De la tragédie qu’elles jouent, la vieille tragédie de l’amour, nous ne connaissons ni le héros ni l’héroïne.
Cité, tu le sais, est un mot d’un rang beaucoup plus relevé que ville, — un mot de qualité, un mot gentilhomme qui a pignon sur rue, avec vue sur les tragédies environnantes. […] Le Capitolium est une antiquité du premier Empire, — non l’Empire de César, — mais l’Empire de Napoléon ; Le Capitolium est contemporain, — non des commentaires de bello gallico, — mais des tragédies de M. de Lancival et de M. de La Harpe.
une difficulté de plus, un intérêt, un péril : incedo per ignes… Et voilà ce qui fait que le genre du discours académique, dont on dira tout ce qu’on voudra, est un genre bien moderne, bien vivant, bien dramatique, et plus couru que toutes les tragédies du monde.
Auteur lui-même d’un poème épique, la Calédonie, et d’une tragédie héroïque, le Siége de Missolonghi, il y aurait eu bien des choses à lui retorquer sur cette pureté classique qu’il affichait et qu’il ne pratiquait pas sans de légères atteintes.
Plus sévère était la tragédie, avec sa fable le plus souvent banale et rebattue, la comédie avec son éternelle intrigue éternellement nouée et dénouée de même façon, plus sévères enfin les dessins sobres et nets du moraliste, les raisonnements vigoureux et serrés du prédicateur.
Aux termes de la nouvelle loi sur la propriété littéraire, mademoiselle Noëmi Trochu (c’est ainsi qu’elle se nomme) n’aurait-elle pas des droits à percevoir dans les tragédies de notre immortel poète ?
Après le couronnement de la victoire, l’Empire eut le couronnement des catastrophes, pour que tout fût complet dans sa destinée ; car la grandeur humaine ne s’achève que par le malheur, et les larmes des choses (lacrymæ rerum) ne doivent pas plus manquer à l’Épopée que les larmes des hommes au Drame… deux espèces de larmes différentes, que l’Empire, tour à tour Épopée et Tragédie, a su faire également couler !
Aristote part de ces mœurs héroïques, lorsqu’il veut dans sa Poétique, que le héros de la tragédie ne soit ni parfaitement bon, ni entièrement méchant, mais qu’il offre un mélange de grands vices et de grandes vertus.
Qu’il se montre, cet homme de génie qui doit placer la véritable tragédie, la véritable comédie sur le théâtre lyrique ! […] Il publia des traductions de tragédies grecques, des traductions du latin, une étude sur « le système de la Mythologie » ; par une curieuse coïncidence, quelques-uns de ces écrits furent imprimés à Bayreuth. […] On lui doit Le Drame musical (1875), La Genèse de la tragédie (1925), et Les Grands initiés (1889).
Pour prouver que telle est bien l’essence de la comédie, et qu’elle s’oppose par là à la tragédie, au drame, aux autres formes de l’art, il faudrait commencer par définir l’art dans ce qu’il a de plus élevé : alors, descendant peu à peu à la poésie comique, on verrait qu’elle est placée aux confins de l’art et de la vie, et qu’elle tranche, par son caractère de généralité, sur le reste des arts. […] Le héros de tragédie est une individualité unique en son genre. […] Cette différence essentielle entre la tragédie et la comédie, l’une s’attachant à des individus et l’autre à des genres, se traduit d’une autre manière encore.
Aujourd’hui que, selon une expression mémorable, la pyramide a été retournée et replacée dans son vrai sens, quand la société est remise sur sa large base et dans son stable équilibre, ne serait-il pas plus simple, dans cet ordre aussi de récompenses dramatiques, de rendre aux choses leur vrai nom, d’encourager ce qui a toujours été la gloire de l’esprit aux grandes époques, ce qui est à la fois la morale et l’art, c’est-à-dire l’Art même dans sa plus haute expression, l’Art élevé, sous ses diverses formes, la tragédie ou le drame en vers, la haute comédie dans toute sa mâle vigueur et sa franchise ?
Au temps de M. de Ségur et de sa spirituelle ambassade, on jouait à Pétersbourg les tragédies qu’il faisait exprès, et pour lesquelles il n’eût pas manqué, dans ce grand monde tout français, de fort ingénieux collaborateurs.
. — La Rèino Jano, tragédie provençale (1890). — Le Poème du Rhône (1897).
J’observe chez Racine une soumission absolue aux règles de la tragédie.
Elle ne nous offre, quand elle n’est pas une hideuse tragédie, que le curieux et lamentable spectacle d’une nation qui se piquait d’être à la tête du monde, et que Dieu livrait aux principes du Contrat social.
