Deschamps ; écoutons l’auteur des Dernières Paroles 21 nous la peindre au complet dans une de ses pièces les plus touchantes : C’était là mon bon temps, c’était mon âge d’or, Où, pour se faire aimer, Pichald vivait encor, Cygne du paradis, qui traversa le monde Sans s’abattre un moment sur cette fange immonde. […] Pour emprunter des paroles à l’auteur lui-même, je dirai aussi : Tout cela est très-bien, très-pur, très-dèlicat ; d’un vrai idéal, et à ravir26. […] Aussi, tandis que M. de Lamartine, avec sa noble négligence, demeure, en public et sous le soleil, le prince aisé des poëtes, l’auteur de Chatterton, dans son cercle à part et du fond de ce sanctuaire à demi voilé, en est devenu le patron réel, le discret consolateur par son élégante et riche parole, attentif qu’on l’a vu, et dévoué et compatissant à toute poésie.
Mais voici qui indique un sentiment plus vrai : Fanie était dans l’île de Cos, et Méléagre, absent, s’en était allé du côté de l’Hellespont ; il s’adresse ainsi aux voiles qu’il aperçoit du rivage ; « Navires bien frétés, légers sur les eaux, qui traversez le passage d’Hellé recevant au sein des voiles un Borée favorable, si quelque part vous apercevez sur le rivage dans l’île de Cos la petite Fanie regardant vers la mer bleue, annoncez-lui cette parole : « Belle épousée, ce n’est point sur un vaisseau qu’il reviendra ; il est homme à venir à pied, tant il t’aime128 ! […] Le ton de Méléagre semble s’épurer pour la célébrer : « Les Muses aux doux accents avec la lyre, et la parole sensée avec la Persuasion, et l’Amour guidant en char la beauté, t’ont donné en partage, ô Zénophila, le sceptre des Désirs ; les trois Grâces t’ont donné leurs dons. » Et il explique de toutes les manières, il commente avec complaisance ce triple don, cette voix mélodieuse qui le pénètre, cette forme divine qui darde le désir, ce charme surtout qui l’arrête : beauté, muse et grâce. […] « Fille de Tantale, Niobé, entends ma voix messagère de désastre, reçois la parole lamentable qui proclame tes angoisses ; délie le bandeau de tes cheveux, ô la malheureuse, qui n’a mis au monde toute une race de fils que pour les flèches accablantes de Phœbus : tu n’as plus d’enfants !
A ce moment décisif et d’entrain universel, M. de La Rochefoucauld, qui aimait peu les hauts discours, et qui ne croyait que causer, dit son mot : un grand silence s’était fait ; il se trouva avoir parlé pour tout le monde, et chaque parole demeura. […] Un jour, peu de temps après la fatale nouvelle, la belle duchesse de Brissac, qui venait en visite, entrant par la porte opposée à celle du portrait, recula tout d’un coup ; puis, après être demeurée un moment comme immobile, elle fit une petite révérence à la compagnie, et sortit sans dire une parole. […] Il est fort bien disposé pour sa conscience ; voilà qui est fait… Croyez-moi, ma fille, ce n’est pas inutilement qu’il a fait des réflexions toute sa vie ; il s’est approché de telle sorte de ses derniers moments, qu’ils n’ont rien de nouveau ni d’étranger pour lui. » Il est permis de conclure de ces paroles, ajoute M.
» Animal ou arbre, elle le traite tout de suite comme une personne elle veut savoir sa pensée, sa parole ; c’est là pour elle l’essentiel ; par une induction spontanée, elle l’imagine d’après elle et d’après nous ; elle l’humanise. — On retrouve cette disposition chez les peuples primitifs ; et d’autant plus forte qu’ils sont plus primitifs ; dans l’Edda, surtout dans le Mabinogion, les animaux ont aussi la parole ; un aigle, un cerf, un saumon sont de sages vieillards expérimentés qui se souviennent des événements anciens et instruisent l’homme179. […] Car d’une part l’analyse de toutes les langues connues nous ramène aux racines, et d’autre part l’expérience nous donne les interjections et les imitations comme le seul commencement imaginable de la parole humaine.
