Vainement j’en appelais à ma conscience, qui m’avait conseillé de renoncer à tous les agréments attachés à la faveur de Bonaparte ; tant d’honnêtes gens me blâmaient, que je ne savais pas m’appuyer assez ferme sur ma propre manière de voir. […] Bernadotte, spirituel et ambitieux, était propre à briguer avec la même indifférence une dictature populaire ou un trône ; il n’avait cherché dans la révolution qu’une fortune, également prêt à la saisir dans une contre-révolution. […] Toute cette époque de la vie de madame de Staël fut pleine d’oscillations féminines qu’on ne peut justifier ; on y sent la mauvaise influence d’un homme qui faisait fléchir son caractère sous ses propres versatilités. […] Corinne était sa propre personnification. […] Les gens du peuple sont beaucoup plus près d’être poëtes que les hommes de bonne compagnie, car la convenance et le persiflage ne sont propres qu’à servir de borne : ils ne peuvent rien inspirer.
Il faut donc lui attribuer une certaine spontanéité propre en vertu de laquelle il combine les impressions de nature hétérogène9 qui lui viennent de ces deux milieux, les coordonne, les unifie et les systématise. […] Dans l’ironie, le moi individuel et le moi social se dédoublent et le premier se moque du second18 En résumé, le conflit de l’intuition et de la notion est au fond le conflit du « sens propre » et du sens commun ; de l’esprit individuel et de l’esprit social. […] Les lumières croissantes que l’homme acquiert sur le monde et sur lui-même sont propres à le persuader de plus en plus de la nécessaire subordination de l’intelligence à la sociabilité. […] Il s’attaque à toutes les idées générales qui ne sont pas sorties de son propre cerveau et qui n’ont pas pour résultat de donner une justification ou une satisfaction à son égoïsme. […] L’individualisme stirnérien vaut encore par son précepte d’absolue sincérité, d’absolue probité intellectuelle, par son absolue bravoure intellectuelle ; par la résolution de voir clair dans la pensée sociale et dans sa propre pensée ; par la volonté de couler à fond sans merci toutes ses idées et toutes ses croyances.
Puis, quand ils voient que chaque philosophe a les siennes, que tout cela ne coïncide pas, ils entrent dans une grande affliction d’esprit, et dans de merveilleuses impatiences : « C’est la tour de Babel, disent-ils ; chacun y parle sa langue ; adressons-nous à des gens qui aient des propositions mieux dressées et un symbole fait une fois pour toutes. » Quand je veux initier de jeunes esprits à la philosophie, je commence par n’importe quel sujet, je parle dans un certain sens et sur un certain ton, je m’occupe peu qu’ils retiennent les données positives que je leur expose, je ne cherche même pas à les prouver ; mais j’insinue un esprit, une manière, un tour ; puis, quand je leur ai inoculé ce sens nouveau, je les laisse chercher à leur guise et se bâtir leur temple suivant leur propre style. […] L’homme dans cette hypothèse a tout fait par ses facultés naturelles : ici spontanément et obscurément ; là scientifiquement et avec réflexion ; mais enfin l’homme a tout fait : il se retrouve partout en face de sa propre autorité et de son propre ouvrage. […] Trop savoir affaiblit en apparence l’humanité ; un peuple de philologues, de penseurs et de critiques serait bien faible pour défendre sa propre civilisation. […] Si l’humanité est ainsi faite qu’il y ait pour elle des illusions nécessaires, que trop de raffinement amène la dissolution et la faiblesse, que trop bien savoir la réalité des choses lui devienne nuisible, s’il lui faut des superstitions et des vues incomplètes, si le légitime et nécessaire développement de son être est sa propre dégradation, l’humanité est mal faite, elle est fondée sur le faux, elle ne tend qu’à sa propre destruction, puisque ceux qui ont vaincu grâce à leurs illusions sont ensuite entraînés forcément à se désillu-sionner par la civilisation et le rationalisme. […] Cela n’est pas étonnant, puisque chaque peuple ne fait que mettre en scène dans ses miracles les agents surnaturels du gouvernement de l’univers, tels qu’il les entend ; or, ces agents, chaque race les façonne sur son propre modèle.
