Boissier l’est à la sienne : tantôt panthéiste, tantôt stoïcien, tantôt croyant à un Dieu personnel qu’il invente.
Mais il n’en est séparé que par l’épaisseur de son inspiration personnelle, ce qui ne fait pas un fier mur !
nous ne faisons pas un crime à Goethe d’avoir écrit Werther sur ses impressions personnelles ; car c’est une loi pour ces esprits puissants de boire leur sang, comme le Beaumanoir du combat des Trente, et non pas pour désaltérer, mais pour féconder leur génie.
Le même livre s’inscrit en faux contre la souveraineté politique de l’homme et contre la souveraineté philosophique de la Raison, et tous ceux qui veulent et posent dans leurs théories que les gouvernements personnels et hiérarchiques doivent être remplacés par des mécaniques sociales dont ils ont le devis tout fait dans leur poche, et les rationalistes de toute nuance, protestants, hégéliens, sceptiques, l’acceptent comme la dernière et la plus heureuse interprétation de l’Évangile des temps futurs !
Theiner, pour la sérénité de l’innocence : tous ces mille détails personnels sont indifférents à la conclusion suprême de l’histoire et à ce qui lui reste de définitivement acquis.
« J’aimerais mieux — écrivait dernièrement à un critique de profession un de ces esprits systématiquement gendarmés contre la Critique — faire un petit roman payé mille francs que de la Critique à dix mille francs par an dans vos journaux », et si cette phrase exprimait plus qu’un goût personnel, c’est-à-dire une insignifiance, c’était tout simplement une sottise !
Qu’il nous suffise d’avoir noté notre impression personnelle et franche.
Son théâtre est le produit de ses observations, de ses réflexions, de ses impressions personnelles. […] Tandis que, grâce à son tempérament personnel et à ses idées particulières, M. […] Zola parle en son nom personnel, dans ses livres de critique, dans ses articles de journaux, c’est sur le ton de la plus épaisse trivialité. […] Ce sont là autant de signes manifestes de l’intervention de l’auteur, qui arrange les choses à son gré et les dispose d’après sa fantaisie personnelle. […] Il les emprunte à la chronique des journaux ou, plus souvent, à ses souvenirs personnels, à l’intimité de ses amis ou de sa famille.
Mais ce qu’il exprime là, ce n’est qu’une opinion personnelle, fort sujette à discussion. […] Son hypocrisie lui serait personnelle, et il n’en pourrait rejaillir aucun ridicule sur les sentiments et les habitudes dont elle est la contrefaçon. […] Ce qu’ils appellent la « critique personnelle » leur semble extrêmement stérile, et déplaisant par surcroît. […] Elle a, sans le lui dire, sacrifié sa fortune personnelle aux turlutaines de son vieux toqué de père ; elle a pour lui renoncé au mariage et découragé l’homme qui l’aimait. […] Ils se sont fait — lui le savant et elle l’ignorante — une idée du devoir singulièrement personnelle et hardie.
Chacun de ses dires, vous le contrôlez et pouvez le contrôler ; vous le vérifiez, vous l’étendez et le confirmez ou vous le restreignez et l’infirmez par votre expérience personnelle. […] Le Dieu personnel, distinct du monde, et qui l’a créé tel qu’il est, est une pure et simple impossibilité. […] Or le mépris des jeunes pour les vieux est le frein personnel et providentiel du progrès. […] Au fond, si vous voulez mon sentiment personnel, où je n’engage, bien entendu, que moi, je crois que Ferry fut aussi ignorant et aussi indigent d’idées que Gambetta et qu’à ces deux points de vue il n’y a pas à accabler l’un sous le poids de l’autre. […] La politique antifrançaise s’offrait à Bernadotte comme une bonne politique suédoise et comme une excellente politique personnelle.
Le personnel était très limité. […] Le second Empire, ainsi vu du dedans, et par un témoin dont la déposition n’est point altérée par des préoccupations d’intérêt personnel, est un des spectacles les plus émouvants que les historiens puissent observer et dépeindre. […] Il n’y a là rien de personnel, ai-je besoin de vous l’affirmer ? […] Il aurait voulu contribuer, par son action personnelle, à dissiper un malentendu qui risque d’être le plus douloureux procès des temps modernes, et qui menace également les libertés publiques et la sécurité de la patrie. […] Le personnel des bureaux était aussi triste qu’une corporation de croque-morts.
