Guttinguer a mérité, vers 1830, de son ami Alfred de Musset, ce poétique hommage qui commence magnifiquement ainsi : Ulric, nul œil des mers n’a mesuré l’abîme, Ni les hérons plongeurs, ni les vieux matelots : Le soleil vient briser ses rayons sur leur cime, Comme un guerrier vaincu brise ses javelots ! […] J’arrête souvent mon cheval au milieu des chemins ruraux que je traverse de préférence, et je demeure attendri jusqu’au fond du cœur des tableaux qui s’offrent à moi : Voici les charrues actives qui passent sous les pommiers jaunis ; le sac de bon grain est debout au milieu du champ, que parcourt en tous sens la herse traînée par de bons jeunes et vieux chevaux, qu’on a soin d’atteler ensemble, image de la vigueur et de l’expérience unies.
On a tant abusé du public, tant mis de papier blanc sous des volumes enflés et surfaits, tant réimprimé du vieux pour du neuf, tant vanté sur tous les tons l’insipide et le plat, que le public est devenu à la lettre comme un cadavre. […] Mais je laisse là ces questions, qui appartiennent au plus subtil du Code de commerce ; je ne sais jusqu’à quel point la légalité s’en accommodera ; les tribunaux, mis en demeure de prononcer dans quelques cas, paraissent jusqu’ici peu y condescendre, et les vieux juges, ouvrant de grands yeux, n’y entendent rien du tout.
Les frères Deschamps, nos vieux amis, sont bien faits pour contraster de profil dans un même cadre M. […] La langue poétique intermédiaire dans laquelle Jean Polonius se produisit a cela d’avantageux qu’elle est noble, saine, pure, dégagée des pompons de la vieille mythologie, et encore exempte de l’attirail d’images qui a succédé : ses inconvénients, quand le génie de l’inventeur ne la relève pas fréquemment, sont une certaine monotonie et langueur, une lumière peu variée, quelque chose d’assez pareil à ces blancs soleils du Nord, sitôt que l’été rapide a disparu.
Sur ce, madame de Crissé, vieille plaideuse qui se prétend outragée dans la comtesse de Pimbêche, et le conseiller Dandinard qui se croit joué dans Perrin Dandin, forcent successivement la porte et font au poëte une scène de menaces dont il se tire assez bien ; tout ce jeu est assez plaisant. […] La vieille plaideuse madame de Crissé et le conseiller Dandinard sont toujours là, et font vis-à-vis au Dandin de la pièce et à la comtesse de Pimbêche encore en costume ; c’est à s’y méprendre : toinette (la servante de Racine).
C’est un bourgeois de Paris, de vieille bourgeoisie parisienne, né et élevé entre la Sainte-Chapelle et le Palais, mort au Cloitre-Notre-Dame, et qui dans ses soixante-dix ans de vie n’a guère quitté Paris que pour Auteuil ; quelques séjours à Bâville, chez Lamoignon, ou à Hautisle, chez Dongois, deux voyages à la suite du roi, une saison à Bourbon, épuisent la liste des déplacements de ce Parisien renforcé. […] L’invention demeure entière dans de vieux sujets.
Mais enfin une vieille race est, dans son ensemble, une sélection qui s’est poursuivie pendant des siècles. […] Peu après commence pour le pauvre petit, sous la direction d’un Père jésuite et d’un vieux gentilhomme, une éducation impitoyable, à haute pression, que je remercie le ciel de m’avoir épargnée.
Tel vice que nous n’avons pas nous indigne dans l’orgueil de notre innocence, et nous parlons d’autrui en Catons, les mêmes qui tout à l’heure allons fort baisser le ton, à la vue d’un défaut déjà vieux, planté en nous ou qui y pousse. […] La Bruyère les a traités fort mal. « Ce sont, dit-il, de vieux corbeaux qui croassent autour de ceux qui, d’un vol libre et d’une plume légère, se sont élevés à quelque gloire par leurs écrits111. » Ils n’en ont pas moins touché le point faible, et ils n’ont fait que dire par malignité ce que Boileau disait avec la réserve de l’estime.
En quittant l’hôpital, il semblait que nous fussions déjà de vieux amis. […] Mme Baju mère, cordiale vieille, sous son bonnet de paysanne, recevait, en l’absence de son fils, les visiteurs.
