Dès le début, l’historien analyse et expose la condition diverse des divers peuples d’Italie soumis à la domination romaine, les Latins les plus favorisés, les Italiotes ; quelque différence de régime qui parût d’abord entre ces peuples de la péninsule et les étrangers proprement dits ou barbares, leur liberté se réduisait au fond à une satisfaction d’amour-propre accordée à des vaincus, tandis que la toute-puissance restait en réalité au peuple conquérant. […] Elle est immédiatement précédée d’une digression approfondie sur la réforme politique du dictateur, et sur l’état probable où il trouva les comices ou assemblées du peuple.
S’il fallait admettre à la lettre tout ce que les légendaires et les chroniqueurs nous rapportent sur les origines des peuples et des religions, nous en saurions bien plus long qu’avec le système de Niebuhr et de Strauss. […] Pour passer du beau monde poétique des peuples naïfs au grand Cosmos de la science moderne, il a fallu traverser le monde atomique et mécanique. […] Si vous élevez autel contre autel, on vous dira : « Nous aimons mieux les anciens ; ce n’est pas que nous y croyions davantage, mais enfin nos pères ont ainsi adoré. » On nous chargerait de l’éducation religieuse du peuple, que nous devrions commencer par son éducation dite profane, lui apprendre l’histoire, les sciences, les langues. […] Cela est si vrai que des peuples entiers ont manqué d’un tel système religieux ; ainsi les Chinois, qui n’ont jamais connu que la morale naturelle, sans aucune croyance mythique.
Nul mieux que lui n’a senti la différence qu’il y a entre les jeunes et les vieilles nations, entre les peuples vertueux et les corrompus. Il a répété maintes fois « qu’il n’y a qu’un peuple vertueux qui soit capable de la liberté, et que les autres ont plutôt besoin d’un maître ; que les révolutions ne peuvent s’opérer sans danger quand les peuples n’ont pas assez de vertu ». […] Je lui dis que cela avait été généralement entendu de l’action d’un orateur avec les gestes en parlant, mais que je croyais qu’il existait une autre sorte d’action bien plus importante pour un orateur qui voudrait persuader au peuple de suivre son avis, à savoir une suite et une tenue dans la conduite de la vie, qui imprimerait aux autres l’idée de son intégrité aussi bien que de ses talents ; que, cette opinion une fois établie, toutes les difficultés, les délais, les oppositions, qui d’ordinaire ont leur cause dans les doutes et les soupçons, seraient prévenus, et qu’un tel homme, quoique très médiocre orateur, obtiendrait presque toujours l’avantage sur l’orateur le plus brillant, qui n’aurait pas la réputation de sincérité… Tout cela était d’autant plus approprié au jeune homme, que lord Shelburne, son père, doué de tant de talents, avait la réputation d’être l’opposé du sincère.
Portez-la dans le monde moral ; essayez de vous entendre quand vous parlez de la destinée d’un peuple, du génie d’une nation, des forces vives de la société, de l’influence d’un climat ou d’un siècle, de l’expansion d’une race, de la puissance des anciennes institutions. […] Votre phrase signifie pour moi que le peuple romain conquit le bassin de la Méditerranée avec quelques contrées du nord-ouest, et que cela était nécessaire. […] Ma traduction m’apprend que la destinée d’un peuple n’est rien que l’effet combiné des circonstances, de ses facultés et de ses penchants. […] Ayant considéré la vie d’un homme, d’un peuple, d’un animal, j’ai trouvé que le mot destinée me venait aux lèvres, lorsque je saisissais les faits principaux qui composent la vie de chacun d’eux, et que je les jugeais nécessaires.
