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663. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Huet, évêque d’Avranches, par M. Christian Bartholmèss. (1850.) » pp. 163-186

Huet, selon moi, et ceux qui se préoccupent comme lui de la faiblesse de l’esprit humain, n’ont pas si tort qu’on le dit dans les écoles de l’Université, et Descartes, en philosophie, n’a pas si évidemment raison qu’il plaît à nos maîtres de le proclamer. […] On avait peu de secours à attendre autour de soi ; il fallait de grands efforts et une rare vigueur d’esprit pour surmonter les obstacles, pour conquérir la science ; il fallait jusqu’à un certain point être inventeur, avoir le zèle et le génie de la découverte, pour devenir savant : Dans ces premiers temps d’obscurité et de ténèbres, ces grandes âmes (comme Huet appelle les savants de cette date primitive) n’étaient aidées que de la force de leur esprit et de l’assiduité de leur travail… Je trouve, disait-il spirituellement, la même différence entre un savant d’alors et un savant d’aujourd’hui, qu’entre Christophe Colomb découvrant le Nouveau Monde et le maître d’un paquebot qui passe journellement de Calais à Douvres. […] Il quitta à temps cette éducation domestique où il était à la gêne, et fut mis au collège des Jésuites de Caen ; il y trouva des maîtres et des guides supérieurs qui surent distinguer aussitôt l’enfant précieux qui leur venait, et l’entourer de soins particuliers et de toute sorte de culture. […] Halley, professeur de belles-lettres et d’éloquence ; il trouva un maître élevé et profond en philosophie dans le père Mambrun, qui le poussa d’abord à l’étude des mathématiques, d’où il eut peine ensuite à le rappeler à la philosophie même.

664. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « L’abbé Maury. Essai sur l’éloquence de la chaire. (Collection Lefèvre.) » pp. 263-286

Confiné pendant plusieurs années dans son petit évêché de Montefiascone, il vécut trop avec lui-même : les vices en nous sont des hôtes qui deviennent les maîtres du logis avec les années, si on ne les réprime à temps et si on ne les met vigoureusement à la raison. […] Il n’abuse jamais du procédé de Diderot qui consiste à refaire à sa manière ce qu’il critique, mais il use à son tour du droit d’un maître en indiquant comment on aurait pu faire mieux. […] Ne lui demandez ni grande finesse, ni grande nouveauté, ni curiosité vive ; mais il est large, il est plein, il va au principal ; il s’entend à poser l’architecture et les grandes avenues du discours ; il les démontre en maître chez les maîtres.

665. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Voltaire et le président de Brosses, ou Une intrigue académique au XVIIIe siècle. » pp. 105-126

À chaque instant, c’est le fervent zélateur, le grand maître ou le général en chef qui harangue ses lieutenants, desquels d’Alembert est là-bas le premier : Je ne conçois pas comment tous ceux qui travaillent (à l’Encyclopédie) ne s’assemblent pas et ne déclarent pas qu’ils renonceront à tout si on ne les soutient… Faites un corps, messieurs ; un corps est toujours respectable… Ameutez-vous, et vous serez les maîtres. […] On dit, je ne sais où, qu’on ne peut servir deux maîtres ; j’en veux avoir quatre pour n’en avoir point du tout, et pour jouir pleinement du plus bel apanage de la nature humaine, qu’on nomme liberté. […] Si on ne lisait qu’une ou deux de ces lettres et sans y faire grande attention, on pourrait dire que cette mobilité de Voltaire est très naturelle à un homme d’esprit et d’imagination comme lui, qu’il n’est pas maître de la retenir, et qu’il n’y faut voir qu’une erreur de ses nerfs.

666. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « V. M. Amédée Thierry » pp. 111-139

Le bon sens est une grande chose, et Bossuet l’appelle « le maître des affaires », mais le petit sens est souvent pris pour lui, et ce petit sens, qu’on adore aussi sous le nom de sens commun, est souvent faux, quand il s’agit de juger les phénomènes de providence, les hommes et les faits historiques. […] … Pour notre part, nous en doutons, mais, en supposant un silence absolu qui paraît impossible, est-ce que la réflexion d’un moderne pouvait oublier, elle, l’âme générale de ce soulèvement prodigieux, et dans un livre, fait à la distance de tant de siècles, ne devions-nous donc rencontrer que la plume d’un courtisan d’Attila, et sans qu’on pût jamais deviner sous la dictée de quelle religion ce singulier et tardif courtisan s’est avisé d’écrire la biographie de son maître temporel ? […] ce frère, deux fois frère par le sang et par l’intelligence, et qui redoublait sa ressemblance avec son glorieux aîné en le reconnaissant pour son maître et en imitant sa manière ! […] Amédée Thierry, amoureux de la civilisation romaine pourrissante, comme un Barbare… qu’il n’est pas pourtant, et faisant je ne sais quel mérite surnaturel à Rome d’avoir été longtemps pour les peuples qui l’ont conquise, ce que cette méprisable Chine a été pour les Tartares, ses vainqueurs, — la maîtresse de ses maîtres.

667. (1803) Littérature et critique pp. 133-288

Il n’a point examiné les objets face à face, il ne s’en est point rendu le maître. […] Les plus grands génies modernes ont regardé les anciens comme leurs maîtres. […] Racine le fils s’est traîné faiblement sur le dessin tracé par un si grand maître. […] Deux mots terminent un mariage au bord de la fontaine : le domestique amène l’accordée au fils de son maître, ou le fils du maître s’engage à garder pendant sept ans les troupeaux de son beau-père, pour obtenir sa fille. […] Non, sans doute ; et, quand vous le voudriez, en êtes-vous les maîtres ?

668. (1908) Jean Racine pp. 1-325

Et cependant, nous restons, paraît-il, maîtres de notre volonté. […] Mais il est certain qu’il l’était aussi par la faute de ses vénérables maîtres. […] C’était pour Racine un grand aîné, un maître. […] Suis-je donc maître aussi des réponses des dieux ? […] L’amour n’y est maître que de vertus et professeur que d’héroïsme.

669. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « VICTORIN FABRE (Œuvres mises en ordre par M. J. Sabbatier. (Tome II, 1844.) » pp. 144-153

Victorin Fabre, ainsi grandi par ses maîtres, s’enferma de bonne heure et vécut toujours dans un cercle d’illusion. […] Des morceaux qu’il a publiés sous les auspices de ces maîtres, et qu’ils ont couronnés, je préférerais l’Éloge de La Bruyère, qu’on relit avec plaisir et avec fruit : l’Éloge de Corneille, tant vanté, sent trop le rhétoricien encore ; l’Éloge de Montaigne accuse déjà un esprit fatigué, l’étouffement commence.

670. (1874) Premiers lundis. Tome I « Madame de Maintenon et la Princesse des Ursins — I »

La première condition imposée à Louis XIV l’obligeait à détrôner son petit-fils ; et madame des Ursins, que révoltait cette seule idée, repoussait inexorablement au sujet de ses maîtres toute suggestion détournée d’abdication volontaire. […] Philippe lui écrivit une lettre de simple civilité ; madame de Maintenon la plaignit et lui prêcha la résignation : « Il faut se taire, madame, quand nos malheurs nous viennent de ceux que Dieu a faits nos maîtres. » Louis XIV la reçut avec décence, et lui fît conseiller d’aller jouir à Rome de la considération qu’on ne pouvait lui refuser.

671. (1874) Premiers lundis. Tome I « Tacite »

Guéroult, elle ne saurait blesser aujourd’hui le disciple et l’émule de ce maître habile. […] Ces conditions remplies par le traducteur, on a droit de proclamer son œuvre excellente, non pas qu’elle exprime jamais l’original, si l’original est d’un grand maître, non pas même qu’elle en approche de fort près, mais parce qu’elle en approche d’aussi près, parce qu’elle l’exprime aussi bien que le comportent la différence des procédés et celle des idiomes.

