Comme elles sont échappées à l’auteur à l’occasion de ce qui arrivait à ses héros et à ses héroïnes, elles ont souvent la vertu de rappeler quelque joie ou quelque douleur de la vie ; et il y en a qui résument si bien une situation dramatique, que malgré soi on se laisse aller à rêver sur la scène de roman qui a dû les inspirer : l’imagination ne s’arrête pas longtemps à ce jeu qui serait bientôt un travail, mais cette excitation n’en a pas moins du charme. […] * * * L’homme doit tendre à de nobles buts ou se proposer de grands modèles, autrement il perdra sa vertu ; de même que l’aiguille aimantée, longtemps détournée des pôles du monde.
Un sadducéen incrédule et mondain pouvait bien ne pas reculer devant une telle conséquence ; un sage consommé, tel qu’Antigone de Soco 158, pouvait bien soutenir qu’il ne faut pas pratiquer la vertu comme l’esclave en vue de la récompense, qu’il faut être vertueux sans espoir. […] Délivré de l’égoïsme, source de nos tristesses, qui nous fait rechercher avec âpreté un intérêt d’outre-tombe à la vertu, il ne pensa qu’à son œuvre, à sa race, a l’humanité.
Il aime Molière, sa franchise, son naturel, sa gaieté ; à défaut d’autres, ce sont là les vertus de Geoffroy. […] Un jour, sur la vertu de Mme de Maintenon il pérora longtemps ; il la maintint pure à toutes les époques de sa vie comme une Jeanne d’Arc ; c’était un paradoxe alors.
Mme du Châtelet, qui était moins belle, à ce qu’il semble, et qui n’avait pas non plus toutes les vertus d’Hypatie, ne fut point lapidée comme elle, mais elle essuya les fines moqueries de ce monde où elle vivait, le plus spirituel des mondes et le plus méchant. […] On voit dans chacune de ses lettres combien elle se méfie de la sagesse du poète quand il est loin d’elle, abandonné sans conseil à toutes ses irritations, à ses premiers mouvements et à ses pétulances : « Croyez-moi, dit-elle à d’Argental, ne le laissez pas longtemps en Hollande ; il sera sage les premiers temps, mais souvenez-vous Qu’il est peu de vertus qui résistent sans cesse. » Si elle avait lu La Fontaine autant que Newton, elle citerait, pour le coup, ces vers charmants du bonhomme, qui vont si bien à Voltaire et à toute la race : Puis fiez-vous à rimeur qui répond D’un seul moment !
Permis à elle de s’applaudir et de s’absoudre ; je n’appellerai jamais cela de la vertu. […] Si l’on peut entrevoir ici en Mme de Maintenon, pour peu qu’on y réfléchisse, la femme de quarante-cinq ans la plus experte et la plus consommée en l’art de nouer une trame, une intrigue mi-partie de sensualité et de sentiment, sous couleur de religion et de vertu, on doit reconnaître aussi le talent d’esprit qu’elle dut y mettre et ce charme de conversation par lequel elle amusait, éludait et enchaînait un roi moins ardent qu’autrefois et qui s’étonnait de prendre goût à cette lenteur toute nouvelle.
Les progrès des lumières et du bien-être feront germer des vertus publiques là où il n’y a trop longtemps eu que des vertus privées. » Il ne craint pas d’avancer que Saint-Simon dans cette voie est un précurseur, bien qu’on n’ait point à répondre de toutes ses pensées : Nous avons été précédés dans cette carrière, dit-il, par un publiciste dont nous ne craignons pas de paraître les disciples.
Que de lumieres donne à ceux qui s’appliquent à la physique, la connoissance de la proprieté qu’a l’aimant de tourner toujours vers le pole arctique, le même côté, et la connoissance de la vertu qu’il a de communiquer au fer cette proprieté. […] De bonne foi, conclure que notre raison soit d’une autre trempe que celle des anciens, assurer qu’elle est superieure à la leur, parce que nous sommes plus sçavans qu’eux dans les sciences naturelles, c’est inferer que nous avons plus d’esprit qu’eux de ce que nous sçavons guérir les fievres intermittantes avec le quinquina, et de ce qu’ils ne le pouvoient pas faire, quand on sçait que tout notre mérite dans cette cure vient d’avoir appris des indiens du Perou, la vertu de cette écorce qui croît dans leur païs.