Une civilisation, un peuple, un siècle, ont une définition et tous leurs caractères ou leurs détails n’en sont que la suite et les développements. […] Un esprit sec et net, qui est probablement l’effet de la structure primitive du cerveau, une circonstance persévérante et puissante, qui fut la nécessité de songer à son intérêt et d’agir en corps, ont produit chez ce peuple et fortifié outre mesure la faculté égoïste et politique. […] Supposez que ce travail soit fait pour tous les peuples et pour toute l’histoire, pour la psychologie, pour toutes les sciences morales, pour la zoologie, pour la physique, pour la chimie, pour l’astronomie. […] Elle vient d’un fait général semblable aux autres, loi génératrice d’où les autres se déduisent, de même que de la loi de l’attraction dérivent tous les phénomènes de la pesanteur, de même que de la loi des ondulations dérivent tous les phénomènes de la lumière, de même que de l’existence du type dérivent toutes les fonctions de l’animal, de même que de la faculté maîtresse d’un peuple dérivent toutes les parties de ses institutions et tous les événements de son histoire.
N’allez pas conclure pourtant de ces symptômes que nous devenons un peuple tout sérieux. […] Rien n’est plus intimement uni à un homme, à un peuple, que sa langue ; ce n’est pas seulement l’instrument de sa pensée, c’en est le fond ; c’est la vraie image de sa vie, c’est toute sa vraie philosophie. […] La foule, personnage du drame, accable d’invective sa victime. « La voix de ce peuple, dit Ahasvérus, m’enivre comme une outre de vin du Carmel. […] Dès qu’on prétend trouver le christianisme également chez tous les peuples, dès qu’on suppose qu’il n’est pas plus distinctement formulé dans un livre que dans un autre, il faut bien, de toute nécessité, en éliminer ce qui, chez tel de ces peuples, ou dans tel de ces livres, le formule de manière à exclure toutes les autres formules. […] Qu’il y a longtemps que les peuples, s’agenouillant dans le désert autour du veau d’or, crurent que c’était là le but de leurs travaux, et qu’il fallait s’y arrêter !
Comme aux jours glorieux de la cité antique, le peuple avait voulu être régi par l’éloquence et par le génie. […] Par quelles transformations peuvent-elles s’adapter aux temps ou au génie des peuples ? […] — Quand tu te moucheras, ô Peuple, essuie tes doigts à mes cheveux ! […] Assurément les pouvoirs forts font les peuples grands et prospères. […] Quel gentil peuple que le peuple de Toulouse !
Certains historiens, frappés de voir ces êtres d’exception dépasser du front la foule environnante, ont cru qu’on pouvait les isoler et que, pour dérouler l’évolution littéraire d’un peuple, on pouvait se borner à courir de l’une à l’autre de ces têtes lumineuses. […] Pour répondre à cette question, il faut se rappeler qu’un individu n’a d’action sur la masse d’un peuple que si on lui reconnaît une certaine supériorité.
À ceux qui le blâment d’avoir accepté sur la mort des maris de Lucrèce certaines rumeurs populaires à demi fabuleuses, il répondrait que souvent les fables du peuple font la vérité du poète ; et puis il citerait encore Tacite, historien plus obligé de se critiquer sur la réalité des faits que le poète dramatique : Quamvis fabulosa et immania credebantur, atrociore semper fama erga dominantium exitus. […] Quand il voit chaque soir ce peuple si intelligent et si avancé qui a fait de Paris la cité centrale du progrès, s’entasser en foule devant un rideau que sa pensée, à lui chétif poète, va soulever le moment d’après, il sent combien il est peu de chose, lui, devant tant d’attente et de curiosité ; il sent que si son talent n’est rien, il faut que sa probité soit tout ; il s’interroge avec sévérité et recueillement sur la portée philosophique de son œuvre ; car il se sait responsable, et il ne veut pas que cette foule puisse lui demander compte un jour de ce qu’il lui aura enseigné.
