Quoique historien et moraliste, il n’est enchaîné ni aux lois du genre historique, ni à la forme des traités de morale. […] De là, dans les écrivains des deux époques, tant de choses données à l’imagination tournée vers l’étude de l’homme intérieur, et je ne sais quels romans psychologiques sur notre nature morale. […] A combien peu d’esprits le doute ne plaît-il pas, soit à cause de la faiblesse de notre attache à la vérité, soit, quelquefois, à titre de morale commode ! […] Les sujets de ses chapitres sont tantôt quelque axiome de morale, tantôt une vertu, une passion, une coutume, quelqu’un des mobiles qui font agir les hommes. […] Il écrit tour à tour sur la poésie, la médecine, l’histoire naturelle, la politique, les religions, la morale, selon ses humeurs et sa guise ; s’intéressant à toutes ses idées, négligeant les transitions, n’émoussant pas les vives pointes de son esprit dans le travail patient de l’arrangement.
Ce que le poète, dans ces prouesses d’art pur, laisse échapper de sentiments délicats et d’aperçus fins sur la vie morale, fait regretter qu’il n’ait pas eu plus souvent besoin de tourner du dehors au dedans un œil qui voit si bien, et qu’il ait semblé parfois se servir de l’art, comme les Orientaux de l’opium, pour se dérober aux souffrances de la pensée. […] Le caractère philosophique de ces livres, la morale tirée des événements, la profondeur et la gravité des maximes ; des vues supérieures et des leçons éloquentes sur la part de chacun dans la bonne et la mauvaise fortune des sociétés ; plus de penchant pour le principe d’autorité que pour le principe de liberté, dans une conviction égale de la nécessité des deux choses pour la bonne conduite et pour la gloire des sociétés humaines : toutes ces qualités indiquent que les nobles habitudes de l’enseignement public ont passé par là. […] C’est là son objet : tirer des lettres un enseignement pratique, songer moins à conduire l’esprit que le cœur, prendre plus de souci de la morale que de l’esthétique. […] C’étaient de belles fêtes pour l’esprit que ces leçons où l’exposition la plus lucide mettait sous nos yeux les quatre systèmes élémentaires nés des premières réflexions de l’homme sur lui-même, sensualisme, idéalisme, scepticisme, mysticisme ; où la dialectique la plus pénétrante démêlait le vrai d’avec le faux dans chaque système, et combattait les erreurs de l’un par les vérités de l’autre ; où l’éloquence, inspirée du seul intérêt de ces hautes matières, nous rendait quelque chose de l’ampleur de Descartes et de l’éclat de Malebranche ; où, charmés et persuadés, nous sentions notre nature morale s’élever et s’améliorer par les mêmes plaisirs d’esprit qui formaient notre goût. […] Les gens de goût ont fait parmi ses œuvres un choix de quelques romans où la beauté morale se joint à la beauté poétique.
Notre art de penser, notre manière de sentir, de goûter la vie, d’imaginer l’amour, voilà nos trésors les plus chers. » C’est la singularité d’Hugues Rebell, que ce contempteur de la morale religieuse et sociale fut un moraliste à rebours, réclamant la liberté des instincts et rêvant d’hommes capables de produire des œuvres viriles. […] Tandis que le beau livre de Renan, la Réforme intellectuelle et morale, si plein de pensées fortes, neuves, lumineuses, est à peu près inconnu des jeunes gens, et n’eut à son apparition qu’un tout petit succès d’estime dans le monde des lettres, l’œuvre de M. […] Quant à M. de Goncourt, son Journal a une valeur bien plus pathologique que morale et littéraire. […] Oui, je l’aime, je l’aime pour tout ce qu’il y a dans son œuvre d’encouragement à vivre, je l’aime pour son grand cantique à la nature, bien que ce soit le cantique d’un protestant, je l’aime parce qu’il n’a rien des superstitions modernes et qu’il est d’une parfaite irrévérence, comme doivent l’être tous les grands esprits aux nouvelles idoles de la démocratie, à ses prétendus grands hommes et à ses dieux et déesses : sainte Morale, sainte Science, sainte Hygiène, sainte Dignité, saint Progrès, saint Socialisme, etc. […] L’homme bas ne voit pas les liens qui l’unissent aux autres êtres, il agit pour lui-même ; seulement, autrefois, il y avait une vieille morale qui lui faisait honte de sa vilenie, et parfois l’orgueil le rendait humain.