La Beauté lui tient lieu de toute autre vertu. […] Il s’agit donc de réaliser la plus grande somme de jouissances en ce monde et les moyens dont on usera pour y parvenir constitueront les deux grandes vertus que le noir prise par dessus tout : le courage et la ruse.
Maître de ses sens qu’il a domestiqués, il a le calme, la placidité d’un sage et la vertu d’un stoïcien. […] vraiment ce n’est pas très nouveau ; il ne valait pas la peine de faire tant de bruit. » En effet, Chérubin n’est qu’une pièce à moralité bourgeoise où la vertu triomphe et qui n’a pas même le mérite d’être conforme à la vérité.
Ce sont ceux qui ne croient pas les femmes plus à leur place là qu’ici, — au bal masqué de l’Opéra qu’au bal de la littérature, — et qui souffrent dans la notion pure, élevée, délicate qu’ils ont de la femme, de ses vertus et même de sa gloire, — en la voyant se travestir comme Mme Stern, non plus seulement en artiste et en femme de lettres, mais mieux que cela, en philosophe ! […] — et puritaine, elle écrit l’histoire des républiques pour faire la leçon aux monarchies et pour prouver sa vertu politique, à elle… Gymnastique qui doit être fatigante, n’est-ce pas ?
Un homme qui avait autant de respect que moi pour le bon et grand homme dont la vertu toucha à la sainteté, Louis Veuillot, à propos des Fragments signalés dernièrement à l’attention publique, a parlé du noble courroux de l’auteur de ces fragments contre les incrédules et les révolutionnaires. […] Ce n’est pas Calvin qui eût écrit cette phrase : « Il n’y a pas d’homme qu’on ne puisse gagner avec des opinions mesurées. » Et encore : « Les vertus poussées à l’excès deviennent des défauts. » Et encore — (si Calvin avait eu le triste avantage de vivre après la Révolution française) : « De quoi pourriez-vous vous plaindre ?
Pour cela, des voies moins pures sont nécessaires, etc. », ce qui veut dire, en termes qu’on surveille, mais qu’il est impossible de ne pas comprendre, que le bien, pour être, a besoin du mal, et que la vertu ne peut rien de grand et de fort dans le monde sans l’aide des gredins et l’appoint de la coquinerie. […] l’Église, qui, seulement avec trois humbles vertus : la pauvreté, l’obéissance et la chasteté, bâtit le phalanstère qui devait coûter quinze mille milliards à Charles Fourier et à la philosophie !
Il en a reçu l’incrédulité aux Dieux et la négation de l’âme spirituelle, le culte de la matière et l’indifférence sur la vertu, toutes les croyances en un mot qui sont ennemies de l’enthousiasme et devraient éteindre l’imagination comme le cœur. […] Ce sont les Parques présentes à la fête qui chantent l’hymne conjugal : « Ô soutien glorieux, qui par tes vertus agrandis et protèges la puissance de l’Épire, père illustre par ton fils, apprends ce que les sœurs du Destin mettent au grand jour pour toi ; entends leur véridique oracle.
Parmi de telles générations, les génies, quand il s’en présentera, seront naturellement plus forts et meilleurs ; ils porteront et garderont l’empreinte d’une moralité civique, qui trop souvent leur a fait faute ; ils offriront moins de ces affligeants contrastes qui consolent l’envie et déconcertent à vertu ; ils ne seront plus bienfaiteurs du monde à demi, et le deuil de leur perte sera deux fois saint pour ceux qui les auront admirés.
Après l’examen et la discussion des mobiles, l’auteur aborde les devoirs et leurs diverses branches, devoirs envers Dieu, envers nos semblables et envers nous-mêmes ; dans ce traité sur la vertu, qui comprend tout le second volume, on rencontre les plus hautes questions de la nature humaine, aplanies avec cette aisance particulière à l’aimable philosophe, et accompagnées de digressions bien assorties.
