C’est, je crois, Machiavel qui l’a dit : « Les hommes qui, par les lois et les institutions, ont formé les républiques et les royaumes, sont placés le plus haut, sont le plus loués après les dieux. » Napoléon est l’un de ces mortels qui, par la grandeur des choses qu’ils conçoivent et qu’en partie ils exécutent, se placeraient aisément dans l’imagination primitive des peuples presque à côté des dieux.
Elle cherchait à se faire une loi de ses devoirs ; elle souffrait, elle rêvait, elle avait dans les yeux des larmes vagues, quand elle vit un jour entrer chez elle M. de Francueil, homme jeune, aimable, élégant, amateur de musique comme elle, poudré comme il le fallait, le type d’un premier amant d’alors.
Montesquieu, après la publication de L’Esprit des lois, écrivait à l’abbé de Guasco, qui était alors en Angleterre : « Dites à milord Chesterfield que rien ne me flatte tant que son approbation, mais que, puisqu’il me lit pour la troisième fois, il ne sera que plus en état de me dire ce qu’il y a à corriger et à rectifier dans mon ouvrage : rien ne m’instruirait mieux que ses observations et sa critique. » C’est Chesterfield qui, parlant un jour à Montesquieu de la promptitude des Français pour les révolutions et de leur impatience pour les lentes réformes, disait ce mot qui résume toute notre histoire : « Vous autres Français, vous savez faire des barricades, mais vous n’élèverez jamais de barrières. » Lord Chesterfield goûtait certes Voltaire ; il disait à propos du Siècle de Louis XIV : « Lord Bolingbroke m’avait appris comment on doit lire l’histoire, Voltaire m’apprend comment il faut l’écrire. » Mais en même temps, avec ce sens pratique qui n’abandonne guère les gens d’esprit de l’autre côté du détroit, il sentait les imprudences de Voltaire et les désapprouvait.
Mais il n’est pas douteux que l’importance excessive qu’il attacha à l’irrégularité que le Bulletin des lois laisse entrevoir et que nous n’avons pas ici à démêler, n’ait influé beaucoup sur son naturel et ne donne la clef de plus d’une singularité, inexplicable autrement, dans son caractère.
Cette sorte de loi qui préside à la réputation de Voltaire s’est assez vérifiée jusqu’ici : il était très en hausse sous la Restauration, il est en baisse pour le moment, depuis qu’on sait où mènent les oppositions et les Frondes.
Il démontre sous toutes les formes, et par une quantité de considérations prises dans le cœur humain, que la morale religieuse vient sans cesse au secours de la législation civile : Elle parle un langage que les lois ne connaissent point ; elle échauffe cette sensibilité qui doit devancer la raison même ; elle agit, et comme la lumière et comme la chaleur intérieure ; elle éclaire, elle anime, elle s’insinue partout ; et ce qu’on n’observe point assez, c’est qu’au milieu des sociétés cette morale est le lien imperceptible d’une multitude de parties qui semblent se tenir par leurs propres affinités, et qui se détacheraient successivement, si la chaîne qui les unit venait jamais à se rompre.
Henry est allé plus loin, il voudrait y joindre certaines convictions intimes en fait de religion, et, nous présentant le roi par un aspect allemand et tout nouveau, il dit : Frédéric voulait la loi et la religion avec toute la puissance de son génie ; c’était à la surface de son âme seulement qu’il plaisantait sur des sujets qui ne lui paraissaient pas tenir au fond des choses, et dans la pensée que ces plaisanteries n’arriveraient jamais à la connaissance du public.
La loi des moyennes ne pourrait ici donner de résultats qu’appliquée à des sujets appartenant à une catégorie intellectuelle semblable et ne serait valable que pour cette classe.
Chose sublime et presque incompréhensible, tant elle est le renversement des lois ordinaires qui régissent l’humanité et la vie !
