Ce qu’il disait des lèvres, il le gesticulait avec ses bras, et sa parole coulait abondante comme une ondée soudaine sur un regain du mois de mai. […] Plus de paroles, plus de repos (brebis qui bêle perd sa dentée d’herbe) ; le mûrier qui les porte est à l’instant dépouillé tout nu ! […] « Droit comme un roseau de la Durance, Vincent cheminait seul vers le mas des Micocoules ; son visage éblouissait de bonheur, de paix et d’amour, en rêvant aux douces paroles que Mireille lui avait dites un matin parmi les mûriers. […] « Mais à quoi bon tant de paroles ? […] Souviens-toi de ma parole : tu ne le verras plus, ton vilain amoureux. » Le vannier se revenge à ces insultes en termes d’une dignité modeste, mais virile ; il rappelle ses campagnes en mer et sa probité intacte.
Un certain Cimmino, de Naples, avait fait inscrire sur sa poitrine ces paroles plus simples, mais qui ont couleur de sincérité : « Je ne suis qu’un pauvre malheureux. » — Dans leurs vers, souvent très touchants, le même sentiment de mélancolie est exprimé : Ô mère, comme je regrette, heure par heure, Tout ce lait que vous m’avez donné ! […] Nous connaissons mieux, par la seule lecture de ses écrits, la personnalité d’un Pascal que la personnalité de tel ou tel qui nous conte par le menu ses faits et gestes, — choses qui s’oublient, — et qui nous retrace ses moindres pensées, ses moindres paroles. […] tout est abîme, — action, désir, rêve, Parole ! […] Puisqu’ils doivent mourir, les êtres seront tout entiers dans leur regard, dans leur sourire, dans une simple parole, signes fuyants qui ne se reproduiront pas. […] C’est là ce qu’ils appellent de la musique en vers, des « romances sans paroles », comme dit Verlaine ; traduisez : des paroles sans pensées.
Servius, sur ces paroles du V. […] Un abregé est un discours dans lequel on réduit en moins de paroles, la substance de ce qui est dit ailleurs plus au long & plus en détail. […] La chose, c’est la voix ; la parole, c’est le mot, en tant que prononcé avec toutes les modifications établies par l’usage de la Langue que l’on parle. […] C’est le méchanisme de la parole qui produit toutes ces variétés, qui paroissent des bisarreries ou des caprices de l’usage à ceux qui ignorent les véritables causes des choses. […] Par le moyen des organes naturels de la parole, les hommes sont capables de prononcer plusieurs sons très-simples, avec lesquels ils forment ensuite d’autres sons composés.
La religion qu’on a pour lui n’a pas besoin d’être de la superstition, et rien n’empêche de reconnaître les hasards et les inégalités frappantes d’une parole jeune, qui atteindra sitôt d’elle-même à la plénitude de son éloquence. […] Louis XIV eut de tout temps la parole la plus juste, de même qu’il avait, dit-on, la rectitude et la symétrie dans le coup d’œil. […] Bossuet, dans la sphère supérieure de l’épiscopat, demeurait l’oracle, le docteur, un Père moderne de l’Église, le grand orateur qui intervenait aux heures funèbres et majestueuses ; qui reparaissait quelquefois dans la chaire à la demande du monarque, ou pour solenniser les Assemblées du clergé, laissant chaque fois de sa parole un souvenir imposant et mémorable. […] Une puissance surnaturelle qui se plaît de relever ce que les superbes méprisent s’est répandue et mêlée dans l’auguste simplicité de ses paroles.
Rocquancourt, quelques phrases de Montluc citées comme preuve de son aversion pour les armes à feu, tandis qu’au contraire, aucun capitaine avant lui ne s’en était aussi bien servi, et que, à en juger par ses propres paroles, il faisait grand cas de l’arquebuserie12. Et en effet, les paroles qu’on peut citer de Montluc contre l’invention de l’arquebuserie, et qui peuvent paraître piquantes d’expression, ne sont que des boutades ou des rancunes d’un vieux soldat qui en a été maltraité au visage13. […] Son défaut en tout temps, et même dans son moment le plus glorieux, était une promptitude de colère qui lui fit faire des choses sanglantes ; il en dit son mea culpa : « J’avais la main aussi prompte que la parole. […] [NdA] J’ai déjà indiqué quelques-unes de ses paroles contre cette invention du diable ; en voici d’autres.