Au lieu de parole, la nature semblait lui avoir donné le dessin, hiéroglyphe vivant et universel de la création. […] « L’œuvre divine en elle manifeste tellement l’ouvrier, qu’elle me ravit à lui par des impressions aussi divines, et que j’y puise intarissablement mes idées, mes inspirations, mes œuvres, mes paroles, dans le feu dont je brûle pour l’angélique modèle ! […] L’homme de génie purement littéraire, qui n’a pour œuvre que de sentir, de penser et de reproduire ses sentiments et ses pensées par la parole, peut concentrer toute sa force intellectuelle dans le siége inconnu de l’intelligence, et n’offrir aux yeux, sur son visage, que le miroir lucide et presque immatériel de sa pensée, la force de son âme est souvent attestée par la délicatesse et par l’immatérialité de son corps, la matière n’est qu’un poids pour lui ; plus son intelligence s’en affranchit, plus elle est intellectuelle.
C’est presque de la poésie avant la parole : c’est de la poésie de limbes, du rêve écrit. […] Je n’en veux qu’un exemple : Mystiques barcaroles, Romances sans paroles, Chère, puisque tes yeux Couleur des cieux… Puisque l’arôme insigne De ta candeur de cygne, Et puisque la candeur De ton odeur, Ah ! […] Poèmes saturniens ; la Bonne chanson ; Fêtes galantes ; Jadis et naguère ; Romances sans paroles (chez Léon Vanier) ; Sagesse (chez Victor Palmé).
Axenfeld déjà souffrant, d’abord silencieux, se levant tout à coup et dominant les paroles tumultueusement confuses : « Moi, s’écriait-il, je mourrai du cerveau », — et il se mettait à raconter sa mort, telle qu’elle arriva. […] C’est un musulman sérieux, qui depuis qu’il est ici, faute d’avoir trouvé un boucher, qui tue avec la parole consacrée, n’a pas encore mangé de viande, et n’en mangera pas pendant les deux mois qu’il restera ici. […] Vendredi 29 décembre Pillaut, le musicien, disait spirituellement, ce soir : « Oui, maintenant quand je parle, on m’écoute… et vous savez, lorsque je dis les choses les moins intéressantes, c’est autour de moi, un cercle de gens attentifs, approuvant mes paroles, de la tête.
Il proclamerait sans doute hautement, que les rayons presqu’éteints du dernier siècle ne peuvent pas être la lumière d’un nouvel âge ; il n’hésiterait pas, dans l’intérêt de l’art et de sa propre gloire, à se séparer de la mort pour s’attacher à la vie, et tout en éclairant les poètes de cette nouvelle école sur leurs défauts et leurs dangers, il les vengerait, par l’autorité de sa parole, des outrages de l’ignorance ou du pédantisme scholastique. […] Nous manifestons notre sentiment sur l’état actuel de la littérature et de la poésie en France, parce qu’il nous semble que la plus faible voix peut lancer quelques paroles utiles ; du reste, nous ne parlons que d’après notre profonde conviction, sans nous occuper du plus ou moins de succès des ouvrages que nous estimons, sans chercher à flatter l’opinion de la foule ni même à nous mettre en opposition avec elle. […] On y trouvera la traduction de la Cloche, de Schiller, et de la Fiancée de Corinthe, de Goethe, deux poèmes que Mme de Staël ne croyait point qu’on pût faire passer dans le vers français j’ai bien peur qu’on ne croie Mme de Staël sur sa parole et plus encore sur les miennes.