IX Mais si nous considérons l’institution littéraire de l’Académie française à un autre point de vue, c’est-à-dire au point de vue de l’autorité morale, de l’indépendance et de la dignité de la pensée en France, l’institution de l’Académie change d’aspect et mérite la plus sérieuse considération dans l’esprit public. […] Il donne trop à entendre que la révolution française n’était point une révolution morale, intellectuelle, mais un simple redressement d’abus, redressement d’abus entraîné hors de sa voie et au-delà de son but par une force d’impulsion égarée et par les passions soulevées en chemin dans le tumulte d’une réforme. […] Les instruments étaient des hommes, il leur fallait en perspective un salaire humain ; mais la révolution n’était rien de tout cela ; elle n’était pas corps, elle était idée ; elle n’était pas intérêt, elle était dévouement ; elle n’était pas civile, elle était morale. […] Le crime est précisément l’inverse de toute politique ; car toute politique n’est que la morale divine appliquée par la grande conscience des hommes d’État au gouvernement des nations : le crime au contraire n’est que l’immoralité humaine appliquée par l’impuissance ou par la perversité de la fausse conscience des ambitions au succès de leur cause ou de leur fanatisme. Le crime n’est que le sophisme de la politique ; c’est la morale qui en est la vérité.
Qu’autant les extériorités sont splendides, autant est profonde la faiblesse morale du Gaulois après ces quatre siècles et demi de vie romaine ? […] Leur dénaturation fut, comme nous lavons vu, aussi complète qu’il était possible, affectant la vie matérielle, morale et intellectuelle de l’ancien barbare. […] Nous expions maintenant pour nos pères qui ne surent pas préserver leur ingénuité morale. […] Ce serait comme le cœur de la communauté, le centre de son existence morale, la conscience du groupe. […] J’estime cette loi profondément morale, au sens cosmique.
Rien n’est plus vrai que cette idée, d’une vérité plus morale et plus profonde. […] Sa vie morale est aussi fort contradictoire ; il vit de plusieurs manières, et on pourrait dire en plusieurs fois. […] Voyez un peu cependant le respect qu’inspirent la force morale et la noblesse de caractère ! […] En esthétique comme en morale et en politique, rien ne vaut l’observation directe, attentive, patiente de la vie et de la réalité. […] L’illusion morale de la réalité lui suffit ; il n’a pas besoin de l’illusion matérielle et sensible.
Il avait aussi rencontré lord Chesterfield, écrivain élégant, mais d’une morale un peu relâchée, même dans les conseils qu’il donne à son fils, enfant naturel qu’il promenait à travers le monde. […] Un tel être pouvait à tous les instants s’oublier lui-même ; les philosophes l’ont averti par les lois de la morale. […] » Mauvaise généralité, inappliquée et inapplicable, qui n’est ni sensée ni morale, parce qu’elle n’est pas vraie. […] « Approchez des pays du Midi, vous croirez vous éloigner de la morale même ; des passions plus vives multiplieront les crimes ; chacun cherchera à prendre sur les autres tous les avantages qui peuvent favoriser ces mêmes passions. […] Aristote écrivait de la politique plus solide ; Machiavel, plus intelligente, en mettant de côté la pure morale ; Platon, Fénelon, J.
Ils partageaient leur temps entre la pratique des devoirs religieux, le soin de l’enseignement, quelques travaux manuels, à l’exemple des anciens solitaires, et des écrits sur des sujets de morale ou de piété. […] Plus moraliste que théologien, il avait fait de la polémique pour sa compagnie et par devoir : la paix, qui le rendait à ses études de morale, le rendait à lui-même. […] Dans Nicole je ne vois qu’une raison douce qui éclaircit à loisir quelques principes de morale chrétienne. […] Tel est le style de Nicole, dans ce petit traité si substantiel, et tel est aussi le style de ses Essais de Morale, qu’on lirait plus s’ils étaient moins longs. […] La Logique y a pourvu dans la partie qui traite de la morale.
Questions d’art et de morale par M. […] Mais, à tout instant M. de Laprade pose un fait faux, et il édifie là-dessus toute une théorie historique et morale. […] Il se pose gravement cette question : « Examinons, dit-il, cette idée du haut de la morale et de l’histoire.