Arnauld est mort chef d’un parti déclaré contre l’Église, étant lui-même ecclésiastique et d’un ordre dont la doctrine a toujours été sans reproche, eût voulu louer et préconiser un hérésiarque, reconnu par l’Église et la France pour tel, et que si le roi savait cela, etc… Santeul effrayé, et qui avait une pension du roi de huit cents livres, s’excusa en paroles, désavoua les vers comme il put ; mais Jouvency voulait une rétractation non pas seulement verbale, mais écrite. […] se levant même à moitié corps pour appuyer ces paroles, qui sont les dernières que je lui ai ouï prononcer, ne l’ayant point vu depuis. […] Et pourtant Saint-Simon aime trop à croire à ces morts violentes et à ces empoisonnements pour être cru sur simple parole. […] Avant de partir pour ce dernier voyage de Bourgogne, Santeul avait été en visite à la Trappe ; « il avait trouvé du goût pour tout ce qu’il y avait vu » ; mais ce goût avait été passager comme tout ce qui faisait impression sur cette organisation mobile ; et l’abbé de Rancé, en apprenant sa mort, que lui annonçait l’abbé Nicaise, écrivait (3 octobre 1697) : Il est vrai, monsieur, que je n’ai point reçu le paquet que vous me mandez que vous m’avez envoyé, et que ces paroles, Santolius Burgundus, me sont toutes nouvelles.
Il s’écriait d’un accent déchirant : « Si je pouvais trouver à vivre loin d’une Cour, dans un pays de liberté, je m’y traînerais à quatre pattes, mes enfants sur le dos. » A d’autres jours, à des moments moins irrités et moins amers, mais non moins tristes, il disait en paroles d’un découragement profond : « Combien je donnerais des années qui me sont encore destinées pour en passer une ou deux avec vous, au moins à portée de vous voir quelquefois ! […] Il était parvenu à réaliser le vœu qu’il exprimait avec tant de modestie : « Je tâcherai d’établir ma réputation dans votre amitié. » Avec quel transport il lui envoyait, tant qu’il le put et qu’il sut où l’atteindre, des paroles d’admiration sympathique et de tendresse : « Vous, que mon cœur poursuit dans tous les pays du monde, vous qui me tenez lieu des anges gardiens et du démon de Socrate ! […] Je sens qu’au fond je suis indisciplinable… Je ne peux ni sentir sur parole, ni écrire d’après autrui… » Poète, il n’aspire qu’à manifester la nature dans ses ouvrages en vers, et il ne s’aperçoit pas qu’il ne la manifestera jamais plus pleinement, avec plus de couleur et de chaleur, qu’à ce moment même où il en forme le dessein et où il en parle ainsi. […] Ducis n’a pas assez de paroles bonnes et charmantes pour le rassurer et le garantir contre les faiblesses de sa raison : « Pensez que Thomas et moi, nous vous plaignons et vous aimons, et qu’en ne vous interdisant pas le bonheur, vous ranimerez le cœur flétri de votre digne épouse.