Si Dickens ne sut ni observer les hommes qu’il connut, ni étudier les mouvements mêmes de sa propre âme, ni employer les notions psychologiques qu’il aurait inconsciemment perçues, il ignore plus visiblement encore l’art de connaître et de montrer les lieux et les milieux où il place l’action de ses récits. […] On chercherait en vain chez l’auteur anglais un récit contenu et impassible, une scène où l’écrivain ait l’art supérieur de laisser porter de leur poids propre les événements et les idées qu’il exprime et retrace. […] S’il a à décrire quelque joyeuse scène d’auberge, l’arrivée dans la bonne salle claire et propre, le grog fumant, les juteuses tranches de rosbif, les pipes allumées, de bonnes faces rouges de braves gens devisant et chantant, l’auteur jubile, sa manière s’élargit, les mots d’aise, les mots caressants affluent sous sa plume. […] Celui-ci doit donc intervenir lui-même, par sa propre impression, parce que son tempérament le porte à changer dans l’image, entre celle-ci et le spectateur. […] Et cependant il ne faudrait pas croire qu’il eut en propre le tempérament combatif, massif et dispos de ses compatriotes.
La géométrie est la meilleure et la plus simple de toutes les logiques, la plus propre à donner de l’inflexibilité au jugement et à la raison. […] Rien de plus commun que de trouver tous les mots propres à la guerre, à l’histoire et à la morale, et d’ignorer le nom d’une fleur, d’une plante potagère ou d’un ustensile domestique ; on sait le mot latin d’un bouclier, on ne sait pas le mot latin d’un éteignoir, mot qui n’exista peutêtre pas ou qui ne nous est pas parvenu, la perte des auteurs ayant consommé avec le progrès de nos connaissances l’appauvrissement des langues anciennes. […] Et les ouvrages de Platon, abrégés de la science universelle, sont trop profonds, même pour les maîtres, et je les crois au moins aussi propres à gâter l’esprit qu’à perfectionner le style. […] Le mot propre se supplée, l’harmonie ne se supplée jamais. […] On sait alors tout ce qu’il faut savoir pour passer aux leçons propres à l’éloquence et à la poésie et devenir grand orateur et grand poëte, si l’on y est destiné.
Visionnaires, si on en croit les gens positifs, ces sortes d’esprits dont Shakespeare, qui n’a rien oublié sur sa route, nous a donné l’idéal dans Hamlet, et qui voient et regardent bien moins dans les choses que « dans l’œil de leur propre pensée ( in the eye of my mind ) », dit Hamlet, ressemblent à des peintres pour lesquels l’ordre du prisme serait renversé. […] Pour ressentir ce que nous ne pouvons qu’indiquer, il faut donc ouvrir le livre de l’auteur, il faut se mettre en rapport direct et intime avec sa propre pensée ; il faut ici, par exemple, le suivre lui-même dans cette expédition faite sur la foi d’un homme peut-être en démence, qui porte, comme un talisman, ce scarabée d’or, de la morsure duquel il semble mourir ! […] Dans l’Aéronaute hollandais, très inférieur au Scarabée, Poe oublie tout à fait son génie fantastique pour le génie propre à sa race : la découverte (toujours la découverte !) […] Chimiste qui essaie vainement de croire que l’oxygène est dieu, le Cosmos ne lui pèse pas seul sur le cœur, mais sa propre identité même. […] Il y aurait quelque chose de plus à faire que ses Contes, ce serait sa propre analyse, mais pour cela, il faudrait son genre de talent… Quand on résume cette curieuse et excentrique individualité littéraire, ce fantastique, en ronde bosse, de la réalité cruelle, près duquel Hoffmann n’est que la silhouette vague de la fumée d’une pipe sur un mur de tabagie, il est évident qu’Edgar Poe a le spleen dans des proportions désespérées, et qu’il en décrit férocement les phases, la montre à la main, dans des romans qui sont son histoire.
Le danger d’Horace est moins illustre que celui qu’il a couru dans le combat ; mais il n’en est que plus propre à nous émouvoir. […] La disposition des trois premiers actes est un chef-d’œuvre de l’art, propre à servir de modèle à nos jeunes élèves de Melpomène. […] et à quoi peut-on attribuer ce qui s’y mêle de mauvais, qu’aux teintures grossières que je reprends quand je demeure abandonné à ma propre faiblesse ? […] Quel tableau que celui d’une cour corrompue, victime de ses propres intrigues ! […] Voltaire, possédé du démon de l’orgueil et de la jalousie, abjure sa propre raison et les règles de l’art qu’il connaît si bien !
Les gentilshommes aujourd’hui veulent qu’on les divertisse en leur montrant leurs propres ridicules. […] Le personnage qui pleure sur la scène ne fait que renouveler nos propres larmes ; notre intérêt n’est que de la sympathie, et le drame est comme une conscience extérieure qui nous avertit de ce que nous sommes, de ce que nous aimons et de ce que nous avons senti. […] Beau titre et propre à faire fracas. […] Les mots propres, le relief des expressions franches ne s’y trouvent pas ; les termes généraux, toujours un peu effacés, conviennent bien mieux aux ménagements et aux finesses de la société choisie. […] Ils quittent l’âge de l’imagination et de l’invention solitaire, qui convient à leur race, pour l’âge de la raison et de la conversation mondaine, qui ne convient pas à leur race ; ils perdent leurs mérites propres et n’acquièrent pas les mérites de leurs voisins.