« Lorsque la reine sa mère, dit Joinville, apprit que la parole lui était revenue, elle en fit si grande joie, qu’elle ne pouvait faire plus. […] « Circé, est-il dit d’Ulysse dans Homère, retient ce héros malheureux et gémissant, et sans cesse par de douces et trompeuses paroles elle le flatte, pour lui faire oublier Ithaque : mais Ulysse, dont l’unique désir est au moins de voir la fumée s’élever de sa terre natale, voudrait mourir. » — Citant ce passage de Joinville, qui m’a rappelé celui d’Homère, Chateaubriand, au début de son Itinéraire de Paris à Jérusalem, où il a la prétention d’aller en pèlerin aussi et presque comme le dernier des croisés, tandis qu’il n’y va que comme le premier des touristes, a dit : « En quittant de nouveau ma patrie, le 13 juillet 1806, je ne craignis point de tourner la tête, comme le sénéchal de Champagne : presque étranger dans mon pays, je n’abandonnais après moi ni château, ni chaumière. » Ici l’illustre auteur avec son raisonnement me touche moins qu’il ne voudrait : il est bien vrai que, de posséder ou château ou simple maison et chaumière, cela dispose, au départ, à pleurer : mais, même en ne possédant rien sur la terre natale, il est des lieux dont la vue touche et pénètre au moment où l’on s’en sépare et dans le regard d’adieu.
Ce noble et bon vieillard a écrit dans ses dernières années d’admirables lettres où respire la poésie de la solitude, de la campagne, de la famille regrettée et perdue, de l’amitié toujours accueillie, et de la patrie céleste de plus en plus prochaine et souhaitée ; mais le même homme, qui a sous sa plume en prose des paroles douces et fortes comme le miel des déserts, ne trouve plus dans ses vers de la même date que des couleurs mêlées, inégales, et où le talent se relâche trop dans la bonhomie : ici, c’est l’art et l’originalité de forme qui a manqué. […] On voit qu’il est en garde contre le xviiie siècle de la France et qu’il s’en méfie : « Point de ces livres, scandale des tablettes, où d’impudents sensualistes se produisent eux-mêmes » ; point de ces livres non plus où le théâtre offre de trop près le vice qu’il croit guérir ; point de Voltaire, il le dit expressément, en le désignant comme « celui qui a bâti à Dieu une église et qui a raillé son nom. » Dans sa définition de ce qu’il veut qu’on évite et de ce qu’il conseille en fait de lecture, Cowper a des paroles qui sont encore à recueillir aujourd’hui : Une vie de dérèglement et de mollesse, dit-il, donne à l’âme un moule puéril, et, en le polissant, pervertit le goût.
Édouard Charton) il avait le droit, en le félicitant d’adresser ces sérieuses et cordiales paroles où respire la vraie morale sociale : « Vous voilà donc marié. […] « Je vis, me dit quelqu’un dont les paroles sont pour moi un témoignage, je vis Béranger quelques mois après l’Empire : Il était content ; il me dit « Ne voyez-vous pas que nous sommes à jamais délivrés du drapeau blanc ?
Ce joli chant, toutes les fois que je l’entends, air et paroles, me remet en souvenir quelqu’une des belles stances de Racan, ou je ne sais quel sonnet pastoral de Vauquelin de La Fresnaye, un écho de notre âge d’or gaulois. Je voudrais citer d’autres chants du Béarn qui sont à côté, et d’une mélancolie pénétrante ; mais donner les paroles sans la mélodie qui les anime, ce serait les trahir, et je passe à regret.
» Celui-ci, dégageant tout d’un coup son talent de parole comme une épée qu’on sort du fourreau, a saisi toutes les occasions éclatantes, les a rehaussées même par une affectation de singularité, et n’a pas craint de pousser à bout son antithèse absolue et provocatrice, de poser hautement sa contradiction à la fois monacale et libérale, mettant désormais quasi sur la même ligne (nouveauté étrange !) […] D’autres enfin, qui n’ont rien trahi parce qu’ils n’avaient rien promis, parce que leurs paroles n’excédaient pas leur pensée et que les réserves y étaient toujours présentes, et qui ne prétendirent guère jamais voir dans ces combinaisons réputées divines que les plus belles des espérances humaines, ont passé graduellement à l’observation, à la science, n’espérant plus que de là, tout bien considéré, la réalisation, bien lente et bien incomplète toujours, de ce qui doit affranchir notre espèce de ses lourds et derniers servages.
