Il aime vivre au hasard. […] A Paris, où l’on peut si bien vivre seul ? […] N’importe, il n’a jamais paru si sage, et est bien décidé à vivre dans son coin. […] J’ai vécu, dans l’orage, et c’est toujours vous qui l’avez excité. […] J’ai beaucoup d’amis parmi le clergé de France, et j’ai toujours très bien vécu avec eux.
C’était, comme l’on sait, vers 1660, et Mazarin vivait encore. […] De quelle manière y vécut-il ? […] Laissez là le reste des hommes ; qu’ils vivent, mais qu’il n’en soit pas question. […] On peut calculer s’il vivait richement. […] Dans le temps où nous vivons, le véritable inédit, selon le mot célèbre, et encore plus vrai que spirituel, c’est précisément ce qui est imprimé.
Les élites émigrées vivent tragiquement. […] Il n’a tué que ceux qui ne pouvaient pas vivre ! […] La littérature vivait sons le régime du dessus de pendule. […] La poésie de Victor Hugo en vivra. […] Les êtres n’y vivent que symboliquement.
Sans amour de guerrier toujours je veux vivre. […] On emportait des vivres de toute espèce. […] que de vivres on prépara pour la compagnie. […] En vérité, les guerriers du roi vivaient bien grandement. […] On n’avait pas mieux vécu chez les Hiunen du temps de l’autre reine.
Ampère vécut trop sur ce seul et unique voyage en Scandinavie. […] Vous passez votre vie, mon ami, à faire des projets, des plans, à amasser des matériaux ; vous passez votre vie à vous préparer à vivre. […] Pendant dix-sept ans, Ampère vécut avec M. […] Bazin était, tant qu’il vécut, le taquin de M. […] J’ai dit qu’il vivait avec le savant M.
c’était à elle de vivre, et à moi de mourir ; elle eût été si heureuse de revoir son fils ! […] En effet, les livres des philosophes nous apprennent à braver nos maux, mais non à vivre avec eux ; comme si le destin des êtres les plus heureux de la terre n’était pas toujours de vivre avec la douleur ! […] je pourrais dire à ma sœur et à ma vieille bonne ; Venez vivre avec moi, vous partagerez mon sort, vous jouirez de mes travaux. […] Qui voudrait même y vivre heureux, mais pauvre et ignoré ? […] Elle résolut de cultiver avec son esclave un petit coin de terre, afin de se procurer de quoi vivre.
Verlaine n’était pas fait pour vivre dans une société policée. […] Les menues « rosseries » du Théâtre-Libre ont vécu. […] Le petit duc ne peut pas vivre quinze jours sans crise sentimentale. […] Ces gens-là ne savent pas seulement vivre, ils savent mourir. […] (Voyez le livre inouï de sir John Lubbock sur le Bonheur de vivre.)
Soldats, médecins, comédiens, captifs, ils ont peine à vivre ; ils subissent la misère, les passions, les tracas, la gêne des entreprises. […] S’il avait vécu assez pour arriver vers 1685, au règne déclaré de madame de Maintenon, ou même s’il avait seulement vécu de 1673 à 1685, durant cette période glorieuse où domine l’ascendant de Bossuet, il eût été sans doute moins efficacement protégé ; il eût été persécuté à la fin. […] Je me suis donc déterminé de vivre avec elle comme si elle n’étoit pas ma femme ; mais si vous saviez ce que je souffre, vous auriez pitié de moi. […] Comme Talma encore, Molière était grand et somptueux en manière de vivre, riche à trente mille livres de revenu, qu’il dépensait amplement en libéralités, en réceptions, en bienfaits. […] leur dit-il ; il y a cinquante pauvres ouvriers qui n’ont que leur journée pour vivre ; que feront-ils si l’on ne joue pas ?
La ville où l’on séjourne a beau être embrouillée, inégale, tortueuse, sans ordre et sans plan, pleine de carrefours, de tréteaux de charlatans, de passages et de ruelles, de monuments inachevés dont le pierres encombrent les places, d’arcs de triomphe sans chars ni statues de vainqueurs, de clochers et de coupoles sans croix : quand le soleil est couché, quand, du haut des collines prochaines, le voyageur qui n’est pas entré dans cette ville, et qui n’y a pas vécu, l’aperçoit à l’horizon dessinant sa silhouette déjà sombre sur le ciel encore rougi du couchant, il la voit toute différente ; il y distingue des étages naturels, des accidents dominants, des masses imposantes et combinées ; les édifices, que la distance et l’obscurité achèvent et idéalisent à ses yeux, lui apparaissent selon des hauteurs bien diverses. […] Non, à coup sûr ; mais il n’a pas entièrement raison toutefois ; il l’a vue de trop loin, de même que ceux qui y vivent et meurent sans en sortir la voient de trop près.