Qu’il file la soie de son sein ; qu’il pétrisse son propre miel ; qu’il chante son propre ramage. » On reproche à M. […] Il est devenu son propre singe. […] L’usage propre de la raison n’est-il pas de découvrir les lois générales de la nature et de l’esprit ? […] Lamartine se trompe naïvement sur la valeur relative de ses propres ouvrages. […] Il ne s’exagéra pas à ses propres yeux son mérite comme poète lyrique.
Ensuite c’est une vulgarité , c’est le propre des âmes les plus vulgaires que de considérer toujours son ennemi comme mauvais, comme méchant. […] « Rien ne vous appartient plus en propre que vos rêves ; rien n’est davantage votre œuvre. […] Certainement les autres mortels, et ce sera un poids à ajouter à leurs propres charges. […] Elle n’est en son fond que le besoin de s’appuyer les uns sur les autres, tant chacun est convaincu de sa propre faiblesse, de sa propre infirmité et de sa propre pusillanimité. […] Goethe assistait à sa façon à ces agitations de la culture allemande, se plaçant en dehors, résistant doucement, silencieux, s’affermissant toujours davantage sur son propre chemin… meilleur.
Gœthe en a tiré une partie de ses propres souvenirs. […] Singulière maladie, étrange renversement de la nature humaine que cet éloignement pour son propre bonheur ! […] Sut-il s’affranchir de ces souvenirs quand il prit la plume pour son propre compte ? […] Ne s’est-il pas amusé à nous donner de sa propre main la parodie des Werther et des d’Olban ? […] Plusieurs des traits qu’il a prêtés à Joseph Delorme sont empruntés à sa propre physionomie.
Et encore peut-on dire aujourd’hui qu’Insidieux est entré dans la langue littéraire plutôt qu’il n’est passé dans l’usage courant : c’est qu’il est de sa nature un mot savant, dont le sens, dans toute sa force et sa beauté, n’est bien saisi que des latinistes, et qu’il n’a trouvé dans notre langue aucun mot déjà établi, approchant et de sa famille, pour « lui frayer le chemin. » Toutes ces circonstances propres et comme personnelles à chaque mot sont démêlées à merveille par Vaugelas. […] J’y vois, sous forme légère, l’emblème et l’image de nos propres générations, de nos vies inégales et inconstantes. […] » Vaugelas avait fort bien remarqué que, dès qu’on adressait à quelqu’un une semblable question, il hésitait à l’instant, se creusait la tête, entrait en doute de son propre sentiment, raisonnait et ne répondait plus avec cette parfaite aisance et naïveté qui est la grâce en même temps que l’âme de l’usage. […] Tout cela est bien et irréprochable pour le fond : mais lui-même, on ne saurait en disconvenir, il a une manière de dire bien peu propre à persuader ; il abonde en termes et locutions déjà hors d’usage et dont le français ne veut plus ; il dit translations pour métaphores, allégations grecques et latines pour citations ; il dira encore en style tout latin : « La lecture est l’aliment de l’Oraison », Quoiqu’il contînt, on le voit, de bonnes idées, bien du sens et de la doctrine, ce traité de l’Éloquence de La Mothe-Le-Vayer péchait donc de bien des manières, et surtout en ce qu’il naissait arriéré, sans à-propos, sans rien de vif ni qui pût saisir les esprits. […] » Voilà l’expression propre.
Voilà une question bien propre à troubler tout sincère ami du progrès…. […] C’est d’ailleurs le propre de la liberté morale de ne pas céder à la vogue, à l’entraînement, à l’opinion, et de vivre en protestant contre ce qui voudrait l’accabler. […] Parmi les documents récents qui se rapportent à cette vie publique, il convient de rappeler les Souvenirs sur Mirabeau par Étienne Dumont (de Genève), livre de bonne foi et de sens, écrit par un homme bien informé, sans prétention ambitieuse, quoi qu’on en ait dit ; livre qui n’atteint en rien le génie propre à Mirabeau et ne cherche point à lui dérober ni à lui soutirer son tonnerre, mais qui a replacé l’homme et le génie dans quelques-unes des conditions réelles moins grandioses. […] Oui, certes, les grands hommes qui aboutissent sont marqués, je le crois, par la Providence et peuvent se dire en ce sens prédestinés ; mais toutes les graines de grands hommes n’éclosent pas, ou du moins toutes ne viennent pas dans les circonstances propres à les faire valoir. […] Hugo de s’être trop préoccupé dans le portrait de Mirabeau de sa propre question personnelle et de s’être vu, miré et copié lui-même, en quelque sorte, dans cette figure toute marquetée et couturée, comme dan un miroir à mille facettes. — Lamartine, depuis, a fait de même dans ses Girondins.