Son père veut le marier ou fait semblant de le vouloir, et sur l’heure ; la suivante de Glycère, Mysis, très attachée à sa maîtresse, apprend cette nouvelle de quelques paroles échappées à Pamphile dans son trouble ; elle le voit hésitant, elle craint qu’il ne cède par égard pour son père, et qu’il n’abandonne cette jeune fille enceinte et tout près d’accoucher. […] Elles sont encore gravées dans mon cœur, les paroles que Chrysis m’a dites sur Glycère. […] » Ce sont là de ces passages qui ravissaient Fénelon : « Tout ce que l’esprit ajouterait à ces simples et touchantes paroles ne ferait, disait-il, que les affaiblir. » Le vœu de Tibulle se voyant en idée au lit de mort et tenant de sa main défaillante la main de son amie, Didon adjurant Énée au nom de tout ce qu’il y a plus doux et de plus sacré dans le souvenir, nous reviennent en mémoire ; mais Térence ici n’a rien à craindre à la comparaison. […] Mais ici M. de Belloy prend la parole et supplée à l’original dans un couplet soutenu et de la meilleure veine.
C’est encore un trait de sa façon… Vous voyez par là quel compte on peut faire sur lui et sa parole. […] Marie-Thérèse, dans ses lettres à sa fille, a toujours soin de dissimuler le jeune parti autrichien ardent, et de présenter une Autriche à son image, ayant les mêmes intérêts que la France, les mêmes inclinations, les mêmes ennemis naturels, bien différente en cela de la Prusse et de la Russie, qu’elle confond volontiers dans une « réprobation commune » : « Qu’on ne se flatte pas sur cette dernière, dit-elle en parlant de la Russie et de l’impératrice Catherine ; elle suit les mêmes maximes que le roi (de Prusse), et le successeur (Paul Ier) est plus Prussien que ne l’était son soi-disant père (Pierre III), et que ne l’est sa mère qui en est un peu revenue, mais jamais assez pour rien espérer contre le roi de Prusse, pas même des démonstrations : très-généreuse en belles paroles qui ne disent rien, ou, selon la foi grecque : Græca fides. […] « … Il serait bien malheureux que le repos de l’Europe dépendît de deux puissances si connues dans leurs maximes et principes, même en gouvernant leurs propres sujets ; et notre sainte religion recevrait le dernier coup, et les mœurs et la bonne foi devraient alors se chercher chez les barbares. » Elle fait un léger mea culpa sur l’affaire de la Pologne, sur ce partage où l’Autriche s’est laissé induire (le mot est d’elle), en se liant avec ces deux mêmes puissances qu’elle qualifie si durement ; elle a l’air d’en avoir du regret ; et l’on entrevoit pourtant, par quelques-unes de ses paroles, que si pareille chose était à recommencer, et si l’Autriche, abandonnée d’ailleurs, n’avait point d’autre ressource qu’une telle alliance, elle pourrait encore la renouer sans trop d’effort et jouer le même jeu, en se remettant à hurler avec les loups : « Car je dois avouer qu’à la longue nous devrions, pour notre propre sûreté ou pour avoir aussi une part au gâteau, nous mettre de la partie. » La femme ambitieuse laisse ici passer le bout de l’oreille. […] Dans les visites que nous allions faire dans l’après-midi du dimanche à notre aimable et cordial professeur, il nous entretenait souvent de ces idées de réforme, de ces plans d’amélioration pour le sort du grand nombre, de ces rêves de bon et philanthropique gouvernement et de régime sensé, humain, égal pour tous, essentiellement moderne ; le souffle, qui lui était venu, le matin, de cet ancien ami de Joseph II, respirait dans ses paroles et arrivait jusqu’à nous ; il nous communiquait, tout pénétré qu’il était, une véritable inspiration de bienfaisance.