672. (1874) Premiers lundis. Tome I « A. de Lamartine : Harmonies poétiques et religieuses — I »

Un moment, son désespoir est au comble ; l’ironie va le saisir, et, prenant l’existence pour l’amer sarcasme d’un maître jaloux, il est prêt à lui rendre mépris pour mépris, à le maudire et à le railler ; — ou bien, à d’autres instants, la défaillance le poussant à la mollesse, il se demande s’il n’est pas mieux de prolonger les voluptés jusqu’à la tombe et de se noyer l’âme sur des seins embaumés de roses. […] Au bord de quelque golfe d’Italie, à l’entrée de quelque villa dont la blancheur contraste avec les bosquets de citronniers qui l’entourent, on entend le son d’une harpe, et une voix, voix si douce que l’amour s’y devine : Le portique au soleil est ouvert : une enfant Au front pur, aux yeux bleus, y guide en triomphant Un lévrier folâtre aussi blanc que la neige, Dont le regard aimant la flatte et la protège ; De la plage voisine ils prennent le sentier Qui serpente à travers le myrte et l’églantier ; Une barque non loin, vide et légère encore, Ouvre déjà sa voile aux brises de l’aurore, Et berçant sur leurs bancs les oisifs matelots, Semble attendre son maître, et bondit sur les flots..

673. (1874) Premiers lundis. Tome II « Charles de Bernard. Le nœud Gordien. — Gerfaut. »

Dans toute la comparaison que je crois à établir entre M. de Bernard et M. de Balzac, loin de moi l’idée de louer l’un au détriment de l’autre, de séparer le disciple du maître en le mettant au-dessus ! […] S’il le veut, il y a en lui l’étoffe d’un romancier actuel, fécond et vrai ; son mauvais goût (car il en a) n’est que dans le détail ; ainsi, il reproduit trop par moments le jargon psychologique du maître ; il a des redoublements de bel esprit dans ses analyses, des drôleries et trivialités métaphoriques dans ses portraits, qui déplaisent au passage, mais sans avoir le temps de rebuter ; il a une multitude d’allusions dont un trop grand nombre, pour ceux qui ne vivent pas tout à fait de cette vie du jour, sont déjà subtiles et obscures.

674. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre VII. De la littérature latine, depuis la mort d’Auguste jusqu’au règne des Antonins » pp. 176-187

Le style des auteurs latins, dans la troisième époque de leur littérature, a moins d’élégance et de pureté : la délicatesse du goût ne pouvait se conserver sous des maîtres si grossiers et si féroces. […] Les hommes de lettres d’alors n’ont point décoré la tyrannie ; et la seule occupation à laquelle on se soit livré sous ces maîtres détestables, c’est l’étude de la philosophie et de l’éloquence ; on s’exerçait aux armes qui pouvaient servir à renverser l’oppression même.

675. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre II. Distinction des principaux courants (1535-1550) — Chapitre III. Les traducteurs »

L’un des maîtres de l’humanisme français, Budé, enfermé dans son grec et sa philologie, donne déjà des exemples de prudence et d’abstention, que tous ses successeurs ne suivront pas : pendant tout le siècle on rencontrera des natures réfractaires à la spécialisation, ou qui mêleront toutes les passions du temps dans leur activité scientifique ; mais le mouvement se fait en sens contraire. […] Nous autres ignorants, étions perdus, si ce livre ne nous eût relevés du bourbier : sa merci, nous osons à cette heure et parler et écrire ; les dames en régentent les maîtres d’école ; c’est notre bréviaire. » Ne s’y reliât-il que par Montaigne, Amyot serait encore un des facteurs essentiels du xviie  siècle classique : en lui se résume l’apport de l’humanisme dans la constitution de l’« honnête homme » et de la littérature morale.

676. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre I. La poésie »

Cela est sensible chez Delille, le maître des poètes descriptifs du siècle. […] Il est le maître aussi dans les stances, les épitres, dans tous les genres agréables qui fixent l’esprit de la conversation.

677. (1887) Discours et conférences « Discours lors de la distribution des prix du lycée Louis-le-Grand »

Il y faut une gymnastique, des exercices longtemps continués sous des maîtres expérimentés. […] Ne blasphémez jamais la bonté infinie d’où émane votre être, et, dans l’ordre plus spécial des faveurs individuelles, bénissez le sort heureux qui vous a donné une patrie bienfaisante, des maîtres dévoués, des parents excellents, des conditions de développement où vous n’avez plus à lutter contre l’antique barbarie.

678. (1879) Balzac, sa méthode de travail

II La nouvelle, Un Début dans la vie, compte à peine dans l’œuvre du romancier : si on excepte quelques détails où apparaît la touche du maître, ce récit est médiocre d’invention, et la trame en est des plus minces. […] Je songe aux calligraphies de maître d’écriture qu’Alexandre Dumas envoyait aux journaux, du vivant de son contemporain si tourmenté.

679. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre XV. Des ouvrages sur les différentes parties de la Philosophie. » pp. 333-345

Basin a donné des abrégés du grand ouvrage de M. de Reaumur, qui sont faits de main de maître. […] in-4°., & les autres écrits de cet estimable Académicien, éleve de M. de l’Iste, & éleve qui a surpassé son maître.

680. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 1, idée generale de la musique des anciens et des arts musicaux subordonnez à cette science » pp. 6-19

Cet écrivain judicieux observe encore en un autre endroit que dans les temps precedens la profession d’enseigner la musique et celle d’enseigner la grammaire avoient été unies, et qu’elles étoient alors exercées par le même maître. […] D’ailleurs ceux des auteurs anciens qui ont écrit sur la musique et dont les ouvrages nous sont demeurez, ont très-peu parlé de la mécanique des arts subordonnez à la science de la musique qu’ils ont regardez comme des pratiques faciles et communes, dont l’explication n’étoit bonne qu’à exercer les talens de quelque maître à gages.

681. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 7, nouvelles preuves que la declamation théatrale des anciens étoit composée, et qu’elle s’écrivoit en notes. Preuve tirée de ce que l’acteur qui la recitoit, étoit accompagné par des instrumens » pp. 112-126

Non seulement l’orateur est le maître du rithme ou du mouvement de sa prononciation, mais comme il parle en prose et sans être obligé de se concerter avec personne, il est encore le maître de changer à son gré la mesure de ses phrases, de maniere qu’il ne prononce jamais d’une haleine qu’autant de sillabes qu’il en peut prononcer commodement.

682. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La défection de Marmont »

Ils soulevèrent l’immense curiosité qui devait s’attacher naturellement aux souvenirs personnels et intimes d’un des lieutenants de Napoléon, et précisément de celui-là qui fut le malheur de son maître. […] Cet homme qui devait tout à Napoléon, même sa gloire, et sur lequel Napoléon s’appuyait avec cette confiance des grands hommes, plus grands encore quand ils sont aveugles que quand ils y voient clair, ce Marmont enfin qui se rompit comme un roseau et perça la main de son maître, n’est point ce qu’on peut appeler brutalement un traître.

683. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — II »

Ce secret, nous eussions eu quelque malaise à le vouloir surprendre au lendemain de cette mort dont nous portons le deuil, mais après deux semaines, rapprochons-nous, osons interroger notre maître vénéré.‌ […] Mais la direction même de la curiosité de notre maître ne nous renseignerait-elle pas sur sa tendance morale ?

684. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre premier. De la louange et de l’amour de la gloire. »

Ces mêmes Athéniens étaient les maîtres et les tyrans d’Alexandre qui était le maître du monde ; c’était pour eux qu’il combattait, qu’il détrônait, qu’il faisait des rois.

685. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre VII. D’Isocrate et de ses éloges. »

Après la mort de Socrate, dont il avait été le disciple, il osa paraître en deuil dans Athènes, aux yeux de ce même peuple assassin de son maître ; et des hommes qui parlaient de vertus et des lois en les outrageant, ne manquèrent pas de le nommer séditieux, lorsqu’il n’était que sensible. […] ou bien un philosophe qui était tout à la fois physicien, géomètre, naturaliste, politique, dialecticien, qui avait porté l’analyse dans toutes les opérations de l’esprit, assigné l’origine et la marche de nos idées, cherché dans les passions humaines toutes les règles de l’éloquence et du goût, et en qui le concours et l’union de toutes ces connaissances devaient former un esprit vaste et une imagination qui agrandissait tous les arts en réfléchissant leur lumière les uns sur les autres, ne devait-il pas en effet avoir moins d’estime pour un orateur qui avait plus d’harmonie que d’idées, et pour un maître d’éloquence qui savait mieux les règles de l’art, que l’origine et le fondement des arts même et des règles ?

686. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXV. De Paul Jove, et de ses éloges. »

En France, Godefroi de Bouillon, chef de la seule croisade qui ait réussi ; Charles VIII, qui conquit et perdit le royaume de Naples avec la même rapidité ; Louis XII, qui fut tour à tour dupe de ses amis et de ses ennemis, mais à qui on pardonna tout, parce qu’il était bon ; François Ier, qui, à beaucoup de défauts, mêla des qualités brillantes ; le maréchal de Trivulce, sur la tombe duquel on grava : Ici repose celui qui ne reposa jamais ; le maréchal de Lautrec, également opiniâtre et malheureux ; Gaston de Foix, si connu par son courage brillant et par la bataille de Ravenne qu’il gagna et où il perdit la vie ; enfin, ce connétable de Bourbon, si terrible à son maître, et dont l’âme altière eut à la fois le plaisir et le malheur d’être si bien vengé. […] Paul Jove a fait l’éloge ou le portrait de tous ces hommes, la plupart plus courageux que saints ; mais dans cette foule de noms, on aime à retrouver à Florence, les Médicis ; à Milan, ces fameux Sforces, dont l’un simple paysan, devint un grand homme ; et l’autre, bâtard de ce paysan, devint souverain ; à Rome, les Colonnes, presque tous politiques ou guerriers ; à Venise plusieurs doges et quelques généraux ; à Gênes, ce célèbre André Doria, qui vainquit tour à tour et fit vaincre Charles-Quint, redoutable à François Ier et à Soliman, mais grand surtout pour avoir rendu la liberté à sa patrie, dont il pouvait être le maître.

687. (1856) Le réalisme : discussions esthétiques pp. 3-105

dit le maître de pension du ton le plus pédant. — Com-ment-se-por-te-mon-pe-tit-a-mi ? […] Je n’ai jamais eu d’autres maîtres en peinture que la nature et la tradition, que le public et le travail. […] On appelle maladroitement coloristes des maîtres dont la palette est en fureur et contient des éclats, des tons bruyants. […] Courbet ; séduit par les grands maîtres flamands, espagnols, qui, à toutes les époques, ont groupé autour d’eux leur famille, leurs amis, leurs Mécènes, M.  […] Dans le domaine des arts, il est d’habitude d’assommer les vivants avec les morts, les œuvres nouvelles d’un maître avec ses anciennes.