L’étude littéraire me mène, ainsi tout naturellement à l’étude morale. […] L’observation morale des caractères en est encore au détail, aux éléments, à la description des individus et tout au plus de quelques espèces : Théophraste et La Bruyère ne vont pas au-delà. […] On peut jusqu’à un certain point étudier les talents dans leur postérité morale, dans leurs disciples et leurs admirateurs naturels.
La vie de Jésus, le scandale qu’il cause par sa prédication et sa vertu même, l’attentat commis en sa personne par la Synagogue, sa condamnation et son supplice, sont résumés en une page touchante : « Le Juste est condamné à mort : le plus grand de tous les crimes donne lieu à la plus parfaite obéissance qui fut jamais. » — Autant j’ai pu paraître en garde précédemment, autant je dirai ici en toute conviction que ces pages admirables par la simplicité et la beauté morale de l’expression sont en bonne partie vraies, de quelque côté qu’on les envisage. Il fallait bien, en effet, tout cela, tout ce sacrifice, toutes ces vertus, toutes ces croyances, pour que des pauvres et des souffrants trouvassent en eux la force d’entreprendre une telle œuvre que celle de sauver, de tirer des duretés et des cruautés, d’affranchir de l’esclavage, de régénérer enfin le monde, et pour faire faire à la masse de l’humanité un si grand pas que celui qui l’éleva de la morale du paganisme à la morale chrétienne.
Je m’arrête ; quelques lecteurs croiraient peut-être que je confonds la fermeté, la tenue, la constance avec la chaleur, l’enthousiasme, la fougue : Amène cède aux circonstances, à la raison, et croit pouvoir offrir quelques sacrifices à la paix, sans descendre des principes dont il fait la base de sa morale et de sa conduite… » La morale d’Amène, pas plus que celle de Laclos, gardons-nous d’en trop parler ! […] Je ne l’aimai jamais, et je me reproche d’autant plus de n’avoir pas assez résisté à cette séduction ; je me blâme comme particulier, et encore plus comme législateur, qui croit que les vertus de la liberté sont aussi sévères que ses principes, qu’un peuple régénéré doit reconquérir toute la sévérité de la morale, et que la surveillance de l’Assemblée Nationale doit se porter sur ces excès nuisibles à la société en ce qu’ils contribuent à cette inégalité de fortune que les lois doivent tâcher de prévenir par tous les moyens qui ne blessent pas l’éternel fondement de la justice sociale, le respect de la propriété.
En revanche, j’ai sous les yeux une suite de réflexions et de retours de Sénancour sur lui-même, qui, tout en laissant à désirer pour la précision du détail, ne sont autre chose qu’une autobiographie morale. […] « La vie morale même d’un homme dépend du sort, etc. […] Le défaut de force dans les membres, l’impossibilité de dire : « Je vivrai dans toutes les situations où un homme peut vivre ; » cet assujettissement joint à l’immense difficulté de soutenir une femme, des enfants, sans revenus fixes, sans autres moyens que des débris à recueillir à des époques inconnues, sans état (même très-longtemps sans papiers et sans droits de citoyen), sans dettes, sans aucune intrigue, surtout aussi avec le sort contre soi, avec ce qu’on appelle du malheur (excepté la faveur marquée du sort en 1798 et en quelques autres circonstances rares), tout cela a rendu ma vie morale laborieuse et triste.
La psychologie de l’Italien n’est pas logique ou morale : elle est individualiste ; elle ne cherche pas à corriger, elle s’adapte ; elle s’adapte dans les formes et sauvegarde la liberté dans les interprétations. […] Enfin la civilisation millénaire lui donne ce respect de la beauté, qui est une grande morale et qui s’exprime en un mot intraduisible : la gentilezza. […] Mais d’autre part l’Italie participe à la crise sociale, intellectuelle et morale que notre civilisation traverse en ce moment et dont l’expression littéraire est surtout dramatique ; elle est soumise ainsi à des influences qui sont en conflit avec le développement national.
En suivant l’histoire des éloges, et cette branche de la littérature, depuis les Égyptiens et les Grecs jusqu’à nous, on a pu remarquer les changements que ce genre a éprouvés, les temps où il était le plus commun, l’usage ou l’abus qu’on en a fait, et les différentes formes que la politique, ou la morale, ou la bassesse, ou le génie lui ont données. […] Elle crut qu’il valait mieux présenter la vertu en action, que des lieux communs de morale, souvent usés. […] Faites agir ou penser les grands hommes ; vous verrez naître vos idées en foule ; vous les verrez s’arranger, se combiner, se réfléchir les unes sur les autres ; vous verrez les principes marcher devant les actions, les actions éclairer les principes, les idées se fondre avec les faits, les réflexions générales sortir ou des succès, ou des obstacles, ou des moyens ; vous verrez l’histoire, la politique, la morale, les arts et les sciences, tout ce système de connaissances liées dans votre tête, féconder à chaque pas votre imagination, et joindre partout, aux idées principales, une foule d’idées accessoires.