Une seconde génération très-distincte et propre au règne même de Louis XIV, est celle en tête de laquelle on voit Boileau et Racine, et qui peut nommer encore Fléchier, Bourdaloue, etc., etc., tous écrivains ou poëtes, nés à dater de 1632, et qui débutèrent dans le monde au plus tôt vers le temps du mariage du jeune roi. […] La Bruyère, qui aimait la lecture des anciens, eut un jour l’idée de traduire Théophraste, et il pensa à glisser à la suite et à la faveur de sa traduction quelques-unes de ses propres réflexions sur les mœurs modernes. […] Cette diversité de pensées accomplies, desquelles on pourrait tirer tour à tour plusieurs manières d’existences charmantes ou profondes, et qu’une seule personne n’a pu directement former de sa seule et propre expérience, s’explique d’un mot : Molière, sans être Alceste, ni Philinte, ni Orgon, ni Argan, est successivement tout cela ; La Bruyère, dans le cercle du moraliste, a ce don assez pareil, d’être successivement chaque cœur ; il est du petit nombre de ces hommes qui ont tout su. […] Suard dit en propres termes que La Bruyère avait plus d’imagination que de goût. […] Il a peint les autres dans son amas d’invectives, et dans le discours qu’il a prononcé il s’est peint lui-même… Fier de sept éditions que ses Portraits satyriques ont fait faire de son merveilleux ouvrage, il exagère son mérite… » Et le Mercure conclut, en remuant sottement sa propre injure, que tout le monde a jugé du discours qu’il était directement au-dessous de rien.
Maury, et je ne savais pour quel motif, trois noms propres accompagnés chacun d’un nom d’une ville de France. […] Plusieurs médecins ont cité l’histoire d’une fille de vingt-cinq ans, très ignorante et ne sachant pas même lire, qui, devenue malade, récitait d’assez longs morceaux de latin, de grec et d’hébreu rabbinique, mais qui, une fois guérie, parlait tout au plus sa propre langue. […] Le haschich, l’agonie, les grandes et subites émotions font parfois des résurrections aussi minutieuses de sensations aussi peu remarquées et encore plus lointaines. — On ne peut donc pas assigner de limites à ces renaissances, et l’on est forcé d’accorder à toute sensation, si rapide, si peu importante, si effacée qu’elle soit, une aptitude indéfinie à renaître, sans mutilation ni perte, même à une distance énorme, comme une vibration de l’éther qui, partie du soleil, se transmet à travers des millions de lieues jusqu’à nos appareils d’optique, avec son spectre spécial et ses raies propres, la même au point de départ et au point d’arrivée, intacte et capable, par sa conservation exacte, de manifester à l’instrument qui la reçoit le foyer qui l’émet. […] Une dame, dit Winslow55, après une large hémorragie utérine, « avait oublié où elle demeurait, qui était son mari, combien de temps elle avait été malade, le nom de ses enfants et même son propre nom. […] « Les uns oublient les noms propres.
De même, dans la langue, cette école avait choisi, parmi les tours et les combinaisons de mots, propres aux langues anciennes, ce qui s’en peut le moins imiter, et qui diffère le plus complétement du génie de la nôtre. […] Pour ce dernier, c’était visiblement l’impression des excès où l’imitation de ce poëte avait fait tomber Ronsard outre qu’il sentait que cette forme de poésie, déterminée par deux choses exclusivement propres aux Grecs, la musique et le culte, ne pouvaient convenir ni aux idées modernes ni à l’esprit français. […] C’était l’ode, de toutes les formes poétiques la plus propre à rendre sensibles ses réformes ; rien n’étant lu de plus près, ni avec plus d’attention aux détails. […] Il cédait alors, aimant mieux s’avouer vaincu par sa propre discipline que de l’éluder ; et tantôt il allait se délasser dans cette menue poésie, biffée par lui, où il avait pourtant la faiblesse de vouloir exceller ; tantôt il se retrempait dans de vigoureux entretiens avec ses amis, où, en disputant de cet idéal qu’il n’avait pu atteindre, il reprenait des forces pour le poursuivre de nouveau. […] Le propre de sa discipline n’est pas de réduire ou de contraindre cette liberté ; c’est bien plutôt de la sauver des servitudes de l’imitation, de la mode, de l’humeur particulière, et de rendre le poëte à lui-même.