688. (1869) Philosophie de l’art en Grèce par H. Taine, leçons professées à l’école des beaux-arts

Ajoutez enfin que la biographie des maîtres manque entièrement. […] Quand Protogènes la vit : « Je suis vaincu, dit-il, et je vais embrasser mon maître. » — Cette légende nous donne l’idée la moins imparfaite de l’esprit grecque. […] Ici, la philosophie est une conversation ; elle naît dans les gymnases, sous les portiques, sous des allées de platanes ; le maître parle en se promenant, et on le suit. […] Dans ces fêtes, Alcman et Stesichore étaient à la fois des poètes, des maîtres de chapelle, des maîtres de ballet, quelquefois des officiants, premiers coryphées des grandes compositions où les chœurs de jeunes hommes et de jeunes filles représentaient en public la légende héroïque ou divine. […] Dans François-le-Champi, dans les Maîtres sonneurs, dans la Mare au Diable, George Sand a retrouvé en grande partie la simplicité, le naturel, la belle logique du style grec.

689. (1894) La bataille littéraire. Septième série (1893) pp. -307

dit mon bon maître, vous allez trop vite, monsieur, et risquez de faire de mauvaise besogne. […] Alors les hautbois se feront entendre et Ludovic, maître de la chapelle, jouera de l’orgue. […] « J’en conviens, dit-il, mais votre maître a-t-il, comme moi, 25 000 hommes à dépenser par mois ?  […] Les courtisanes se levèrent et se firent emporter sur leurs litières, en jetant un regard dépité au maître de la maison. […] Il se peut que les frères connus ou inconnus qui veillaient sur eux aient détruit par le feu la dépouille de leur maître, pour la soustraire à la profanation des ennemis.

690. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Charles Magnin ou un érudit écrivain. »

Dubeux, son ami et son maître en ce genre, la faculté philologique saillante. […] Fontanes, à son heure, en était le souverain et voluptueux représentant ; Daunou aussi, quoique infiniment plus travailleur, n’en sortit guère ; nous tons de race gallicane plus ou moins pure, nous en tenons plus ou moins : nous nous lassons vite, nous goûtons, nous effleurons, nous devinons ; il est rare que nous possédions à fond et en maîtres ce qui n’est pas nôtre. — Ô Taine ! […] Aussi les amateurs ardents, les dévots au Moyen-Age comme il y en avait beaucoup alors, qui, sur la foi du magnifique programme et de l’article révélateur, allaient droit à lui comme à quelqu’un qui savait d’original les choses et qui était un maître à consulter, pouvaient être surpris et quelque peu déçus de le trouver à court et si discret ; il en savait là-dessus juste autant qu’il en avait dit, pas un iota de plus. […] Ce n’est que sur les matières de théâtre qu’il commence à devenir tout à fait lui et un maître à sa manière. […] Adieu, dès lors, les réunions, les petits dîners aimables et en tout petit comité où il nous conviait de temps en temps, et où le vin de Salins, les confitures de Salins et toutes les friandises du cru égayaient le dessert avec l’aménité du maître et la chansonnette du bon docteur B… M. 

691. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXIXe entretien. Tacite (2e partie) » pp. 105-184

Ces légions apprennent que celles de Rome et de Germanie vont s’entrechoquer pour décider à qui des deux armées reviendra le bénéfice de donner un maître à l’empire ; elles s’indignent qu’on en dispose ainsi sans leur aveu ; elles méditent de s’en saisir pour un de leurs généraux, pendant qu’on le dispute pour d’autres. […] Ses paroles, admirablement reproduites par Tacite, sont dignes de Sénèque, son ancien maître : V « Exposer à la mort tant de courage et tant de fidélité, dit-il à ses troupes qui lui demandent encore le combat, est un sacrifice bien au-dessus du prix de ma propre vie. […] Le souverain des Romains, si peu de temps auparavant, le maître de l’univers, abandonnant le siège de sa puissance, sortait de l’empire, à travers son peuple, au milieu de sa capitale. […] « Il avait choisi pour maîtres de philosophie ces sages qui estiment que le seul bien est l’honnête, le seul mal le vice, et qui ne comptent la noblesse, la puissance, et tout ce qui est en dehors de l’âme, ni parmi les vrais biens, ni parmi les vrais maux. […] Ou qu’à peine échappée à un tel naufrage, une femme eût envoyé un seul affranchi, avec un seul glaive à la main, pour combattre les armées et les flottes du maître du monde ?

