La passion est plus absorbante ; mais, dans le repos le plus complet de la passion comme de l’imagination, on peut être tout à ses pensées. […] L’habitude de la concentration, c’est-à-dire de l’attention exclusivement portée sur la pensée et son expression intérieure, se prend dans le jeune âge, et d’autant mieux que l’âme est naturellement plus calme, plus intellectuelle, moins fréquemment détournée du but qu’elle s’est fixé par l’éveil subit de la passion ou de l’imagination, puissances de caprice et de distraction. […] L’homme passionné sait cela ; il vit avec lui-même ; si sa pensée parle haut, il sait que c’est en lui, et qu’elle est ce qu’elle doit être, intérieure comme son objet : elle aura beau crier, il lui refusera avec persistance l’extériorité, comme au sentiment qu’elle traduit. […] Je crois bien que ces paroles involontaires n’expriment ni un sentiment ni une pensée, qu’elles ne correspondent à rien d’intérieur, et que la personne qui les prononce n’a pas conscience de ce qu’elle dit ; elle l’entend seulement et ne l’écoute pas, sachant qu’on sait qui elle est et qu’on lui pardonnera. […] Ensuite, les esprits exercés à la méditation savent se passer de ce secours d’un état fort [voir plus haut, § 3], ou bien, s’il leur faut absolument associer une sensation à leur pensée du moment, ils remplacent avec avantage les sons par l’écriture, qui conserve les idées pour l’avenir, après les avoir aidées à naître.
De retour dans sa patrie, il est revenu sur ses souvenirs : dans un temps où quiconque a vu est si empressé de dire, à un âge où l’on résiste si peu à l’épanchement d’une première impression, il a su longtemps contenir sa pensée, et l’a mûrie par de grands et consciencieux travaux. […] Mais ici, autour de l’idée principale, venaient naturellement se grouper une foule de questions accessoires que l’auteur a négligées et que provoquait l’esprit de l’époque : jusqu’à quel point est légitime et approuvé par le goût cet emprunt d’images étrangères ; en quoi il peut réellement consister ; si c’est en bravant l’harmonie par une foule de mots barbares tirés d’idiomes encore grossiers, ou en reproduisant simplement une pensée naïve, une coutume touchante d’un jeune peuple, si c’est en s’emparant sans discernement des êtres créés dans des mythologies étrangères, ou en ne s’enrichissant que des allégories ingénieuses et faites pour plaire en tous lieux, que le poète imitateur méritera dignement de la littérature nationale ; ou encore, s’il n’y a pas l’abus à craindre dans ce recours trop fréquent à des descriptions de phénomènes ; si Delille, Castel, que l’auteur cite souvent, et les écrivains de cette école qu’il paraît affectionner, s’en sont toujours gardés ; si enfin il n’y a pas souvent cet autre danger non moins grave à éviter, de parler à la nation d’une nature qu’elle ne comprend pas, d’en appeler à des souvenirs qui n’existent que pour l’écrivain, et réduire l’homme médiocrement éclairé à consulter Buffon ou Cuvier pour entendre un vers. […] Denis nous transporte dans les bocages d’Otahiti, séjour charmant de la poésie et de la volupté, où le navigateur oublie l’Europe et la patrie ; soit qu’aux bords sacrés du Guige, il nous retrace les caractères des beaux lieux qu’il arrose, la plénitude de la végétation, des villes au sein des forêts, (les gazelles et les biches auprès du buffle et du tigre, l’éléphant sauvage et sa vaste domination sur les hôtes des bois, et ses guerres sanglantes contre des armées entières de chasseurs ; soit qu’accomplissant cette fois toute sa mission, il nous montre la littérature portugaise passant du Gange au Tage, et qu’il présente les fables des Indiens, et leurs riantes allégories, et leurs croyances si douces et si terribles tour à tour ; alors, en s’adressant aux poètes, il est poète lui-même ; sa pensée, singulièrement gracieuse, s’embellit encore d’une expression dont l’exquise pureté s’anime des couleurs orientales. […] Denis dans ses études sur Camoëns ; c’est là que puiseront tous ceux qui s’occuperont du même objet, et tous ils apprécieront, non sans émotion, la noble pensée de M. de Souza.