C’est que le grand Félibre ne cherchait pas la gloire ; il ne vécut que pour la Beauté. […] Elle s’écoula presque tout entière en Avignon, comme on dit là-bas, où il était né et où il mourut, après y avoir vécu cinquante-sept ans (1829-1886)… Son œuvre offre partout la clarté native du génie latin.
J « Fleurs de luxe, de charme et de beauté, que l’on cultive encore aujourd’hui et qui seront bientôt les seuls vestiges du Japon splendide d’autrefois, … artificielles princesses choisies parmi les beautés les plus rares, élevées dans tous les raffinements du goût aristocratique, instruites des rites et de l’étiquette, savantes, virtuoses en tous les arts, jeunes, passionnées, enivrantes et… accessibles », ces Princesses d’amour, dans la cité d’amour, content et vivent des histoires d’amour évoquant les précieux décamérons et les merveilleuses « Mille et Une nuits ». […] Non, certes, elle ne rêve pas seulement : on dirait plutôt qu’elle se ressouvient, et qu’en de successifs avatars, au bord des Ganges et des Peï-hos, elle vécut d’héroïques et voluptueuses et royales existences, dont les réminiscences magiques charment ses nostalgies d’exilée, et les nôtres… [La Vogue (juillet 1900).]
L’une est la possession en commun d’un riche legs de souvenirs ; l’autre est le consentement actuel, le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l’héritage qu’on a reçu indivis. […] Mais telle n’est pas la loi du siècle où nous vivons.
» Dans son désir de vivre de la vie supérieure et de réaliser de l’idéal, il s’écrie : « Ah ! […] Pendant sept ans, il a la force de se tenir à l’écart et de vivre dans la retraite malgré les curiosités du public. […] Le symbolisme, ou du moins l’école littéraire qui a vécu sous ce nom, achève de mourir. […] Notre âme, libérée de toutes les contraintes, peut vivre à la fois pour la beauté, pour la vérité scientifique et pour l’action juste. […] Tel poète que nous ne connaissons pas, qui existe déjà ou qui vivra dans des siècles, en révélera aux hommes de tout à fait inattendus.
Rigal, si l’on prend la peine de le lire et surtout si l’on daigne considérer en quel temps il a vécu. […] Ils vivent, et leur vie se compose au gré des événements. […] Ils ne vivent pas dans cette indifférence des moyens du salut. […] Ils prétendaient à quelque chose d’autre et de plus qu’à se procurer la liberté de vivre de plaisirs. […] Mais l’enseigne des vrais est de n’en pas avoir ; ils se contentent d’être dévots pour eux-mêmes ; et pourvu qu’ils vivent bien, ils laissent les autres vivre à leur guise.
Comme elles vivent ! […] Elles ne sont bonnes ni à vivre ni à faire vivre. […] Elles vivront autant que vivra la langue que nous parlons. […] Sur soixante-huit ans qu’il vécut, Paris le posséda douze ans ; puis il courut se cacher à Amiens, vivre et mourir au gîte. […] Il ira vivre à Paris comme il pourra, de poésie.
« Mon mariage a été, disait-il, une licence poétique. » Il aima sa femme, vécut avec elle en parfaite union, et en eut trois enfants auxquels il survécut, deux fils et une fille. […] Sa petite fille est censée dire au passant : « Tu sais la noblesse et l’antiquité des Malherbe de Saint-Aignan : mon père est au rang de ceux qui sont connus de son siècle, et peut-être les futurs n’ignoreront point qu’il a vécu. […] Mais il est vrai de dire qu’à mérite littéraire égal, il n’est pas indifférent pour une œuvre moderne de vivre ou de ne pas vivre de la vie moderne en naissant : cela se sent encore, même après que l’heure est passée. […] Bon catholique, mais en vertu surtout du même principe et de la même disposition de respect, soumis aux pratiques extérieures de la communion où il vécut et mourut, il lui échappait néanmoins de dire « que la religion des honnêtes gens était celle de leur prince ». […] Quittons ces vanités, lassons-nous de les suivre ; C’est Dieu qui nous fait vivre, C’est Dieu qu’il faut aimer.
