Les Philosophes, dont il a été l’Eleve, l’Explorateur & le Héraut, se sont efforcés d’en faire un Grand Homme, & leurs efforts n’ont abouti qu’à le rendre ridicule : ses Adversaires, indisposés sans doute par le ton de suffisance, qui se manifeste dans ses moindres Ecrits, en ont fait un Nain, un Pygmée, un Lilliputien, & il faut convenir qu’ils l’ont un peu trop raccourci. […] C’est sur-tout à ce défaut de modestie & de bienséance, dans la maniere de présenter ses idées, que M. de la Harpe doit attribuer le peu de succès de ses Ouvrages, & le peu d’estime dont il jouit parmi les Littérateurs, parmi les Gens du monde, & même parmi les Philosophes, ses Protecteurs.
Il est difficile de ne pas rester confondu d’étonnement, lorsqu’en ouvrant les Pensées du philosophe chrétien, on tombe sur les six chapitres où il traite de la nature de l’homme. […] L’auteur des Pensées, se soumettant aux quatre laquais, est bien autrement philosophe que ces penseurs que les quatre laquais ont révoltés.
Ainsi les poëtes loüent avec raison le poëme de Lucrece sur l’univers, comme l’ouvrage d’un grand artisan, quand les philosophes le condamnent comme un livre rempli de mauvais raisonnemens. […] Notre siecle est trop éclairé, et, si l’on veut, trop philosophe pour lui faire croire qu’il lui faille apprendre des critiques ce qu’il doit penser d’un ouvrage composé pour toucher, quand on peut lire cet ouvrage, et quand le monde est rempli de gens qui l’ont lû.
Le prince lui avait préparé une charmante maison, retraite silencieuse et poétique propre à l’entretien du philosophe avec ses idées et du poète avec ses rêves. […] La révolution française secouait déjà le monde de ses pressentiments ; Goethe, au fond plus philosophe et aussi incrédule aux théories populaires du christianisme que Voltaire, dominait du haut d’une indifférence superbe les querelles religieuses et politiques du temps. […] Quant à lui, il était ce qu’on est convenu d’appeler très improprement panthéiste, c’est-à-dire ne séparant pas en deux la création et la créature, et adorant la nature entière comme la divinité des choses sans s’élever à la divinité de l’esprit ; philosophes pour ainsi dire brutaux et fatalistes dans leur croyance, qui reconnaissent bien en Dieu la force latente de tous les phénomènes visibles ou invisibles, mais qui n’y reconnaissent pas l’individualité et la suprême intelligence, c’est-à-dire ce qui constitue l’être, refusant ainsi à l’Être des êtres ce qu’ils sont forcés d’accorder au dernier insecte de la nature. […] Selon Goethe, comme selon les philosophes indiens, comme selon les philosophes chrétiens transcendants, comme selon les philosophes grecs et romains eux-mêmes (voyez le mot de Cicéron antiquissimum purissimum !)
Comment Victor Hugo, qui est et se déclare radical, professe-t-il, comme le philosophe M. de Maistre, cette mystérieuse et absurde solidarité de la victime de 1793 et des scélérats du treizième siècle ? […] La glorification du bourreau par M. de Maistre ne va pas si loin, car le philosophe de Chambéry fait du bourreau l’ ultima ratio du droit social dans les mains de la justice humaine, et il fait du supplice un vengeur de Dieu. […] À parler franchement, j’aimerais mieux que l’évêque fût franchement philosophe, accusation dont le défend M. […] VIII Nous ne blâmons pas dans le terroriste, dans l’évêque, le déisme qui croit, qui adore et qui pratique ; c’est une religion autre, la religion de Cicéron, de Marc-Aurèle, des philosophes avant, pendant et après les religions révélées. […] C’est un cadre dans lequel l’écrivain, tour à tour philosophe, penseur, sophiste, poète, prend, comme l’aigle, son lecteur à terre, l’emporte avec lui çà et là dans l’irrésistible élan de son style, lui fait parcourir un pan de l’espace, lui donne le vertige, l’enthousiasme, le délire de son talent, puis ne se souvient plus ni de lui, ni de sa composition, ni de son sujet parcouru à grand vol, le dépose à terre sûr de le reprendre à son gré et lui dit de nouveau : « Allons !