Je lui demanderai donc (en ne faisant ici que répéter ce que je tiens d’un amateur du théâtre, d’un de ces hommes de finesse, de rondeur et de sens, tels que Molière les eût aimés en son temps, et qui, en revanche, méditent et ruminent sans cesse leur Molière), je lui demanderai s’il sait quelle est la pièce en cinq actes, avec cinq personnages principaux, trois surtout qui reviennent perpétuellement, dans laquelle deux d’entre eux, les deux amoureux, qui s’aiment, qui se cherchent, qui finiront par s’épouser, n’échangent pas durant la pièce une parole devant le spectateur et n’ont pas un seul bout de scène ensemble, excepté à la fin pour le dénouement. […] Aimer Molière, c’est être guéri à jamais, je ne parle pas de la basse et infâme hypocrisie, mais du fanatisme, de l’intolérance et de la dureté en ce genre, de ce qui fait anathématiser et maudire ; c’est apporter un correctif à l’admiration même pour Bossuet et pour tous ceux qui, à son image, triomphent, ne fut-ce qu’en paroles, de leur ennemi mort ou mourant ; qui usurpent je ne sais quel langage sacré et se supposent involontairement, le tonnerre en main, au lieu et place du Très Haut.
Comme il est dans un âge où il n’a point encore acquis tout le pouvoir sur lui qu’il aura sans doute avec le temps, il lui échappe quelquefois de dire de certaines choses dont Madame Royale est informée, par le soin qu’on a de veiller continuellement sur ses actions et sur ses paroles… Ce qui doit augmenter l’inquiétude de Madame Royale, c’est qu’on voit que M. le duc de Savoie est vif, impatient et sensible, et que, dans les premières années de sa régence, elle l’a traité avec une sévérité dont à peine elle s’est relâchée depuis quelques mois… » Le jeune prince en était dès lors à éprouver pour sa mère un sentiment de répulsion et presque d’aversion. […] s’écriait Saint-Réal dans un transport d’éloquence, à quatorze ans sa parole est un gage inviolable… Vous le savez, ô la plus heureuse des mères !
Quand je dis qu’il l’exalte, je vais trop loin : il le décrit lui et son œuvre, mais il les décrit de telle sorte que sa parole rend le tableau à vous en faire venir l’impression au vif et jusqu’à la peau. […] Oui, même en sortant de lire, hier encore, l’intéressant et lumineux rapport de M. de Rougé sur les antiquités égyptiennes et sur ces quelques noms de plus arrachés à l’oubli, je ne pouvais m’empêcher de me redire cette parole.