Ce sont toutes poésies personnelles, effusions et confidences, bref ce qu’on appelait autrefois élégies. […] Il était l’homme qui d’un léger incident de la vie la plus calme, tirait un poème de passion ou un poème qui devenait comme le miroir du monde ; mais il avait besoin du petit incident personnel. […] Mais ne voilà-t-il pas qu’à cinquante-huit ans il écrit Les Affinités électives, qui sont tout ce qu’il y a de plus subjectif et même de plus intimement personnel ! […] Le style est ce qu’il y a de plus personnel dans l’écrivain, c’est la trace révélatrice de sa nature intime. […] C’est peut-être une erreur littéraire que de poursuivre un but en écrivant des romans, mais c’est un danger personnel que de n’en poursuivre aucun ; car c’est le but poursuivi qui nous soutient et nous conserve allègre.
Pour des raisons personnelles, d’abord, et il y eut toujours des raisons personnelles dans les attitudes de Voltaire. Il n’y a que nous qui n’ayons jamais de raisons personnelles dans nos démarches littéraires et philosophiques. […] La seule affection personnelle pour Joad amène Abner dans le temple. […] Il n’a, précisément, presque rien de personnel. […] À la vérité, ce lyrisme personnel, les anciens, même au théâtre, l’ont parfaitement connu.
Ce qui nous blesse aujourd’hui, jadis effleurait à peine l’épiderme, et la plaisanterie, même téméraire, ne touchait un homme qu’autant qu’elle était directe et personnelle. […] Il est brûlant sans doute, mais plutôt par la justesse que par l’abondance du trait, et par une certaine volubilité de langue, à lui bien personnelle, plutôt encore que par l’éclat de la paillette. […] À tout le moins n’est-il guère possible de douter de ce que nous appellerons le charme personnel du solitaire de l’Ermitage et de Montmorency. […] Leur morale utilitaire constituait bien la société sur la base de l’intérêt personnel ; mais ils prétendaient que l’intérêt personnel, s’il n’était « éclairé », ne pouvait être entre les hommes qu’un principe de discorde, et ils ajoutaient qu’il ne pouvait être éclairé que d’en haut. […] Grimm aussi se sentit comme touché d’une attaque personnelle par les réfutations dirigées contre le chevalier Zanobi.
Et ainsi la critique impressionniste et personnelle, si humble mine qu’elle ait au prix de l’autre, n’en est pas, du moins, l’opposé, comme on le croit communément. […] Il connaît très bien le personnel de cette comédie-là, surtout le personnel inférieur, qui en est aussi le plus pittoresque : coulissiers marrons, agents de publicité, entrepreneurs d’affaires vagues, ou d’affaires précises, mais un peu osées.
» Vendredi 17 février Dire — c’est indéniable — que pendant près de vingt ans, les trois maîtres absolus de la France ont été Reinach, Cornélius Hertz, Arton, et que la France, éclairée sur ces trois personnages, garde pour se gouverner, le personnel de leurs administrations, de leurs bureaux ! […] Il nous les peint, comme des juifs-errants, n’ayant que le repos des dortoirs de refuge, et sentant bien qu’ils ont contre eux, gens de passage, la localité des gares, mais au fond se considérant comme une aristocratie, et ne consentant pas à être assimilés aux lampistes, au bas personnel de la compagnie. […] Là-dedans, une seule chose d’un goût personnel, de grandes peaux d’ours blancs, mettant dans le coin où se tient la femme, une blancheur lumineuse.