Mais me dira-t-on, par quel privilége seroit-il exempt des sentimens chers & terribles qui portent la tempête dans le cœur du Philosophe qui recherche l’origine de ces mêmes passions. […] Titus, Marc-Aurele & Julien furent des Empereurs Philosophes, l’antique vœu de Planton fût rempli, & sous leur régne paisible les hommes sentirent le bonheur d’être gouvernés par des Chefs éclairés, & par conséquent échauffés de l’amour de l’humanité. […] Retenir l’empire de la puissance est un héroïsme trop grand pour qu’il ne soit pas aussi peu rare, & qui peut blamer Christine parce que à sa place il auroit eu le courage de ne point abandonner l’autorité suprême, le Philosophe sera-t’il toujours orgueilleux de la trempe heureuse de son ame, & exigera-t-il sans cesse des Souverains cette même fermeté qu’il auroit pû avoir.
On a dit que les voyages étoient les romans des Philosophes. […] in-12. sont d’un voyageur qui réunissoit l’exactitude d’un savant & la curiosité d’un philosophe. […] Je placerai encore dans cet article les Voyages d’un Philosophe, ou Observations sur les mœurs & les arts des peuples de l’Afrique, de l’Asie & de l’Amérique : brochure in-12. qui parut en 1768.
Mais aussi, à beaucoup d’égards, Marc-Aurèle eut des avantages sur lui ; ils furent tous deux philosophes, mais leur philosophie ne fut pas la même. […] Marc-Aurèle agissait et pensait d’après lui ; Julien, d’après les anciens philosophes ; il imitait. […] qu’il fut beaucoup plus philosophe dans son gouvernement, et sa conduite que dans ses idées ; que son imagination fut extrême, et que cette imagination égara souvent ses lumières ; qu’ayant renoncé à croire une révélation générale et unique, il cherchait à chaque instant une foule de petites révélations de détail ; que, fixé sur la morale par ses principes, il avait, sur tout le reste, l’inquiétude d’un homme qui manque d’un point d’appui ; qu’il porta, sans y penser, dans le paganisme même, une teinte de l’austérité chrétienne où il avait été élevé ; qu’il fut chrétien par les mœurs, platonicien par les idées, superstitieux par l’imagination, païen par le culte, grand sur le trône et à la tête des armées, faible et petit dans ses temples et dans ses mystères ; qu’il eut, en un mot, le courage d’agir, de penser, de gouverner et de combattre, mais qu’il lui manqua le courage d’ignorer ; que, malgré ses défauts, car il en eut plusieurs, les païens durent l’admirer, les chrétiens durent le plaindre ; et que, dans tout pays où la religion, cette grande base de la société et de la paix publique, sera affermie ; ses talents et ses vertus se trouvant séparés de ses erreurs, les peuples et les gens de guerre feront des vœux pour avoir à leur tête un prince qui lui ressemble.
Il philosophe volontiers avec les docteurs ès voluptés. […] Il philosophe aussi volontiers sur un poème de M. […] Il me paraît par sa méthode plus théologien que philosophe. […] Savant donc plus que philosophe, M. […] Le philosophe qui est en lui trouve son compte à se nourrir de Goethe et de M.
Elle était elle-même d’une beauté candide et pure, comme le rêve d’un philosophe sur le berceau d’un enfant ; la mélancolie de sa bouche et la fraîcheur de ses joues imprimaient les grâces de l’innocence sur le sérieux de ses pensées. […] Michelet a merveilleusement analysé tout cela, en l’exagérant un peu, comme les critiques philosophes, mais le fond est vrai et les couleurs authentiques. […] Il se raccommoda avec le peuple par une farce grossière appelée le Sabotier. « Si je ne travaillais que pour des philosophes, disait-il à ce propos, mes ouvrages seraient tournés tout autrement, mais je parle aux foules, où il y a peu de gens d’esprit. […] cet homme, le premier de notre temps pour l’esprit et pour les sentiments d’un vrai philosophe, cet ingénieux censeur de toutes les folies humaines, en a une plus extraordinaire que celles dont il se moque tous les jours ! […] Ce chagrin philosophe est un peu trop sauvage.