Lorsqu’il a eu à parler de Mme Roland, comme s’il s’agissait avant tout de la disculper et de la défendre, il a essayé de diminuer son rôle actif auprès de son mari et sa part virile d’influence : il s’est refusé également à admettre qu’il se fût logé dans ce cœur de femme aucun sentiment autre que le conjugal et le légitime, ni aucune passion romanesque : « Écoutez-les, disait-il hier encore, en s’adressant par la pensée aux différents historiens ses prédécesseurs et en les indiquant du geste tour à tour : ceux-là, soit admiration sincère pour le mérite de Mme Roland, soit désir de rabaisser celui des hommes qui l’entouraient, voient dans la femme du ministre la tête qui dirige et son mari et les législateurs qui le fréquentent, et répétant un mot célèbre : Mme Roland, disent-ils, est l’homme du parti de la Gironde ; — ceux-ci, habitués à se laisser aller à l’imagination du romancier ou du poète, transforment l’être qu’ils ont créé en nouvelle Armide, fascinant du charme de ses paroles ou de la douceur de son sourire ceux qu’elle réunit dans ses salons ou qu’elle convie à sa table ; — d’autres enfin, scrutateurs indiscrets de la vie privée, se placeront entre la jeune femme et son vieux mari, commenteront de cent façons un mot jeté au hasard par cette femme, chercheront à pénétrer jusqu’aux plus secrets sentiments de son âme, compteront les pulsations de son cœur agité, selon que telle ou telle image, tel ou tel souvenir l’impressionne, et montreront sous un voile transparent l’être vers lequel s’élancent sa pensée et ses soupirs ; car à leur roman il faut de l’amour. » Et il ajoute, plein de confiance dans le témoignage qu’il invoque : « Mme Roland a raconté elle-même avec une simplicité charmante ce qu’elle a pensé, ce qu’elle a senti, ce qu’elle a dit, ce qu’elle a fait. » Eh bien ! […] J’ai connu personnellement cette femme dont la mort héroïque a expié l’égarement ; dont l’âme ardente et la tête ambitieuse eussent mérité un cloître ou une principauté ; dont l’esprit fin et turbulent était aussi propre à diriger des intrigues qu’incapable d’écrire avec fidélité les scènes d’horreur où elle n’avait pas craint de jouer un rôle. » Ce jugement est sévère, et je ne le donne qu’à raison de l’autorité que j’accorde aux paroles de Mallet du Pan.
Il nous la montre « aimable dans ses reparties, ingénieuse dans le détail de ses réponses et de ses propos ; ayant le cœur droit, excellent », très aimée, populaire même ; digne fille d’un vertueux père « qui avait répandu en elle toute la bonté et la candeur d’un monarque honnête homme ; ennemie de la dépense, souffrant des tourments réels et des supplices quand elle apprenait quelque calamité publique » ; une vraie mère des Français ; adoptant et admirant tout des grandeurs de la nation ; ne se considérant d’ailleurs que comme la première sujette de son époux : « Véridique avec le cardinal Fleury, hardie même auprès de lui plutôt que fausse, elle sortait, mais rarement, de cet état d’indifférence où elle s’était mise, et lui reprochait avec esprit et doucement les petites tracasseries qu’il lui faisait auprès du roi ; elle souriait un peu malignement, le déconcertait quelquefois et prenait alors le ton de reine de France ; elle lui disait que c’était à lui qu’elle était redevable d’une telle parole du roi. […] Le lendemain il adressa la parole à Mme de Luynes (dame d’honneur), et après lui avoir demandé pardon du scandale, il lui fit des excuses des peines qu’elle avait eues et dont il avait été cause. — Le roi était si occupé de cette idée, qu’il envoya le lendemain, dès quatre heures et demie du matin, réveiller Mme de Villars (dame d’atours), en qui il sait que la reine a beaucoup de confiance, pour lui demander si la reine lui avait pardonné. » Il ne manquait à ces excellents sentiments que de se soutenir, et la reine, dans sa piété confiante, dut espérer qu’il en serait ainsi.
Catinat y est montré au vrai, au naturel, en action, d’après ses œuvres et ses paroles ; il n’y a guère qu’à l’y découper pour le dessiner aux yeux et le faire saillir avec plus de relief et de singularité qu’on ne se le permettait autrefois dans les plus beaux Éloges académiques. […] on en appelle à lui-même, à sa loyauté, et, comme disait le duc, à sa « sacro-sainte » parole ; on ne pourrait que se résigner sans doute à la soumission, étant le plus faible, mais on se refuse à ratifier.
Il paraît de plus qu’il était un grand bavard, ce qu’on appelle un moulin à paroles. […] Il est heureux pour lui qu’il sache tant de choses ; car, du train dont il y va, un fonds médiocre serait épuisé en une demi-heure. » — Qu’on mette en regard ce profil de Villoison avec la figure de Wolf, le maître éminent, le grand professeur, dont chaque parole porte et pénètre, et qui dispose d’une érudition « toujours vraie, sobre et forte », ainsi que l’a définie M.