Le Racine fils du romantisme, plus heureux que l’autre, qui n’osa pas toucher aux tragédies, est arrivé au bruit par le drame, comme son père… Cela parut naturel et presque juste… En fait de théâtre, Alexandre Dumas fils est tellement né là-dedans, il est tellement l’enfant de cette balle, et le théâtre de ces derniers temps doit tant à son père, que ce théâtre semblait comme tenu de le faire réussir… Il n’y a pas manqué.
Rien n’est plus amusant que l’Eschyle breton ; Il nous porte à son gré du Tibre à la Tamise, Du Nil au Capitole et de Chypre à Venise, Mêle aux discours des rois les lazis des manans ; Confond les savetiers avec les conquérans ; Et des trois unités méprisant l’hérésie, Mettrait le monde entier dans une tragédie.
De là, quelques paroles d’une tristesse vraiment poétique, dans la tragédie de Thyeste : « Est roi celui qui ne craint pas, est roi celui qui ne forme pas de désir.
Nous sommes dans une grande salle, tendue d’un papier chocolat, où il y a des fauteuils de tragédie, recouverts d’un velours usé et miroitant, et un buste de l’Empereur soutenu par un aigle, qui a l’air d’une oie. […] Au dîner, à propos d’un mot de je ne sais qui, la princesse s’emporte contre l’antiquité, la tragédie ; et déclare n’aimer, ne sentir, ne comprendre que le moderne, — et semble avoir pour tout le classique l’horreur d’un écolier pour un pensum. […] Nous attendons en compagnie de ce pauvre Guyard, le lecteur mélancolique de tous les ours, un homme si attristé de toutes les tragédies infiltrées en lui, qu’il rêve toutes les nuits que son ménage est dans un cachot, et assailli à tout moment, à propos de ces tragédies, d’incidents comme celui-ci : il vient de recevoir une lettre d’un malheureux qui lui écrit d’un lit de la Charité, qu’il a un pistolet sous son traversin, pour se brûler la cervelle, si sa pièce n’est pas reçue. […] Il m’a semblé que tous les vieux portraits de ce foyer sévère, les ancêtres de la Tragédie noble et de la Comédie grave, les Orosmanes à turbans et les reines à poignard, fronçaient le sourcil devant le lutin du carnaval de l’Opéra.
Puisque la Renaissance ne s’en prenait qu’à notre instinct de chant et de récit, elle ne présentait aucun obstacle à notre tragédie ni à notre comédie ; au contraire, elle les servait, en leur offrant des modèles, en leur marquant des cadres, dont elles n’auraient pu trouver l’équivalent dans le passé de notre propre race. […] Il abonde, cela est évident, en réminiscences, mais il se personnalise en des sentiments récents, même en des modes de sensibilité et de langage, qui, d’ailleurs, se généralisent par l’humanité de la passion ; et l’on pourrait dire en souriant que la tragédie de Racine danse, noblement et mélancoliquement, dans un temple antique, le menuet de toutes les âmes tendres et déchirées. […] Et voilà justement ce qui, de son temps et dans la postérité, lui a nui, en tant qu’auteur de tragédies et de comédies. […] Ce qui s’y perpétue, c’est l’ode d’après Jean-Baptiste, la tragédie imitée des plus viles imitations des chefs-d’œuvre de notre théâtre ; ce qui s’y prépare, c’est, dans la plate et spirituelle comédie bourgeoise et par les innombrables Madame Angot, le vaudeville et l’opérette. […] Voilà qui est fort noblement exprimé ; mais il n’est guère, je pense, de tragédie, et particulièrement de tragédie antique, à propos de laquelle on n’en pourrait dire autant.
Garnier a laissé sept tragédies : Porcie, Cornélie, Marc-Antoine, Hippolyte, la Troade, Antigone, les Juives. […] Il ne cessa de travailler et il donna coup sur coup plusieurs tragédies et une foule de tragi-comédies ou simplement comédies. […] Je crois aussi que la prose n’est pas bonne pour faire vivre sur la scène une tragédie ou une haute comédie versifiées dans l’original. […] C’est une tragédie à la façon de nos classiques, mais Shakespeare a passé là-dessus. […] On lui reprochait d’avoir quitté, après cette tragédie, le noble et sévère langage traditionnel, pour se faire des habitudes de style singulières.
