Des idées générales et de la substitution simple Sommaire. […] Au dedans, cette œuvre est une image plus ou moins vague, celle d’une ligne élancée, puis épanouie ; au dehors, elle est l’attitude et le geste imitatif du corps ; dans le langage primitif, chez les peuples enfants, à l’origine de la parole, elle est une autre imitation poétique et figurative, dont nous retrouvons çà et là des fragments ; aujourd’hui, elle est un simple mot appris, pure notation, reste desséché du petit drame symbolique et de la mimique vivante par laquelle les premiers inventeurs, véritables artistes, traduisaient leurs impressions. […] Partant, de que nous appelons une idée générale, une vue d’ensemble, n’est qu’un nom, non pas le simple son qui vibre dans l’air et ébranle notre oreille, ou l’assemblage de lettres qui noircissent le papier et frappent nos yeux, non pas même ces lettres aperçues mentalement, ou ce son mentalement prononcé, mais ce son ou ces lettres doués, lorsque nous les apercevons ou imaginons, d’une propriété double, la propriété d’éveiller en nous les images des individus qui appartiennent à une certaine classe et de ces individus seulement, et la propriété de renaître toutes les fois qu’un individu de cette même classe et seulement quand un individu de cette même classe se présente à notre mémoire ou à notre expérience. — La seule différence qu’il y ait pour nous entre le mot bara, qui ne signifie rien, et le mot arbre, qui signifie quelque chose, c’est qu’en entendant le premier nous n’imaginons aucun objet ou série d’objets appartenant à une classe distincte et qu’aucun objet ou série d’objets appartenant à une classe distincte ne réveille en nous le mot bara, tandis qu’en entendant le second nous nous figurons involontairement un chêne, un peuplier, un poirier ou tel autre arbre, et qu’en voyant un arbre quelconque nous prononçons involontairement le mot arbre. […] Deux termes étant les équivalents l’un de l’autre, le premier si simple, si maniable, si aisé à rappeler, peut remplacer le second, même quand le second est une armée immense dont les cadres toujours ouverts attendent et reçoivent incessamment de nouveaux soldats.
Mais il n’y a rien de plus compliqué que les faits qui paraissent les plus simples au vulgaire, et pour parler de ces faits d’une manière vraiment sérieuse, il faut commencer par les décomposer : opération très-difficile et pour laquelle la physiologie n’est absolument d’aucun secours, je me trompe cependant en affirmant que l’auteur n’a pas de théorie sur la nature du génie. […] Mais il resterait à savoir si les idées qui se produisent dans ces circonstances sont vraiment des idées originales et profondes ou si ce ne sont pas de simples lieux communs, des réminiscences qui se réveillent avec une certaine vivacité sous l’empire de la fièvre, et qui étonnent les assistants par leur contraste avec les accidents antérieurs beaucoup plus que par leur valeur propre. […] On peut, sans doute, confirmer par des fails historiques bien attestés certaines lois démontrées déjà par l’observation et par l’expérience, mais établir des lois médicales sur de simples anecdotes historiques me paraît un procédé des moins rigoureux. […] Je dis d’abord qu’il faut distinguer l’hallucination simple de la folie.
C’est peu à peu, par le simple langage des faits, et non par une idée préconçue, que je suis arrivé à cette conviction. […] Plusieurs des grands auteurs se présenteront alors dans une lumière nouvelle ; et l’étude des sources, qu’on pratique aujourd’hui avec une érudition trop facile, cessera d’être un simple rapprochement de textes, pour devenir une analyse psychologique et esthétique. […] En passant, je citerai quelques exemples, à titre de simples indications pour un ouvrage futur ; le lecteur attentif appréciera la portée de ces indications. […] Depuis dix ans j’ai de plus en plus le sentiment que ma méthode, très simple dans ses grandes lignes, infiniment complexe dans le détail, répond précisément aux réalités de la vie, pour autant qu’il est possible d’exprimer en mots rigides cette fermentation perpétuelle, dont le bouillonnement nous enchante et nous déroute, comme les flots de la mer qui se brisent sur le rivage, selon des lois éternelles, et dont l’œil ne perçoit que la ligne changeante et l’écume fuyante.