La langue ancienne en était venue, aux époques philologiques, à former un idiome savant, qui exigeait une étude particulière, à peu près comme la langue littérale des Orientaux, et il ne faut pas s’étonner que les modernes se permettent de censurer parfois les interprétations des philologues anciens ; car ils n’étaient guère plus compétents que nous pour la théorie scientifique de leur propre langue, et nous avons incontestablement des moyens herméneutiques qu’ils n’avaient pas 77. Les anciens en effet ne savaient guère que leur propre langue, et de cette langue que la forme classique et arrêtée. […] Le manque de livres élémentaires, de manuels renfermant les notions communes et nécessaires 78, de dictionnaires biographiques, historiques et géographiques, etc. réduisait chacun à ses propres recherches et multipliait les erreurs mêmes sous les plumes les plus exercées 79. […] On dirait qu’ils n’ont pas compris leurs propres beautés. […] Elle se contente d’emprunter des exemples à cette indigeste compilation, puis se met à l’ouvrage sur ses propres frais, sans se soucier de connaissances littéraires fort inutiles.
La conscience ne pouvant sortir de sa propre sphère, c’est à elle qu’il faut avoir recours en dernier appel : en ce sens on peut dire que tout critérium est subjectif ; nous ne pouvons jamais connaître que des états de conscience et nullement les objets en soi. […] Le sujet et l’objet se combinent dans la même connaissance, comme l’acide et la base se combinent dans le sel203. » II Entrons maintenant dans l’histoire proprement dite. — Comme elle est surtout dogmatique et critique et qu’elle n’a été bien souvent pour l’auteur qu’une occasion d’exposer ses propres idées, nous aurions pu sans trop d’effort réunir ces fragments de doctrine épars et en faire un tout : il nous a semblé qu’il valait mieux respecter l’ordre suivi par l’auteur. […] « Par suite, dit-il, quand nous faisons tout notre possible pour concevoir l’existence de corps externes, nous ne faisons tout le temps que contempler nos propres idées. » Donc, les objets et les idées sont la même chose. […] Lewes229, Cabanis a donné l’avantage à ses adversaires et a empêché le progrès de ses propres doctrines230. […] Quand les arguments font défaut, l’éloquence les remplace, l’émotion tient lieu de démonstration. » Une doctrine, une seule, l’éclectisme est sorti de ce mouvement et a tenu quelque temps la position d’une école. « Il est mort, mais il a produit quelques bons résultats, par le mouvement qu’il imprima aux recherches historiques, et en confirmant par sa propre faiblesse cette conclusion : que toute solution à priori du problème transcendental est impossible235.
Chamfort, ne sachant que faire pour subsister, se fit adresser d’abord à un vieux procureur en qualité de dernier clerc : le vieux procureur jugea qu’il était propre à mieux, et en fit le précepteur de son fils, qui avait à peine quelques années de moins. […] Il s’en revint avec cette conclusion judicieuse, « qu’il n’y avait rien à quoi il fût moins propre qu’à être un Allemand ». […] Tout ce que j’avance là pourrait se démontrer en détail par ses propres aveux. […] Ce M. de Lassay, c’est Chamfort qui le met en avant pour exprimer sa propre pensée. […] « Oui, dans la crainte d’avoir un fils qui, étant pauvre comme moi, ne sache ni mentir, ni flatter, ni ramper, et ait à subir les mêmes épreuves que moi. » Ce que j’en conclus seulement, c’est que sa morale est celle d’un célibataire usé et aigri, d’un homme qui a érigé son propre malheur en ironie et en système.
Elle est agréable, pleine d’élévation & de majesté, mais sans excès & sans enflure ; elle est vive & animée, propre à exciter des mouvemens & à les appaiser ; elle est pleine de regles & de sentences morales ; les harangues en sont belles & persuasives, & quand il faut soutenir les deux partis opposés, il est fécond en raisons plausibles pour l’un & pour l’autre. […] Le peu qu’il donne de son propre fonds, dit M. du Fossé, fait regretter presque toujours de ce qu’il en dit si peu. […] CEtte partie de l’Histoire Ecclésiastique intéresse un si grand nombre de lecteurs par les combats que les Saints ont eu à soutenir contre leurs propres passions ou contre celles des ennemis du nom Chrétien, que plusieurs savans y ont consacré leurs veilles. […] “La Vie des Saints d’Adrien Baillet est ; suivant l’auteur du Dictionnaire des livres jansénistes, moins propre à édifier ou à instruire qu’à faire douter. […] Baillet n’étant guéres propre pour l’usage journalier, nous citerons ici celles qui sont lues ordinairement dans les familles chrétiennes.