Il écrivit beaucoup de vers français et ébaucha une multitude de poëmes, tragédies, comédies, sans compter les chansons, madrigaux, charades, etc. Je trouve des scènes écrites d’une tragédie d’Agis, des fragments, des projets d’une tragédie de Conradin, d’une Iphigénie en Tauride…, d’une autre pièce où paraissaient Carbon et Sylla, d’une autre où figuraient Vespasien et Titus ; un morceau d’un poëme moral sur la vie ; des vers qui célèbrent l’Assemblée constituante ; une ébauche de poëme sur les sciences naturelles ; un commencement assez long d’une grande épopée intitulée l’Américide, dont le héros était Christophe Colomb.
… Mais l’image, les classiques en sont pleins, la tragédie n’est qu’image. […] Soudain, il se met à nous réciter des lambeaux formidablement cocasses d’une tragédie ébauchée avec Bouilhet sur la découverte de la vaccine, dans les purs principes de Marmontel, où tout, jusqu’à « grêlée comme une écumoire » était en métaphores de huit vers : tragédie à laquelle il a travaillé pendant trois ans, et qui montre la persistance de bœuf de cet esprit, même dans les imaginations comiques, dignes d’un quart d’heure de blague.
Nous sommes loin encore des romances et de la tragédie. […] Après l’épopée et les fragments épiques, la tragédie est possible : c’est au talent à l’en tirer et à la construire.
On a de lui, vers cette même date et dans ce même style spirituel, mais plus aisé, une Dissertation sur la tragédie de Racine d’Alexandre, tout à l’avantage de Corneille, et qui montre bien les sentiments de ceux qui appartenaient à cette génération d’admirateurs, restés fidèles au Cid et à Cinna. […] L’esquisse rapide qu’il fait d’une tragédie d’Alexandre telle qu’il l’aurait souhaitée, d’un Porus doué d’une grandeur d’âme « qui nous fût plus étrangère » ; ce tableau qu’il conçoit d’un appareil de guerre tout extraordinaire, monstrueux et merveilleux, et qui, dans ces contrées nouvelles, au passage de ces fleuves inconnus, l’Hydaspe et l’Indus, épouvantait les Macédoniens eux-mêmes ; ces idées qu’il laisse entrevoir, si propres à élever l’imagination et à tirer le poëte des habitudes doucereuses, nous prouvent combien Saint-Évremond aurait eu peu à faire pour être un critique éclairé et avancé.
Elle n’est pas d’ailleurs si simple ni si facile à trancher, et on ne se la pose guère quand on écoute une tragédie de Racine, une comédie de Molière, une pièce de Dumas fils. […] Tous, je crois, prenaient la même sorte de plaisir à une comédie d’Aristophane ou à une tragédie de Sophocle.
Le premier est une histoire familière de la cour de Louis XIV ; vrai tableau, ou plutôt vraie galerie de tableaux imposants et charmants, au-dessus desquels domine, tracé d’une main libre, pour l’histoire et non pour la tragédie, le portrait du grand roi. […] Ses craintes intermittentes pour la gloire de ses tragédies le rendent injuste pour Boileau, comme si l’Art poétique avait prédit et préparé leur décadence93.
Transformée par cette abréviation pathétique et remplie du génie d’Eschyle, l’antique légende est ainsi devenue la prodigieuse tragédie qui reste encore, après deux mille ans, le chef-d’œuvre de la terreur entre les drames de tous les pays et de tous les temps. II. — La tragédie d’Agamemnon. — Le veilleur sur la tour. — Le signal de feu. — Angoisses du Chœur. — Clytemnestre proclame la victoire. — Hélène. — Le Messager du roi.
L’auteur a fait intervenir, entre les quatre amis, dans Psyché, des discussions littéraires et poétiques, discussions, par exemple, sur la tragédie, sur la différence entre la tragédie et la comédie ; des discussions et des souvenirs de l’Astrée, un grand éloge encore de l’Astrée, etc.
Mais nous exagérons, il y a des théories littéraires, universelles et incontestables : Si nous recevons jamais du Kamtschatka ou des îles Orcades cette Poétique qu’attendait Voltaire, il y a à parier que nous nous entendrons avec son auteur sur les points suivants et sur quelques autres : les épigrammes doivent être courtes — la musique religieuse doit être grave — le dénouement d’une tragédie ne doit pas faire rire — celui d’une comédie ne doit pas faire trembler.
oui, on mange, on boit, on bâille, on travaille, on fait ce que font les autres, on est comme tout le monde, on n’a rien d’extraordinaire : et on meurt de désespoir et d’amour ; on meurt d’une passion fatale comme les passions de tragédie.
Devant une tragédie, il émet un feuilleton gavroche ; devant un roman charnel, un feuilleton séminariste.