lettres à la Balzac, où ça sent la mauvaise encre et la chaude odeur d’un lit qui n’est pas encore fait. […] Deux jours après, assis sur une banquette de l’escalier du théâtre, et palpitants et tressaillants au moindre bruit, nous entendions Mme Allan jeter à travers une porte qui se refermait sur elle, de sa vilaine voix de la ville : « Ce n’est pas gentil, ça ! 

381. (1856) Cours familier de littérature. I « Ier entretien » pp. 5-78

Les murmures, les bruits, les voix du chemin cessent un moment, et à travers ce grand silence on entend la nature muette palpiter de reconnaissance et de piété devant son Créateur. […] … » Sa voix était grave, ses expressions choisies ; sa politesse un peu compassée rappelait la cour de Versailles dans un hameau de nos montagnes ; son costume disait l’homme de distinction qui respectait son passé dans sa déchéance ; sa chevelure était relevée en boucles crêpées et poudrées sur les deux tempes. […] J’entends encore d’ici, après quarante ans, ces voix à timbres divers résonner dans ce petit amphithéâtre sonore de rochers, qui les répercutait avec la vibration lapidaire d’une voûte souterraine ou d’une eau qui coule dans une profonde cavité. […] Je ne répéterai pas son long discours, bien qu’il soit aussi présent à mon souvenir que le timbre un peu caverneux de sa voix l’est encore à mes oreilles. […] Ai-je envie d’y chanter encore d’une voix éteinte des strophes qui finiraient en sanglots ?

/ 1953