W. de Schlegel, cet illustre critique, a toujours été assez injuste, et, malgré les années qu’il a vécu ici, toujours assez mal informé à notre égard. […] En parlant des romans du siècle passé, l’auteur oublie trop que, sur le pied dont il le prend, il n’aurait pas manqué alors, s’il avait vécu, de confondre ce qu’il veut bien séparer aujourd’hui. […] Or, depuis qu’il y a des sociétés civilisées, des littératures polies, ces littératures, soit sur le théâtre, soit dans les poésies lyriques, soit dans les autres genres d’imagination, ont vécu sur des exceptions pathétiques, passionnées, criminelles souvent, sur des amours, des séductions, des faiblesses, et les œuvres qu’on admire le plus parmi les hommes sont celles qui ont triomphé dans la forme et l’expression, dans un certain charme qui y respire, dans une certaine moralité qui résulte autant de la beauté de la production que de la conclusion expresse, ou qui même est quelquefois en sens contraire de cette conclusion littérale qu’on y pourrait voir.
Le don de dessiner des caractères, de faire vivre des personnages, est rare, et l’on ne peut l’attendre d’un enfant qui s’exerce à écrire dans des compositions de collège. […] Les événements ordinaires de la vie, les situations sans nombre que créent les devoirs multiples, parfois contraires, de la famille, de la société, de la conscience, voilà le pays où il faut situer les caractères qu’on veut faire vivre. […] Le plus délicat, c’est de bien ajuster le caractère avec l’action choisie, de l’y faire vivre et mouvoir, d’en suivre le développement et les manifestations.
Ce ne fut point un penseur solitaire, un de ces Stylites qui vivent au désert et ne descendent pas de leur colonne… Cet hétéroclite d’outre-tombe, ce Revelière qui se réveille, sans avoir dormi ses cent ans, comme Épiménide, et qui se compare à Hypocrate, non par orgueil de sa sagesse, mais par mépris pour ses compatriotes, qui lui font l’effet d’être fous comme les Abdéritains, ce Burgrave de la Monarchie morte, n’a point passé ses jours, qui furent nombreux, à rêvasser ou à cuver ses indignations comme Alceste : Dans un petit coin sombre avec son noir chagrin… Il était trop robuste pour être misanthrope… et s’il fut, comme ils le diront certainement, un utopiste du passé, il l’a assez frottée contre les faits, son utopie ! […] Il en a vécu. […] Et c’est immédiatement et la fin du règne de Louis XIV, — le dernier roi qui ait incarné purement et intégralement dans sa personne le principe qui a fait vivre, pour la première fois dans les annales du monde, pendant huit cents ans, une Monarchie, — qu’il date l’avènement, dans les doctrines et dans les faits, de cette Révolution, rapide comme tous les fléaux, qui a déjà tout envahi, et dont l’ambition est de détruire l’organisation séculaire des gouvernements et des États.
Mais il y a plus heureux qu’Achille, et ce sont ces esprits qui auront pu vivre longtemps sans paraître pour cela moins jeunes aux yeux de la Postérité. […] Quelle lassitude de vivre, âme dépareillée, dans l’éternel célibat du génie ! […] Ô Seigneur, j’ai vécu puissant et solitaire, Laissez-moi m’endormir du sommeil de la terre !
Levallois est Normand, mais je le crois même de la ville de Corneille, ou s’il n’en est pas, il y a beaucoup vécu, dans cette ville plus pleine à présent de Corneille, privilège de la mort et de la gloire ! que du temps même où il vivait. […] Milton, aveugle et pauvre comme Corneille, moins heureux par ses filles, qui furent mauvaises, paraît-il, comme nous venons de le dire au chapitre précédent, que Corneille par ses enfants, vécut la dernière partie de sa vie entre l’orgue dont il jouait et la Bible qu’on lui lisait.