Fort attentif aux bienséances, il est soigné, quoique simple sur sa personne. […] Pour le maître, on le trouve ordinairement à sa table devant la fenêtre, regardant parfois les deux lignes grandes et simples qui dessinent le cours de la Seine, occupé plus volontiers à dresser des listes et à composer des groupes de faits. […] La force vitale n’est ni une qualité, ni une substance, mais un simple rapport. […] Et pour cela, nous avons pris un moyen simple : nous avons ramené les noms compliqués et généraux aux cas particuliers et singuliers qui les suscitent ; en réunissant plusieurs exemples, nous avons démêlé et détaché la circonstance commune qu’ils désignent ; nous les avons réduits à exprimer cette circonstance.
Leur idée demeure exacte, nette et simple, et n’éveille pas une image voisine pour se confondre avec elle, se colorer et se transformer. […] Peu à peu ils voient se rapprocher d’eux les simples chevaliers, leurs collègues à la cour du comté, trop pauvres pour assister avec les grands barons aux assemblées royales. […] La protection des grands barons et l’alliance des simples chevaliers les a fortifiés ; mais c’est par leur rudesse et leur énergie native qu’ils se sont tenus debout. […] « Ils sont très-supérieurs159, dit un autre auteur au siècle suivant, aux simples laboureurs et aux journaliers. […] For it is of full autorite, and opyn to the undirstonding of simple men, as to the poyntis that be moost medful to saluacioun… and ech place of holy writ, bothe opyn and dark, techith mekenes and charite.
Ce n’est pas ici, comme chez les maîtres italiens, un spectacle à récréer les yeux, un simple ondoiement d’étoffes, une ordonnance des groupes. […] Rien de plus simple et de plus efficace que son éloquence ; et la raison en est qu’il ne parle jamais pour parler, mais pour faire une œuvre. […] Le Voyage du Pèlerin est un manuel de dévotion à l’usage des simples, en même temps qu’une épopée allégorique de la grâce. […] Le géant Désespoir, simple abstraction, devient aussi réel entre ses mains qu’un geôlier ou un fermier d’Angleterre. […] Voici une autre de ces allégories, presque spirituelle, tant elle est juste et simple.
Le simple poisson, le simple mammifère... tiennent en échec les lois physiques essentielles. […] Il s’agit d’une simple habitude devenue héréditaire. […] comme tout cela serait simple, ou du moins plus simple que maintenant, si à la notion de fait criminel on substituait celle de fait dangereux. […] C’est une simple pensée ou un rêve. […] Rien de plus simple en apparence.
L’étude des sentiments simples de l’humanité. […] Ce n’est rien de beau que l’humanité réduite à sa plus simple expression ! […] Le style de l’écrivain est simple et loyal. […] Il trouve toujours le mot simple et le mot juste. […] Son langage est simple, dépouillé de toute espèce d’ornements et d’artifices.
Dans les milieux simples, la gloire apparaît comme une balançoire. […] C’est bien simple. […] Gardez toujours le ton d’un simple narrateur. […] Rien de plus simple. […] Un professionnel ou un simple amateur ?
Il a une manière simple de raconter. […] Le plus simple bon sens suffit pour s’apercevoir que cette route n’est ni la plus noble, ni la plus certaine. […] Nous ne nous reposons pas avec pleine confiance dans ses discours ; il est vrai, mais il n’est pas simple. […] Rien ne repose ; jamais des paroles simples ne viennent replacer le lecteur dans la nature habituelle. […] Comment lire ce testament si simple et si touchant, et ne pas sentir s’éteindre les ardeurs de toute discorde ?
Il était amical et simple. […] Philippe n’avait rien donné encore de si joliment simple, et de si simple sans nul sacrifice d’idée, de sentiment, d’intention. […] Mais il aime cet homme simple et bon. […] Combien cette œuvre-ci est plus simple et, en sa simplicité, plus grande ! […] Mais n’ayons pas peur des mots ; il n’est rien de plus simple au monde.
De là vient que son livre n’a pas une simple valeur historique, mais humaine. […] Bref, il traite l’œuvre de Pascal comme un simple manuel. […] Vandérem qu’appartient la découverte d’un Pascal simple rabâcheur de lieux communs. […] La simple énumération de tant de géniales découvertes est un émerveillement. […] Elle est pourtant bien simple, malgré les sophismes de quelques beaux esprits.