Tolstoï discute son mérite, mais en essayant de cacher ses sentiments personnels, avec une froideur au moins apparente, en algébriste. […] Plus explicite, est la poésie personnelle du Moyen-Âge, la poésie de Villon : car, pour celle de Charles d’Orléans, elle lui est comme extérieure et étrangère, et cet homme, qui a passé par les pires épreuves, a toute sa vie badiné. […] Si vous vous traînez ainsi à la suite des mythologues et des historiographes, c’est faute d’originalité personnelle, vous dira Proudhon, et il vous lancera avec Courbet cette apostrophe : « Vous qui prétendez représenter Charlemagne, César et Jésus-Christ lui-même, sauriez-vous faire le portrait de votre père166 ? […] Il lui est apparu dans un éclair, avec d’autant plus d’évidence qu’il n’aurait pu en donner les raisons, qu’en tuant cette vieille femme méchante, il s’est très réellement rendu criminel et qu’il a violé une loi absolue, mystérieuse, plus générale et plus auguste que toutes nos éthiques personnelles. […] « L’intérêt historique de ces terribles années, dit Tolstoï, en attirant seul nos regards, nous dérobe la vue de ces petits intérêts personnels qui dissimulaient aux contemporains, par leur importance momentanée, celle des faits qui se passaient autour d’eux. » Il se plaît à réunir dans un même tableau l’héroïsme et la banalité.
Comme dans la plupart des civilisations très neuves, l’effort personnel ne les a pas dégagés du lien collectif ; quelques portraits pris au hasard peindront tous ces frères. […] Bien des générations de moines ont passé avant que l’idée leur vint, à ces humbles copistes, d’utiliser leur art pour la notation d’impressions personnelles. […] Et tout cela peint en quelques traits rapides et forts, relevé d’images personnelles qu’on n’a vues nulle part. […] La partie amoureuse est franchement mauvaise ; c’est du placage littéraire, sans l’ombre d’un sentiment personnel, le dernier mot du genre troubadour. […] Il y a, pour le romancier et le dramaturge, deux manières d’exposer les thèses morales : avec ou sans intervention personnelle.
Si nous voulons représenter au dehors notre pensée, c’est lui que nous chercherons tout d’abord à imiter, et, si nous y parvenons, le signe intérieur, tout personnel, deviendra un signe extérieur, un instrument de société. […] Dans les théories les plus répandues sur l’utilité du langage, les mots semblent doués à l’égard des idées d’une sorte de pouvoir personnel et de droit divin. […] Outre leur spécificité intrinsèque et personnelle, les idées possèdent ainsi une sorte de spécificité indirecte qui consiste pour chacune d’elles dans la faculté d’être éveillée par telle idée et d’éveiller telle autre idée. […] Observations personnelles.
Aussi réglera-t-il tour à tour ses comptes avec les professeurs de la Sorbonne, ce « musée Dupuytren de toutes les servilités », avec les idéalistes qui préfèrent les « rêves de pierres » au mouvement de la vie, avec l’Eglise et « Dieu l’immobile », Dieu, « celui qui ne bande pas, qui décide les plus fiers bandeurs à ne plus bander »… Il s’en prend au masochisme chrétien qui condamne le corps et la jouissance, il dénonce les hypocrisies du colonialisme (rappelons que l’exposition coloniale s’est déroulée à Paris en 1931), il s’attaque à la droite maurassienne et au conformisme des bourgeois bien-pensants… À ces règlements de compte avec la société s’ajoutent des règlements de compte, d’ordre bien plus personnel, avec la famille, et notamment avec la mère, cette mère qui incarne à ses yeux l’austérité bourgeoise, cette mère qui lui a confisqué dans son enfance ses aquarelles parce qu’il avait eu l’audace de barbouiller un palmier rose vif, mais surtout, cette mère qui l’a conduit devant le corps pendu de son père, lequel s’est suicidé alors que Crevel n’avait que quatorze ans. […] Mais il ne saurait être question de bains pour ces amateurs de mauvaises odeurs, d’odeurs personnelles. […] Dans l’état actuel du monde et de l’opposition entre les vies collective et personnelle, ce qu’un observateur perspicace a fait, des profondeurs de l’inconscient, affleurer à la surface du conscient, le bénéficiaire d’une telle découverte n’en use que pour nourrir de nouveaux cauchemars et névroses jusqu’alors inédites. […] Il ne saurait plus, d’ailleurs, en aucun cas, s’agir d’anecdotes personnelles, ou, plutôt, il n’est d’anecdote personnelle qui ne doive entraîner au-delà, hors d’elle-même la créature à propos, autour de qui, en qui ont eu lieu les faits matériels ou moraux, occasions de ladite anecdote.