L’écrivain en lui est sans modèle et sera peut-être sans imitateur ; mais le philosophe savoyard ressemble trop à un sophiste grec de la décadence. […] Le début seul annonce un philosophe dans le publiciste. […] La fureur et le crime ne sèment pas, ils ravagent ; mais, une fois le sang-froid revenu à l’esprit révolutionnaire, il reprenait un grand sens humain que le philosophe du passé ne pouvait ni ne voulait comprendre. […] Il mourut le plus honnête et le plus éloquent des hommes de parti, au lieu de vivre et de mourir le plus honnête et le plus éloquent des philosophes chrétiens. […] Voyons maintenant en lui l’écrivain et le philosophe.
Le nombre des philosophes a été comme imperceptible dans l’humanité. […] C’est un intolérable orgueil de la part du philosophe de croire qu’il a le monopole de la vie supérieure ; ce serait chez lui un égoïsme tout à fait coupable de se réjouir de son isolement et de prolonger à dessein l’abrutissement de ses semblables pour ne point avoir d’égaux. […] C’est fatalement, et sans que les philosophes l’aient cherché, que le peuple est devenu à son tour incrédule. […] Les philosophes, qui sont les souverains de droit divin, agacent le peuple et ont sur lui peu d’influence. […] Ainsi s’explique la mauvaise humeur que le peuple a montrée de tout temps contre les philosophes, surtout quand ils ont eu la maladresse de se mêler des affaires publiques.
Ne nous étonnons donc pas de la contradiction qui paraît exister entre les philosophes relativement à la nature du plaisir et de la douleur. […] Préoccupés tantôt de la spéculation tantôt de la pratique, les philosophes ont étudié surtout l’intelligence, d’où semble venir toute lumière, et la volonté d’où semble sortir toute action ; mais le grand ressort de l’intelligence et de la volonté n’est-il pas l’émotion agréable ou douloureuse, qui est une des premières et des plus radicales manifestations de la vie même ? Aujourd’hui que le problème du pessimisme et de l’optimisme a repris, avec un aspect nouveau, une nouvelle importance morale et métaphysique, il n’est guère de question plus intéressante pour le philosophe que celle oui concerne l’origine du plaisir ou de la douleur et leur rôle comme moteurs de l’universelle évolution. […] Ainsi, d’après les principes de Darwin, qu’avait entrevus un autre philosophe grec, Empédocle, la condition essentielle du développement de la vie à travers les âges, c’est que les actes agréables soient aussi, en général, les actes favorables à ce développement. […] Nous irons donc jusqu’au bout de la voie ouverte par les grands philosophes en définissant le plaisir le sentiment d’un surcroît d’activité efficace.
Il eût bien haï les philosophes, et les aurait raillés un peu. […] Après le Spectateur français, l’Indigent philosophe ; après l’Indigent philosophe, le Cabinet du philosophe, et les Lettre de Madame de M***, et le Miroir. […] Il sait trop bien qu’on n’aime point les philosophes ; on les admire. […] Le philosophe de 1715 épuise ses yeux à disséquer un insecte. […] C’est un philosophe.