Celui qui m’écrit qu’il a « de curieux authographes » peut savoir le turc ou le chinois, mais, à coup sûr, il n’a pas fait ses simples études classiques. […] Dans un siècle où tout marche si vite, où tous sont appelés indistinctement et souvent à l’improviste, où l’on a à peine le temps de la réflexion à travers l’action, où il nous faut faire après coup ce par où il eût été plus simple de commencer, on ne saurait trop introduire dans l’esprit de notions exactes, n’importe comment, ni par quel bout, à bâtons rompus, aux moments perdus, par les moindres interstices d’une journée occupée ou distraite : en fin de compte tout se retrouve.
J'aimerais mieux un simple narré, tel que pouvait faire dom Le Nain38, que l’éloquence affectée. » — Ce n’est ni aux bénédictins, ni même aux jésuites qu’on songe à plaire de nos jours, mais à flatter madame Sand, à ne pas choquer M. de Lamennais, à chatouiller M. de Béranger, leurs noms et leurs doctrines, et de là une dégradation véritable du sujet. […] Pour nous qui y sommes moins obligés, grâce à notre éloignement, nous disons franchement que ce livre, que l’on concevait si simple et si austère, est devenu, par manque de sérieux et par négligence, un véritable bric-à-brac ; l’auteur jette tout, brouille tout, et vide toutes ses armoires.
Cet épicurisme politique n’était pas une simple affaire de calcul ou d’indifférence : il y avait mieux chez lui ; sans préjugés surannés, sans passions profondes, doué d’une conception éminemment prompte et lucide, Dumouriez était fait pour comprendre à merveille les divers partis de la scène révolutionnaire, et, si l’on excepte les jacobins stoïquement féroces, il lui était aisé de sympathiser plus ou moins vivement avec tous. […] Quoi qu’il en soit, son récit, réduit aux simples faits, donne une haute idée de la capacité prodigieuse et de l’infatigable activité du général proscrit.
La vie, dit Horwicz, est une symphonie grandiose où un thème simple, plaisir et douleur, est constamment répété, mais avec des variantes de plus en plus compliquées et une instrumentation de plus en plus large. Selon nous, le vrai thème simple, que toute motion et toute émotion suppose, c’est l’appétition.
Représentons-nous, dans Platon, un homme simple, modeste, frugal, de mœurs austères, bon ami, citoyen zélé ; mais très-mauvais politique ; aimant le bien, & voulant le procurer aux hommes ; parlant toujours d’eux, & les connoissant peu ; aussi chimérique dans ses idées, que notre vertueux abbé de Saint-Pierre, ou le célèbre misanthrope Génevois. […] Son stile est simple & uni, mais serré & nerveux : celui de Platon est grand & élevé, mais lâche & diffus : celui-ci dit toujours plus qu’il n’en faut dire ; celui-là n’en dit jamais assez, & laisse à penser toujours plus qu’il n’en dit : l’un surprend l’esprit, & l’éblouit par un caractère eclatant & fleuri ; l’autre l’éclaire & l’instruit par une méthode juste & solide…..
Un simple bonjour ? […] Dans ses meilleurs et ses plus poétiques moments, Mme Des Houlières a fait de jolis airs : c’est ainsi qu’elle appelle un simple couplet, une idée tendre, fugitive, un sentiment rapide qui nous arrive comme à travers un son de vieux luth ou de clavecin. […] Mais quoi de plus touchant comme simple note, et de plus sensible que cet air-ci : Aimables habitants de ce naissant feuillage Qui semble fait exprès pour cacher vos amours, Rossignols, dont le doux ramage Aux douceurs du sommeil m’arrache tous les jours, Que votre chant est tendre ! […] Jay a écrit, dans des Observations sur elle et sur ses œuvres : « Supérieure sous tous les rapports à Mme Des Houlières, mais ne devant peut-être cette supériorité qu’à l’influence des grands spectacles dont elle fut témoin et dont elle reçut les impressions, elle a conquis une palme immortelle… » L’originalité poétique de Mme Dufrénoy (si on lui en trouve) n’est pas dans les chants consacrés à des événements publics, mais dans la simple expression de ses sentiments tendres. […] , on est surpris du jargon qu’elle a osé hasarder, et qui semblait tout simple à cette date.