Cela est sensible à qui lit l’Exposition du Système du Monde, de La Place, le modèle du genre : il y a des endroits où on lit des yeux l’énoncé d’une formule que le mathématicien seul comprend : le profane est réduit à l’accepter ; il doit en croire son auteur sur parole et passer outre. […] La Place concluait par ces mémorables paroles en quelque sorte définitives : « L’astronomie, par la dignité de son objet et la perfection de ses théories, est le plus beau monument de l’esprit humain, le titre le plus noble do son intelligence.
Gautier en parlant de Théophile, c’est d’un véritable grand poëte que nous allons parler. » — Et à propos de Saint-Amant : « C’est, à coup sûr, un très-grand et très-original poëte, digne d’être Cité entre les meilleurs dont la France puisse s’honorer. » Voilà des paroles positives. […] L’historien de Louis XIII, dans le compte exact et fin qu’il nous rend des vicissitudes du poëte, n’a pas de peur plus grande que celle de paraître l’admirer ; sa parole discrète et correcte est comme armée à demi-mot d’une épigramme continuelle.
Je conçois, Messieurs (et d’assez beaux noms autour de moi me le disent), que le divorce entre les différentes applications de la pensée ait cessé de nos jours, qu’un noble esprit habitué à tenter les hautes sphères, à parcourir la région des idées en tous les sens, ne se croie pas tenu à circonscrire son activité sur tel ou tel théâtre, qu’il ne renonce pas à sa part de citoyen, à faire peser ou briller sa parole dans les délibérations publiques, à compter dans l’État ; — je conçois, Messieurs, et même j’admire un tel rôle ; mais ce n’en est pas moins un aimable contraste que cette modération de désirs et, si l’on veut, d’idées, chez un homme aussi distingué, aussi désigné, et qui pouvait espérer beaucoup. […] Mais en prolongeant, Messieurs, je m’aperçois que je cours risque de répéter involontairement ceux qui lui ont payé ce jour-là sur sa tombe le tribut de douleur de la France, et que je rencontre surtout cette parole gravement éloquente57 qui fut alors votre organe, qui l’est encore aujourd’hui, et devant laquelle il est temps que je me taise.
Il leur enseigna en même temps de garder le silence sur l’objet de la cérémonie, de prier Dieu dans leur cœur et de se taire devant le bargello, pendant que lui, le père Hilario, dirait la messe des morts et que l’enfant de chœur qui servirait la messe entendrait, sans les comprendre, les paroles latines prononcées par le prêtre sur la tête des deux fiancés. […] …………………………………………………………………………………………………………… J’aurais voulu assister à cette scène de retour et de l’amour dans cette solitude ; puis, je réfléchis que le bonheur suprême a ses mystères comme les extrêmes douleurs que rien ne doit profaner à de tels moments et à de tels retours que l’œil de Dieu ; que je gênerais involontairement, malgré moi, l’échange de sentiments et de pensées qui allaient précipiter ce beau jeune homme des bras de sa sposa aux bras de son oncle et de sa mère dans des paroles et dans des silences que ma présence intimiderait et qui ne retrouveraient plus jamais l’occasion de se rencontrer dans la vie.
L’amour se glisse, avec une pudeur exquise, dans le serrement de main et dans les paroles de cette réconciliation tendre et grave. […] Puis, à l’idée de perdre la parole, s’il le laisse partir, il se résigne subitement.
Son beau-père lui-même, le père Maurice, l’y engage par toutes sortes de paroles sensées et positives, et Germain s’y rend, bien qu’à regret. […] On y peut voir aussi, à quelques-unes de ses paroles, une protestation contre la société au nom des êtres disgraciés et intelligents ; mais, ici, toutes ces idées sont arrêtées à point et revêtues de formes si vivantes, si gracieuses et si peu philosophiques, qu’on n’a le temps ni l’envie de les discuter.