C’étoit un moïen d’y réussir que de répresenter les rois et les princes avec un caractere vicieux, dans des spectacles qui devoient avoir encore plus de pouvoir sur l’imagination des grecs, que sur celle des peuples septentrionaux. […] Mais la raison ou bien les reflexions nous ont rendu depuis le peuple de l’Europe le plus délicat et le plus difficile sur toutes les bienséances du théatre.
Celles qui ont été préparées d’avance, qui se trouvent d’accord avec les instincts d’un peuple, avec les progrès naturels de la civilisation, finissent toujours par s’identifier dans les esprits, par se manifester dans toutes les formes de la société ; cependant celles-là mêmes ne peuvent parvenir à gouverner les hommes qu’après avoir fait éprouver de grandes douleurs. Parmi ces différentes sortes d’idées il est bien facile de reconnaître celles qui cherchent à s’introduire de force dans le monde, sans y être attendues, et celles qui ont fini de régner, mais dont on voudrait prolonger l’empire parmi les peuples.
La Bruyère la voit fondée sur la naissance, idolâtre de l’argent, dont il annonce le règne ; les femmes coquettes, menteuses, perfides, êtres d’instinct, meilleures ou pires que les hommes, dominant dans les salons, et y imposant l’esprit l’utile et banal, attirant autour d’elles l’essaim des fats et des ridicules ; les financiers, partis de bas, durs, sans scrupules comme sans pitié, méprisables absolument ; la ville, rentiers, marchands, magistrats, commençant à échanger les fortes vertus bourgeoises pour les airs et les vices de la cour ; la cour, abjection et superbe, férocité et politesse, où le mobile unique est l’intérêt ; les grands, extrait de la cour dont ils manifestent le vice dans sa plus pure et naturelle malice, sans âme, sans esprit, tout à l’orgueil et au plaisir, bien pires que le peuple ; le souverain — mais ici La Bruyère ne voit plus. […] Rien en somme ne manque que ce qui s’est trouvé en dehors de son observation : la province, sur laquelle il n’a qu’une page, injuste et insuffisante ; le peuple des villes, qu’il ne soupçonne pas ; le paysan, dont il devine la dure condition, parce qu’il en a aperçu la silhouette courbée sur la terre, et dont il ne pénètre pas le caractère, parce qu’il n’a pas eu de contact, parce qu’il n’a pas vécu avec lui. […] Ressusciter le passé, montrer la vie des peuples et le progrès de la civilisation, voilà l’idée que Fénelon se fait de la tâche de l’historien : idée singulièrement originale en un temps où l’on n’avait que Mézeray et le P. […] Toutes ces vues sont liées par un fort esprit de réaction contre Louis XIV, que Fénelon a vraiment haï : il ne lui pardonne pas, comme chrétien, les guerres, comme noble, l’abaissement de la noblesse, comme philosophe, la misère des peuples, comme Fénelon enfin, sa disgrâce. […] Il veut plus de bien-être, de tranquillité, moins de charges pour le menu peuple.
Un général Chichkova, à qui on attribue les proclamations éloquentes qui, en 1812, appelèrent le peuple russe à la défense de son territoire, était le principal avocat de l’idiome slavon ; et, de fait, il en tira parti habilement dans un pays où le patriotisme se confond avec l’attachement à la religion. […] La rime, importation étrangère, et certainement inutile dans un idiome où chaque mot a un rythme très marqué, et chez un peuple qui chante en quelque sorte en parlant, la rime est toujours facile en russe, et grâce à l’accent prosodique avec lequel elle se combine, elle ne prend jamais une importance exagérée. […] Il a soulevé les peuples autour de moi et m’a livré Boris pour victime. […] Devant tout le peuple, elle se jeta dans ses bras en pleurant, et personne ne douta plus qu’elle ne fût sa mère. […] Partout repose le peuple ; tout s’est tu, jusqu’aux rumeurs et aux bruits des artisans.