C’est de cette vie qu’a vécu Rabelais, avec délices. […] Il avait perdu en 1549 sa femme après une union de dix ans, n’en ayant eu qu’un enfant qui ne vécut pas. […] Vivre dans le temps c’est vivre par fractions ; l’infini ne se fractionne pas ; il n’est pas successif ; il vit pleinement dans l’éternité, depuis les commencements jusqu’à la fin des temps, pour parler en langage humain, comme dans un seul moment. […] Adam vivait dans la liberté, les hommes vivent sous la nécessité. « Origène déclare hérétiques ceux qui ôtent à l’homme le libre arbitre ». […] Faut-il que pour vivre nous quittions l’auteur de vie ?
Le premier a vécu de la vie de l’Europe : il s’est inoculé des armées. […] Ils ne vivent pas. » Pour mettre ce jugement au point, il faudrait dire : ces personnages vivent, mais devant l’auteur et pas devant nous. […] Ces familles se groupent d’après leurs façons de vivre. […] Une fois que l’on est fait au travail, on ne peut plus vivre sans lui. […] Il y a vécu, jeune homme.
Nous apprenons de lui, aujourd’hui encore, non pas à vivre en Dieu, mais à vivre en nous, et de façon à ne point souffrir des hommes. […] Ce grand apôtre de l’observation directe a vécu très retiré, a peu communiqué, je crois, avec les hommes d’une autre classe que la sienne ; et ce grand amasseur de faits les a surtout cherchés dans les livres. […] Il nous a montré, comme elle est dans son fond, l’existence monstrueuse des hommes et des femmes du monde qui ne sont que cela, des riches qui ne vivent que pour paraître, pour observer des rites de vanité qu’ils ne comprennent même pas — et pour jouir. […] Pendant cinq ou six ans, il vécut sans jamais avoir un sou dans sa poche, très heureux. […] Né pour la guerre et pour la guerre d’autrefois, celle qui était vraiment une profession et où la bravoure individuelle avait souvent le premier rôle il eut une joie frénétique de vivre, commune chez ceux dont le métier est de donner la mort et de la mépriser.
Jésus approuve et admire votre croyance ; mais il vous offre le moyen de vivre heureux, et votre croyance n’importe pas à ce qu’il vous offre. […] Elle enseigne, seulement, aux hommes comment il faut vivre pour être heureux (p. 114). […] Dans l’Unité qui seule est, vivons la seule vie. […] Chaque homme doit se faire Tous, élargir son âme à vivre toutes les âmes. […] Et toujours le Maître vous dit : « Aimez, compatissez, élargissez vos âme ; à vivre toutes les âmes !
Mais si la nature, précisément parce qu’elle nous a faits intelligents, nous a laissés libres de choisir jusqu’à un certain point notre type d’organisation sociale, encore nous a-t-elle imposé de vivre en société. […] Tous tombèrent en décomposition, sous des influences diverses, en réalité parce qu’ils étaient trop grands pour vivre. […] On se bat pour n’être pas affamé, dit-on, — en réalité pour se maintenir à un certain niveau de vie au-dessous duquel on croit qu’il ne vaudrait plus la peine de vivre. […] Elles vivent des produits de leurs terres. […] A elle de voir d’abord si elle veut continuer à vivre.
Et, Vasantasena lui ayant dit : « Vous n’avez pas toujours vécu dans ces sentiments-là ? […] Tous les personnages vivent dans la plus profonde intimité avec les fleurs, les arbres et les bêtes. […] Il faut qu’elle meure pour vivre dans la pensée de don Pèdre, pour y vivre à jamais défendue, soit de la raillerie de son royal et lointain amant, soit des surprises de sa propre faiblesse. […] Il faut vivre et payer son terme. […] Elle allègue son éducation, le milieu où elle a vécu.