Entre nations, on pratique et on proclame le droit de la force, le vieux « droit du poing », selon l’expression allemande. […] A peine mentionnerai-je la vieille tradition qui rattache au Palais les origines de notre théâtre comique : personne n’ignore que la table de marbre de la grand’salle a servi longtemps de scène aux « causes grasses », aux soties et moralités, et ce n’est point par hasard que la farce de l’Avocat Patelin est demeurée le chef-d’œuvre dramatique de notre moyen âge.
Il y a sans doute quelques exceptions à ce dédain des écrivains du temps, soit pour la littérature des pays voisins, soit pour celle de la vieille France. […] L’action semble se passer n’importe où, n’importe quand, entre des âmes qui n’ont des corps que par une vieille habitude ; le décor est réduit au minimum ; la mise en scène est simplifiée à l’extrême ; l’extérieur des personnages n’est pas ce qui doit intéresser, leur vie interne a seule droit à l’attention ; et encore dans la peinture de leurs pensées et de leurs sentiments ne veut-on exprimer par des formules définitives que l’essence de la nature humaine.
Tout artiste les gêne, les bouscule, les soufflète, par le seul fait de son existence, et cela quel qu’il soit, jeune ou vieux, simple ou complexe, romantique ou réaliste, Barbey d’Aurevilly ou Zola, Manet, Roll ou Rodin, Hector Berlioz ou Richard Wagner. […] C’est une volupté quasi divine que de relire aujourd’hui les prophéties grotesques de nos vieux Nostradamus, dont plusieurs, présentement, font assaut de platitudes et de palinodies pour effacer leurs vilenies anciennes.
Ce moine de la science est fataliste, comme un vieux derviche. […] Que dire encore du Vieux de la Forêt-Noire et du canon légendaire qu’il veut conquérir ?
Il leur en demeura à jamais reconnaissant ; il garda avec eux de tout temps tous ses liens : et vieux, affaibli de corps, ce fut chez eux à Paris, dans leur maison de la rue Saint-Antoine, qu’il voulut achever de vieillir et qu’il vint mourir. […] Huet, vieux, infirme, dégoûté de son évêché d’Avranches, dont il se démit, se retira à la maison des Jésuites de Paris, rue Saint-Antoine15.
Cette vieille mère de Goethe, Mme la conseillère de Goethe, comme on l’appelait, d’un caractère si élevé, si noble, j’allais dire si auguste, toute pleine de grandes paroles et de conversations mémorables, n’aime rien tant que d’entendre parler de son fils ; elle a, quand on lui parle de lui, de « grands yeux d’enfant » qui se fixent sur vous et dans lesquels brille le plus parfait contentement. […] Aussi, quand cette folâtre est absente, quand elle court les bords du Rhin, comme cela lui arrive souvent, et qu’elle va faire l’école buissonnière à chaque vieille tour et à chaque rocher, elle manque bien à sa chère Mme la conseillère : Dépêche-toi de revenir à la maison, lui écrit celle-ci.
Mme de Caylus resta à Versailles jusqu’à la mort de Louis XIV (1715) ; mise de côté alors comme une personne de la vieille Cour, elle revint demeurer à Paris, dans une petite maison qui faisait partie des jardins du Luxembourg. […] « Mme de Caylus est la plus jolie vieille que vous connaissiez ; elle a souvent ces belles couleurs que vous lui avez vues, et dans ces moments-là elle est aussi jolie qu’elle ait jamais été ; du reste, plus délicate que moi, ne s’habillant plus, presque toujours dans son lit, et menacée de maux bien considérables. » (Lettre de Mme de Maintenonà Mme des Ursins, 18 septembre 1713.) — J’ai regret de dire que, jeune encore, elle prit du tabac : « Pour le tabac, je n’en parle point, quoiqu’il me paraisse une horreur : je ne le puis même souffrir au joli nez de Mme de Caylus ; je veux croire que son directeur lui a ordonné d’en prendre pour la rendre moins aimable. » (Mme des Ursins à Mme de Maintenon, 22 février 1707.)