Elle vit ou vivote en province sans pouvoir se faire d’opinions personnelles ni précises, réduite à des impressions vagues et à des émotions aveugles, obligée de se remettre aux mains de gens plus instruits qu’elle expédie dans la capitale et qui la remplacent quand il faut décider de la guerre, de la paix ou des impôts. — Même substitution s’il s’agit de la religion, de la justice, de l’armée et de la marine. […] Il n’a pas de peine à comprendre la conduite qu’il faut tenir avec Mégare ou Corinthe ; il lui suffît pour cela de son expérience personnelle et de ses impressions journalières ; il n’a pas besoin d’être un politique de profession, versé dans la géographie, l’histoire, la statistique et le reste. […] Avec une façon si corporelle et si personnelle de faire la guerre, les premiers citoyens, les princes eux-mêmes étaient tenus d’être bons athlètes. […] On demeure un idolâtre sec et borné, si, au-delà de la figure personnelle, on n’entrevoit pas dans une sorte de lumière la puissance physique ou morale dont la figure est le symbole. […] Tel l’Olympe grec, selon le degré de la transformation qui a humanisé les forces naturelles, présente, à ses divers étages, des divinités où le caractère physique prime la figure personnelle, d’autres en qui les deux faces sont égales, d’autres enfin où le dieu devenu homme ne se relie plus que par des fils, parfois par un seul fil à peine visible, au phénomène élémentaire d’où il est issu.
Car le propre d’une pareille conception, comme des misères qui l’engendrent et du découragement qu’elle consacre, c’est de supprimer l’action personnelle et de remplacer l’invention par la soumission. […] — Son caractère anglais et personnel. — Ses poëmes sérieux et mélancoliques. — Sa conception de l’amour intime. […] Et cependant, parmi ces langueurs de la tradition mystique, l’accent personnel vibre. […] Si d’autres, de loin en loin, comme Sidney et Spenser, entrevoient ce Dieu, c’est comme une vague lumière idéale, sublime fantôme platonicien, qui ne ressemble en rien au Dieu personnel, rigide examinateur des moindres mouvements du cœur. […] Figurez-vous en même temps quelle prise cette forme d’esprit a sur les choses, combien de faits elle concentre en chaque conception, quel amas de jugements personnels, d’autorités étrangères, de suppositions, de divinations, d’imaginations elle déverse sur chaque objet, avec quelle fécondité hasardeuse et créatrice elle enfante les vérités et les conjectures.
Malgré le peu qu’on sait de la vie de La Bruyère, je ne crois pas qu’il ait eu besoin davantage de grandes épreuves personnelles pour lire, comme il l’a fait, dans les cœurs. […] Jusqu’à quel point, indépendamment de ses travaux personnels, Mme Guizot prenait-elle part à ceux de son mari, à tant d’honorables publications accessoires dont il accompagnait son œuvre historique fondamentale, et dans lesquelles, à partir de la traduction de Gibbon, elle put être en effet son premier auxiliaire ?
Le droit de la société ne vient point de la nature. » Cet axiome suppose de deux choses l’une : ou que l’obéissance, dénuée de toute raison d’obéir et de toute moralité dans l’obéissance, n’est que la contrainte et la force brutale, sans autorité morale, et alors l’autorité morale de la loi sociale est entièrement niée par ce singulier législateur de l’illégalité ; ou cet axiome suppose que le joug des lois est une autorité morale, et alors ce cri d’insurrection personnelle contre toutes les lois est en même temps le cri de guerre légitime, perpétuel contre toute autorité. […] Ces philosophes à rebours qui proclament que la propriété, c’est le vol, et l’hérédité un privilège, volent en même temps à l’homme la meilleure partie de l’homme, la perpétuité de son existence, et constituent au profit de leur viagèreté jalouse et personnelle le privilège du néant.