La science, dit un écrivain déjà cité, peut bien éclairer le monde, mais elle laisse la nuit dans les cœurs ; c’est au cœur lui-même à se faire sa propre lumière. […] Si donc nous trouvons un critère objectif, inhérent aux faits eux-mêmes, qui nous permette de distinguer scientifiquement la santé de la maladie dans les divers ordres de phénomènes sociaux, la science sera en état d’éclairer la pratique tout en restant fidèle à sa propre méthode. […] Chaque espèce a sa santé, parce qu’elle a son type moyen qui lui est propre, et la santé des espèces les plus basses n’est pas moindre que celle des plus élevées. […] Il n’est pas possible que tout le monde se ressemble à ce point, par cela seul que chacun a son organisme propre et que ces organismes occupent des portions différentes de l’espace. […] Toutefois, il pourrait se faire qu’un certain accroissement de certaines formes de la criminalité fût normal, car chaque état de civilisation a sa criminalité propre.
Ce postulat me paraît donc en contradiction formelle avec la théorie générale, et le romancier ne l’a emprunté au physiologiste que parce qu’il sentait, de par sa propre intuition, l’insuffisance de sa méthode appliquée à l’art, et qu’il lui fallait trouver un débouché au génie individuel, moins facilement analysable que les nerfs et le sang. […] La science s’est reproduite trop identique à elle-même à travers ce puissant cerveau ; le produit de cette fécondation n’apparaît pas suffisamment nourri de la richesse propre de l’individu fécondé. […] Celui qui a vécu largement une part quelconque de la vie peut en faire revivre, par sa seule puissance individuelle, une autre partie, et c’est là le propre du génie. […] Je ne sais si nos désirs et nos appétits deviennent plus conscients, mais nous exigeons toujours plus d’air, toujours plus de réalité, et nous souhaitons pour la France un homme nouveau, aussi puissant que Zola, mais plus largement vital, qui ne s’enchaîne pas à une méthode, qui ne compromette pas sa propre liberté, qui étreigne librement la vie, qui se plie à tous ses aspects, qui rende toutes ses couleurs et toutes ses variétés, qui comprenne d’une façon moins étroite la purification par la science de la pensée. […] Son génie consiste moins peut-être, dans sa propre et personnelle intuition de l’univers et de la vie, que dans le fait d’avoir apporté sa collaboration énorme à ce vaste et splendide mouvement vers la réalité, qu’il définit lui-même « le large mouvement analytique et expérimental qui est parti du dix-huitième siècle et qui s’élargit si magnifiquement dans le nôtre », et dans cette poussée brutale en avant qui demeure comme le symbole de son œuvre.
Tous ces exemples ne prouvent-ils pas que le spectacle des dissemblances, extérieures ou intérieures, innées ou acquises, qui séparent les hommes, n’est pas propre à leur inspirer l’idée de leur égalité ? […] Il y a, d’ailleurs, plus d’une raison pour que, dans les groupes très homogènes, les droits propres à la personne soient formellement méconnus. […] L’étude des croyances propres aux sociétés primitives, que leur grande homogénéité distingue des civilisées, tendrait à prouver que leurs membres se considèrent comme faisant en quelque sorte partie d’une seule chair108. […] Il est bien vrai qu’en suivant une mode nous nous enrégimentons ; nous masquons notre personnalité sous un caractère qui ne nous appartient pas en propre ; nous portons une « lettre sociale ». — Mais, en suivant une autre mode, c’est une autre lettre que nous portons ; et cela même empêche que notre personnalité s’efface absolument. […] L’esprit qui a vu se succéder tant d’assimilations différentes se déshabitue de juger les gens sur l’étiquette qu’ils prennent, et, comme le veut l’égalitarisme, essaie de découvrir, sous l’uniforme momentané des collectivités, la valeur propre à l’individu.
Mais une gloire renaissait pour elle, dans son malheur, et la trompait sur sa propre faiblesse : c’était la gloire des arts, l’inspiration et la science sortant de l’Église et des tombeaux, l’éclat prochain d’un âge tout littéraire. […] qui ne souffres pas que ta gloire soit usurpée par celui qui mesure sa propre force au gré de son orgueil et de sa colère. […] Les tours, dont la hauteur défiait les airs, ont cédé sous leur propre poids. « Ce cirque démoli, jadis offrande sacrilège à des dieux qu’insultent quelques herbes sauvages, représente, théâtre tragique ouvert au drame du temps, quelle fut autrefois sa propre splendeur, et quelle est sa ruine. […] Le génie propre de la langue et, sans doute aussi, l’éclair d’un sentiment vrai dissipaient cette fois le nuage, et laissaient paraître le poëte.