Duclos, son ami, l’un de ceux qui ont le mieux parlé de lui, et dont la brusquerie habituelle s’est adoucie pour le peindre, a dit : « De la naissance, une figure aimable, une physionomie de candeur, beaucoup d’esprit, d’agrément, un jugement sain et un caractère sûr, le firent rechercher par toutes les sociétés ; il y vivait agréablement. » Marmontel enfin, moins agréable cette fois que Duclos, et avec moins de nuances, nous dit : « L’abbé de Bernis, échappé du séminaire de Saint-Sulpice, où il avait mal réussi, était un poète galant, bien joufflu, bien frais, bien poupin, et qui, avec le Gentil-Bernard, amusait de ses jolis vers les joyeux soupers de Paris. » Cette figure ronde et pleine, cette belle mine rebondie et à triple menton, qui frappe dans les portraits de Bernis vieilli, il la prit d’assez bonne heure : mais d’abord il s’y mêlait quelque chose d’enfantin et de délicat ; et toujours, jusqu’à la fin, le profil gardera de la distinction et de l’élégance : le front et l’œil sont très beaux. […] On y voit déjà tous ces Amours et ces Zéphyrs qui seront partout chez Bernis, et qui ont fait dire à d’Alembert que « si on leur coupait les ailes, on lui couperait les vivres ». […] Dès ce temps-là, et à travers les compliments, toutes les critiques lui furent faites : « On me demande, dit-il dans un petit écrit en prose de 1741, comment il est possible qu’un homme fait pour vivre dans le grand monde puisse s’amuser à écrire, à devenir auteur enfin. » Et à ces critiques grands seigneurs et de qualité, il répondait « que, s’il n’est pas honteux de savoir penser, il ne l’est pas non plus de savoir écrire, et qu’en un mot ce sont moins les ouvrages qui déshonorent, que la triste habitude d’en faire de mauvais… ». En ce qui était des vers en particulier, comme on venait de représenter pour la première fois La Métromanie (1738), Bernis donnait cours à ses réflexions : « Il est difficile d’être jeune et de vivre à Paris sans avoir envie de faire des vers. » Et de ce qu’on en fait avec plus ou moins de talent, il ne s’ensuit pas que ce talent entraîne avec lui toutes les extravagances qui rendent certains versificateurs si ridicules : Heureux, s’écriait-il avec sentiment et justesse, heureux ceux qui reçurent un talent qui les suit partout, qui, dans la solitude et le silence, fait reparaître à leurs yeux tout ce que l’absence leur avait fait perdre ; qui prête un corps et des couleurs à tout ce qui respire, qui donne au monde des habitants que le vulgaire ignore ! […] Le cardinal de Fleury, ami de sa famille, le fit venir, et lui déclara que, s’il continuait de la sorte, il n’avait rien à attendre tant que lui, cardinal de Fleury, vivrait.
Quoique à l’âge où l’on se livre aisément, Vauvenargues ne disait pas tout sur lui-même ; il se réservait. « Je n’ai jamais osé ouvrir mon cœur à personne tant que j’ai vécu ; vous êtes le premier à qui j’aie avoué mon ambition, et qui m’ayez pardonné ma mauvaise fortune. » C’est dans un dialogue des morts qu’il fait dire cela à Brutus par un jeune homme qui lui-même s’est tué, et ce jeune homme, à bien des égards, c’est lui. […] Faire après Louis XIV quelque chose de ce que Henri IV aurait aimé à voir s’accomplir s’il avait vécu, affranchir la noblesse des servitudes de cour et des usurpations de la roture, la rendre plus sédentaire et attachée à son ménage des champs, rendre le peuple content de son sort et assuré de son bien-être, supprimer les sangsues publiques et l’appareil intermédiaire de finances entre le roi et son peuple, asseoir l’impôt moyennant des assemblées provinciales, de grands Conseils généraux répartiteurs des charges, c’est ce que Mirabeau aurait voulu et ce qui aurait renouvelé en effet l’ancienne monarchie ainsi reprise en sous-œuvre. […] Mirabeau toujours préoccupé de l’idée que Vauvenargues n’est pas ambitieux, qu’il est philosophe par tempérament et par choix (il le juge trop sur la mine, et par le dehors), qu’il est porté à l’inaction et au rêve, le presse souvent et dans les termes d’une cordiale amitié de se proposer un plan de vie, un but, de ne plus vivre au jour la journée : « Nous avons besoin de nous joindre, mon cher ami ; vous appuieriez sur la raison, et je vous fournirais des idées. » Vauvenargues décline ce titre de philosophe auquel, dit-il, il n’a pas droit : Vous me faites trop d’honneur en cherchant à me soutenir par le nom de philosophe dont vous couvrez mes singularités ; c’est un nom que je n’ai pas pris ; on me l’a jeté à la tête, je ne le mérite point ; je l’ai reçu sans en prendre les charges ; le poids en est trop fort pour moi. […] Il faut cependant, pour vivre avec tous ces gens-là, un grand fonds de connaissances qui ne satisfont ni le cœur ni l’esprit, et qui prennent tout le temps de la jeunesse. […] À travers ces perpétuels et insipides changements de résidence, il vivait d’ailleurs très retiré et sans prendre part à la vie commune de ses camarades ; en dehors des heures de service, il se renfermait chez lui, et ne voyait familièrement que quelques jeunes officiers, comme de Seytres, qui étaient plus sages que les autres et qu’il aimait assez à morigéner agréablement.