Lintilhac l’a analysé et apprécié, fond et forme, langue, esprit et morale, puisqu’il y a de la morale dans Gil Blas, et de la vraie, a-t-on prétendu. […] Ni sa morale ne s’est affinée, ni son cœur ne s’est haussé. […] L’homme d’esprit est un assaillant qui nous vise ; le personnage comique, la victime toute passive d’une cécité morale. […] Descotes ajoute peu à ce que nous savons de sa haute distinction morale. […] Pas de vie morale sans cela.
En fait de tromperie, le plus ou le moins n’est pas une affaire. » Raisonnement aussi faux en littérature qu’en morale. […] La Harpe ne pardonne point à Bajazet ses scrupules et sa probité sévère : il pense qu’on peut bien se permettre une fausse promesse, quand il s’agit de la vie et du trône ; il traite de folie la morale trop rigoureuse de ce jeune Turc. […] Les apologues sont déplacés au théâtre ; la morale y doit être dans l’action générale de la pièce, et non dans des fables particulières dont il ne résulte aucun intérêt. […] On aimait beaucoup alors les bouffonneries, et le bas comique n’attachait pas assez d’importance à la comédie pour y chercher les sentiments, la délicatesse, la morale ; on ne regardait point du tout ce divertissement comme une école de mœurs et de vertu. […] On faisait ce reproche à l’auteur, même de son temps, et il y répondait en sophiste : action filée avec art, disait-il, vaut mieux que des tirades parasites et des lieux communs de morale.
lui crie la morale du monde. […] Cela en fait la valeur morale. […] Telle est la « morale d’espèce » qu’essaie de créer la philosophie contemporaine. […] La morale a fait prévaloir au-dessus des considérations de l’intérêt l’idée du devoir. […] La valeur « morale » n’eu est pas moindre.
Débarrassez l’homme de la morale, il est exquis : voilà Diderot. […] Renouvier fonde le droit individuel sur la dignité de l’homme considéré comme personne morale. […] Il y a là, parallèlement, l’agonie physique et morale du malade et l’agonie morale de la jeune femme, dans tout leur développement, et comme suivies pas à pas. […] Ce fut une crise toute morale. […] Elle leur a ôté ainsi toute valeur morale ; soit ; mais elle ne les a pas détruites pour cela.
La nature morale dans les esprits ardents tend toujours à quelque chose de complet, et l’on veut étonner par le crime, quand il n’y a plus de grandeur possible que dans son excès ; l’agrandissement de soi, ce désir qui, d’une manière quelconque, est toujours le principe de toute action au-dehors, l’agrandissement de soi se retrouve dans l’effroi qu’on fait naître. […] Il n’est peut-être point de tyran, même le plus prospère, qui ne voulut recommencer avec la vertu, s’il pouvait anéantir le souvenir de ses crimes : mais, d’abord, il est presque impossible, quand on le voudrait, de persuader à un coupable qu’on l’absout de ses forfaits, l’opinion qu’un criminel a de lui-même est d’une morale plus sévère que la pitié qu’il pourrait inspirer à un honnête homme ; si, d’ailleurs, il est contre la nature des choses qu’une nation pardonne, quand même son intérêt le plus évident devrait l’y engager.
Ces travaux suspendent l’action de l’âme, dérobent le temps, ils font vivre sans souffrir ; l’existence est un bien dont on ne cesse pas de jouir ; mais l’instant qui succède au travail, rend plus doux le sentiment de la vie, et dans la succession de la fatigue et du repos, la peine morale trouve peu de place. […] C’est surtout en combinant, en développant des idées abstraites, en portant son esprit chaque jour au-delà du terme de la veille, que la conscience de son existence morale devient un sentiment heureux et vif ; et quand une sorte de lassitude succéderait à cette exertion de soi-même, ce serait aux plaisirs simples, au sommeil de la pensée, au repos enfin, mais non aux peines du cœur, que la fatigue du travail nous livrerait.