Figurez-vous un homme dont toutes les pensées, même les plus intimes et les plus personnelles, revêtiraient d’elles-mêmes les formes consacrées d’une élégance imbécile ; qui aurait volontairement créé et développé en lui cette infirmité et qui serait décidé à mourir sans avoir une fois, une seule fois, exprimé directement sa pensée… Ô prodige d’ironie ! […] Mais, soyez-en sûrs, ces rencontres, d’où jaillit parfois une pensée originale, ne sont aperçues que de ceux qui savent les voir ; et, s’ils parviennent à en dégager de l’esprit ou même un peu de philosophie, c’est que cette philosophie et cet esprit, ils les apportaient avec eux. […] Grévy, et nous montre M. de Freycinet s’apprêtant à découper le gâteau : « M. de Freycinet, dit-il, avec cette gravité qu’il apporte même aux choses sérieuses… » Cette simple phrase, remarquez-le, est un puits de profondeur, puisqu’on y suppose couramment admise une pensée qui passe elle-même pour surprenante et profonde, à savoir que c’est aux choses futiles que nous apportons le plus de gravité… N’ai-je pas raison de conclure que le délire de Grosclaude est le délire d’un sage ?
Suit-on, durant quelques siècles le développement du vers français de douze syllabes ; on remarque facilement que chez les poètes de la Pléiade il est souple, libre, aisé, qu’il se permet beaucoup d’enjambements et de rejets en même temps qu’il est richement rime ; qu’à partir de Malherbe et de Boileau, surtout au xviiie siècle, une césure presque immuable le divise en deux parties égales, tandis que la rime devient souvent pauvre et banale ; que les romantiques, en disloquant, comme ils disaient, « ce grand niais d’alexandrin », rendent à la rime une plénitude de sonorité dont elle avait perdu l’habitude ; que Musset semble, il est vrai, faire exception en lançant aux partisans de la consonne d’appui cette moqueuse profession de foi : C’est un bon clou de plus qu’on met à la pensée ; mais qu’aussi ses vers, sauf dans ses poésies de jeunesse où il s’abandonne à sa fantaisie gamine, sont restés, bien plus que ceux de Victor Hugo ou de Sainte-Beuve, fidèles à la coupe classique. […] Comme le latin en ce temps-là est beaucoup plus écrit que parlé, comme ils consultent leurs yeux plutôt que leurs oreilles, la forme qui se rapproche le plus visiblement de la forme ancienne est celle qui se présente le plus aisément à leur pensée. […] Nous tenons un des facteurs étrangers qui ont modifié en ce temps-là l’évolution de la pensée française. […] Il sait que ce fut l’âge d’or de la société polie ; qu’en ce temps-là la vie mondaine fut l’idéal de tout ce qui comptait alors parmi les hommes ; que les jardins mêmes étaient des salons ; que les philosophes prouvaient l’existence de la matière par celle de la pensée ; que les poètes, acharnés à peindre l’âme humaine civilisée, laissaient à peine tomber quelques regards distraits sur la nature environnante.