Le spectre de Banquo, la statue du Commandeur, me font l’effet d’apparitions moins effrayantes que cet homme, gardien taciturne de l’honneur conjugal menacé, implacable incarnation de la loi sociale. […] Weill était chez lui bien sincère ; s’il croyait surtout à la réalité de cet apostolat dévolu aux hommes de lettres, que ne réglait-il sa conduite sur cette loi du sacrifice et de l’abnégation volontaire, qui fut de tout temps le mobile des apôtres convaincus ? […] La loi nous interdisant le compte rendu des débats, nous nous bornons à emprunter à la Gazette des Tribunaux le prononcé du jugement. « Attendu que la loi qualifie de diffamation toute allégation ou imputation d’un fait de nature à porter atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne à laquelle il est imputé ; » Attendu que si, dans un article publié dans le numéro du journal le Figaro du 20 mars 1856, et dans lequel il est question de toutes les actrices de la Comédie-Française, Louis Goudall s’est exprimé sur le compte de la demoiselle Brohan d’une façon à éveiller la susceptibilité de celle-ci, cependant cet article ne contient qu’une sorte de revue, qu’une appréciation hypothétique et plus ou moins épigrammatique du genre de beauté des personnes auxquelles il s’applique, et qu’on ne saurait y voir, en ce qui touche Augustine Brohan, l’imputation d’un fait de nature à porter atteinte à son honneur ou à sa considération ; » Attendu que la forme légère et paradoxale de l’article, envisagé dans son ensemble, que la nature même du journal dans lequel il a été inséré contribuent encore, par leur peu de gravité, à enlever aux expressions dont Goudall s’est servi le caractère, la volonté et l’intention de nuire, que le législateur a voulu atteindre et punir ; » Attendu que, dans ces circonstances, l’article incriminé, bien que blâmable dans sa forme et regrettable au point de vue des convenances et du bon goût, ne peut cependant être considéré comme contenant le délit de diffamation ; » Par ces motifs, renvoie Jouvin et Goudall des fins de la plainte ; » Condamne Augustine Brohan, aux dépens. » 7.
C’est une mauvaise action que la morale condamne ; c’est un délit que la loi devrait réprimer aussi sévèrement que l’autre. […] De même que la peinture, la critique a sa perspective, et l’on ne saurait transporter violemment au premier plan ce qui, par la loi de la distance, de la lumière et de l’harmonie, doit seulement se fondre ou s’éparpiller dans l’ensemble et les détails du tableau. […] À propos d’une oraison funèbre Lorsque la justice a frappé un coupable, elle abandonne le corps du supplicié à la famille, qui obtient, de la tolérance de la loi satisfaite, le droit de le pleurer et de l’ensevelir en silence. […] Après l’exécution, l’auteur a réclamé la dépouille de son enfant, afin de lui rendre les derniers devoirs ; on croyait donc l’ouvrage enterré et… oublié, lorsque la critique, plus implacable que la loi, a procédé elle-même à l’exhumation du cadavre et l’a accroché, pour le bon exemple, à son Montfaucon hebdomadaire.
La substance, derrière les phénomènes, s’est anéantie ; il ne reste qu’une fantasmagorie inconsistante et bien réglée, à laquelle notre habitude sert de loi, notre habitude ou, en d’autres termes, la nécessité constitutive de notre esprit. […] La douleur de créer est une loi sévère. […] Il ne dénature pas la réalité capricieuse et redondante, et incertaine : il lui impose cependant une dialectique, celle qu’il a trouvée en elle, et qui obéit à des lois, et qui comporte aussi du hasard. Telle, une branche d’arbre pousse, obéit aux lois d’une essence et confie aux fantaisies du hasard les menus détails de son dessin. […] Et c’est fait, du jour qu’on a pris son parti de placer la réalité dans les symboles, non dans leur révélation secrète, dans la nature, et non dans le mystère de ses lois.
Shakespeare n’a pas échappé à cette loi. […] On s’y moque de ceux qui ne sont pas assez libres et assez hardis pour transgresser les lois de la pudeur et des convenances. […] le monde serait sous la loi des rapières, Et les plus grands héros les plus grands assassins ! […] Ils finissent par se reconnaître les uns les autres, deux par deux, et par reconnaître aussi que le mieux est de laisser faire les choses et de s’abandonner à la bonne loi naturelle. […] Subissons la loi qui nous désincorpore.
Quand il expose, il n’est pas seulement clair, il est lucide. (1841) XCVI Lors de la dissolution du ministère du 6 septembre (Molé, Guizot), il s’agissait, après le rejet de la loi de disjonction et l’infirmité silencieuse de M. […] La force sociale, dans ces sortes de remuements, est sourde ; elle agit comme ferait une loi physique. […] CXCVII On ne saurait se le dissimuler, les absurdités d’un temps deviennent l’objet sérieux des études d’un autre temps ; et comme on ne veut pas avoir l’air de s’appliquer gravement à des absurdités, on suppose à celles-ci des raisons secrètes et des lois profondes qui n’y furent jamais.
Baudrillart a publié sur Bodin, et je ne puis mieux faire que d’y renvoyer… J’ai hâte d’en venir chez La Boétie au jeune homme mûr, guéri de sa première fièvre, au bon citoyen, ami et gardien des lois de son pays, et au frère d’alliance de Montaigne.