Au contraire, par leurs qualités comme par leurs défauts, par leurs vertus comme par leurs vices, les privilégiés ont travaillé à leur chute, et leurs mérites ont contribué à leur ruine aussi bien que leurs torts Fondateurs de la société, ayant jadis mérité leurs avantages par leurs services, ils ont gardé leur rang sans continuer leur emploi ; dans le gouvernement local comme dans le gouvernement central, leur place est une sinécure, et leurs privilèges sont devenus des abus.
En recherchant les termes les plus justes qui répondent aux mots étrangers et aux idées des écrivains, on pénètre plus avant dans le sens des mots français, on en mesure mieux l’énergie et la vertu, et l’on en fait provision en même temps pour le jour où l’on devra exprimer ses propres pensées.
André Theuriet est assurément le meilleur peintre, le plus exact et le plus cordial à la fois, de la petite bourgeoisie française, mi-citadine et mi-paysanne ; et, comme cette classe sociale est la force même de la nation, comme elle lui est une réserve immense et silencieuse d’énergie et de vertu, les romans si simples de l’auteur des Deux Barbeaux deviennent par là très intéressants ; ils prennent un sens et une portée ; peu s’en faut qu’ils ne me soient vénérables.
Aura-t-il assez de foi et de vertu pour l’oser ?
Mais enfin si je veux de la vertu, je sais où la trouver.
Américain d’origine, il est bien le compatriote de ce suprême et grand Edgar Poë, de celui qui osa penser que la poésie était la création rythmique de la beauté, lorsqu’il écrivit que cette beauté était une des conditions de la parfaite vie « au même titre que la vertu et la vérité ».
On reproche à Juvénal d’être déclamateur, & de combattre le vice de manière à faire rougir la vertu.
Quel dommage qu’il n’ait rien voulu dire de ces bergères transformées par leurs vertus en bienfaisantes divinités ; de ces Geneviève qui, du haut du ciel, protègent, avec une houlette, l’empire de Clovis et de Charlemagne !
Enfin les vertus rendent bien capable des grandes places, mais il arrive souvent dans tous les siecles qu’on n’y puisse parvenir que par des bassesses et par des vices.
Heureusement, saint Vincent de Paul, chassé, en 1793, par l’école de Jean-Jacques, revint, quatre ans après, avec les enfants, catéchisés et communiants, légitimés devant Dieu par la foi, l’humilité et la pratique des vertus chrétiennes.
Aimé Martin, son premier biographe, le nie avec indignation, et se porte garant de la vertu de Bernardin de Saint-Pierre. […] Ou bien encore il voulait qu’on le chargeât de parcourir le pays « à la recherche des talents et des vertus précoces ». […] Je développe en vous, chaque fois que je vous vois, de nouvelles grâces et de nouvelles vertus. […] Habituellement et habilement cachée, la préoccupation morale s’y fait pourtant toujours sentir ; et, à la vérité, nul ne s’est moins soucié que lui de « punir le vice », ou de « récompenser la vertu » ; mais nul n’a plus scrupuleusement évalué les actions humaines à leur taux moral, ni guidé son lecteur, d’une main plus sûre en même temps que plus discrète, vers un juste discernement de ce qui fait l’honneur des hommes et la vertu des femmes. […] Cette fausse impartialité, ce désintéressement théorique dont on voudrait faire la vertu maîtresse de l’historien, n’ont de lieu, pour parler le langage de M.
Ainsi la finesse de leur talent témoigne de leur vertu militaire ; leur élégance d’écrivains a une grâce d’héroïsme. […] Comment la catastrophe est devenue patience, et la calamité vertu, c’est ce que montre La Veillée des armes, roman de la guerre en ses préludes. […] Mais, quand il nous laisse retomber aux petites vertus, qui sont de pratique longue et perpétuelle, il ne nous épargne guère les mérites de la résignation. […] Il n’a pas de vertu : il a, comme on disait dans le désordre italien de la Renaissance, de la virtù. […] D’autre part, on aurait tort de méconnaître les vertus et l’efficacité de son opération critique.