Mais pour que rien ne manquât à la renommée de ce pauvre et charmant grand homme, à qui tout avait manqué pendant qu’il vivait, il lui naquit plus tard cette chose rare, ce hasard inouï, cette nonpareille des Florides en littérature, un traducteur, et un traducteur dans cette langue française, la langue polyglotte, qui universalise la pensée d’un homme en l’exprimant. […] Mais Avellaneda, le continuateur de Cervantes, qu’il ait été un laïque ou un prêtre, un spéculateur qui veut gagner sa poignée de ducats ou un envieux qui ait tenté de voler sa gloire à un homme qui n’avait que de la gloire à voler, qu’importe à la postérité, qui ne juge les hommes que sur leurs œuvres et qui ne s’intéresse qu’à un seul genre d’incognito, — celui des rois ou des empereurs de la pensée ! […] triste figure, en effet, mais pour tous ceux qui ont gardé un peu d’idéal dans leur pensée, n’écrase-t-elle pas de sa hauteur et de son originalité la face vulgaire de Sancho, l’un des fils de cette mère Gigogne qu’on appelle la Sagesse du Monde, dont tous les enfants se ressemblent, qu’ils se nomment Sancho ou Panurge, Falstaff, Chrysale, Figaro, Pangloss, et même Méphistophélès ? […] Rappelant l’illusion de ce Don Quichotte avec lequel sa pensée est si familière, il transforme cette grossière continuation d’une œuvre supérieure en une espèce de Dulcinée du Toboso littéraire.
c’est toute la cohue de la Libre Pensée ! […] — dit-il — peut cependant être regardé par la pensée, comme par les yeux l’abime et le soleil. » Car ils ont beau se mettre un instant les pieds en l’air, comme Hérodiade dansant devant Hérode, ces culs-de-plomb, pour se faire légers ! […] — il suffit du plus simple relatif entre la pensée et Dieu. » Et le voilà qui part de Shakespeare : On ne s’attendait guère À voir Shakespeare en cette affaire ! […] Littérairement trop martelé, trop retentissant des hugotismes qui tyrannisent la mémoire ou la pensée de l’auteur, il a parfois des pages d’une certaine grâce et même d’une certaine force ; mais tout cela se noie et se perd dans l’absurdité d’un système (si on ose ainsi nommer de telles billevesées) qui a eu sur Paul Meurice la même influence que sur son livre et sur son héros.
Mais, dans le moment même, d’autres sentiments publics, d’autres pensées que celle de la reconnaissance prévalaient dans le cœur des vaincus. […] Cependant la ligne de séparation avait été trop prononcée à un certain moment pour s’effacer désormais : le commerce de pensées en souffrit. […] On peut citer, comme exemple en ce genre, les pages sur la ruine de la civilisation arabe et les pensées, aussi élevées qu’émouvantes, par où il conclut le chapitre II de sa Littérature du Midi. […] Il ne pouvait se défendre de la pensée que, lorsqu’on s’agitait le plus dans cette paroisse de Calvin, on était comme les petites filles qui font le jeu des Madames. […] Il fait comprendre tous ses défauts, mais il ne les excuse pas, et il ne semble point avoir la pensée de les faire aimer.
C’est le premier éclat simple (nitor), la lumière même de la pensée dans la parole, et que les grands esprits droits préfèrent à toute fausse couleur. […] Il avait donc, lui aussi, ses scrupules, mais très-arriérés, et il ne voulait pas qu’on les poussât trop loin, ni jusqu’à s’y asservir au préjudice de l’expression des pensées : « Il y en a, disait-il, qui, plutôt que d’employer une diction tant soit peu douteuse, renonceraient à la meilleure de leurs conceptions ; la crainte de dire une mauvaise parole leur fait abandonner volontairement ce qu’ils ont de meilleur dans l’esprit ; et il se trouve à la fin que, pour ne commettre point de vice, ils se sont éloignés de toute vertu. » Le fait est qu’avec le souci qu’ont perpétuellement les Vaugelas, les Pellisson, et en s’y tenant de trop près, on se retrancherait beaucoup de pensées à leur naissance, de peur d’être en peine de les exprimer. […] La Mothe traite dans ce même esprit la troisième partie de son Discours qui est l’Oraison tout entière, donnant toujours la prédominance au sens, à la doctrine, définissant l’éloquence avec Cicéron : « L’éloquence n’est rien autre chose qu’une belle et large explication des pensées du sage ; Nihil est aliud eloquentia quam copiose loquens sapientia. » On l’y voit blâmant l’excès de la recherche et de la curiosité, observant d’ailleurs la mesure, conseillant aux bons écrivains un peu faibles par la pensée de s’adonner aux traductions comme à de beaux thèmes où ils pourront acquérir beaucoup d’honneur, maintenant et défendant l’usage des citations en langue latine (il y est intéressé) dans tout discours qui ne s’adresse pas au peuple et à une majorité d’ignorants. […] Poitevin cite comme un exemple de mauvaise phrase et de manière de dire incorrecte la pensée suivante : « On ne montre pas sa grandeur pour être à une extrémité, mais bien en touchant les deux à la fois, et en remplissant tout l’entre-deux. » M.