Prémunis par là contre bien des agitations insensées, sachons nous tenir à un calme grave, à une habitude réfléchie et naturelle, qui nous fasse tout goûter selon la mesure, nous permette une justice clairvoyante, dégagée des préoccupations superbes, et, en sauvant nos productions sincères des changeantes saillies du jour et des jargons bigarrés qui passent, nous établisse dans la situation intime la meilleure pour y épancher le plus de ces vérités réelles, de ces beautés simples, de ces sentiments humains bien ménagés, dont, sous des formes plus ou moins neuves et durables, les âges futurs verront se confirmer à chaque épreuve l’éternelle jeunesse. […] Quelques-uns, tout bas, la trouvent un peu faible peut-être et par trop simple de métaphysique et de nuances ; mais quand l’assaisonnement moderne se sera évaporé, quand l’enluminure fatigante aura pâli, cette fille incompréhensible se retrouvera la même, plus fraîche seulement par le contraste. L’écrivain qui nous l’a peinte restera apprécié dans le calme, comme étant arrivé à la profondeur la plus inouïe de la passion par le simple naturel d’un récit, et pour avoir fait de sa plume, en cette circonstance, un emploi cher à certains cœurs dans tous les temps. […] On le soigna fort à cause des rares talents qu’il produisit de bonne heure, et les jésuites l’avaient déjà entraîné au noviciat lorsqu’un jour (il avait seize ans), les idées de monde l’ayant assailli, il quitta tout pour s’engager en qualité de simple volontaire. […] La démarcation entre les deux marquis, entre le marquis simple homme de qualité et le marquis fils de duc, est tranchée fidèlement ; la prérogative ducale reluit dans toute la splendeur du préjugé.
Tous également, chacun à sa façon, prétendaient renchérir sur la nature, et faire mieux qu’elle ; par une délicatesse aristocratique, ils en avaient peur, comme trop grossière, ou mépris, comme trop simple. […] Entre la fadeur et la finesse, entre l’enflure et le grotesque, la simple nature et la réelle humanité passaient inaperçues, inexprimées. […] Et ces grands écrivains que Boileau groupait autour de lui après 1660, ces hommes de génie si dissemblable ont tous ceci de commun, qu’ils respectent la nature, l’expriment comme ils la sentent et la voient, en eux et hors d’eux, que jamais ils ne la refont ni ne la contrefont : sincères et simples comme Pascal, et grands d’une semblable grandeur. […] Il est tout simple que les anciens, avec la même raison, devant la même nature que nous, aient aperçu bien des vérités où notre expérience et notre recherche personnelles nous amèneront. […] Voilà les principes qui constituent le naturalisme de Boileau : théorie simple et large, et bien éloignée d’être cette réglementation tyrannique que supposaient les romantiques.
Mais tout s’organise, l’esprit classique mûrit, prend conscience de lui-même, les influences fâcheuses sont repoussées, les éléments disparates sont éliminés : les forces qui tendent au vrai, au simple, à la raison enfin, prévalent ; et les résultats apparaissent autour de 1660. […] Rien ne réussit à cet homme, pourtant supérieur, parce qu’il n’avait pas une nature simple. […] Au lieu de s’émousser, l’impression s’avive en elle, parce que lentement, à mesure que les circonstances lui parviennent, son imagination en élabore une représentation complète : et c’est de cette vision que jaillit le récit définitif, simple, objectif, et saisissant comme la réalité même. En un mot, elle est artiste, et comme telle, sa personne n’est pas la mesure de son œuvre ; par cette riche faculté de représentation qu’elle possède, elle se donne des émotions que la simple affection ne ferait pas naître, et elle émeut plus qu’elle n’a elle-même d’émotion. […] Elle écrit cette langue riche, pittoresque et savoureuse, que parleront tous ceux qui auront formé leur esprit dans la première moitié du siècle, et sans quitter jamais le simple ton de la causerie, elle y mêlera les mots puissants, qui évoquent les grandes idées ou les visions saisissantes.
Sous sa plume à la fois patiente et amusée, qui jamais ne se hâte ni ne s’ennuie, les questions les plus compliquées se font simples, et les plus ingrates, intéressantes. […] Il est franc, simple et rond, rond surtout, ce qui est bien différent. […] Sarcey prendrait une jolie revanche sur ces dédaigneux, le jour où il les verrait pleurer ou rire comme de simples mortels, pris aux entrailles et oublieux de tout, devant quelque méprisable pièce « bien faite » et exactement façonnée selon sa formule. […] Elle n’est pas d’ailleurs si simple ni si facile à trancher, et on ne se la pose guère quand on écoute une tragédie de Racine, une comédie de Molière, une pièce de Dumas fils. […] Il faudrait aujourd’hui deux esthétiques du théâtre : celle des simples et celle des malins.