Les Paroles d’un Croyant, non plus que le chapitre des Maux de l’Église, inséré à la fin du présent volume et assez anciennement composé, ne me semblent point, dans leur violence, sortir de ce rôle de foi, de cette inspiration d’un prêtre, non pas absolument sage, mais généreux et presque héroïque, et toujours le crucifix en main. […] … il y a eu une paille qui a fait défaut, et les mille anneaux du métal ont jonché la terre ; et cela, pour que l’esprit du siècle à la longue eût raison, pour que sa provocation incessante et flatteuse ne restât pas vaine, pour que cette parole de M. […] J’ouvre les Mélanges de 1825 : « On ne lit plus,… on n’en a plus le temps… Cette accélération de mouvement qui ne permet de rien enchaîner, de rien méditer, suffirait seule pour affaiblir et, à la longue, pour détruire entièrement la raison humaine. » Et en tête du livre de la Religion considérée dans ses rapports, etc. (1826) : « On ne lit plus aujourd’hui les longs ouvrages ; ils fatiguent, ils ennuient ; l’esprit humain est las de lui-même, et le loisir manque aussi… Dans le mouvement rapide qui emporte le monde, on n’écoute qu’en marchant… » On peut observer en règle générale que, de même que les livres de M. de La Mennais commencent tous par une parole empressée sur la vitesse des choses et la hâte qu’il faut y mettre, ils finissent tous également par une espèce de prophétie absolue. […] En tout cas, on a droit de réclamer là-dessus d’autre parole que celle-ci (page 179) : « Des sentiments nouveaux, de nouvelles pensées annoncent une ère nouvelle. » Ces derniers temps ont un peu trop usé le vague du symbole.
Guizot et dans des paroles bien senties de M. […] Ses paroles, doucement animées, coulaient avec une élégante facilité. […] Je rapporte ces paroles, moins encore pour peintre Cabanis que Droz lui-même. […] Ce témoignage est d’un homme dont les paroles, considérables de tout temps, ont pris plus d’autorité par sa mort généreuse ; c’est ainsi que M.
Il nous conseillait de prendre un avocat « ayant l’oreille des juges », un nom et une parole très peu sonores, une de ces médiocrités dont le néant attire sur ses clients une sorte de miséricorde ; enfin un de ces verbeux qui, doucement, platement, ennuyeusement, soutirent un acquittement comme une aumône. […] Il nous déclara que pour lui, il n’y avait aucun délit dans notre article, mais qu’il avait été forcé de poursuivre sur les ordres réitérés du ministère de la police, sur deux invitations de Latour-Dumoulin ; qu’il nous disait cela d’homme du monde à homme du monde, et qu’il nous demandait notre parole de ne pas en faire usage dans notre défense. […] Le substitut prit la parole, ne trouva pas grand-chose à dire sur les vers de Tahureau, ni sur une femme qui, dans notre article, rentrait de dîner, son corset dans un journal (le second passage souligné au crayon rouge), passa à un article de notre cousin de Villedeuil, qui mettait en doute la vertu des femmes, s’étendit longuement sur ce doute malhonnête, puis revint à nous ; et, pris d’une espèce de furie d’éloquence, nous représenta comme des gens sans foi ni loi, comme des sacripants sans famille, sans mère, sans sœur, sans respect de la femme, et, pour péroraison dernière de son réquisitoire — comme des apôtres de l’amour physique. […] À cette trouvaille bienheureuse, noyée dans une marée de paroles baveuses, nous sentîmes le murmure d’une cause gagnée courir l’auditoire… Mais ne voilà-t-il pas que la cause était remise à huitaine. « C’est cela, disions-nous, ils veulent faire passer notre condamnation au commencement, aujourd’hui, ils n’osent pas, l’auditoire nous est trop favorable. » Et cependant ce fut notre salut que cette remise de l’affaire.
C’est la perpétuelle revanche des grands idéalistes, ignorés de la foule — et de plus d’un de leurs amis — qu’en réalité ils habitent un autre monde, un monde créé par eux-mêmes, simplement évoqué par de simples paroles, car « tout verbe, dans le cercle de son action, crée ce qu’il exprime ». […] Mais quand on songe à sa grande jeunesse et quand on lit certaines strophes toutes frissonnantes d’inquiétude et de tristesse, on ne peut s’empêcher de penser au grand génie futur de ce jeune homme qui débute par des souffrances de doute et d’immenses désirs de foi, et dont la dernière parole écrite fut vraisemblablement celle-ci ajoutée au bas du manuscrit retouché à Axël : Ce qui est, c’est croire.
Léon Dierx : Les Paroles du vaincu. […] Paul Verlaine : Romances sans paroles.