Mais il n’éleva pas sa pensée si haut et il ne lui imprima pas un vol si saint ; il n’aspira pas à révéler à l’univers une masse de réalités nouvelles et à ramener à Dieu un chaos d’esprits égarés, pour commenter et adorer son nom. […] J’ai clairement montré que l’ambition n’était pas mon mobile en 1848, que le salut de mon pays était mon unique pensée. […] Cette pensée me revint et me plongea pendant une heure dans des regrets qui ressemblaient à des rêves. […] Il s’était réfugié de bonne heure dans la seule pensée, triste aussi par sa grandeur, inexplicable, à laquelle tout aboutit, mais qui est, elle-même, un mystère, pour en expliquer un autre, Dieu ; il était religieux par mélancolie ; par là, il était grand comme sa pensée. […] Il fut à lui-même sa première pensée : toutes les fois qu’il y eut à choisir entre sa patrie et lui, il ne songea qu’à lui-même ; il prit le décorum pour l’honneur, et l’honneur pour la vertu.
On peut dire qu’au xvie siècle, tout le champ de la pensée avait été défriché. […] On sent, du reste, les fâcheux effets de cette curiosité et de ce doute : le manque d’autorité, l’importance excessive donnée à l’individu, la pensée dégénérant en un jeu d’esprit. […] Les meilleurs écrivains de ce temps sont pleins de ces pointes ; outre l’exemple de l’Italie, c’était un des effets de cet amour déréglé de la pensée pour la pensée. […] Ces nuances innombrables dans la pensée engendrent d’innombrables subtilités dans le langage. […] Pensées.
Cet esprit, c’est autre chose encore que l’art de donner un tour piquant à des sentiments vrais ou à des pensées justes. […] Tous les deux sont admirables, toute proportion gardée, par tout ce qu’ils ont tiré de subtilité, d’émotion et de force, de la pensée qui les possédait. […] Leur feu n’est point cette ardeur fébrile du cerveau qui précipite les pensées, c’est l’émotion qui croît à mesure que la vérité se découvre. […] Si la pensée leur arrive complète, c’est tant mieux car ils ne savent pas recommencer ; ils ne retrouvent pas pour les retouches la verve du premier jet. […] Ces sortes d’écrivains, s’ils voulaient trop regarder leurs pensées, les dissiperaient ou finiraient par s’en défier.
On ne goûtera pas davantage, à moins d’une préparation spéciale, les sommets du sentiment étincelant sous sa pensée . […] Il n’y a point de liens entre ses pensées et sa conduite. […] On dit qu’à défaut de la passion vivante nous devons apprécier ici la force, et moi, je demande où est la force sans la pensée. […] Si la pensée fait défaut dans le récit de M. […] On sent que la pensée n’est pas de force à le soutenir dans les hauteurs.
Le spectre du réel traverse ta pensée. […] M. de Hartmann a eu raison de dire : « Si je considère un triangle rectangle sans avoir un intérêt particulier à l’étude de la question, toutes les idées possibles peuvent s’associer dans mon esprit à la pensée de ce triangle. […] La vie personnelle est constituée par une unité et une systématisation de la parole, de la pensée et de l’action. […] Nous sommes un peuple à imagination vive et à sympathie facile, un peuple éminemment ouvert de pensée et sociable de sentiment. […] Les génies de contemplation et d’art font de même, car la contemplation prétendue n’est qu’une action réduite à son premier stade, maintenue dans le domaine de la pensée et de l’imagination.