Montesquieu, pendant la conception et l’effort de L’Esprit des lois, ne semblait encore qu’un homme de beaucoup d’esprit à la plupart de ses plus sérieux contemporains.
Les grands objets s’annonçaient à lui d’une manière de plus en plus imposante et douce, et proportionnée à son état présent : « J’ai mille preuves réitérées que la Providence ne s’occupe, pour ainsi dire, qu’à me ménager. » Il était d’ailleurs tellement inapplicable et impropre aux choses positives, que dans le second trimestre de l’an IV, ayant été porté sur la liste du jury pour le tribunal criminel de son département, il crut devoir se récuser par toutes sortes de raisons qui, si elles étaient admises, paralyseraient la société : Je ne cachai point mon opinion ; je dis tout haut que, ne me croyant pas le droit de condamner un homme, je ne me croyais pas plus en droit de le trouver coupable, et que sûrement, tout en obéissant à la loi qui me convoquait, je me proposais de ne trouver jamais les informations et les preuves assez claires pour oser disposer ainsi des jours de mon semblable.
Une telle prose savante s’impose autant d’entraves et de lois secrètes que la poésie.
Par la manière dont il traite en Égypte les vieillards et les chefs de la loi, les notables habitants et le peuple, Bonaparte prélude à ce qu’il fera bientôt en France à l’égard de la religion et des croyances nationales.
Les républicains n’ont pas pris le change : si quelques droits précieux ont été passagèrement suspendus, si quelques formes ont été violées, si quelques parties de la liberté ont été froissées, nous en accusons le royalisme ; c’est lui qui nous a poussés dans ces défilés où le danger semblait motiver l’oubli momentané de la loi.
Il y a une loi, je le répète, pour ces sortes de réhabilitations ; les multiplier à tout propos et hors de mesure, ce n’est pas enrichir l’histoire littéraire, c’est l’encombrer.
Le monde est fait ainsi ; loi suprême et funeste !
Établissez après cela des lois générales, et venez trancher sur des questions qu’il eût suffi d’une découverte imprévue et inespérée pour résoudre en sens contraire !
La première Grèce était simple dans son principe architectural ; ce principe, c’était la ligne horizontale, la plate-bande (comme on dit en termes techniques) posant horizontalement sur deux points d’appui verticaux ; la stabilité résultait des simples lois de la pesanteur, sans qu’il fût besoin de l’adhérence des matériaux.
Il y voit à nu et y éprouve la bassesse, la cupidité humaine, les plus viles passions, telles qu’elles se montrent sans pudeur et sans honte lorsqu’elles ne sont corrigées et averties par rien, ni par l’honneur, ni par les lois.
À mesure qu’on s’est éloigné d’Homère, on l’a pris tout à faux ; on a vu chez lui un auteur, un homme qui a composé un poème d’après un plan régulier, et là-dessus on s’est mis à raisonner, à inventer des beautés qui n’en sont pas, des explications subtiles dont on a fait des lois.
Qu’on regrette qu’il y ait eu interruption depuis deux cents ans déjà avec les sources premières du moyen âge et que la déviation ait été si profonde, je le comprends ; mais qu’on en fasse un crime à de jeunes hommes qui n’ont eu encore le temps que d’embrasser et d’épouser un seul ordre d’études, le plus noble de tous, et qui, la plupart, vont s’y consumer par trop de zèle et s’y dévorer, cela est souverainement injuste, et c’est méconnaître le rôle et la vocation assignés par la nature des choses et par la loi de l’histoire aux générations successives.
Il décerne à François Ier tous les éloges qui lui sont dus à cet égard, pour avoir commencé à restituer le langage français en sa dignité, et en avoir fait l’interprète public de la loi et de l’enseignement, au moins au Collège de France.
Le poëte trouve la région où son génie peut vivre et se déployer désormais ; le critique trouve l’instinct et la loi de ce génie.
En un mot, ce ne sont en littérature aujourd’hui que vocations factices, inquiètes et surexcitées, qui usurpent et font loi.
Puis il inaugure, avec Marguerite, mais dans une forme plus parfaite, la poésie moderne, dont la loi est vérité et sincérité : cette œuvre toute de circonstance et d’actualité est éminemment vraie et sincère.
On s’est parfois singulièrement trompé sur l’attitude de Corneille à l’égard des fameuses règles : on a plaint trop facilement ce grand génie ligoté par de pédantesques lois, et se débattant en vain contre leur fatale contrainte.