Bien qu’il connût toutes les ressources, toute l’étonnante richesse de sa langue, sa pensée se produit toujours sous une forme si simple, qu’on ne croirait pas possible de l’exprimer autrement. […] La fable du poème est des plus simples et ne se recommande pas par sa nouveauté. […] Sterne, dans son Tristram Shandy, avait déjà mis à la mode cette sorte de commentaire perpétuel inséré dans le texte d’un récit des plus simples. […] Je ne connais pas d’ouvrage plus tendu, si l’on peut se servir de cette expression comme d’un éloge ; pas un vers, pas un mot ne s’en pourrait retrancher ; chacun a sa place, chacun a sa destination, et cependant en apparence tout cela est simple, naturel, et l’art ne se révèle que par l’absence complète de tout ornement inutile. […] Rien n’est forcé, tout est simple, facile, mais revêtu du plus admirable coloris.
Les vérités apportées au monde par la Renaissance appartiennent à l’ordre des vérités simples ou philosophiques, qui n’expriment que ce qui se fait. […] Mais de même que, parmi les vérités simples et philosophiques, bon nombre lui ont été inconnues, dont la forme des sociétés ne lui fournissait même pas la matière ; de même, dans l’ordre des vérités de devoir, elle a été bornée à cette sagesse d’instinct qui dirige les actions de l’homme pour le pays et pour le temps où il vit, et qui satisfait, par la même conduite, à la justice des dieux et à celle des hommes. […] Le protestantisme, dans le principe, fut une simple substitution du christianisme de la foi au christianisme des pratiques. […] Il échangea, dans la cène, le pain azyme contre du pain ordinaire, pour réduire le sacrement à une simple commémoration. […] Une manière simple et naturelle de raisonner y remplace les formes captieuses et monotones de la scolastique.
Jean Ajalbert nous montre, dans l’un de ses romans, un amant s’éloignant de sa maîtresse, qui implore un rendez-vous, avec ces simples mots : « Je t’écrirai ! […] Il juge la morale, simple affaire de convention, de mode, et de préjugé, nuisible surtout à l’œuvre d’art, ce qui ne l’empêche pas de condamner, en son nom, les « mauvaises mœurs » à travers les écrits de son temps. […] Il a cessé d’être cette simple fluxion de nos conteurs gaulois, dont parle Mathurin Régnier et dont Villon s’accommodait auprès de la grosse Margot. […] Il n’est plus simple prétexte à jeux d’esprit, quand les amants n’avaient à craindre d’autres rigueurs que celles de leur Dame. […] Au-dessus de l’homme et de la femme, vulgaires, simples animaux reproducteurs, tend à s’élever un Être, d’une finalité plus haute, résumant en lui les vertus du couple, spiritualisées, à leur plus haut point d’expression.
Autrefois, la question était bien simple : l’opinion la plus avancée, par cela seul qu’elle était la plus avancée, pouvait être jugée la meilleure. […] En face de ces grands problèmes, les philosophes pensent et attendent ; parmi ceux qui ne sont pas philosophes, les uns nient le problème et prétendent qu’il faut maintenir à tout prix l’état actuel, les autres s’imaginent y satisfaire par des solutions trop simples et trop apparentes. […] Il est dans la nécessité de l’esprit humain, que, lorsqu’un problème est ainsi posé pour la première fois, certains âmes naïves, généreuses, mais n’ayant pas assez de critique rationnelle ni une expérience suffisante de l’histoire, ni l’idée de l’extrême complexité de la nature humaine, rêvent une société trop simple et s’imaginent avoir trouvé la solution dans quelque idée apparente ou superficielle, qui, si elle était réalisée, irait directement contre leur but. […] Mais le peuple n’a pas le sentiment de la difficulté des problèmes, et la raison en est évidente : il se les figure d’une manière trop simple et il ne tient pas compte de tous les éléments. […] Nous autres, Français, qui avons l’esprit absolu et exclusif, nous tombons ici en d’étranges illusions et nous faisons fort souvent ce raisonnement, qui sent encore sa scolastique : « Tel système d’institution serait intolérable chez nous, au point où nous en sommes : donc il doit l’être partout, et il a dû l’être toujours. » Les simples portent cela jusqu’à des naïvetés adorables.