La certitude de cet événement, lointain encore, qui s’annonçait, il y a quarante ans, par des coups obscurs, comme la vie de l’enfant s’annonce dans le sein de la mère, enivrait de joie la pensée divinement avertie du grand apologiste de la papauté. […] une disposition actuelle de l’esprit des peuples : c’est la disposition plus précise encore, ou, pour mieux dire, c’est l’aspiration des hommes de pensée qui mènent leur époque en la devançant. […] De tous les professeurs d’Oxford, il était le plus remarquable par l’érudition et l’étendue de sa pensée. […] Homme de conscience plus que de passion impétueuse ou tenace, il devait sa gloire au mérite de sa pensée ; mais il s’effrayait de cette gloire allumée par son talent, comme un enfant s’épouvanterait de l’incendie projeté par le flambeau qu’il porte dans ses mains confiantes. […] En effet, depuis quelque temps, les livres, les journaux, toutes les expressions de la pensée publique étaient entrés plus ou moins dans la lutte religieuse entre l’organisation anglicane et les idées anglo-catholiques, développées, creusées par le Dr Pusey et ses amis.
J’essayerai de dire là-dessus ma pensée, en prenant pour division la division même de l’œuvre de Fromentin, puisqu’il a touché à trois genres littéraires : le récit de voyage, le roman, la critique d’art, exemple assurément d’une belle variété d’aptitudes et aussi d’une certaine inquiétude d’esprit. […] Il communique à l’âme un équilibre que tu ne connais pas, toi qui as toujours vécu dans le tumulte ; loin de l’accabler, il la dispose aux pensées légères ; on croit qu’il représente l’absence de bruit, comme l’obscurité résulte de l’absence de lumière ; c’est une erreur. […] Elle est prise au piège de toutes les délicatesses qu’elle a eues pour Dominique malheureux, de toutes les paroles de conseil qu’elle lui a dites, de toutes les longues pensées qui n’avaient pour objet, croyait-elle, que de sauver un ami d’un amour impossible et mauvais. […] Il est enfin chez lui, dans le véritable domaine de sa pensée et de ses yeux. […] Les semeurs de pensées ne jettent pas que des graines qui germent en une année.
… Rappelle à mes pensées, Seigneur ! […] Par une étrange coïncidence de pensée et de date, les deux triomphes lui furent offerts le même jour par la France et par l’Italie. […] « De pensée en pensée, de colline en colline, l’amour me conduit loin de tous les sentiers frayés sans que je puisse y trouver la paix de l’âme, etc. » Aussi revint-il encore sur ses pas, cette fois comme rappelé par un attrait supérieur à sa volonté. […] Je serai l’unique objet de ses discours, de ses écrits, de ses pensées ! […] La pensée me souleva dans cette partie du ciel où vit celle que je cherche et que je ne retrouve plus sur la terre.
Ses enfants ici-bas, et Dieu au ciel avec l’ombre de sa femme comme rayonnement attractif autour de l’Être infini, étaient devenus sa seule pensée. […] Style, non, car qui dit style dit travail : ici ce n’est point travail, c’est éclosion naturelle de la pensée. […] Je n’ai pas peur, mais mes pensées prennent toutes le deuil, et le monde me paraît aussi triste qu’un tombeau. […] On voit combien la pensée de son frère la possède. […] « La belle chose que la pensée !
Ces terribles problèmes sont insolubles à la pensée. […] La persécution ne devient odieuse que quand elle est exercée par des intéressés, qui sacrifient à leur bien-être la pensée des autres. […] Fichte a osé concevoir un état social si parfait que la pensée même du mal fût bannie de l’esprit de l’homme. […] Je le répète, la France n’a compris que la liberté extérieure, mais nullement la liberté de la pensée. […] Occupons-nous donc de penser un peu plus librement et savamment, et un peu moins d’être libres d’exprimer notre pensée.