Toute mère du peuple veut donner, et à force de se saigner aux quatre veines, donne à ses enfants l’éducation qu’elle n’a pas eue, l’orthographe qu’elle ne sait pas. […] Et par moment, dans sa demi-nuit et ses ténèbres transparentes, le peuple bariolé qu’on entrevoit là, apparaît comme un carnaval dans les Limbes. […] * * * — Le peuple n’aime ni le vrai ni le simple : il aime le roman et le charlatan. […] Salvandy était légèrement intrigué de cet homme un peu peuple, mais dans lequel il percevait une certaine finesse, quand, au milieu du dîner, son commensal lui dit tout à coup : « Je vais vous chanter une petite chanson pour me tenir en haleine ! […] * * * — Parfois, je pense qu’il viendra un jour, où les peuples modernes jouiront d’un dieu à l’américaine, d’un dieu qui aura été humainement, et sur lequel il y aura des témoignages de petits journaux : lequel dieu figurera dans les églises, son image non plus élastique et au gré de l’imagination des peintres, non plus flottante sur le voile de Véronique, mais arrêtée dans un portrait en photographie… Oui, je me figure un dieu en photographie et qui portera des lunettes.
« Debout, peuple ! […] Les Socialistes paraissent décidés à conquérir la faveur du peuple par des moyens analogues. […] Toutefois, comme témoignage de l’incapacité d’un peuple teutonique à gouverner un peuple celtique contre le gré de celui-ci, son livre n’est pas sans valeur. […] Elle a de vilaines idées du peuple ; elle adore la Chambre des Lords et Lord Salisbury. […] En conséquence de cela, Yao et Shun s’usèrent les poils des jambes à se donner du mal pour nourrir leur peuple.
Mais le peuple lui-même, quand de père en fils il vénère quelque chose, possède l’essence de l’aristocratie. […] C’est chez les peuples admirés comme les plus prospères et les plus puissants que l’oppression a été la plus forte. […] Et cependant un seul reçoit la puissance de tout le peuple. […] Rousseau confesse qu’il faudrait pour légiférer par consentement universel un peuple de dieux43. […] Peindre, chemin faisant, à l’occasion de cette idée tout un siècle, tout un climat, toute une civilisation, tout un peuple.
Car le poète, plus que jamais, affirme sa mission : il est l’étoile qui guide les peuples vers l’avenir. […] Il n’est pas encore la voix du peuple : il n’a pas encore capté, pour remplir sa poésie, un des grands courants du siècle. […] Alors il tient l’inspiration qu’il lui faut pour soutenir son imagination et pour être par surcroît l’idole d’un peuple pendant trente ans. […] Ignorés du peuple, étonnant le bourgeois, ils n’avaient en général conquis que les ateliers et quelques cercles littéraires. […] Le peuple n’avait pas attendu ce moment pour adopter le chansonnier : au fond, le peuple est très bourgeois.
C’est la veille de la Saint-Jean, la fête des maîtres chanteurs, la fête des fiancés, la fête préférée du peuple de Nuremberg. […] Et voilà que les orgues annoncent, par une marche grandiloque, le couronnement de la cérémonie ; tout le peuple défile recueilli et gagne les portes. […] C’est la folie de plaisir qui s’empare du peuple aux apprêts des réjouissances. […] Tout le peuple est présent qui grouille, et qui crie, et qui chante et qui danse. […] Ce qu’il y a de plus encourageant, c’est que le goût pour la musique wagnérienne commence à se disséminer parmi le vrai peuple.
