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511. (1890) L’avenir de la science « XII »

C’est le caractère et la gloire de la science moderne d’arriver aux plus hauts résultats par la plus scrupuleuse expérimentation et d’atteindre les lois les plus élevées de la nature, la main posée sur ses appareils. […] Les lois les plus élevées des sciences physiques ont été constatées par des manipulations fort peu différentes de celles de l’artisan. […] C’est la loi de la science comme toutes les œuvres humaines de s’esquisser largement et avec un grand entourage de superflu. […] Voilà la loi de l’humanité : vaste prodigalité de l’individu, dédaigneuses agglomérations d’hommes (je me figure le mouleur gâchant largement sa matière et s’inquiétant peu que les trois quarts en tombent à terre) ; l’immense majorité destinée à faire tapisserie au grand bal mené par la destinée, ou plutôt à figurer dans un de ces personnages multiples que le drame ancien appelait le chœur.

512. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre XI. Quelques philosophes »

Il nous recommande encore : « N’interrogeons plus ceux qui fuyaient en silence aux premières questions, mais notre propre cœur, qui renferme en même temps la question et la réponse, et qui peut-être un jour se souviendra de celle-ci. » À plusieurs reprises, il proclame « la vaste loi qui ramène en nous, un à un, tous les dieux dont nous avions rempli le monde ». […] Il a remarqué que « ce qu’ils appellent les lois de l’histoire » ou de la morale « n’est en somme que la coordination logique de leurs désirs ». […] Il ne voit guère qu’une recommandation à faire à l’artiste : « Il faut obéir à son génie. » Et il dit à tous : « On n’agit décemment qu’en conformité avec sa propre nature ; les gens qui veulent agir ou ne pas agir d’après les ordres d’une morale extérieure à leur vérité personnelle finissent, Dieu aidant, dans les compromis les plus saugrenus. » Décidément cet homme ne respecte rien : morale extérieure, lois, science aux prétentions « législatives », il raille toutes les beautés rectilignes qui émeuvent les braves gens de la « règle » et du « droit chemin ». […] Chaque fois, il rappelle l’étourdi à sa petite tâche précise et lui répète, inflexible : « La méthode constante des sciences est de comparer des faits et des séries de faits l’une avec l’autre, afin de dégager la loi de leurs variations simultanées ou successives, aussi souvent qu’il est possible de le faire avec quelque sûreté. » Ainsi il étudie la philosophie, poème des poèmes, avec un vil esprit scientifique, dans la préoccupation utilitaire de la solidité précise des découvertes et non pour la joie de voir l’esprit marcher d’une allure noble.

513. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre troisième. L’appétition »

La tendance à achever l’acte commencé est le corrélatif mental de cette loi mécanique qui veut que le mouvement commencé dans l’organisme se continue, se propage et se traduise en actes. […] Ce que Spencer n’a pas assez mis on lumière, c’est qu’à la loi physique qui veut que le mouvement commencé se continue répond dès l’origine, dans la conscience, une certaine tension, une certaine tendance psychique, la conscience d’une activité qui demande à s’exercer, à se poursuivre, à s’achever. […] Assurément, dans le seul fait de penser, par exemple de penser au jeu, il y a une activité qui tend à se maintenir contre les obstacles, mais n’est-ce pas ici une conséquence toute secondaire, résultant de cette loi que l’activité, en s’exerçant, en prenant conscience de soi, prend aussi ipso facto jouissance de soi, et par cela même tend à se maintenir ? […] Nous pouvons admettre cette loi de Bain et de James Ward : « Un mouvement pénible tend, par l’intermédiaire de la peine, à sa propre suppression. » C’est là le premier germe de la finalité appétitive, le premier but distinct qu’un animal a poursuivi avec une conscience plus ou moins vague.

514. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVIII et dernier. Du genre actuel des éloges parmi nous ; si l’éloquence leur convient, et quel genre d’éloquence. »

Non : l’homme froid et tranquille laisse la même tranquillité à tout ce qui l’entoure : c’est la loi générale. […] Le sentiment est ce qui les agite et les remue ; il circule comme le mouvement ; il a ses lois comme le choc des corps. […] Si donc, en célébrant les grands hommes, vous voulez être mis au rang des orateurs, il faut avoir parcouru une surface étendue de connaissances ; il faut avoir étudié et dans les livres et dans votre propre pensée, quelles sont les fonctions d’un général, d’un législateur, d’un ministre, d’un prince ; quelles sont les qualités qui constituent ou un grand philosophe ou un grand poète ; quels sont les intérêts et la situation politique des peuples ; le caractère ou les lumières des siècles ; l’état des arts, des sciences, des lois, du gouvernement ; leur objet et leurs principes ; les révolutions qu’ils ont éprouvées dans chaque pays ; les pas qui ont été faits dans chaque carrière ; les idées ou opposées ou semblables de plusieurs grands hommes ; ce qui n’est que système, et ce qui a été confirmé par l’expérience et le succès ; enfin tout ce qui manque à la perfection de ces grands objets, qui embrassent le plan et le système universel de la société. […] Ce n’est pas tout ; observez l’influence de son caractère sur ses talents, ou de ses talents sur son caractère ; en quoi il a été original, et n’a reçu la loi de personne ; en quoi il a été subjugué ou par l’habitude la plus invincible des tyrannies, ou par la crainte de choquer son siècle, crainte qui a corrompu tant de talents ; ou par l’ignorance de ses forces, genre de modestie qui est quelquefois le vice d’un grand homme ; mais surtout démêlez, s’il est possible, quelle est l’idée unique et primitive qui a servi de base à toutes ses idées ; car presque tous les hommes extraordinaires dans la législation, dans la guerre, dans les arts, imitent la marche de la nature, et se font un principe unique et général dont toutes leurs idées ne sont que le développement.

515. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « VII » pp. 25-29

De politique il n’en est plus question ; la loi du roulage et celle du recrutement ont tort ; quant à la loi des sucres, elle est complétement oubliée et fondue.

516. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre troisième. Découverte du véritable Homère — Chapitre VII » pp. 278-283

Mais le destin des poèmes d’Homère a été le même que celui des lois des douze tables. On a rapporté ces lois au législateur d’Athènes, d’où elles seraient passées à Rome, et l’on n’y a point vu l’histoire du droit naturel des peuples héroïques du Latium ; on a cru que les poèmes d’Homère étaient la création du rare génie d’un individu, et l’on n’y a pu découvrir l’histoire du droit naturel des peuples héroïques de la Grèce.

517. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre I. Succès de cette philosophie en France. — Insuccès de la même philosophie en Angleterre. »

Au milieu de son Esprit des lois, Montesquieu avait placé une invocation aux Muses. […] On en rencontrerait jusque dans l’Esprit des lois ; il y en a d’énormes, concertées et compassées, au milieu des Lettres persanes. […] Esprit des lois, ch.  […] Défense de l’Esprit des lois. […] Dictionnaire philosophique, passim. — En vers, Les systèmes , La loi naturelle,

518. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXVe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 321-384

Quand il vit cela, il cessa, un certain temps, de rôder dans la montagne ; mais un jour que ma sœur était seule à la maison, parce que j’avais suivi Hyeronimo et Fior d’Aliza au ruisseau pour tondre les brebis et pour laver avec eux les toisons, un petit monsieur sec, mince et noir comme un homme de loi ou comme un huissier, entra dans la cabane en saluant bien bas et en présentant un papier à ma belle-sœur. […] — Il n’y a pas besoin, dit l’homme de loi ; appelez votre fils, votre frère et votre nièce, qui ne sont pas loin ; je vais vous lire la citation moi-même. […] LXXXII — Vous êtes bien, dit l’homme de loi à mon frère, Antonio Zampognari, fils de Nicolas Zampognari et d’Annunziata Garofola, vos père et mère ? […] nous demanda froidement, la plume en main et le papier sur le genou, l’homme de loi. […] Nous baissâmes la tête et nous dîmes à l’homme de loi qui venait nous retrancher les trois quarts du bien : — Puisque les juges de Lucques, qui sont si savants, le disent, il faut bien que cela soit vrai.