Cette charmante femme méritait certes bien des exceptions ; une telle parole toutefois est ingrate et fausse. […] À côté de ces étranges paroles que j’abrège et que j’affaiblis encore, se trouve cet autre aveu qu’il a varié depuis et répété sur tous les tons : Je m’ennuie de la vie ; l’ennui m’a toujours dévoré : ce qui intéresse les autres hommes ne me touche point.
Son génie lui parla ; un état médiocre ne lui parut point valoir assez pour être mis en balance avec cette destinée nouvelle qu’il tenait entre ses mains : « Il vaut mieux, pensa-t-il, déroger à sa qualité qu’à son génie » ; et, se reportant aux grandes actions qu’il avait été donné à d’autres plus heureux d’exécuter, il se dit : « Qu’il paraisse du moins, par l’expression de nos pensées et par ce qui dépend de nous, que nous n’étions pas incapables de les concevoir. » Cette prédominance, cette préoccupation toujours présente de l’action et de l’énergie vertueuse, supérieure et préférable à l’idée elle-même, est un des caractères du talent littéraire de Vauvenargues, et elle contribue à conférer aux moindres de ses paroles une valeur et une réalité qu’elles n’auraient pas chez tant d’autres, en qui l’auteur se sent à travers tout. […] Telle est l’inspiration générale de Vauvenargues, celle par laquelle il rompt avec les moralistes du siècle précédent comme avec ceux de son siècle, et qui lui arrachera cette belle parole digne d’un ancien : « Nous sommes susceptibles d’amitié, de justice, d’humanité, de compassion et de raison.
Frédéric, malgré le tort qu’il s’est fait par certaines de ses rhapsodies et de ses paroles, par le cynisme affiché de ses impiétés et de ses goguenarderies, et par cette manie de versifier qui fait toujours sourire, est un vrai grand homme, un de ces rares génies qui sont nés pour être manifestement les chefs et les conducteurs des peuples. […] On a cherché à établir une contradiction entre les paroles et les écrits de Frédéric, adepte de la philosophie, et ses actions comme roi et comme conquérant.
J’aime à citer ici ces paroles reconnaissantes et à les opposer à tant d’autres récits moqueurs et dénigrants, parce qu’en effet, malgré bien des fautes et des emportements qui prêtaient au ridicule, j’ai cru sentir un fonds généreux chez La Harpe, et que nul n’a été plus cruellement exposé à la férocité des amours propres, que le sien, du reste, ménageait si peu. […] Par son attitude, par son excellent débit de lecture comme par la qualité de sa parole, il justifie bien ce mot de Voltaire : « Vous avez toujours été fait pour le noble et l’élégant, c’est votre caractère. » Nous avons là un La Harpe critique encore, mais non plus polémiste, professeur et non plus journaliste.
Laurent-Pichat s’est détaché depuis et s’est fait remarquer par ses Libres paroles (1847), où il a trouvé pour l’expression de ses sentiments, de ses doutes, de ses interrogations généreuses, plus d’un accent et d’un cri où l’on surprend comme un écho de Byron. […] Laurent-Pichat s’est cru obligé, depuis, en vertu de ses principes politiques, de me rendre ce salut que je lui donnais au passage, et d’y répondre par des paroles d’offense et de dénigrement.
Disons vite que l’intention du gouvernement d’alors ne paraît jamais avoir été que l’arrêt de mort fût exécuté : le baron de Damas, devenu à ce moment ministre de la Guerre, croyait pouvoir répondre de la grâce et de la clémence du roi ; mais c’était une grâce, et Carrel, fort de la capitulation et des paroles données, croyait pouvoir réclamer pour lui et pour ses compagnons de fortune un droit. […] L’imprévoyance des deux côtés est la même : la déclaration de Breda, comme la déclaration de Saint-Ouen, ou comme les promesses venues d’Hartwell qui avaient précédé, est acceptée sur parole ; on ne stipule point les droits, on accepte comme octroyé ce qui aurait pu être l’objet d’un contrat.