Plus qu’aucun peuple nous tournons dans le cercle vicieux des mêmes formes et des mêmes idées, nous n’osons rompre la barrière, et nous ressemblons à un cheval de manège aveuglé par un bandeau et qui croit faire beaucoup de chemin parce qu’il ne s’aperçoit pas qu’il tourne toujours. […] Au reste, ce regret du passé n’est point rare non plus chez les autres nations — il est partout, chez tous les peuples. […] Quoi, nous sommes ce peuple qui, à la fin du dernier siècle, — hier, au moment où nos pères venaient de naître, — illumine le monde entier par les éclats merveilleux de la plus sublime révolution qui se soit jamais accomplie ; nous sommes ce peuple qui, traversant l’Europe au bruit du canon, va porter à toutes les nations les germes d’une liberté encore endormie peut-être, mais que j’entends sourdre sous la terre ; nous sommes ce peuple qui se débat glorieusement à travers les neiges meurtrières et qui force, par sa défaite même, toutes les races à venir s’asseoir chez lui au grand banquet de la civilisation ; nous sommes ce peuple qui souffre d’une gestation d’avenir ; nous sommes ce peuple qui a eu tant de gloires magnifiques, tant de poignantes humiliations, et il faut donner des récompenses nationales à ceux qui chantent en français de cuisine les Grecs et les Romains !
Sans cloute, en un certain sens, l’histoire elle-même du peuple de Dieu n’est que l’exposition du dogme de la Providence. […] Mais écoutez la suite de la prophétie : “Je veux que ces peuples lui obéissent, et qu’ils obéissent encore à son fils, jusqu’à ce que le temps des uns et des autres vienne.” […] La tradition du peuple juif et celle du peuple chrétien ne font ensemble qu’une même suite de religion, et les Écritures des deux Testaments ne font aussi qu’un même corps et un même livre. » Et, assurément, c’est ce que tous les chrétiens savaient ou croyaient comme lui, mais c’est ce que personne n’avait dit avec autant d’autorité. […] « Les hommes, en effet, se sentent liés par quelque chose de fort lorsqu’ils songent que la même terre qui les a portés et nourris étant vivants, les recevra dans son sein quand ils seront morts : — “Votre demeure sera la mienne, disait Ruth à sa belle-mère Noémi, votre peuple sera mon peuple, je mourrai dans la terre où vous serez enterrée et j’y choisirai ma sépulture”… « C’est un sentiment naturel à tous les peuples. […] On parlait de droits du peuple, et de pacte ou de contrat social.
Les mots heurtent le front comme l’eau le récif : Ils fourmillent, ouvrant dans votre esprit pensif Des griffes ou des mains, et quelques-uns des ailes ; Comme en un âtre noir errent des étincelles, Rêveurs, tristes, joyeux, amers, sinistres, doux, Sombre peuple, les mots vont et viennent en nous : Les mots sont les passants mystérieux de l’âme… Et de même que l’homme est l’animal où vit L’âme, clarté d’en haut par le corps possédée, C’est que Dieu fait du mot la bête de l’idée. […] Haute et sérieuse, elle formera à sa ressemblance les termes qui la peignent ; elle pourra appeler à soi les mots du peuple, et même de la populace : elle leur ôtera par cette élection leur grossièreté en leur laissant leur énergie.
Jamais une idée ingrate ou maussade, de ces idées qui peuvent faire soupçonner immédiatement d’insensibilité et d’égoïsme celui qui les exprime, ou rappeler que la réalité n’est pas du tout simple ou que l’homme, même du peuple, n’est pas toujours un très aimable animal. […] Aucun ouvrier n’en a jamais voulu à tel écrivain démagogue d’être riche, de mener une vie élégante et de mépriser au fond le peuple, tout en l’aimant peut-être comme on aime l’instrument de sa réputation et de sa fortune.
Tandis que dans l’Occident tout penchait vers sa décadence, tandis que les malheurs de l’empire, les invasions des Barbares, le mélange des peuples, le despotisme ou l’incapacité des princes, la terreur des sujets, l’esprit d’esclavage, le contraste même de l’ancienne grandeur, qui ajoute toujours à la petitesse présente, corrompaient le goût, et rétrécissaient à la fois les esprits et les âmes, on vit paraître un homme né avec une imagination brillante et forte, et à qui, peut-être, pour avoir les plus grands talents, il ne manqua que d’être né dans un autre siècle : c’était Claudien. […] Renvoyé dans sa patrie, le spectacle d’un peuple fier et libre acheva son éducation.