C’est en partie à ces circonstances que Mirabeau dut l’audace de ses opinions, et cet esprit d’indépendance qui le rendait si propre à devenir un chef de faction dans un siècle corrompu. […] Les affections douces restèrent au fond de son cœur, même dans ces moments où l’intérêt de sa propre cause semblait légitimer en quelque sorte les lois de la vengeance. […] C’est le seul moment où leur propre sûreté les force à reconnaître quelque subordination. […] Il faut donc s’entendre avec elle sur la mélancolie, puisqu’elle ne paraît pas avoir bien défini ses propres sensations, malgré l’analyse philosophique. […] Continuons le développement de cet ouvrage, et que les lecteurs songent qu’un tel sujet a son langage propre et ses expressions consacrées.
En réalité, ils existent bien plutôt pour le plaisir de l’observateur que pour leur plaisir propre. […] Qui trouva des mots propres à peindre ces fraîcheurs enchanteresses et ces profondeurs fuyantes de l’aquarelle anglaise ? […] Victor Hugo, son esprit dut se fortifier à cette gymnastique, et il apprit ainsi à connaître l’immense valeur du mot propre. […] Elle traduit à sa manière, et par les moyens qui lui sont propres. […] Tous les sujets, en effet, ne sont pas également propres à fournir un vaste drame doué d’un caractère d’universalité.
Dans le grand élan de cette pesante démarche, il trouve une voie qui lui est propre. […] César a honoré beaucoup sa propre grandeur En prenant cette mesure. […] Excité par sa propre douleur secrète, il devient furieux146. […] » Voilà Morose déclaré impuissant et mari trompé, sur sa propre requête, aux yeux de tout le monde, et, de plus, marié à perpétuité. […] La force machinale de chaque pièce est toujours là prête à entraîner chaque pièce hors de son office propre et à troubler tout le concert.
Je ne fais donc nulle difficulté de dire que je dois aux biographes de Swift ou à son propre témoignage les événements de sa vie, mais je sais que je ne dois qu’à moi-même l’étude de son caractère, l’appréciation de ses œuvres et les sentiments qu’elles m’ont inspirés. […] Mais en revanche, rien n’était moins propre à fermer les blessures, qu’avaient laissées dans l’âme de Swift les épreuves de sa jeunesse, que le scepticisme de Temple, que sa prudence intéressée, que cette mauvaise opinion des hommes, qu’on rapportait inévitablement de la vie publique sous les deux derniers des Stuarts. […] Swift pouvait choisir entre eux et, après avoir choisi, l’indulgence du siècle et sa propre conscience ne lui interdisaient pas de changer. […] Voilà qui est bien ; enfants, gardez-les propres et brossez-les souvent. […] Rien ne serait plus propre que cette tendance de Swift, dans les dernières de ses œuvres, à confirmer l’opinion d’une infirmité naturelle, qui aurait aigri son esprit et qui l’aurait attiré vers les images les plus capables d’émousser ses regrets et de l’en consoler.
Elle fouille dans les coffres de ses mansardes pour y trouver la veste noire, le chapeau de feutre, le morceau de crêpe qu’elle réserve aux tristes solennités de ses propres convois ; elle les étale sur le lit ; elle se promet de les revêtir en masse au lever du soleil, pour que la ville ait changé de couleur pendant cette triste nuit. […] que je n’entendrai plus dans mon escalier) ; des bas gris ou bleus de filosèle, souvent mouchetés d’une tache entre le soulier et le pantalon ; le pantalon relevé pour le préserver de la boue ou de la poussière de la rue ; un gilet d’indienne propre, mais commune, un peu débraillé sur sa large poitrine, et laissant voir un linge blanc, mais grossier, tel que les ménagères de campagne en filent avec leur propre chanvre pour le tisserand de la maison ; une redingote de drap grisâtre, dont le tissu râpé montrait le fil sur les coudes, et dont les basques inégalement pendantes battaient très bas ses jambes à chaque pas sur le pavé. […] Non seulement c’était une femme du cœur le plus maternel pour moi, qu’elle traitait comme son propre fils, mais c’était une femme d’une éducation supérieure à son état ; je lui dois tout ce qui a pu germer ou fleurir plus tard en moi de bons instincts, de haute raison, de tardive sagesse. […] XXVIII Ce que Béranger nous a dit tant et tant de fois de cette tante s’accorde parfaitement avec ce qu’Alexandre Dumas a recueilli de sa propre bouche ou des traditions de Péronne. […] Je voudrais bien qu’elle fût une page de mes propres Méditations.