Elle grandissait sous l’œil d’une mère femme d’esprit, toute au monde, qui portait de la verve et une sorte d’imagination dans la plaisanterie, qui a eu de la finesse et de la sensibilité dans le roman, et qui a compté à son heure, comme dirait notre vieux Brantôme, à la tête de l’escadron des plus belles femmes de son temps. […] « Il y a, dit-elle encore, des hommes nés moines, qui sont chauves à vingt-cinq ans, qui passent leurs jours à compulser de vieux livres, et qui transforment en cellule tout appartement de garçon. » Ce feuilleton m’est toujours resté depuis, dans la mémoire, comme un petit chef-d’œuvre dans l’espèce.
Elle montre que, comme il est difficile de supprimer tout à fait la galanterie et l’amour, le mieux peut-être serait encore d’en revenir à cette erreur si commune qu’une vieille coutume a rendue légitime, et qui s’appelle mariage. […] Avec ses dix années de plus que le roi, Mademoiselle fut toujours un peu arriérée et de la vieille Cour.
C’est une Genlis, en un mot, de la date de Louis XIII, pleine de force et de vertu, et restée vierge et vieille fille jusqu’à quatre-vingt-quatorze ans. […] Le premier sujet désigné par Balzac même était De la louange et de la gloire : Mlle de Scudéry le traita et obtint le prix, au grand applaudissement de tout ce qui restait de vieux académiciens du temps de Richelieu.
Le petit jardin produisait presque assez de légumes pour les besoins de la maison ; l’enclos nous donnait des fruits, et nos coings, nos pommes, nos poires, confits au miel de nos abeilles, étaient, durant l’hiver, pour les enfants et pour les bonnes vieilles, les déjeuners les plus exquis. […] L’air et le ton léger dont de vieux libertins savent tourner en badinage les scrupules de la vertu, et en ridicule les règles d’une honnêteté délicate, font que l’on s’accoutume à ne pas y attacher une sérieuse importance.
Pendant qu’on discutait là-dessus, M. de Talleyrand fit si bien, qu’on apprit tout à coup que le vieux maréchal Jourdan, en sa qualité d’ancien républicain, avait pris le premier à Rouen et fait prendre à son corps d’armée la cocarde blanche, ce qui tranchait de fait la question. […] Monté sur le même paquebot que Charles X, il quitta le vieux roi en arrivant dans la rade de Portsmouth.
À cet âge où il fut nommé recteur, Rollin, que nous ne nous figurons jamais qu’en cheveux blancs, n’était pas vieux : il n’avait que trente-trois ans. […] Je goûte aussi la solitude, La paix du cœur, la douce étude, Les vieux auteurs grecs et romains… C’est ainsi que Fontanes, grand maître de l’Université à son tour, célébrait le souvenir de son humble prédécesseur, en se promenant du côté du château de Colombes d’où Rollin aurait aimé à dater son Histoire.
Je suis vieux et malade ; je sais bien que je fais un mauvais marché ; mais ce marché vous sera utile et me sera agréable. […] Il veut, au château, des fossés grands et réguliers, des ponts tournants ; il abat sans pitié les vieux arbres : « Vos arbres de Dodone seront mieux employés à ces embellissements qu’à chauffer la ville de Genève. » Cependant les gens d’affaires qui sont sur les lieux, le notaire M.
Il y a de la poésie dans la rue par laquelle je passe tous les jours et dont j’ai, pour ainsi dire, compté chaque pavé, mais il est beaucoup plus difficile de me la faire sentir que celle d’une petite rue italienne ou espagnole, de quelque coin de pays exotique. » Il s’agit de rendre de la fraîcheur à des sensations fanées, « de trouver du nouveau dans ce qui est vieux comme la vie de tous les jours, de faire sortir l’imprévu de l’habituel ; » et pour cela le seul vrai moyen est d’approfondir le réel, d’aller par-delà les surfaces auxquelles s’arrêtent d’habitude nos regards, d’apercevoir quelque chose de nouveau là où tous avaient regardé auparavant. « La vie réelle et commune, c’est le rocher d’Aaron, rocher aride, qui fatigue le regard ; il y a pourtant un point où l’on peut, en frappant, faire jaillir une source fraîche, douce à la vue et aux membres, espoir de tout un peuple : il faut frapper à ce point, et non à côté ; il faut sentir le frisson de l’eau vive à travers la pierre dure et ingrate. » Guyau passe en revue et analyse finement les divers moyens d’échapper air trivial, d’embellir pour nous la réalité sans la fausser ; et ces moyens constituent « une sorte d’idéalisme à la disposition du naturalisme même ». […] Il insiste surtout sur l’évolution par laquelle la prose devient de plus en plus « poétique », non au vieux sens de ce mot, qui désignait la recherche des ornements et les fleurs du style, mais au sens vrai, qui désigne « l’effet significatif et surtout suggestif » produit, par l’entière adoption de la forme au fond, du rythme et des images à la pensée émue.