692. (1892) Boileau « Chapitre I. L’homme » pp. 5-43

Cependant il ne dut pas être un écolier irrévérencieux et sceptique : la sincérité de ses maîtres dut le frapper en même temps que leur pesanteur. […] D’abord sa liberté ne l’enivra pas : content de se sentir maître de sa volonté et de l’usage de son esprit, il continua de résider dans la maison de la cour du Palais qui avait passé à son frère Jérôme ; ce fut sans doute alors que, selon son expression, il « descendit au grenier », de l’étroite guérite sous le faîte du toit, où il avait logé jusque-là. […] Et puis il ne se sentait pas maître du terrain. […] À ce vieux jeu, Boileau était passé maître. […] Le maître du logis aimait toujours la bonne chère et les propos autour de la table : ses convives étaient parfois des courtisans, Pontchartrain le fils ou le marquis de Termes, plus souvent quelques voisins, et de bons amis, le chirurgien Félix, le musicien Destouches, l’abbé de Châteauneuf, ancien ami de Ninon, qui vers ce temps-là fut parrain du fils du notaire Arouet.

693. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série «  Leconte de Lisle  »

Des élèves du maître, de jeunes et habiles ouvriers se sont donné ce plaisir, et l’on aura beau chercher, on ne trouvera guère sous leurs vers éclatants d’autre passion que celle des contours rares et des belles rimes. […] En outre, sachez-le, j’en ai mangé beaucoup, Et leur âme avec eux, maître, du même coup. […] Le diable n’y peut rien, maître, non plus que Dieu, Et j’estime aussi peu, sans haine et sans envie, Les choses de la mort que celles de la vie20. […] Il pense comme Vigny, son maître le plus direct, qui avait fait dire à la Nature dans un langage superbe : Je roule avec dédain, sans voir et sans entendre, A côté des fourmis, les populations ; Je ne distingue pas leur terrier de leur cendre ; J’ignore en les portant les noms des nations. […] Il se peut que j’aie vu tout à l’heure dans les paysages diurnes du maître plus de tristesse qu’il n’y en a, et que j’aie trahi son Orient en le traduisant.

694. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Conclusion »

Tout ce qui mérite l’estime des hommes s’y trouve réuni : unité, consistance, fierté sans morgue ; un homme qui n’a pas toute l’ambition de ses talents ; pauvre et gardant un grand air ; l’agent d’un roi sans royaume, qui fait respecter dans son maître la dignité du malheur par la façon dont il fait respecter sa propre gêne ; aimable, civil, mêlé aux affaires sans en être possédé ; ayant, lui aussi, ses retraites et sa solitude, mais dans sa pensée tranquille, dans sa conscience de chrétien, dans les affections de la famille, si favorables à la recherche et à l’expression de la vérité. […] Toute chose lui est comme un de ces portraits de maître qui, dans les musées, semblent suivre de l’œil les visiteurs, il n’y a pas dans la nature, telle qu’il la sent, d’objets inanimés ; tout a vie, et le sait ; il n’y a pas d’aspects, mais des visages. […] Les beaux vers y abondent, mêlés à des imitations d’école, qui faisaient penser à d’autres maîtres, et désirer que le poète s’en affranchît. […] Les pièces en vers, pourvu qu’il n’y manque pas un poète, ont plus de chance de durée, parce qu’il y a là un travail supérieur qui élève l’écrivain au-dessus du temps présent, qui l’excite à chercher dans le rôle le caractère, dans le personnage le type, qui le préoccupe d’idéal, qui le met en commerce avec les maîtres de l’art et le fait penser à la gloire. […] Ses premiers vers avaient annoncé un poète ; ses dernières pièces promettaient un maître de la scène ; il a mieux aimé conter, et le public charmé l’a appelé le plus grand amuseur de son temps.

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