519. (1894) Propos de littérature « Chapitre IV » pp. 69-110

Chaque groupe d’harmonies délimité par la tonalité forme, virtuellement au moins, dans notre système musical, un tout complet et stable, gouverné par des lois. Ces lois (celles de l’attraction des accords) sont, il est vrai, des espèces de Rythmes latents, mais, et seulement, à la manière de la pesanteur d’un objet lequel n’a d’autre force que son inertie même. […] Les harmonies, comme des Mères, sont les matrices où fructifie le verbe jaillissant du rythme ; elles nous apparaissent comme en dehors de nous : des lois spéciales les régissent sans notre œuvre, elles ne nous obéissent que dans la mesure de ces lois et, plus immobiles et plus stables que le rythme, la résistance qu’elles nous opposent nous les révèle étrangères. […] — se reflète en son esthétique et fasse de celle-ci non pas la doctrine du self-government, qui est la plus féconde et suppose d’ailleurs des lois, mais celle d’une parfaite Anarchie. […] Après le pouvoir absolu et imposé des anciennes métriques, la Poésie doit s’imposer à elle-même, en chacun de ses créateurs, des lois qui sont pour elle le socialisme, le mal nécessaire.

520. (1866) Nouveaux essais de critique et d’histoire (2e éd.)

Or, pour manifester ces perfections, Dieu doit agir par les lois les plus générales et les plus simples possibles, et l’accomplissement de ces lois peut entraîner le malheur des individus. […] Il voit avec les détails les lois qui les enchaînent. […] Il profite de toutes les passions, de toutes les vertus, de toutes les misères, véritable diplomate, calculateur obstiné, si attentif et si prudent, qu’il dupe les gens d’affaires et se joue de la loi avec la loi. […] L’important était d’y vivre selon la loi. […] Il n’y a point de lois naturelles qui enchaînent les événements ; les événements ne sont enchaînés que par la loi morale.

521. (1863) Causeries parisiennes. Première série pp. -419

la loi n’admet point ce cas de révision après la mort de l’un des condamnés. […] On vient de découvrir que cela n’est pas régulier, et qu’il y a là une contravention à la loi sur la signature. […] La loi s’en contentera-t-elle ? […] Art. 2 de la loi du 27 février 1858, dite de sûreté générale. […] Océan où tombe tout ce que laisse tomber la loi !

522. (1895) Nouveaux essais sur la littérature contemporaine

Il n’y a pas de loi si générale qu’elle ne souffre des exceptions, ou, pour mieux dire que quelque autre loi ne limite. […] Le poète rentre alors sous la loi commune. […] Et nous pouvons enfin nous représenter l’évolution de l’espèce comme étant soumise en son cours à des lois inflexibles, lois de fer et d’airain, lois analogues ou plutôt identiques, — puisqu’elles n’en sont peut-être qu’autant de cas particuliers, — à celles qui gouvernent le mouvement des mondes. […] Y verrons-nous une loi du monde ? […] Mais ne nous félicitons pas d’être obligés d’en subir les lois.

523. (1907) Le romantisme français. Essai sur la révolution dans les sentiments et dans les idées au XIXe siècle

Si l’homme est, selon la pensée d’Aristote, né social, la société est un fait de nature, qui a ses lois propres et primordiales, lois dont l’industrie humaine peut tirer un parti de plus en plus utile et étendu, comme de routes les lois naturelles, mais à condition, comme dit. […] C’est l’origine des lois. […] Il conclut que la loi doit être faite par un seul. […] La loi est la même : collabore et perpétue ! […] Il mesure avec âpreté, comme n’y participant lui-même en rien, le mensonge des mœurs et des lois, la bassesse des intérêts humains.

524. (1928) Quelques témoignages : hommes et idées. Tome I

Allons-nous retrouver dans le Rouge et le Noir, pour expliquer sa vitalité, l’application de cette même loi d’esthétique ? […] Avant la loi, il n’y avait de naturel que la force du lion, que le besoin de l’être qui a faim, qui a froid, que le besoin ». […] Gay-Lussac et Berzélius s’en étaient occupés, sans démêler sa loi. […] Il est ainsi arrivé à discerner qu’il existe des lois de la vie humaine et à reconnaître que ces lois sont conformes à celles que la coutume, cette expérience inconsciente des siècles, avait dégagées lentement et sûrement. […] Révolte tout intérieure, d’ailleurs, les mœurs et les lois n’en permettant pas d’autre.

525. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre cinquième »

Tout reconnut ses lois, et ce guide fidèle Aux auteurs de ce temps sert encor de modèle. […] Ce sont mille traits qui ne touchent pas le but, mille sens douteux, mille finesses sous lesquelles se cachent des niaiseries ; une habitude de tourner tout à l’ingénieux et à la pointe ; toutes sortes de manquements, calculés ou involontaires, à la première loi du langage, la propriété, et, toutefois, une fausse précision qui les dissimule. […] Les perfectionnements qu’il introduisit dans l’art d’écrire en vers, et dont son exemple fit des lois, ne sont pas moins dignes d’admiration par l’esprit qui les lui suggéra. […] Malherbe marqua le caractère et assura l’avenir de la haute poésie en France, le jour où il substitua au mécanisme qui permettait à Ronsard de faire deux cents vers à jeun, et autant après dîner122, un ensemble de difficultés ou plutôt un corps de lois qui devait interdire l’art aux vaines vocations, et ne le rendre accessible qu’aux poëtes vraiment inspirés. […] Ces vers si nobles et si impérieux sentent tout à la fois le poëte théoricien qui commande au nom des lois éternelles de l’art rétablies et remises en vigueur par lui, et l’homme de grand sens qui ne se fait illusion sur rien, pas même sur ce qui lui attiré l’admiration des autres hommes.

526. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre V : La religion — Chapitre II : Examen critique des méditations chrétiennes de M. Guizot »

N’est-ce pas ce que vous dites vous-même, quand vous dites : « Je ne crois pas ma pensée adéquate à l’essence des choses. » Il n’y a de science que là où la pensée est adéquate à l’objet qu’elle étudie, quand il y a connaissance effectivement et possiblement complète et claire des faits et de leurs lois, de l’enchaînement des causes et des effets ; à ces conditions seulement, la science existe, et l’esprit scientifique est satisfait. […] On voit un père aliéné ou phthisique transmettre à ses enfants la phthisie ou l’aliénation, sans qu’on puisse le considérer lui-même comme coupable du mal dont il est la source autrement : il faudrait bientôt transformer toute nos maladies en crimes ; mais s’il est des cas où l’hérédité du mal a lieu sans péché, et par une simple loi de la nature, n’est-il pas évident que c’est la même loi qui s’applique dans les autres cas, et que par conséquent il y a là, non un châtiment héréditaire, mais une simple communication du mal suivant des lois données, d’où il n’y a rien à conclure en faveur du dogme en question. […] Dès lors, si le mal dans la nature est le résultat de certaines lois physiques nécessaires, pourquoi n’en serait-il pas de même dans l’humanité, et que devient la responsabilité héréditaire ? […] Nous aurions honte d’imputer à Dieu ce dont nous aurions des remords nous-mêmes, si comme législateurs humains, nous avions porté une pareille loi.

527. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XIII. »

Callimaque fut le Pindare de cette reprise d’enthousiasme, ne célébrant plus des jeux guerriers que les Grecs n’avaient pas portés dans leurs conquêtes d’Orient, ne vantant plus ces lois équitables et cette liberté tempérée qui convenaient seulement à la royauté des races doriques, mais chantant avec une docile adoration la puissance des princes dominateurs de l’Égypte, et lui cherchant un modèle dans le pouvoir et la prudence du plus grand des dieux. […] Au lieu de ce sceptre équitable, de ce soin de cueillir la fleur des plus hautes vertus, de cette patience à supporter la plainte, de cet amour de la justice et des arts, dont Pindare félicitait Hiéron, au lieu de ces lois justes et de cette liberté paisible qu’il attendait du roi d’Etna, fils d’Hiéron, ce que Callimaque célèbre dans Ptolémée, c’est la rapidité de la puissance arbitraire, ce sont ces images, empruntées à l’Orient, d’une volonté suprême aussi promptement obéie que connue. […] Sous le nom de Jupiter, c’est le Dieu des Juifs qui est adoré ici, ce Dieu qui donne la vertu et la richesse, et qui, même par les biens terrestres, anticipe sur les promesses éternelles, selon les images fréquentes dans les livres de l’ancienne loi. […] Plus tard, ce problème reviendra et s’éclaircira dans la pensée humaine, qui, sans faire Dieu l’auteur du mal, comprendra qu’il a dû le permettre sous ses deux formes extrêmes, la douleur et le vice ; car, sans cette double épreuve, les deux lois et les deux grandeurs de l’homme, le travail et la vertu, n’auraient plus où se prendre ici-bas. […] Ces lois de décadence graduelle qui, dans les langues, assignent à certaines époques certains caractères d’élégance travaillée, de politesse subtile ou pompeuse, ne sont pas inflexibles.

528. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre IV. Des femmes qui cultivent les lettres » pp. 463-479

Il arrivera, je le crois, une époque quelconque, où des législateurs philosophes donneront une attention sérieuse à l’éducation que les femmes doivent recevoir, aux lois civiles qui les protègent, aux devoirs qu’il faut leur imposer, au bonheur qui peut leur être garanti ; mais, dans l’état actuel, elles ne sont, pour la plupart, ni dans l’ordre de la nature, ni dans l’ordre de la société. […] Leur destinée ressemble, à quelques égards, à celle des affranchis chez les empereurs ; si elles veulent acquérir de l’ascendant, on leur fait un crime d’un pouvoir que les lois ne leur ont pas donné ; si elles restent esclaves, on opprime leur destinée. […] Les hommes d’esprit, étonnés de rencontrer des rivaux parmi les femmes, ne savent les juger, ni avec la générosité d’un adversaire, ni avec l’indulgence d’un protecteur ; et dans ce combat nouveau, ils ne suivent ni les lois de l’honneur, ni celles de la bonté.

529. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre IV. Unité et mouvement »

Unité et mouvement Les deux lois essentielles sont celles de l’unité et du mouvement ; de celles-là dérivent toutes les autres. […] L’expérience de tous les pays, de tous les siècles vérifie avec éclat la loi : il apparaît, et que toujours les ouvrages transmis à l’immortalité ont leur unité, et que cette unité est obtenue par mille moyens et susceptible de mille formes. […] Il y a peu de gens qui aient le courage d’avouer que, bien comprises, ces règles valent encore aujourd’hui, et que les plus indépendants, s’ils ont un vrai sentiment de l’art, suivent d’instinct les lois qu’ils méprisent par théorie.

530. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre I. Les origines du dix-huitième siècle — Chapitre I. Vue générale »

La langue bannit donc les éléments sensibles, émotifs ou pittoresques ; on cherche à parler comme tout le monde ; on groupe les éléments du langage selon les lois universelles de l’usage, plutôt que selon la loi particulière de la personnalité. […] L’homme est remis dans la nature, soumis à ses lois ; c’est avant tout un animal, ayant des sens et des sensations ; et la sensation est la source visible d’où tout est sorti, les idées de l’individu, et par suite les institutions de la société.

531. (1890) L’avenir de la science « Sommaire »

Toute idée naît hors la loi. […] Les lois de l’état primitif identiques à celles de l’état actuel. […] Généralisation de cette loi du développement de toute vie.

532. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre neuvième. »

La providence a établi les lois qui dirigent la végétation des arbres et des blés, qui gouvernent l’instinct des animaux, qui forcent les moutons à manger les herbes, et les loups à manger les moutons. […] Est-ce sur de pareilles suppositions qu’on doit établir le précepte de la modération, précepte qui naît d’une des lois de notre nature, et que nous ne pouvons presque jamais violer sans en être punis ? […] C’est un résultat d’une des lois de la puissance divine, comme tous les météores, tous les phénomènes, ou plutôt toute la nature.

533. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Lettres d’une mère à son fils » pp. 157-170

— mais aussi comme un contre-sens dont nous subissons la loi, un ennemi que nous devons combattre, si nous ne voulons pas nous blesser à tous les angles de la création ici-bas ? […] Eh bien, ce concours de notre intelligence et de notre volonté, ce consentement éclairé de la liberté à la loi, de l’individu à l’ordre, c’est l’éducation ! […] De cette façon, ce livre n’aurait pas couru le risque d’être un après-coup perpétuel et de nous montrer la morale après l’événement, le principe après la circonstance, la loi le lendemain de l’épreuve, et l’exercice sur le champ de bataille.

534. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Henri de L’Épinois » pp. 83-97

Il a bien dit, au commencement de son volume : « qu’on avait fait remonter l’histoire de la souveraineté des Papes au seuil même du Cénacle », mais il trouve cela vague et il ne date leur pouvoir temporel que de Pépin, quoiqu’il cite plus loin une loi de Valentinien Ier qui lui paraît le premier fondement de l’indépendance et du pouvoir temporel du Saint-Siège. Or, selon moi, ce pouvoir remonte beaucoup plus haut, et, pour parler plus exactement, il ne se date d’aucune loi, mais il vient de la nature de la chose qu’on appelle le Christianisme. […] Loi absolue et irrésistible !

535. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Abailard et Héloïse »

La Philosophie ne saurait aller contre les lois qui régissent sa propre nature. Or, l’une de ces lois, c’est de s’adorer dans ses œuvres, et, comme le hibou de la Fable, aveugle d’égoïste maternité, de trouver beaux les petits monstres qu’elle a faits. […] Oddoul est l’homme de bonne volonté de son propre enthousiasme pour les deux célèbres amants, il a traduit leurs lettres parce qu’il les admirait naïvement, et qu’organisé pour la déclamation, la déclamation devait l’attirer par la loi des analogies.

536. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XIX. Abailard »

La Philosophie ne saurait aller contre les lois qui régissent sa propre nature. Or, l’une de ces lois, c’est de s’adorer dans ses œuvres et, comme le hibou de la Fable, aveugle d’égoïste maternité, de trouver beaux les petits monstres qu’elle a faits. […] Il a traduit leurs lettres, parce qu’il les admirait naïvement, et qu’organisé pour la déclamation, la déclamation devait l’attirer par la loi des analogies.

537. (1891) Esquisses contemporaines

Cette loi singulière que le Journal avait si souvent constatée sous le nom de « loi d’ironie », ne trouverait-elle pas ici son application ? […] L’esprit se perd dans l’observation de ses surfaces, de ses mouvements et de ses lois. […] Cependant la loi morale nous a toujours rassuré. […] Cette loi, nous dit-on, commande aux organismes spirituels comme aux organismes physiques. […] Il n’est de volontés réelles que celles librement soumises à une loi consentie.

538. (1907) Jean-Jacques Rousseau pp. 1-357

Demandez-le à vos injustes lois, madame. […] Et si elle est approuvée par la loi naturelle ?  […] Et si elle est autorisée par la loi naturelle ?  […] Le peuple fait la loi en tant que souverain. — Le peuple obéit à la loi en tant que sujet. — Le peuple applique la loi en tant que prince ou magistrat, en nommant, pour l’appliquer, non pas des « représentants », mais des « commissaires ». […] Le peuple impose sa loi, même en matière philosophique et théologique.

539. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. J. J. AMPÈRE. » pp. 358-386

Ampère en vint à s’établir définitivement au cœur de l’histoire littéraire comme en son domaine propre, il se trouva y apporter précisément cette faculté d’enchaînement, ce besoin instinctif des rapports et des lois, cette sagacité investigatrice des origines et des causes, dont son noble père avait fourni de si hautes preuves dans un autre ordre de vérités. […] Ce qu’en partant communément de Louis XIV et en remontant aussi haut qu’on le pouvait, on proclamait çà et là, dans les divers genres, comme des points extrêmes et des limites littéraires, n’est plus, dans la vraie perspective où il se place, qu’une suite, un rameau plus ou moins renaissant des mêmes branches, un chaînon plus ou moins brillant d’une même loi. […] En cherchant partout la loi, ne court-on pas risque quelquefois de la forcer et comme de la faire ? […] Or, tandis que l’historien en quête des lois s’occupe surtout à distinguer et introduit parfois la raison sous les erreurs, la partie folle se dissimule sous sa plume et diminue. […] La loi de décroissance dans l’ordre des hérésies et de progrès dans l’affermissement du christianisme est lumineusement aperçue.

540. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Biographie de Camille Desmoulins, par M. Éd. Fleury. (1850.) » pp. 98-122

Lois saintes, lois à jamais stables ! […] C’est à nous qui existons, qui sommes maintenant en possession de cette terre, à y faire la loi à notre tour. » Mais, comme on n’est jamais en pleine possession de cette terre, et qu’il n’y a jamais table rase complète, il faut chasser ceux qui tardent trop à nous céder la place et qui nous gênent : c’est l’œuvre qu’entreprend Camille dans son journal et à laquelle il ne cesse de se dévouer cyniquement, en décriant tout ce qui a vertu, lumières et modération dans l’Assemblée constituante, et en démolissant jour par jour cette Assemblée dans l’ensemble de ses travaux comme dans chacun de ses membres influents. […] Il avait dit : « L’Assemblée nationale a fait des fautes parce qu’elle est composée d’hommes… ; mais elle est la dernière ancre qui nous soutienne et nous empêche d’aller nous briser. » Il avait flétri, sans nommer personne, mais en traits énergiques et brûlants, ces faux amis du peuple qui, sous des titres fastueux et avec des démonstrations convulsives, captaient sa confiance pour le pousser ensuite à tout briser ; « gens pour qui toute loi est onéreuse, tout frein insupportable, tout gouvernement odieux ; gens pour qui l’honnêteté est de tous les jougs le plus pénible. […] Mais il n’a pas d’effort à faire pour s’y conformer ; sauf l’élévation qui, à un ou deux endroits, lui sort du cœur, et la verve qui, en trois ou quatre passages, est excellente, il est dans Le Vieux Cordelier ce qu’il était dans ses précédents écrits, incohérent, indécent, accouplant à satiété les images et les noms les plus disparates, accolant Moïse à Ronsin, profanant à plaisir des noms révérés, disant le sans-culotte Jésus en même temps qu’il a l’air de s’élever contre l’indigne mascarade de l’évêque apostat Gobel ; en un mot, il parle dans Le Vieux Cordelier l’argot du temps ; il a le style débraillé, sans dignité, sans ce respect de soi-même et des autres qui est le propre des époques régulières et la loi des âmes saines, même dans les extrémités morales où elles peuvent être jetées.

541. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre I. Shakespeare — Son génie »

Du reste, pendant tout le dix-huitième siècle, Voltaire fait loi. […] Il a sa loi et la suit. […] C’est là, soit dit en passant, une de ces déviations à la loi ordinaire terrestre qui font rêver et réfléchir la haute critique et lui révèlent le côté mystérieux de l’art. […] Toute la loi du goût est là. […] La haute critique seule, qui a son point de départ dans l’enthousiasme, pénètre et comprend ces lois savantes.

542. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre II. Les Normands. » pp. 72-164

Ils sont une colonie armée et campée à demeure, comme les Spartiates parmi les Ilotes, et font des lois en conséquence. […] Toute l’Angleterre apparente, la cour du roi, les châteaux des nobles, les palais des évêques, les maisons des riches, fut française, et les peuples scandinaves, dont soixante ans auparavant les rois saxons se faisaient chanter les poëmes, crurent que la nation avait oublié sa langue, et la traitèrent dans leurs lois comme si elle n’était plus leur sœur. […] Nul homme libre ne sera arrêté ou emprisonné, ou dépossédé de sa terre, ou poursuivi en aucune façon, si ce n’est par le jugement légal de ses pairs et selon la loi du pays. » Ainsi protégés, ils se relèvent et ils agissent. […] Fortescue va plus loin : il oppose, pied à pied, la loi romaine, héritage des peuples latins, à la loi anglaise, héritage des peuples teutoniques : l’une, œuvre de princes absolus, et toute portée à sacrifier l’individu ; l’autre, œuvre de la volonté commune, et toute portée à protéger la personne. […] notre terre est régie par une meilleure loi, et, à cause de cela, le peuple de ce pays n’est point dans une telle pénurie ; les gens n’y sont point non plus maltraités dans leurs personnes ; mais ils sont riches, et ont toutes les choses nécessaires pour l’entretien de leur corps.

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