« Voyez le ministre des autels qui s’avance le premier : « Je connais dit-il, toute l’autorité que mon caractère va me donner sur les peuples ; mais vous ne gémirez point de m’en avoir revêtu. […] « Heureux, lit-on au début, heureux les peuples dont on ne parle pas ! […] ô peuple infortuné ! […] La souveraineté du peuple, la liberté, l’égalité, le renversement de toute subordination, le droit à toute sorte d’autorité : quelles douces illusions ! […] Le pamphlet publié et distribué à Chambéry en août 95, sous le nom de Jean-Claude Têtu, est une Provinciale savoyarde à la portée du peuple, une petite lettre de Paul-Louis en style du cru.
Cette époque est une des grandes époques de la vie du peuple russe et de l’humanité tout entière. […] L’empereur a été applaudi par son peuple et assisté de Dieu. […] Ce trait de mœurs des peuples neufs est trop saillant pour avoir échappé à Tourgueneff. […] Ce sont les livres du commencement, ce ne sont pas ceux de la maturité des peuples. […] Un peuple littéraire qui commence par le naturel et qui sait se rendre intéressant est bien sûr d’arriver au sublime ; il ne lui faut que du temps.
Il réalisait, dans les institutions du gouvernement intérieur, l’ordre qui régnait dans les pensées du roi, en même temps qu’il préparait les moyens de faire la guerre sans accabler les peuples. […] Tout le monde avait besoin du roi : la bourgeoisie contre les grands seigneurs ; la petite noblesse, contre la grande ; le peuple, contre la gabelle et la guerre civile. […] On a vu comment Louis XIV, en abattant les distinctions, en tirant du peuple des ministres, des généraux, des têtes pour le commandement, avait créé une sorte d’égalité en présence de sa grandeur personnelle et de sa gloire. […] Mais toutes furent débarrassées de ce qui les tenait à l’écart les unes des autres, celles-ci de privilèges stériles, celles-là d’indignités insurmontables ; en sorte qu’il y eut tout à la fois, dans l’esprit français, du prince sans l’étiquette de cour, du grand seigneur sans la morgue aristocratique, du bourgeois, sans la petitesse bourgeoise, du peuple sans la trivialité de la populace. […] On imagine quelle clameur souleva parmi le petit peuple des rimeurs une législation si dure, et combien, contre des assauts renouvelés, Boileau eut besoin d’appui !
Car eux aussi, les hébraïsants, ils nous avaient promis de dissiper ce qu’il y a d’« irrationnel » et de « merveilleux » dans l’histoire des origines du christianisme ou dans celle du « peuple de Dieu ». […] Quoi que ce soit, il y a quelque chose, dans l’histoire du « peuple de Dieu », qui ne se retrouve dans aucune autre. […] Que l’on stimule l’industrieuse activité du peuple par la perspective d’une participation à la propriété du sol, et l’on verra se combler peu à peu l’abîme qui sépare l’opulence de la misère, et s’opérer le rapprochement des deux classes. […] L’histoire générale et la pathologie mentale montrent que les peuples et les particuliers qui ont adopté les mystères et l’inspiration divine comme guides fondamentaux ne tardent pas à être précipités dans une ruine morale, intellectuelle et matérielle, irréparable. » On serait curieux, en vérité, de savoir qui sont ces « peuples » dont parle ici le savant chimiste ! […] Mais il en est des « peuples » comme des hommes : ils meurent… parce qu’ils sont « mortels », quand ils ont fait leur temps, et parce que, fort heureusement, on ne peut pas vivre toujours.