Un arc est beau, lançant sa flèche ; le bouclier d’Ajax avec ses sept peaux de bœuf était beau dans la mêlée, arrêtant comme un mur tous les projectiles ; les poulies compliquées, des puits de Vérone, près du vieux palais des Scaliger, prennent une certaine beauté lorsqu’on les voit soulever le seau ruisselant jusqu’aux plus hautes fenêtres du palais ; un levier semble beau aussi quand il soulève un rocher, et ensuite, si on le regarde au repos, on ne lui refusera plus un certain caractère, esthétique par, la vision anticipée de son effet. […] La sculpture et la peinture, — le vieux Socrate en a fait la remarque, — ont pour objet les modifications de la forme par le mouvement.
On a dû faire du style ce qu’on a fait de l’architecture ; on a entièrement abandonné l’ordre gothique que la barbarie avait introduit pour les palais et pour les temples ; on a rappelé le dorique, l’ionique et le corinthien : ce qu’on ne voyait plus que dans les ruines de l’ancienne Rome et de la vieille Grèce, devenu moderne, éclate dans nos portiques et dans nos péristyle. […] Balzac, pour les termes et pour l’expression, est moins vieux que Voiture, mais si ce dernier, pour le tour, pour l’esprit et pour le naturel ; n’est pas moderne, et ne ressemble en rien à nos écrivains, c’est qu’il leur a été plus facile de le négliger que de l’imiter ; et que le petit nombre de ceux qui courent après lui, ne peut l’atteindre.
La poésie semble donc résigner son vieux pouvoir oratoire dont elle s’est servie si longtemps. […] « Cette théorie universelle et frémissante, comme un tressaillement du vieux Pan, aura, en morale et en sociologie, d’importantes et prochaines conséquences.
Les hommes courent après les vieilles idoles et après les opinions nouvelles. […] Mais cette jeune femme assise à terre qui donne sa mamelle à têter à sa vieille mère et qui console d’une main son enfant qui pleure debout devant elle de la privation d’une nourriture que nature lui a destinée et que la tendresse filiale plus forte que la tendresse maternelle détourne, cette jeune femme groupe avec son fils et sa mère, parcequ’il y a une action commune qui lie cette figure avec les deux autres, et celles-cy avec elle.
La scène montre à droite le sommet d’un vieux château ; au-dessous, des rochers. […] Ici, par exemple, vous avez évité l’un de ces défauts sans tomber dans l’autre, et le vieux Berghem aurait souri à vos animaux.
En un établissement abandonné où se baignèrent les belles d’il y a cinquante ans, au fond d’un vieux parc où les arbres montent tandis que s’affaissent les élégances humaines, je lis les Mémoires de Cora Pearlt. […] La poésie de Dante redevient à la mode, de même Giotto, de même la vieille musique italienne.
Panizza, après avoir rappelé la vieille opinion des Jésuites et des Théologiens « que le sperme viril non utilisé profite au cerveau », et après avoir reconnu que cette opinion était insoutenable de nos jours, ajoute : « Il ne s’agit pas d’une transmigration, mais d’une propagation nerveuse vers le cerveau, de l’excitation causée par l’inhibition sexuelle ». […] » C’est une grande surprise pour nous d’entendre, chez un moderne et chez un indépendant, l’écho d’un sophisme aussi vieux que le catholicisme.
. — Chateaubriand vieux bonhomme.
L’ancien art catholique, et l’art plus varié des écoles qui se succèdent ; la religion, aujourd’hui sans vie, réduite à des formes encore augustes dans leur inanité ; l’arène de l’antique politique foulée çà et là par quelque vieux prélat, quelque moine sale, par des pâtres velus ou des mendiants en guenilles ; la liberté qui peut toutefois sortir jusque des filets du pêcheur napolitain ; ce que retrouverait alors d’enchantement et de génie cette belle captive ressuscitée : voilà donc les idées vraiment grandes qui ont tour à tour passé de l’âme du poëte dans ses chants.