Et toujours des émotions à poignée et un incessant crucifiement de cette organisation nerveuse, qui va avec une sorte d’attrait à tout ce qui la tourmente, lui fait mal, la martyrise, lui enlève la tranquillité de la pensée et le sommeil de la nuit. […] Mais l’homme de pensée ne s’y trouve-t-il pas mal à l’aise comme devant l’ennemi, comme devant l’œuvre de Dieu qui le mangera et fera de l’engrais et de la verdure de sa cervelle de philosophe ? […] Notre pensée vivant au-dessus des choses bourgeoises, a de la peine à descendre au terre-à-terre de la pensée ordinaire, tout entière alimentée par les basses réalités de la vie et la matérialité des événements journaliers. […] Il faut qu’on lui fouette le temps, la pensée, la causerie, les nerfs. […] Le bon Soulié, qui nous guide, nous dit combien cette Marie-Antoinette, cette ombre charmante et dramatique de l’histoire, est l’occupation de la pensée de l’étranger.
Auguste Dapples nous a donné une excellente traduction d’un choix des Opuscules et Pensées (1880). […] Il n’est pas de ceux qui réussissent à écarter une pensée fâcheuse, un souci angoissant. […] Or, Leopardi s’efforce de pousser sa pensée dans cette direction, d’enfermer ses sentiments dans une absorbante unité. […] Il est plus imaginatif qu’eux, il attache plus d’importance à la représentation figurée de la pensée qu’à la pensée elle-même. […] Aussi, malgré l’importance primordiale qu’ils attribuaient à la pensée, n’ont-ils reculé devant aucune des difficultés du métier.
Le jeune homme a exprimé en vers ce qu’il ne sent pas encore ; et quand le sentiment naîtra vraiment en lui, sa première pensée sera de le mettre en vers. […] Les périls nationaux, les discordes intestines, les guerres civiles y agitèrent la vie de l’homme sans porter le trouble dans son imagination, sans combattre ni déranger le cours naturel et facile de sa pensée. […] Ils oublient la situation du personnage en faveur des pensées qu’elle suscite dans l’âme du poëte. […] Son testament n’offre rien de remarquable, si ce n’est une nouvelle preuve du peu de place qu’occupait dans sa pensée la femme à qui il s’était si précipitamment uni. […] C’est au contraire par une impression unique que Shakespeare, du moins dans ses plus belles compositions, s’empare, dès le premier instant, de la pensée, et, par la pensée, de l’espace.
Quelle est, en effet, la pensée qu’il a tenté de réaliser dans Marie Tudor ? […] Demain il quittera l’œuvre faite pour l’œuvre à faire ; il sortira de cette foule pour rentrer dans sa solitude ; solitude profonde, où ne parvient aucune mauvaise influence du monde extérieur, où la jeunesse, son amie, vient quelquefois lui serrer la main, où il est seul avec sa pensée, son indépendance et sa volonté. […] Plus que jamais, il tiendra son esprit, son œuvre et sa pensée éloignés de toute coterie ; car il connaît quelque chose de plus grand que les coteries, ce sont les partis ; quelque chose de plus grand que les partis, c’est le peuple ; quelque chose de plus grand que le peuple, c’est l’humanité.
Les Pensées de Pascal offrent le germe de tout ce qu’on peut dire pour ou contre la Religion. […] Le Philosophe jugé au tribunal de la raison, par l’Abbé le Masson des Granges, est un livre plein de choses neuves & bien pensées. […] Il a plus de tours que de pensées.
Pour une pensée heureuse que l’ardeur de rimer richement peut faire rencontrer par hasard, elle fait certainement emploïer tous les jours cent autres pensées dont on avoit dédaigné de se servir sans la richesse ou la nouveauté de la rime que ces pensées amenent.
Une image m’aidera à expliquer ma pensée. […] En vain voudrait-il réfléchir, mûrir sa pensée, surveiller ses paroles. […] S’il admet l’indécision de la pensée, il réclame la précision du style. […] Arrête-t-il sa pensée sur la politique ? […] Il réduit au minimum la part de la pensée dans une œuvre poétique.