Le prince de Ligne, regrettant le passé, la comptait dans son souvenir parmi les rares ornements d’une société comme il ne s’en retrouvera plus : « Une Mme de Boufflers, s’écrie-t-il, un peu paradoxale, mais qui, dans un cadre de simplicité, faisait pardonner son sophisme et sa supériorité d’éloquence ; bonne, protégeante dans la société, facile à vivre ! […] De retour à Auteuil, Mme de Boufflers installée avec sa belle-fille dans une jolie maison de plaisance y vécut des années agréablement, recevant chez elle en été la meilleure compagnie de Paris. […] 5° Dans les premiers jours de son retour d’Angleterre (27 avril 1792), on a vu venir chez elle ses anciennes connaissances, ce qui a duré peu de temps… puis elle a vécu très-retirée avec sa fille (bru), son petit-fils, âgé de huit ans et demi, un instituteur réputé bon citoyen, et une Anglaise qui lui est attachée depuis trente-trois ans, veuve d’un Florentin, qui est en état d’arrestation chez elle, avec un garde, depuis la loi sur les étrangers. […] Elle était logée tout près, chez son ancien cuisinier Fauriez, et vivait dans un état voisin de l’indigence. […] Un brave homme dont le nom mérite d’être conservé à côté du leur, l’abbé Le Chevalier, qui était instituteur du jeune de Boufflers, fils unique de la comtesse Amélie, vendit sa bibliothèque et une petite possession qu’il avait en Normandie, d’abord pour les faire vivre en prison, et puis pour détourner d’elles le coup fatal.
Il paraît bien que le manque de munitions, de vivres, de mulets, était porté sur cette frontière à un degré qu’on a peine à se figurer. […] Tessé écrivait à Barbezieux, à la fin de janvier 1694 : « L’important, c’est de cacher sur cette frontière l’indigence d’argent ; il y a six mois que nous vivons d’emprunt. » Cet état de pénurie se prolongea ; au mois de mai suivant il y avait tout à craindre du manque de payement des troupes ; dans une apostille de lettre au ministre. […] Autant les lettres de Tessé racontant ses visites clandestines à Turin, ses conversations avec le duc et avec son ministre, sont gaies, vives, amusantes, cachant le sérieux sous le badin85, autant la correspondance de Catinat qui prêche misère, qui ne parle que vivres, rations, farines, mulets, caissons et charrettes, est sèche, ingrate, toute spéciale et monotone. […] Ce que je dis pour la nature des troupes, je le dis pour l’argent, pour les vivres, pour les voitures, et pour tout ce qui regarde la dépense : on ne peut pas ôter de la tète de M. le maréchal de Catinat que le roi et l’État ne seront pas en état de la fournir, de sorte que l’amas de toutes ces difficultés le prévient qu’il n’y a rien de bon dans la suite de cette guerre-ci que de l’entretenir sur le pied de l’épargne, d’où dérive la défensive. […] Il continuait d’ailleurs de conférer et de s’entendre en tout avec les généraux et vivait sur le meilleur pied avec eux.
Après la perte de nos amis, si nous ne succombons à la douleur, le cœur se replie sur lui-même ; il forme le projet de se détacher de tout autre sentiment et de vivre uniquement avec ses souvenirs. […] Sa fille, restée sans fortune, d’une beauté qui n’était que charmes, vivait dans une retraite, visitée par les amis de sa famille. […] Madame de Beaumont vivait pendant l’été dans le petit château de Passy, près de Villeneuve-sur-Yonne. […] Femme d’esprit, d’un caractère épineux et difficile, elle laissait son mari libre et vivait çà et là avec ses belles-sœurs, délaissées comme elle. […] Il alla présenter son hommage au vieux roi de Sardaigne, qui avait abdiqué sa couronne et qui vivait retiré à Rome.