Interrogez là-dessus un peintre, un musicien ou un sculpteur, ou même un poète, du moment qu’il n’écrit pas en prose, car le journalisme et le roman forcent l’artiste à l’usage du monde : s’il est franc, il conviendra que le secret de son « air » est dans cette remarque psychologique.
Le miracle est un moment du jugement.
Un tel classique a pu être un moment révolutionnaire, il a pu le paraître du moins, mais il ne l’est pas ; il n’a fait main basse d’abord autour de lui, il n’a renversé ce qui le gênait que pour rétablir bien vite l’équilibre au profit de l’ordre et du beau.
Il y a un moment où les plus vertes vieillesses ont peine à ne pas tourner à l’attendrissement.
Et ces métamorphoses dépassent les limites du jeu ordinaire ; la feinte risque à tout moment de devenir réalité : il arrive que le hardi chasseur, à l’affût derrière un tronc d’arbre, soit pris de panique, à entendre le rugissement du tigre qui s’approche et qu’il s’enfuie en courant vers les genoux de sa bonne.
Ce livre avec lequel on pourra toujours restituer la physionomie exacte du Paris actuel, nous donne l’aspect intime de la rue le matin quand les cafés s’ouvrent sur le passage des ouvriers et des filles découchées la nuit au moment des rentrées tardives, le soir à l’heure discrète ou des messieurs bien mis enboitent le pas d’ouvrières en cheveux, au crépuscule, où déserte et morte, elle sèche d’une averse sous la flambée jaune du soleil couchant ; il nous donne les boutiques, les ateliers, le garni d’un peintre, les brasseries, les restaurants, l’appartement d’une fille, celui d’un employé, tout le dedans et le dehors de la capitale du monde moderne.
Vraiment, le moment est bien choisi. — Je recommande spécialement à M. de Suttières Nostalgies d’obélisques.
Lanson, entre autres, publie en ce moment dans les Annales un petit ouvrage de démonstration littéraire qu’il a d’abord intitulé fraternellement : l’Art de la prose en vingt-cinq leçons.
Mais cette haute doctrine, qui fait la base de toutes les religions, qui a été si admirablement perfectionnée dans le christianisme, qui a toujours subsisté comme sentiment primitif parmi les hommes, qui est si morale, puisqu’elle explique à la fois le sacrifice, le dévouement et le malheur, cette haute doctrine ne doit pas, en ce moment, attirer notre attention.
Et, contraste charmant, quelle bonne humeur, à d’autres moments, dans l’imagination !
Au plus, entre deux de ces énormes productions qui se succèdent, y a-t-il quelquefois un joint, un interstice par où l’on puisse glisser une nouvelle, intéressante et courte, qui permette au lecteur de respirer un moment.
D’après lui, « la réflexion philosophique a rendu un mauvais service à ce monde grec, délicieusement superficiel », et « à partir de ce moment l’esprit européen ne recouvrera plus jamais son état de parfaite santé ». […] Le voici doublement d’actualité, et le moment est deux fois propice pour le relire, puisque M. […] Lasserre, c’est que la philosophie répond à un besoin et qu’on s’est contenté de celle de Hegel, un moment, parce qu’il n’y en avait pas d’autre. […] « L’art cesse du moment qu’il est envahi par l’ordure… » Un rédacteur du Figaro, du nom de Habans, fait cette réserve : « Le faible du livre, c’est que M. […] * C’est le moment de nous interroger sur les raisons essentielles de cette admiration, qui pour beaucoup d’entre nous est un culte.
En fait, il a disparu, parce qu’il y a eu un moment où les nouvelles générations de maîtres primaires n’ont plus pu, dans l’immense majorité, professer sincèrement l’idée de Dieu, gagnées qu’elles étaient à des philosophies qui l’excluent. […] Le moment vint où ceux et celles qui s’en délectaient encore n’osaient plus l’avouer. […] Qu’on veuille bien remarquer le moment où ceci se passait. Dans l’histoire de la musique française, ce moment fait démarcation entre deux époques, l’une de dépression manifeste, l’autre caractérisée par un très beau relèvement. […] Que de beaux moments de jeunesse passés sur ce balcon, en particulier les soirs d’été, dans les entr’actes des séances de musique, consacrées à l’exécution branlante, mais enflammée, de trios et quatuors classiques, ou bien au chaleureux massacre d’un acte de Wagner.
En attendant le moment favorable, il faut s’agiter, se mettre en avant et en vedette, rechercher les présidences décoratives… M. […] Pierre Bourget objecte que les lettres et les mémoires sont souvent faussés par l’influence du correspondant ou de l’interlocuteur, à qui l’on s’adapte pour lui plaire ou s’en faire entendre ; que les épistoliers et les mémorialistes forcent la note ou l’altèrent, suivant l’humeur du moment ou parce que leurs souvenirs ne sont pas sûrs, etc… M.
Quittons donc un moment l’Europe et les Indes, terres de l’imagination, traversons le Thibet qui sépare d’une muraille presque perpendiculaire de glace les deux plus vastes empires du monde, et jetons un regard profond sur la Chine, ce pays de la raison par excellence. […] VII Dépouillez-vous un moment de tout préjugé de patrie, de lieu, de race et de temps, et demandez-vous dans le silence de votre âme : 1º Quel est le plus instinctif et le plus naturel des gouvernements à la naissance des sociétés ?
Du moment où les papes ne furent plus spirituellement sacrés et inviolables pour ces souverains, pour ces peuples, pour ces armées et pour la Germanie, ils furent temporellement plus faibles pour protéger l’Italie. […] Les Génois abdiquèrent un moment leur souveraineté entre les mains de leur libérateur.