XXVI De cette vie d’étude il sortit successivement pour une demi-publicité d’élite une longue série de livres, les uns, souvenirs personnels de ses voyages, fleurs de sa jeunesse, recueillies de vingt à vingt-cinq ans en Orient, desséchées entre les pages de ses notes rapides, dont il recueillit à loisir l’essence et l’odeur pour en recomposer les meilleurs parfums de sa vie ; les autres, des morceaux d’histoire diplomatique et politique, très neufs, très originaux, très instructifs, qui révèlent au temps présent les pensées calomniées du gouvernement des Bourbons ; les autres enfin, entièrement d’érudition littéraire, traductions, dissertations, commentaires sur les textes du grec ancien et du grec moderne dont il a prodigieusement enrichi la littérature de ces derniers temps. […] L’un écrivit ses Mémoires d’outre-tombe, qui ne sont que l’écho trop âpre des passions de sa vie, un Saint-Simon personnel, chargeant la postérité de ses petites vengeances ; l’autre se contenta d’amuser les loisirs de sa vie retirée par des éruditions curieuses, par des souvenirs historiques, et par des traductions d’œuvres secondaires qui méritèrent bien de ses contemporains, mais qui ne donnèrent pas à son nom toute la célébrité que ses travaux méritent.
Rechercher la vérité par la raison, la faculté la plus générale à la fois et la plus véritablement personnelle à chaque homme ; ne rien admettre dans son esprit qui ne soit évident ; bien définir les termes pour ne point confondre les principes, pour pénétrer toutes les conséquences, pour ne jamais raisonner faussement sur des principes connus ; subordonner toutes les facultés à la raison, et l’homme qui sent à l’homme qui pense ; réduire au rôle d’auxiliaires de la raison l’imagination et la mémoire, par lesquelles nous dépendons des choses extérieures et sommes à la merci de l’autorité, de la mode, de l’imitation : les grands écrivains du dix-septième siècle ne font pas autre chose. […] Nous verrons donc le français s’enrichir à la fois de la diversité des genres et de la langue personnelle de chacun des grands hommes qui vont suivre Descartes, frères par la ressemblance de la raison, différents par le tour d’esprit.
Il faisait, pour la première fois, parler son cœur encore ému de souvenirs personnels, et déjà le poète savait choisir entre les sentiments qu’avait éprouvés l’homme. […] Il faut d’ailleurs rechercher ce qui restait à faire après lui, et ce qui devait être la création personnelle de Racine.
Admirablement préparé à une telle œuvre par un long commerce avec la science et par ses travaux personnels sur la métamorphose des plantes, sur l’anatomie comparée, sur l’optique, Goethe ne cessait pas de songer à ce poème, qui est resté à l’état de fragment, mais qu’Alexandre de Humboldt considérait comme devant être une des plus puissantes créations de cette pensée souveraine dans toutes les régions de l’esprit. […] Quel que soit le sort de cette tentative auprès du grand public, qui n’est pas toujours en goût de faire des efforts pour comprendre, elle mérite d’être signalée à deux points de vue, comme l’essai hardi d’un talent personnel et comme un symptôme des temps.
Pour mon compte, je maintiens qu’il n’y a qu’un catholique qui puisse écrire profondément et intégralement l’histoire de Philippe II et de son siècle, et encore un catholique assez fort (cherchez-le dans le personnel du catholicisme actuel, et trouvez-le, si vous pouvez !) […] Ce livre a la puissance personnelle des facultés qui font le talent, mais il a l’impuissance de son siècle, — d’un siècle à qui manque radicalement le sens des choses religieuses, et il en faut au moins la connaissance et la compréhension pour en parler dans une histoire où elles tiennent une si grande place.
Si l’homme ne disparaît point entre les deux puissances qui se disputent l’empire sur sa volonté, du moins son initiative personnelle, son autonomie propre, semblent s’effacer tantôt sous la pression de la force diabolique, tantôt sous l’irrésistible impulsion de la grâce divine. […] Derrière celle-ci et au plus profond de l’âme humaine, elle fait apparaître Dieu lui-même, le Dieu vivant et personnel qui, à un certain moment et pour certaines œuvres, prend la place de la personne humaine.
J’ai laissé ce récit dans son admiration un peu naïve, comme étant celui d’un témoin qui s’est peut-être exagéré le péril, mais qui rend du moins une vive impression personnelle.
Bossuet n’a rien d’un homme de lettres dans le sens ordinaire de ce mot ; ayant de bonne heure connu ces triomphes de la parole qui ne laissent rien à désirer en satisfactions immédiates et personnelles (s’il avait été disposé à les savourer), s’étant dès sa jeunesse senti de niveau avec la haute renommée qui lui était due, naturellement modéré, et avec, cela habitué à tout considérer du degré de l’autel, on ne le voit rechercher en rien les occasions de se produire par la plume et de briller.