Les droits de la pensée sont supérieurs à tout. […] Surtout ne nous défions pas de la pensée. […] La pensée, c’est tout l’homme. […] … un être de rêve qui s’éveille à demi en tes pensées. […] Nous ne connaissons qu’une réalité : la pensée.
Il faut accepter, en toutes ses conséquences, les règles du jeu de la pensée. […] Avait-il connaissance de sa pensée ? […] Les confondre, c’est confondre la pensée avec l’expression de la pensée. […] Ici, il y a une langue littéraire, et plus forte que la pensée même dont elle est l’expression. […] Plus d’un esprit libre et logique de ce temps a relu dans Nietzsche telle de ses pensées.
Voilà les pensées qui font oublier la souffrance et qui consolent de vieillir. […] Ses pensées sont trop vagues et trop neuves ; et pourtant, dans le demi-jour de ses pensées, elle en soupçonne quelque chose. […] c’est une folie que de se croire maître de ses sentiments, de ses pensées, même de ses actes. […] Notre pensée n’est qu’un feu d’artifice dans un crâne. […] La limpidité de l’antique doctrine où il eût voulu retremper sa pensée était troublée pour jamais.
Mais la pensée de M. […] Sa pensée va chaque jour en s’enrichissant. […] Le geste suit aussitôt la pensée. […] Le sourire de la Nature est sans pensée. […] N’est-elle pas plus forte que sa pensée ?
S’il me faut dire toute ma pensée, Goethe pour les grands repos de la pensée était très supérieur à Voltaire, si on excepte les parties purement critiques de l’esprit humain, la clarté, la gaieté, la facétie, l’épigramme, les contes amusants et la correspondance familière. […] Est-ce qu’une pensée ne survit pas à des milliers d’épigrammes ? […] Moi-même, j’étais assis devant, près des charbons enflammés, dans de graves pensées, regrettant parfois le mal qu’avaient fait çà et là mes écrits. […] telle fut ma première pensée, et ce n’est pas sans un peu d’appréhension que je pénétrai dans la maison. […] Son puissant front semblait encore garder des pensées.
Dans les livrets du Ring, on ne trouve même plus les vers sublimes dans lesquels le Maître avait exprimé sa pensée ; ils sont enfouis dans une note du sixième volume de ses écrits, où l’initié, seul, peut les trouver. […] Plus tard Sénèque apporta le charme d’une pensée étrangement spirituelle et légère ; maints auteurs composaient, sous le titre de poèmes, histoires ou récits, des romans médiocres, dont l’attrait nous demeure aboli. […] Une convention les forçait à déformer leurs pensées pour les soumettre à un rythme fixe et inintelligent, à des rimes superflues. Dois-je dire encore que je n’attribue point à la poésie les pensées dites poétiques, toute pensée me paraissant plus aisée à exprimer par une prose ! […] Mais il a choisi toujours — sauf dans le médiocre roman A Rebours — des sujets adaptés à la nature spéciale de sa pensée.
Malgré l’antagonisme de nos deux pensées sur beaucoup de points, je suis obligé de reconnaître que Drumont est un homme, qui a la vaillance d’esprit d’une autre époque, et presque l’appétit du martyre. […] Et ma pensée allait au grenier, à ce lieu de réunion, ouvert seulement depuis l’année dernière, et dont déjà deux membres tout jeunes, Desprez et Robert Caze, sont morts tragiquement. […] Un groupe de la plus grande originalité, représente dans sa pensée, l’amour physique, sans que la traduction de sa pensée soit obscène. […] À moins d’être foncièrement un lâche, le duel n’est redoutable que pour l’homme, dont la pensée en est tout à fait éloignée, et qu’une affaire amène, sans préparation, à cette extrémité. […] C’est une pensée qui me vient aujourd’hui dans une longue promenade à travers la banlieue.