Tout se tient chez Marivaux : c’est un théoricien et un philosophe, beaucoup plus perçant qu’on ne croit sous sa mine coquette. Il a écrit des feuilles périodiques, des journaux imités d’Addison pour la forme, mais remplis d’idées neuves, déliées, et de vues ingénieuses : son Spectateur français (1722), son Indigent philosophe (1728), son Cabinet du philosophe, contiennent, au milieu d’anecdotes morales, sa théorie sur toutes choses. À ses yeux il n’y a pas de grands hommes proprement dits : Il n’y a ni petit ni grand homme pour le philosophe : il y a seulement des hommes qui ont de grandes qualités mêlées de défauts ; d’autres qui ont de grands défauts mêlés de quelques qualités : il y a des hommes ordinaires, autrement dits médiocres, qui valent bien leur prix, et dont la médiocrité a ses avantages ; car on peut dire en passant que c’est presque toujours aux grands hommes en tout genre que l’on doit les grands maux et les grandes erreurs : s’ils n’abusent pas eux-mêmes de ce qu’ils peuvent faire, du moins sont-ils cause que les autres abusent pour eux de ce qu’ils ont fait.
Le prince de Ligne aurait voulu que M. de Meilhan, dans l’émigration, écrivît ses mémoires : Écrivez, lui disait-il, des souvenirs, des mémoires de votre jeunesse, ministériels, et de Cour et de société ; — vos brouilleries et vos raccommodements de Rheinsberg, la vie privée et militaire du prince Henri, ses valets de chambre comédiens français, ses houzards matelots, ses chambellans philosophes ; et puis les zaporogues et les évêques du prince Potemkim, et ensuite vos conversations avec le prince de Kaunitz ; — ce sera un ouvirage charmant. […] Selon lui, elle n’était nullement nécessaire avant d’éclater, elle était évitable ; elle a été purement accidentelle, en ce sens que « le caractère de ceux qui ont eu part à l’ancien gouvernement (à commencer par le caractère du roi, ennemi de toute résistance) a été le seul principe de la totale subversion de ce gouvernement » ; mais ce caractère de quelques personnes étant donné, et la faiblesse de l’opposition qu’elle rencontrera étant admise au point de départ, M. de Meilhan est bien d’avis que la Révolution en devenait un effet presque nécessaire : « Sa marche, dit-il, a été déterminée et hâtée par cette faiblesse ; le défaut de résistance a rendu tout possible, et, semblable à un torrent qui ne trouve aucune digue, elle a tout dévasté. » Il ne croit donc pas que la Révolution soit directement sortie des écrits de Rousseau ni de ceux des encyclopédistes, comme on le répète souvent, ni qu’elle découle de causes aussi générales : Si l’on suit attentivement la marche de la Révolution, il sera facile de voir que les écrivains appelés philosophes ont pu la fortifier, mais ne l’ont pas déterminée ; parce qu’une maison a été bâtie avec les pierres d’une carrière voisine, serait-on fondé à dire qu’elle n’a été construite qu’en raison de ce voisinage ? […] Ce Saint-Alban père a la passion de l’indépendance ; à peine maître de lui-même, dès sa jeunesse, il s’est affranchi de la gêne des devoirs de la société et s’est livré à un goût raisonné pour le plaisir, avec un petit nombre d’amis ou de complaisants qui formaient une petite secte de philosophes épicuriens dont il était le chef : Le goût des plaisirs, le mépris des hommes, et l’amour de l’humanité et de tous les êtres sensibles, formaient la base de leur système ; mon père (c’est son fils qui parle) méprisait les hommes en théorie par-delà ce qu’on peut imaginer, et cédait à chaque instant à un sentiment de bienveillance et d’indulgence qui embrassait les plus petits insectes. […] Ces recommandations d’un père philosophe dans une Révolution m’en ont rappelé d’autres d’un très ancien poète grec, Théognis, qui avait assisté également à des révolutions politiques, et subi des confiscations, des exils : « Ô misérable pauvreté, s’écrie Théognis, pourquoi à cheval sur mes épaules déshonores-tu mon corps et ma pensée ?