Car lui aussi est académicien et ancien ministre de l’instruction publique ; et si ce n’est pas lui qui est désigné ici, c’est donc qu’on ne trouve pas que son nom, à lui, est « synonyme des meilleures vertus » ? […] Ses joies (comme la plupart de ses travaux) impliquent un don d’extraordinaire patience… N’ayant donc pas les vertus qu’il faut pour bien voir un feu d’artifice, j’ai repris mon long vagabondage à travers les rues. […] Les bourgeois dissolus chez qui vous daignerez parfois venir tous deux (jamais l’un sans l’autre) dire de la prose ou des vers, vanteront votre union et vos vertus domestiques. […] Vous aimez encore mieux ces belles vertus quand il s’y joint un peu de « panache » ; mais ce goût est bien de votre âge. […] Il y a une quantité de petits pavillons, de baraques pittoresques, d’édicules exotiques où l’on voyait sans doute des choses merveilleuses et où je ne suis jamais entré, parce que je n’ai pas la vertu qu’il faut pour faire la queue.
Octobre les rapprocha, et ils se remirent à essayer de croire, à s’efforcer d’avoir foi l’un dans l’autre et dans la vertu purifiante de l’amour. […] Il croit à la vertu, au progrès, à la grandeur humaine, au pouvoir magique des mots. […] Songes-tu que ce meurtre, c’est tout ce qui me reste de ma vertu ? […] Oui, cela est certain, si je pouvais revenir à la vertu, si mon apprentissage de vice pouvait s’évanouir, j’épargnerais peut-être ce conducteur de bœufs. […] Chacun retrouvait en lui ses propres sentiments, les plus fugitifs, les plus intimes ; il s’abandonnait, il se donnait, il avait les dernières des vertus qui nous restent, la générosité et la sincérité.
Les grands vices, les grandes vertus sont des exceptions. […] En toutes choses il faut traiter les hommes de la sorte, et leur supposer les vertus qu’on veut leur inspirer. […] La courtoisie et l’humeur allègre étaient pour lui des vertus. […] De ce que le vice et la vertu sont des produits comme le vitriol et le sucre, il ne s’ensuit pas que le vice vaille la vertu ni que le vitriol soit aussi nourrissant que le sucre. […] Si l’amour était dangereux, la vertu n’était pas non plus sans périls.
Pourtant le progrès ne se fait qu’avec le paradoxe, et c’est le bon sens — vertu des sots — qui perpétue la routine. […] Le prêtre, moralement mutilé, volontairement infécond, qui proclame vertu son renoncement sexuel, et qui dit : « Je veux que le monde finisse avec moi ! […] … Est-ce que tu vas, dans leurs laboratoires, saisir leurs bistouris, leurs cornues et leurs livres, et les offrir en holocauste, à la vertu bourgeoise outragée par eux ? […] … Il lui faut de la vertu aussi, à celui-là… et qu’elle soit gaie ! […] Chez moi, je veux que les gens s’amusent… En s’amusant, ils acquièrent de la vertu.
Chantavoine a rappelé, en commençant, que Casimir fut un fort brave homme, modeste, timide, désintéresse, doué de toutes les vertus domestiques. […] Hauptmann n’oppose pas, systématiquement, à la vertu des pauvres la dureté des riches. […] Il est déloyal et honteux d’afficher des idées qui, si l’on en était réellement pénétré, vous imposeraient des sacrifices, des renoncements et des vertus dont on est fort incapable. […] Il aime Blandine ; c’est, lui qui la sauve de la honte, — un peu de la même manière que Didyme préserve la vertu de Théodore dans la tragédie de Corneille, — et c’est lui qui la sauve des lions, — en les égorgeant. […] Le public était d’ailleurs très bien préparé à admettre les innocences et les vertus les plus paradoxales.