Cependant le biniou résonne, les gars du pays s’avancent en agitant des rameaux fleuris ; ils font cortège aux deux fils du comte portant leur veste de simples soldats. […] C’est un noble et touchant tableau ; il ranime l’Age d’or de la vieille France ; aucune emphase n’altère sa simple grandeur. […] Il était évident, du reste, dès le second acte, qu’une somme quelconque désarmerait ce fantoche, et que la griffe qu’il allongeait, avec des airs menaçants, pour ressaisir sa femme, deviendrait docile, comme une simple patte, dès qu’on l’aurait plus ou moins graissée. […] » Des applaudissements enthousiastes ont salué cette scène si simple et si grande où deux belles âmes, un instant en lutte, s’accordent dès que le devoir leur montre sa voie. […] Le dénouement est simple et touchant.
Il pense que Louis XVI peut être jugé, et qu’il ne doit être considéré ni comme roi inviolable ni comme simple citoyen, c’est-à-dire qu’on ne lui doit accorder aucune garantie : L’unique but du Comité (de législation) fut de vous persuader que le roi devait être jugé en simple citoyen ; et moi, je dis que le roi doit être jugé en ennemi, et que nous avons moins à le juger qu’à le combattre. […] Il a, pour exprimer des choses assez simples, de ces expressions denses, de ces formules qui se retiennent aisément et qui jouent la profondeur. […] À chaque relais venaient des gendarmes pour demander des papiers ; un simple mot du jeune homme les satisfaisait, et l’on passait. […] Le dénonciateur n’était ni connu ni confronté ; on n’y souffrait point de défenseurs, point d’écritures, pas même pour libeller le jugement, point d’instructions, mais un simple interrogatoire dont on ne prenait point note ; le prévenu arrêté à huit heures était jugé à neuf et fusillé à dix.
La parole intérieure est une image ; la pensée, prise en elle-même, contient aussi des images, si même elle n’est pas, comme on l’a soutenu, une simple succession de groupes d’images : […]243. […] Or notre langue maternelle ne nous est devenue familière qu’avec le temps, et les réflexions que nous trouvons toutes simples aujourd’hui, enfants, elles eussent fait honneur à notre sagacité ; enfin, l’inspiration et la verve supposent un esprit cultivé et exercé : d’ordinaire, on n’est inspiré que dans l’ordre d’idées sur lequel la réflexion se porte de préférence ; le génie, a-t-on dit, est une longue patience ; en d’autres termes et plus exactement, la découverte est l’effet et la récompense d’une longue et patiente recherche ; si l’on trouve sans chercher, c’est qu’on avait cherché sans trouver244. […] Or ce que nous affirmons de l’assimilation et de l’invention, nous devons l’affirmer de la pensée tout entière ; car toute pensée, simple concept ou jugement, a été dans l’âme une première fois avant d’y devenir habituelle et familière, et, cette première fois, elle a été assimilée ou inventée ; elle est venue du dehors par le moyen des mots, ou bien nous l’avons trouvée par notre propre réflexion, en nous aidant, pour la chercher et pour chercher son expression, des notions et des mots déjà connus. […] La vraie formule d’une idée, celle qui lui permettra de se répandre et de durer, est celle qui associera la destinée du groupe mental nouveau aux destinées de groupes plus simples solidement enracinés dans l’esprit, celle qui rattachera l’idée nouvelle aux habitudes les plus anciennes de l’intelligence comme une conséquence rigoureuse à des principes indiscutés ; chacun des termes de la formule doit donc réveiller une idée élémentaire bien connue, et leur agencement forcer l’esprit à apercevoir entre ces éléments un rapport plus ou moins imprévu ; ce rapport est l’invention même à laquelle il s’agit d’ouvrir les esprits rebelles et d’assurer l’avenir. […] Or suivre le sens commun, c’est se répéter soi-même et répéter autrui ; suivre le bon sens, c’est tirer de principes connus des conséquences simples, évidentes.