Ils étaient parents des grands proscrits du Sylla du peuple, entre autres de M. de Malesherbes qu’il rappela trop souvent pour un bon chrétien, car Malesherbes était le Socrate des philosophes. […] Cela pouvait servir de base à un écrivain, mais nullement à un philosophe. […] Il y avait des cercles réguliers qui continuaient purement et simplement le dix-huitième siècle, le salon de madame Suard, le salon de madame d’Houdetot : les gens de lettres y dominaient, et les philosophes. […] « Néophyte à cette époque, a-t-on dit spirituellement, il avait quelques-unes des faiblesses des néophytes, et s’il existait quelque chose qu’on pût appeler la fatuité religieuse, l’idée en viendrait, je l’avoue, en lisant ces lignes de sa critique : « Vous n’ignorez pas que ma folie à moi est de voir Jésus-Christ partout, comme madame de Staël la perfectibilité… Vous savez ce que les philosophes nous reprochent à nous autres gens religieux, ils disent que nous n’avons pas la tête forte… On m’appellera Capucin, mais vous savez que Diderot aimait fort les Capucins... » Il parle à tout propos de sa solitude ; il se donne encore pour solitaire et même pour sauvage, mais on sent qu’il ne l’est plus.
Pour Gibbon, en racontant les impressions qu’il reçut à ce retour, il fait semblant d’être un peu piqué dans son ancien amour ou dans son amour-propre d’amant sacrifié ; mais, en y regardant bien, on voit qu’il est plutôt charmé de trouver désormais en Mme Necker, quand il viendra à Paris, une introductrice naturelle auprès de la meilleure société, auprès surtout de ce cercle de philosophes et de beaux esprits dont il était si curieux et si digne, lui qui ne vivait que de la vie de l’esprit. […] Il était resté quelque chose de ces souvenirs de Lausanne dans l’esprit de Voltaire, lorsque, dix ans plus tard, il écrivait à Mme Necker, devenue grande dame à Paris, et qui réunissait alors à son dîner des vendredis les beaux esprits philosophes : Vous qui, chez la belle Hypatie, Tous les vendredis raisonnez De vertu, de philosophie, etc. […] Ce n’était pas la moindre singularité de l’époque que cette sorte d’autel au bon et pudique mariage dressé en plein Paris et au milieu de la secte des philosophes. « J’aime beaucoup quelques-uns de nos philosophes modernes, mais je n’aime point leur philosophie », disait Mme Necker.
Il a soin d’excepter, dans son blâme sévère, les philosophes tels que Montesquieu, « qui écrivaient avec élévation pour corriger les gouvernements et non pour les renverser ». […] Et ici, dans une diatribe d’une verve, d’une invective incroyable, Rivarol prend à partie les philosophes modernes comme les pères du désordre et de l’anarchie, les uns à leur insu, les autres le sachant et le voulant. […] Ils ont cru cependant, ces philosophes, que définir les hommes, c’était plus que les réunir ; que les émanciper, c’était plus que les gouverner, et qu’enfin les soulever, c’était plus que les rendre heureux. […] et se peut-il que ce ne soit qu’un philosophe repenti et devenu politique, un incrédule qui s’est guéri de la sottise d’être impie ?
L’art de l’homme, comme celui de la nature, consiste à mettre en effet dans la goutte d’eau un monde : la fauvette ne sentira que la fraîcheur vivifiante de la goutte d’eau, le philosophe et le savant apercevront dans la goutte d’eau les immensités. […] Il ne s’ensuit point sans doute que ce fût un philosophe ; mais il paraît incontestable que Victor Hugo n’était pas seulement un iniaginatif, comme on le répète sans cesse : « c’était un penseur, — à moins qu’on ne veuille faire cette distinction qu’il faisait lui-même entre le penseur et le songeur : le premier veut, disait-il, le second subit. […] Vie et sympathie universelle était sa devise comme philosophe, et comme poète il en a fait celle de l’art. […] Mais il est philosophe en même temps que poète, et ne s’illusionne pas : il estime que, dans ce commerce que nous tentons d’établir entre les choses et nous, c’est nous qui donnerons.