Xerxès était poète par moments, comme tous ces monarques rassasiés et blasés de l’antique Orient, qu’on voit, dans l’histoire, passer, par soudains contrastes, de la frénésie à la rêverie, de l’action furieuse à la contemplation religieuse. […] Ils disparaissent, dès ce moment, de la grande histoire, toute vertu s’est retirée d’eux : ces renégats de la Grèce sont désormais excommuniés de sa vie sublime.
Gabriel Tarde l’avait prévu avant lui, — au cours de ses Anticipations, le moment où la France aura conquis sur les pays européens la plus complète suprématie intellectuelle. […] « J’ai beaucoup réfléchi sur le Beau et j’ai cru pouvoir conclure que toute beauté se codifie sous la forme d’un rythme : nous avons du génie si nous avons, à quelque moment, créé un rythme, en art, en littérature, en morale, en tout. — Et si ce rythme est en harmonie avec le rythme des mondes qui s’évitent, c’est-à-dire avec l’ordre éternel.
Quand son enfant fut né et aux moments où il poussait des cris, il suffisait pour l’apaiser, dit-on, que sa mère lui mît entre ses petites mains une fleur, et elle ne s’en étonnait pas.
Je mets cette parole à côté de celles que Henri IV écrirait au landgrave de Hesse, au moment des intrigues recommençantes du duc de Bouillon (octobre 1605) : Mon cousin, j’ai voulu décharger mon cœur avec vous de toutes ces choses, afin que vous sachiez que, si ces entreprises et offenses m’ont fait monter à cheval et ont à bon droit ému mon courroux, elles n’ont pourtant changé ni altéré mon naturel ni mon inclination, l’expérience que j’ai des choses du monde m’ayant appris d’être plus prudent que vindicatif en la direction des affaires publiques.
Lorsqu’on descend le Rhône de Lyon à Avignon, il y a un moment, aux environs de Valence, où le ciel change ; l’azur est plus bleu, l’air plus limpide et plus transparent, les horizons se détachent en contours plus harmonieux : on est entré dans le pur Midi, dans la zone lumineuse.
M. de Sévigné, quand il se présente pour épouser, lui agrée : « Il est beau et cavalier bien fait, et paraît avoir esprit. » Mais pendant que le mariage se traite et que M. d’Ormesson intervient comme conseil principal pour les arrangements, M. de Sévigné se bat en duel (28 mai 1644) et reçoit à la cuisse une blessure que, dans le premier moment, on croit mortelle.
On ne cite aucun mot du grand roi sur La Bruyère et sa libre tentative ; mais, à certain moment, sans nul doute, quand les courtisans émus en parlèrent devant le maître à Versailles, le front majestueux de Jupiter indiqua, par un léger signe, qu’il avait permis et qu’il consentait..
Un des beaux messieurs du monde de M. de Maurepas, et qui était le président de l’Académie à ce moment, le duc de Nivernais, ordinairement aimable et gracieux aux gens d’esprit, mais qui trouvait peut-être que Racine fils n’était pas assez cet homme d’esprit comme il l’entendait, parut se ressouvenir tout à coup de la querelle que leurs père et aïeul avaient eue à propos de Phèdre, et lui donna d’injustes dégoûts, pour le pousser à se démettre et faire arriver plus vite son ami Sainte-Palaye.
Elle nous répéta plusieurs fois d’un air fin un mot dont nous ne sentîmes pas dans le moment toute la valeur : « Vous avez du talent, disait-elle aux romantiques, mais n’oubliez pas, Messieurs, ce conseil d’une vieille femme : soyez aimables !
Ce qui leur sert dans le moment, ce qui peut aider à leur parti, voilà pour eux la justice.
Le stoïcien Brutus, dont la farouche vertu n’avait rien épargné, laissant voir un sentiment si tendre dans ces moments qui précèdent et ses derniers efforts et ses derniers jours, surprend le cœur par une émotion inattendue ; l’action terrible et la funeste destinée de ce dernier des Romains, entourent son image d’idées sombres qui jettent sur Porcie l’intérêt le plus douloureux24.
On se plaindra de la faiblesse de l’esprit humain qui s’attache à telle expression déplacée, au lieu de s’occuper uniquement de ce qui est vraiment essentiel ; mais dans les plus violentes situations de la vie, au moment même de périr, on a vu plusieurs fois qu’un incident ridicule pouvait distraire les hommes de leur propre malheur.
Or, si vous voulez soumettre ces exceptions aux mêmes lois, si vous voulez inspirer la morale à chaque individu en particulier, dans quelque situation qu’il puisse être, vous ne pouvez trouver que dans un sentiment la source vive et constante qui se renouvelle chaque jour, pour chaque homme, dans chaque moment La morale est la seule des pensées humaines qui ait encore besoin d’un autre régulateur que le calcul de la raison.
À ce moment, si l’on cherche le trait dominant qui règne dans ce monde divers, on ne trouve rien ; on sent bien que tout cela est beau, mais on ne démêle pas encore de quelle beauté ; on est agité par vingt tendances naissantes et aussitôt détruites ; on essaye les mots de voluptueux, de riche, de facile, d’abondant ; ils ne conviennent pas ou ne conviennent qu’à demi.
Au commencement du xviiie siècle, les « honnêtes gens » qui avaient applaudi le Misanthrope et Britannicus, et qui savaient les Fables et l’Art poétique par cœur, élevés un moment au-dessus de leur propre esprit par tous ces clairs et insinuants chefs-d’œuvre, sont retournés tout doucement à leur naturel.
Chaque personnage raconte son histoire à un moment ou à l’autre ; et il y a bien des aventures où Gil Blas n’est jeté que pour donner occasion à quelqu’un de paraître et de narrer sa vie.