Ce qu’il demande, c’est une influence intime et secrète, analogue à celle de l’électricité, qui, sans rien communiquer d’elle-même, développe sur les autres corps un état semblable ; ce qu’il blâme, c’est la tentative de ceux qui veulent trouver chez les modernes la matière suffisante d’une éducation esthétique et morale. […] L’éducation philologique ne saurait consister à apprendre la langue moderne, l’éducation morale et politique, à se nourrir exclusivement des idées et des institutions actuelles ; il faut remonter à la source et se mettre d’abord sur la voie du passé, pour arriver par la même route que l’humanité à la pleine intelligence du présent.
Nature du sujet, sagesse du plan, ordonnance des tableaux, fraîcheur du coloris, choix des ornemens, richesse des détails, naturel des descriptions, vérité des caracteres, finesse de morale, tout y fait sentir cette heureuse facilité inconnue avant lui. […] Quelle variété de sujets, de dessein, d’exécution, de costume, d’images, de tours, d’expressions, de morale !
Mais ce geste arbitraire sitôt qu’il apparaît sous la conscience prend une signification morale et rationnelle. […] En politique, en morale, en sociologie, en religion, en philosophie, le conservateur de la doctrine ancienne et le révolutionnaire le plus acharné à détruire les vérités présentes se confondent dans l’identité d’une même foi.
Mais lorsque, sous les rapports chrétiens, on vient à penser que l’histoire des Israélites est non seulement l’histoire réelle des anciens jours, mais encore la figure des temps modernes ; que chaque fait est double, et contient en lui-même une vérité historique et un mystère ; que le peuple juif est un abrégé symbolique de la race humaine, représentant, dans ses aventures, tout ce qui est arrivé et tout ce qui doit arriver dans l’univers ; que Jérusalem doit être toujours prise pour une autre cité, Sion pour une autre montagne, la Terre Promise pour une autre terre, et la vocation d’Abraham pour une autre vocation ; lorsqu’on fait réflexion que l’homme moral est aussi caché sous l’homme physique dans cette histoire ; que la chute d’Adam, le sang d’Abel, la nudité violée de Noé, et la malédiction de ce père sur un fils, se manifestent encore aujourd’hui dans l’enfantement douloureux de la femme, dans la misère et l’orgueil de l’homme, dans les flots de sang qui inondent le globe depuis le fratricide de Caïn, dans les races maudites descendues de Cham, qui habitent une des plus belles parties de la terre91 ; enfin, quand on voit le Fils promis à David venir à point nommé rétablir la vraie morale et la vraie religion, réunir les peuples, substituer le sacrifice de l’homme intérieur aux holocaustes sanglants, alors on manque de paroles, ou l’on est prêt à s’écrier avec le prophète : « Dieu est notre roi avant tous les temps. » Deus autem rex noster ante sæcula. […] L’Évangile de saint Matthieu est surtout précieux pour la morale.
Ce changement ou plutôt cette détérioration dans nos mœurs et, il faut bien le dire, le cynisme que nous avions seuls et que les femmes veulent à présent partager avec nous, n’ont pas uniquement une cause morale. […] Mais elle a beau me parler de l’héroïque sincérité de l’âme ardente et forte dont elle recommande le volume présent au public ; elle a beau m’exalter cette âme indépendante et fidèle, qui n’oublie aucun de ses amours en les variant et qui ne combat rien dans son âme par la très morale raison que le temps qu’on perd à combattre contre soi, on ne fait pas Corinne, si on fait Mme de Staël, je me connais trop en logomachie pour ne pas reconnaître les idées, les façons de dire, les affectations du bas-bleu moderne, cette espèce à part et déjà si commune et pour être infiniment touché du spectacle que me donnent, à la fin de cette préface sur laquelle on a compté, ces deux antiques Mormones du bas-bleuisme contemporain dont l’une couronne l’autre de roses à feuilles de chêne, avec un geste tout à la fois si solennel et si bouffon !