Contre toi, du peuple critique, Que peut l’injuste opinion ? […] L’histoire des peuples modernes est sèche et petite, sans que les peuples soient plus heureux. » « Avant la fin du siècle, il a pourtant paru cet homme dont la force sait détruire, et dont la sagesse sait fonder ! […] Il a soumis, à l’âge de trente ans, les peuples les plus belliqueux de l’Europe et de l’Asie. […] Il eut l’art funeste, chez un peuple capricieux et aimable, de rendre l’incrédulité à la mode. […] « Un peuple immense remplissait l’église.
Bordes (novembre 1768), que votre peuple de Lyon n’est pas philosophe ; mais pourvu que les honnêtes gens le soient, je suis fort content. — La France, écrit-il à un autre de ses correspondants de Lyon, M. […] À l’égard du peuple, il sera toujours sot et barbare : témoin ce qui est arrivé à Lyon. […] Le peuple de Paris a montré de nos jours, et même dans les périodes d’excès, qu’il n’était plus le même que ce peuple informe, tout nouvellement sorti de la société d’avant 89.
La forêt de piliers et d’arcades où nichèrent Quasimodo, ce hibou, et la Esmeralda, cette mésange, la grande maison de Dieu et du peuple où priaient les foules ingénues et violentes, où se déroulaient la fête des Rois et la fête des Fous, appartient au silence, à la solitude, au passé. […] Il remue les lèvres, dit son chapelet, baise la petite croix de temps en temps Un peu plus loin, un petit frère de la Doctrine chrétienne, figure naïve, de bonnes grosses joues, crâne pointu avec le rouleau de cheveux sur la nuque : on voit de ces silhouettes dans les Contes drolatiques illustrés par Gustave Doré Plus loin encore, un homme sans âge, barbe à tous crins, front haut, serré aux tempes, des yeux brillants, l’air farouche, un de ces masques durs de fanatiques comme on en rencontre aussi dans les réunions anarchistes : avec d’autres pensées, le cerveau est certainement le même Mais le peuple, où est-il ? Je n’ai pas aperçu un homme en blouse ou en bourgeron dans cette église où jadis le peuple était chez lui, où il venait oublier sa dure vie, s’enchanter d’une vision de paradis, de belles processions étincelantes de chasubles et de bannières et enveloppées d’encens comme une aurore de pourpre dans une brume d’or. […] Femmes du peuple qui peinez tant, voulez-vous oublier la mansarde où il fait froid et où l’on n’a pas toujours du pain, le loyer qui n’est pas payé, le mari qui vous bat quand il est ivre, les enfants morts ou mal portants, toute la douleur de vivre ?
Oui, les comtes et les marquis sont plus intéressants que les ivrognes ; et ils le sont autant que les gens du peuple ou de la bourgeoisie — pas plus, mais autant. […] Le peuple, lui, adore les romans qui se passent « dans le plus grand monde », parce que le peuple est naturellement bon et résigné et parce qu’il est d’une divine inconscience. […] Elle est comme vous dites, toute pleine d’un esprit céleste, et le vin du peuple lui ressemble aussi peu qu’un paysan à son seigneur.
On peut citer encore comme suicides dus à un excès d’intégration sociale les suicides de soldats qui ne peuvent se faire à la vie de la caserne ; les suicides sont beaucoup plus nombreux dans la bourgeoisie que dans le peuple parce qu’on y a davantage le souci de l’opinion bourgeoise, de la respectabilité de classe, des préjugés mondains. […] Les groupes, comme les individus, ont une tendance à s’illusionner sur leur propre compte ; à se concevoir autres qu’ils ne sont, plus forts, plus grands, plus nobles, plus influents qu’ils ne sont (peuples qui s’attribuent une origine divine, qui attendent un messie, etc. ; bureaucratie qui surfait de bonne foi son importance et ses mérites). […] Tel est le cas du mensonge de groupe mis sur la scène par Ibsen dans son Ennemi du peuple. […] Tel est le cas du Dr Stockmann, l’Ennemi du peuple, d’Ibsen.