Enfin les sentiments humains sont des faits qui doivent avoir leur raison d’être et leur destination : le philosophe est tenu de les expliquer et par conséquent d’en tenir compte. Celui qui les dédaigne et les supprime comme indignes de lui, montre par là même qu’il est bien peu philosophe. […] Au reste, si l’on affirme avec Descartes que l’homme a le droit d’examiner ce qu’on lui propose de croire et de ne se décider que sur l’évidence, ce n’est point à dire pour cela que l’homme ait le droit de penser, selon sa fantaisie et selon son caprice, tout ce qui peut lui passer par la tête, qu’il puisse à son gré déclarer vrai ce qui est faux et faux ce qui est vrai, prendre sa passion pour souverain arbitre et faire de son bon plaisir la règle de tous ses jugements : ce serait confondre la liberté avec l’arbitraire, et je ne sache pas qu’aucun philosophe ait jamais réclamé ce droit extravagant. […] Le philosophe n’est pas plus que tout autre homme affranchi de ces émotions et de ces inquiétudes ; mais la réflexion modère, si elle ne calme pas entièrement, une anxiété si légitime.
Les grands poètes de l’humanité n’ont-ils pas été aussi raisonnables que ses grands philosophes et parlé avec la même souveraineté ? Ses grands philosophes n’ont-ils pas été aussi fous, plus peut-être, que ses grands poètes ? […] Un philosophe, un écrivain, ne disposant que du pouvoir de l’idée, a tout le droit de soutenir publiquement cette thèse. […] Grand causeur, il prit l’habitude d’illustrer ses propos de citations qu’il paraissait puiser à pleines mains chez le philosophe francfortois. […] Baptiste ne s’était pas trompé en trouvant à Lekeu une « boule de philosophe ».
Mignet rencontrait Bossuet, et que tout immense que soit ce pas qui restait à faire, le philosophe s’est assez rapproché du prêtre pour que nous ayons eu le droit de les réunir tous deux dans une même école. […] Un philosophe, qui écrivait d’ailleurs dans le but évident de rabaisser la puissance humaine, a bien osé dire : « Un grain de sable placé dans l’urètre de Cromwell a décidé du sort de l’Europe.
Il a l’esprit d’un philosophe et d’un rêveur. […] Et c’est pourquoi les philosophes sont si souvent les vrais poètes.
Et il y a eu des prostitués qui se sont appelés bouffons, philosophes, prêtres, poètes, artistes et professeurs. […] Philosophe, dis ce que tu penses et tout ce que tu penses.
Les philosophes eux-mêmes partagent ce point de vue avec les savants. […] Deux fois le vaudeville arrêta Ballanche sur le seuil de l’Académie française, et il emporta au détriment du poète philosophe le fauteuil de M. de Bonald. […] L’homme sensé doit lui forger un frein sévère ; le philosophe a le droit de la bannir de son austère laboratoire. […] Les philosophes, les historiens, les rhéteurs de l’antiquité ont pu mentir ; les poètes seuls ne le pouvaient pas. […] Tout le monde a fait des vers au dix-huitième siècle, depuis les abbés galants et les graves magistrats jusqu’aux rois philosophes, et j’y cherche un poète.
Maxime Du Camp demanda aux philosophes la raison des choses, l’explication de ses désirs inconnus, on ne sut que lui répondre. […] Des poètes, des musiciens, des philosophes, des amoureux, s’occupent chacun a sa manière pendant le travail de l’artiste. […] Quant à faire de Balzac un philosophe, ceci me semble bien risqué. Philosophe de quoi ? […] Or, un vrai philosophe ne se contredit jamais, ou du moins ses énonciations n’ont le droit de se modifier qu’à la condition de s’élargir.