Ce lirlie peut servir de type des mots étrangers qui entrent dans une langue à la fois par la parole et par l’écriture. […] Quand le mot est entré par la parole seule (ce qui est rare maintenant), on transcrira le son tel qu’il est perçu.
Quelle gloire pour l’un & l’autre Philippe, en parlant de son fils, écrivoit au philosophe : « Je rends moins grace aux dieux de me l’avoir donné, que de l’avoir fait naître pendant votre vie. » Paroles bien remarquables, ainsi que celles d’Alexandre, qui sont l’expression de la reconnoissance la plus vive : « Je dois le jour à mon père : mais, je dois à mon précepteur l’art de me conduire. […] Il se vit enveloppé dans les pièges séduisans de la plus subtile dialectique, & proféra ces paroles qui tombent sur son ancien disciple : Il a rué contre nous, comme un poulain contre sa mère.
Il est devenu sensible pour tous que les idées anciennes non seulement étaient décréditées, mais encore qu’elles étaient frappées d’une sorte d’obscurité qui les rendait inintelligibles au plus grand nombre ; comme les paroles de cette fille de Priam, qui étaient empreintes du sentiment de l’avenir, mais à qui le don d’imposer la croyance avait été refusé. […] Tous ces artifices de la parole, toutes ces ruses des affections et des souvenirs, ne produisaient aucune illusion, aucun entraînement.
« Scaliger a été, par ses bonnes parties, un des plus grands hommes qui aient vécu depuis les Apôtres. » Et le médecin Fernel, ce moderne héritier de Galien, Gui Patin a, pour l’honorer, des paroles sans mesure ; il disait un jour à une personne de cette famille, « qu’il tiendrait à plus grande gloire d’être descendu de Fernel que d’être roi d’Écosse ou parent de l’empereur de Constantinople ». […] J’ai aussi une passion particulière pour Scaliger, des œuvres duquel j’aime et chéris les Épîtres et les Poèmes particulièrement ; j’honore aussi extrêmement ses autres œuvres, mais je ne les entends point… Ici se décèle plus naïvement qu’on n’aurait pu l’attendre la part de superstition et de croyance sur parole qui se mêlait à ces cultes et à ces admirations ultra-classiques de Gui Patin. […] L’esprit ainsi délassé, je retourne à ma maison, où, après quelque entretien avec mes livres, ou quelque consultation passée, je vais chercher le sommeil… La juste mesure des opinions et de la charte de Gui Patin est toute dans ces paroles : Ni réformation ni sédition, mais autant de franc-parler que possible ! […] Cette forme d’expression hyperbolique, je l’ai remarqué déjà, est celle qu’affectionne Gui Patin ; quand il avait ainsi lancé sa pensée dans une parole à outrance, bien imprévue, pittoresque ou même triviale, il était content : il avait l’hyperbole gaie et amusante. […] Ce sont là les dernières paroles d’un homme qui s’en va, dont la vue se trouble, et pour qui le livre de l’avenir est déjà clos et scellé.
J’ai fait autrefois quelques réserves à son sujet, lorsqu’il m’a semblé qu’on voulait le porter un peu trop haut ; j’en ferai peut-être encore quelques-unes ; mais ce sera le plus souvent en me servant de ses paroles mêmes et toujours en rendant hommage à son mérite, à son caractère et à ses vertus. […] Les paroles sont magnifiques : elles excèdent un peu la familiarité épistolaire M. […] Il y a, je le sais, de plus hautes vocations, et la vôtre est de ce nombre ; je les reconnais, je les honore, je les admire, en leur adressant toutefois ce conseil dont Bossuet fait honneur au grand Condé : qu’il faut songer d’abord à bien faire, et laisser venir la gloire après. » En même temps qu’il le tempère, il l’encourage, il l’élève, il l’exalte même : à ses conseils particuliers il mêle des paroles d’oracle, des éclairs de prophétie qui portent loin. […] Vos paroles n’eussent plus été bien comprises, et la prolongation indéfinie du silence avait des inconvénients graves à mes yeux. […] Vous me parez moi-même, mais avec tant de bonne grâce que, sans accepter toutes vos paroles, je n’ai cependant point à baisser les yeux.