Bohèmes, malgré tout, cependant, ces derniers, malgré leur attitude de Staters et d’olympiens, leur importance, leur influence, leur situation dans tous les mondes, officiels ou non officiels, leurs chaires quand ils sont professeurs, leurs bibliothèques quand ils sont bibliothécaires, leurs palmes d’académiciens quand ils sont de l’Académie : — le signe essentiel, caractéristique, du bohème, n’étant pas de n’avoir point d’habit, mais de n’avoir point de principes, de manquer de l’asile sacré d’une morale fixe autour de la tête et du cœur, de vagabonder dans ses écrits à tout vent de doctrine, et, comme déjà nous l’avons dit, de vivre, enfant de la balle politique ou littéraire venu ou trouvé sous le chou de la circonstance, sans feu ni lieu intellectuel, — c’est-à-dire sans une religion ou sans une philosophie. […] Mais il y a donc deux littératures : la littérature de la morale et de l’honnêteté, et la littérature… du contraire ?
Il distingue très-bien entre la conviction morale et historique qu’on peut avoir contre Louis XVI et la conviction judiciaire qu’on n’a pas établie ni acquise. On le voit suivre pied à pied la marche du procès, et à chaque moment il sait découvrir, il ose proposer le procédé le plus sage, le moins inique, le moins sujet aux conséquences subversives et déshonorantes pour la -naissante morale républicaine. […] Ceux qui l’ont entendu à ce sujet savent qu’il lui refusait, non-seulement toute perception morale (ce qui se concevrait), mais presque toute espèce de talent civil. […] Sur Horace, sur Virgile, il rattrape toute sa sensibilité, sa finesse morale, sa jeunesse d’impressions, comme aux jours où il en causait sous les allées de Montmorency. […] Un grand fonds de constance morale jointe à un tempérament timide, voilà le trait singulier de ce caractère.
Or, dans Eugénie Grandet, les qualités sont au complet, les défauts existent déjà, mais en germe : la morale est à peu près respectée ; le bon sens n’a presque rien à reprendre, et le bon goût ne peut qu’applaudir. […] Cette situation peu variée, mais essentiellement morale, durerait indéfiniment si Félix de Vandenesse n’était rappelé à Paris. […] Eugène Sue, mais, comme lui, s’adressant à un monde qu’il dépouillait de toute loi morale et de toute croyance, il a été absolutiste, comme M. […] sans vouloir faire, à propos de poésie, une morale trop rigoriste, nous comprenons qu’on écrive des vers d’amour, de dix-huit à trente ans ; mais nous ne comprenons pas qu’on les publie à cinquante-cinq. […] On ne doit, en bonne morale, admirer complètement les hommes de génie, que, lorsqu’ils ont, comme Henri IV, mené à bien leur œuvre sans trop de cruautés et de moyens violents.
Comprenez bien qu’il s’agit ici non pas de la conscience morale, mais de la conscience sans épithète, au sens métaphysique de ce mot. […] Sa morale de résignation se trouve exercer ici son plein bienfait. […] La personnalité morale d’une ville et, d’un pays est faite du souvenir de leurs grands morts. […] Certes, les simplifications forcées des caractères risquent d’aboutir à d’étranges erreurs d’optique morale. […] Sainte-Beuve a vécu, parce qu’il a renoncé à faire de la maladie sentimentale et morale la matière unique de son œuvre.
Gautier et son école ; mais vous y chercherez en vain quelque chose d’applicable à la vie, un sentiment distinct du bien ou du mal, des devoirs et du but de l’homme ici-bas, une morale enfin, si accommodante et si peu rigide que vous la vouliez. […] Ingres ; mais il n’est pas sage de montrer tout haut à un pays intelligent ses modèles de morale et de politique, et de lui donner le droit de dire tout bas que, pour être sûr de ne se tromper ni en politique ni en morale, il faut croire le contraire de ce qu’ils ont cru, et faire le contraire de ce qu’ils ont fait. […] Donnez un but aux générations que l’on destitue de toute loi morale sur la terre, de toute espérance dans le ciel, vous en faites des révolutionnaires ; ôtez-leur ce but, vous en faites des rêveurs. […] » — Les bienséances eussent été sauvées, et la morale n’y eût rien perdu. […] C’est alors que nous vîmes jouer ces pièces incroyables où n’étaient respectées ni la religion, ni la royauté, ni la grammaire, ni la morale, ni le bon goût, ni le bon sens ; œuvres monstrueuses que M.
Il est agrégé d’histoire et on le charge de parler au public de poésie, de morale et de philosophie ! […] C’est avec la morale, mise à la portée des petites bourses, qu’il a gagné son million. […] La richesse, voilà la grandeur morale, voilà le roman qui lui manquait ! […] De morale, il n’y a souffle dans Regnard. […] Songez-vous à vous demander si votre religion et votre morale règnent en ces climats ?