Celles-ci sont formées, ou de simples voyelles, ou de consonnes unies avec les voyelles. […] Une musique qui ne serait formée presque entièrement que de simples blanches ou de simples noires, serait certainement plus monotone, et par conséquent moins agréable, que si dans cette même musique, sans y rien changer d’ailleurs, on entremêlait avec intelligence et avec goût les noires et les blanches, et s’il résultait de là une mesure plus vive, plus marquée, et plus variée dans ses parties. […] La diction n’aurait peut-être à la rigueur rien de répréhensible, si on prenait les phrases une à une ; mais il résulterait du tout ensemble un style familier et bourgeois, sans élégance et sans grâces, qui voudrait être simple et naïf, et ne serait qu’ignoble. […] Nous sentons, il est vrai, la différence d’un style simple à un style épigrammatique, d’un style périodique et arrondi d’avec un style coupé ; il suffit pour cela de savoir la langue très imparfaitement.
Il nous restait à montrer, par l’analyse du « souvenir pur », qu’il n’y a pas entre le souvenir et la perception une simple différence de degré, mais une différence radicale de nature. […] Nous avons ainsi transposé un problème métaphysique au point de le faire coïncider avec un problème de psychologie, que l’observation pure et simple peut trancher. […] Mais on peut aller plus loin, et prouver, par l’observation encore, que jamais la conscience d’un souvenir ne commence par être un état actuel plus faible que nous chercherions à rejeter dans le passé après avoir pris conscience de sa faiblesse : comment d’ailleurs, si nous n’avions pas déjà la représentation d’un passé précédemment vécu, pourrions-nous y reléguer les états psychologiques les moins intenses, alors qu’il serait si simple de les juxtaposer aux états forts comme une expérience présente plus confuse à une expérience présente plus claire ? […] C’est ainsi que nous avons pu assister au phénomène de l’association des idées, et à la naissance des idées générales les plus simples. […] En même temps d’ailleurs que nous assistons à l’éclosion de cette conscience, nous voyons se dessiner des corps vivants, capables, sous leur forme la plus simple, de mouvements spontanés et imprévus.
Nous donne-t-il, par exemple, comme échantillon pindarique, la douzième olympique, l’ode à la Fortune, cette hymne courte et sublime, chantée à l’occasion de la victoire, qu’est venu chercher dans les fêtes des grandes cités de la Grèce un Crétois, chassé par une faction de Gnosse, sa patrie, où il avait langui longtemps dans les querelles obscures d’une petite démocratie, il se garde bien d’être simple et uni comme le poëte grec : il ne nomme pas ce coq guerroyant au logis, auquel Pindare compare son jeune héros, avant qu’il eut été délivré par l’exil et jeté par ce coup du sort en Sicile, pour y devenir citoyen paisible de la ville opulente d’Himère, et de là, vainqueur à Olympie : « Je n’ai osé, dit-il, me servir de ce mot de coq3, qui produirait un mauvais effet en français, et qui suffirait pour gâter la plus belle ode du monde. […] Enfin, il oubliait que dans son siècle, même à l’époque du grand goût, Corneille, Bossuet, Pascal, et souvent même Boileau et la Bruyère, avaient à propos nommé les choses par leurs noms, et qu’ils avaient enchâssé les mots les plus simples dans des vers et des lignes énergiques ou sublimes. […] Mais il ne lui prit jamais, et il ne sut produire, à son exemple, ni ces maximes de calme et de profonde sagesse qui rayonnent d’un éclat pur, au milieu des splendeurs poétiques, ni ces mouvements d’âme, ces rapides évolutions de pensées les plus vives qu’il y ait au monde, ni cette précision singulière en contraste avec l’abondance des images, ni ce mélange, ce choc rapide du sublime et du simple, du terme magnifique et du terme familier, ni cette propriété toute-puissante qui rend présent à tout ce que le poëte a vu dans son plus rare délire. […] On verrait des deux côtés le même mélange de la plus haute élévation et du langage le plus simple, et une sorte de naïveté dans la magnificence. […] C’est de la contemplation d’une telle béatitude que Pindare dit encore ces mots si simples : « La félicité des justes n’est pas fugitive. » Ces idées sublimes, dont Platon a félicité le poëte thébain, étaient-elles une leçon recueillie dans ces mystères d’Éleusis désignés parfois comme le dépôt d’antiques et saintes vérités ?