On a des philosophes qui remplacent les raisonnements serrés par des effusions sentimentales, les arguments solides par des tirades oratoires. […] Sully Prudhomme a répondu par avance ; il a fait comme ce philosophe antique devant qui l’on niait le mouvement : il a marché. […] Le philosophe emploie la méthode déductive ; d’un principe unique, je pourrais dire d’un axiome, il tire l’existence de Dieu, l’existence du monde, toute une série de corollaires enchaînés comme les théorèmes d’Euclide. […] Mais ces écrivains-là, qui forment minorité, appartiennent à un autre courant d’idées ; ils sont disciples de Gassendi, le philosophe, qui, après Epicure et Lucrèce, se plongea dans la grande nature et réclama vigoureusement pour les sens méconnus. […] Par un renversement complet des rôles, les philosophes du siècle suivant se moquent de Descartes, et Diderot, Helvétius, d’Holbach doutent de tout ce qui ne tombe pas sous les sens, nient l’âme et Dieu.
Et, de même que les philosophes et les physiologistes eux-mêmes ont toujours distingué l’homme moral de l’homme physique, de même ils ont toujours reconnu les rapports qui les unissent. Dans l’antiquité, cette dernière question n’a guère moins préoccupé les philosophes que les médecins. […] Si le philosophe professe la spiritualité du principe pensant, le physiologiste explique toute la vie morale en subordonnant l’activité de l’âme à la sensibilité, cette sensibilité au jeu des fibres, et le jeu des fibres à l’action des objets. […] Sa méthode d’observation immédiate et directe, mal comprise à cause de quelques expressions équivoques, fut peu goûtée et peu pratiquée par les philosophes eux-mêmes. […] Cabanis lui-même, dans son grand ouvrage, n’avait guère fait que recueillir et condenser les observations des médecins, des philosophes et des moralistes, en y ajoutant les siennes et en faisant servir le tout à une conclusion beaucoup trop absolue.
Je vous demande en grâce, mon cher et grand philosophe, écrivait Voltaire à d’Alembert (13 février 1758), de me dire pourquoi Duclos en a mal usé avec vous. […] Dans la correspondance qu’il entretient avec lui, Voltaire le tâte souvent, et essaye de l’engager ; en 1760, après la comédie des Philosophes de Palissot, après le discours de réception de Lefranc de Pompignan, et dans ce moment le plus vif de la mêlée philosophique, Voltaire voudrait que Duclos s’entendît avec les amis et surtout qu’il agît en cour pour faire arriver Diderot à l’Académie ; c’eût été un coup de parti en effet, et une éclatante revanche : « Vous êtes à portée, je crois, d’en parler à Mme de Pompadour ; et, quand une fois elle aura fait agréer au roi l’admission de M. […] Il appartient, ainsi que la plupart des grammairiens philosophes de son temps, à cette école qui considérait avant tout une langue en elle-même et d’une manière absolue, comme étant et devant être l’expression logique et raisonnable d’une idée et d’un jugement ; il la dépouillait volontiers de ses autres qualités sensibles ; il ne l’envisageait pas assez comme une végétation lente, une production historique composée, résultant de mille accidents fortuits et du génie persistant d’une race, et qui a eu souvent, à travers les âges, plus d’une récolte et d’une riche saison ; il ne remontait point à la souche antique, et ne se représentait point les divers rameaux nés d’une racine plus ou moins commune.
Beaucoup s’écartent avec soin des luttes âpres du présent, se trouvent bien dans leurs templa serena, qui sont tout voisins de ceux du philosophe. […] On sent sous ce philologue un savant, un philosophe, un artiste. […] Mais déjà l’érudit s’y double d’un historien et d’un philosophe.
Il serait prématuré de viser à construire un système complet que l’avenir pourrait renverser ; il est sage de s’en tenir à quelques résultats généraux, mais certains, dont les travaux des historiens et des philosophes accroîtront peu à peu le nombre et la précision. […] Le philosophe anglais a constaté que tout mouvement, et par conséquent tout changement, toute évolution, suit un certain rythme plus ou moins compliqué. […] Au lendemain de la Révolution, Joseph de Maistre, de Bonald dressent dans toute son âpreté le dogme catholique, exaltent l’autorité paternelle et monarchique, vantent le moyen âge aux dépens de l’antiquité grecque et romaine : c’est le contrepied de l’esprit qui animait les philosophes du dix-huitième siècle.