Mais ces sortes d’adhésions, pour être valables et sincères, ne doivent se manifester que dans leur temps, et, jusqu’à cet invincible éclat intérieur, on n’y saurait mettre en paroles trop de mesure, je dirai même trop de pudeur. […] Le style de l’Essai sur l’indifférence, qui s’est épuré, affermi encore, s’il se peut, dans les deux écrits subséquents de l’auteur (la Religion considérée dans ses rapports, etc., et les Progrès de la Révolution), possède au plus haut degré la beauté propre, je dirai presque la vertu inhérente au sujet ; grave et nerveux, régulier et véhément, sans fausse parure ni grâce mondaine, style sérieux, convaincu, pressant, s’oubliant lui-même, qui n’obéit qu’à la pensée, y mesure paroles et couleurs, ne retentit que de l’enchaînement de son objet, ne reluit que d’une chaleur intérieure et sans cesse active. […] Pendant que lisait l’auteur, bien souvent distrait des paroles, n’écoutant que sa voix, occupé à son accent insolite et à sa face qui s’éclairait du dedans, j’ai subi sur l’intimité de son être des révélations d’âme à âme qui m’ont fait voir clair en une bien pure essence. […] L’abbé Gerbet a la logique aussi certaine, mais moins armée d’armes étrangères, une lucidité posée et réfléchie, persuasive avec onction et rayonnante d’un doux amour : l’abbé Lacordaire exprime plutôt le côté oratoire militant avec de la nouveauté et du jeune éclat ; il a l’hymne sonore toujours prêt à s’élancer de sa lèvre, et la parole étincelante comme le glaive du lévite. […] « Il y en avait aussi qui semblaient, dans un recueillement profond, écouter une parole secrète, et puis, l’œil fixé sur le couchant, tout à coup ils chantaient une aurore invisible et un jour qui ne finit jamais.
N’est-ce pas Guizot, le protestant rigide, qui applique à ce siècle si peu chrétien les paroles mêmes du Christ : « Il lui sera beaucoup pardonné, parce qu’il a beaucoup aimé ». […] Pour éclaircir ce que ces paroles ont peut-être de trop abstrait, il suffit de comparer Alzire à Pauline. […] Au temps de Louis XI, qui est bien près d’être celui de Machiavel, la ruse, le manque de parole sont procédés familiers ; la finesse dégénère en déloyauté, l’habileté en fourberie. […] On a repris pour les appliquer au livre ces paroles de l’Evangile : Vous connaîtrez l’arbre à ses fruits. — Le malheur est que les fruits du même arbre peuvent être singulièrement mêlés ; qu’il peut y en avoir côte à côte d’exquis et de pourris. […] Dans les moments de ferveur religieuse la prédication a des triomphes qui paraissent surnaturels ; des paroles tombées du haut de la chaire se traduisent aussitôt en actes passionnés ; ainsi, à la voix puissante de Savonarole, jeux, danses, tableaux et statues profanes disparaissent de la légère et païenne Florence et toutes les vanités mondaines sont brûlées solennellement sur la grande place, en compagnie du seigneur Carnaval, par une population fanatisée.