… Ce chant, pour justifier son titre, traite des fleurs, des travaux du jardinage : « Qui aime un jardin aime aussi une serre. » Il y a des préceptes tout particuliers sur l’art d’élever les courges ; le poète y parle d’après sa propre expérience, et comme quelqu’un qui a mis la main à la bêche et à la terre. […] Une édition de Milton, avec traduction en anglais des ouvrages latins, l’occupa ensuite ; il était peu propre à un tel rôle d’éditeur. […] Cette fin de vie de Cowper est triste, humiliante pour l’esprit humain, et bien propre à faire rentrer en soi quiconque est tenté de s’enorgueillir. […] Il répondait, quand on regrettait qu’il n’entreprit plus rien de son propre fonds : « L’esprit de l’homme n’est pas une fontaine, mais une citerne ; et le mien, Dieu le sait, est une citerne brisée. » Mais il trouvait encore des inspirations courtes et vives, et des jaillissements du cœur.
Avec ces défauts que j’indique à peine et avec ces limites en divers sens, Maupertuis, de son vivant et quand il était là pour payer de sa personne, n’était pas moins un homme très distingué, très propre à plus d’un emploi, et lorsque Frédéric eut conçu le projet de régénérer son Académie de Berlin, il fut l’un des premiers à qui il s’adressa, le seul même qu’il réussit complètement à s’acquérir. […] Mais La Beaumelle prétend faire bien autre chose : il ne corrige pas seulement les phrases de Frédéric, il ne leur donne pas seulement (chaque fois que l’envie lui en prend) un tour plus vif, une frisure, un coup de peigne ; il y intercale du sien, il y mêle ses idées, il y fait entrer, sous le pavillon du roi, ses propres commentaires. […] De plus, le lieu qui vous rappelle sans cesse l’objet de votre affliction n’est pas propre à l’affaiblir, et le séjour de Berlin l’effacera. […] Michel Nicolas ne vienne pas nous dire : « Ses ouvrages, même ceux de sa jeunesse, annoncent un observateur judicieux, souvent un penseur profond, toujours un écrivain guidé par le seul amour de la vérité. » Il est impossible, quand on arrange la vérité d’autrui de la sorte et qu’elle se fausse, pour ainsi dire, d’elle-même sous la plume, qu’on en ait grand souci dans aucun de ses propres ouvrages.
Ses propres espérances, selon qu’elles montent ou qu’elles baissent, lui font voir en beau ou en laid certaines gens qui lui semblent favorables ou contraires. […] Le piquant, lorsqu’on lit de suite le Journal, est de voir les idées sensées de d’Argenson, ses vœux honorables pour la grandeur de son pays, se mêler sans cesse à ses propres poussées d’ambition ; car ce vertueux était de la même pâte que les autres hommes, seulement son ambition prenait, à son insu, je ne dirai pas le masque, mais la forme du bien public : il avait l’ardeur du bien, s’en croyait les moyens et la science, et avait hâte d’en venir à l’application. […] Bans l’un de ces remaniements ministériels auxquels il s’amuse à huis clos, on lit cet article, d’une attention touchante : « M. d’Argenson le cadet serait exclu pour toujours de toutes ces places. » C’est ainsi que, comme le loup qui rôde autour de la bergerie, il sonde de tous côtés le ministère par ses conjectures ; il s’y fraye une place, n’importe laquelle ; et, dans les moments où il espère le moins, il se croit assez important et assez dangereux aux cabales pour qu’on cherche à se débarrasser de lui : « On m’éloignera sans doute par des ambassades, et je m’y attends. » Ce Journal, monument d’une personnalité toute crue et naïve, et toute pavoisée d’honnêteté à ses propres yeux, ce singulier et bruyant soliloque d’un ambitieux sans le savoir, qui s’exalte in petto et se préconise, d’un vertueux qui grille d’envie que le pouvoir lui arrive et qui l’attend d’heure en heure pour faire, bon gré mal gré, le bonheur des hommes, est curieux pour le moraliste, non moins qu’instructif pour l’historien. […] D’Argenson a écrit quelque part, dans cette supposition favorite de son futur ministère : « Si j’étais premier ministre et le maître, certainement j’établirais une académie politique dans le goût de celle de M. de Torcy. » Et voilà à quoi, certainement, il était le plus propre : établir une Académie des sciences morales et politiques, faire une société de l’Entresol en grand et au premier étage, y lire, en compagnie de gens de savoir et de mérite, des mémoires nourris, instructifs, à vues nombreuses et touffues, à projets drus et vifs, et dans lesquels d’autres que lui verraient ensuite ce qui est à prendre ou à laisser, ce qui est pratique ou ce qui ne l’est pas.