Pendant ce temps, il est encore devenu l’ami intime du corps des pompiers, pour lesquels, à l’occasion du bal qu’ils donnent tous les ans, il a peint un resplendissant transparent, une peinture de onze pieds, qui — amère ironie — lui a été payée par quelques paroles bien senties du préfet de la Seine, le félicitant de son désintéressement envers un corps qui rend de si grands services. […] Le bruit des paroles et des gens qui m’entourent me blesse et m’agace. […] Ici il ne mange plus, — car nous dînions, — sa voix devient amoureuse, son œil, plus vif, prend de la fixité, et avec sa haute parole, il nous emporte comme dans un monde de rêves et d’idées, où il fait jaillir, sous des mots, des éclairs qui nous montrent des sommets. […] Ce sont les aperçus religieux de Swedenborg, mais ça n’a pas de base… Malaise des esprits, trouble des âmes, religiosité remuant dans l’ombre, agitations sourdes de la veillée d’armes d’une suprême bataille livrée par le catholicisme, toute une mine de mysticisme couvant sous le scepticisme du xixe siècle, il y a de cela dans les paroles de mon dentiste, sous le coup de la question italienne, des lettres pastorales des évêques, de la levée de boucliers de l’Église en faveur du pouvoir temporel ; et il y a dans ces paroles comme l’annonce d’une sorte de fièvre et de délire des consciences ; et j’y vois, germant déjà dans le petit bourgeois éclairé, l’anarchie des croyances et le gâchis social que cela prépare dans un avenir très prochain.
« Car tu hais ma discipline, et tu rejettes mes paroles. […] Quelle ne fut pas, en effet, la puissance de ces paroles de feu des anciens prophètes, lorsqu’elles jaillirent dans le monde avec la parole évangélique, dont elles semblaient tantôt le mystérieux prélude, tantôt la sanction pénale ! […] Les terribles guerres civiles d’où sortirent la réforme et la grandeur de l’Europe, s’entretenaient aux sources de cette parole biblique dont le Psalmiste et les prophètes sont les coryphées ; et l’imagination des chrétiens d’Europe et d’Amérique en garda longtemps le rayon et l’empreinte. […] Bossuet seul et Racine ont retrouvé tout entier ce feu, couvert sous la parole des prophètes d’Israël : ou bien aussi parfois, dans le coin d’une église, quelque âme pieuse, en extase sur la leçon du jour, aura senti, dans la plus simple version de quelques fragments épars d’Isaïe, l’accent divin que lui aura révélé sa foi.
Il reconnaît trois sortes de paroles, le geste, la parole et l’écriture. […] Parce que le sourd de naissance qui n’entend pas la parole est muet, preuve que la parole est une chose apprise et non inventée ; 3º. […] Supposons un homme sauvage, ayant tous ses sens, mais point encore la parole. […] Si la parole est nécessaire à la manifestation de l’idée, et que la parole entre par les sens, l’âme dans une autre vie, dépouillée des organes du corps, n’a donc pas la conscience de ses pensées ? […] parole ineffable !
Camille Jordan eut un rôle actif dans tous ces événements et par la parole, et par la plume, et par le fusil quand il fallut combattre. […] Mais Camille se met un peu plus en avant que Royer-Collard, il se découvre davantage ; sa parole est plus véhémente, plus impétueuse, et il va quelquefois jusqu’à braver et à blesser l’adversaire. […] … » Mais il n’avait pas mesuré son expression, et une telle parole, tombant du haut de la tribune, prête beaucoup trop à la déclamation des partis. […] Il n’y a pas de ces paroles de feu qui restent, de ces flèches aiguës qui traversent les âges et atteignent au cœur de la postérité. […] Voilà mes propres paroles ; j’en atteste tous mes collègues.
Notre cordelier ne se déconcerta point : il répéta les mêmes paroles, & fit impression. […] Bientôt les uns & les autres se prirent de paroles. […] Il mettoit ces paroles dans la bouche de leur P. […] Le duc tiroit des paroles positives des uns & des autres ; mais aucun ne gardoit la sienne. […] Son air patelin & ses paroles emmiellées en imposèrent à beaucoup de monde.
C’est la parole la plus profonde qu’il ait jamais prononcée. […] Savons-nous jamais ce que pourra coûter de deuils et de douleurs à quelque inconnu la parole que nous prononçons aujourd’hui ? […] Elle rougit, baissa la tête et murmura quelques paroles que le sage n’entendit point. […] Julien Tiersot a bien raison de tenir cette œuvre, paroles et musique, pour une des plus belles inspirations du génie inculte. […] Et, comme elle achevait ces paroles, elle pleura amèrement.
La religion a été, dans la société du xviie siècle, la source vive de la parole publique ; et, comme le faisait très bien remarquer M. […] La vérité est, au contraire, que depuis le temps de Henri IV jusqu’au milieu du xviie siècle, la restauration du catholicisme se fait sentir dans la chaire par la gravité, la solidité de la parole chrétienne. […] L’objet qu’on ne doit jamais perdre de vue, c’est d’interpréter la parole de Dieu pour l’utilité du prochain ; il ne s’agit pas d’ignorer la rhétorique, mais de la manier délicatement ; c’est tout un art que de « faire parler Dieu » avec efficacité. […] On n’a donc, pour se faire une idée de sa parole, que les plans et brouillons qui représentent non sa prédication, mais la préparation de sa prédication. […] Sa parole s’appropriait très étroitement et très délicatement à son public434.
Il remettait entre les mains de ce saint homme au cœur tout frémissant encore des passions vaincues de la veille ; et c’est peut-être sous l’impression des premières douceurs que la parole de M. de Sacy avait fait couler dans son âme, qu’il écrivait sur un parchemin, en manière de mémorial, ces mots si pathétiques : « Joie, joie, pleurs de joie ! […] Avant de se passionner pour les remèdes à l’aide desquels la religion nous guérit, il avait admiré la profonde connaissance qu’elle a de nos maladies ; avant d’y croire comme à la seule certitude, il lui avait semblé, selon ses paroles, qu’on ne pouvait avoir que de l’estime pour une religion qui connaît si bien tous nos défauts. […] Pascal cherchera si ce Dieu n’a pas parlé en nous par une voix plus claire encore, et s’il n’y a pas quelque marque plus sensible à laquelle non seulement nous connaissons qu’il existe, mais nous sentons qu’il est présent : il nous fera voir sa trace sur cette terre où nous vivons ; il nous fera ouïr ses paroles ; il le rapprochera de nous sans l’abaisser. […] Quel gémissement égalera cette parole qui lui échappera un jour : « Il n’y a de certitude que dans la religion, et la religion n’est pas certaine. » Le doute assiège de tous côtés Pascal. […] Les mots n’y sont plus seulement des chiffres qui fixent l’esprit, ce sont des paroles sonores qui font vibrer toutes les cordes du cœur.
Adresse-t-il la parole à ses femmes ? […] Ce n’est pas là un enfant que l’on puisse amuser avec de belles paroles. […] Le cœur trop plein qui s’épanche en paroles reçoit du soulagement. […] Toujours à ma mémoire se représentent tes charmes enfantins, ton visage frais comme le lotus, orné tour à tour de sourires ou de larmes, tes premiers efforts pour exprimer ta pensée par des paroles. […] » La scène s’évanouit après ces paroles, et le peuple édifié sort du spectacle comme d’un temple, où le plaisir même sert de mobile à la religion et à la vertu.
Une parole modérée, pacifique, compatissante, pieuse au sens antique, s’y faisait entendre devant les guerriers. […] Il n’est pas indifférent, devant la postérité, d’avoir figuré au premier rang dans le cortège impérial et d’y avoir compté par sa parole. […] vraies paroles d’oracle ! […] La parole vive, spirituelle, brillante, y a son jeu, son succès, je le sais bien ; mais, tout à côté, la parole pesante y a son poids. […] Robespierre prit la parole, et, tout en approuvant Couthon, excusa bénignement l’intention des pétitionnaires.
Les paroles dans Shakspeare sont crues au-delà de ce qu’on peut traduire. […] Les actions répondent aux paroles. […] Il n’est plus maître des mots ; les paroles vides tourbillonnent dans sa cervelle, et sortent de sa bouche comme en un rêve. […] Et aussitôt elle joue au mariage avec lui, et fait prononcer par Celia les paroles solennelles. […] Plusieurs des paroles d’Hamlet sont moins bien placées dans la bouche d’un prince que dans celle de l’auteur.